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Maurice PILLET CFPIM Docteur HDR en Sciences de l’Ingénieur Agrégé en Génie Mécanique Ancien élève de l’ENS de Cachan Professeur à l’IUT d’Annecy (OGP) Six Sigma Comment l’appliquer Éditions d’Organisation, 2004 ISBN : 2-7081-3029-3

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Maurice PILLET

CFPIM

Docteur HDR en Sciences de l’Ingénieur

Agrégé en Génie Mécanique

Ancien élève de l’ENS de Cachan

Professeur à l’IUT d’Annecy (OGP)

Six Sigma

Comment l’appliquer

Éditions d’Organisation, 2004

ISBN : 2-7081-3029-3

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Chapitre 1

Six Sigma,un outil de la performance

1. Six Sigma ?

1.1 L’objectif de Six Sigma

Six Sigma a été initié aux États-Unis dans les années 1980 chezMotorola. Cette démarche a tout d’abord consisté en l’application desconcepts de la Maîtrise statistique de processus (MSP/SPC) et s’estensuite largement étoffée en intégrant tous les aspects de la maîtrise dela variabilité. Au fur et à mesure de sa diffusion dans les autres entre-prises (notamment General Electric), Six Sigma s’est également struc-turé en associant davantage à sa démarche les éléments managériauxet stratégiques. C’est aujourd’hui une approche globale de l’améliora-tion de la satisfaction des clients, ce qui n’est pas tout à fait la mêmechose que l’amélioration de la qualité. Se fondant sur cette meilleure

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satisfaction du client, la méthodologie Six Sigma est source d’accrois-sement de la rentabilité pour l’entreprise en cumulant les effetssuivants :

• une diminution des rebuts, retouches, et plus généralement descoûts de non-qualité ;

• une amélioration de la disponibilité des machines et du taux derendement synthétique (TRS) ;

• de meilleures parts de marché consécutives à l’amélioration de laqualité des produits.

Il est aujourd’hui difficile pour une entreprise, qu’elle soit industrielleou de service, d’ignorer Six Sigma. Il est possible de choisir – enconnaissance de cause – de ne pas l’appliquer dans son entreprise,mais on doit connaître les fondements de cette démarche.

Un des principes de base de Six Sigma est la réduction de la variabilité.En effet, l’insatisfaction d’un client résulte toujours d’un écart entreune situation attendue et une situation réelle. Cet écart provient engrande partie de la variabilité des processus, qui trouve son origine,notamment, dans :

• les variabilités sur les matériaux ;

• les variabilités dans les procédures ;

• les variabilités sur les conditions dans lesquelles évolue le pro-cessus…

Ces variabilités font partie de la nature même du vivant. Ce sont ellesqui donnent cette formidable diversité qui nous entoure. Dans le tra-vail d’un artiste, on recherchera cette folle variabilité qui fonde l’uni-cité de l’œuvre. Mais d’un point de vue industriel, on doit lutter contreces incidences et cela nécessite un effort considérable et structuré.L’objectif de Six Sigma n’est autre que de concentrer les caractéristi-ques du produit vendu autour de la cible attendue par le client(figure 1.1).

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Figure 1.1 – Six Sigma et la réduction de la variabilité

Cette approche globale se décline de plusieurs façons. Six Sigma,c’est :

• une certaine philosophie de la qualité tournée vers la satisfactiontotale du client ;

• un indicateur de performance permettant de savoir où se situel’entreprise en matière de qualité ;

• une méthode de résolution de problèmes en quatre à huit étapesselon les auteurs1 dont l’objectif est de : (Recognize) (Définir),Mesurer, Analyser, Innover/Améliorer, Contrôler, (Standardiser)(Intégrer), approche qui permet de réduire la variabilité etd’atteindre la cible sur les produits ou dans les services ;

• une organisation des compétences et des responsabilités deshommes de l’entreprise ;

• un mode de management par la qualité qui s’appuie fortementsur une gestion par projet.

Pour comprendre Six Sigma, on doit bien cerner ces différents aspects.En effet, l’application de Six Sigma peut prendre différentes dimen-sions, de la simple démarche de résolution de problèmes à une vérita-ble stratégie pour l’entreprise. La différence entre ces deux applicationsextrêmes réside dans la démultiplication de la démarche et la structurequi est mise en place pour organiser et piloter les chantiers.

1. Par exemple, la version Six Sigma de Mikel HARRY en 1997 – The Vision of Six Sigma – com-portait quatre étapes. Le même auteur étend ces quatre étapes en huit dans Six Sigma TheBreakthrough Management Strategy publié en 2000.

Insatisfaction Insatisfaction

SpécificationsCible Cible

Avant Six Sigma Après Six Sigma

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Le premier point que l’on doit avoir à l’esprit dans une démarche SixSigma est la satisfaction du client. Un projet Six Sigma doit apporterune amélioration significative au client. Pour cela, on doit s’intéresserà ce que souhaite réellement le client, non pas à ce qu’on pense qu’ilsouhaite. Il faut être capable de déterminer les caractéristiques criti-ques pour la qualité (CTQ, pour Critical To Quality) afin de fixer unecible et une plage de tolérance.

Atteindre un niveau de qualité satisfaisant la demande des clients estbien entendu l’objectif de toutes les entreprises. Mais commentmesure-t-on la façon dont on atteint cet objectif ? Un des principes deSix Sigma est que l’on ne connaît pas grand-chose d’un système si l’onne sait pas le mesurer. C’est donc une des premières étapes que l’ondevra franchir : mesurer le niveau à partir duquel les CTQ (Critical ToQuality) atteignent leur objectif en mesurant le z du processus. Ce z,que nous définirons dans cet ouvrage, nous permettra de mesurer ledegré de satisfaction des clients (figure 1.2). Plus le z est élevé, plus lasatisfaction est grande. Une démarche Six Sigma projette d’atteindre unniveau de z qui dépasse 6, ce qui correspond à moins de 3,4 défautspar million d’opportunités.

On considère généralement qu’une entreprise traditionnelle a unniveau de qualité z = 4, ce qui correspond à 6 210 défauts par milliond’opportunités ! L’amélioration visée par la démarche Six Sigma serade ramener ce nombre de défauts à moins de 3,4 défauts par milliond’opportunités sur les défauts critiques pour le client. On conçoit aisé-ment l’amélioration de l’image de marque qui s’ensuit, et l’accroisse-ment des profits qui en résultera.

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Figure 1.2 – Niveau z de la qualité

Pour atteindre cet objectif, on utilisera une démarche de résolution deproblème bien cadrée. La formalisation d’une démarche structurée àl’intérieur d’une entreprise offre plusieurs avantages :

• elle permet de servir de guide dans l’avancement de la résolutiondu problème ;

• elle permet de se doter d’un langage commun à tous les acteursde l’entreprise ;

• elle favorise la démultiplication des actions à un coût de forma-tion réduit.

Cependant, le fait de mieux formaliser une démarche de résolution deproblème ne suffit pas à créer une stratégie d’entreprise. Il faut êtrecapable de démultiplier les chantiers pour atteindre l’aspect straté-gique. Six Sigma intègre donc tous les aspects de cette démultiplica-tion, au travers :

• du rôle et de la formation des hommes,

• de la formalisation de la démarche,

• de la gestion de projets,

• des objectifs stratégiques qui seront fixés.

Niveau de qualité zNombre de non-conformité par million d’opportunités

1 697 672

2 308 770

3 66 811

4 6 210

5 233

6 3,4

7 0,019

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L’impact de Six Sigma dépasse la simple amélioration de la qualité desproduits de l’entreprise. Son objectif est financier. Six Sigma a pourobjectif d’améliorer la performance globale de l’entreprise, par le biaisde quatre actions spécifiques :

• l’augmentation de la satisfaction des clients et une plus grandefidélisation par une meilleure qualité ;

• la réduction des dépenses en abaissant fortement le nombre derebuts, retouches et gaspillages ;

• l’optimisation de l’utilisation des actifs de l’entreprise en aug-mentant le taux de rendement synthétique (TRS) des moyens deproduction ;

• l’augmentation du chiffre d’affaires consécutif à la réduction descoûts et à l’amélioration de la qualité.

1.2 Six Sigma : une stratégie de percée

Si l’on veut réellement progresser, il faut être ambitieux. On n’entre-prend pas une démarche Six Sigma pour gagner quelques euros, maisdes dizaines de milliers d’euros. Avant d’entreprendre une action, ilfaut se poser la question dans les termes suivants : Est-ce que ça vautle coup (coût) d’y aller ?

Six Sigma n’a pas pour vocation d’être un outil d’amélioration conti-nue. D’autres approches telles que le Kaizen le font déjà très bien. SixSigma doit permettre d’opérer une véritable percée. On peut illustrercette différence entre progrès permanent et progrès par percée par letriste cas des décès sur les routes. Pendant que dans le sud de l’Europeon se contentait de faire de l’amélioration permanente (améliorationdes véhicules, suppression des points noirs…), le nord de l’Europe uti-lisait des méthodes qui remettaient en cause la place de l’automobiledans la société. Le résultat est flagrant avec un nombre de décès deuxfois plus important pour ceux qui se sont limités à faire de l’améliora-tion continue.

L’introduction de Six Sigma traduit en partie cette évolution avec lavolonté de changer de rythme dans l’amélioration de l’entreprise.L’amélioration continue est nécessaire, mais les logiques de l’améliora-

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tion continue ne permettent pas d’effectuer une percée ; pour cela, ilfaut procéder à une remise en cause plus fondamentale, il faut remettreà plat le processus, le produit ou les mentalités.

Cette percée n’implique pas forcément une révolution dans la manièrede faire, ce peut aussi bien être la somme de petites actions résultantd’un changement dans la manière d’être. Par exemple, le strict respectdes limitations de vitesse sur la route permettrait sans doute de faireune véritable percée en matière de nombre de tués sur les routes. Maiscela nécessite une rééducation complète de la plupart des automobilis-tes. C’est dans cette rééducation que réside la percée.

1.3 Six Sigma et l’amélioration continue

Attention, la remarque précédente n’est pas une condamnation del’amélioration continue, mais on doit parvenir à un équilibre entre lesactions d’amélioration continue et les actions d’amélioration par per-cée. La variance globale du système – et donc son inertie – repose surla somme de très nombreux facteurs de variabilité tout au long du pro-cessus. Toutes les petites améliorations apportées semblent souventinsignifiantes au regard des enjeux stratégiques de l’entreprise. Pour-tant, l’addition de petites améliorations, mais en nombre très impor-tant, contribue à diminuer les facteurs de variabilité du processus etagit finalement de façon considérable sur les coûts et sur les délais.

De plus, ces petites améliorations sont souvent apportées sans qu’il encoûte quoi que ce soit, voire contribuent à la diminution des coûts etdes gaspillages.

Le plus à même d’améliorer son poste de travail est souvent l’opéra-teur lui-même. C’est le principe du Kaizen : mettre en œuvre un pro-cessus d’amélioration permanente en utilisant les réflexions et lesénergies de tous les personnels. « Lorsqu’on emploie un collaborateur,on emploie une force musculaire mais aussi une force intellectuelle. Sivous vous contentez d’exploiter la force musculaire, quel gâchis ! »Cette réflexion, qui nous a été faite par un responsable de l’entrepriseSuzuki au Japon, est révélatrice d’une grande différence dans la façondont une entreprise performante et une entreprise traditionnelle con-çoivent le rôle du personnel opérationnel.

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Bien que Six Sigma s’inscrive dans une logique d’amélioration par per-cée, on ne doit pas opposer cette démarche à celle de l’améliorationcontinue. On verra notamment que, dans la phase d’analyse, on doitrechercher à limiter les variabilités du processus en agissant sur unesomme de petites modifications sans coût mais qui – au final – appor-tent une grande réduction de variabilité.

1.4 Six Sigma : évolution ou révolution ?

Six Sigma a sans aucun doute provoqué une révolution dans lamanière d’aborder la qualité en appréhendant les choses de façon pluséconomique, en se tournant davantage vers le client. Mais tout celaexistait déjà dans un certain nombre d’approches. De même, lorsqu’ondétaille les méthodes et les outils utilisés dans une démarche SixSigma, on ne trouve rien de bien nouveau. Tous ces outils étaient dis-ponibles depuis fort longtemps pour la plupart.

Ce qui est réellement nouveau, c’est la fédération en une approche glo-bale de l’ensemble des courants de pensées novateurs, disséminésjusqu’alors, en matière de qualité, d’outils et de méthodes. Et ce, enprenant en compte tous les aspects du pilotage d’un système : pilotagestratégique, tactique, opérationnel.

Si on peut parler de révolution en matière de Six Sigma, c’est bien danscet aspect fédérateur qu’il faut le chercher. Comment peut-on utiliser lapuissance colossale des outils déjà à notre disposition pour améliorerla performance industrielle ? Comment déployer l’utilisation de cesoutils au-delà du cercle restreint des quelques initiés aux méthodesstatistiques ? Comment coordonner toutes ces démarches dans unestructure industrielle ? Ce sont ces questions qui n’avaient pas été cor-rectement posées qui trouvent désormais une réponse avec Six Sigma.

Mais parler de révolution peut être dangereux. En effet, le mot révolu-tion signifie souvent faire table rase de ce que l’on faisait auparavant.Or, s’il existe bien un danger, c’est celui-là. Six Sigma s’inscrit dansune logique d’évolution en matière de qualité. Nous insisterons sur lescomplémentarités fortes entre Six Sigma et les autres approches del’amélioration des performances industrielles, telles que l’ISO 9000, le

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Kaizen, l’approche Lean Management… Il s’agira pour le manager – etc’est là toute la difficulté – d’exploiter au mieux ces complémentaritésen fonction de l’historique de sa société.

2. Six Sigma dans un environnement qualité

2.1 Six Sigma dans un contexte ISO 9000 ou EFQM

Durant la dernière moitié du XXe siècle, les hommes ont cherché àmieux formaliser cette notion de « qualité » en s’intéressant à ses deuxaspects :

• l’amélioration du résultat, autrement dit en veillant à la qualitédu produit ;

• l’amélioration du processus qui conduit au résultat.

Six Sigma s’inscrit parfaitement dans cette dynamique de progrès enmatière de qualité, et la façon dont on conçoit aujourd’hui Six Sigmatraduit l’héritage de tous les progrès antérieurs. Certains auteurs ontcru pouvoir opposer des démarches telles que la certification ISO 9000et une approche Six Sigma ; c’est probablement une erreur.

Dans les différentes évolutions de l’ISO 87, 94, 2000, la façon d’abor-der la qualité a profondément évolué et la dernière version offre unpoint de vue extrêmement favorable au développement de Six Sigma.En effet, alors que les versions 87 et 94 étaient tournées vers les princi-paux dysfonctionnements d’une entreprise, la version 2000 est résolu-ment tournée vers la satisfaction du client au travers d’uneorganisation en processus.

En mettant en place une certification ISO 9000 version 2000, une entre-prise est tenue de se poser les questions suivantes : Que souhaite réel-lement mon client ? Comment mesure-t-on ce niveau de satisfaction ?Comment notre organisation en place permet d’atteindre ce niveau desatisfaction ?

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La mise en place de l’ISO donne une réponse un peu statique à cesquestions en décrivant l’organisation des processus en place. Mais ellepose déjà la question plus dynamique qui concerne les démarchesqu’entreprend l’industriel pour améliorer la satisfaction des clients. Enrevanche, l’ISO ne propose pas et n’impose pas une démarche concrètequi permettrait de créer cette dynamique de progrès.

Six Sigma donne le moyen de créer cette dynamique. Il peut représen-ter le moteur de l’ISO : à savoir, améliorer les processus en partant dubesoin du client. Pour ce faire, Six Sigma va s’appuyer sur ladécomposition en processus de l’ISO 9000, mais en allant beaucoupplus loin dans la description. On cherchera à mettre en évidence lescaractéristiques essentielles dans ce domaine, tant au niveau de la sor-tie (les CTQ – pour Critical To Quality) que des entrées (les X essen-tiels).

Six Sigma est une méthode capable de résoudre des problèmes ponc-tuels afin d’améliorer la satisfaction des clients. Son fondement mêmeest la réduction de la variabilité dans les processus. De ce point de vue,en forçant les entreprises à décrire leur fonctionnement, les démarchesqualité fondées sur des référentiels ont le même objectif : réduire lavariabilité… dans la méthode. En effet, lorsqu’aucun processus n’estdécrit, il y a fort à parier que la façon de le conduire subira des varia-tions dans le temps nuisibles à la satisfaction du client.

En aucun cas, nous n’avons trouvé d’opposition entre ces deux appro-ches qui nous semblent au contraire parfaitement complémentaires. Laréduction de la variabilité passe par la description des processus et parle fait d’apporter la preuve que les écarts entre la description et les faitssont faibles. C’est le rôle de l’ISO, c’est aussi le rôle de Six Sigma parune démarche volontaire et dynamique de progrès.

2.2 Six Sigma et la variabilité

La notion de qualité est étroitement liée à celle de variabilité. Certainsvont même jusqu’à définir la non-qualité comme une variabilité parrapport à une référence attendue. Or la lutte contre la variabilité est undes concepts de base de Six Sigma. Tout variabilité importante quiaffecte la conformité d’un produit ou d’un composant doit alimenter

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les deux moteurs du progrès de l’entreprise : l’amélioration continue etl’amélioration par percée. Chaque non-conformité qui apparaît dans leprocessus est révélatrice d’une faiblesse de ce dernier. Lorsqu’une non-conformité est mise au jour, deux principes doivent s’appliquer.

• Principe de l’iceberg : l’information contenue dans la non-con-formité est révélatrice d’un problème sans doute beaucoup plusgrave. La non-conformité visible n’est que la partie visible d’uniceberg. En quoi mon système de production a-t-il failli ?Comment faire pour que ce problème n’arrive plus ? Pour cela,on ne doit pas se contenter de « YAQUA FAUQUON », mais ondoit s’assurer de remonter à la source du problème. Lorsqu’unenon-conformité apparaît, Ohno, le grand maître japonais de laqualité et de la gestion de production, qui a effectué à partir desannées 1950 toute sa carrière chez Toyota Motors Company, pré-conise de se poser cinq fois la question « Pourquoi ? » afin debien remonter à la racine du problème. Un défaut doit être para-doxalement le bienvenu car c’est une source de progrès.

• Principe de la bougie magique : une non-conformité est commeune bougie magique que l’on met sur les gâteaux d’anniversairedes enfants ; vous avez beau l’éteindre, elle se rallume toujours !Pour réellement pouvoir l’éteindre, il faut aller plus loin que lesactions traditionnelles, il ne suffit pas de souffler dessus. 80 %des défauts traités par les services qualité sont des problèmesrécurrents. Il faut une analyse fine de chaque non-conformité.Est-ce du domaine de l’amélioration continue ? de la percée ? Enquoi les modifications apportées au processus ou au produit medonnent la garantie que j’ai éteint de manière définitive labougie ?

3. Six Sigma dans un environnement Lean Management

Le Lean Management a pour objectif d’améliorer la performanceindustrielle tout en dépensant moins. Le problème est un peu le mêmeque pour un sportif qui cherche à obtenir une performance maximaleen réduisant le plus possible l’énergie consommée. Pour illustrer cette

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comparaison, prenons le cas d’un débutant en ski de fond qui exécuteun « pas de skating ». Maîtrisant mal son équilibre, il va dépenser uneénergie considérable qui ne se traduira pas en vitesse d’avancement, etil sera épuisé après quelques kilomètres. Au fur et à mesure de ses pro-grès dans la justesse de ses gestes, dans son équilibre, dans la lecturede la piste, il va pouvoir concentrer son énergie sur la seule perfor-mance utile : sa vitesse d’avancement. Au total, pour la même dépenseénergétique, on peut facilement multiplier sa vitesse par un facteur 3simplement en éliminant les gaspillages énergétiques. Le même pro-blème se pose aux entreprises industrielles : Comment améliorer notreperformance sans consommer plus d’énergie ?

Figure 1.3 – Complémentarité Lean et Six Sigma

Pour atteindre ce niveau dans une entreprise, on doit s’appuyer sur uncertain nombre de points clés :

• la suppression de tous les gaspillages ;

• une production en flux tendus ;

• une gestion de la qualité favorisant l’amélioration continue etl’amélioration par percée ;

Lean sans Six SigmaProduction rapidemais de faible qualité

Lean Six SigmaProduction de qualitéà faible coût

Six Sigma sans LeanProduction de qualitémais avec beaucoupde non-valeur ajoutée

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• la réduction des cycles de développement des produits ;

• une attitude prospective vis-à-vis de ses clients.

Sur un poste de production, les sept principales sources de gaspillagesont identifiées : on les appelle les 7 Muda (gaspillage en japonais).

1. Surproduction : on continue à produire alors que l’ordre defabrication est soldé.

2. Attentes : l’opérateur passe un pourcentage de temps importantà attendre la fin des cycles de la machine. Les temps de cycles nesont pas équilibrés, les processus ne sont pas en ligne.

3. Déplacements inutiles : par exemple lorsqu’une surproduction aété réalisée, on doit emmener le surplus dans le stock puis le res-sortir, d’où deux déplacements sans apport de valeur ajoutée.

4. Opérations inutiles : tendance de tous les opérateurs à atteindredes niveaux de spécification qui vont au-delà des attentes desclients. Cela est particulièrement vrai pour des défauts visuels. Ilen résulte une augmentation des temps de production, du nom-bre de retouches, de rebuts, et donc des coûts. D’où l’intérêt deparfaitement définir le niveau attendu pour chaque spécificationet de se donner les moyens de mesurer correctement ces spécifi-cations.

5. Stocks excessifs : outre les aspects coûts, les stocks excessifsconduisent à des gaspillages de temps pour retrouver la réfé-rence.

6. Gestes inutiles : par une mauvaise conception des postes de tra-vail, on diminue considérablement l’efficacité de ces derniers enimposant des déplacements, des gestes, des transports inutiles.

7. Défauts : le processus génère de la non-valeur ajoutée, il fautattendre pour avoir de nouvelles matières premières, les défautspeuvent ne pas être vus alors que l’on passe à l’opération sui-vante.

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Figure 1.4 – Réduction des cycles de production avec Lean Six Sigma

La réduction de tous ces gaspillages doit se traduire par une réductionconsidérable des cycles de production (figure 1.4). Certaines entrepri-ses ont adopté Lean Six Sigma en tant que démarche globale. Cela con-siste à adopter le Lean Management en le combinant avec la logique etla dynamique de progrès fournies par Six Sigma. L’approche Six Sigmaapporte sa méthodologie rigoureuse dans l’approche de l’améliorationdes délais de production et de réduction des gaspillages. Elle apporteégalement la structure managériale qui fait toute sa force. En effet,comme nous avons pu le souligner dans les premières lignes de ce cha-pitre, Six Sigma n’est pas qu’une méthode : c’est aussi une façond’organiser l’entreprise afin que l’on puisse être en mesure de réaliserdes « percées ».

4. Intégrer Six Sigma dans une démarche de performance industrielle

On vient de voir que Six Sigma s’intègre parfaitement dans un environ-nement qualité, dans un environnement Lean Production et mêmedans un environnement Supply Chain. C’est donc véritablement unoutil de la performance industrielle !

Délai de production

Fréquence

Avant Six SigmaAprès Six Sigma

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Aujourd’hui, pour continuer à jouer son rôle, l’entreprise doit être sanscesse en mouvement, s’adapter aux conditions changeantes, améliorerson niveau de qualité. Elle doit s’attaquer aux problèmes majeurs,éteindre des incendies, préparer les produits de demain mais avec desressources limitées.

Pour tenir ce pari, il faut donc être « Lean » dans l’organisation. Il fautaméliorer la productivité dans la conduite d’actions de progrès.Comment résoudre rapidement tous ces problèmes qui se posent ?Comment gérer l’ensemble des projets qui sont conduits dansl’entreprise ? Comment coordonner tous ces projets afin qu’ils restentcohérents avec la stratégie de l’entreprise ?

Répondre à toutes ces questions, c’est précisément l’objectif de la miseen place d’un programme Six Sigma.

Mais pour réussir, il est important que les entreprises comprennent àquel point les valeurs et la philosophie de Six Sigma peuvent différerdes croyances, valeurs et priorités sur lesquelles on met l’accent avantle déploiement de Six Sigma. Pour implémenter Six Sigma, il faut êtreouvert, prêt au changement, avide d’apprendre.

On ne change pas la culture par des incantations : les valeurs reposentsur des croyances et pour changer les valeurs il faut changer les croy-ances. Le cycle de changement commence par la mesure. HARRY2 nousdit : « De nouvelles mesures apportent de nouvelles données, de nouvel-les données apportent de nouvelles connaissances, de nouvelles con-naissances apportent de nouvelles croyances et de nouvelles croyancesapportent de nouvelles valeurs. » C’est en se fondant sur ces nouvellesvaleurs que l’on pourra créer les changements profonds capables demettre l’entreprise sur le chemin de la performance industrielle.

2. HARRY M., SCHROEDER R., Six Sigma – The Breakthrough Management Strategy, Doubleday,2000.