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Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
GESTEPRO
Gestion des Enjeux de Sante et de sécurité
au Travail dans l’Enseignement PROfessionnel
Rapport d’étude
En partenariat
Mars 2013
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
Rectorat de l’académie de Nantes 2013 Page 2 sur 125
Préambule …
Depuis 1993, le Rectorat de Nantes développe, avec le soutien de la CARSAT, des
actions de formation à l’enseignement de la santé et de la sécurité au travail pour
les enseignants des filières professionnelles. Le comité de pilotage académique qui
coordonne ces actions de formations a voulu, en 2010, engager une première étude
afin d’avoir un retour sur l’effectivité des pratiques en matière de santé et de
sécurité au travail et sur la perception qu’en ont les acteurs, notamment les
enseignants et les apprenants.
En 2010, la problématique et les méthodes de travail ont été élaborées et deux
premiers terrains ont été étudiés (lycées professionnels dans le secteur de l’hôtellerie-
restauration). Il a alors été décidé de poursuivre cette étude et de l’étendre à
d’autres secteurs d’activités (industrie, BTP, services) et aux formations par
apprentissage. Quatre établissements ont accueilli cette étude en 2012.
Cette étude a été réalisée par la société Resecum en collaboration avec l’Université
de Nantes (Laboratoire de Psychologie des Pays de la Loire) sous la responsabilité du
Rectorat de Nantes et avec le soutien de la CARSAT, de la DIRECCTE et de la Région
des Pays de la Loire.
Elle a pour objet de caractériser la perception et les enjeux de Santé et de Sécurité
au Travail (S&ST) dans l’enseignement professionnel du point de vue des acteurs
(direction, agents, professeurs, élèves, apprentis) et de proposer des axes de
réflexion pour un projet d’amélioration des pratiques et notamment des soutiens
apportés aux établissements.
Vos contacts pour plus de renseignement sur ce travail :
Jean-Pierre Moreau, DAFPIC, maître d’ouvrage de l’étude : [email protected]
Claude Angora, IEN ET, coordonnateur des actions ES&ST : [email protected]
Xavier Michel, maître d’œuvre, société Resecum : [email protected]
Nous remercions tous les acteurs et plus particulièrement les directeurs des
établissements qui ont accepté de nous accueillir pour ce travail, les professeurs, les
enseignants-formateurs, les agents, les élèves, les apprentis, pour le temps consacré
et la qualité de leurs réflexions et témoignages. Merci également à tous les
enseignants qui ont bien voulu répondre à l’enquête via internet.
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L’étude GESTEPRO en résumé…
L’objet
L’étude GESTEPRO (Gestion des Enjeux de Santé au Travail dans l’Enseignement
PROfessionnel) a eu pour objet de recueillir la perception qu’ont les acteurs
(responsables, agents, enseignants, apprenants) des établissements d’enseignement
professionnels, des enjeux et des pratiques en matière d’enseignement de la santé
et de la sécurité au travail (S&ST). Ces perceptions ont été confrontées au dispositif
de prescription en la matière (réglementation, référentiels, …) dans une perspective
pluridisciplinaire de la relation organisation / pédagogie / santé / sécurité / travail et
métier.
La méthode
Entre 2010 et 2012, nous avons rencontré dans le cadre d’entretiens individuels ou
collectifs, 150 apprenants, 12 chefs d’établissement/adjoints et chefs de travaux, 36
enseignants, 12 personnels de santé/prévention et d’inspection. Par ailleurs 800
élèves et 110 enseignants ont répondu à un questionnaire sur leur perception des
enjeux et des pratiques en matière de S&ST. Les observations recueillies ont été
analysées selon les méthodologies des sciences humaines et sociales. Les acteurs
rencontrés provenaient des différentes filières de l’hôtellerie restauration, du BTP, de
l’industrie et des services à la personne ou de restauration collective.
Les résultats & perspectives
L’ensemble des acteurs perçoivent cet enjeu de S&ST comme important. On
observe une généralisation des enseignements dans ce domaine dans des
établissements que les apprenants perçoivent comme étant « sûr-sécurisés » par
rapport au monde de l’entreprise. Ils soulignent les différences de pratiques en la
matière entre petites et grandes entreprises plus investies sur ces questions. Pour les
apprenants et particulièrement pour les apprentis, les exigences de productivité sont
un frein à la mise en œuvre des pratiques de S&ST enseignées qui sont par ailleurs
perçues comme trop éloignées de la pratique et réduites à une approche centrée
sur l’individu (port des équipements de protection et comportement). L’optimisation
de l’articulation enseignement pratique et théorique est difficile à mettre en œuvre
pour les enseignants. Les axes de progrès proposés devraient contribuer à :
Assurer une meilleure complémentarité établissements/entreprises dans
l’apprentissage aux risques du métier,
Associer cet apprentissage au risque, au travail lui-même, au plus proche des
pratiques ; s’il s’effectue dans des établissements sûrs, il n’en prépare pas
moins les apprenants à la maîtrise des risques de leur futur métier dans une
logique de formation à la prise de risque assumée dans une vision individuelle,
mais aussi collective de sa gestion. Son apprentissage interpelle
nécessairement l’efficience de l’ensemble du processus pédagogique.
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
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Appréhender la question de la santé et de la sécurité dans toute sa
complexité, en intégrant pleinement ses dimensions psychologiques et
sociales. Elle peut être abordée comme une opportunité fédératrice dans
l’animation des établissements afin de dépasser une vision trop souvent
réduite à la contrainte réglementaire. Cela conduit au développement d’une
culture d’établissement fondée sur des pratiques de métiers « sûres, saines et
propres » dans une démarche de responsabilité globale (sociale,
environnementale et économique). Elle conduit à une démarche intégrée
prenant en compte santé et sécurité des personnels et des apprenants.
A développer un positionnement des institutions « régulatrices » (Rectorat,
Région, …) autant, sinon plus, comme des facilitateurs que comme des
prescripteurs/contrôleurs. Elles favoriseront les synergies d’actions et de
moyens.
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Sommaire
PRÉAMBULE … 2
L’ÉTUDE GESTEPRO EN RÉSUMÉ… 3
L’objet .................................................................................................................................. 3
La méthode ......................................................................................................................... 3
Les résultats & perspectives ............................................................................................... 3
SOMMAIRE 5
LISTE DES ABRÉVIATIONS 8
A- GESTEPRO : OBJET ET MÉTHODE 9
1. Objectifs de l'étude ........................................................................................................ 9
2. La conception de l'étude ............................................................................................... 9
2.1 Phase I ....................................................................................................................... 9
2.2 Phase II .................................................................................................................... 12
3. Précisions sur la méthode ............................................................................................. 14
3.1 L’approche qualitative ......................................................................................... 14
o Entretiens semi directifs ............................................................................................ 14
o Les « focus groupe » ................................................................................................. 14
3.2 L’approche quantitative ...................................................................................... 15
4. Les moyens engagés .................................................................................................... 16
4.1 Maîtrise d’ouvrage et partenaires ....................................................................... 16
4.2 La maîtrise d’œuvre .............................................................................................. 16
B- LE CONTEXTE, LES ACTEURS, LA DEMANDE 17
1. Le contexte historique .................................................................................................. 17
2. Les principaux acteurs et responsabilités ................................................................... 20
2.1 L’éducation nationale et Le rectorat ................................................................. 20
2.2 La Région des Pays de la Loire ............................................................................ 22
2.3 Les partenaires en matière de santé et de sécurité au travail ....................... 23
2.4 Les établissements d’enseignement : cœur de l’étude .................................. 23
C- SANTÉ & SÉCURITÉ AU TRAVAIL CHEZ LES JEUNES : QUELLE PROBLÉMATIQUE ?
27
1. Santé et sécurité au travail : un « construit psychosocio-gestionnaire .................... 27
1.1 L’individu, sa santé, sa psychologie du risque ................................................... 27
1.2 De l’individu au groupe social et à sa gestion .................................................. 28
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2. L’adolescence, âge de toutes les expériences ......................................................... 29
3. La sur-accidentologie : symptôme du jeune ou du débutant… précaire ? ............ 30
4. Le diplôme : nécessaire mais pas suffisant ................................................................. 33
D- QUE PENSENT LES ACTEURS DES ÉTABLISSEMENTS ? RÉSULTATS & ANALYSE 35
1. L’Enseignement à la santé et sécurité au travail ........................................................ 36
1.1 La sensibilité à la santé et sécurité au travail : une préoccupation partagée
36
1.2 Une vision de la S&ST centrée sur le comportement de l’individu ................. 37
1.3 Une perception inégale du risque ...................................................................... 39
1.4 Le sens au travail : un préalable à sa « sécurisation » ...................................... 42
o 1.4.1 Filières choisies, apprenants impliqués ......................................................... 42
o 1.4.2 Dans les filières choisies « par défaut » : la santé des jeunes en question
44
o 1.4.3 Mini stage decouverte de 3ème : déterminant pour Le choix des
apprenants ....................................................................................................................... 46
o 1.4.4 capable ou pas ? la définition de l’aptitude en question ........................ 46
1.5. La S&St : De la théorie à la pratique .................................................................. 48
o 1.5.1 Aborder le complexe par le concret ........................................................... 48
o 1.5.2 Des freins à la mise en œuvre de l’articulation théorie/ pratique en S&ST
48
o 1.5.3 L’exemplarité des enseignants : un point important .................................. 50
o 1.5.4 PRAP et SST : du concret et du lien social… et une charge importante 51
1.6 La S&ST De l’école à l’entreprise ......................................................................... 52
o 1.6.1 Conditions de travail en entreprise discutables : quelle gestion ? .......... 52
o 1.6.2 Une prise en compte inégale des enjeux de santé et sécurité dans les
entreprises ........................................................................................................................ 53
o 1.6.3 L’établissement : un lieu surprotégé pour L’APPRENANT ........................... 54
o 1.6.4 Les freins à la mise en œuvre d’un comportement plus sain et plus sûr . 55
2. Santé, sécurité et management de l’établissement .................................................. 56
2.1 Le difficile passage du référentiel au « processus pédagogique » ................ 56
o 2.1.1 Quel apprentissage pour ne pas laisser l’APPRENANT seul face au
risque ? .............................................................................................................................. 56
o 2.1.2 Programme, stage, métier : quelle cohérence pour quelles
compétences? ................................................................................................................ 59
2.2 Une construction « désincarnée » de la santé-sécurité ................................... 63
o 2.2.1 Des injonctions multiples ................................................................................. 63
o 2.2.2 La santé-sécurité : révélateur d’un besoin de plus de « collectif » .......... 64
o 2.2.3 Une variabilité en fonction des établissements et de leur contexte ....... 67
3. L’Etablissement et ses parties prenantes ..................................................................... 69
3.1 Le rapport aux institutions : entre prescription et soutien ................................ 69
3.2 Certifier les hommes ou les établissements ? ..................................................... 70
3.3 Formation professionnelle : le cadre, son interprétation, sa mise en œuvre ?
70
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o 3.3.1 La voie professionnelle : quelle image et quelles évolutions ? ................. 70
o 3.3.2 De l’individu aux institutions : jouer collectif ! .............................................. 72
4. La " Sante & Sécurité au Travail " donne-t-elle lieu à des points de vue
spécifiques ? Focus sur chaque type d’acteurs au sein de l’établissement ............... 73
4.1 Les apprenants: ...................................................................................................... 73
4.2 Les enseignants professionnels ............................................................................ 74
4.3 les enseignantes de PSE: ....................................................................................... 76
4.4 Les infirmières: ......................................................................................................... 77
4.5 Les chefs de travaux: ............................................................................................ 79
4.6 Les conseillers en prévention (ex-ACMO): ......................................................... 81
4.7 Les chefs d'établissement: .................................................................................... 83
4.8 Conclusions sur les perceptions des acteurs ..................................................... 87
E- DISCUSSION 88
F- PROPOSITION D’AXES DE PROGRÈS 91
G- ANNEXES 97
1. les principaux thèmes abordés dans les entretiens ................................................... 98
2. Questionnaire Elèves et Apprentis ..............................................................................100
3. Résultats du questionnaire Elèves et Apprentis .........................................................102
4. Exemple d’analyse qualitative sur la base des entretiens élèves : Axe 1/4:
entreprises d’accueil et sante sécurité au travail .........................................................112
Thème 1 : Les risques identifiés dans les entreprises d’accueil ............................ 112
o Conditions de travail .............................................................................................. 112
o Environnement de travail ...................................................................................... 113
o Collectif de travail .................................................................................................. 113
o Exposition à des substances chimiques et polluantes ...................................... 114
o Précarité du travail ................................................................................................. 114
o La mémoire des accidents ................................................................................... 115
Thème 2 : Les moyens pour parvenir à la santé et sécurité au travail dans les
entreprises d’accueil ....................................................................................................... 117
o La protection de la S&ST : une démarche individuelle ..................................... 117
o Moyens matériels .................................................................................................... 118
o Moyens humains : le rôle de la surveillance hiérarchique ................................ 119
o Prescriptions, Sensibilisation et Formation ........................................................... 120
Thème 3 : Les entreprises d’accueil des stagiaires : quel accueil pour quelles
entreprises ? (n =137) ....................................................................................................... 121
o Le vécu de stagiaire : un statut particulier sous contraintes ............................ 121
o Artisanat et entreprises de petites tailles (n = 46) .............................................. 122
o Moyennes et grandes entreprises (n =50) ........................................................... 123
o Performance et sécurité (n = 8)............................................................................ 125
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Liste des abréviations
ACMO Agent Chargé de la Mise en Œuvre (des règles de sécurité)
APR Agent Polyvalent de restauration
ATMFC Assistant(e) Technique en Milieux Familial et Collectif
BEP Brevet d’Etudes Professionnelles
BO Bulletin Officiel (de L’Education Nationale)
BTP Bâtiment Travaux Publics
BTS Brevet de Technicien Supérieur
CAP Certificat d’Aptitude Professionnelle
CAP SH Certificat d'Aptitudes Professionnelles Services Hôteliers
CCF Contrôle en Cours de Formation
CESC Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté
CFA Centre de Formation des Apprentis
CHSCT Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail
CNAM Conservatoire National des Arts et Métiers
CNES&ST Conseil National pour l’Enseignement à la Santé et Sécurité au
Travail
CRAM Caisse Régionale d’Assurance Maladie
DAFPIC Délégation Académique à la Formation Professionnelle Initiale et
Continue
DU Document Unique (d’évaluation des risques professionnels)
EPI Equipement de Protection Individuel
ERP Etablissement Recevant du Public
ES&ST Enseignement de la Santé et de la Sécurité au Travail
IEN ET Inspecteur de l’Education Nationale de l’Enseignement Technique
INRS Institut National De Recherche et de Sécurité
MEN Ministère de l’Education Nationale
MST Maladies sexuellement transmissibles
OMS Organisation Mondiale de la Santé
OPPBTP Organisme Professionnel de Prévention du Bâtiment et des Travaux
Publics
PPCP Projet Pluridisciplinaire à Caractère Professionnel
PFMP Projet de Formation en Milieu Professionnel
PRAP Prévention des Risques pour les Activités Physiques
PRP Prévention des risques professionnels
PSE Prévention Santé Environnement
SAIA Service Académique de l’Inspection de l’Apprentissage
SEGPA Sections d'Enseignement Général et Professionnel Adapté
STI Sciences et Techniques Industrielles
SST Sauveteur Secouriste du Travail
S&ST Santé et Sécurité au Travail
GLOSSAIRE
NB : Dans le cadre de ce rapport, nous proposons que, sauf à les différencier, nous
parlerons « d’apprenants » pour les élèves et les apprentis, de chef d'établissement
(proviseurs et directeurs), de chefs de travaux, de professeur d'enseignement
professionnel, de professeur d'enseignements généraux, de professeur de prévention
santé environnement. La terminologie requise pour les CFA est celle
d’enseignant/formateur plutôt que professeur.
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A- Gestepro : objet et méthode
1. Objectifs de l'étude
Il s’agit de recueillir la perception qu’ont les acteurs (responsables, agents,
enseignants, apprenants) des établissements d’enseignement professionnels, des
enjeux et des pratiques en matière d’enseignement de la santé et de la sécurité au
travail. Ces perceptions sont confrontées au dispositif de prescription en la matière
(réglementation, référentiels, …) et au soutien apporté par les parties prenantes de
l’enseignement professionnel. Les données recueillies devront permettre de proposer
des axes de réflexion pouvant conduire à un plan d’action d’amélioration des
pratiques des parties prenantes.
2. La conception de l'étude
Elle abordera tout d’abord un aperçu du contexte, des acteurs et de leurs attentes
des différentes parties prenantes de l’enseignement professionnel. Nous proposerons
ensuite une problématique de l’enjeu de santé et de sécurité dans l’enseignement
professionnel. Le cœur du travail réside dans le recueil du point de vue des acteurs
dans un échantillon d’établissements de différents secteurs d’activité et de voie de
formation sous statut scolaire ou par apprentissage.
Une première phase nous a conduits à développer et valider notre protocole dans 2
lycées professionnels du secteur de l’hôtellerie et de la restauration. Suite aux
premiers résultats, le comité de pilotage a décidé d’étendre l’étude à 4 autres
établissements d’autres secteurs d’activité et intégrant pour certains la modalité
pédagogique de la formation professionnelle initiale par apprentissage, un CFA de
branche et des sections avec mixage de publics dans les lycées professionnels.
Nous présentons dans ce rapport les résultats cumulés des deux phases.
2.1 Phase I
La figure 1 propose une synthèse du design global de l'étude et des observations qui
ont été menées dans la première phase. Notre choix s'est porté sur deux lycées
professionnels du secteur hôtellerie restauration. Le choix du secteur d'activité
présente l'avantage de former à la fois dans les domaines du service et de la
production. De plus, les deux lycées en question sont implantés dans un
environnement social différent. Il était également intéressant d'observer une
différence inter-lycées pour un même secteur d'activité.
Au cours de cette première phase, 62 personnes ont été interviewées via des
entretiens ou focus groupes dont 38 élèves et 15 professeurs.
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
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228 élèves ont répondu à l’enquête :
2 classes de terminale BEP et de seconde Bac pro du lycée Bienfaiteur soit 90
élèves,
2 classes de seconde Bac pro, 1 classe de première Bac pro, 1 classe de
terminale Bac pro, 1 classe de terminale BEP, BEP Bio service (6 élèves), CAP 1
ère année agent polyvalent de restauration (APR 18 élèves), CAP services
hôteliers 1 & 2ème année (11 élèves), soit au total 136 élèves,
Il y a 117 garçons et 110 filles de 16 à 22 ans avec une moyenne d’âge de 17
ans.
115 professeurs ont répondu à l’enquête :
Soit un taux de réponse de 30% pour ces derniers (mailing de 384 adresses des
personnes ayant suivi la formation ES&ST depuis 2006),
9% de professeurs d’enseignement général, 25% de professeurs de sciences
appliquées, 66% de professeurs d’enseignements professionnels,
Ils enseignent à 17% dans les spécialités de
l’hôtellerie/restauration/alimentation, 27% dans le BTP, 23% « industrie »
(productique, mécanique, maintenance, plasturgie), 14% sanitaire et social,
19% autres (mode, environnement,…).
Cette première phase de l’étude a été conduite durant l’année 2010.
Démoulage avec précaution de
financiers à la framboise juste sortis du
four par un élève
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
Recherche
bibliographique
sur notamment:
•Des données sur la
connaissance des
enjeux du travail et
de la santé/sécurité
spécifiques au
secteur de
l’hôtellerie
restauration
•Sur des données
plus large sur la
S&ST chez les
jeunes
•…
Lycée Bienfaiteur
•Un entretien avec le professeur de sciences appliquées
•Un FOCUS avec cinq professeurs d’enseignement
professionnel (cuisine et services)
•Un FOCUS de 8 élèves de 2nde et de term BEP
•Une observation d’un TP de cuisine
Validation initiale du cadre de l’étude par la DAFPIC (+2 IEN) + 1réunion avec le comité de pilotage
régional + une réunion à mi-parcours pour valider la phase d’enquête
Sélection de 2 terrains d’études, lycées Bienfaiteur et Explorateur : Des lycées professionnels dans le
domaine de l’hotellerie-restauration, diffusion d’une information préalable et 3 entretiens avec les 2 chefs de travaux
et le proviseur d’un des établissements
Entretien avec des experts ciblés
• Ingénieurs de la CRAM en charge des relations avec les
établissements d’enseignement
•Le responsable HSE du Rectorat
•Les 2 responsables de la formation ES&ST
•Observation des restitutions de la journée des chefs de
travaux
Enquête quantitative élèves
•Elaboration du questionnaire en fonction de la problématique et des résultats qualitatifs /Administration du questionnaire par les professeurs des 2 lycées
sur table /228 questionnaires collectés, saisis et analysés
Lycée Explorateur
•Un entretien avec l’infirmière
•Un FOCUS avec un groupe de 5 professeurs
d’enseignement professionnel de cuisine et de services
•Un FOCUS avec un groupe de 4 professeurs de
sciences appliquées
•4 FOCUS avec des groupes de 8 à 12 élèves (terminale
BEP service hôtelier, agent polyvalent de restauration
(APR élèves issus de SEGPA), 2nde bac pro, 1ère bac pro,
terminale bac pro
•1 visite avec enseignant et élèves de la filière BEP
bioservices + 1 visite avec prof de cuisine
Rapport, restitution orale : Analyse des données, interprétation, proposition d’axes d’amélioration.
Enquête quantitative professeurs
•Elaboration du questionnaire en fonction de la problématique et des résultats qualitatifs /Administration du questionnaire par courriel via la base de 384
adresses des professeurs ayant suivi la formation ES&ST depuis 2006 /115 réponses collectées et analysées
Figure 1 : Design et déroulement de l’étude pour la phase I.
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
2.2 Phase II
La première phase nous a permis de valider notre méthodologie et d’étendre
l’étude dans une seconde phase à des établissements d’autres secteurs d’activité et
formation différente (scolaire et apprentissage).
4 établissements d’enseignement professionnel répartis sur la région des Pays-de-la-
Loire ont accueilli cette étude. 3 lycées nous ont été indiqués par le Rectorat et un
centre de formation par apprentissage (CFA) du bâtiment par la Région des Pays de
la Loire. Les 3 lycées accueillent différentes filières et pour certains des sections
mixées (élèves et apprentis).
Pour nos rencontres avec les apprenants et les enseignants, nous avons sélectionné
différentes filières représentant un panel d’activités comprenant des filières de
l’industrie : maintenance, bois, usinage, aéronautique, du bâtiment et des travaux
publics, et du service : agent polyvalent de restauration, milieu familial et collectif.
Les apprenants étaient issus de différentes classes :
7 CAP (3 premières, 3 terminales)
10 Bac Pro (2 2nde, 5 premières, 3 terminales)
1 BP
Dans des classes avec des modalités pédagogiques différentes :
Temps plein 15
Apprentissage 4
Nous avons rencontré au total 204 personnes dont :
152 élèves et apprentis,
33 enseignants (17 Enseignants Professionnels, 9 PSE et 7 Enseignants des
matières générales),
11 personnels de direction et chefs de travaux,
8 infirmières, conseillers en prévention et animateurs.
Ces rencontres ont pris place dans le cadre de 18 Focus élèves, 12 focus et 10
entretiens individuels de personnels. Le tableau 1 propose un aperçu de la
répartition de l’échantillon des personnes rencontrées en entretien.
L’enquête par questionnaire a été poursuivie pour les élèves. Au total, ce sont 8131
élèves et apprentis qui ont répondu à l’enquête :
397 apprentis et 416 élèves (soit respectivement 48,8% et 51,2% de
l’échantillon)
Dont 290 en Bac Pro (35,9%), 273 en CAP (33,8%), 175 en BP (21,7%) et 69 en
BEP (8,6%)
54% sont dans une filière BTP, 29,5% en Services, 10,6% en Production-Industrie
et 6% en Tertiaire
Agés en moyenne de 17,91 ans (écart type = 2,10)
Les garçons représentent 76,5% de l’échantillon et les filles 23,5% de celui-ci.
Les filières sont diverses : Hôtellerie-restauration, Menuiserie, Maçonnerie,
Travaux Publics, Maintenance…
1 Dont les 228 réponses issues de la première phase GESTEPRO.
Projet de rapport d’étude GESTEPRO version 3 – décembre 2012
Rectorat de l’académie de Nantes 2013
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Nous avons également rencontré le conseiller en prévention et l’Inspecteur
d’Académie chargé de la sécurité, les responsables de la direction de
l’apprentissage de la Région des Pays de la Loire, le médecin scolaire
coordonnateur et conseiller technique auprès du Recteur.
Tableau 1 : Aperçu d’ensemble de l'échantillon de l'enquête qualitative
ETABLISSEMENT ELEVES ENSEIGNANTS AUTRES PERSONNELS
LP A.
Entretiens
individuels et
collectifs
+ Visite/
Observation
N = 32
4 Focus Bac Pro
2 focus Premières
2 focus Terminales
Dans 2 filières :
Maintenance
Bois
1 Focus Enseignants
Maintenance (N= 2)
1 Focus Enseignants
Bois (N= 2)
1 Entretien PSE
Proviseur Adjoint
Proviseur + Chef
Travaux
Conseiller en prévention
Infirmière
LP. B.
Entretiens
individuels et
collectifs
N= 51
3 Focus CAP
1 focus Premières
2 focusTerminales
3 Focus Bac Pro
2 focus Secondes
1 focus Terminales
Dans 4 filières :
Agent Milieu Familial et
Collectif
Agent Polyvalent de
Restauration
Usinage
Aéronautique
1 Focus Enseignantes
de PSE (N= 5)
1 Focus Enseignant
de STI (N= 2)
Chefs de Travaux (N =
2)
Gestionnaire
LP M.
Entretiens
individuels et
collectifs
N= 49
2 Focus CAP
Travaux Public
Maçonnerie
3 Focus Premières Bac Pro
Travaux Public
Gros Oeuvre
Apprentissage Travaux
Publics
1 focus Enseignants
Travaux Publics/ Gros
Œuvre (N= 4)
1 focus Enseignants
Travaux Publics/ Gros
Œuvre
(Apprentissage) (N=
4)
1 focus Enseignantes
de PSE (N= 3)
Proviseur adjoint
Conseiller en prévention
1 focus Infirmières (N =3)
1 focus Chefs de
Travaux (N= 2)
CFA LM.
Entretiens
individuels et
collectifs
+ Visite/
Observation
N= 20
3 Focus Apprentis
2 Focus CAP
1 Focus BP
2 focus formateurs
(N= 13)
1 focus Equipe de
Direction (N = 3)
La collecte des données a eu lieu principalement sur la période d’avril à juillet 2012.
Projet de rapport d’étude GESTEPRO version 3 – décembre 2012
Rectorat de l’académie de Nantes 2013
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3. Précisions sur la méthode
Notre étude repose sur une approche pluridisciplinaire psycho-socio-gestionnaire
fondée sur la perception des enjeux et des pratiques recueillies auprès des acteurs
au regard de la problématique posée. Ces données renvoient au rapport aux autres
en interne (acteurs de l’établissement), en externe (entreprises, État, médecin….) et
au cadre prescrit (référentiels d’enseignement, réglementation, relations
théorie/prescrit et pratiques constatées…). L’étude est essentiellement qualitative et
consiste en un recueil du point de vue des acteurs. Cette approche a été
complétée par un questionnaire adressé aux apprenants et aux professeurs. Il a pour
objectif d’apporter une analyse complémentaire pondérée sur des thèmes relevés
lors de la phase exploratoire. Cet ensemble est complété par une phase « légère »
d’observation qui nous à conduit à minima à une visite commentée des
établissements et parfois à assister à certaines activités d’enseignement pratique.
L’analyse conduit à une confrontation des perceptions recueillies entre « groupes
sociaux » (élèves/apprentis, entreprise, professeurs, direction, l’Etat…), par rapport au
prescrit (documentation, réglementation…) ou en références à des données
scientifiques.
3.1 L’approche qualitative
o Entretiens semi directifs
Ils commencent par une présentation de l’étude à la personne
interviewée. C’est la personne qui décide de ce qu’elle met à
« l’agenda » de son témoignage en fonction de sa propre perception
de la problématique qui lui a été présentée et de son expérience.
Eventuellement le chargé d’étude relance sur certains points en
réaction ou en fonction d’un guide présentant certains thèmes qu’il
souhaite absolument aborder. L’entretien dure de 30 minutes à 2h
environ. Cette approche qualitative permet d’obtenir une grande
richesse de données d’une part sur les relations de causes à effets, la
mise en perspective dynamique des choses et d’autre part, sur ce qui
est important pour l’interviewé par rapport à la problématique posée.
o Les « focus groupe »
Ils se conduisent dans le même esprit que les entretiens semi directifs
mais avec un groupe de 5 à 8 personnes. Il ne faut pas être trop
nombreux pour que tout le monde puisse s’exprimer. Les personnes
sont choisies généralement en évitant autant que possible que la
présence de certains empêche ou gêne l’expression des autres (en
prenant par exemple des professeurs sans leurs chefs de travaux ou
chef d’établissements ou des élèves sans leurs enseignants). Cela
permet de recueillir sur un laps de temps de 2h, le point de vue
« pondéré » d’un groupe d’une certaine homogénéité.
Chaque entretien a fait l’objet d’une prise de note et d'enregistrements de manière
à en faire une analyse la plus rigoureuse possible (231 pages, simple interligne, police
12). L’analyse est de type catégorielle-thématique, parfois en s’appuyant sur les
thèmes du guide d’entretien (analyse descendante, figure 2), mais parfois en se
basant sur la fréquence de certains verbatim pour créer des catégories (analyse
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ascendante). L’analyse était alors un aller-retour continu afin d’être le plus exhaustif
possible et surtout afin de limiter le biais de subjectivité inhérent à toute recherche.
Un échantillon conséquent nous permet de dégager des tendances fortes fiables.
L’analyse est menée sur les propos les plus pertinents au regard de l’objet de l’étude
(le corpus d’analyse des entretiens est réduit de 231 à 119 pages au final pour la
phase II).
Une méthodologie similaire a été utilisée pour la phase I.
3.2 L’approche quantitative
Si l’enquête quantitative n’est pas centrale dans notre étude, elle a cependant été
conçue pour apporter des éléments de pondération sur la perception des enjeux et
des pratiques en matière de santé de sécurité au travail et son enseignement d’une
part, et d’autre part, sur la perception de ce risque au regard d’autres risques.
La figure 2 présente les axes de réflexion principaux qui ont guidé la conduite des
entretiens et focus groupes, puis ceux que nous avons choisis à l’issue des premiers
entretiens de la phase I pour élaborer les questionnaires que nous retrouvons dans
leur intégralité en annexe 1 du rapport.
Les données des enquêtes par questionnaires ont été analysées à l’aide du logiciel
Sphinx.
Apprenants Professeurs
Axes de réflexion des Focus
•Identité / projet professionnel
•La S&ST et leur métier
•La S&ST dans leurs enseignements
•Leurs expériences professionnelles et la S&ST
Axes de réflexion des Focus
•Identité & parcours
•La S&ST et leur domaine d’activité, leur perception de
l’entreprise sur ces questions
•Articulation enseignements théoriques et pratiques de
la S&ST
•Projet d’établissement, projet pédagogique en lien avec
ces questions
•Perception qu’ils ont des élèves et de leur implication
sur les enjeux de la S&ST
Axes du questionnaire
•Identité
•Expérience pro stages et hors stages
•Choix de filière / projet pro
•Perception de la S&ST / autres enjeux santé
•La S&ST dans leurs enseignements
•Leurs expériences professionnelles et la S&ST
Axes du questionnaire
•Identité
•Sciences appli ou enseignements pro
•Filière
•La S&ST dans leurs enseignements
•Perception de la S&ST / autres enjeux santé et leur gestion
•Leurs point de vue sur la formation ES&ST
Figure 2 : Guides d’entretien et de focus groupe et axes de réflexion des
questionnaires pour les professeurs et les apprenants.
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4. Les moyens engagés
4.1 Maîtrise d’ouvrage et partenaires
La maîtrise d’ouvrage de l’étude est assurée par le Rectorat de Nantes, la
Délégation Académique à la Formation Professionnelle Initiale et Continue (DAFPIC,
Jean-Pierre Moreau, délégué académique). Le suivi du projet est assuré par Claude
Angora, Inspecteur de l’Education Nationale en charge des questions
d’enseignement de la santé et de la sécurité au travail pour l’Académie. Pour ces
questions, le rectorat reçoit le soutien de la CARSAT des Pays-de-la-Loire. Pour la
phase 2, ce soutien a été complété par une aide de la DIRECCTE (dans le cadre du
plan régional de santé et de sécurité au travail), de la Région des Pays-de-la-Loire
et de la Caisse Nationale d'Assurance-Maladie (CNAM direction des risques
professionnels).
Le suivi de l’étude a été assuré par un comité composé des principaux
commanditaires. L’initiative et la validation de l’étude et du rapport final des phases
I et II, ont été assurées sous l’égide du comité de pilotage régional de
l’enseignement de la santé et de la sécurité au travail.
4.2 La maîtrise d’œuvre
Le Rectorat a confié cette étude à un cabinet extérieur indépendant ayant une
connaissance de l’activité d’enseignement professionnel ainsi que des questions de
santé et de sécurité au travail notamment dans l’industrie.
Elle a été assurée par le cabinet Resecum2, spécialisé en étude et recherche en
management des risques. Ce cabinet conduit notamment des études pour le
compte de clients entreprises ou institutionnels sur les facteurs psycho-sociaux et
managériaux de la santé et de la sécurité au travail. Il est également spécialisé en
ingénierie pédagogique dans ces domaines.
La direction de l’étude a été assurée par Xavier Michel, ancien professeur de
management de l’université de Nantes, coresponsable du Master2 en Gestion des
Risques Santé Sécurité et Environnements (GRiSSE). Il a coordonné le développement
de la formation hybride (semi présentiel) à l’enseignement de la santé et de la
sécurité au travail des enseignants des filières professionnelles du Rectorat de Nantes
(entre 2006 et 2007). A ce titre, il a pu être confronté aux enjeux de la problématique
de cette étude au contact des collègues enseignants et inspecteurs, et des
ingénieurs de la CARSAT partenaires du Rectorat.
Il a personnellement mené la phase I de cette étude. Pour la phase II, il a été
accompagné de sa collaboratrice, Laura Brossier, psychologue sociale du travail, et
de Christine Jeoffrion, maître de conférences en psychologie sociale et des
organisations au Laboratoire de Psychologie des Pays-de-la-Loire (LPPL) de
l’Université de Nantes3. Pauline Lebel, étudiante en Master 2 de psychologie sociale
et du travail, a apporté sa précieuse contribution dans le cadre de son stage de fin
d’études.
2 Voir le site Internet www.resecum.com 3 CV de C. Jeoffrion sur http://www.univ-nantes.fr/jeoffrion-c et site internet du LPPL sur
http://www.lppl.univ-nantes.fr/
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B- Le Contexte, les acteurs, la demande
1. Le contexte historique
Les accords-cadres nationaux entre la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie
(CNAM) et le Ministère de l’Education Nationale (MEN), successivement en 1993 puis
en 1997, signent la généralisation de l’enseignement de la prévention des risques
professionnels. Le préambule (figure 1) est clair sur l’objectif d’un tel accord : il s’agit
de faire « de la maîtrise des risques au travail une véritable composante de la
qualification professionnelle » dans un contexte d’évolution du travail et législatif et
d’un constat d’augmentation des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Au niveau local, ces accords sont traduits par des actions de
formation à l’enseignement de la santé et sécurité au travail pour les enseignants
des filières professionnelles.
Figure 3 : Préambule au protocole d’accord pour l’enseignement de la prévention
des risques professionnels du 1er octobre 1997 entre le ministère de l’éducation
nationale et la caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés4
Cinquante ans de prévention
L’intervention de la Sécurité Sociale dans le champ de la prévention des risques professionnels telle que nous la connaissons aujourd’hui
découle de mesures législatives et réglementaires datant de 1947. De grands progrès ont été accomplis en cinquante ans, mais la même
mission demeure toujours aussi nécessaire. S’agissant de sinistres frappant des hommes et des femmes, l’assureur qu’est dans ce cas la Sécurité Sociale a pour vocation de tout mettre en oeuvre pour éviter les accidents du travail et les maladies professionnelles, ou, à tout le
moins, en réduire la gravité. La prévention est la voie principale pour améliorer les conditions de sécurité au travail et préserver la santé des hommes dans l’entreprise.
D’abord centrée sur la machine (prévention des risques mécaniques et électriques), la prévention a peu à peu enrichi sa stratégie pour
aujourd’hui développer une approche systémique donnant toute sa place à l’interface homme/tâche et à l’étude des situations de travail. Des disciplines universitaires nouvelles telles que l’ergonomie et la sécurité des systèmes peuvent être des points d’appui précieux pour une
approche plus fine et plus pertinente des risques professionnels. Ces disciplines sont aujourd’hui introduites dans l’enseignement
technologique et professionnel. Leur généralisation, sous une forme adaptée, sera un apport important pour l’enseignement de la prévention des risques professionnels.
Le contexte européen
Dans le domaine de la prévention des risques professionnels, l’Europe sociale se construit à un rythme soutenu. De nombreuses directives
européennes ont été transposées en droit français, en particulier à travers la loi n° 91-1414 du 31/12/91 qui définit les principes généraux de prévention des risques professionnels. Les nouvelles normes européennes, venant à l’appui de directives, sont riches par leur contenu
technique et ont une importance juridique accrue. La prise en compte de ce nouveau cadre réglementaire et normatif dans les référentiels des
diplômes est désormais une nécessité pour l’enseignement de la prévention des risques professionnels. Au delà des aspects techniques et réglementaires, il se construit peu à peu une culture européenne dans le champ de la prévention des risques
professionnels, à travers des projets communs et des échanges d’expériences, tant au niveau des systèmes éducatifs que des institutions de
prévention. Les partenaires signataires du présent protocole prendront, dans ce domaine, toutes initiatives permettant des échanges constructifs tant bilatéraux que multilatéraux, en particulier dans le cadre des appels d’offre de l’Union Européenne et dans le cadre des
associations internationales existantes.
Une mutation du travail
Le développement de nouvelles organisations de la production, en particulier celles liées à l’automatisation, crée une distance entre le moyen technique de transformation et le travailleur, les gestes d’exécution ayant alors tendance à diminuer. De plus en plus il incombe aux
travailleurs de piloter des processus masqués, de surveiller, de dépanner. Intervenir dès le moindre incident devient un rôle primordial pour
les opérateurs et les techniciens de maintenance. Le travail en usine devient un travail plus abstrait, plus intellectuel. De plus l’économie compétitive entraîne des contraintes de temps dans l’organisation du travail qui peuvent être source potentielle de stress (par exemple par la
pratique des flux tendus).
Ces nouvelles caractéristiques du travail ont pour conséquence une moindre lisibilité et une plus grande difficulté de perception des risques professionnels. Elles peuvent également être la source de risques nouveaux. Il devient alors essentiel d’intégrer ces nouvelles dimensions du
risque professionnel dès la formation initiale au métier, car l’école dispose du recul nécessaire et des personnels qualifiés pour prendre en
compte cette mutation du travail.
4 Retrouver l’intégralité de l’accord en cliquant sur le lien suivant : http://mrp.ac-
dijon.fr/imrp/telechargements/parteprp/proto97.pdf
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Un poids nouveau de la pathologie professionnelle
En dix ans le nombre des accidents du travail avec arrêt a baissé de manière significative (-8,0%). De manière plus prononcée encore, le
nombre d’accidents avec incapacité permanente est lui aussi en baisse depuis dix ans (-18,2%). En revanche, la création de nouveaux
tableaux de maladies professionnelles ou l’élargissement de tableaux existants conduit à voir le nombre de maladies professionnelles
reconnues en hausse continue depuis dix ans (+85,1%), notamment du fait des affections péri-articulaires et de celles provoquées par
l’amiante. S’il convient de rester vigilant dans la lutte quotidienne contre les accidents du travail, il faut être conscient que le poids relatif des maladies
professionnelles s’accroît. Ceci n’est pas sans conséquence sur le type d’enseignement à mettre en place auprès des jeunes. En effet la
maladie professionnelle apparaît comme plus abstraite et plus lointaine que l’accident du travail. L’expérience acquise par certains enseignants dans le domaine de l’éducation pour la santé est un point d’appui pour aborder ces problèmes nouveaux.
Dès 1993 l’accord-cadre précise que « Les mécanismes de représentation du risque
et de choix d'une stratégie adaptée face au danger, particulièrement chez les
jeunes et lors de l'adolescence, sont encore mal connus. L'efficacité de
l'enseignement de la prévention des risques professionnels requiert en conséquence
des études dans ce domaine. » Celui de 1997 (Cf. ci-dessus), introduit la prise en
compte d’une approche plus ergonomique et systémique visant à une culture de
sécurité. Par ailleurs, il introduit la nécessité de prendre en compte les enjeux des
maladies professionnelles dans un monde du travail en mutation tout en constatant
la difficulté à introduire dans l’enseignement cet enjeu de risques à long terme.
Plus tard en 2005-2006, le Conseil National pour l’Enseignement à la Santé et Sécurité
au Travail (CNES&ST, instance nationale comprenant des représentants de
l'Education Nationale et des représentants de l'Assurance Maladie Risques
Professionnels), réalise un état des lieux de l’Enseignement à la Santé et Sécurité au
Travail (ES&ST) dans l’Education Nationale. Le rapport fait part notamment de 3
étapes majeures nécessaires pour faire des élèves de futurs professionnels
responsables (Figure 4). En parallèle il revient sur la formation des enseignants en
préconisant de rendre obligatoire la formation générale ES&ST pour les enseignants
et d’en faire un préalable aux autres formations (SST, PRAP, …). En 2006, l’Académie
de Nantes décide alors de créer une formation ES&ST en semi présentiel afin de la
déployer auprès de l’ensemble des enseignants concernés : professeurs
d’enseignement professionnel et de Prévention Santé Environnement (PSE). Cette
formation faisait suite à la formation en présentiel préexistante. Sa transformation en
formations hybrides, partiellement à distance, devait permettre une grande
souplesse dans son déploiement. Elle devient un préalable obligatoire pour devenir
Figure 4: Schéma des 3 étapes majeures proposées dans le rapport CNES&ST 2005-2006.
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formateurs pour les formations plus spécifiques telles que « Sauveteur Secouriste au
Travail » (SST), « Prévention des Risques liés à l'Activité Physique » (PRAP), «
L’habilitation électrique » et plus récemment « Travail en hauteur ». PRAP et SST sont
obligatoires pour les élèves dans de nombreuses filières.
La réforme du Baccalauréat professionnel arrive en 2009. Elle implique une
rénovation des programmes pour s’aligner sur la durée de formation du
baccalauréat général et technologique (3 ans). Ainsi le BEP est supprimé en tant
que diplôme et intégré au cursus du Bac Pro comme certification intermédiaire. Une
nouvelle matière « Prévention Santé Environnement » est introduite pour remplacer l’
« Hygiène Prévention Secourisme ». Le programme de cette PSE est décomposé
différemment selon les années d’études. Le monde du travail et ses enjeux de santé
et sécurité sont abordés à partir de la Première dans ce nouveau référentiel. Le
rapprochement entre l’Education Nationale et les entreprises est aussi conforté par
le principe du « Lycée des métiers ».
Dans le même temps, la Fonction Publique signe le 20 novembre 2009 un accord-
cadre sur la santé et sécurité au travail. Avec cet accord, le secteur public doit
assurer la protection de la sécurité et de la santé des fonctionnaires, prévenir les
risques professionnels, informer et former en ce sens et mettre en place une
organisation et les moyens nécessaires pour y parvenir. La S&ST devient une
préoccupation affirmée de l’Etat français et donc de tous ses ministères, Ministère de
l’Education Nationale compris. Cette prise en compte de la santé et sécurité au
travail est formalisée dans la création du Comité d’Hygiène, de Sécurité et des
Conditions de Travail et la fonction de conseiller en prévention (ACMO)5 en
particulier.
Dans ce contexte d’une montée en puissance des enjeux de santé et de sécurité au
travail tant du point de vue de l’enseignement que du fonctionnement général de
ses établissements, le Rectorat de Nantes souhaite avoir un retour sur l’effectivité des
pratiques en la matière et la perception qu’en ont les acteurs. Ceci doit permettre à
terme d’éclairer les évolutions à développer relatives au soutien à la formation des
formateurs et à la formation des élèves qui en découle et plus largement au niveau
de la gestion des établissements d’enseignement professionnel.
5 L’ACMO est l’Agent Chargé de la Mise en Oeuvre des règles d’hygiène et de sécurité du
travail. Il a en charge notamment la tenue des registres hygiène et sécurité et du document
unique. L’ACMO est devenu l’assistant ou le conseiller de prévention par le décret n°2012-170
(article 4) du 3 février 2012 modifiant le décret n°85-603 du 10 Juin 1985. Le décret étant
récent, on continue d’utiliser le terme ACMO au sein des établissements. C’est pourquoi, au
sein de ce rapport, on utilisera indifféremment les termes ACMO ou conseiller en prévention.
On pourra voir dans cette évolution la volonté du législateur de renvoyer à chacun la
responsabilité de la mise en œuvre des bonnes pratiques de santé et de sécurité, le conseiller
en prévention pouvant être chargé d’éclairer l’action et de la coordonner.
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2. Les principaux acteurs et responsabilités
Il s'agira, pour notre étude, d'observer plus particulièrement les conditions qui, à
l'échelle d'un établissement d’enseignement, permettent ou non, aux acteurs (chef
d’établissement, chef de travaux, enseignants, apprenants, …) de s'approprier au
sein de l’organisation, cet enjeu de santé et de sécurité au travail au « milieu » des
autres enjeux. La figure 5 propose une représentation schématique des principaux
acteurs de notre étude.
Education / FormationL’OBJET du travail
et ses risques
1 médecin
4 infirmières
20 professeurs de
spécialité prof.
110 répondants au
questionnaire
Prescripteurs &
Régulateurs
4 IEN / RégionConseiller prév. 5 chefs
d’établissement et
adjoint
150 apprenants
rencontrés
Et 800 répondants
au questionnaire
9 Professeurs de PSE
L’entreprise
d’accueil
7 Professeurs d’enseignements
généraux
L’établissement d’enseignement
Le tuteur
Acteurs institutionnels
S&STDIRECCTECARSAT
INRS
7 chefs de travaux
•6 établissements dont 1 CFA
•20 filières/diplômes dont 4 par apprentissage•4 secteurs Hôtellerie-restauration / BTP /
Industrie / « agents de services »
Figure 5 : ce schéma présente la répartition des principaux acteurs rencontrés ou
ayant répondu aux questionnaires dans le cadre de l’étude « GESTEPRO ».
2.1 L’éducation nationale et Le rectorat
L’Education Nationale définit les missions du Rectorat :
« Veiller à l'application de toutes les dispositions législatives et réglementaires se
rapportant à l'Education Nationale, définir la stratégie académique d'application de
la politique éducative nationale, assurer la gestion des personnels et des
établissements, développer des relations avec les autres services de l'État
intervenant dans l'Académie, les milieux politiques, économiques, socio-
professionnels et notamment avec les collectivités territoriales, intervenir dans le
programme régional de formation conduit par la Région des Pays de la Loire ,
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rendre compte au ministre du fonctionnement du service public de l'éducation
nationale dans l'académie qu'il dirige »6.
Le Rectorat a donc un pouvoir exécutif (appliquer) et ré-interprétatif (stratégie
d’application) des politiques de l’Education Nationale à un niveau académique7. En
2009, l’Académie de Nantes représente plus de 700 000 élèves et apprentis (hors
enseignement agricole) et plus de 58 000 agents. Une des « priorités académiques
majeures »8 concerne la relation Ecole-Entreprise notamment à travers les « lycées
des métiers ».
L'apprentissage représente 35% des effectifs de l'enseignement professionnel pour les
niveau IV et V (CAP, BEP & Bac pro) dans l'académie de Nantes avec 23780
apprentis pour 43626 élèves9.
Le Délégué Académique à la Formation Professionnelle Initiale et Continue (DAFPIC)
« recherche toutes complémentarités et synergies entre la formation initiale, y
compris l'apprentissage, et la formation continue, en conduisant les projets dans des
domaines tels que la validation des acquis de l'expérience, les plateformes
technologiques, la relation école-entreprise, les partenariats avec les acteurs
économiques. »
Les Inspecteurs de l’Education Nationale (IEN) sont l’intermédiaire du Rectorat sur le
terrain, à l’interface entre le Ministère (organisation prescriptive) et les établissements
scolaires (lieu de l’élaboration du travail réel). Ils ont pour fonction d’inspecter mais
aussi de conseiller les personnels (enseignants, de direction, d’éducation). Il s’agit
pour eux d’avoir une vision des problématiques des établissements afin de pouvoir
les accompagner au mieux.
- Un IEN est particulièrement chargé des questions d’enseignement de la S&ST.
Il s’appuie sur un groupe de collègues enseignants chargés notamment de
développer certaines formations à la sécurité (Ex. : Travail en hauteur). Il est
également chargé d’encadrer la formation aux Pré-Requis en Prévention.
- Un autre IEN est spécifiquement dédié aux questions de sécurité des
établissements dont il a la charge de vérifier la conformité en matière de
sécurité. Il est proche du conseiller de prévention auprès du recteur (ex-
ACMO de l’académie) bien qu’étant indépendant de celui-ci. Ils sont tous
deux impliqués dans l’animation du réseau des assistants et conseillers en
6 Source : www.education.gouv.fr 7 Rappelons que l'Académie de Nantes se confond géographiquement avec la région des
Pays de la Loire. 8 On retiendra notamment les objectifs généraux qui découlent de cette ouverture au
monde économique : « l'amélioration de la connaissance réciproque entre les mondes de
l'éducation et de l'entreprise , le renforcement des liens de partenariat déjà existants,
l'émergence de nouvelles initiatives, l'instauration d'un dialogue approfondi entre les
communautés éducatives et les responsables d'entreprises dans un esprit d'ouverture et de
réciprocité. », Source : (Rectorat de l'Académie de Nantes), www.ac-nantes.fr 9 Données des statistiques du MEN pour l'année scolaire 2010-2011 :
http://cache.media.education.gouv.fr/file/2012/38/8/DEPP-RERS-2012-apprentis_223388.pdf
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prévention chargés de la mise en œuvre des dispositifs de soutien au
développement de la politique du rectorat sur ces questions.
A ce jour, 2 médecins de santé au travail assurent le suivi de l’ensemble des salariés
de l’Académie. Des comités hygiène sécurité départementaux sont en cours de
mise en place.
2.2 La Région des Pays de la Loire
Pour ce qui concerne les lycées, la Région des Pays de la Loire intervient dans leur
construction, leur rénovation, leur entretien, dans les achats d’équipements, ainsi
que dans la gestion des personnels techniques d’entretiens et de restauration.
Pour ce qui concerne les Centres de Formation par Apprentissage (CFA), la Région
des Pays de la Loire a la responsabilité pleine et entière de la définition et de la mise
en œuvre de la politique régionale d’apprentissage. Les compétences de la Région
en matière d’apprentissage sont :
- La définition de l’offre de formation par apprentissage,
- Le financement du fonctionnement et des investissements des CFA,
- Le versement d’aides aux apprentis,
- Le versement d’aides aux employeurs.
Les priorités de la politique régionale en matière d’éducation et de formation sont
de :
Contribuer à l’élévation du niveau de formation et de culture des lycéens et
des apprentis
Réduire les inégalités d’accès à la formation
Améliorer les conditions de vie des lycéens et apprentis
Favoriser l’éducation à la citoyenneté et l’initiative dans les lycées et les CFA
Les dispositifs mis en place par la Région des Pays de la Loire pour améliorer les
conditions de vie et de formation des jeunes (gratuité des manuels scolaires, aide à
l’équipement professionnel, ordinateur pour les jeunes issus de familles à revenus
modestes, fonds social apprentis, pass apprenti comprenant un forfait pour l’aide au
transport et à l’hébergement de tous les apprentis, aide à la restauration pour tous
les apprentis, etc.) doivent contribuer à réduire les inégalités, favoriser la réussite de
tous et accompagner les jeunes dans leurs projets professionnels et de formation.
La Région des Pays de la Loire, en partenariat avec le Rectorat et la DRAAF,
accompagne les démarches d’établissements éco-responsables mises en oeuvre
par les lycées et les CFA. L’objectif est que 100% des lycées et CFA soient éco-
responsables en 2015 en Pays de la Loire. L’enjeu est d’aider chaque jeune à être
capable de faire des choix responsables et raisonnés, en lui donnant l’occasion de
découvrir la complexité des enjeux et des acteurs, en le plaçant en situation d’agir
et en lui permettant d’acquérir les connaissances et les attitudes qui lui seront
indispensables.
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2.3 Les partenaires en matière de santé et de sécurité au travail
La CARSAT10 se donne 3 missions : « Préparer et payer la retraite par répartition,
Accompagner les assurés fragilisés par un problème de santé ou de perte
d’autonomie, Prévenir les risques professionnels et assurer la santé et la sécurité au
travail ». Sensibiliser au plus tôt les citoyens aux questions de santé et sécurité au
travail, notamment dès le lycée, c’est prévenir les accidents du travail et les
maladies professionnelles et réduire leur fréquence pour l’avenir. Il y a un véritable
enjeu de réduction des coûts publics pour la CARSAT.
DIRECCTE Pôle Travail11 : L’étude GESTEPRO se place dans les actions locales de la
DIRECCTE en faveur du plan régional de santé au travail12. « Le Plan Santé au travail
2010-2014 (PST2) s’inscrit dans la continuité du premier plan et passe par la mise en
œuvre effective d’actions visant à prévenir les risques professionnels et le mal-être au
travail, à réduire les accidents et les maladies professionnelles, à prévenir la
pénibilité, l’usure due au travail et la dégradation de la santé, et à permettre le
maintien dans l’emploi ». Les actions en faveur de la prise en compte de la santé et
de la sécurité au travail dans les activités d’enseignement sont une priorité du plan
national de santé au travail devant être décliné en région. Le pôle travail a la
charge de coordonner cette politique en région. Il a par ailleurs pour mission la
coordination régionale de la politique du Ministère du Travail. Il assure le contrôle de
l’application du droit du travail à travers le corps des inspecteurs dont « six
inspections sur dix ont trait à la sécurité ». Pour le pôle travail, il y a un réel problème
d’appropriation par le collectif des démarches de S&ST. Cette question du collectif
« devrait être prioritaire par rapport aux démarches individuelles » qu’ils constatent
en entreprise et sur chantier13. Ainsi, le Lycée doit être le terrain de cette
appropriation pour faire des élèves de futurs salariés responsables au sein d’un
collectif de travail.
2.4 Les établissements d’enseignement : cœur de l’étude
Chef d’établissements, chef d’établissements adjoints et chefs de travaux « sont
chargés de conduire la politique pédagogique et éducative de l'établissement, en
concertation avec l'ensemble de la communauté éducative, pour offrir aux élèves
les meilleures conditions d'apprentissage »14. Ils ont aussi un rôle à jouer dans les
partenariats avec les entreprises. Les chefs d’établissement rencontrés se sont en
effet montrés pragmatiques en émettant souvent des propositions pour changer
l’organisation au niveau de leur lycée. L’enjeu pour eux se situe donc surtout du
point de vue de l’accompagnement du changement ainsi que du soutien
(financier, matériel, des équipes, …). Ils ont un point de vue éminemment
10 Depuis Juillet 2010, la CRAM est devenue la CARSAT : Caisse d'Assurance Retraite et de la
Santé Au Travail. On peut retrouver un descriptif complet de ses missions sur le site internet :
http://www.carsat-pl.fr 11 Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et
de l’Emploi 12http://www.pays-de-la-loire.direccte.gouv.fr/le-plan-regional-de-sante-au-travail-2010-2014-
prst-2-pays.html 13 Propos tenus lors du comité de pilotage. 14 Toutes les définitions suivantes sont issues du site du Ministère de l’Education Nationale.
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gestionnaire. Les chefs de travaux sont plus particulièrement en charge de la
coordination des enseignements professionnels. Pour les CFA, on aura une
organisation assez proche avec un directeur, son adjoint et une fonction proche de
celle de chef de travaux. En vertu du code du travail, « chaque centre de formation
d’apprentis est placé sous l’autorité d’un directeur (…) qui est responsable du
fonctionnement pédagogique et administratif du centre, sous réserve des pouvoirs
d’ordre administratif et financier appartenant à l’organisme gestionnaire précisés
par la convention de création du centre ».
Les Professeurs de Lycée Professionnel (PLP) « participent aux actions de formation,
principalement en assurant un service d'enseignement dans leur discipline
respective. » Notons au passage que l’exercice en équipe pluridisciplinaire n’est pas
mis en valeur par cette définition. Chaque enseignant construit son cours en
respectant les référentiels des diplômes ainsi que les diverses prescriptions émanant
du MEN. Pour cette population, les problématiques S&ST sont incorporées dans un
enjeu plus vaste relatif à l’enseignement de leur discipline (contenu de cours et
forme) et au face à face pédagogique (relation aux élèves)15. L’étude est alors un
moyen pour exprimer leurs besoins (formation, ressources). La problématique de
santé sécurité au travail intéresse directement les professeurs d’enseignements
professionnels ne serait-ce que dans la mise en œuvre sécurisée de leurs
enseignements pratiques. Les professeurs de Prévention Santé Environnement (PSE)
ont quant à eux la charge de former et d’éduquer aux grands principes de
prévention, y compris pour les parties théoriques concernant la santé et la sécurité
au travail. L’équipe enseignante est complétée par des professeurs de
l’enseignement général (français, langue, mathématique,…). Pour les CFA,
l’appellation retenue est celle d’enseignant/formateur. On retrouve cependant une
répartition similaire entre enseignants/formateurs en enseignement technique et
ceux d’enseignement général et de PSE. Le statut des enseignants/formateurs en
CFA est variable selon le réseau d’appartenance de l’organisme gestionnaire
auquel est adossé le CFA (chambre de commerce et d’industrie, chambre des
métiers, éducation nationale, agricole, paritaire du BTP, enseignement catholique,
enseignement supérieur, maison familiale rurale, monoprofessionnel adossé à une
branche, une fédération, etc …).
Les personnels infirmiers sont des observateurs de la santé globale des élèves. Ils ont
pour mission principale d’assurer une permanence dans les établissements afin
d’apporter les premiers soins aux élèves. Ils sont souvent impliqués dans la promotion
des actions de santé en direction des élèves de l’établissement : prévention,
journées d’action, bilans de soins… On peut dire qu’ils ont un rôle d’éducation à la
santé.
Si les missions du médecin scolaire telles que présentées dans un texte de 200116
intègrent pour une part des missions de prévention, son intervention est
essentiellement concentrée sur des actions spécifiques liées aux sollicitations des
15 Voir à ce sujet la relation pédagogique définie par Houssaye, J. (1993). La pédagogie : une
encyclopédie pour aujourd’hui. Paris : ESF. 16 Retrouver une description de ses missions en cliquant sur le lien suivant
http://www.education.gouv.fr/bo/2001/special1/default.htm
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établissements en cas de difficultés des élèves, à l’intégration des élèves
handicapés ou encore aux visites médicales concernant l’évaluation systématique
de l’aptitude des élèves du point de vue de la santé à la pratique de leur futur
métier.
Ces personnels de santé n’existent pas dans les CFA. Du point de vue médical, les
apprentis relèvent du médecin de santé au travail de l’entreprise. Nous constatons
par ailleurs, dans le CFA de notre étude, l’existence d’éducateurs/animateurs ayant
un rôle de surveillance (internat), mais surtout d’accompagnateurs, d’animateurs et
d’aide sociale auprès des apprentis.
L’apprenant, l’acteur central, reçoit les enseignements dans un processus de
formation à un métier selon le référentiel établi comprenant un temps plus ou moins
important en entreprise. Au-delà de la formation du professionnel, il s’agit également
d’éduquer le citoyen. Il s’appellera apprenti dans les CFA et élève dans les
établissements sous statut scolaire.
L’entreprise accueille apprentis et élèves pour compléter leur formation pratique.
Dans le premier cas, l’apprenti est salarié, alors que l’élève a le statut de stagiaire.
Cette différence de statut conditionne plusieurs différences significatives:
l'apprenti est sous la responsabilité première de l'entreprise dans laquelle il
passe l'essentiel de son temps sachant qu'il va passer environ 13 à 15
semaines par an en centre de formation par exemple pour un cursus de CAP
maçonnerie ; il passe sa visite médicale du travail dans les services de
médecine de santé au travail des entreprises,
l'élève lui dépend de la médecine scolaire et reste y compris pendant le
stage en grande partie sous la responsabilité de l'établissement scolaire; en
fonction de son avancement dans son cursus, son temps passé en entreprise
reste limité à quelques semaines de stage chaque année (22 semaines
réparties sur 3 ans pour un Bac pro Hôtelier par exemple).
Dans la continuité des axes de réflexion proposés dans la figure 2 et des différents
acteurs positionnés dans la figure 5, plusieurs questions se présentent dans le cadre
de cette étude. En partant de l’objet de travail et des enjeux d’« Enseignement de la
santé et sécurité» liés à cet objet, il s’agira de le replacer plus largement dans son
contexte en lien avec :
L’enseignement de la sécurité et de la santé dans un cadre lui-même sécurisé
du point de vue des activités d’enseignement mais plus largement des
conditions d’accueil dans les établissements,
Les autres enseignements et les pratiques pédagogiques en général,
La santé de l’apprenant en général, car comment celui-ci se préoccuperait-il
de sa santé et sécurité au travail sans considérer sa santé en général et son
comportement en dehors du cadre d’enseignement ? Comment se place le
risque de santé et sécurité au travail parmi d'autres risques ?
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Les exigences sociales en la matière, leur traduction dans les politiques
nationales et leur déclinaison en lien avec les partenaires (DIRECCTE, CARSAT,
fédérations professionnelles),
Les exigences et les pratiques des entreprises d’accueil perçues par les
professeurs et les apprenants,
Les phénomènes « d’émulation » entre professeurs, apprenants et chef
d’établissement, inspecteurs et tuteurs (entreprise) ou comment l'organisation
permet-elle aux acteurs ou ne leur permet-elle pas de se saisir
convenablement de cet enjeu ?
La formation des formateurs et les autres outils proposés aux acteurs sont-ils
adaptés ?
….
Avant de présenter les résultats, nous développons la problématique de l’étude en
apportant quelques éclairages qui mériteront certainement d’être développés et
discutés plus en profondeur. Cela permettra de proposer un cadre à l’analyse des
observations recueillies.
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C- Santé & sécurité au travail chez les jeunes : quelle
problématique ?
1. Santé et sécurité au travail : un « construit psychosocio-gestionnaire
1.1 L’individu, sa santé, sa psychologie du risque
Nous retiendrons la définition de l’OMS pour parler de la santé comme « d’un état
de complet bien-être physique, mental et social, et ne consistant pas seulement en
une absence de maladie ou d'infirmité. » (OMS, 1946). Ainsi donc, l’atteinte physique
n’est pas le seul constituant de la santé, il faut y adjoindre la santé mentale
(équilibre psychique, pathologique ou non) et la santé sociale (relations avec
autrui).
La sécurité17 ?
« Situation dans laquelle quelqu’un, quelque chose n’est exposé à aucun danger »
(Petit Larousse, 2008)
« Besoin qui, satisfait, provoque un sentiment particulier de quiétude. Ce besoin est
fondamental, mais les moyens de satisfaire divers suivant les individus, les situations,
les époques et les cultures. Ce sentiment découle de la certitude qu’éprouve
l’individu qu’aucune menace ne pèse sur ce à quoi il tient : la vie, ses besoins
essentiels, matériels, affectifs, intellectuels, spirituels…Sentiment souvent irrationnel et
très individuel pour lequel entrent en ligne de compte la personnalité de l’individu,
son expérience, son éducation, la situation dans laquelle il se trouve, son degré
d’information. Tel se sentira en sécurité bien qu’objectivement en danger, tel autre
sera anxieux sans raison apparente ». (M. Grawitz, 2004, Lexique des sciences
sociales).
Santé et sécurité sont donc à la fois subjectifs et objectifs, subjectifs dans le sens où
l’individu construit sa propre perception vis-à-vis de ces questions et de leur
importance (on parlera de construction mentale vis-à-vis de l’objet), et objectifs
dans le sens où une affection existera ou n’existera pas (réalité tangible).
Le processus psychologique conduisant à la prise de risque tient compte de facteurs
extérieurs à la situation proprement dite (éducation, formation, situation vécues
antérieurement et plus ou moins comparable à la situation présente) qui influent sur
la perception que l’on a du risque, elle-même liée à notre personnalité et au calcul
coût/ bénéfice par rapport à l’objet qui pourrait déterminer ainsi le risque théorique
réel. On pourrait ainsi théoriquement générer un décalage plus ou moins important
entre le risque réel et le risque perçu notamment dépendant de la qualité de
l’apprentissage antérieur, de la connaissance de soi, de ses capacités. Les
motivations à la prise de risque sont diverses. Elles peuvent être d’ordre pratique,
17 Définitions issues de l’ouvrage Management des risques pour un développement durable,
s/d de X. Michel, P. Cavaillé, & Coll. (2009)
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d’un besoin d’autonomie, de sensations, de la recherche du prestige ou encore de
l’ordre de la catharsis ou de l’ordalie18.
La prise de risque pour soi (et pour les autres) en situation de travail implique
inévitablement la gestion des contradictions éventuelles entre performance
attendue et mise en danger, « le risque n’étant admissible que parce que l’activité
qui le crée permet d’atteindre des objectifs positifs ou souhaités ». 19
Selon le psychologue canadien Gerald Wilde, les accidents sont liés à la tolérance
ou à l'acceptation des risques. Pour lui, le défi de la psychologie, ce n'est pas de
déterminer si la personne a tendance à se conduire de façon risquée ou non, mais
de déterminer la quantité de risque qu'elle accepte (beaucoup, peu ou aucun).
1.2 De l’individu au groupe social et à sa gestion
La santé et sécurité, incorporée au travail, introduit l’angle du collectif. Ainsi il y aura
en plus d’une construction individuelle de la S&ST une construction sociale sur ces
questions qui pourra conduire à une prise en charge dans des dispositifs de gestion.
Elle pourra s’incarner dans une culture d’entreprise ou de métier (« culture éducation
nationale », « culture BTP »…) laquelle véhicule, au-delà du réglementaire, les
normes20 de fonctionnement (ce qui se fait ou ne se fait pas en l’occurrence) et
valeurs (idéologies).
Figure 6 : représentation conventionnelle du risque comme une
combinaison de sa probabilité d’occurrence et des dommages potentiels (gravité).
18 D’après X. Michel, et Coll. (2009). Du management des risques au développement durable.
Paris : Dunod. 19 Kouabenan, D.R., Cadet, B., Hermand, D., Munos Sastre, M.T. (2006). Psychologie du
risque : Identifier, évaluer et prévenir les risques. Bruxelles : De Boeck. 20 Nous nous basons ici sur les quatre modes de régulation en organisation évoqués par Brizais
R. & Chauvigné C. (1994), Du réglementaire et du normatif ; une nécessaire différenciation
conceptuelle. TRAPS Travaux–Recherches–Applications–Pratiques-PsychoSociologiques. n.s,
1, 49-72. Nous distinguons ainsi ce qui relève du contrôle de l’application du prescrit (règle) et
ce qui relève d’une (dés)approbation implicite d’un groupe à l’égard du comportement de
ses membres (norme). La norme a toujours un pouvoir d’action plus fort que la règle, ce qui
n’empêche pas la règle de devenir une norme bien entendu.
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Dans une approche totalement constructiviste (Dean, 1999)21, « le risque est une
chose qui n’existe pas en réalité. Le risque est une manière –ou plutôt un ensemble
de différentes manières- d’ordonner la réalité, de la rendre sous une forme
calculable. C’est une manière de représenter les évènements tels qu’ils soient
gouvernables de manière particulière, à des fins particulières… ».
Ainsi les systèmes techniques de gestion tenteront, comme symbolisé dans la figure
6, de déterminer collectivement ce qui relève du risque acceptable et de
l’inacceptable en espérant que chacun dans son activité de travail y trouve matière
à pratiquer son métier de manière plus sûre.
2. L’adolescence, âge de toutes les expériences
L’adolescence correspond à une période d’expérimentation qui implique la
consommation de substances psychoactives, la découverte de la sexualité, les
débuts de la conduite (scooter, conduite accompagnée)… L’adolescence est une
période charnière, où le jeune remet en cause son rapport au monde, ses relations
de dépendance (aux parents, aux institutions) et met en exergue ses désirs
d’autonomie (Jeammet, 2005)22. En cela l’adolescent cherche à s’émanciper de
son état Enfant pour basculer dans celui d’Adulte. De cette lutte survient une
fragilisation de son univers psychique et son rapport à la réalité externe en est
modifié. Ce passage vers l’état adulte ne se fait pas que sur le plan psychique, il est
aussi physique, dans l’incarnation de la puberté, et sociale, que ce soit dans la
relation aux pairs ou au monde du travail (ce sont les premiers « jobs d’été »). La
fameuse « crise de l’adolescence » est souvent le symptôme de cet état de
déséquilibre que vit l’adolescent (Coslin, 2003)23.
Les conduites à risque chez les adolescents sont l’objet de plusieurs hypothèses.
L’une d’elles propose que les conduites à risque soient l’expression d’un sentiment
d’invulnérabilité ou un exutoire qui accompagne la construction de leur
personnalité. Elles vont souvent de pair avec une quête d’autonomie et la
recherche d’indépendance. Cet engagement manifeste une volonté de contrôler
son environnement, mais aussi son propre comportement et est, en ce sens,
appréhendé par le jeune comme une étape cruciale de son autonomisation.
La conflictualité qui en résulte peut correspondre à l’extériorisation du stress et de
l’angoisse de jeunes confrontés à de multiples difficultés, qu’elles soient sociales,
scolaires ou familiales.
Toutes les conduites à risque sont influencées, d’une part, par des facteurs externes,
tels le passage de l’enfance à l’âge adulte, la nature même du statut d’adolescent,
le changement du milieu de vie, les stéréotypes sociaux auxquels on tend à se
21 Dean M. (1999). Risk, calculable and incalculable, In : Lupton D. ed., Risk and sociocultural
theory. New directions and perspectives (pp. 131-159). Cambridge: Cambridge University
Press. 22 Jeammet, P. (2005). Adolescence et dépendance. Psychotropes. 11 (3), 9-30. 23 Coslin, P. G. (2003). Les conduites à risques à l’adolescence. Paris : Armand Colin.
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conformer ou les interactions sociales. Elles subissent, d’autre part, des influences
internes : remaniement des pulsions et des défenses, peur de la passivité qui,
renvoyant à l’enfance et à ses soumissions, conduit à l’action pour nier cette
passivité. A cette diversité des influences répond celle des formes de mises en acte.
Certaines sont déviantes, d’autres non.
3. La sur-accidentologie : symptôme du jeune ou du débutant… précaire ?
Les jeunes sont ceux qui subissent le plus d’accidents du travail : en 2009, l’indice de
fréquence des accidents du travail est au maximum pour les jeunes entre 16 et 19
ans (Figure 7). Par ailleurs, selon les données de l’enquête SUMER (2003), les jeunes
de moins de 25 ans sont 7,9% à avoir eu un accident avec arrêt l’année précédant
l’enquête contre 3,2% pour les plus de 39 ans. Les apprentis et intérimaires, deux
populations plutôt « jeunes », sont plus fortement touchés par les accidents avec
arrêt (respectivement 9,6% et 8,6%) que les autres salariés.
Figure 7 : Indice de fréquence (nombre d’accidents du travail pour 1000 salariés)
en fonction de l’âge (INRS, 2009).
Cette sensibilité aux accidents serait surtout due en partie à leur manque
d’expérience24: en tant que novice, le jeune durant son stage (ou son contrat de
travail pour l’apprenti) est plus exposé et fragile aux aléas. Il a besoin de faire des
ajustements récurrents qui demandent de la concentration et du temps pour
pouvoir gérer les imprévus. Cependant, ce serait conclure un peu trop vite et
affirmer que seule la jeunesse est en cause dans ces accidents !
24 Kornig, C., & Verdier, E. (2008). De très petites entreprises de la réparation automobile face
aux normes publiques de la prévention des risques professionnels. Revue française des
affaires sociales 2(3), 161-184.
Plus d’accidents chez les jeunes
(source INRS 2009)
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Le contexte économique actuel place les jeunes dans une situation de précarité.
Les chiffres de l’INSEE parlent d’eux-mêmes : en moyenne en 2010, 9,4% de la
population active est au chômage et cela concerne 22,9% des 15-24 ans (INSEE,
2010).
Dans une situation de forte concurrence, les jeunes entrent davantage sur le marché
du travail par le biais d’emplois précaires en comparaison de leurs aînés : CDD
(28,5%), Apprentissage (15,4%), Intérim (6,1%), alors que les CDI sont « réservés » aux
plus de 25 ans. Les Enquêtes Conditions de travail (2005) et SUMER (2003) ont montré
par ailleurs :
un accroissement du travail en urgence,
que les jeunes travailleurs (ainsi que les apprentis et stagiaires) sont exposés
plus que leurs ainés à la plupart des contraintes (postures, gestes répétitifs,
vibrations, bruit, agents cancérigènes). Le fait d’être « jeune et fort » (poids
des représentations sociales) serait l’une des raisons de cette surexposition par
rapport à leurs ainés,
mais aussi le fait de ne pas avoir un réel statut au sein de l’entreprise :
l’intérimaire est rattaché à son agence intérim (qui fournit les EPI), le stagiaire
est présent pour une courte durée et l’apprenti, même s’il a le statut de
salarié et est favoriser par une présence sur une plus longue durée dans
l’entreprise, peut se retrouver dans une position plus ou moins « confortable ».
Ainsi la différence de statut joue sur l’accès aux « ressources » de S&ST
(syndicats, soutien des collègues, équipements plus performants…) et la
possibilité de défendre ses intérêts du fait du contrat ou du fait de l’âge.
« On sait que les salariés précaires – intérimaires, CDD – et, plus largement, ceux qui
sont peu anciens dans leur emploi sont surexposés aux risques professionnels […] Le
chômage de masse et la précarisation de l’emploi tirent incontestablement vers le
bas le niveau d’attente à l’endroit des conditions de travail et d’exposition aux
risques.» (Bouffartigue, 2010).25
25 Bouffartigue, P. (2010 ). La perception des liens travail/santé : Le rôle des normes de genre
et de profession. Revue française de sociologie, 51 (2), 247-280.
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Travail22%
Circulation13%
Sport24%
Domestique41%
Origine des accidents en France %
Figure 8 : Origine des accidents ayant nécessité des soins évalués sur la population
française en 201026.
Si les spécificités du comportement des adolescents sont à prendre en compte, il y a
d'autres déterminants tout aussi importants à prendre en compte et qui nous sont
révélées par d'autres chiffres :
« Les salariés sous contrat temporaire (22 % des accidentés) sont trois fois plus
accidentés que les salariés sous contrat à durée indéterminée. »27,
Les travailleurs d'origine étrangère ont 1,5 fois plus d’accident que les autres
travailleurs,28
chaque année environ 10 % de la population française est victime d'un
accident nécessitant des soins parmi lesquels les accidents du travail
représenteraient 22 % contre 24 et 41 % respectivement pour les accidents
d'origine sportive et domestique (Figure 8),
Comme la question de la sécurité ne doit pas se réduire aux seuls accidents de
travail, la question chez les jeunes, c'est aussi celle de la qualité de leur alimentation,
des pratiques addictives, de la violence dans les rapports sociaux ou encore de leur
bien-être en général.
26 Source étude INPES INVS baromètre santé 2010 sur
http://www.inpes.sante.fr/Barometres/barometre-sante-2010/pdf/accidents-france.pdf
27 Christofari, M.-F. (1997). Les accidents du travail. Indicateurs de précarisation de la santé
au travail. In B. Appay et A. Thébaud-Mony (Dir.). Précarisation sociale, travail et santé. Paris :
IRESCO (p. 54).
28 Tabin, J.-P., Probst, I., & Waardenburg, G. (2008). Accidents du travail : la régularité de
l'improbable. Interrogations - revue pluridisciplinaire en sciences de l'homme et de la société.
Numéro 6. La santé au prisme des sciences sociales.
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4. Le diplôme : nécessaire mais pas suffisant
Une étude menée sur un échantillon de 20 000 jeunes issus de différents pays
d'Europe, d'Asie et d'Amérique du Nord, montre que les jeunes Français sont
globalement les plus pessimistes29 de tous les pays interrogés :
Sur les apports de la mondialisation
Sur le fait que les gens peuvent changer les choses
Sur leurs espérances d’avoir un « bon travail à l'avenir ».
Ce sont encore les jeunes Français qui sont les plus soucieux du « regard des autres »
et les moins prêts à « payer pour les gens âgés ». « Leur niveau de fatalisme est
impressionnant, observe Anna Stellinger, directrice de recherche à la Fondation pour
l’innovation politique, et initiatrice de l’enquête. Cela transparaît dans tous les
classements.»
Dans ce même article du magazine l’Express, Olivier Galland (CNRS) souligne le
poids du diplôme et du classement dans la culture française (le poids du regard de
l’autre), au détriment du contenu de l’enseignement. « Dans ce cas, l’école sert
non à former, mais à classer, hiérarchiser les gens, c’est-à-dire à produire de
l’anxiété. Pis, le niveau d’études est exactement prédictif de la position que l’on
occupera dans la société. »
Laflamme posait dès 1996, à ce titre, la question suivante30: « l’effet conjugué de la
« scolarisation de masse » et de la baisse du marché de l’emploi provoque-t-il une
dévaluation économique et sociale des diplômes ? » (Laflamme, 1996).
L’Education Nationale se doit cependant d’assurer une mission de service public,
tournée vers les citoyens français : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de
l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de
l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'Etat. »
(Constitution du 27 octobre 1946, Préambule). C’est dans cette optique que Jean-
Pierre Chevènement créa le Baccalauréat Professionnel :
« 80% d’une génération au niveau du bac » est le slogan emblématique lancé en
1985 par Jean-Pierre Chevènement lorsqu’il était ministre de l’Education Nationale.
Formalisée par Lionel Jospin dans sa loi d’orientation sur l’éducation en 1989, la
démocratisation scolaire va être le fer de lance des années 80/90. » (Beaud, 2002).31
L’État marque ainsi sa volonté de valoriser les filières professionnelles.
29 Etude menée par la fondation pour l'innovation politique :
http://www.fondapol.org/fileadmin/uploads/pdf/documents/Dossier_LExpress_Etude_Jeunes.
30 Laflamme, C. (1996). Inflation des diplômes et insertion professionnelle des jeunes :
situation des diplômés du secondaire professionnel et du cégep technique sur le marché de
l’emploi. Revue des sciences de l'éducation 22 (1), 47-72. 31 Beaud, S. (2002). 80 % au bac et après ? : les enfants de la démocratisation scolaire. Paris :
La Découverte.
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« A quoi servent les études ? Dans une société où chacun va à l'école longtemps,
les diplômes sont indispensables et l'échec scolaire se transforme en handicap
social. En même temps, les diplômes protègent de moins en moins des risques de la
précarité et du déclassement.» (Dubet, 2007).
Dans ce contexte, la formation professionnelle est encore perçue comme un pis-
aller, un choix par défaut accueillant principalement les classes sociales les plus
modestes32.
La lutte contre l’échec scolaire et contre la sortie « prématurée » du système scolaire
est toujours l’un des chevaux de bataille de l’Education Nationale.
Comment dans un contexte d’Education « de masse » assurer au mieux la formation
des apprenants et futurs travailleurs et ce dans des conditions satisfaisantes du point
de vue de leur santé, de leur identité, de leur dignité et donc de leur avenir ?31 C’est
un véritable enjeu, et encore plus dans les filières d’enseignement professionnel qui
visent une entrée dans la vie active rapide, souvent directement après la validation
du diplôme (CAP, BP, Bac Pro…). Cet enjeu d’intégration rapide dans le monde
professionnel est au cœur des formations par apprentissage qui après avoir diminué
jusqu’au début des années 70, n’ont cessé d’augmenter en France pour atteindre
plus de 425 000 apprentis en 200933. Dans ce contexte de formation, l’apprenti avec
son statut de salarié, partage son temps entre son entreprise et son centre de
formation impliquant une pédagogie sensiblement différente des filières scolaires
même si celles-ci ont eu tendance à accroitre la part du temps passé en entreprise
par le développement de stages. La nouvelle réforme du bac professionnel et le
développement de l’apprentissage montre bien les profondes mutations dans
lesquelles la formation professionnelle en général est engagée.
Du point de vue de la sécurité au travail, il n’est donc pas bon d’être jeune, garçon,
peu qualifié, d’origine étrangère, car nous aurions d’une part un grand risque de pas
avoir d’emploi ou bien d’en avoir un précaire, pénible, à risque, mal considéré, et
pour lequel on sera mal préparé alors même que l’on est à l’âge où l’on construit
son identité d’adulte avec une forte envie d’exister.
C’est pour ces raisons que les conditions de la mise au travail (absence de
protections, travail sous pression, manque de qualifications et de supervision,
déstructuration des collectifs formels ou informels de travailleurs(ses), etc.),
structurent le risque lié à l’activité productive, ce qui permet à Daubas-Letourneux et
Thébaud-Mony d’affirmer qu’« il n’y a pas d’accidents « accidentels »34.
32 Frigul, N., & Thébaud-Mony, A. (2010). Où mène le Bac pro ? Enseignement professionnel et
santé au travail des jeunes. Paris : L’Harmattan. 33Abriac et col. (2009). L’apprentissage, entre formation et insertion professionnelles
http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/ref/formemp09e.PDF 34 Daubas-Letourneux, V., & Thébaud-Mony, A. (2001). Les angles morts de la connaissance
des accidents du travail. Travail et Emploi, 88, 2001 (p. 37).
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D- Que pensent les acteurs des établissements ? Résultats &
analyse
Pour mémoire (Cf. méthode), nous avons recueilli, au sein de 5 lycées35 et 1 CFA de
différents secteurs d’activité, le point de vue de dirigeants d’établissements,
d’agents, et surtout d’enseignants (principalement d’enseignement professionnel et
de prévention santé environnement), de jeunes élèves et apprentis sur la gestion des
enjeux de santé et sécurité au travail. Ce sont au total 67 personnels et 190 élèves et
apprentis qui ont été interviewés lors de l’étude qualitative (38 à la phase I et 152 à
la phase II). Par ailleurs, 813 élèves et apprentis et 115 professeurs ont répondu à
notre enquête sur la perception des risques professionnels, de son enseignement et
de sa prise en compte dans l’organisation des établissements de formation et des
entreprises.
Pour la partie entretiens et focus groups, les propos ont été recueillis sous forme de
prises de notes de manière exhaustive dans le cadre de ces échanges semi
directifs36 (Cf. méthode). Ces notes ont ensuite fait l’objet d’une analyse de contenu
en synthétisant par thèmes les propos recueillis pour chaque groupe social
cohérent : personnels de direction (chef d’établissement et adjoint), chef de
travaux, agents (principalement ceux assurant la fonction de conseiller en
prévention), infirmières, professeurs d’enseignement professionnel, professeurs de
Prévention Santé Environnement (PSE), élèves et apprentis. La liste des thèmes
abordés dans ces échanges est présentée en annexe pour chaque groupe social.
L’analyse des propos des élèves/apprentis est également présentée dans sa
globalité ainsi que les principaux résultats de l’enquête par questionnaire menée
auprès d’eux.
Au regard de la problématique, notre analyse est principalement fondée sur les
entretiens complétés par des données quantitatives pouvant, à propos, apporter
des indices de pondération aux tendances observées. Elle reprend les faits les plus
marquants en les illustrant par des verbatim représentatifs des tendances observées.
Ces principaux constats donneront lieu à une discussion suivie de proposition d’axes
de progrès.
35 Pour rappel, 2 lycées (Hôtellerie et Restauration) ont été investigués lors de la phase I, et 3
autres (Menuiserie, Travaux Publics, Maintenance,…) lors de la phase II. 36 Ce sont d’abord les personnes interrogées qui décident de ce qu’elles souhaitent mettre à
l’ordre du jour de l’entretien autour du thème de leur formation, de leur parcours, de leur
métier et de ses enjeux de santé et de sécurité ; l’intervieweur relance sur certaines questions
et précisions si elles n’ont pas été évoquées spontanément (voir méthode).
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1. L’Enseignement à la santé et sécurité au travail
1.1 La sensibilité à la santé et sécurité au travail : une préoccupation partagée
La S&ST préoccupe l’ensemble des jeunes interrogés, que ce soit par questionnaire
ou lors des entretiens. Ils sont 52% à la considérer comme un objet important, voire
très important pour 35% d’entre eux (figure 10).
L’importance de la S&ST est la même pour tous, il n’y a pas de différences
significatives entre les secteurs d’activité, les modalités d’enseignements, l’âge ou
encore les niveaux d’études. Lors des entretiens collectifs, très souvent les
apprenants l’évoquent comme quelque chose « d’important ».
Du point de vue des adultes, les apprenants seraient certes sensibles, mais parfois
non-conscients des dangers, dans cette optique de l’adolescent immortel qui prend
des risques :
professeur de PSE : « l’adolescent est invulnérable »
Personnel de direction : « Coté sécurité ce n’est pas très parlant pour eux, ils
sont un peu inconscients »
Infirmière : « Cette année ils m’ont dit « on sait bien madame mais de toute
façon on est jeune là » ». « Ils sont dans l’expérience […] Ils sont encore dans
l’adolescence. Et c’est l’alcool, le cannabis, au niveau sexuel. Parce que le
collège ils le voient comme un lieu fermé, et ils trouvent ça super long. Et là
c’est la liberté, on peut aller dehors, on peut fumer. Le midi, s’ils ont du temps,
ils peuvent aller manger dehors au kebab. »
Enseignant professionnel : « ils sont pas toujours conscients du danger. Quand
ils font des choses qu’ils ont l’habitude de faire, ils ont une perte de
vigilance. »
Les professeurs considèrent aussi cet objet comme assez important (23%) à très
important (73%) par rapport aux enjeux de leur filière. Notons que pour 90% des plus
de 55 ans (n=23) et des enseignants du secteur de l’industrie37 (n=25), c’est un enjeu
« très important ». Ces derniers se détachent significativement des autres spécialités.
Ils constatent pour les plus anciens, une évolution positive de la prise en compte de
ces questions de santé et sécurité au travail, que ce soit dans leur établissement
mais également dans le monde professionnel :
37 Nous avons rassemblé dans une seule catégorie « industrie » tous les professeurs ayant
signalé qu’ils avaient une spécialité productique, maintenance, plasturgie….
Figure 10: Le point de vue des élèves et apprentis sur la S&ST.
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« Entre mon apprentissage et maintenant c’est vrai qu’il y a un monde ; Il y a
15 ans, on s’occupait pas du tout du tout de la S&ST. On n’utilisait pas de
masque par exemple. On s’en souciait pas trop. Au fil du temps, on a vu les
sécurités évoluer, les capots, les protecteurs, sont devenus obligatoires. Entre
80 et 90, on a commencé à voir les changements. On en parle alors qu’avant
on n'en parlait pas.»
1.2 Une vision de la S&ST centrée sur le comportement de l’individu
En premier lieu, les élèves et apprentis abordent la question de la S&ST au travers des
Equipements de Protection Individuelle (EPI) : près de 90% des moyens de sécurité
évoqués par les jeunes sont des EPI. Ils sont souvent le point de démarrage des
entretiens collectifs. La surveillance et le contrôle hiérarchique de l’atelier/ chantier
vient en seconde position dans le discours des jeunes :
« on n'est pas tout seul sur un chantier, le chef peut demander qu'on mette
notre casque, et puis avec tous les inspecteurs… »
« ils sont surveillés maintenant les chantiers quand même. Le conducteur de
travaux vient tous les jours »
Sans ce contrôle, des nombreuses règles seraient levées selon eux. Bien souvent, le
respect de la sécurité est vécu comme une contrainte, une obligation exagérée qui
peut mener à la sanction, comme le note cet élève de terminale : « ils sont
contraints de le faire, ils se font engueuler s’ils ne marchent pas dans les allées
bleues… Il y a toujours un responsable derrière soi pour vérifier, ils sont contraints et
s’ils ne le font pas, c’est la sanction … »
Cependant le non-respect du port des EPI n’est pas lié à une simple mauvaise
volonté des jeunes, souvent ils évoquent le manque de confort et de praticité de
ces équipements qui finalement viennent gêner le travail : « le masque, j'ai essayé
une fois, mais quand il fait 25-30 degrés, c'est irrespirable ! »
Enfin la « vigilance » personnelle vient se placer en dernière position dans leur
discours. On notera que la « vigilance collective » est une évocation anecdotique,
seuls 3 jeunes l’ayant évoqué (soit 0,02% de l’échantillon) : « pour moi le chantier,
c'est comme à l'armée, le mec va regarder, surveiller. Le chantier, pour être en
sécurité, il faut tous qu'on se surveille, c'est comme une famille. Pour avoir une bonne
sécurité à 100%, il faut veiller l'un sur l'autre ».
Des enseignantes de PSE déplorent ce constat. Le sujet de contrôle en cours de
formation qu’elles avaient mis au point pour l’examen 2012 portait sur la prévention.
Les apprenants devaient classer les préventions selon leur degré d’efficacité, la plus
efficace étant la prévention « intrinsèque »38 (figure 11).
38 « Mesure de prévention qui, en modifiant la conception ou des caractéristiques de
fonctionnement de la machine et sans faire appel à des moyens de protection, élimine des
phénomènes dangereux ou réduit le risque lié à ces phénomènes. », Norme ISO 12100-1,
AFNOR.
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Ces enseignantes furent étonnées de constater que la grande majorité des
apprenants avaient mis en première position les EPI : « La moitié a écrit « au moins je
suis sûr que je l’ai avec moi et que je vais le porter », en parlant des casques.»
La raison qu’elles évoquent à cette minoration de la protection est une absence de
maîtrise individuelle et de vision générale du jeune sur cette question : « On sent
qu’ils sont perdus parce qu’ils se sentent pas capables de vérifier que la prévention
intrinsèque est prévue. »
Figure 11: Les principes généraux de prévention (article L. 4121-2 du code du travail),
ressource proposée par le site internet ES&ST.
Par ailleurs, lors de la rédaction de leur dossier de prévention santé environnement
(PSE) portant sur l’évaluation des risques, de nombreux élèves ont déploré auprès de
leurs professeurs l’impossibilité ou les freins mis en place par les entreprises d’accueil
afin de pouvoir réaliser ce dossier. Ils sont déjà placés par l’entreprise dans l’optique
de l’opérateur qui fait le travail mais qui ne réfléchit pas ou peu aux questions
d’organisation. Finalement, il reste cantonné au rôle d’exécutant. Il n’est pas
étonnant alors que les protections relevant de l’organisation du travail et du collectif
soient si peu investies par les jeunes : ils ont appris quelle place l’entreprise leur
accordait (rôle social attendu). On note à ce sujet une certaine ambiguïté dans le
référentiel (figure 12). Si le principe d’approche ergonomique est abordé en
Terminale, est-il possible de le faire sans prendre en compte les questions
d’organisation qui, elles, sont plus particulièrement abordées en BTS ?
L’élève aura alors du mal à se projeter dans des études complexes et ergonomiques
de l’organisation du travail car en entreprise, personne ne l’y invitera. Un élève de
Terminale de la filière Maintenance dit à ce sujet : « On fait des études d’ergonomie,
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mais dans l’industrie, normalement, nous, on fait pas ça…c’est pas avec ton petit
bac pro que tu vas pouvoir faire ça. »
Figure 12 : Compétences et limites attendues en matière de S&ST par niveau
d'étude, site internet ES&ST
1.3 Une perception inégale du risque
C’est le risque lié au chômage qui préoccupe le plus les jeunes ( = 2,27, soit la
modalité « assez important »), suivi des conditions de travail et des accidents de la
route ( = 1,97 et 1,94). On retrouve ensuite sur le même niveau une importance
moyenne donnée à la qualité de l’alimentation, de l’environnement et des
pratiques addictives ( vers 1,50). Enfin, ce qui préoccupe le moins les jeunes sont les
formes de violence ainsi que les accidents domestiques (figure 13).
Figure 13: Résultats à la question « aujourd'hui et/ou à l'avenir, quelle importance
donnez-vous aux risques liés..».
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On peut comprendre facilement l’importance accordée aux deux premiers items
(trouver un emploi et conditions de travail) au vu du contexte socio-économique
actuel (Cf.. problématique), des expériences des jeunes en entreprise (une trentaine
d’évocations sur les 18 focus apprenants, soit 1,6 évocation/focus en moyenne) et
leur insertion proche dans le monde du travail :
Un première Bac Pro témoigne ainsi : « oui, chez… c’était dehors, les
conditions de travail étaient pitoyables, après j’étais à …il y avait beaucoup
de soudures partout, il faisait froid, mais c’est aussi parce que c’est comme
ça…c’est sur des wagons. »
Les deux items sont même liés l’un à l’autre pour cette jeune fille en CAP dans
une SEGPA : « Les salariés se plaignent pas, ils ont peur de perdre leur emploi.
Ils se mettent en arrêt mais ils en parlent pas (de leur mal de dos) à la
hiérarchie du coup »
L’évocation de la pénibilité au travail et des maladies professionnelles entre
aussi en ligne de compte : « quand je vois mon père comment il est à son
âge, il a trainé dans l’amiante et tout et on voit son état de santé
maintenant. »
Les jeunes interrogés lors des focus sont un petit nombre à nous révéler avoir déjà eu
un accident lié à la conduite d’un véhicule (n = 14). Par ailleurs, c’est dans le BTP,
secteur avec beaucoup de circulation et véhicules sur chantier, mais aussi d’alcool,
que le sujet est le plus abordé. Et sans avoir eu d’accidents, certains estiment que la
circulation routière est un danger en soi (N =8).
« quand j’étais dans le sud, avec ma mère, un mec en moto est arrivé à
pleines balles, il a pris le virage et il a glissé sur toute la route, il m’a choqué
cet accident, ils ne pouvaient pas le transporter en camion, il est mort dans
l’hélicoptère. Je m’en rappellerai toute la vie, ça m’a choqué. »
Pour les acteurs rencontrés, il s’agit d’un problème « majeur » : « on a en moyenne
un jeune par an qui se tue, voire deux », nous dit un enseignant professionnel, l’alcool
pouvant venir potentialiser ce risque.
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Le risque lié aux accidents domestiques et de loisirs est peu considéré. Cet item
semble être le moins important pour les élèves et apprentis (= 1,36, soit la modalité
« Un peu »). Pourtant, les blessures dans les activités domestiques et de loisirs sont les
plus importantes ( = 1,42) alors que les blessures au travail restent minimes ( = 0,49).
Parallèlement, ce type de risque est très peu abordé dans le référentiel de la PSE : sa
seule évocation est faite dans le module 7.1 traitant du risque général. Il n’est pas
non plus mis en avant par les établissements lors de journées spécifiques comme
peuvent l’être les pratiques addictives, le risque routier ou encore l’alimentation et le
développement durable. Par ailleurs, les risques liés à l’alimentation (module 2), aux
pratiques addictives (module 3) et à l’environnement (module 6) sont abordés assez
largement par le programme de PSE, et sont évalués de façon similaire par les élèves
et apprentis ( vers 1,5). Quant aux soucis liés aux accidents de la route (x vers 2), les
établissements ont l’habitude de sensibiliser régulièrement les jeunes sur cet objet,
tous les établissements participants nous ayant signalé une ou plusieurs journées
dédiées au sujet: « On a l’association des traumatisés crâniens qui vient, des
accidentés de la route, dont un qui avait eu un accident de vélo, et ça j’ai bien
ressenti, ça les a marqués, le fait qu’il faut porter le casque à vélo. »
De fait, on constate un effet modéré (les risques restent considérés comme « assez
importants ») mais non nul de la sensibilisation aux risques réalisée par les
établissements.
Si les jeunes sont peu préoccupés par leur consommation de substances psycho-
actives ou les risques domestiques, c’est d’une part qu’ils ont un sentiment de
maîtrise sur ces objets, et d’autre part que les conséquences sont moindres ou plus
lointaines, ce qui n’est pas le cas des conditions de travail et de l’emploi et du risque
routier.
Figure 14 : Blessures rapportées par les élèves et apprentis et place
accordée aux risques domestiques dans le référentiel PSE
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On note par ailleurs que les apprentis ont une perception globale du risque inférieur
aux élèves et ce significativement pour les risques liés à la violence, l’alimentation et
à l’emploi.
1.4 Le sens au travail : un préalable à sa « sécurisation »
o 1.4.1 Filières choisies, apprenants impliqués
Les jeunes ayant choisi leur filière par défaut ne représentent que 11, 6% des jeunes
interrogés par questionnaire. Globalement, les élèves et apprentis ont réellement
choisi leur cursus (88,4% du corpus)39, avec des différences notables selon :
Le type de formation : la filière dans laquelle se retrouvent les élèves est
significativement plus souvent un choix par défaut que pour les apprentis
(17,1% contre 5,8%),
Le secteur d’activité : le choix par défaut ressort davantage dans les secteurs
des Services (17,4%) et Tertiaire (46,8%) que dans le BTP (6,2%) ou l’Industrie
(3,5%).
Les jeunes ayant choisi leur filière par défaut sont 54,1% à vouloir « changer de voie »,
ce qui représente une différence significative avec ceux ayant choisi (10,2%
seulement veulent changer de voie). L’impact du choix est réel : il influence
significativement le degré d’utilité perçue des enseignements S&ST dans la pratique
professionnelle des élèves et apprentis (figure 15) :
Un chef d’établissement nous fait remarquer à ce sujet : « A partir du moment
où ils sont contents d’être ici, ils vont être impliqués, ils vont faire plus attention
à ces choses-là. »
Une infirmière se questionne : « est-ce que le jeune est là par choix ou par non
choix ? Il suffit après de regarder le cursus, la différence est visible entre le
jeune qui est parachuté là, le jeune qui n’a pas pu faire le projet qu’il voulait
ou qui n’avait pas de projet. A partir de ses notes, le conseil de classe décide.
Et on se retrouve avec des jeunes parachutés, et tant qu’il n y a pas de sens,
ce n’est pas possible […] le jeune qui n’a pas envie d’être là, on voit aussi la
différence sur la sécurité en atelier. La non-sécurité, c’est un moyen de
montrer son désaccord aussi. »
39 Ce qui vient bousculer l’image traditionnelle de l’enseignement professionnel comme
« voie de relégation » que nous avons entendu de la part de certains adultes rencontrés.
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La différence d’importance accordée à la S&ST n’est pas significative entre secteurs
d’activité (min = 2,05 pour le BTP ; max = 2,31 pour l’Industrie ; = 2,12) : les
apprenants prennent en compte de façon quasi-équivalente cette question.
Cependant, selon le secteur d’activité, la part du choix ou du non-choix change :
on constate un écart significatif entre le secteur du tertiaire (exclusivement
représenté par la filière ATMFC, Assistant(e) technique en milieux familial et collectif)
et les autres secteurs. Ils sont en effet plus nombreux (47%) à avoir choisi leur filière
par défaut (contre une moyenne de 12%). Les filières APR répondent de la même
façon que les ATMFC. Les filières du BTP et de la Production/Industrie et de l’hôtellerie
restauration font l’objet de véritables choix (autour de 95 %).
Figure15 : Influence du choix ou du non-choix de sa filière sur la perception des
enjeux de S&ST
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o 1.4.2 Dans les filières choisies « par défaut » : la santé des jeunes en question
Lors des entretiens, nous avons pu constater à quel point les filières de type
APR/ATMFC semblaient souffrir d’une image plus dévalorisée que les autres. Cette
problématique touche les jeunes engagés dans ces filières mais également leurs
enseignants, et leur santé et sécurité… :
Un manque de reconnaissance du travail effectué : « Nos ATMFC et nos APR
ont travaillé, fait des boites, vendus des gâteaux anglais, en lien avec
enseignants d’anglais et cuisine. Ils ont fait plein de trucs. Nos ASSP ont fait un
imagier français/anglais. Mais ils sont partis avec une facture très importante,
le but était de faire des bénéfices, mais eux ils se sont plantés. J’ai voulu
montrer que les APR et ATMFC avaient fait quelque chose et nos blouses
blanches voilà quoi… je me suis pris un tôlé. » (professeur)
Une perception d’incivilités et représentations négatives à l’égard de ces
formations ont été exprimée à plusieurs reprises comme par exemple : « On a
2/3 services, 600 élèves sur ce secteur, mais y a ce côté noblesse du STI, tout
est beaucoup plus cher. Je me souviens d’un patron qui avait dit « mais vous
savez, il faut 2 Services pour faire un STI ». Le CAP ATMFC quelqu’un disait «
c’est le CAP de la parfaite épouse » quand il est sorti. » (professeur)
La perception d’être délaissé sur les questions de S&ST, avec l’évocation
« d’accidents de santé », comme l’apparition de mycoses et de cas de gale : « je
ressens cette sensation d’enfant pauvre par rapport au secteur industriel. Il y a des
impératifs d’hygiène, de mise aux normes de vaccination, et on est obligé de passer
par la case parent ! Ca devrait être comme la visite » machines-dangereuses ».
Peut-être qu’on trouve que c’est moins grave… moins flagrant, moins grave que de
se faire couper par une machine. »
Ces témoignages soulignent, en filigrane de la plainte, la nécessité de valoriser la
formation des élèves, où qu’ils soient et ce tout particulièrement pour des élèves en
mal de repères. Montrer que leur futur métier a de la valeur déjà au sein des
établissements, c’est permettre au jeune de reprendre appui. Car lorsque le travail
Figure 16 : Les élèves et apprentis ont-ils réellement choisis leur filière?
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fait sens, il est synonyme d’une meilleure santé, à la fois psychique et physique
(Dejours, 2008)40.
Ces filières (type ATMFC, APR) accueillent bien souvent des élèves issus de classes
aménagées pour élèves en difficulté (SEGPA) ou plus généralement des élèves dont
on n’a pas voulu ailleurs du fait de leur faible niveau scolaire. Les enseignants
témoignent d’une plus grande difficulté à faire passer les notions S&ST auprès des
élèves de ces filières de CAP, identifiés de manière générale comme ceux qui n’ont
pas choisi. Ils invoquent principalement le manque de motivation comme facteur
rendant difficile l’apprentissage des « bonnes » pratiques, mais aussi une limite
« intellectuelle ».
Chef de travaux : « Il y a la question de la motivation. On en a qui ont choisi,
et les autres qui sont là pour compléter les effectifs des classes. Ils choisissent
les bacs, mais ils se retrouvent en CAP, donc la motivation est nulle. »
« Il y a tellement peu d’égard pour ces jeunes qui arrivent de SEGPA. Certains
ont déjà une image de « pas normaux ».… »
Enseignant d’atelier : « 80% des CAP qui arrivent n’auront pas choisi cette
voie… alors que 80% des Bac auront choisi leur voie.»
« ce seront ceux qui seront le moins à l’écoute. Les CAP, faut souvent être
derrière eux pour leur dire de mettre le casque. »
Enseignante de PSE : « on se heurte en CAP à un public en difficulté, avec des
SEGPA, limités par rapport à la compréhension, j’ai des élèves que je ne peux
pas valider sur certaines formations … on peut leur faire faire 10 fois, ils ne
comprennent pas. »
Personnel de direction : « On a aussi des élèves de SEGPA, qui ont des
capacités moindres, on leur répète mais dans leur lien avec le danger etc., il
faut se fâcher pour qu’ils portent les chaussures. »
Du côté des élèves, on perçoit bien cette difficulté à s’impliquer dans la formation, à
se motiver par rapport à un cursus qui ne leur plait pas. Les jeunes filles d’un CAP
ATMFC nous font part de leurs inquiétudes et désillusions par rapport à leur diplôme
lors d’un l’entretien :
« avec un CAP, on n’ira pas loin.»
« des fois, on prend ça parce qu’on veut un diplôme, on prend ça et puis
c’est tout. »
« et puis y a un niveau à avoir. Faut avoir des bonnes moyennes. Je voulais
faire infirmière mais je ne pourrai pas, je n’ai pas le niveau, je ne pourrai
pas aller jusqu’au bac. »
A cette situation s’ajoute le sentiment d’avoir été trahis pour celles et ceux qui
avaient choisi leur filière par intérêt du métier : « moi, j’aime bien les personnes
âgées, c’est pour cela que j’ai choisi cette formation » (CAP ATMFC première
année). Arrivée en seconde année et après des périodes de stage, elles
s’aperçoivent qu’on ne leur permettra jamais de s’occuper directement de
40 Dejours, C. (2008). Travail, usure mentale. Paris : Bayard.
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personnes âgées ou d’enfants, leur statut en entreprise ne leur permettant pas. Elles
ont alors l’impression qu’on les a trompées sur leur cursus scolaire : « ils nous avaient
pas dit ça quand on s’était inscrit ».
La rancœur, l’agressivité, les difficultés d’expression et de concentration, une
perception de tension et de malaise caractérisent les groupes d’élèves rencontrés.
On notera cependant que cela a été observé de manière plus ou moins forte en
fonction des classes rencontrées. Cette situation est également très difficile pour les
enseignantes dont certaines étaient perceptiblement moralement atteintes,
l’activité d’enseignement étant particulièrement difficile avec ce public d’autant
plus que le manque de reconnaissance perçu s’ajoute à cette situation difficile.
o 1.4.3 Mini stage decouverte de 3ème : déterminant pour Le choix des apprenants
Le mini-stage joue un rôle important dans l’orientation d’un certain nombre
d’apprenants. Il est évoqué 26 fois par les apprenants lors des focus groupe comme
raison de leur engagement dans leur filière (représente 18,7% des apprenants). Un
élève de Bac Pro Bois nous dit ainsi : « J’ai fait un stage en 3ème découverte, ça m’a
plu et je suis venu. » Pour le reste, il semblerait que ce soit une histoire familiale (le
père, l’oncle, …) ou lié à une expérience personnelle (n = 34, soit pour 22,7% des
apprenants des focus). Le BTP est le secteur où l’on constate le plus de filiation (n =
21), suivi par la filière Bois (n = 5).
"C’est un peu de famille, mon grand-père, mon frangin étaient maçons."
"il y a deux ans, je suis parti dans le Sud, au moment de la tempête, il y a eu
beaucoup de chutes d’arbres, avec les gens de ma famille, on enlevait les
troncs etc. En touchant le bois, ça m’a donné envie."
Un chef d’établissement nous confiera en parlant des Travaux Publics : « C’est un
peu l’aristocratie, les TP. Vous n’avez que des « fils de » dans les TP. C’est un milieu
fermé… ».
La filière Maintenance Aéronautique nous amène aux antipodes des filières
APR/ATMFC. L’enthousiasme des jeunes, leur passion sont palpables y compris pour
la protection de ce qui leur est cher, c’est-à-dire la capacité à pouvoir faire ce
métier pendant longtemps en sécurité et en bonne santé. Pour près de 200
candidats pour une vingtaine de places, cette filière fait l’objet d’une sélection
drastique. Elle contraste avec la filière Usinage par exemple, où les élèves, dès les
premiers stages, ont le sentiment d’un futur métier peu valorisant.
o 1.4.4 capable ou pas ? la définition de l’aptitude en question
Le sujet de l’aptitude au futur métier fait l’objet d’une épineuse question qui semble
cristalliser à elle seule toute l’ambivalence de notre problématique : Peut-on se
rendre compte des capacités d’un jeune sans le mettre en situation de pratique ?
Peut-on former à un métier risqué sans prendre de risques ?
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Le « protocole » en usage apparaît tout-à-fait légitime. Il nécessite en effet la
vérification d’une aptitude de l’élève d’ordre médical (par le médecin scolaire), puis
une aptitude pratique (par le professeur d’enseignement professionnel), le tout
devant être contresigné par l’Inspection du Travail. Ceci doit être renouvelé chaque
année. Cependant, le dispositif visant à protéger les jeunes montre ses limites :
Comment leur apprendre, les attirer vers ces métiers sans leur permettre de
pratiquer ?
o Certaines entreprises vont d’après les élèves et apprentis aller outre les
réglementations pour permettre aux jeunes de pratiquer et
d’apprendre.
o « Avant, on faisait des journées « Porte ouvertes » où l’on faisait faire un
peu de cuisine aux futurs candidats en les faisant accompagner par
nos élèves ; aujourd’hui on n’a plus le droit, je trouve cela dommage »
(chef de travaux)
Un système qui confine à l’acte bureaucratique plutôt qu’à une réelle
évaluation de l’aptitude
o « On nous dit de passer au bureau en juin pour signer, on nous presse.
Ca fait 4 ans que c’est comme ça, mais cette année y en a un, on a
eu un problème, donc l’année prochaine, c’est fini je signe plus en juin,
j’attends de les voir. Ou alors si, ceux qu’on a vus en mini-stage, déjà ils
savent que cet outil-là, si je le mets pas comme ça, il peut déraper etc.
Et ceux-là, quand ils sont pris définitivement, eux je les ai vus donc ça
me pose moins de soucis de les accepter » (professeur d’enseignement
professionnel).
o Les chefs d’établissement sont censés exiger de la part des entreprises
la dérogation qu’elles doivent demander à l’inspection du travail pour
l’accueil de tout mineur en stage … c’est rarement le cas d’après un
personnel de santé.
Attirer les jeunes vers des métiers manuels sans les autoriser à utiliser les
machines dangereuses dont l’usage est normalement interdit aux moins de 18
ans : le paradoxe.
o « Beaucoup d’entreprises ne les acceptent pas à moins de 18 ans. 18
ans, c’est en terminale, et encore ! Donc on est limité. L’âge nous
bloque vraiment.” (chef d’établissement)
De manière paradoxale, les apprentis qui passent plus de temps en entreprise ne
sont pas les plus suivis du point de vue de la santé. Ils n’ont qu’une visite médicale la
première année qui intervient au mieux 1, voire 4 mois après leur intégration dans
l’entreprise selon les personnels du CFA. « C’est vraiment dur pour certains jeunes
l’apprentissage ; ils n’ont pas encore terminé leur croissance qu’il leur faut faire
souvent les mêmes efforts qu’un adulte … c’est très dur souvent physiquement
notamment la première année » (enseignant/formateur). Bien souvent ils
commencent en entreprise sans avoir été préparés, et dans certains cas, sans même
être passés par le CFA. Si les enseignants des CFA et les apprentis eux-mêmes
constatent des expériences d’intégration difficiles, nous observons que la
préparation à cette intégration semble être un point critique à regarder.
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1.5. La S&St : De la théorie à la pratique
o 1.5.1 Aborder le complexe par le concret
La plupart des acteurs du lycée sont d’accord sur un point, crucial à leurs yeux : le
jeune qui choisit la voie de l’enseignement professionnel veut manipuler et faire
quelque chose de concret :
PSE : « C’est important pour un élève en lycée professionnel l’aspect concret.
C’est essentiel. »
Chef d’établissement : « ces gamins ont besoin d’un univers concret »
On constate un effort de l’ensemble des acteurs, qu’ils soient chefs d’établissement,
infirmières ou enseignants, pour stimuler ces jeunes, pour que les enseignements et
les actions soient « parlantes ». Dans cette optique, les projets sont nombreux au sein
de chaque structure :
« c’est par ces projets qu’ils intègrent tout, automatiquement, on va ramener
ça sur le projet et leur expliquer. Eux c’est grâce à ça qu’ils apprennent. »
«Si je prends un module qui se traite par l’alimentation, je traite avec le
cuisiner une journée sur l’alimentation végétarienne. Quand j’aborde les MST,
c’est par l’infirmière et les associations. Pour les conduites à risque, je fais la
même chose : avec l’infirmière et une association variable : alcooliques
anonymes, police judiciaire, etc. Il peut y avoir plusieurs personnes. Chaque
thème est rattaché à quelque chose de concret. Il faut que ça ait du sens et
ça permet de donner la liberté aux élèves de parler avec d’autres gens qui
ne sont pas leurs enseignants. »
o 1.5.2 Des freins à la mise en œuvre de l’articulation théorie/ pratique en S&ST
Figure 17: Collaboration entre enseignants d’enseignement professionnel et de PSE.
De longue date, les référentiels ont intégré le souhait que le professeur de PSE puisse
organiser des séquences d’enseignement « en concertation avec le professeur
d’enseignement technologique et professionnel selon une progression établie
conjointement par les deux professeurs »41 et ce dans l’objectif d’aider l’apprenant à
41 Centre national de documentation pédagogique (1994) référentiel du baccalauréat
professionnel « productique- mécanique » cité par Frigul & Thébaut-Mony (2010) dans
l’ouvrage « Où mène le bac pro ? enseignement professionnel et santé au travail des jeunes.
Parie : L’Harmattan.
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faire le lien entre théorie et pratique. L’application de ce principe semble assez
inégale et pour 65 % des professeurs interrogés, cette collaboration est occasionnelle
à inexistante (figure 17).
Les échanges avec les enseignants indiquent que les actions pédagogiques
conjointes concernent un nombre restreint de classes, et sont réalisées à l’initiative
de quelques-uns en fonction des affinités :
« Pratiquement tout notre programme est inscrit dans le référentiel
professionnel. Le lien est difficile avec les collègues, y a 15 ans, j’avais
renoncé. Des fois, quand j’en ai ras le bol de voir mes élèves comme ça, je
vais voir mes collègues (professeurs d’enseignement professionnel), je dis ras le
bol, faites le lien avec la PSE, dites-leur bien que ce qu’on leur apprend, c’est
inscrit dans leur problématique. »
« Le prof se voit confier des heures de face à face, à charge pour lui de les
préparer. Il a la charge des supports, des contenus, en respect des
référentiels. Si les cours étaient fournis, ça sous-entend qu’on aurait décidé de
leur contenu et de la politique éducative, et pas simplement l’intention d’une
circulaire ou d’une note. On aurait aussi dans l’évaluation les points à traiter.
Ca ne marche pas comme ça dans l’Education Nationale, et les enseignants
sont très individualistes. On n’a pas de moments de concertation. Les individus
ne vont pas se concerter s’il n y a pas des moments pour le faire. Tu prends un
institut médico-éducatif, on va avoir des réunions hebdomadaires avec des
thèmes à traiter, on participe à une politique. Dans l’Education Nationale,
non. »
Le lien entre les enseignants professionnels et les enseignantes de PSE est très souvent
souhaité, sollicité quand il est possible, mais de nombreux éléments viennent freiner
un véritable travail collaboratif entre atelier et PSE : programmes conséquents à finir,
volumes horaires, « cloisonnement » entre enseignement général et professionnel…
Une articulation est aménagée cependant : les enseignants d’atelier abordent la
protection du point de vue de la tâche, tandis que les enseignants de PSE peuvent
s’engager sur des notions plus théoriques :
« On aimerait qu’elles viennent en atelier. Mais ils ont une heure par semaine.
Le problème, c’est qu’elles n’ont pas le temps, avec une heure, elles nous
disent « qu’est-ce qu’on fait ? ». Il faudrait avoir en parallèle un prof d’atelier
et de PSE, qu’ils voient des situations. Pour nous ce serait une évidence, mais
après, c’est des contraintes horaires, des contraintes entre profs etc. »
« en PSE je pense qu’ils voient plus la théorie de faire les choses, l’arbre des
causes et cie. Après nous on fait plus la sécurité pratique sur le chantier. Les
conseils de sécurité pour travailler dans les chantiers, ne pas travailler un
câble électrique à la main, comment utiliser tel outil. Et on essaye de
s’articuler avec la PSE en terminale et le faire appliquer sur le terrain. »
Du côté des élèves et apprentis, la complémentarité des enseignements
professionnels et PSE en matière de S&ST et les efforts engagés par l’équipe
éducative semblent tout de même porter leurs fruits, puisqu’ils sont 62,5% à trouver
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l’articulation PSE-Atelier plutôt cohérente, voire tout à fait cohérente pour 17%
d’entre eux (figure 18).
Figure 18: Point de vue des apprenants sur l'articulation PSE-Atelier
Lors des entretiens collectifs, les apprenants sont plus critiques que dans le
questionnaire, déclarant assez souvent l’existence d’un décalage entre la théorie et
la pratique (n = 17, soit 11,3%) plutôt qu’une articulation (n= 4, soit 2,7%):
« On a des études de cas mais on peut pas appliquer. »
« Si on faisait le PSE, on ne ferait plus rien. »
D’autres encore perçoivent les cours de PSE comme un étalage du nombre de
morts visant à faire peur.
« Il est très gai ce cours … tu sors, tu te pends ! »
o 1.5.3 L’exemplarité des enseignants : un point important
La cohérence pédagogique n’est pas qu’une affaire de lien entre la PSE et l’Atelier,
car les enseignants ont des pratiques différentes. Lors des focus, certains apprenants
notent ainsi une difficulté pour quelques enseignants de respecter leurs propres
règles : « c’est les profs, « faites ce que je dis mais pas ce que je fais » ! ». Ce constat
fait par les apprenants est repris par un chef de travaux : « Les apprentis mettaient le
casque, les élèves aussi, mais pas les enseignants. Les collègues enseignants étaient
tête nue au milieu du chantier ! »
Malgré ces quelques « écarts », la majorité des enseignants d’atelier disent donner
l'exemple :
« le prof doit donner l’exemple, si le prof le fait pas, comment voulez-vous
qu’ils le fassent ?»
« ce sont quand même des apprenants qui sont amenés à devenir
encadrants ou responsables de leur machine ou de leur ilot, donc si on ne les
responsabilise pas dès le départ, pour moi, on a loupé notre travail. »
On notera cependant à quelques reprises lors de nos visites que les professeurs
d’enseignement professionnel ne portent pas en atelier leurs EPI. D’un point de vue
pratique, l’Education Nationale ne fournit pas ces équipements pour les professeurs.
Le CFA de notre étude a réglé cette difficulté en fournissant à l’ensemble des
collègues les fameux EPI nécessaires, y compris aux professeurs d’enseignements
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généraux, ce qui a pu susciter la surprise des apprentis : « Madame, vous aussi vous
avez des chaussures de sécurité ! » nous rapporte une professeur de français
racontant l’anecdote suite à une visite entreprise d’un apprenti dont elle était la
tutrice.
o 1.5.4 PRAP et SST : du concret et du lien social… et une charge importante
Les qualifications SST (Sauveteur Secouriste au Travail) et PRAP (Prévention des
Risques liés à l'Activité Physique) sont perçues de façon assez positive, que ce soit
par les jeunes ou par les enseignants :
« Ce que j’apprécie dans cette formation (SST), c’est qu’on établit des liens
avec des élèves difficiles, et on les aide car certains considèrent que c’est un
plus dans leur formation. »
« on a fait le SST l'année dernière, c'était bien » nous dit un élève de Terminale.
On a pu constater à plusieurs reprises que les formations de Sauveteurs Secouristes
au Travail, au-delà de l’intérêt pratique, constituent fondamentalement une
occasion de porter attention à l’autre et de promouvoir ainsi une forme de solidarité
au sein du groupe à travers cet enseignement.
Cependant, cette généralisation des formations PRAP et SST nécessite la formation
de formateurs internes afin de renforcer la compétence des établissements et faire
face à la demande. Pour cela, les enseignantes de PSE aimeraient voir davantage
leurs collègues professionnels s’engager dans cette formation :
« y a pas d’adhésion de la part des collègues, ils voient que c’est un
boulot conséquent, je suis choquée qu’il n’y ait pas plus de moniteurs
SST dans le BTP. »
« ça me parait anachronique que quelqu’un qui a des élèves 12 h par
semaine ne soit pas formé SST, alors que les accidents n’arrivent pas
assis sur la chaise. C’est du ressort de la PSE dans leur tête, je pense. »
A ce niveau, on constate que la formation de formateur SST est, tout comme la
formation aux PRP, une initiative individuelle (à 46,1% pour les PRP) ou une obligation
émanant du Rectorat (à 48 ,7% pour l’ES&ST)
Il est en effet très rare que le chef d’établissement motive lui-même les enseignants
vers une formation (représente 5,2% des conditions d’inscription à l’ES&ST). Pour cette
enseignante de PSE, il y a clairement un manque au niveau de son établissement et
l’emploi du terme « moniteur », anachronique, révèle d’ailleurs ce décalage entre
ce qu’elle dénonce au sein de son établissement et l’évolution des pratiques
tournées aujourd’hui vers la « formation », et non plus vers le « monitorat ».
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1.6 La S&ST De l’école à l’entreprise
o 1.6.1 Conditions de travail en entreprise discutables : quelle gestion ?
Selon les enseignants, il n’y a aucune gestion (35,1%) ou éventuellement une gestion
informelle (51,4%) concernant la prise en compte des conditions de travail dans
l’acceptation des entreprises d’accueil. Selon les enseignants interrogés, seuls 13 %
des établissements ont une gestion formelle de cette question des conditions
d’accueil des apprenants. Les acteurs évoquent comme frein principal une offre de
stagiaires/apprentis supérieure à la demande. L’objectif est alors de conserver le
plus d’entreprises de stage possibles, ce qui implique d’éviter au maximum d’être en
mauvais termes avec ces dernières.
PSE : « J’ai défendu un élève une fois, il a perdu son stage illico dans la
journée, parce qu’il avait refusé de passer le karcher sur un toit mousseux en
pente raide. Lui il a appelé, mais certains n’osent pas, déjà c’est galère de
trouver des stages… Y a le contexte de l’emploi qui est particulier »
EP : « on essaye de faire en sorte que ce lien se reporte, ce qui n’est pas
toujours facile quand ça s’est mal passé avec un élève »
Rester en bons termes avec l’entreprise devient même crucial pour les centres de
formation par apprentissage dont les clients sont aussi les entreprises : « Faut pas
perdre de vue que les entreprises, c’est aussi nos clients. On voit des choses, mais
c’est difficile de mettre l’accent dessus. ». Le facteur limitant n’est pas le nombre de
candidats, mais le nombre d’entreprises d’accueil.
La solution pour améliorer la prise en compte des questions de S&ST passe par un
dispositif de formation des « maitres d’apprentissage » qui est en cours de mise en
place au sein de ce CFA : « Un paramètre important, c’est la formation des maitres
d’apprentissage qui est devenu obligatoire. On sensibilise sur le fait de prendre du
temps quand on prend un jeune. On passe ce message : quand on prend un
apprenti, il y a plein d’étapes importantes. La formation est une voie importante. » Si
les professeurs constatent eux-mêmes ou par le témoignage des apprenants, des
pratiques discutables en entreprise, il demeure « qu’ils ne sont pas inspecteurs du
travail ». Par ailleurs, le statut d’apprentis est en matière de responsabilité des
établissements de formation sensiblement différent de celui d’élèves stagiaires.
Si pour ce dernier, la responsabilité de l’établissement est importante, le statut
d’apprenti relève de celui du salarié, l’entreprise est alors seule responsable. Enfin il
est à noter que pour les apprentis, l’utilité perçue des enseignements en santé et
sécurité au travail dans leur pratique professionnelle est sensiblement inférieure à
celle perçue par les élèves.
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o 1.6.2 Une prise en compte inégale des enjeux de santé et sécurité dans les
entreprises
Du point de vue des apprenants (comme des enseignants), les entreprises sont
plutôt majoritairement préoccupées par les questions de santé sécurité à 70 %. Reste
que pour 40% des enseignants et 30% des apprenants, elles sont « plutôt pas » à
« pas du tout » préoccupées par ces questions. L’absence de formation et de
sensibilisation des jeunes en entreprise (45,6%) ou leur rareté (30%) vient appuyer ce
point.
A noter que pour l’ensemble des sujets participants, équipe pédagogique ou
apprenants, il existe une différence entre les grandes et petites entreprises. Les
premières, comparées aux secondes, auraient plus de moyens pour préserver la
S&ST de leurs salariés. Les raisons évoquées sont multiples :
Le poids de la réglementation : « dans l’industrie, ils ont des normes à
respecter. »
Davantage de moyens financiers : « J’ai fait un stage chez un artisan, cette
année je suis dans l’industriel, ils ont plus de budget, donc plus de sécurité. »
Davantage de responsabilités et contrôle: « ils sont obligés, sinon l’entreprise
est mise en cause. Moi c’était respecté, c’est la responsabilité de l’entreprise
», alors que « chez les artisans ils sont responsables d’eux-mêmes, ils ont
personne au-dessus, ils sont leur propre patron, ils s’en foutent ».
Davantage de moyens matériels : « les grandes entreprises ça marche, on
prenait les palettes, et avec la grue, on s'embêtait pas. Dans les petites
entreprises, faut ramener les palettes à la main, une à une ».
Figure 19: Point de vue des enseignants sur la S&ST en entreprise
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Paradoxalement, la plupart des jeunes interrogés42 préfèrent le travail dans les
petites structures, jugé plus valorisant et diversifié :
« je préfère l'artisanat, mais après on ne pense pas forcément à la sécurité
quand on choisit un métier ».
« je préfère l’artisanat, dans les grandes entreprises, c’est trop le travail à la
chaine. On dirait qu’on est des robots, mais moi, je suis pas un robot. »
o 1.6.3 L’établissement : un lieu surprotégé pour L’APPRENANT
Globalement les élèves/apprentis estiment que les pratiques en entreprise sont moins
sécurisées qu’à l’Ecole. Ces résultats sont mis en lumière à travers les discours des
acteurs portant sur l’existence d’une sorte de cocon protecteur face aux risques plus
forts à l’Ecole qu’en milieu professionnel:
« ici on leur parle de sécurité, on leur fait des cours appropriés, en atelier, on
fait attention à ce qu’ils aient leurs EPI, les bons gestes, avant qu’ils se servent
des machines dangereuses et quand ils vont sur chantier, c’est différent.»
(professeur d’enseignement professionnel)
« on leur a tellement rabâché la sécurité que c’est vrai qu’en entreprise,
souvent ils nous disent qu’il y a moins de précautions, limite on les protège
trop, on est trop derrière eux. » (professeur d’enseignement professionnel)
« On a beaucoup trop de sécurité à l’école, c’est pour nous un problème
quand on arrive en entreprise, on est étonné de tout ce qu’ils font, et quand
on revient à l’école, on a pris les habitudes de l’entreprise. Il n’y a pas assez
de lien entre l’atelier et les professionnels. » (Terminale)
42 Lors des focus, ils étaient souvent majoritaires à préférer les entreprises de type artisanal.
Mais certains émettaient une préférence pour les grandes entreprises (rémunération, horaires
et évolution de carrière).
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Figure 20: Le point de vue des apprenants sur le rapport des entreprises à la S&ST
o 1.6.4 Les freins à la mise en œuvre d’un comportement plus sain et plus sûr
Les enseignements reçus à l’Ecole ne servent que « Occasionnellement » (33,2%) ou
« Rarement » (25,3%) aux jeunes en situation professionnelle, voire jamais pour 18,5 %.
Seuls 19% répondent « Assez souvent » (figure 20). Les principaux freins évoqués par
les apprenants pour mettre en place des pratiques plus sûres en entreprise sont:
L’impossibilité de faire les « bons gestes » tout en étant rapide et efficace :
« Moi là, je suis dans une entreprise c'est pas ça la sécurité, faut
travailler vite »
« Quand j’ai commencé, je prenais les sacs de ciment à l’arrache.
Depuis (le cours) « Geste et Posture » je me rends compte. Quand j’ai
beaucoup de boulot et qu’il faut que ça tourne, je suis pressé, je ne
fais pas attention et je le ressens. »
Mettant en exergue l’opposition entre S&ST et performance, comme le
note cet élève dans le commentaire du questionnaire : « Les chefs
d'entreprises ont trop tendance à limiter le budget santé, sécurité,
qualité matériels, matériaux, au profit de leur chiffre d'affaire. »
Le décalage entre les connaissances reçues à l’Ecole et les pratiques des
entreprises : Il y aurait du point de vue des apprenants une inadéquation entre
la formation et le métier final. (n = 21, soit pour 14% d’entre eux) Ce sont les
Terminales qui sont les plus attentifs au sujet, même si les Premières font un
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certain nombre de remarques: « l’atelier, c’est que du théorique, y a de la
pratique ici, mais pas comme en stage, le vrai technicien. On arrive en
entreprise, on sait pas faire grand-chose, j’ai vraiment appris en stage. »
La position de subalterne43 peut rendre difficile l’expression de son point de
vue et de sa manière de fonctionner : « je n'osais pas dire « quoi vous mettez
pas vos casques ! » »
Cette position de faire-valoir peut aussi entraîner une exposition aux risques
plus forte, par l’exécution de tâches dont personne ne veut : « eux ils s'en
fichent, ils donnent ça [porter les plats lourds] aux stagiaires. Ils veulent pas le
faire et ils donnent ça. Ils nous font faire ce qu'ils n'aiment pas »
La raillerie et la pression aux usages des anciens : « Quand on travaille avec
les vieux et qu’ils nous voient sécuriser, on se fait bouler : Il y a un manque de
sensibilisation chez eux ».
2. Santé, sécurité et management44 de l’établissement
L’apprenant dans la cour de l’établissement de formation, en enseignement
professionnel, général, en entreprise, dans sa vie personnelle, ne fait qu’un. S’il est au
centre des préoccupations de chacun, chef d’établissement, professeur
d’enseignement professionnel, de prévention santé environnement, de l’infirmière,
des agents administratifs, tuteur entreprise, c’est avec un prisme sensiblement
différent du fait des responsabilités de chacun dans une complémentarité tissée
dans ce que nous appellerons le projet d’établissement. Il prend corps dans une
histoire, un territoire, un ensemble de prescriptions, le tout porté par les hommes et
les femmes qui l’animent dans le but d’amener leurs apprenants dans les meilleures
conditions possibles à l’aune de leur engagement dans la vie active.
Dans ce contexte, la question de l’enseignement de la santé et de la sécurité au
travail vu dans la partie précédente, doit être replacée dans la cohérence
d’ensemble du processus pédagogique d’une part, et d’autre part dans
l’organisation et le management d’ensemble de l’établissement en lien avec ses
parties prenantes.
2.1 Le difficile passage du référentiel au « processus pédagogique »
o 2.1.1 Quel apprentissage pour ne pas laisser l’APPRENANT seul face au risque ?
Plusieurs facteurs vont constituer autant de freins à l’apprentissage d’une pratique
professionnelles saine et sure pour les élèves et apprentis. Certains points ont déjà
été abordés et nous les reprenons et complétons ici pour mieux les replacer dans le
processus pédagogique dans son ensemble :
43 Dans le BTP, on parle d’« arpette ». 44 Nous retiendrons la définition du management comme « un ensemble d’activités
coordonnées en fonction de principes et de méthode rationnelles sinon scientifiques, ayant
pour but de conduire une entreprise, une administration, un service de la façon appropriée à
ses objectifs » (Académie française citée par M. Grawitz, Dictionnaire des sciences sociales.).
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La sanctuarisation des établissements (et des entreprises) du point de vue de
la sécurité
o Les apprenants n’apprendront pas à maîtriser les risques de machines
qu’ils n’utilisent pas : « Maintenant presque toutes les machines qu’on a
sont classées « machines dangereuses » : une perceuse, c’est une
machine dangereuse par exemple. Il faut une dérogation, avoir 16 ans.
Un élève a redoublé parce qu’il avait 15 ans, il n’a pas touché de
machine pendant une année. »
o « nous, on a quand même l’inspection du travail qui nous oblige, on n’a
pas le droit que les élèves interviennent sur un système à 130 volts. A 40
volts, y a pas de risques c’est sûr. Ils n’ont pas l’impression d’être dans de
réelles situations… »
o Peut-on développer les compétences et l’attractivité des filières
professionnelles en cantonnant les apprenants aux tâches subalternes et
à l’observation passive ? « Avant, on avait des stages, maintenant, on a
des stages d’observation, surtout l’élève ne touche à rien. » (chef
d’établissement )
o « il y a trop de règles, on est trop restreint en stage. Je voulais faire de la
soudure, mais je ne pouvais pas à cause de la convention, mon maître
de stage m’a pas laissé faire. »
Les décalages entre l’enseignement et la pratique professionnelle
o « Il y a un décalage entre le monde éducatif et l’entreprise. On oblige
à donner aux jeunes une formation contre-nature par rapport à
l’entreprise. » Ces mots sont à prendre avec précaution, ils peuvent
prendre une signification différente selon les filières et les situations
spécifiques de chaque élève et apprenti en fonction notamment des
réalités auxquelles il a été confronté en situation de stage
d’apprentissage. En effet, pour une même filière, quand certains
s’ennuient à l’école par rapport à l’entreprise dans laquelle ils
pratiquent beaucoup plus dans un engagement et une cadence
stimulante (chez un artisan du bâtiment), d’autres s’enrichissent, car
dans leur entreprise, ils sont par exemple cantonnés à des tâches
répétitives peu représentatives de la richesse du métier qu’ils
souhaitent apprendre (Ex. : le travail à la chaîne dans une menuiserie
industrielle). Ceci étant dit, la cohérence et la complémentarité des
activités dans les établissements et dans les entreprises est
questionnée :
Par les différences de cadence : A l’exception des
restaurants d’application des filières de l’hôtellerie
restauration, les élèves et encore plus les apprentis
perçoivent massivement l’établissement de formation
comme un temps de repos (« ici c’est les vacances par
rapport à l’entreprise »). Il leur semble alors que
l’apprentissage à l’école est rapidement peu
représentatif de la réalité. Du point de vue de la sécurité,
ils se retrouvent confrontés uniquement en entreprise à
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des situations problématiques apparaissant dans la
pression du résultat sans avoir vraiment les moyens d’en
être acteurs et de pouvoir en tirer le meilleur
apprentissage pour l’avenir
Par les différences de pratiques : Les situations auxquelles
ils sont confrontés dans leurs activités en entreprise ne
correspondent pas toujours aux exemples qui sont pris
dans leurs activités d’enseignement. Par exemple, les
élèves de maintenance industrielle ont appris
l’ergonomie à partir de situations correspondant à une
activité de menuiserie à la chaîne. A ce titre, des
professeurs d’enseignement professionnel relèvent les
faiblesses du système d’apprentissage quant à la
formation des apprenants pour appréhender les risques
inhérents aux activités de type chantier : « je pense qu’en
atelier, la sécurité est quasi à 100%, c’est surtout sur les
chantiers qu’il faut faire quelque chose. En fait une
machine, ça va être un poste figé et on va réussir à
cerner le poste, un matériel portatif, il va être mis dans
n’importe quelle situation, y a encore beaucoup à faire
de ce côté-là. »
Les faiblesses du contrat entre établissements et entreprises et la position de
l’apprenant
o Comme nous l’avons vu précédemment dans ce rapport, le rapport
de forces entre les établissements d’enseignement et les entreprises
n’est pas favorable à une véritable position d’exigence pédagogique
de la part des établissements sur ces dernières. Il semble en effet que la
maîtrise de la complémentarité établissement/entreprise
« contractualisée » et replacée à propos dans l’objectif pédagogique
de la filière fasse globalement défaut. Ces faiblesses peuvent prendre
corps sous plusieurs aspects :
Dans un déficit de préparation de l’élève ou de l’apprenti en
amont de son stage ou de son arrivée en apprentissage.
Préparation à la découverte du monde de l’entreprise, lui
donner des repères sur ce qui est normal ou anormal dans ce
qu’on lui demande de faire ? Lui donner les moyens de
communiquer, de développer son savoir-être dans la relation
adulte au sein d’une situation professionnelle. Lui permettre de
dire non ou au contraire d’être force de proposition, en bref
d’être acteur à son niveau : « On perd de plus en plus de terrains
de stage par le comportement des élèves. On fait ce fameux
bac en 3 ans, ça n'aide pas pour la maturité de l’élève. Ils ne
réalisent pas que ce n’est plus le stage de découverte, mais la
Période de Formation en Milieu Professionnel. On a du mal à
redresser la barre. Ils arrivent en retard au lycée, alors pourquoi
pas en stage ? ».
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Dans un déficit du contrat établi entre l’école (le professeur
tuteur), l’apprenant et l’entreprise (le tuteur). À ce titre, il est
prévu de développer la formation des maîtres d’apprentissage
ou de tuteur de stage. À travers cette question se pose celle de
la nature des activités qui sont confiées aux apprentis et aux
stagiaires afin qu’elles puissent être pleinement valorisées dans
l’objectif de leur futur métier. Cela influencera sans nul doute
l’adéquation entre enseignement et pratique professionnelle au
plus près de la réalité des besoins des entreprises du territoire de
l’établissement. Un contrat mieux compris entre les parties
prenantes facilitera le travail de l’élève tel qu’il est demandé en
évitant de le mettre en porte-à-faux. Cela concerne
notamment son contrôle continu en situation professionnelle et
la réalisation des différents mémoires et activités pédagogiques
qui lui sont demandées à l’issue de son stage ou dans le cadre
de l’analyse de ses pratiques professionnelles et des échanges
d’expériences de retour à l’école. On notera au passage que
ce type d’activité est sensiblement plus apprécié pour des
apprenants plus mûrs (brevet professionnel, terminal bac pro).
Le tout doit pouvoir aboutir à une meilleure adéquation entre le
métier et ses activités, l’analyse de ces risques et la profondeur
de celle-ci telle qu’elle est demandée dans le cadre du
mémoire de fin d’études.
o 2.1.2 Programme, stage, métier : quelle cohérence pour quelles compétences?
Cette question centrale de l’apprenant acteur de sa sécurité interpelle le processus
pédagogique dans son ensemble relativement à la cohérence entre programmes,
enseignements et stages au regard des objectifs attendus en vue de :
l’obtention d’un diplôme ?
l’apprentissage à un métier ?
du développement des capacités ? (des habilités, d’adaptation, de
communication, des savoir-faire de prudence…)
Les trois certainement, et si notre propos n’est pas de revisiter l’ensemble des
programmes des filières professionnelles, l’apprentissage de pratiques sûres et saines
interroge nécessairement l’ensemble du processus. En cela, les acteurs rencontrés
s’interrogent sur plusieurs points dont nous relevons ici les éléments essentiels.
2.1.2.1 Comment passer de quatre à trois ans pour la même formation ?
Nous noterons en préambule une difficulté de la part des établissements à
s’emparer et s’approprier la réforme de la voie professionnelle de 2009. Les jeunes
peuvent dorénavant accéder au diplôme du Bac Pro en 3 ans au lieu des 4 années
nécessaires précédemment (2 ans de CAP/BEP puis 2 ans de Bac pro). Nous relevons
ici les principales inquiétudes qu’ils émettent :
En faisant du BEP une qualification intermédiaire, certains enseignants
déplorent un risque accru de décrochage scolaire : « certains n’ont pas eu
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leur BEP mais ils vont continuer en BAC Pro parce qu’on ne peut pas casser un
cycle, mais ils n’auront pas le diplôme, ils partiront sans rien. »
La qualité des enseignements dispensés est perçue comme moindre, y
compris pour les questions de S&ST et de travail en commun : « je pense que
c’est en accéléré, sans approfondissement, et on passe à côté des
fondamentaux. Il y a des choses que je ne fais plus, liées à la sécurité sur les
risques pro, je fais plus parce que plus de temps. […] Avant on travaillait avec
la collègue de PSE, on faisait un cours en commun, mais maintenant, on peut
plus rien faire. »
Ils s’interrogent sur un public apprenant perçu comme plus jeune et moins
mature, auprès duquel il est plus laborieux de faire de la sensibilisation :
o « niveau maturité, ça ne va pas, au niveau de l’autonomie, de la
responsabilité, le bac en 3 ans c’est une cata ! »
o « Quand on regarde le programme PSE, je me dis qu’ils sont jeunes nos
élèves, surtout avec le bac en 3 ans. C’est pour ça que le programme,
c’est pas évident de se projeter, car ils sont encore gamins. »
2.1.2.2 La santé et sécurité au travail entre la brosse à dents et l’effet de
serre
Du côté des enseignantes de PSE, on relève des incompréhensions quant au
nouveau programme. Trop peu de latitude décisionnelle et une charge de
travail accrue génère chez elles de la frustration, voire de la colère45 :
o La plupart des enseignantes interviewées avaient plus d’une dizaine de
classes à charge, classes comptant divers métiers, ce qui alourdit le
travail pour adapter les situations présentées aux métiers : « je me
souviens qu’un inspecteur avait remarqué qu’on intervenait sur 31
matières. »
o Une adaptation de leur travail difficile au vu des exigences: « on nous
demande de faire des piqûres de rappel [en seconde, sur les risques
professionnels], je le fais, mais après, je n’ai pas fait tous mes modules. »
o Une forte incompréhension sur le programme de seconde : « on n’a
pas le choix, on est obligé d’appliquer les textes, on a l’impression
qu’on fait abstraction des risques professionnels alors qu’ils partent en
stage dès la seconde ! »
45 Le climat des focus avec les enseignantes de PSE était variable. Dans un premier focus, les
enseignantes PSE avaient l’air résignées, avec un discours porté sur leur santé au travail et le
manque de reconnaissance. Dans un second focus, les enseignantes étaient surtout en
colère, très mécontentes de n’avoir pas été consultées par l’Education Nationale pour la
refonte des programmes. De manière générale, elles ressentaient toutes des exigences fortes
(faire des projets collectifs avec les enseignants d’Atelier, adapter leurs études de cas à
chaque métier, réaliser des actions conjointes avec l’infirmière, des associations…) et un
manque de moyens considérables pour tout réaliser (facteur temps surtout). Beaucoup de
ces femmes tenaient grâce à une forte motivation et un amour de leur travail certain.
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De manière générale, on constate que sous les plaintes et craintes formulées, il y
aurait un réel souhait d’accompagnement au changement, surtout de la part des
enseignants. Ces éléments nous questionnent sur :
1. Les conditions d’accompagnement et d’appropriation des programmes et
réformes par les établissements et leurs équipes.
2. La perception des établissements de leur latitude décisionnelle à l’égard de
ces programmes et référentiels, la question oscillant entre le respect des
prescriptions institutionnelles et une autonomie vis-à-vis de celles-ci.46
On comprend la difficulté à se saisir et à réinterpréter les référentiels des diplômes
pour les adapter aux besoins des apprenants, quand on constate que ceux-ci
atteignent facilement la centaine de pages47. Si ces référentiels décrivent très bien
les compétences et connaissances visées, la question devient : comment à la fois
respecter ce référentiel tout en m’appropriant mon travail ? Et comment de cette
liste parvenir à l’objectif d’un apprenant compétent ?
Les référentiels sont perçus comme de plus en plus abstraits et de moins en moins
rattachés à une réflexion sur les valeurs du travail (Troger, 1998), avec un problème
principal : « les savoirs n’ont de sens que ramenés à leur finalité diplômante, voire
sélective, et sont rarement identifiés [par les élèves] à des contenus potentiellement
formateurs intellectuellement ». La formation, par ses objectifs de validation de
savoirs, savoir-faire et savoir-être, se coupe progressivement de la réalité. Ces
concepts sont détachés de leur finalité (s’insérer dans un métier), et les apprenants,
tout comme les enseignants, peuvent perdre de vue le lien entre la formation et la
pratique.
Malgré ces difficultés, les enseignants, qu’ils soient de PSE ou professionnels,
cherchent toujours à fonder une approche pédagogique en accord avec la
philosophie de l’Education Nationale, en motivant par le concret et l’application
pratique. Cette tâche n’est pas aisée avec « un an en moins », mais tous tentent des
choses, chacun dans son enseignement et de temps en temps dans l’échange
avec l’équipe pédagogique. Le modèle pédagogique reste celui d’une démarche
active, de résolution de problèmes (« études de cas ») ou de démarche
expérimentale : « Pour ma part, l’arrêt d’urgence fonctionne, je laisse l’élève faire
jusqu’à lancer l’arrêt d’urgence, pour que l’élève réfléchisse à ce qu’il a mal fait
niveau sécurité. Je pense que c’est le meilleur moyen de l’intégrer. »
Le rapprochement entre l’Atelier et la PSE, très souvent souhaité, imaginé comme un
idéal, est évoqué par les deux parties :
PSE : « L’idéal, ce serait le cours en binôme avec les professeurs
d’enseignement professionnel, les binômes, ça prendrait tout son sens là. »
46 La problématique de l’activité est ainsi résumée par Vygotsky : « Le comportement tel qu’il
s’est réalisé est une infime part de ce qui est possible. L’homme est plein à chaque minute de
possibilités non réalisées » (Vygotsky, 1925-2003, p.76). 47 Nous nous sommes basés sur les référentiels des Bac Pro suivants : Maintenance des
Equipements Industriels, Bois et Matériaux Associés, Gros Œuvre et Travaux Publics.
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EP : « ça fait un vrai complément, faire ça tout seul de notre côté, on ne serait
pas performants. »
De cette articulation se pose la question du travail collectif de l’ensemble de
l’équipe pédagogique. La photo ci-dessous montrant un travail d’élèves a été prise
dans la classe des professeurs d’anglais. La collègue professeur de PSE ne savait pas
que sa collègue traitait de ces questions.
L’approche par projet peut être évoquée comme efficace d’un point de vue
pédagogique et fédératrice entre plusieurs collègues avec le soutien de l’équipe
de direction : « c’est par ces projets qu’ils intègrent tout, automatiquement, on va
ramener ça sur le projet et leur expliquer. Eux c’est grâce à ça qu’ils
apprennent. » « les projets pluridisciplinaires à caractère professionnel (PPCP)….
C’est différent maintenant, c’était bien les PPCP » regrette un professeur
d’enseignement professionnel parlant d’un dispositif dont il pense qu’il a été
supprimé.
Cependant les enseignants sont vite pris dans la cadence de ce qui leur est
demandé à laquelle s’ajoute la complexité des emplois du temps et des
modalités d’organisation du travail (charge d’enseignement, présence ou non
dans l’établissement, implication dans les projets en dehors de ces heures, prise
en compte ou non de compensation…) :
« et puis c’est le temps. On dit que les profs font rien, que ce sont des
fainéants, mais ils ne se rendent pas compte, y a des choses à préparer, des
copies à corriger … comme on est prof d’ateliers, on doit le préparer. »
« et puis il y a le suivi de tous les élèves en entreprise, des apprentis, il faut
évaluer les stages, faire les contrôle en cours de formation »
« on a un problème de temps, surtout avec le bac pro en terminale, du coup
on fait des impasses … un cours sur la sécurité théorique, quand il faut faire
l’impasse sur un cours, je le fais sur la sécurité. Là on essaye de faire un cycle
complet de sécurité de la seconde à la terminale. Pour le travail sur les
machines dangereuses, il faut qu’ils aient eu la formation et la dérogation. »
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2.2 Une construction « désincarnée » de la santé-sécurité
o 2.2.1 Des injonctions multiples
Nous avons vu que la santé et sécurité au travail et son enseignement constitue un
enjeu pour les jeunes et leurs enseignants. À l'exigence de prise en charge d'un
enseignement de la santé de la sécurité au travail dans les filières professionnelles,
bien d'autres doivent être pris en compte par les établissements en matière de
sécurité et de santé, que ce soit pour les apprenants mais également pour les
personnels :
La protection des mineurs et tout ce qui en découle (dérogation machine-
dangereuse, visite médicale par le médecin scolaire, convention de stage
limitante, surveillance de l’établissement, …)
Le respect des évolutions normatives en matière de S&ST pour les machines,
locaux, systèmes d’aspiration, échafaudages, transport des charges lourdes,
…
Le respect de réglementation comme le Document Unique, la sécurité
incendie, sécurité des locaux, …
Le respect des programmes et référentiels du Ministère de l’Education
Nationale,
La violence à l’école et la citoyenneté,
La prévention des questions de santé reposant sur les 7 axes proposés par le
Ministère,
La gestion des crises (grèves et « blocus », …).
Ces exigences, multiples et complexes, sont éclatées entre différents acteurs et
fonctions, aux sensibilités et préoccupations disparates. Ainsi la vision d’un
gestionnaire sur la S&ST n’est pas la même que pour un chef de travaux ou une
infirmière. Il devient alors complexe pour tous ces acteurs de s’entendre sur cette
question et d’arriver à un consensus et une cohérence d’ensemble. Comme nous le
dit une infirmière : « on est en lien avec deux professeures de PSE, la vie scolaire, et
on voit qu'on n’a pas la même vision de choses en fonction des acteurs. Donc on
veut par ce diagnostic [de l’INPES] pouvoir se recentrer.»
En identifiant la S&ST comme un objet à part entière, en lui donnant un poids
législatif48 toujours plus important, on a permis une amélioration globale des
conditions de travail saluée par les enseignants, mêmes s'ils déplorent un déficit dans
la prise en charge de leur propre santé et sécurité.
48 Article L4121-1 du Code du Travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour
assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
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Néanmoins, la S&ST est devenue un objet complexe soumis à une réglementation
souvent perçue par les acteurs comme indigeste, surfaite, parfois absurde, souvent
coûteuse :
Chef d’établissement : « Il faut tout changer le système d’aspiration. Mais il y a
un coût aussi : par exemple 0,5 mg par m3, c’est un investissement pour
protéger les enseignants et les élèves. Mais d’un côté, c’est important la
sécurité des élèves et enseignants. Le passé l’a montré. »
« ils voulaient (l’Inspection du Travail) une sécurité supplémentaire mais ils ne
pouvaient pas nous dire laquelle, donc on a dû vendre la machine et en
racheter une autre neuve, parce que l’autre était d’occasion, elle n’était pas
aux normes. Ca c’est une absurdité par exemple. »
o 2.2.2 La santé-sécurité : révélateur d’un besoin de plus de « collectif »
Différentes fonctions et commissions prennent en charge tel ou tel aspect de la
santé, ou de la sécurité, le tout avec une difficulté à relier ces parties entre elles :
L’assistant ou le conseiller en prévention (anciennement ACMO) est chargé
de la santé et sécurité au travail des personnels, des bâtiments, de la sécurité
incendie, du Document Unique et du CHS. Cette fonction est pour l’heure
investie de façon variable, selon les personnes qui l’habitent et les politiques
d’établissement. Il est encore peu reconnu, et il doit bien souvent fonctionner
avec les moyens du bord (élaboration de fiches sécurité et du Document
Unique sans l'aide de documents standardisés, absence de pouvoir réel face
aux chefs d’établissement, …). Dans certains cas, on a pu entendre que le
Document Unique a pu faire l’objet d’un travail par la professeur de PSE pour
l’évaluation des risques dans les ateliers. Les choses semblent très disparates
en fonction des établissements et des personnes, et cela mériterait plus de
clarification en termes de responsabilité entre chefs de travaux, conseillers de
prévention, enseignants, infirmière et bien entendu chef d’établissement.
Les équipes de direction sont beaucoup préoccupées par les questions de
« paix sociale » sur le site et par les apprenants en situation difficile,
notamment pour les établissements socialement défavorisés. Cela passe par
une gestion quotidienne des « cas », des relations avec les parents d’élèves
parfois compliquées, la surveillance du site … La santé et sécurité se fondent
finalement dans le management de « l’ordinaire quotidien». Pour certains
s’ajoute à cela le temps consacré à l’écoute des collègues enseignants
parfois en difficulté eux aussi.
Les chefs de travaux rencontrés ont un regard sur les questions liées à la
sécurité en atelier bien que n’ayant pas de pouvoirs reconnus en la matière
sauf exception (l’un d’eux était également chargé de prévention). Parfois,
ceux-ci aimeraient gérer les personnels enseignants, surtout lorsque la sécurité
des élèves est en jeu. Mais leur absence de pouvoir hiérarchique (ils restent
des enseignants, et donc des collègues) ne leur permet pas d’avoir un
contrôle sur les ateliers. Ce n’est pas sans poser de problèmes, puisque bien
souvent, les personnels de direction se reposent sur eux pour les questions de
sécurité en atelier.
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Les infirmières se positionnent autour de la santé générale et leurs actions
portent sur les axes de la politique de santé des élèves du MEN49 incluant
l’organisation des soins, une contribution à la dynamique d’éducation à la
santé, la participation aux visites médicales, l’accueil des élèves, le suivi de
leurs difficultés, en lien avec la santé (handicap, mal-être, addictions…), les
choix en matière d’installation du point de vue de la santé, la sécurité et
l’ergonomie.
Le CESC (Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté) débat et met
en place des actions de santé générale à destination des élèves, liées aux
axes établis par le Ministère, souvent en lien avec l’infirmière, tandis que le
CHSCT s’occupe davantage de la santé au travail des personnels.
A ceci il faut ajouter la question de la santé au travail des personnels enseignants,
perçue comme étant délaissée en rapport aux autres personnels50 :
La visite médicale apparait comme une inquiétude de fond :
o « Une fois qu’on passe titulaire, on doit plus être malade. On n’a pas de
contrôle, rien. Je trouve ça très surprenant. »
o « j’ai une de mes collègues qui a eu le tétanos suite à une coupure
dans un cours de cuisine.»
o « on n’a pas encore parlé de la santé des professeurs et je pense que
c’est un volet sur lequel on doit travailler. Le Ministère a décidé de
programmer une visite médicale mais au-delà de 50 ans. Ce qui veut
dire que jusqu’à cet âge-là, les professeurs n’ont aucun suivi médical. »
Mais qui peut masquer un plus grand malaise lié au sens de leur travail :
o Il n’empêche qu’effectivement, il y a pour certains enseignants de la
souffrance au travail. Il y a un décalage entre le niveau des élèves ou
la représentation d’un âge d’or et des élèves qui arrivent et qu’il faut
prendre en charge. Il y a une difficulté d’adaptation qui passe par une
remise en question de ses compétences ou un refus des nouveaux
profils d’élèves. Cela engendre de la souffrance au travail réel. Ils
idéalisent. Le métier d’enseignant est un métier stressant. »
o « Je m’étais demandé à une époque si je continuais, je pensais m’en
aller, il y avait une lassitude. Je vois certains collègues en Général qui
en ont marre. »
49 Lien vers le BO de janvier 2001
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/bo/2001/special1/special1.pdf 50 Les personnels techniques et administratifs font régulièrement une visite à la médecine du
travail. Ils dépendent cependant de la Région et non du MEN.
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Figure 21: Perception par les professeurs de la prise en compte des questions de
santé de sécurité par le Ministère (en haut) et par leur établissement (en bas).
Comment sensibiliser des apprenants aux problématiques de santé et sécurité au
travail lorsque l’on est soi-même en mauvaise santé physique et psychique ? De ce
côté, les enseignants se sentent délaissés par l’Institution : ils sont 55,4% à considérer
qu’elle ne prend pas suffisamment en compte leur S&ST, voire qu’elle ne la prend
pas du tout en compte pour 27,7% des répondants.
Cette perception vis-à-vis de l’Institution peut-être renforcée par l’impression
de ne pas être écouté : « dans la santé, il y a les conduites à risque, et
dedans, y a les conduites à risque professionnel, et ça, ça a disparu [...] Sortir
l’aspect « risque professionnel » de la santé, ça me choque. Nous, on n’a rien
eu à dire pour les programmes, on ne nous a pas consultées. » (professeur de
PSE)
Cette santé au travail des enseignants est aussi mise à mal par l’absence d’un
véritable collectif « enseignant », chacun étant renvoyé à son propre cours
(ou à ses affinités).
La question du bien-être du corps enseignant est fondamentale dans le sens où elle
est intimement liée à leur exemplarité en ce qui concerne les questions de santé et
sécurité au travail. Cependant la politique de la fonction publique en matière de
santé et de sécurité de ses salariés est encore récente et manque particulièrement
de moyens dans l’Education Nationale. À ce jour il y a actuellement deux médecins
du travail pour les plus de 40 000 salariés du Rectorat de l’Académie de Nantes.
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o 2.2.3 Une variabilité en fonction des établissements et de leur contexte
L’ensemble des points communs évoqués jusqu’ici est à compléter par des facteurs
de variabilité que nous avons pu apercevoir d’un établissement à l’autre, même si
notre objectif n’était pas de diagnostiquer chaque établissement.
Nous retiendrons différents points influençant les pratiques au sein des
établissements :
L’influence de l’environnement physique : les configurations spatiales, la
situation géographique, la taille des établissements, la hauteur des bâtiments
et le temps nécessaire pour passer de l’un à l’autre, influencent les possibilités
des acteurs rencontrés.
o Configurations spatiales : lorsque le site attribue des bâtiments par
secteurs d’activité, ou par formule d’enseignement
(apprentissage/scolaire) : on remarque alors des manifestations de
préférences et concurrences intergroupes. Ces scissions deviennent
alors à la fois physiques et psychiques, ce qui peut aller très loin dans les
distinctions managériales entre groupes : prestige et moyens accordés
plus ou moins importants, état des bâtiments…
o Situation géographique : lorsque le site se situe en ville, les
problématiques liées à la circulation routière sont plus prégnantes que
pour les sites situés plus en retrait. Le bassin d’emploi n’est pas non plus
le même : dans tel lieu, on aura plus d’entreprises artisanales que dans
un autre. Cela peut même jouer sur les partenariats potentiels et
disponibles, et un défaut de grandes entreprises peut alors s’avérer être
une difficulté (notamment pour réaliser des formations d’enseignants
sur site). De même le contexte économique lié à chaque territoire peut
avoir des répercussions sur les établissements, que ce soit en termes de
terrains de stage ou en termes d’apports financiers (surtout prégnant
pour les filières en apprentissage).
o La taille des établissements : nous voulons évoquer dans ce point
l’impact de « l’ergonomie » ou non du site sur ceux qui le fréquentent.
Le cadre de vie est un facteur important de bien-être, et lors des visites,
nous avons bien perçu la différence entre un lieu disposant d’espaces
verts et aux bâtiments de taille réduite en comparaison à d’autres
structures de plus grande taille et à la cour bétonnée. En outre, plus les
temps de trajets entre bâtiments s’accentuent, moins les différents
acteurs se déplacent afin de se rencontrer. Cela peut créer de
véritables « enclaves » au sein des établissements, voire isoler certains
acteurs (c’était souvent le cas des infirmières, très éloignées du reste de
l’équipe), ou limiter le pouvoir d’action (l’articulation Atelier/PSE
devient vite problématique quand il faut consacrer une bonne partie
de son temps en allers-retours). Un ancien inspecteur chargé de la
sécurité évoquait cette importance majeure de la configuration d’un
établissement sur les enjeux de sécurité.
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L’existence de partenariats : certains établissements sont très fortement
influencés, ou l’ont été, par les grandes entreprises locales ou une fédération
professionnelle. Cette influence du bassin de l’emploi se fait ressentir sur les
filières présentes. Ces types de partenariats ancrés dans l’histoire font la fierté
des personnels associés autant que des apprenants. Des collaborations
intéressantes sont également engagées entre l’OPPBTP et le CFA visité
favorisant des interventions sur les questions de santé sécurité et l’accès
privilégié aux ressources pédagogiques de cet organisme de prévention
spécialisé du secteur.
Le climat social et la cohésion d’équipe : nous avons pu constater des
différences sensibles d’un établissement à l’autre quant à la qualité de
mobilisation du collectif dans le projet global d’établissement. Cela nous
indique une capacité variable à se ménager des marges de manœuvre et à
mobiliser l’équipe pédagogique dans un contexte de prescription
comparable.
Le statut : entre centre de formation pour apprentis et lycées professionnels,
on remarque des différences en termes de possibilités et de moyens.
L’intrication avec le monde de l’entreprise semble plus étroite pour le CFA
qu’elle ne l’est pour les lycées professionnels. Par ailleurs, le travail de l’équipe
pédagogique diffère sensiblement. Dans le CFA visité, le poids de l’Institution
semble moins fort et permet aux équipes de davantage travailler en
collaboration. En outre les formateurs du CFA rencontrés avaient un temps de
présence sur site de 35h par semaine, ce qui leur libérait du temps à
consacrer aux travaux collaboratifs. Néanmoins, le CFA rencontré avait des
impératifs économiques importants en comparaison des lycées professionnels,
et la dynamique engagée semblait créer une exigence forte dans un
contexte économique peu favorable.
Enfin nous avons pu noter de manière assez homogène, pour l’ensemble des
établissements, la qualité des installations, que ce soit pour les bâtiments comme
pour les équipements techniques et leur sécurisation. L’ensemble des acteurs
rencontrés salue globalement positivement les moyens que la Région des Pays de la
Loire investit sur les différents équipements même si certains regrettent de ne pas
avoir été plus associés aux rénovations de leur établissement, et ce dans une vision
plus ergonomique. En fait de concertation, « les architectes sont arrivés avec les
plans déjà réalisés » (enseignant). Selon les enseignants rencontrés, leurs nombreuses
remarques ont conduit à couper court à la suite de la concertation sur
l’aménagement de leurs futurs outils de travail dont ils relèvent aujourd’hui certaines
aberrations en matière de sécurité, d’ergonomie ou encore d’utilité.
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3. L’Etablissement et ses parties prenantes
3.1 Le rapport aux institutions : entre prescription et soutien
Devant les difficultés que peuvent rencontrer les établissements dans leur gestion
quotidienne des questions de santé et sécurité, l’institution peut être la garante d’un
véritable soutien :
En faisant bénéficier les enseignants de formations qualifiantes liées à la S&ST
comme l’ES&ST, la PRAP, le SST et Travail en Hauteur, ou encore à travers
l’offre de formation de la Région des Pays de la Loire mené en partenariat
avec le SAIA (Service Académique de l’Inspection de l’Apprentissage) du
Rectorat pour les centres de formation par apprentissage,
En mettant à disposition des équipes éducatives des ressources
pédagogiques. Nous retiendrons notamment l’effort constant d’amélioration
de la plateforme et de la formation ES&ST, le site internet http://www.esst-
inrs.fr/, véritable reflet du partenariat entre MEN et INRS, ainsi que l’ensemble
de ressources gratuites proposées par l’INRS, qu’il s’agisse de films
téléchargeables, affiches ou dossiers.
En favorisant les partenariats avec d’autres organismes. Nous avons cité
précédemment l’INRS, mais nous pouvons aussi citer l’accord MEN-INPES
(2010)51. Ce partenariat avec l’INPES est rapporté par plusieurs infirmières de
différents établissements. Cet Institut leur permet en outre l’accès à un
diagnostic des besoins de l’établissement et un accompagnement dans la
méthodologie et la mise en place d’actions liées à la santé sur le terrain.
Par des équipes d’intervention spécifiques, comme « l’équipe mobile de
sécurité » pouvant apporter une aide ponctuelle aux établissements devant
faire face à une crise.
Par le comité de pilotage régional attentif à ces questions.
Par les regroupements académiques proposés par le Rectorat pour chaque
corps de métier de l’Education Nationale, une fois par an. Ces
regroupements sont l’occasion d’échanger entre professionnels. Néanmoins
certains de ces regroupements seraient, selon les enseignants, sous-exploités
et mériteraient d’être davantage investis comme lieu de réflexion sur les
pratiques de chacun.
Par le label de « lycée des métiers », véritable opportunité pour développer la
S&ST en lien avec le monde professionnel.
Les institutions sont à la fois dans la prescription et le contrôle afin de garantir
l’application des législations et directives de l’Etat, mais elles se placent également
comme agents « facilitateurs ». Il faut être attentif à ce que l’expression d’un pouvoir
prescriptif de l’institution multipliant les injonctions ne prenne le pas sur son rôle de
facilitateur dans une culture où le contrôle domine. Dans quelles mesures l’Institution
doit-elle intervenir en tant que prescripteur ou comme conseiller ? Les deux
51 Accord-cadre MEN-INPES (2010) :
http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Sante/95/7/Accord_cadre_Dgesco_In
pes_CA_mars10_180957.pdf. L’INPES est l’Institut National pour la Prévention et
l’Education pour la Santé.
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certainement, mais le souhait d’accompagnement formulé par plusieurs
établissements (« Est-ce que cette étude va mener à un plan d’action sur
l’établissement ? ») montre leur réel intérêt pour faire évoluer leurs pratiques
collectives et d’être aidé dans ce sens.
3.2 Certifier les hommes ou les établissements ?
La culture individualiste de l’enseignant est unanimement évoquée. Il pourrait
paraître incongru voire invraisemblable pour un visiteur d’un centre de formation non
averti, de constater que les enseignants ont du mal à partager leurs ressources
pédagogiques alors qu’ils travaillent pour le même employeur, dans le même
établissement au service des mêmes apprenants et à partir d’un même référentiel.
Cependant l’institution elle-même semble entretenir la logique d’une approche
individuelle telle qu’évoquée dans la mission des enseignants qui «participent aux
actions de formation, principalement en assurant un service d'enseignement dans
leur discipline respective » ou encore dans la certification des individus plus que des
collectifs de travail en matière de sécurité et santé au travail.
Les obligations réglementaires ont peu à peu modifié l’objectif initial de « faire de la
maîtrise des risques au travail une véritable composante de la qualification
professionnelle » fondée sur le collectif de travail, pour aller vers une logique du
comportement individuel et de certification des personnes (obtention de diplômes,
habilitations, etc., comme le sont les formations PRP (pré-requis), SST, PRAP ou encore
l’habilitation travail en hauteur. En 2005 et 2006, les formations d’enseignants au
monitorat ont représenté près de 80% des volumes horaires des plans académiques
de formation (rapport CNES&ST, 2005-2006). Sans les remettre en question, il ne faut
pas non plus qu’elles occultent une approche du risque plus intégrée, plus proche
du travail réel et de ses enjeux collectifs.
3.3 Formation professionnelle : le cadre, son interprétation, sa mise en œuvre ?
o 3.3.1 La voie professionnelle : quelle image et quelles évolutions ?
La voie professionnelle souffre d’une image de voie de « relégation » face à un lycée
général qualifié de voie « normale », si ce n’est « d’excellence »: « c’est aussi
véhiculé par les media, ils ne parlent que du bac général, ces jeunes aimeraient
qu’on parle d’eux aussi. »
Ce sentiment « d’enfant pauvre du général » entraîne une dévaluation des métiers
manuels en rapport aux métiers dits « intellectuels » : « Strasbourg est à côté de
l’Allemagne, et là-bas c’est très pro, la discussion autour du professionnel et de la
sécurité, tous les lycées de Strasbourg sont en jumelage avec l’Allemagne. Moi j’ai
découvert l’absence de professionnalisme en arrivant ici, parce qu’en Allemagne,
c’est quelque chose qui est induit depuis très longtemps. L’enseignement n’est pas
vu du tout de la même manière là-bas, les professionnels sont professionnels, donc
pour eux, c’est très important la sécurité. Ce qu’on fait là, on l’a fait il y a 20 ans là-
bas. Je sens qu’il y a des endroits où c’est de la nouveauté, et puis cette image du
lycée pro, c’est un peu dommage. »
Projet de rapport d’étude GESTEPRO version 3 – décembre 2012
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Cette revalorisation de l’enseignement professionnel est l’objet des deux points
suivants qui mettent en avant le label de « Lycée des Métiers », et la concertation
ministérielle engagée récemment sur la valorisation de l’enseignement professionnel.
Le label « lycée des métiers » qualifie certains établissements qui offrent une palette
étendue de formations et de services, grâce notamment à un partenariat actif, tant
avec le milieu économique qu'avec les collectivités territoriales, et en premier lieu la
Région.
Un lycée des métiers combine une offre de formation cohérente, la prise en compte
des attentes des apprenants ainsi que des besoins des entreprises. La visée est
l’excellence, et la facilitation d’insertion des jeunes dans le monde professionnel. Le
but est de proposer une démarche de qualité.52 On remarquera l’intégration, au sein
du guide, de la problématique du déficit d’image des lycées professionnels. L’enjeu
est alors de développer l’attractivité des filières et métiers laissés pour compte. D’où
la solution du partenariat réfléchi et construit. Plusieurs lycées ayant participé à
l’étude étaient labellisés « Lycée des Métiers ». Pourtant, la relation Ecole-Entreprise,
dans le discours des différentes personnes rencontrées, restait complexe et assez
éloigné de l’idéal de la plaquette : « c’est juste un label, vous savez » (un
enseignant). Néanmoins, l’idée de « Lycée des Métiers » et les différentes actions
proposées dans le guide « Des partenariats pour les lycées des métiers » permettent
aux acteurs de terrain d’engager une réflexion sur la relation entre formation des
jeunes et besoins des entreprises. Mieux encore, ce label est le signe d’une réelle
volonté ministérielle de valoriser l’enseignement professionnel, trop souvent relégué
au second plan face à la voie générale.
Figure 22: Premier paragraphe tiré de "La valorisation de l'enseignement professionnel",
Ministère de l’Education Nationale (2012)
52 Source : www.educ.gouv.fr. Le label "lycée des métiers" a été inscrit dans le code de
l'éducation aux articles D 335-1 à D 335-4, qui définissent les critères nationaux obligatoires
pour les établissements candidats à la labellisation, ainsi que la procédure de mise en œuvre.
Le lecteur intéressé trouvera en Annexes le préambule du guide.
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A l’heure de l’écriture de ce rapport, le nouveau gouvernement vient d’engager
une concertation sur l’Education Nationale. Parmi les thématiques abordées par les
groupes de travail, on retrouve en sous-thème de « la réussite scolaire pour tous »
l’item « la valorisation de l’enseignement professionnel ». L’objectif est de faire de
l’enseignement professionnel une « voie d’excellence ».
o 3.3.2 De l’individu aux institutions : jouer collectif !
L’institution et ses acteurs perçoivent une évolution dans la société. Les apprenants
d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui, ni ceux de demain. Les nouveaux travailleurs
ne sont pas non plus ceux d’antan. En ce sens, l’Education Nationale joue un
véritable rôle, de par sa place centrale dans la vie des jeunes adolescents (ils sont
plus souvent à l’Ecole que chez eux), dans leur éducation, leur sensibilisation aux
questions de santé, sécurité, savoir-être … Faire de ces jeunes des citoyens avant
tout ? Pour les acteurs rencontrés, cela ne fait aucun doute :
« Nous sommes « Education Nationale ». On essaye de faire des choses. Je
passe en moyenne une heure avec les élèves quand ils viennent dans mon
bureau. Le diplôme c’est une chose, mais le savoir-vivre est essentiel. Les
bases du savoir-vivre, c’est aussi l’apprentissage qui se fait quotidiennement
au lycée »
« Il faudrait cette préoccupation sur le vivre ensemble, faire des citoyens
responsables, transmettre des valeurs de société »
« C’est partout, c’est un problème sociétal. C’est quelque chose qui doit
s’apprendre dès l’enfance, le respect des règles. Un certain nombre ont
développé une notion d’impunité, où tout est permis, c’est le problème de
l’enfant roi, on ne dit pas « tu n’as pas le droit ».
« La notion de patience, d’effort, ça alors là, c’est plus du tout ça. On est
dans une ère informatique, faut que ça aille vite, vite, vite. Et si le débit n’est
pas assez rapide, on va râler. »
« On a une espèce de décalage entre la personnalité de l’enfant et le
monde du travail. J’ai cette sensation. Peut-être est-ce un phénomène de
société « ça passe ou ça casse ». Le fossé se creuse. »
Le travail, pour qu’il fonctionne, s’organise autour du collectif. En ce sens, les savoir-
être ont leur place tout autant que les savoir-faire et savoirs. Le sentiment
d’appartenance à un groupe façonne les comportements et idéologies. L’influence
du collectif peut permettre au sujet humain de se protéger, de préserver sa santé,
de se mettre en sécurité, tout comme il peut le mettre en danger, l’inciter à
s’exposer aux risques. Cette santé, cette sécurité font partie d’un tout. Plutôt que
d’en faire un objet à part, et donc d’en faire une entité séparée, périphérique au
métier, elle doit être incorporée dans les gestes du métier, dans la conscience
professionnelle, dans l’envie de « faire bien ».
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4. La " Sante & Sécurité au Travail " donne-t-elle lieu à des points de vue
spécifiques ? Focus sur chaque type d’acteurs au sein de l’établissement
Cette partie, qui repose exclusivement sur les données qualitatives, constitue une
synthèse prenant pour focus le point de vue de chaque type d’acteurs au sein de
l’établissement afin de montrer que les représentations relatives à l’objet " Santé &
Sécurité au travail " renvoient à des « places » professionnelles et que les attentes et
enjeux qui y sont associés sont pour partie spécifiques de cette place.
4.1 Les apprenants:
Comme souligné à plusieurs reprises, la gestion de la S&ST chez les apprenants est
systématiquement et d’emblée renvoyée aux EPI, et ce quel que soit le contexte,
qu’il s’agisse des stages ou de la vie au sein des établissements. Pour certains
apprenants, cela semble machinal (« On met instinctivement notre tenue » - 1BMA),
tandis que d’autres soulignent le caractère obligatoire, mais aussi les pratiques
diversifiées suivant les contextes (« ils nous font porter tous les EPI ici, alors qu’en
entreprise, on porte rien » - 1GO). Ils expriment de cette manière le fait que ces
équipements devraient être adaptés de manière souple aux différents types de
situation (« quand on met des masques ou des lunettes, on n’est pas à l’aise pour
travailler, je suis essoufflé dans le masque » - AERO). Une forte surveillance assortie de
prescriptions nombreuses relatives aux règles de sécurité contribuent à la prise en
compte de la S&ST régulière dans les activités professionnelles.
Concernant les stages, les jeunes interrogés sont quasiment tous d’accord sur le fait
que les entreprises artisanales, moins attentives à la sécurité, offrent des situations de
travail plus diversifiées, alors que les grandes entreprises sont appréciées pour des
conditions de travail très encadrées, et aussi des salaires et des parcours
professionnels prometteurs, tout en étant associées à un risque de robotisation du
jeune amené à n’être qu’un simple « presse-bouton ».
En tant que stagiaires, les apprenants regrettent souvent d’être freinés par la
convention ou leur statut de mineur, même si là encore, les contextes sont variés
(« ça dépend de l'entreprise, s'ils te prennent comme un stagiaire pour regarder ou
comme un stagiaire pour travailler » - 1TP). Ils soulignent à plusieurs reprises le fait
d’être amenés à effectuer les tâches dont personne ne veut (« les arpettes font le
sale boulot. En tant que stagiaire, on est quoi ? On nettoie tous les outils de tous les
ouvriers » - 1GO). Dans l’ensemble, ils regrettent le manque d’articulation entre
l’Ecole et l’Entreprise.
Concernant la vie dans les établissements, les apprenants identifient les efforts
engagés par leur établissement afin de contribuer à leur santé (« on fait la visite
médicale, si nos vaccins ne sont pas à jour, on peut pas aller en atelier » - TBTU), et les
sensibiliser à leur sécurité. Le manque de cohérence pédagogique entre
enseignants est cependant évoqué, essentiellement par les élèves d’un des
établissements étudiés (« les profs d’atelier ne sont pas d’accord entre eux. Une fois,
je règle la machine, je demande, le premier, il me dit non, c’est pas ça, faut refaire,
et l’autre, il dit ok c’est bon. Du coup on ne sait plus qui a raison, qui a tort »), voire
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un non-respect des règles par les enseignants (« C’est le mental qu’il faut changer, y
a des profs, ils ont beau être formés, ils n’appliquent pas les règles de sécurité » –
TBMA). Ils ont aussi été nombreux à critiquer l’enseignement de PSE en tant
qu’enseignement trop « théorique « (« c’est de la théorie ! Ils n’ont jamais été sur le
chantier… » - 1GO), même si évalué comme indispensable (« Ce qu’on nous
apprend en PSE nous sert beaucoup en entreprise »). Mais ils soulignent souvent un
contenu relatif à des pratiques professionnelles éloignées de leur propre filière (« oui,
parce que les risques en électrotech’, chaudronneries… je suis désolé, mais en
productique, on n’a rien à voir avec le bâtiment ! » - TBTU). Ils en regrettent aussi
l’accent essentiellement mis sur les accidents dramatiques. Cette question relative à
l’articulation entre théorie et pratique renvoie à la difficulté à lier ce qui est appris
dans le cadre de la formation et le quotidien de ces adolescents dont plusieurs ont
rapporté avoir déjà eu un accident lié à la conduite d’un véhicule, certains sous
l’emprise de l’alcool. Ils avouent « consommer », tout en voulant garder une
certaine hygiène de vie (« je fume depuis que j’ai 9 ans et je galère vraiment à
m’arrêter ; quand je m’arrête, je pète un plomb, je carottais les paquets à ma
mère »).
En bref, la question de la S&ST est essentiellement circonscrite par les apprenants aux
pratiques professionnelles et renvoyée plus à des prescriptions qu’à des analyses de
situations reliées à des métiers et à des collectifs de travail, et intégrée dans un
mode de vie global. Cette vision est à mettre en lien avec le niveau Niveau V (CAP-
BEP) renvoyant à des « activités de travail », et non au niveau IV (Bac Pro) renvoyant
à des « situations de travail », d’après le site internet ES&ST, niveau qui permet de
comprendre que le positionnement des apprenants se situe du côté des futurs
opérateurs (cantonnés au rôle d'exécutants ?), et non de futurs techniciens amenés
à être attentifs à l’organisation du travail (Cf. Infra p. 37).
4.2 Les enseignants professionnels
Ce qui prédomine dans le discours des enseignants professionnels est la nécessité
d’être exemplaires face aux jeunes en formation (« le prof doit donner l’exemple »).
Cette exemplarité commence par la politesse la plus élémentaire (« quand
l’enseignant dit bonjour, les élèves disent bonjour ») qui constitue la manifestation
plus générale du respect de l’autre (« A partir du moment où on respecte les élèves,
les élèves nous respectent. Quand je les croise à l’extérieur au sport, ils nous disent
toujours bonjour »). Ainsi en est-il du port des EPI et du respect des règles de sécurité
par les adultes en tant que modèles, ce qui ne les empêche pas de mener une
réflexion sur les situations rencontrées (« Comme on respire dans le masque, on a de
la buée, on voit plus rien, et si on enlève le masque, paf, on se prend de la chaux
dans les yeux… ou alors il faudrait des produits moins nocifs »).
Tous ont souligné l’accroissement de la prise en compte des question relatives à la
S&ST depuis ces dernières décennies avec des aspects positifs (« Y a de la sécurité,
moi j’ai passé mon BEP en 87 et les machines aujourd’hui ont évolué, c’est cartérisé,
c’était différent à mon époque, c’était pas sécurisé comme ça »; « quand j’ai fait
mes études y a 20 ans en BEP, on n’était pas sensibilisé sur la santé et la sécurité »),
mais aussi négatives (« finalement, c’est trop sécurisé au niveau des machines », ou
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encore « on est trop derrière eux »). Ceci dit, les enseignants sont assez satisfaits dans
l’ensemble de l’attitude des apprenants en matière de respect des règles de
sécurité (« notre population d’élèves est en général assez respectueuse de la
sécurité, un petit rappel à l’ordre et ça passe pas mal »), et cela se traduit par des
retours positifs des maîtres de stage.
Les enseignants professionnels s’interrogent cependant sur la concertation avec
leurs autres collègues, notamment les enseignants de PSE avec lesquels ils regrettent
le manque de temps d’échanges possibles (« non, le temps de rencontre est très
limité, à part sur temps des pauses » ; « On travaille pas vraiment ensemble, c’est
dommage »). Ils renvoient pour partie ce manque de temps au raccourcissement de
la formation. Des liens existent néanmoins sur certains contenus (« En terminale,
quand ils essayent de cerner les risques sur un chantier, nous on essaye d’appliquer
ça à notre domaine »), voire quelquefois avec des dispositifs plus généraux, tels que
le projet d’établissement ou encore le document unique (« on a fait un peu de
document unique avec les élèves, en collaboration avec la prof de PSE, ça a porté
ses fruits »).
Lorsqu’on les interroge sur la Formation PRP (Prévention des Risques Professionnels ou
ES&ST), ceux qui l’ont suivie en retiennent à la fois son intérêt (« C’était bien, on a
réussi à transposer aux élèves. C’était des cas concrets en entreprise, on travaillait en
binôme avec des collègues »), mais aussi sa lourdeur (« Beaucoup de travail à faire à
la maison. On allait deux fois en entreprise. C’était du semi présentiel, on avait trouvé
ça lourd »). Ils s’étonnent que celle-ci n’ait pas été rendue obligatoire pour tous, et
sont aussi plusieurs à souligner la nécessité d’une plus forte articulation école-
entreprise (« C’est un peu dommage qu’on n’incite pas les profs à repartir en
entreprise pour se remettre à la page. On a eu la chance avec l’aéro d’aller en
entreprise mais bon voilà. On devrait pouvoir retourner 6 mois en entreprise »), ce qui
rejoint les réflexions des élèves.
Concernant le regard porté sur l’établissement et plus largement sur l’Education
Nationale, les enseignants soulignent l’intérêt des dispositifs existants (« Y a différentes
choses qui sont soulevées régulièrement au CHS », « On a régulièrement des alertes,
pour voir l’entrainement, les déplacements en cas de feux, ils viennent vérifier les
extincteurs, y a pas mal de contrôles »), mais aussi la difficulté de mettre en place
des changements (« l’Education Nationale, c’est une grosse machine, très très
lourde, et très lourde à faire bouger. Pour les décisions, c’est tout un pataquès »).
L’ensemble des enseignants professionnels rencontrés sont unanimes pour regretter
le manque d’attention porté à leur propre santé (« Depuis que je suis entré dans l’EN,
pas de visite médicale, depuis 1991. On oblige le privé à le faire, mais nous, on l’a
pas. Je l’ai eu à l’entrée. On comprend pas, on le dit tous les ans " on comprend pas
". Comment peut-on laisser des personnes sans visite médicale pendant 20 ans ? »).
Au final, les enseignants professionnels renvoient eux aussi la question de la S&ST à
des situations professionnelles bien circonscrites dans la mesure où l’institution ne
laisse que peu de temps aux échanges pédagogiques avec leurs collègues qui
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permettrait de mener une réflexion en profondeur et de construire des
enseignements mieux articulés.
4.3 les enseignantes de PSE:
Les enseignantes de PSE (seules des femmes ont été entendues) ont un ressenti
encore plus négatif que les enseignants professionnels (« Pas vu de médecin depuis
27 ans. Aucun soutien, pas de relai face à des difficultés psychologiques parfois
difficiles. Notre matière très peu coefficientée, les élèves s’en foutent » ; « Y a pas
plus mal loti que nous »). Dans ces conditions défavorables, elles soulignent de plus la
très grande polyvalence dont elles doivent preuve (plus de 30 matières à gérer !) et
la diversité des publics auxquels elles doivent faire cours (« on ne peut pas aborder le
cours de la même manière avec les SEGPA et les BAC » ; « Dans les SEGPA, la S&ST,
bonjour ! Ils le disent eux-mêmes, moi j’ai pas les APR, mais j’avoue que j’ai les
collègues de PSE qui disent que c'est compliqué »).
La question du manque d'articulation entre la PSE et les enseignements
professionnels déjà évoquée à plusieurs reprises est avérée et justifiée par elles-
mêmes (« notre programme de 1ère année n’est pas du tout rattaché au programme
professionnel, y a qu’à partir du programme de 1ère qu’on peut se rattacher, c’est
pour ça qu’en 2nde, ils accrochent moins, et c’est un programme très lourd »).
D'autres contraintes se présentent dans les années suivantes, liées encore une fois au
contenu, mais aussi au manque de temps et de maturité des apprenants : « ce qui
bloque le plus, c’est notre programme de Terminale, on doit leur faire passer un CCF,
pour partir en entreprise. Je vois bien la difficulté qu’ils ont pour faire leur dossier, le
discours est beaucoup moins intéressant » ; « Quand on regarde le programme PSE,
je me dis qu’ils sont jeunes, nos élèves, surtout avec le bac en 3 ans ». Parfois, le
contenu même de l'enseignement est remis en cause : « Ce qui m’ennuie de plus en
plus, en PSE, on leur dit des tas d’infos qui n’ont aucune raison d’être en réalité.
Ethiquement, ça me dérange, je leur donne des informations qui sont préconisées
pour que ça se passe au mieux, et on fait tout autrement sur le terrain »). Mais
comme elles disent, elles n’ont pas le choix, elles doivent appliquer les textes…
Les enseignantes de PSE renvoient aussi une partie de leurs difficultés au fait qu'elles
sont des femmes dans un milieu essentiellement masculin : « le fait d’être une femme
en PSE, je pense qu’on manque de crédibilité par rapport à la stature masculine, je
parle bien dans l’industrie ».
Ce sont les journées de formation et le travail en partenariat qui apportent de la
satisfaction et permettent un décloisonnement salutaire : « pour moi, la PRAP, c’était
une super formation, on a fait 2x3 jours complets, on était moitié prof PSE, moitié
professionnels ou de sport, c’était très prenant physiquement, mais on était en
symbiose, on parlait, on n’était pas derrière un écran. On nous fait manipuler,
bouger, on fait nos séquences devant eux, et nos collègues sont nos élèves, ça,
c’est des vraies formations ». Les projets avec l'infirmière, le professeur de sport et
autres partenaires territoriaux (policiers, planning familial,…) participent de ce
décloisonnement : « les infirmières, c’est génial. On a trois regards, des ateliers, des
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infirmières, de la PSE, avec l’élève au centre » ; « l’activité physique, je l’associe avec
un professeur de sport, on fait un petit TP, un questionnaire et on voit l’intérêt de
cette partie ».
Les autres dispositifs existant au sein de l'établissement permettent eux aussi un travail
en collaboration pour mettre au point des projets (« Je suis au CESC : on se réunit au
moins deux fois dans l’année, on s’organise »), parfois de manière jugée trop discrète
(« il est devenu quoi le projet d’établissement, on l’a fait en Novembre, l’écrit est
devenu quoi ? »).
Pour résumer, un certain nombre de critiques relatives à l'enseignement de PSE et
déjà exprimées par les élèves et les enseignants professionnels se trouve attesté par
les enseignantes de PSE elle-mêmes, du fait d'un programme bien trop chargé sur
une formation qui plus est raccourcie. A l'impossible nul n'est tenu ! Ce point est
d'autant plus important qu'un manque de reconnaissance et de légitimité a été
rapporté par l'ensemble des enseignantes entendues (« Au bout de 30 ans de bons
et loyaux services, on est mis au placard »).
4.4 Les infirmières:
Les infirmières revendiquent leur rôle de partenaire éclairé sur la santé au sein de
l’établissement. Leur travail en lycée professionnel est d’ailleurs présenté comme plus
important qu’en lycée général : « Dans un lycée professionnel, il y a beaucoup plus
à faire que dans un lycée général en termes de suivi ». « Ce sont des élèves qui ont
un parcours particulier, sauf ceux qui recherchent la filière qu’ils veulent et il y en a,
mais beaucoup sont en échec. Ils sont plus demandeurs, plus réceptifs que ceux du
lycée général. Et au niveau prévention, il y a beaucoup plus à faire au niveau du
lycée professionnel ».
Les contacts avec l’ensemble des professeurs (général et professionnel) y sont
présentés comme nombreux et permettent la concrétisation de projets en vue de
sensibiliser les élèves sur différents types d’addictions (tabac, alcool, et autres
produits psychoactifs). Ce travail en partenariat se réalise aussi avec d’autres
acteurs du lycée tels que l’assistante sociale, la Conseillère d’Orientation
Psychologue, la direction, … au sein de ce qui est appelé la " Cellule Vigilance ".
Enfin des partenaires extérieurs au lycée sont aussi sollicités pour mettre en place des
projets visant à sensibiliser aux risques liés au travail (en atelier et sur les terrains de
stage), mais aussi plus largement dans la vie quotidienne. Le Rectorat et la Région
sont sollicités, mais aussi la Police, l’ARS (Agence régionale de Santé), l’IREPS
(Instance Régionale d'Education et de Promotion de la Santé des Pays de la Loire) et
autres associations (par exemple l’Association des traumatisés crâniens pour les
accidents de la route, ou pour encourager au port du casque à vélo, les concerts
auditifs pour sensibiliser aux dangers auditifs, etc.). Il est parfois fait appel à des
spécialistes (spécialiste de la main, tabacologue, …). Certaines actions sont inscrites
au sein du CESC.
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Les infirmières se disent néanmoins freinées par le manque de temps et de moyens
humains et par la sous-exploitation des commissions : « Je trouve qu’ici, le CESC ne
fonctionne pas bien (…). On ne s’en sert pas suffisamment » ou encore « Question du
CHS, une fois par an, on a l’impression qu’on se réunit juste pour formalité. J’ai
l’impression que ça manque de dynamique ».
Au final, les infirmières souhaitent vivement créer du lien pour avoir une vision
intégrée et complexe de la S&ST et donner du sens à des actions réalisées de façon
isolée : « Je pense qu’il faut relier nos compétences psycho-sociales pour qu’il y ait
du sens à ce qu’on fait, pour pas que ce soit des petites actions que l’on fait comme
ça, de façon isolée ».
Elles soulignent l’importance de travailler sur les pratiques et les représentations des
adultes de cultures différentes de manière à mieux appréhender l’adolescent et ses
pratiques de risques dans sa globalité : « D’abord il faudrait déjà se mettre autour
d’une table, voir les différents représentants pour pouvoir discuter et échanger là-
dessus, sur les besoins, comment travailler autour des élèves, comment sensibiliser
des élèves qui sont à l’âge de la prise de risque… de manière à pouvoir travailler en
équipe. Moi personnellement, je connais que depuis cette année un peu les
programmes. Surtout PSE, j’ai passé l’ES&ST (PRP), j’ai regardé un peu leur livre, mais
j’ai une représentation très vague de ce qu’ils enseignent, surtout en atelier, sur la
sécurité » ; « il nous manque une porte d’entrée, on est des professionnels issus de
cultures professionnelles différentes. Il me manque la culture professionnelle par
exemple du professionnel de maçonnerie. J’ai ma propre représentation culturelle
de la sécurité, de la gestion des risques. Mon discours, il est ma culture
professionnelle de la santé », et sur celles des élèves : « travailler peut-être sur les
représentations qu’on a de la sécurité. Des fois on voit les élèves qui disent "on peut
pas travailler avec des gants " et qui se sont blessés, et on comprend pas ».
La nécessité de se former et d’échanger avec des homologues est aussi soulignée.
En effet, des réunions " par bassin " existent sur la base d’informations sur les
nouvelles mesures, d’études de cas, ou de formations réalisées par des intervenants,
mais l’échange avec les infirmières d’autres établissements est perçu comme
insuffisant, et suscite un sentiment d’isolement professionnel. Cela permettrait aussi
de passer de prescriptions nationales pas toujours en lien avec les problématiques
locales, à des actions locales répondant davantage aux besoins de l’établissement.
Concernant la perception du jeune et de son rapport à la S&ST, les infirmières
expriment la difficulté que les adolescents ont à articuler les prises de risque (les
" pratiques ") à ce qui leur est enseigné (la " théorie "). Ce temps d’apprentissage
correspond à un entre-deux entre la vie au collège et la future activité
professionnelle, et correspond aussi à un temps de construction fondé sur des essais
(et erreurs !), au sein d’une structure qui offre plus de liberté : « Pour les jeunes, c’est
surtout la prise de risque, ils essayent, ils tentent, et le LP, quand ils arrivent, c’est un
peu la porte à tout. On avait pris les élèves de seconde en début d’année et pour
eux le lycée, c’était synonyme de liberté et d’autonomie, même si on ne mettait pas
les mêmes choses derrière le mot autonomie. Ils se cherchent encore, ils prennent
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des risques, au niveau sexuel, d’un partenaire à l’autre, garçon, fille, garçon, fille… Ils
sont dans l’expérience.»
Sont aussi soulignées les pratiques divergentes relatives à la sécurité en milieu
d’apprentissage et en milieu réel (« Il suffit de se balader à Nantes, rue de
Strasbourg, y a des travaux. Y a un manque de sécurité : ils balancent des gravats
des échafaudages comme ça, y a même pas de filet. Ils jettent des pavés, avec les
passants justes en dessous »), et la difficulté pour un jeune d’oser mettre en place
une règle de sécurité lorsque celle-ci n’est pas mise en pratique sur un terrain
professionnel au risque de se faire mal voir.
La question de la motivation est aussi abordée. Le jeune « parachuté » en lycée
professionnel du seul fait de ses notes n’aura pas le même engagement pour ses
études que celui qui aura muri son projet, et le non-respect de la sécurité sera pour
lui un moyen d'exprimer son désaccord. Le travail sur l’estime et la confiance en soi
est aussi extrêmement important auprès de jeunes adolescents et des actions sont
menées dans ce sens.
Les infirmières s'inscrivent aussi pleinement dans la posture "Contrôle-surveillance-
exemplarité", sorte de point commun de tous les adultes entendus : « Je vois qu’il y
en a certains qui peuvent ne pas avoir mis leurs EPI, donc je vais leur dire, des fois ils
sont à chahuter, donc leur faire prendre conscience de ça : " t’as pas mis tes gants
alors que tu travailles en métallerie " »; « A la vie scolaire, une table n'avait plus de
joint, un élève s’est coupé. Ca c’est des choses que je fais remonter. Mais y a pas
que moi qui suis vigilante, les agents d’entretien aussi sont vigilants. Et au niveau au-
dessus c’est pris en compte et ils agissent ».
En résumé, les infirmières sont conscientes du rôle qu'elles ont à jouer au sein des
établissements et ce rôle ne prend sens que par les projets montés dans le cadre de
partenariats qui s'inscrivent dans des dispositifs bénéficiant de l'appui de la direction.
4.5 Les chefs de travaux:
La fonction de chef de travaux est très particulière : il n’est plus vraiment un
enseignant, mais n’est pas non plus un personnel de direction : « Nous sommes
installés sur les mêmes grilles, on a des indemnités comme chef de travaux. Donc
salaire à peu près équivalent, mais bon, nous sommes là du lundi matin au vendredi
soir. 60h à peu près, 10/12h par jour. Il y a aussi des côtés très intéressants… ». Les
chefs de travaux interviewés évoquent ainsi la forte charge de travail liée à leur
fonction et le manque de temps pour pouvoir y satisfaire pleinement.
Concernant la S&ST, ils estiment tous que sa prise en compte a évolué dans une
direction positive : « Au fil du temps, on a vu les sécurités évoluer. Entre 1980 et 1990,
on a commencé à voir les changements ». Pour eux, cela se traduit au sein de
l'établissement, a minima, par la nécessité du port des EPI par les élèves : « Pour nous
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c’est la priorité. Quand on va dans les ateliers, on pense sécurité et pédagogie :
systématiquement, l’élève a le droit à sa remarque, et je ne pars pas sans qu’il ait ses
EPI. S’ils ne s’habituent pas à mettre les EPI dès maintenant, ils ne les mettront plus
après ».
Est aussi souligné parfois un " trop " de sécurité avec des règles parfois absurdes
(remplacer une machine en bon état parce qu’elle ne répond plus aux nouvelles
normes), ou relatif au statut des élèves mineurs et des contraintes associées
(dérogations machines dangereuses).
Les chefs de travaux relèvent aussi des décalages entre l’apprentissage et la
formation en lycée professionnel liés notamment à la réglementation (visite de
l’inspection du travail, nature du contact avec les entreprises, etc.) et ces décalages
influencent les comportements de santé et sécurité au travail : « il faut que je me
querelle avec les apprentis pour qu’ils portent des chaussures de sécurité. Ils portent
des choses lourdes en plus, les lunettes quand tu démolis une cloison ça s’impose. En
BP, ce sont des jeunes qui sont passés en entreprise pendant deux ans et qui arrivent
en CAP ».
Ils soulignent aussi la prise en compte de la S&ST différente selon les filières et secteurs
d’activité. Le secteur BTP est globalement perçu comme un milieu où les questions
de S&ST sont développées et surveillées, contrairement au secteur des Services
(Agent Polyvalent de Restauration ou service à la personne) qui, en souffrant d’une
mauvaise image, met à mal la santé des jeunes qui s’y engagent, voire celle des
enseignants par un manque de reconnaissance du travail effectué et des incivilités
et représentations négatives à l’égard du secteur : « Quand j’étais prof, beaucoup
ne me saluaient pas … je n’étais pas de leur cru » (cf 1.4.2). De fait, les questions de
S&ST relatives à ces filières sont minimisées alors même que les problèmes y sont
importants (problèmes de dos dus au fait de porter des casseroles très lourdes par
exemple, d'adopter de mauvaises postures pendant les activités de nettoyage, de
faire face à la mort des personnes âgées, etc.).
La prise en compte de la S&ST est aussi associée aux évolutions comportementales
du point de vue des élèves. « Le profil élève n'est pas le même qu’il y a une
quinzaine d’années. Ca évolue dans le mauvais sens ». Est souligné de nouveau le
manque de maturité des jeunes du fait d'un Bac passé de quatre à trois ans. Cet
aspect vient relativiser les propos de certains enseignants sur les retours positifs de
stage. Globalement pourtant, les accidents du travail rapportés sont rares. Un chef
de travaux rapporte qu’" Il y a plus d’accidents de sport que d’accidents de
travail ».
Concernant les relations entre les collègues, plusieurs regrettent eux aussi le manque
de travail collectif au sein des établissements en particulier, et de l'Education
Nationale en général : « Dans l’Education Nationale, il y a une erreur qui a été
commise et qu’on ne retrouve pas au CNAM, au CNED ou à l’AFPA (…). On n’a pas
de moments de concertation. Les individus ne vont pas se concerter s’il n y a pas
des moments pour le faire. Tu prends un IME IMP, on va avoir des réunions
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hebdomadaires avec des thèmes à traiter, on participe à une politique. Dans l’EN
non ». Même si l’Education Nationale ménage des temps d'échange pour les chefs
de travaux, ce sont les réunions informelles qui dominent.
Le cloisonnement entre les différents types d'enseignement est de nouveau rappelé :
« Il y a quand même un cloisonnement entre enseignement général et
enseignement pratique. Il y a les agrégés, les certifiés, côté prof on a aussi cette
distinction ».
Le projet d'établissement, en tant que possible élément fédérateur, nécessite un réel
travail d'écriture qui est fait de manière insuffisante.
Enfin, la prise en charge de la santé des enseignants est dite très insuffisante, voire
inexistante. L’absence de visite médicale pour les enseignants questionne et
engendre à la fois un sentiment d’injustice et de non-reconnaissance de leur
existence au sein du système : « Comment peut-on laisser des personnes sans visite
médicale pendant 20 ans ? Tout le monde va chez le docteur, mais….que ce soit
physique ou mental, il faut avoir un véritable problème pour être suivi. Il faut être
malade pour être suivi…alors que les élèves l’ont ».
En bref, même si les préoccupations des chefs de travaux ne sont pas
rigoureusement les mêmes selon les établissements, elles renvoient néanmoins
souvent au statut particulier qui est le leur (rôle de coordination des enseignements
professionnels, mais sans pouvoir réel sur leurs collègues), et aux exigences
réglementaires multiples : mise en conformité du parc machine et des locaux,
vaccins et dérogation pour machines dangereuses, contrôle des comportements
risqués, … tant pour les élèves et que pour les enseignants.
4.6 Les conseillers en prévention (ex-ACMO):
Les missions des conseillers en prévention (ex-ACMO) sont plus liées à l’aspect
technique de l’établissement (locaux, sécurité matérielle, incendie…), qu'aux
questions pédagogiques à destination des élèves. Ceux que nous avons entendus
laissent entendre une interprétation variée de leur fonction sur les questions de
management du personnel technique, de sensibilisation à la S&ST et de leur
implication dans les différentes commissions liées à la sécurité. Tous sont néanmoins
unanimes sur le fait que qu'il n’y a « pas d’indemnité, pas de décharge, ce qui
n’encourage pas à s’investir ». Du fait que la plupart d'entre eux sont des personnels
de maintenance, « ils savent que c’est eux qui vont devoir réparer les risques qu’ils
ont découverts, et en plus ils devront faire l’administration. On sent un frein et un
manque de motivation ».
Les conseillers en prévention dénoncent un manque de moyen (« on part de rien
dans les établissements scolaires, on doit réaliser tous les documents »), et aussi un
manque de soutien hiérarchique : « Certains chefs d’établissement sont moins
sensibles, qui plus est : " ils nous enquiquinent". Et puis on est sous leur autorité, donc
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c’est compliqué, surtout pour les collègues de maintenance. J’ai même des
collègues qui ont démissionné de cette fonction, ils n’en pouvaient plus ».
Certains d'entre eux sont néanmoins volontaires (« Moi je me suis porté volontaire
d’entrée. J’étais déjà dans l’encadrement du personnel, je pensais que c’était mon
rôle, on ne peut pas encadrer des personnes sans encadrer la sécurité, donc c’était
logique pour moi »), alors que d’autres ne choisissent pas vraiment de l’être (« En
2011 quand je suis arrivé, on m’a un peu mis sur cette fonction d’ACMO, sans avoir
d’appétence sur le sujet. C’est celle que je remplace qui s’en occupait avant »).
A souvent été souligné un décalage entre les prescriptions et préoccupations des
institutions et la réalité du terrain : « Le rectorat est trop éloigné de nous, on nous
demande beaucoup de choses, on nous dit de faire ceci ou cela, les marchés
publics, passer des annonces, mettre en concurrence, on n’est pas formé pour ça,
on nous demande plein de bilans », mais la réalité du terrain est toute autre : « Il faut
gérer l’humain et pas seulement les fonds ou le matériel ». Afin de pallier ces
difficultés, plusieurs conseillers en prévention ont évoqué la recherche de solutions
telles que l’appartenance à une association de gestionnaires afin de faire des
partages d’expériences, ou encore de suivre des formations.
Concernant la santé des personnels, celle-ci a été dite primordiale dans la qualité
du travail : « On peut pas demander une qualité de travail à quelqu’un qui vient au
travail à reculons, surtout dans les métiers du ménage. Si on n’est pas bien dans la
tête, refaire le même travail que la veille… c’est la partie la plus difficile à maitriser la
partie relationnelle ». Cette santé passe par de la reconnaissance liée notamment à
la responsabilisation des agents techniques agissant au sein d’une collectivité : « J’ai
voulu changer les habitudes de travail, faire d’une collection d’individus un véritable
groupe. Les gens sont responsables d’un secteur, et dès qu’il y a une anomalie, ils
font remonter l’information, on enquête. Leur travail, leur parole est vraiment prise en
compte. Ils sont motivés quand ils arrivent le matin ». Elle passe aussi par une prise en
compte de leur travail comme égal à celui des autres et nécessaire à la
communauté : « Ici, l’équipe technique fait partie de l’équipe éducative au même
titre que les enseignants et l’équipe administrative. Il y a beaucoup d’établissements
où les personnels techniques sont cachés, par exemple au pot en fin d’année, ils
sont cachés. Ici à la rentrée, tous les agents figurent sur la photo. Ce sont des petits
gestes qui font que les gens se sentent bien ».
Les conseillers en prévention ont aussi en charge la sécurité matérielle et technique
des établissements : « il faut veiller à la fois à la sécurité des locaux, des agents
techniques et sécuriser la circulation dans l’établissement, voire aux alentours ». « En
répétant sans cesse les consignes de sécurité, on a réduit les accidents, c’est un
travail de longue haleine, de plusieurs années : le port des EPI, laisser les protections
sur les machines outils même si c’est moins facile pour travailler ». « C’est la difficulté
un peu du lycée qui est en plus un gros lycée professionnel. L’importance de la vie
d’équipe est fondamentale pour parvenir à tous les objectifs».
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En bref, les conseillers en prévention entendus ont tous mis l'accent sur la nécessaire
revalorisation de leur statut car actuellement leurs missions s’ajoutent à leur fiche de
poste initiale : ils sont agent chef, gestionnaire, personnel de maintenance, …, ce qui
rend la charge de travail plus importante, sans pour autant bénéficier d’un statut qui
légitime leur action. Afin de pouvoir mener à bien leurs missions, le soutien du chef
d’établissement s'avère indispensable car le conseiller en prévention n’est souvent
pas en position de pouvoir face à ses collaborateurs. L’accent a été mis de manière
forte sur un nécessaire travail d’équipe si l’on veut une réelle prise en compte de la
S&ST au sein de l’établissement.
4.7 Les chefs d'établissement:
Nous terminerons cette partie avec le discours des personnels de direction dans la
mesure où leur action retentit sur l’ensemble des acteurs de l’établissement. On
notera que le contenu des entretiens menés avec les chefs d’établissement tourne
majoritairement autour de l’élève, pour ensuite se consacrer aux parents et aux
enseignants.
La question de la S&ST est en effet dans un premier temps mise en perspective avec
l’éducation des jeunes sur fond d’évolutions sociétales. La perte de pouvoir des
figures d’autorité aurait ainsi des effets directs sur le non-respect des règles, de
l’adulte, et du « maître » au sein de l’établissement scolaire et d’apprentissage
(« Quand on ne respecte pas la parole de l’autre, on ne respecte pas non plus les
règles de sécurité »). Cependant certains jeunes se révéleraient « sur le terrain », car
« si on ne respecte pas le professeur, le patron, c’est du concret, ça passe mieux ».
Côté parents, la critique est majoritairement portée sur le fait qu’ils auraient renoncé
à l’éducation de leurs enfants en se déchargeant sur les établissements scolaires et
d’apprentissage (« On confond les enseignants, qui sont censés être là pour passer
des savoirs, avec les éducateurs »). Beaucoup de parents auraient même
développé une forme de croyance en l’impunité, en se trouvant eux-mêmes dans
l’impossibilité de dire à leur « enfant-roi » : Tu n’as pas le droit ». Plusieurs chefs
d’établissement ont à ce propos émis l’idée qu’ « il faut revoir l’accompagnement
des parents », et ce dès le primaire, en rappelant quelques règles élémentaires, et
notamment le fait que l’éducation coûte cher (« quand je leur dis : vous êtes
capable de mettre 10 000 euros sur la table pour votre gamin ? là ils se rendent
compte, les parents. Les gens ne se rendent pas compte de ce qu’ils doivent à la
société, tout est un dû »).
Le mot « respect » est l’un de ceux qui a été le plus souvent cité au sein de cette
population : « respect de soi, des autres et de la société ». Et à ce titre,
l’établissement scolaire peut jouer un rôle majeur : « Nous sommes Education
Nationale. On essaye de faire des choses. Je passe en moyenne une heure avec les
élèves quand ils viennent dans mon bureau (…) Le diplôme, c’est une chose, mais le
savoir-vivre est essentiel » ; « les bases du savoir-vivre, c’est aussi l’apprentissage qui
se fait quotidiennement au lycée ».
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La difficulté à se faire respecter par les élèves, mais aussi par les parents, conduit à la
nécessité d’un dialogue constant, dans le respect des uns et des autres. « Ecouter »,
« demander », « discuter », « parler », « entendre », « comprendre », sont autant de
verbes qui ont souvent été utilisés par les chefs d’établissement, qui vivent les
situations rencontrées comme un défi à relever. Ils expriment, tout comme les
infirmières, leur préférence pour les lycées professionnels comparativement aux
lycées d’enseignement général : « Je préfère les lycées professionnels. Les élèves
sont plus difficiles à gérer (…) mais je pense que c’est dans les lycées professionnels
qu’on a le plus besoin de nous (…) On peut apporter plus de choses aux élèves et
donc avoir plus de satisfaction, le défi est intéressant ». Finalement, respect et
sécurité vont de pair : en respectant les autres et le matériel, on va respecter les
procédures de sécurité des machines, porter la tenue, ramasser les déchets,….
La gestion de la S&ST par l’établissement est aussi traitée par l’évocation des
accidents en atelier. Les exigences législatives et réglementaires relatives à
l’utilisation des machines dangereuses ont souvent été présentées comme de
nouvelles contraintes retardant, voire empêchant l’apprenant à s’exercer
directement sur les machines qui sont de plus en plus nombreuses, on l’a vu, à être
dites « dangereuses ».
La gestion de la S&ST est aussi évoquée comme relevant de l’ensemble de
l’établissement et de ses alentours : « La sécurité, c’est pas seulement dans les
ateliers, c’est aussi dans l’établissement et aux alentours d’ailleurs pas très bien
définis… à nous de voir ». La cantine, la récréation, mais aussi les entrées et sorties
des élèves sont en effet souvent évoquées comme génératrices de risques liés
notamment à la circulation des élèves et des véhicules, mais aussi à d’autres risques
tels que des violences verbales pouvant aller jusqu’à des bagarres, prises de
substances diverses, etc. Plusieurs chefs d’établissement s’y déplacent régulièrement
afin de « maintenir le calme ». Il y a aussi « des problèmes de comportements » :
« Beaucoup d’élèves ne savent pas maitriser leurs impulsions : jet de boulon ou de
bois en atelier car il y avait une non-maîtrise de la colère (…) J’ai eu des commissions
éducatives, 18 cette année rien que sur les secondes et premières. Et j’ai eu 8
commissions de discipline ».
La gestion des crises et des cas difficiles est en effet essentiellement associée aux
problèmes psychologiques de certains élèves dits difficiles. Les chefs d’établissement
évoquent à ce propos l’ « équipe mobile de sécurité » (EMS) comme relevant aussi
(et surtout ?) de questions psychologiques : L’équipe mobile de sécurité, c’est la
sécurité dans tous les sens du terme : gestion de crise mais aussi psychologique (…)
On a des cas psychologiques voire psychiatriques graves. Y a des gamins qui
devraient être en ITEP53, pas là. Mais y a très peu de places ». Ainsi la coordination
avec l’infirmière paraît-elle primordiale pour mener à bien ces repérages et proposer
des aides adaptées à ces élèves.
53 Institut Thérapeutique, Educatif et Pédagogique.
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Les liens avec les autres acteurs du lycée sont en effet très importants : « C’est
partagé parce qu’on ne peut pas tout faire ». Le Chef des Travaux, qui « règne sur
l’atelier », va être plus au courant des directives relatives aux normes de sécurité.
Mais en étant « au même niveau que ses collègues alors que nous, on est personnel
de direction, donc on a plus de poids ».
Chaque établissement bénéficie aussi d’une « infrastructure » au travers de ses
comités, commissions, actions, qui sont autant de moyens de traiter les questions de
S&ST. En tout premier lieu, le projet de l’établissement constitue un socle commun à
tous les acteurs de l’établissement, et l’exemplarité des adultes dans le respect de
celui-ci en constitue la base. Si la réussite des élèves est le premier objectif à
atteindre, la notion de respect y est en bonne place : respect des autres, mais aussi
des règles de sécurité (port du matériel, etc.). Le projet d’établissement peut aussi
être l’occasion de mettre en pratique un projet collectif reposant sur le
développement durable par exemple : « Chez nous ça a commencé à la fois sur le
plan pédagogique par des initiatives d’un ou deux professeurs, mais aussi et surtout
par l’entretien des espace verts : on a un composteur, on propose du bio dans la
restauration, on entretient les espaces verts avec des produits naturels. On récupère
le pain non consommé pour le donner à une association d’insertion. On récupère le
papier » ; « Ca passe par beaucoup de petites choses, comme augmenter le
nombre de poubelles. Beaucoup de petites actions au quotidien. Ce sont des
actions de sensibilisation. C’est un label démontrant la volonté d’entrer dans la
démarche, mais qui sont listés par le Conseil Régional. Nous avons des aides
financières pour cela ».
Diverses commissions constituent un autre soutien relatif aux questions de S&ST pour
les établissements. Les Comités d’Hygiène et Sécurité, auxquels sont désormais
associées les « Conditions de travail » (CHSCT) constituent le levier le plus important :
« Dans tous les établissements où je suis passé, il y a avait un CHS actif et très sérieux,
c’est quelque chose au point. Les visites sont faites régulièrement et les
préconisations toujours suivies », « On fait depuis 2-3 ans des visites du CHS, qui
fonctionne bien, je trouve, du côté de l’établissement. On a pris des décisions par
rapport aux EPI des enseignants. On accompagne l’achat des équipements ».
Les Comités d’Education à la Santé et à la Citoyenneté (CESC) ont aussi été
évoqués comme des lieux où sont discutées les difficultés rencontrées : « Je vois,
avec le CESC et les profs de PSE, on en parle en réunion de direction parfois quand
un collègue a besoin d’un rappel à l’ordre, un appel au secours ».
Enfin des actions permettent aussi de sensibiliser les élèves sur les questions de
sécurité : « Comme tous les ans, on organise une journée sur la sécurité routière et
l’alcoolisme avec la venue de voitures tonneaux, de simulateurs deux roues. Tous les
ans à tous les élèves de Seconde. »
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Ces différentes « infrastructures » sont présentées comme des leviers importants pour
traiter des questions de S&ST par les chefs d'établissement, et non comme des
dispositifs insuffisamment exploités comme cela a été le cas avec l'ensemble des
autres acteurs interviewés.
La perception du jeune et de son rapport aux questions de santé et sécurité au
travail est mise en lien avec l’image de l’enseignement professionnel. Le jeune a été
plusieurs fois renvoyé à l’ « inconscience et au manque de maturité » concernant la
sécurité. Ce manque d’attention aux questions de sécurité a essentiellement été mis
en perspective avec le projet de l’élève et l’image de l’enseignement professionnel
: « Ils ne sont pas motivés depuis x années. Ils se sont retrouvés là parce qu’il n y avait
rien d’autre ». Cela peut d’ailleurs donner lieu à différentes formes de vandalisme
dans les cas les plus extrêmes : « Côté sécurité, ce n’est pas très parlant pour eux ; ils
sont un peu inconscients ; des fois, on voit des extincteurs dégoupillés ». Les chefs
d’établissement soulignent pourtant que ce sont les élèves qui font la réputation de
l’enseignement et de l’établissement, mais qu’on les berce aussi d’illusions : « On met
des beaux noms pour les diplômes : « Aménagements et finition », c’est quoi ?
Peintre en bâtiment, c’est pas de la décoration, ils feront jamais de la décoration.
On enrobe. Et puis s’ils veulent aller plus loin, par exemple en architecture, ils vont se
retrouver contre des élèves qui sortent d’art appliqué, le niveau n’est pas le même ».
Un lien a pu être fait aussi avec le raccourcissement des études : « En plus de la
dérogation, les enseignants testent les élèves sur les machines : pour la première fois,
3 élèves ont eu leur autorisation retirée. L’enseignant qui va partir à la retraite, c’est
la première fois qu’il n’accepte pas un élève parce qu’il ne respecte pas les
consignes. Il faisait notamment l’imbécile avec une meuleuse. J’ai peur que ça
devienne de plus en plus comme ça avec les bacs pro en trois ans ». A l’inverse,
lorsque les élèves sont motivés, « ils vont être impliqués, ils vont faire plus attention à
ces choses-là. »
Enfin, la S&ST est articulée à la gestion du personnel enseignant dont le travail est dit
de plus « stressant » : « Il n’empêche qu’effectivement, il y a pour certains
enseignants de la souffrance au travail. Il y a un décalage entre le niveau des élèves
ou la représentation d’un âge d’or, et des élèves qui arrivent et qu’il faut prendre en
charge. Il y a une difficulté d’adaptation qui passe par une remise en question de
ses compétences ou un refus des nouveaux profils d’élèves. Cela engendre de la
souffrance au travail réelle. Ils idéalisent. Le métier d’enseignant est un métier
stressant ». Les chefs d’établissement interviewés se disent attentifs à leur personnel
enseignant : « Savoir les écouter, savoir relativiser, discuter avec eux pour les amener
à prendre du recul sur ce qu’ils vivent dans la classe, leur dire de chercher de l’aide
extérieure. Alléger leur travail quand ils ont des difficultés « mon enfant est malade ».
Aménager les emplois du temps quand ils ont des enfants à déposer à l’école et
qu’ils ne s’en sortent plus… y a certains profs qui tiennent aussi grâce à leur travail,
qui se réfugient dans le travail ». Lorsque les enseignants sont en difficulté, il y a
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plusieurs types de réponse : "la réponse tutorat interne pour une enseignante, on lui a
imposé. Souvent, ce sont des personnes en négation par rapport à leurs problèmes. Il
y a aussi la réponse formation par l’institution. Il y a la réponse par le travail dans
l’équipe disciplinaire, ou l’équipe pédagogique".
Concernant la santé des professeurs, « c’est un volet sur lequel on doit travailler. Le
Ministère a décidé de programmer une visite médicale mais au-delà de 50 ans. Ce
qui veut dire que jusqu’à cet âge-là, les professeurs n’ont aucun suivi médical ».
4.8 Conclusions sur les perceptions des acteurs
Les chefs d’établissement se situent bien dans une approche globale de
l'établissement, en prenant en compte les élèves, mais aussi leurs parents, les
enseignants, etc. De cette perspective plus globalisante, on relèvera une tonalité qui
parfois va à l’encontre de celle des autres acteurs de l’établissement. Les chefs
d’établissement se sont souvent présentés en « censeurs » sévères des situations et
des comportements tandis que les autres acteurs posent un regard plus nuancé,
notamment à l’égard des élèves. A l’inverse, ils ont plus souvent évoqué les intérêts
des dispositifs existants en tant que leviers de changement efficaces alors que les
autres acteurs en ont montré leur insuffisances (projet d’établissement, CESC, etc.).
Cette partie relative aux points de vue sur la S&ST en fonction de la place occupée
au sein de l’établissement montre la spécificité et donc aussi la complémentarité
des différents acteurs, et la nécessité de renforcer les collaborations par la mise en
place de lieux d’échange et de partage qui peuvent trouver leur place au sein des
dispositifs existants, voire dans la création de nouveaux, afin que l’établissement soit
un lieu qui offre aux élèves les meilleures conditions d'apprentissage. Cet objectif ne
peut se passer d’une valorisation des statuts de chacun, notamment de ceux dont
la mission n’est pas accompagnée d’un pouvoir réel (chef des travaux, conseillers
en prévention) et d’une attention portée sur la santé des apprenants, mais aussi
celle des adultes, condition sine qua non d’un lycée « durable ».
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E- Discussion
Les résultats montrent une appropriation forte des enjeux de santé et sécurité au
travail à la fois par les apprenants, les enseignants, les établissements et les
institutions qui les soutiennent. Cependant, les élèves et apprentis remettent en
question la cohérence entre enseignements théoriques (PSE), enseignements
professionnels (Atelier) et leur vécu en entreprise. L’appropriation des enjeux de
S&ST se dégrade dans les filières ressenties par les élèves comme leurs enseignants
comme peu valorisées dans l’établissement comme sur leurs terrains de stage
(agents de restauration collective et de maison de retraite principalement). Si 50%
de ces élèves vulnérables ont choisi leur filière par défaut, 90% des élèves et
apprentis ont choisi leur filière, venant tordre le cou à l’image traditionnelle de la
voie professionnelle comme « école de la seconde chance ». Nous retiendrons à ce
sujet la réflexion de Marie-Pierre Vinuela-Willig sur cette tendance avec laquelle il
faut rompre: « Les mauvais élèves sont donc orientés vers des filières professionnelles
et il existe de ce fait une vraie dépréciation des métiers manuels, alors qu’ils sont tout
aussi indispensables que les métiers intellectuels, et ce non seulement pour des
raisons économiques mais aussi pour la survie de notre patrimoine, de notre tradition
et de notre culture. »54
Pour les apprenants, la S&ST est surtout évoquée par le biais des équipements de
protection individuelle et du comportement, et beaucoup moins par l’angle du
collectif de travail. Les apprenants et enseignants perçoivent un décalage entre
l’établissement de formation et l’entreprise, avec une difficulté à mobiliser ce qui a
été appris en cours, notamment en matière de santé de sécurité, face à une
exigence de productivité. Comme Jellab (2005)55 l’avait affirmé «Tout se passe ainsi
comme si la valorisation du rapprochement entre le Lycée Professionnel et les milieux
pro était temporisée par le souci de ne pas mettre les élèves directement face à leur
destin à venir ». Ces « temporisations » peuvent toucher à la fois les aspects liés au
métier (la pratique professionnelle elle même) et ceux liés à la sécurité et santé
(absence de risques trop importants et d’aléas). A ce titre, les enseignants doivent
pouvoir avoir les moyens de cultiver leur autorité dans un contexte où elle pourrait
être de plus en plus mise à mal. « Il y a des jeunes qui vont se révéler dans un univers,
ils n’aiment pas être assis à une table, mais une fois sur le terrain, avec le patron, ils
vont respecter le patron » (chef d’établissement).
Au sein des établissements, considérés comme sécurisés par l’ensemble des acteurs,
la prise en compte des enjeux de santé et sécurité est morcelée entre différentes
fonctions (conseiller de prévention, chef d’établissement, chef de travaux,
enseignants, infirmière, gestionnaires…) et commissions (CHSCT, CESC…) qui ne
communiquent pas toujours entre elles. La multiplication des réglementations liées à
la santé et sécurité et leurs canaux de transmission vers les établissements y
54 Vinuela-Willig, M.-P. (2007). Filières, loi et cheminement. In A. Braconnier. L’adolescence
aujourd’hui (pp 79-87) Toulouse : Le Carnet psy. 55 Jellab, A. (2005). Les enseignants de lycée professionnel et leurs pratiques pédagogiques :
entre lutte contre l'échec scolaire et mobilisation des élèves ». Revue française de sociologie,
46(2), 295-323.
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contribuent. Cependant dans ce contexte, apprenants et enseignants perçoivent le
rapport au risque différemment, et ces derniers n’hésitent pas à souligner l’absence
de prise en compte de leur propre santé par l’institution. On relève l’importance du
contexte sur l’organisation des questions de S&ST par les établissements : le mode de
management, notamment la qualité de mobilisation du collectif et la prise
d’autonomie par rapport aux référentiels, l’environnement physique, de même que
l’historique et le territoire, viennent influencer les pratiques des établissements, leurs
possibilités et leurs difficultés.
GESTEPRO à travers la S&ST, questionne le travail lui-même et au-delà, le « métier » et
son apprentissage dans une pratique à court et long terme sure et saine. Il s’agit de
l’intégration ou non d’un sujet ou groupe de sujets à un « corps » de métier56.
La cohésion entre établissements-enseignants-apprenants et entreprise est l’un des
enjeux centraux du processus pédagogique. Toute rupture dans cette cohésion sera
source d’incompréhensions et un facteur de risque pour tous les acteurs. Cette
situation est potentiellement génératrice d’un inconfort, voire d’un mal-être dont le
jeune, élève ou apprenti, vulnérable par nature, peut devenir la première victime. Le
fait de pouvoir s’identifier à un métier donne un sens et une valeur sur le marché du
travail. Alors même que les pratiques des entreprises évoluent très vite et peut-être
de façon assez hétérogène, il peut être difficile pour « l’école » de maintenir la ligne
de cette tradition du métier, entre le tour traditionnel et la machine numérique, le
temps de bien faire et la recherche toujours plus forte de productivité à l'heure de la
mondialisation. « Une certaine tension au travail peut apparaître dans un contexte
d’hyper-compétitivité pour l’entreprise privée, de recherche d’efficience du secteur
public, de chômage, le tout pouvant induire certaines « ruptures de valeurs » entre
les directions et les salariés dans le public comme dans le secteur privé. Nous
résumerons alors la problématique par la question : En quoi l’organisation permet-
elle ou ne permet-elle pas au salarié de pouvoir réaliser son travail tout en
conservant/développant sa santé comme un état de bien être physique, mental et
social (OMS)…? »57.
Dans ce contexte qui montre des signes de tension, il n'est donc pas surprenant que
notre société s’interroge sur le rapport au travail en lien avec la santé, comme
l’indique de récentes évolutions du droit en la matière concernant la prise en
compte de la santé psychique et des facteurs de pénibilité physique dans une vision
à long terme de la santé au travail. Le secteur public en retard sur ces questions a
lui-même signé des accords sociaux en novembre 2009 impliquant une véritable
56 « Il est à la fois relatif à l’objet travaillé et relatif à soi-même et aux autres » (Vygotsky cité
par Clot, 2008, p.256 Travail et pouvoir d'agir. Paris: PUF). Le métier est à la fois « personnel,
interpersonnel, impersonnel et transpersonnel ». Impersonnel car prescrit, Intra et
interpersonnel car il évolue dans le dialogue avec les pairs, et transpersonnel car il est porteur
d’une mémoire professionnelle. 57 Extrait d’un article de X. Michel & D. Dubreuil réalisé à l’occasion des 50 ans de l’Université
de Nantes « La gestion des risques dans les entreprises : pénibilité, risques psychosociaux,
sécurité et santé au travail… Ou comment aller vers un management conjuguant santé,
performances individuelles et collectives ? »
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politique et gestion des enjeux de santé au travail dans la fonction publique. Au delà
de l’obligation, ceci peut constituer une opportunité à mener une réflexion
approfondie sur l'articulation de la notion de santé avec celle de travail et l'évolution
des dispositifs de gestion que cela implique. « La santé et la sécurité c'est important
mais j'ai bien d'autres préoccupations » déclare ce chef d'établissement (propos
rapportés par un personnel de santé). Mais la santé et la sécurité ne sont pas des
« objets » à part de ce que serait le « véritable travail » ; ils sont une partie intégrante
de toute activité qui aura de manière positive ou négative une incidence sur
l’individu qui la réalise. Ainsi par exemple, la visite médicale préalable d’aptitude de
l’apprenant devient, si elle est menée conjointement par le médecin scolaire et
l’infirmière/er de l’établissement, une opportunité de mieux connaître les élèves, de
connaître leur motivation et venir alimenter les indicateurs en la matière, repérer les
signaux faibles qui permettront en amont d’anticiper certaines difficultés en repérant
les élèves ou apprentis les plus "vulnérables"… La visite d’un stagiaire ou apprenti
dans un contrat bien établi avec l’entreprise devient l’occasion d’alimenter une
veille structurée sur leurs pratiques de la part des enseignants et de ramener des
données pouvant alimenter les leurs… Il faut organiser le débat au sein de véritables
équipes pédagogiques agissant en cohésion (enseignement général et
professionnel) pour former un apprenant apte à pratiquer techniquement mais aussi
à communiquer, négocier, chiffrer, analyser, s’adapter aux aléas dans une vision
pluridisciplinaire et intégrée de son futur métier….
Il faut encourager dans le système éducatif cette réflexion d’intégration des enjeux
de S&ST dans toute leur complexité et transformer définitivement ce qui apparaît
trop souvent comme des contraintes en opportunités et dans un sens au travail
renouvelé. Un chef de travaux interviewé, avec le recul de l’expérience, a changé
son point de vue sur son rapport au métier et à l’entreprise ; « Il y en a qui arrivent
épuisés à 50 ans ; je vois aujourd’hui les choses de manière différente que quand
j’étais jeune. Je pense que la question de la fatigue, de la pénibilité, du stress est une
question centrale aujourd’hui. Il faut contribuer à faire évoluer la culture métier et en
tant qu’établissement d’enseignement, nous devons être des précurseurs plutôt que
de subir voire d’être en retard sur ce qui se fait dans certaines entreprises ».
L’Education Nationale, en introduisant l’ergonomie dans les programmes de PSE ou
dans les missions des personnels infirmiers, semble donner des signes d’engagement
dans une vision plus intégrée du travail dans les activités éducatives.
Malheureusement, les acteurs se heurtent à une organisation qui globalement le
segmente trop encore par une approche à dominante disciplinaire cultivant la
séparation du « manuel » et de « l’intellectuel », de l’action d’enseigner et du
processus pédagogique, du monde de l’école et de celui de l’entreprise, de la
santé des apprenants et de celle des personnels et même des notions de santé et
de sécurité de celle du travail éducatif lui-même…
Nous terminerons notre propos par une citation de Marie-Pierre Vinuela-Willig (op
cit) : « Jamais l’adolescent ne sera un produit fini puisqu’il est par définition en
devenir. Plus que robotiser, il s’agit donc d’éveiller, d’ouvrir au mouvement perpétuel
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de la remise en question, de la liberté et du progrès en formant à la responsabilité, à
l’autonomie, à la réflexion et au sens critique. »
F- Proposition d’axes de progrès
Suite à cette étude, nous proposons que les axes de progrès proposés puissent
contribuer à poursuivre les efforts engagés. Préalablement, nous proposons que les
actions pouvant être engagées puissent contribuer à :
1. Assurer une meilleure complémentarité établissements/entreprises dans
l’apprentissage aux risques du métier,
2. Associer cet apprentissage au risque, au travail lui-même, au plus proche des
pratiques ; s’il s’effectue dans des établissements sûrs, il n’en prépare pas
moins les apprenants à la maîtrise des risques de leur futur métier dans une
logique de formation à la prise de risque assumée dans une vision individuelle
mais aussi collective de sa gestion ; son apprentissage interpelle
nécessairement l’efficience de l’ensemble du processus pédagogique,
3. Appréhender la question de la santé et de la sécurité dans toute sa
complexité en intégrant pleinement ses dimensions psychologiques et
sociales. Elle peut être abordée comme une opportunité fédératrice dans
l’animation des établissements afin de dépasser une vision trop souvent
réduite à la contrainte réglementaire. Cela conduit au développement d’une
culture d’établissement fondée sur des pratiques de métiers « sûres, saines et
propres » dans une démarche de responsabilité globale (sociale,
environnementale et économique). Elle conduit à une démarche intégrée
prenant en compte santé et sécurité des personnels et des apprenants.
4. A développer un positionnement des institutions « régulatrices » (Rectorat,
Région…) autant, sinon plus, comme des facilitateurs que comme des
prescripteurs/contrôleurs. Elles favoriseront les synergies d’actions et de
moyens.
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Dans ce contexte nous proposons les axes et actions de progrès suivants :
Axe Actions/livrables possibles
1. Développer au
niveau des
« régulateurs »
(Rectorat/Région)
une stratégie
intégrée des
questions de santé
& sécurité des
apprenants et des
personnels
A l’image de la nouvelle réglementation sur les services de
santé au travail du régime général, il s’agirait au niveau des
« régulateurs », de créer un service de ce type. Il pourrait
inclure médecins scolaires, des personnels et IPRP
(Intervenants en Prévention des Risques Professionnels)
permettant de développer et porter vers les établissements en
lien avec l’inspection, une vision intégrée de la santé au
travail. Chacun pourra dans ce cadre exprimer son expertise
tout en développant une culture de santé et de sécurité
physique, psychique et sociale tournée vers l’ensemble des
acteurs de l’établissement. Cette stratégie serait relayée dans
les établissements par le personnel infirmier et le conseiller de
prévention (adjoint du proviseur, chef de travaux) (pour les
CFA : les responsables pédagogiques et de secteurs). Il
s’agirait d’intégrer les compétences existantes tout en
développant une politique de santé et de sécurité comme un
véritable levier pour promouvoir et mettre en œuvre une
gestion favorable au « mieux travailler ensemble ». Au-delà des
questions réglementaires cela conduit à une politique stimulant
et valorisant les bonnes pratiques pour aller vers des
organisations plus performantes en matière de gestion des
risques. L’objectif est le développement d’un climat sûr et sain
propice aux activités pédagogiques des établissements pour
les apprenants et les personnels. La question de la santé
psychique (stress, mal être/bien être,…) est un enjeu majeur et
les questions de santé sont pensées en lien étroit avec la
pratique professionnelle dans une vision
santé/travail/organisation. Le déploiement de cette politique
se fait sur la base du « volontariat », de la stimulation des
établissements en s’adaptant à leurs besoins, en les aidants
dans leur démarche. Elle favorise le développement du projet
d’établissement permettant de renforcer et de promouvoir la
compétence collective et la capacité d’adaptation aux
évolutions des publics, des pratiques et des attentes de la
société en matière d’éducation et de formation. Cette
politique pourra notamment prendre en compte :
1.1 Un accompagnement spécifique et mieux adapté des
apprenants en grande difficulté et de leurs enseignants
(sections spécifiques, accompagnement individualisés,
développement des compétences, charge de travail
adaptée pour les personnels concernés, service de santé
renforcés dans les établissements concernés par des
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éducateurs/psychologues).
1.2 Déployer le modèle dans l’ensemble des politiques
notamment celles concernant la formation des personnels
(chefs d’établissement, chefs de travaux, agents,
enseignants…). Une certaine stabilisation des équipes de
direction peut être favorable à un travail dans la durée
pour le développement de la culture d’établissement et
des métiers associés en réseau avec les professionnels ;
elles seraient responsabilisées dans leur capacité à
organiser et mettre en œuvre leurs potentiels de prise en
charge des questions de S&ST avec les compétences
nécessaires (c’est l’établissement qui s’assurerait de la
mise à niveau des compétences de ses personnels) en lien
avec l’inspection (lycées) ou avec les responsables
pédagogiques et de secteurs (CFA).
1.3 Le Rectorat/Région renforcent dans leur politique de suivi
des établissements, la prise en compte des enjeux de S&ST
dans les pratiques et dans l’élaboration des projets
d’établissement et des indicateurs associés ; cela doit
promouvoir le renforcement de la compétence collective
dans un esprit d’équipe tout en ayant une gestion plus
adaptée à l’accompagnement des personnes
(apprenant, personnel) en difficulté. Cela comprend des
capacités internes accrues et soutiens externes réactifs et
adaptés, et le renforcement du projet d’établissement et
de son évaluation sur ces nouvelles bases.
1.4 Travailler à ce que la réglementation assurant la
protection des mineurs en matière de S&ST ne soit pas un
frein à leur apprentissage et à leur accueil en entreprise.
2. Développer un
référentiel/guide
pour la prise en
charge des
questions de santé
et sécurité au
niveau des
établissements
Partant de la stratégie établie par les « autorités régulatrices »
(cf point 1), il s’agirait de reprendre l’ensemble des
problématiques de santé et sécurité et de proposer un guide
pour la mise en œuvre d’une organisation et de son animation
au sein des établissements tout en respectant les spécificités
de chacun. Il s’appuierait sur les exigences et dispositifs
existants pour en faciliter la prise en charge harmonieuse par
les établissements et renforcer les points faibles par des
ressources appropriées. Un groupe de travail pourrait œuvrer à
l’élaboration de ce référentiel avec des versions adaptées aux
filières (scolaires et par apprentissage). Il favoriserait
notamment :
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2.1. La mise en œuvre d’une politique de S&ST intégrée visant
au « mieux travailler ensemble » dans le cadre d’un projet
d’établissement « vivant » prenant en compte la gestion
des risques (santé/sécurité/formation/éducation) comme
une opportunité fédératrice pour aller au-delà d’une
vision « réglementaire » de la question. Cette politique
promeut une vision renouvelée du mieux travailler
ensemble (complémentarité, dialogue, culture
d’établissement) et des pratiques pédagogiques. Elle
conduit à un système de management spécifique aux
établissements de formation professionnels dont l’objectif
est le bien-être des apprenants et des personnels dans un
dispositif de formation et d’éducation sûr et efficient.
2.2. Au regard des référentiels, adapter le processus de
formation aux questions de S&ST en intégrant notamment
systématiquement dès le début du cursus une formation
aux principes de base dans le cadre d’une découverte
des activités pratiques et du monde professionnel. Dans
cet objectif, les apprenants seraient systématiquement
préparés à l’arrivée dans l’entreprise. Ils feraient
également au retour une analyse de leurs expériences
dans un cadre plus structuré favorisant une meilleure
complémentarité et équilibre dans les différents temps du
processus d’apprentissage.
2.3. Le renforcement du travail collectif de l’équipe
pédagogique en favorisant :
2.3.1. Le partage de ressources et pratiques pédagogiques,
2.3.2. L’utilisation de marges de manœuvre des
établissements dans la mise en œuvre des référentiels
et des dispositions de gestion et de pédagogie. Cela
peut permettre d’ajuster la répartition des
enseignements au sein de l’équipe pédagogique et
de stimuler la complémentarité enseignements
généraux/pratiques notamment par des projets et des
activités conjointes. On pourrait, à cette occasion,
chercher à soulager la charge des enseignants de PSE
dans le sens du nombre de matières et de classes
pour idéalement faire plus d’heure par classe et moins
de matières pour ce concentrer sur les enjeux de
santé, d’environnement et d’organisation du travail
mieux ciblés autour du métier considéré ; des latitudes
seraient dégagées pour favoriser les approches
conjointes avec les enseignements pratiques.
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2.3.3. La régulation des difficultés (classes difficiles, élèves en
difficulté, enseignants en difficulté…).
2.4. Une gestion consolidée de la relation apprenant/école-
CFA/entreprise via les conventions, les visites des
enseignants, le retour des apprenants, des partenariats
tissés dans les territoires, afin de consolider les liens dans la
durée et l’amélioration continue dans conditions
d’accueil et de formation des apprenants…L’utilisation
optimisée des visites d’apprenant en entreprise par les
enseignants peut-être approfondie dans ce sens.
3. Accompagnement
d’établissements
dans une
démarche pilote
On proposerait à des établissements pilotes volontaires un
accompagnement à la mise en œuvre d’une démarche
« mieux travailler ensemble » comprenant un diagnostic des
pratiques et de leur perception par les personnels et un
accompagnement dans leurs évolutions avec l’aide du
référentiel ; ce programme se ferait en association avec les
fonctions supports clés des établissements (IEN, service de
santé, RH…) et serait l’occasion de contribuer à développer le
référentiel des pratiques et des expériences de l’animation des
établissements santé/pratiques pédagogiques/organisation.
4. Mieux connaître
les attentes des
entreprises pour un
meilleur
accompagnement
de l’apprenant de
« l’école » à
l’entreprise
Dans l’analyse de la situation menée jusqu’à présent, le point
de vue des entreprises et de leur tuteur sur les conditions
d’accueil des apprenants (stagiaires et apprentis) manque et
mériterait d’être recueilli. Il s’agirait par conséquent de réaliser
une étude auprès des entreprises d’accueil de taille et de
secteurs représentatifs sur le sujet : politique, besoin, point forts
et faibles, tutorat, relations avec les établissements, conditions
de prise en charge des jeunes, les apprentissages du métier,
relations avec les établissements…L’étude combinerait une
approche qualitative par entretien en allant à la rencontre des
entreprises et par questionnaire ciblé afin d’objectiver au
mieux les perceptions. Son objectif permettrait de nourrir les
réflexions sur la formation des tuteurs et l’amélioration des
relations établissements/entreprises (il y aurait un lien avec les
démarches des établissements éco responsables dans les
lycées et les CFA soutenue par la Région).
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5. Améliorer les
contenus et le
processus de
formation « ES&ST »
5.1. D’aller vers une transition qui laisserait aux chefs
d’établissement et à leur personnel la responsabilité de la
mise à niveau de leurs compétences sur les domaines de
la S&ST dans le cadre du référentiel ; charge à
l’inspection d’académie de suivre et d’évaluer. Cela doit
favoriser une plus grande implication des établissements
et des personnels dans le développement de leurs
compétences.
5.2. Mettre en œuvre une démarche d’enrichissement des
contenus notamment par la production d’études de cas
ciblées par secteurs d’activité afin de répondre au
besoin de former à partir de situations concrètes dans les
domaines d’activité des apprenants ; les ressources
produites sont faites pour être utilisées dans les activités
d’enseignement notamment de PSE. Ce travail est
complété par une recherche de ressources existantes
pouvant être mises à disposition (ex accord OPPBTP…). La
réflexion doit notamment amener au développement de
pratiques de formation des jeunes partant de leur point
de vue d’opérateur, de la situation professionnelle et
intégrant la question des relations, des modes de
management (comment être acteur). On cherchera
dans ce sens à progresser dans l’exploitation du retour
d’expériences des stages et situations professionnelles
vécues pour les analyser. Idéalement on formera à la
« prise de risque » en situation sous contrôle afin de mieux
appréhender l’apprentissage de la relation
risques/performance notamment dans les classes de
terminales.
5.3. Améliorer l’accessibilité aux ressources par les dispositifs
en place (portail ES&ST).
5.4. Générer un groupe de travail sur l’amélioration de la
formation ES&ST au regard des résultats de l’étude qui
pilote l’ensemble.
Rapport d’étude GESTEPRO – mars 2013
G- Annexes
1. Les principaux thèmes abordés par les différentes catégories d’acteurs
rencontrés lors des entretiens
2. Le formulaire d’enquête apprenants
3. Les résultats de l’enquête apprenant par questionnaire
4. Les analyses qualitatives de l’axe 4 des entretiens avec les apprenants
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1. les principaux thèmes abordés dans les entretiens
L’ensemble des propos recueillis au cours des entretiens ont été analysés afin de les
regrouper par thèmes et sous thèmes présentés ci-dessous pour chaque groupe
d’acteurs.
Les élèves et apprentis (n=150)
1. Stage et santé et sécurité au travail
Conditions de travail
Collectif de travail et hygiène de vie
Gestion des aléas
Mémoire des accidents
Expositions à des polluants
2. Santé et sécurité dans le quotidien des jeunes
Le danger en général
Circulation transport
Loisirs
Addictions et violences
3. Les établissements et la santé sécurité
L’enseignement PSE
L’enseignement pratique en atelier
Le lien PSE/atelier
Articulation entre l’école et l’entreprise
L’établissement
4. Qui sont les apprenants et ou veulent-ils aller ?
L’orientation
Le choix ou le non choix, vision du métier
Les professeurs d’enseignement professionnel (n=30)
1. Regard critique sur la formation ES&ST
C’est lourd, pas forcément au bon moment
Le présentiel, c’est mieux
i. Des problèmes techniques
ii. Pas toujours de retour
Trop théorique
Toutes filières confondues
Des professeurs qui encadrent des professeurs
2. Des établissements bien sécurisés/ équipés
3. Les évolutions de la S&ST
4. L’articulation théorie/pratique limitée
Bac pro en trois ans : on n’a plus le temps
PSE la théorie, nous c’est le pratico-pratique
Donner le cadre dès le départ
Beaucoup reste à faire sur les risques de chantier
Les mettre en situation de prise de risque… ou pas
5. Faire porter leurs EPI et mobiliser leur vigilance en permanence,
6. Etre exemplaire
Si on respecte l’élève, ils nous respectent
Le port des EPI
7. Le projet d’établissement et le collectif de travail
8. S&T, vision des entreprises d’accueil : petites et grandes
9. Les relations entre l’établissement et les entreprises
10. Avenir : l’apprentissage privé?
La direction des établissements (n=8)
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1. Santé sécurité et éducation des jeunes : contexte sociétal
La perte de pouvoir des figures d’autorité
Les relations avec les parents d’apprenants : l’éducation en question
Une société de plus en plus individualiste et de l’instantané
Le rôle du lycée dans l’éducation des jeunes
Déterminisme social et enseignement professionnel
2. Faire de l’établissement un lieu sain et sur
Un seul accident ’est toujours un de trop
Sécuriser les alentours, les accès et l’espace commun
Maîtriser les violences et les addictions
La gestion des crises et des cas difficiles.
Le poids des contraintes réglementaires
L’animation de l’établissement : projet, consignes, commissions
Relations de pouvoir et d’autorité entre les personnels
3. La perception du jeune et de son rapport au risque
L’inconscience et le manque de maturité, de motivation
L’image de l’enseignement professionnel
4. Les enseignants et la S&ST
Les soutenir, les accompagner dans un métier qui peut être stressant
Les chefs de travaux (n=6)
1. Une prise en compte de la S&ST qui a beaucoup évolué
2. Jusqu’au point de contraintes réglementaires discutables
3. Chef de travaux ou l’autorité sans pouvoir
4. Les décalages scolaire/apprentissage
5. Des filières traitées de manière inégale
6. S&ST : élèves immatures et la pédagogie de la répétition et avec des résultats
7. Le projet d’établissement et les empêchements du travail collectif
Les professeurs de PSE (n=10)
1. La PSE : plus de 12 classes et 30 matières différentes, PRAP et SST…
2. Des maisons de retraite à Airbus : le grand écart
3. Accrocher les apprenants par des situations pratiques
4. La SST : une opportunité pour développer une attention à l’autre
5. Formation ES&ST et autres supports : des progrès à faire
6. Pour une meilleure articulation théorie/pratique
Difficile de construire une pédagogie associant l’entreprise
i. Problème de planning
ii. Difficultés à trouver des stages
iii. Hétérogénéité du tutorat entreprise
iv. « nous ne sommes pas des inspecteurs du travail »
v. L’élève/apprenti, peut-il être acteur de sa S&ST ?
Position sociale défavorable
Complexité du travail : l’ouvrier n’est pas ergonome
vi. Le décalage entre théorie et réalité de l’entreprise
Légitimité limité de la PSE / à la pratique
Organisation difficile (nombre de classe, planning, configuration des
bâtiments)
Fonctionnement par affinité avec les collègues : Où est le projet
d’établissement ?
Incohérences entre programme et processus pédagogique
L’apport de « témoins » extérieurs ou la PSE « vivante »
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2. Questionnaire Elèves et Apprentis
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3. Résultats du questionnaire Elèves et Apprentis
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Santé et Sécurité au Travail selon le Secteur d’Activité
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4. Exemple d’analyse qualitative sur la base des entretiens élèves : Axe
1/4: entreprises d’accueil et sante sécurité au travail
Nous présentons ci-après les éléments extraits de nos prises de notes relatifs à notre
problématique concernant la perception de la S&ST dans les entreprises.
N = 322, x = 21,5 (x= moyenne d’évocation du thème par focus)
Thème 1 : Les risques identifiés dans les entreprises d’accueil
Les élèves interrogés sont tous capables d’identifier des risques dans leur stage
pouvant impacter leur santé et sécurité au travail ou celle de leurs collègues salariés.
Nous retiendrons plusieurs grands thèmes à l’intérieur de ce premier axe (n = 108)
1. Risques liés au collectif de travail/ hygiène de vie (n= 30)
2. Risques liés aux conditions de travail (n= 24)
3. Risques liés à l’environnement de travail (n = 17)
4. Risques liés aux expositions toxiques (n = 8)
5. Risques liés à la précarité du travail (n = 2)
6. Mémoire des accidents (n = 27)
o Conditions de travail
Une fatigue forte liée au manque d’habitude des horaires de travail, (n= 7)
"il n'y a pas beaucoup de pauses" (ATMFC)
"sur chantier ils prennent des petites pauses le midi d'un quart d'heure pour
finir plus tôt, à 15h. Moi j'aime pas trop…s'il faut se dépêcher pour bosser, se
dépêcher pour bouffer et rebosser…il faut une demi-heure minimum" (1GO)
"avant ils en avaient plus, là c'est que le midi. Enfin quand on est à l'extérieur
on a toujours une petite pause, mais maintenant tu bosses" (TPUFA)
mais aussi liée aux exigences physiques du métier (n=9)
"en une semaine tu t'en rends compte. Rester debout toute la journée, on n'a
pas l'habitude" (ATMFC)
" on a des courbatures aux abdos, on utilise beaucoup, les avant-bras aussi,
on s’en sert beaucoup." (AERO)
ainsi qu’à des conditions de travail « extrêmes » (n = 2)
"oui, à la DRF, c’était dehors, les conditions de travail étaient pitoyables, après
j’étais à 3M…il y avait beaucoup de soudures partout, il faisait froid, mais c’est
aussi parce que c’est comme ça…c’est sur des wagons. A 3M les conditions
de travail étaient bien, déjà les bâtiments étaient chauffés ! " (1MEI)
"le bruit, c'est toute la journée alors le soir tu t'endors et t'entends tatatata" (TP
UFA)
Le tout en ayant à disposition du matériel pas toujours conforme et sécure…(n = 6)
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"L’hiver elle gel l’aspiration, donc l’atelier c’était un brouillard de poussière.
On travaille pas sur les machines dans ce cas là. " (1BMA)
"Moi y avait pas de carter de protection sur la scie" (TBMA)
"on est en permanence dans le risque" (TP UFA)
"on aimerait un peu plus de sécurité" (TP UFA)
o Environnement de travail
L’environnement est soumis à des aléas dont le stagiaire n’a pas forcément le
contrôle. (n = 10) Cet environnement imprévisible est surtout évoqué par ceux qui
travaillent dehors (travaux publics)(météo, circulation routière) mais aussi par les
techniciens de maintenance qui doivent souvent composer avec les dangers de
machines pas toujours connues.
"en stage c’est dangereux, on connait moins bien les systèmes, on est plus
attentifs aux consignes de sécurité mais une erreur est vite arrivée." (1MEI)
"quand on est sur une route faut faire gaffe" (1TP)
"les chauffeurs vu comment ils roulent sur les chantiers…" (TP UFA)
"le risque du terrain, y a un risque d'éboulement et avec la profondeur, on sait
pas forcément si ça peut tenir" (CAPTP)
"je vais dans la tranchée, et là mon collègue me dit de courir le plus vite
possible parce que c'est entrain de tomber" (TPUFA)
"en canalisation, les réseaux, quand y a le gaz qui passe, il arrive que ça
casse" (CAPTP)
Le contact avec le public est, pour les filières de TP, un risque à part entière (n= 6)
"quand on met des panneaux, les gens ils vont pousser les panneaux, ils
prennent des risques alors que nous on essaye de les mettre en sécurité" –CAP
TP
"les gens n'ont pas conscience du risque. On fait tout pour la sécurité, mais
eux ils prennent des risques. Après s'il y a un accident là ils viennent nous voir
ça oui"
Pas toujours hygiénique
"Ya des entreprises qui sont crades."
o Collectif de travail
S’entendre avec ses collègues n’est pas toujours simple (n= 1 mais à recouper avec
statut stagiaire)
"s’entendre avec les gens c'est difficile" (APR)
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Dans les secteurs industriels et du bâtiment-TP, il faut composer avec la présence de
l’alcool et du tabac, « tradition » qui a la vie dure, mais, tous s’accordent pour le
dire, qui est en disparition (n= 29, 2/3 BTP M)
"la réputation des TP, c'est qu'on boit tout le temps" (CAP TP)
"ça dépend de l'entreprise, dans certaines, c'est autorisé, dans d'autres non.
C'est plus interdit qu'autorisé" (1TP)
"tous les midis, ils boivent deux verres, au bout d'un moment si on leur enlevait
leur verre, ils seraient pas bien" (1TP)
"ça reste une banalité, on fume, un petite verre et on repart travailler clope
au bec, sur le chantier." (TBMA)
"En entreprise, ils fument en travaillant." (TBMA)
Finalement, un élève conclura en ces termes "Je dirai « reste toujours respectable
quand tu travailles», vis-à-vis des autres c’est sur, mais pas fumer, pas boire pendant
le service." (1BMA), reprenant ainsi la devise de son établissement. Un autre jeune
ajoutera "si tu bois, si tu bois pas, tu décides" (1TP).
A noter : les jeunes du lycée B (secteurs service et industrie) n’ont jamais évoqué la
problématique de l’alcool. Les témoignages se partagent entre les deux autres
lycées.
o Exposition à des substances chimiques et polluantes
Le stage est le lieu de confrontation avec divers produits chimiques et polluants. Les
jeunes, quel que soit l’établissement, sont conscients des dangers de ces substances
même s’ils soulignent leur caractère diffus.
"On prend en compte les dangers directs, Une poussière invisible à l’œil nu, on
n’y pense pas forcément, on voit pas donc on oublie rapidement." (1BMA)
"EPR, c’est une espèce de joint qui empêche d’avoir des fuites d’eau, y a
quand même des protections mais bon…" (AERO)
"On peut avoir des problèmes respiratoires, y a de la poussière, du plomb
aussi." (AERO)
"Ils le disent pas mais on sait que c'est toxique, pour plus tard tout ce qui est
cancer et tout. C'est caché par les entreprises sur les chantiers" (CAP TP)
"Les expositions c'est à longueur de journée. De toute façon ils sont dessus, on
peut pas l'esquiver" (CAPTP)
o Précarité du travail
o « ils prennent pas en compte! Les salariés se plaignent pas, ils ont peur
de perdre leur emploi. Ils se mettent en arrêt mais ils en parlent pas à la
hiérarchie du coup » (ATMFC)
o "ils ont déjà des problèmes au dos donc vaut mieux pas qu'ils en
parlent" (CAP TP)
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o La mémoire des accidents
Tous les jeunes interrogés évoquent des accidents liés à la manutention et
manipulation, qui semblent être pour eux plutôt courants (nombre d’évocation = 8)
"mon frère a perdu un doigt, il a été blessé par une presse, son doigt est
insensible" (Usinage)
"après y a d'autres accidents que les gardes corps. Y a pas longtemps, un
mec est passé sous les dalles préfabriquées, ça lui est tombé dessus, pour moi
c'est pas la faut de l'ouvrier, c'est celui qui a lâché sans surveiller. Les grutiers
font plus attention: ils vont doucement pour voir si la marchandise suit bien"
(CAP maç)
"L’opérateur de maintenance de mon entreprise, dans l’agroalimentaire, il est
parti, il lui manquait trois doigts à cause de la machine de découpe de
viande… " (TMEI)
"C…., une fois une personne de la maintenance est morte (palettiseur), donc
ils disent qu’il faut bien respecter les règles de sécurité." (1MEI)
Ces accidents sont surtout évoqués par les filières de l’industrie, en particulier la
maintenance, dont le cœur de métier est…la manutention.
Ils sont suivis de près par tout ce qui concerne la pénibilité au travail et les maladies
professionnelles. (n = 9)
"tous les matins, y a plein de remplacements parce que les personnes se
mettent en arrêt" (ATMFC)
"quand je vois mon père comment il est à son âge, il a trainé dans l’amiante
et tout et on voit son état de santé maintenant. Il travaille dans une fonderie, il
modèle, il ne peut pas travailler avec son masque il ne fait pas du bon travail.
Il est en train de se dégrader, il a 57 ans. Il pense qu’il faut que je fasse
attention à moi, il parait que quand il était jeune, il portait des trucs trop
lourds." (AERO)
"moi mon père était camionneur, il a eu une hernie discale, il ne peut plus
soulever de trucs lourds, même quand il se baisse un peu longtemps,
maintenant il fait plus attention." (AERO)
"mon grand père travaillait dans l’’aérospatial, je sais qu’il a eu un infarctus à
cause de ce qu’il respirait, ça fait réfléchir." (AERO)
"là je vois des collègues, ils ont fait les cons quand ils étaient jeunes, parce que
t'y penses pas quand t'es jeune. J'ai un pote en maçonnerie, il a déjà une
ceinture, il va être obligé d'arrêter" (TP UFA)
"un homme a eu un cancer à cause d'une exposition trop forte aux enrobés"
(CAP TP)
"mon père qui est maçon depuis tout petit il a une perte d'audition voilà quoi"
(1GO)
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L’usure professionnelle est évoquée par les élèves de B et M, mais pas par ceux de
A, même si quelques références diffuses sont faites sur le sujet (voir polluants/ produits
chimiques). L’usure et les maladies professionnelles touchent à la fois le secteur des
services (problèmes de dos, TMS), celui de l’industrie (cancers, dos) et du BTP (dos,
cancers, perte d’audition).
Enfin dans le secteur BTP, les chutes sont évoquées à plusieurs reprises. (n =8)
"dans mon stage une personne au moment de détacher la charge de la grue
au troisième étage est tombée" (CAP Maç)
"je suis tombé dans une tranchée aussi, je me suis fait mal au bras et tout, mais
je m'en suis bien sorti" (TPUFA)
"je me suis renversé avec un cylindre dans un fossé" (TPUFA)
Les accidents liés aux transports sont abordés uniquement par les TP. (n=3)
"j'ai entendu une fois mon chef de chantier me raconter, ils avaient deux
chantiers pas très loin, ils faisaient la navette, un jeune l'a percuté de plein
fouet, il avait bu, ça l'a choqué, il s'est dit : je veux plus de ça. La mort du
jeune l'a marqué" (1TP)
Dans ce dernier cas, l’alcool est parfois identifié comme cause de l’accident ou
facteur aggravant du risque.
"le chef de camion, il conduisait, il avait un peu bu, il savait qu'il devait
prendre l'essence, il a pris la sortie à 110 et il s'est pris le tableau…c'est un
manque de responsabilité" (1TP)
"faut faire attention avec l'alcool, c'est dangereux, l'aprem, faut pas prendre
de machines…alors on bricole un peu" "tu restes dans ton coin et tu bouges
pas" (TPUFA)
Conclusion : les différences relevées entre lycées tient surtout aux secteurs d’activité
présents. Sans grandes surprises, les élèves du secteur BTP verbalisent d’avantage sur
les risques et évoquent plus d’accidents (n = 74, x = 8 évocations par focus) que leurs
homologues des secteurs industrie (n= 28, x = 4 évocations par focus) et services (n =
6, x = 2 évocations par focus). (il faut aussi prendre en compte la prise de note, qui
est soumise à la subjectivité et performance, variable selon les moments).
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Thème 2 : Les moyens pour parvenir à la santé et sécurité au travail dans les
entreprises d’accueil
Les moyens de la S&ST sont évoqués 77 fois pour l’ensemble des focus (x = 5 par
focus). A noter que les EPI ont largement été décrit durant les focus, mais pas
toujours notés (rapidité d’évocation > à la prise de note).
Evocations B 16 ( x = 2,7) ; Evocation M 46 (x = 9,2) ; Evocation A 15 (mais citations x
3lignes) (x = 3,75)
Par secteur d’activité : Services ( n = 7, x = 2,3) ; Industrie ( n = 24, x = 3,4) ; BTP (n = 46,
x = 9,2)
Encore une fois c’est le secteur BTP qui est le plus dynamique sur ces questions. Les
élèves de ce secteur verbalisent trois fois plus sur le sujet que ceux des secteurs
industries et services.
1. La protection de la S&ST : une démarche individuelle (n = 35)
2. Moyens matériels (n = 7)
3. Moyens humains : le rôle de la surveillance hiérarchique (n = 18)
4. Prescriptions, Sensibilisation et Formation (n = 18)
o La protection de la S&ST : une démarche individuelle
La tenue et les EPI sont souvent évoqués en premier lorsqu’on leur parle de S&ST, ils
sont de manière générale le point de démarrage des focus élèves.
"y a une tenue et des chaussures de sécurité en cuisines" (TATMFC)
"bleu, chaussures de sécurité, casque, gants, toujours" (CAP maç)
"On met instinctivement notre tenue." (1BMA)
Cependant, pour certains les EPI relèvent d’une obligation
"en entreprise c'est obligatoire" (TBTU)
"le baudrier c'est obligatoire" (TPUFA)
"le casque est obligatoire sur tous les chantiers" (CAPTP)
"chaque stage on voit tous les salariés avec des casques sur les oreilles donc
c’est pas pour faire joli." (1BMA)
alors que pour d’autres les EPI sont à adapter à la nature de la tâche
"ça dépend ce qu'on fait, le temps d'exposition, quand on enrobe sur une
bonne distance il vaut mieux avoir une bonne protection" (1TP)
"quand tu utilises une machine tu utilises le casque, quand tu utilises les
burineurs, tu mets les lunettes mais quand t'en as pas besoin tu mets pas. Tu les
as toujours dans les poches quand t'en as besoin, mais tu portes pas entre"
(1GO)
"c'est bien de travailler avec les EPI, mais quand il n'y a pas de bruit mettre le
casque ça sert à rien, mais faut qu'on le porte tout le temps" (1GO)
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Le paradoxe est parfois frappant, les élève ne s’y retrouvant plus eux même entre
injonctions des établissements scolaires et les différentes pratiques des entreprises :
"les chaussures ça dépend de l'entreprise, enfin si les chaussures c'est
obligatoire" (TPUFA)
"en entreprise souvent on les porte un peu moins (les EPI)" (TBTU)
"moi je porte pas les EPI" (1TP)
"le casque à mon dernier stage avec le lapidaire on sciait, eux ils faisaient ça
à l'arrache" (CAP mac)
"Dans une on avait bouchons d’oreille, casque alors que dans une autre on
soudait les yeux fermés." (TMEI)
"geste et posture c'est bien à voir mais on n'applique pas" (1TP)
L’accessibilité des EPI semble être un facteur pour mieux se protéger
"il y avait des distributeurs de bouchons à chaque porte. C'est bien. Ca nous
protège du son c'est vraiment important" (TBTU)
"les protections auditives je les porte quand elles sont pas trop loin, sinon, non"
(1TP)
Cependant, si les EPI sont utiles, leur confort serait à revoir pour nombre d’élèves :
"les chaussures sont lourdes" (TATMFC)
"quand on met des masques ou des lunettes on n’est pas à l’aise pour
travailler, je suis essoufflé dans le masque." (AERO)
"le masque, j'ai essayé une fois mais quand il fait 25-30 degrés c'est
irrespirable!" (CAPTP)
"ce qui est embêtant c'est la couleurs des tenues de travail. Par exemple les
tee-shirts jaunes ça attire tous les insectes!" et son voisin répond "enfin ça attire
pas les voiture au moins!" (CAPTP)
o Moyens matériels
Les carters de protection permettent une réelle mise en sécurité, même si elle peut
empêcher le travail : (n= 7)
"en entreprise on travaille sans carter de protection alors que là (en atelier)
toute la sécurité est mise" (TBTU)
"en entreprise on peut ouvrir quand c'est en marche, on peut dévisser. On a
plus de liberté."
En plus des protections machines, selon les métiers et les risques évoqués dans l’axe
1, on va retrouver des moyens supplémentaires :
Pour éviter les risques d’éboulement :
o "dans les tranchées après il y a les blindages" (TP UFA)
o "il faut blinder" (1TP)
Pour éviter les risques de chute :
o "des passerelles" (CAP maç)
o "il y a toujours des gardes corps"
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o Moyens humains : le rôle de la surveillance hiérarchique
Les élèves évoquent dans cette catégorie de façon indifférenciée les inspecteurs du
travail, les chefs de chantiers et d’autres supérieurs hiérarchiques.
"tu peux avoir des visites surprises maintenant, ils viennent sur le chantier et ils
sont soufflés les mecs" (par rapport à l'alcool) (TPUFA)
"les chefs sont tout le temps sur notre dos à faire gaffe." (CAPTP)
"on n'est pas tout seul sur un chantier, le chef peut demander qu'on mette
notre casque, et puis avec tous les inspecteurs…" (1TP)
"ils sont surveillés maintenant les chantiers quand même. Le conducteur de
travaux vient tous les jours" (CAP maç)
"Les professionnels avaient l’habitude de travailler là dedans, mais parfois ils
en avaient ras…et de toute façon ils sont contraints de le faire, ils se font
engueuler s’ils ne marchent pas dans les allées bleus… Il y a toujours un
responsable derrière soi pour vérifier, ils sont contraints et s’ils ne le font pas
c’est la sanction …" (TMEI)
Ils sont les garants du respect des consignes sans quoi la sécurité ne serait plus la
même :
"quand il n’y a pas de personnel à vérifier, les règles se lèvent un peu." (TBMA)
"C'est obligatoire parce qu'il y a des mecs qui nous surveillent" (CAPTP)
"pour la sécurité quand y a un chef de sécurité sur un chantier, c'est son
boulot. S'il n'est pas là, ça se fait pas" (CAP mac)
Néanmoins, quelques élèves, loin d’être majoritaires, évoquent une responsabilité
individuelle et collective sur ces questions de S&ST :
"chacun doit avoir sa dose de responsabilité. On doit y penser" (TBMA)
"On est responsable de nos camarades quelque part, on doit regarder autour
de nous." (1BMA)
"logiquement les ouvriers doivent le savoir quand même" (CAP maç)
"pour moi le chantier c'est comme à l'armée, le mec va regarder, surveiller. Le
chantier pour être en sécurité, il faut tous qu'on se surveille, c'est comme une
famille. Pour avoir une bonne sécurité à 100% il faut veiller l'un sur l'autre"
"il faut faire gaffe" (1TP)
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o Prescriptions, Sensibilisation et Formation
En dehors des EPI et de la surveillance hiérarchique, les élèves identifient d’autres
prescriptions des entreprises en ce qui concerne la santé et sécurité:
Les consignes de sécurité et notices d’utilisation
o "il y avait des consignes de sécurité sur les machines, des équipements
personnels et l'entreprise fournissait pour les lunettes, masques,
protections auditives." (TBTU)
o "y avait des mesures, sinon c'est sale" (TATMFC)
o "en maison de retraite il fallait lire beaucoup les étiquettes par rapport
aux produits dont ils se servaient" (TATMFC)
Le poids du réglementaire, perçu comme trop important
o "des fois pour des travaux simples, il y a trop de règles. Après il faut voir
au cas par cas, je ne veux pas généraliser ." (TMEI)
o ""ça dépend, nous on n’avait pas le droit de monter plus de trois
marches avec l’escabeau. C’est impressionnant, tu peux rien faire.
Chaussures de sécurité, un casque, bouchons d’oreille, gants, et tu
peux pas travailler dans l’usine sans ça, tu peux même pas la traverser.
"
Rarement les élèves reçoivent sur leur lieu de stage des sensibilisations ou formations :
"le premier jour on a eu une conférence d'une heure sur la sécurité, porter les
EPI, aller voir un opérateur si on a des problèmes." (TBTU)
"j'ai eu un petit carnet sur tout ce qui est sécurité."
"chaque entreprise fait des formations sur ça: habilitations électriques…y a
plein de formations proposées" (1TP)
"j'ai eu une formation sur la signalisation des chantiers, sur le gaz"
"on a eu une journée sécurité. C'est la boite qui fait" (CAPTP)
"on en a parlé à la boite de l'alcool mais ça a abouti à rien."
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Thème 3 : Les entreprises d’accueil des stagiaires : quel accueil pour quelles
entreprises ? (n =137)
Le vécu de stagiaire : un statut particulier sous contrainte (n = 33)
Artisanat et entreprises de petites tailles (n =46)
Grandes entreprises (n =50)
Performance et sécurité (n=8)
o Le vécu de stagiaire : un statut particulier sous contraintes
"On est stagiaire, c’est différent." (1BMA). Avant même l’arrivée en entreprise
d’accueil, les stagiaires savent qu’ils seront freinés dans leur période de formation en
entreprise par la convention et leur statut de mineur :
"Comme on n’avait pas 18 ans on n’avait pas le droit de toucher les
machines." (TAPR)
"ça dépend de l'entreprise, s'ils te prennent comme un stagiaire pour regarder
ou comme un stagiaire pour travailler" (1TP)
"en stage normalement on n'a pas le droit de monter une échelle, ni le droit
de porter 30 kilos" (1GO)
"à chaque fois on change d'entreprise"
"il y a trop de règles, on est trop restreints en stage. Je voulais faire de la
soudure mais je ne pouvais pas à cause de la convention, mon maître de
stage m’a pas laissé faire." (1MEI)
"on n’a pas assez de liberté. C’est en stage qu’on apprend le plus mais s’ils
nous restreignent je vois pas où on apprend."
Les entreprises peuvent alors choisir de respecter la loi…ou de l’outrepasser afin
de répondre aux attentes du jeune :
"faut pas le dire, c'est interdit dans la convention (de faire les toitures)"
"j’étais à système U, le 1er jour ils ne voulaient pas que je monte dans la
nacelle, ils hésitaient, s’il y avait un accident…"
Le choix des lieux de stage est aussi limité, voir compliqué dans certaines filières :
"On choisit pas trop les stages au départ on doit commencer par les
collectivités (restauration)" (1ATMFC)
"Pour les stages on sait pas où on va on n’aime pas cela ; on préfère savoir à
quoi s’attendre plutôt que découvrir le stage au dernier moment ; on nous
laisse pas nous présenter nous même"
"au début, on avait le choix des entreprises, maintenant plus trop." (1BMA)
"oui, en ce moment c’est difficile de trouver un stage." (1MEI)
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Une fois sur place, le stagiaire devient celui qui effectue les tâches dont personne ne
veut :
"les arpettes font le sale boulot. En tant que stagiaire on en est quoi. On
nettoie tous les outils de tous les ouvriers" (1GO)
"un stage c'est bien et pas bien. Tout ce qu'ils veulent pas faire ils te le
donnent. "
"eux ils s'en fichent ils donnent ça aux stagiaires. Ils veulent pas le faire et ils
donnent ça. Ils nous font faire ce qu'ils n'aiment pas" (TATMFC)
"ils se méfient des stagiaires. On est là pour apprendre en stage, on n’est pas
là pour faire directement un métier"
Il est aussi celui qui a des difficultés à défendre son point de vue, sa manière de
faire :
"je n'osais pas dire "quoi vous mettez pas vos casques!"" (CAP maç)
"ils devraient plus expliquer dans les grandes entreprises. Un stagiaire c'est un
stagiaire"
"on a rien à dire parce qu'on doit faire notre stage" (1GO)
o Artisanat et entreprises de petites tailles (n = 46)
Les entreprises de type artisanale sont perçue par les jeunes comme plus conviviales
et libres (n = 14)
"ils écoutaient la radio, fumaient, il y avait plus de liberté, une bonne
ambiance… » (2BTU)
"en familial on peut prendre du temps" (TATMFC)
"dans l'artisanat on rigole, on boit, on mange. Y a pas d'heures. Y a des
bonnes payes, même pour les stagiaires" (CAP mac)
Les apprentissages sont vécus comme plus variés et le métier diversifié (n = 11):
"on apprend plus dans une petite entreprise que dans une grande" (TBTU)
"une petite entreprise tu peux très bien faire un petit boulot par ci par là"
(TBTU)
"des fois dans les petites entreprises c'est en conventionnel, en manuel"
"au moins on voit la maison grandir. Sinon tu n'apprends plus rien, tout est prêt,
autant faire un puzzle chez soi c'est pareil" (CAP mac)
Parfois trop varié peut-être…
"en artisanat j'ai posé du grillage, je me suis dit mais qu'est-ce que je fais là"
(CAP mac)
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Globalement les jeunes interrogés sont tous d’accord sur le fait que les entreprises
artisanales sont moins portées sur la sécurité. Ils évoquent les effectifs peu nombreux,
le manque de moyens (financiers et matériels) ainsi que l’absence de contrôle
hiérarchique comme facteurs de causalité (n = 21)
"dans la petite entreprise y a moins de sécurité…ils sont moins nombreux, ils
font moins gaffes, ils ont moins de matériel. Sur un chantier où il fallait lever des
charges, le casque ils le mettaient pas" (1TP)
"Moi c’est pareil, dans les petites entreprises ils portent pas le casque, y a pas
d’aspiration, y a pas de protection sur les toupies, sur les machines" (TBMA)
"Chez les artisans ils sont responsables d’eux-mêmes ils ont personne au-
dessus, ils sont leur propre patron, ils s’en foutent." (1BMA)
"je préfère l'artisanat, mais après on pense pas forcément à la sécurité quand
on choisit un métier" (TBMA)
o Moyennes et grandes entreprises (n =50)
Le travail dans ces entreprises est souvent perçu comme peu valorisant, proche
d’une robotisation de l’être humain, sur un poste à la chaine (n = 14). L’évocation
est plus forte dans le secteur industriel, héritier du fameux fordisme.
dans les grandes entreprises c’est plutôt du travail à la chaine donc c’est pas
très valorisant. (TBMA)
"je préfère l’artisanat, dans les grandes entreprises, c’est trop le travail à la
chaine. On dirait qu’on est des robots, mais moi je suis pas un robot." (1BMA)
"je trouve ça répétitif, sans possibilité d'évoluer" (2BTU)
"dans une grande entreprise tu fais beaucoup toute la journée, c'est à la
chaine." (TBTU)
"dans mon stage une machine faisait 15 séries différentes et y avait juste
quelqu'un pour appuyer sur un bouton"
"je veux pas travailler dans une grande boite pour être presse-bouton et faire
tout le temps la même chose"
"dans les grandes entreprises on est des robots, on a un nom sur le casque"
(CAP mac)
"poser quatre murs, moi je trouve ça ennuyant" (CAP mac)
Néanmoins certains soulignent quelques avantages à ce travail en dehors de
l’artisanat (n =6)
"Ou alors dans les grandes entreprises pas à la chaine, mais être dans les
bureaux à faire les dessins techniques." (TBMA)
"Il y a des avantages et inconvénients dans les deux…Dans les grandes
entreprises, il y a des pointeuses etc. Chez les artisans, on prend le temps : on
boit un café, on voit d’autres corps de métiers."
"tu gagnes plus d'argent dans les grandes entreprises" (2BTU)
"les grandes entreprises ouvrent plus de portes d'un côté" (TBTU)
"Une grande boite ce serait bien…on gagne plus d'argent"
"en grande entreprise, dans mon stage d'entreprise, j'apprenais ce que je fais
là" (CAP mac)
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Pour les élèves interrogés, il n’y a pas de doute : les grandes entreprises sont plus
sécurisées que celles de type artisanales (n = 21).
"dans les grandes entreprises ils appliquent les règles de sécurité en général. "
(TBMA)
"dans les grosses boites t'es obligé d'avoir le casque, dans les petites c'est à toi
de voir" (1TPUFA)
"on doit faire un quart d'heure sécurité, sur ce qui s'est passé la semaine etc."
"le travail en entreprise c'est mieux car c'est entouré par la sécurité, les règles
à respecter" (CAP mac)
Les raisons évoquées sont multiples :
Le poids de la réglementation : "dans l’industrie ils ont des normes à
respecter." (TMEI)
Davantage de moyens financiers :"J’ai fait un stage chez un artisan, cette
année je suis dans l’industriel, ils ont plus de budget, donc plus de sécurité."
(1BMA)
Davantage de responsabilités et contrôle: "ils sont obligés, sinon l’entreprise
est mise en cause. Moi c’était respecté, c’est la responsabilité de l’entreprise.
" (1BMA)
Davantage de moyens matériels : "les grandes entreprises ça marche, on
prenait les palettes, et avec la grue, on s'embêtait pas. Dans les petites
entreprises faut ramener les palettes à la main, une à une" (1GO)
…avec une distinction pour le milieu collectif! (n= 5)
"ils me faisaient porter des plats plus grands que moi et du coup je m'étais mis
en arrêt parce que j'avais mal au dos" (TATMFC)
"j'ai été en arrêt à cause des plats. On est tout seul à porter les gros plats.Ils
sont fous."
"en collectif même si on dit qu'on peut pas porter ça, en fin de journée ils te
mettent à la plonge et tu dois te baisser."
"la cuisine c'est hyper dangereux"
"en collectif il faut se dépêcher"
Une fois encore le secteur service se démarque des secteurs industriels et du BTP : la
sécurité est perçue par les élèves comme mauvaise quelque que soit la taille de
l’entreprise.
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o Performance et sécurité (n = 8)
Si certaines entreprises consentent à sensibiliser les jeunes à la S&ST, d’autres
semblent au contraire conserver la vision classique d’une opposition entre
performance et sécurité. Si les jeunes du secteur services restent silencieux sur le
sujet, en industrie et BTP il n’en est pas de même, les remarques émanant
essentiellement de cursus Bac Pro. Bien que cet item paraisse en filigrane,
notamment dans le point sur les entreprises artisanales, nous trouvons intéressant
d’en faire un point spécifique.
" un accident du travail ça coute 10000 euros donc s'ils font pas gaffe à la
sécurité…" (TPUFA)
"sur un chantier ça coute cher la sécurité, c'est une perte de temps" (1TP)
"ça dépend des entreprises y'en a des sécurisés et d'autres non. Moi là je suis
dans une c'est pas ça la sécurité, faut travailler vite"
"pour eux le blindage ils l'ont sur chantier mais pour eux c'est une perte de
temps et donc une perte d'argent"
"Mais là ils y pensent pas du tout, c'est le taf le taf le taf et puis c'est tout, c'est
le rendement" (TBMA)
"l’argent ça compte plus que la sécurité pour eux." (TMEI)