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Collège des Enseignants en Neurologie Déficit moteur et/ou sentif des membres I. Causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif II. Stratégie diagnostique III. Examens complémentaires IV. Situations diagnostiques particulières V. Complications d’un déficit moteur ou sensitif d’un membre Objectifs pédagogiques Nationaux Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents. CEN Connaissances requises Savoir qu’un trouble de la motilité ou de la sensibilité d’un membre peut avoir des causes neurologiques et des causes non neurologiques (ostéoarticulaires, vasculaires, psychiques, etc.). Connaître les caractéristiques cliniques et sémiologiques de l’atteinte de la motricité selon le niveau (système nerveux central, système nerveux périphérique, jonction neuromusculaire, muscle). Connaître les caractéristiques cliniques et sémiologiques de l’atteinte de la sensibilité selon le niveau (tronculaire, radiculaire, médullaire, tronc cérébral, cerveau). Pouvoir orienter le diagnostic étiologique en fonction : du mode d’apparition et du profil évolutif du déficit ; de la topographie du déficit. Citer les complications pouvant survenir après un déficit moteur d’un membre, ainsi que les principes de leur prévention. Objectifs pratiques Chez des patients atteints d’un déficit moteur et/ou sensitif des membres : conduire l’interrogatoire et l’examen clinique ; proposer une stratégie d’examens complémentaires en fonction de la localisation et apprécier leur degré d’urgence en fonction du mode d’apparition et du profil évolutif. Les troubles de la motilité ou de la sensibilité dun membre sont des motifs fréquents de consultation, parfois dans des situations durgence. Tout médecin doit savoir orienter son diagnostic : en faisant la distinction entre un déficit par atteinte des voies de la motricité ou de la sensibilité et un trouble d’origine non neurologique ; en sachant localiser le niveau de la ou des lésions sur la base des caractéristiques cliniques du déficit : si l’atteinte est centrale, pouvoir préciser si la lésion se situe dans le cerveau, le tronc cérébral ou la moelle spinale ; si l’atteinte est périphérique : en cas de déficit moteur, pouvoir préciser si la lésion touche la corne antérieure, les racines, le plexus, le tronc nerveux, la jonction neuromusculaire ou le muscle lui-même ; en cas de déficit sensitif, distinguer entre atteinte radiculaire (mono- ou polyradiculaire), plexique (plexus brachial, lombosacré) ou tronculaire (mononévrite, mononeuropathie multiple ou polyneuropathie). Cette étape de reconnaissance topographique est un préalable indispensable à la demande dinvestigations complémentaires orientées. I. Causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif Parmi les causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif, il faut en particulier évoquer : une origine ostéoarticulaire : fracture, arthrite aiguë, tendinite peuvent être responsables d’une impotence fonctionnelle d’un membre en cas de douleur exquise à la mobilisation ; une origine vasculaire : une artérite des membres inférieurs provoque une claudication intermittente douloureuse avec réduction du périmètre de marche variable selon la sévérité de l’affection ; le principal signe fonctionnel est la douleur à type de crampes d’un ou des deux mollets. De manière plus large, toute douleur, quelle qu’en soit la cause, peut restreindre la mobilisation d’un membre (lésion cutanée étendue, hématome profond, etc.). Il est alors plus juste de parler d’impotence fonctionnelle douloureuse si la douleur ne permet pas de savoir s’il existe un déficit moteur réel ou non. L’origine psychogène d’un trouble de la motricité ou de la sensibilité peut poser des problèmes diagnostiques difficiles lorsqu’elle apparaît sans contexte psychiatrique connu : les arguments en sa faveur sont : le contexte d’apparition (choc émotionnel) ; les discordances anatomo-cliniques (par exemple, zone d’anesthésie débordant un territoire sensitif anatomique) ; les discordances entre les signes observés et leur retentissement, c’est-à-dire pour un déficit moteur une discordance nette entre le testing musculaire analytique et les mouvements réalisés par le patient dans les actes de la vie quotidienne ou lors de manœuvre de distraction. Ainsi, un membre inférieur apparemment paralysé et flasque au lit n’empêchera ni le patient de s’asseoir dans le lit ni la marche, ni un membre supérieur apparemment anesthésié le retrait de la main d’une source de chaleur ;

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Collège des Enseignants en Neurologie

Déficit moteur et/ou sentif des membres

I. Causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif

II. Stratégie diagnostique III. Examens complémentaires IV. Situations diagnostiques particulières V. Complications d’un déficit moteur ou sensitif d’un membre

Objectifs pédagogiques Nationaux

Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.

CEN

Connaissances requises

Savoir qu’un trouble de la motilité ou de la sensibilité d’un membre peut avoir des causes neurologiques et des causes non neurologiques (ostéoarticulaires, vasculaires, psychiques, etc.).

Connaître les caractéristiques cliniques et sémiologiques de l’atteinte de la motricité selon le niveau (système nerveux central, système nerveux périphérique, jonction neuromusculaire, muscle).

Connaître les caractéristiques cliniques et sémiologiques de l’atteinte de la sensibilité selon le niveau (tronculaire, radiculaire, médullaire, tronc cérébral, cerveau).

Pouvoir orienter le diagnostic étiologique en fonction :

du mode d’apparition et du profil évolutif du déficit ;

de la topographie du déficit.

Citer les complications pouvant survenir après un déficit moteur d’un membre, ainsi que les principes de leur prévention.

Objectifs pratiques

Chez des patients atteints d’un déficit moteur et/ou sensitif des membres :

conduire l’interrogatoire et l’examen clinique ;

proposer une stratégie d’examens complémentaires en fonction de la localisation et apprécier leur degré d’urgence en fonction du mode d’apparition et du profil évolutif.

Les troubles de la motilité ou de la sensibilité d’un membre sont des motifs fréquents de consultation, parfois dans des situations d’urgence. Tout médecin doit savoir orienter son diagnostic :

en faisant la distinction entre un déficit par atteinte des voies de la motricité ou de la sensibilité et un trouble d’origine non neurologique ;

en sachant localiser le niveau de la ou des lésions sur la base des caractéristiques cliniques du déficit :

si l’atteinte est centrale, pouvoir préciser si la lésion se situe dans le cerveau, le tronc cérébral ou la moelle spinale ;

si l’atteinte est périphérique :

en cas de déficit moteur, pouvoir préciser si la lésion touche la corne antérieure, les racines, le plexus, le tronc nerveux, la jonction neuromusculaire ou le muscle lui-même ;

en cas de déficit sensitif, distinguer entre atteinte radiculaire (mono- ou polyradiculaire), plexique (plexus brachial, lombosacré) ou tronculaire (mononévrite, mononeuropathie multiple ou polyneuropathie).

Cette étape de reconnaissance topographique est un préalable indispensable à la demande d’investigations complémentaires orientées.

I. Causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif Parmi les causes non neurologiques de déficit moteur ou sensitif, il faut en particulier évoquer :

une origine ostéoarticulaire : fracture, arthrite aiguë, tendinite peuvent être responsables d’une impotence fonctionnelle d’un membre en cas de douleur exquise à la mobilisation ;

une origine vasculaire : une artérite des membres inférieurs provoque une claudication intermittente douloureuse avec réduction du périmètre de marche variable selon la sévérité de l’affection ; le principal signe fonctionnel est la douleur à type de crampes d’un ou des deux mollets.

De manière plus large, toute douleur, quelle qu’en soit la cause, peut restreindre la mobilisation d’un membre (lésion cutanée étendue, hématome profond, etc.). Il est alors plus juste de parler d’impotence fonctionnelle douloureuse si la douleur ne permet pas de savoir s’il existe un déficit moteur réel ou non.

L’origine psychogène d’un trouble de la motricité ou de la sensibilité peut poser des problèmes diagnostiques difficiles lorsqu’elle apparaît sans contexte psychiatrique connu :

les arguments en sa faveur sont :

le contexte d’apparition (choc émotionnel) ;

les discordances anatomo-cliniques (par exemple, zone d’anesthésie débordant un territoire sensitif anatomique) ;

les discordances entre les signes observés et leur retentissement, c’est-à-dire pour un déficit moteur une discordance nette entre le testing musculaire analytique et les mouvements réalisés par le patient dans les actes de la vie quotidienne ou lors de manœuvre de distraction. Ainsi, un membre inférieur apparemment paralysé et flasque au lit n’empêchera ni le patient de s’asseoir dans le lit ni la marche, ni un membre supérieur apparemment anesthésié le retrait de la main d’une source de chaleur ;

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le manque de reproductibilité des signes d’un examen clinique à l’autre ;

le diagnostic est retenu après vérification de la normalité des explorations d’imagerie et neurophysiologiques appropriées.

II. Stratégie diagnostique L’orientation diagnostique, face à un déficit moteur ou sensitif d’un ou de plusieurs membres, passe par deux étapes distinctes (fig. 1.1). Les deux étapes, topographique et étiologique (mécanisme et cause), sont intimement liées, car elles font toutes deux appel à des informations issues de l’interrogatoire (du patient, parfois de son entourage), de l’observation du ou des membres déficitaires au cours de la consultation, de l’examen clinique. Comme toujours, l’anamnèse doit être dans un premier temps non orientée et laisser le patient s’exprimer, puis l’interrogatoire semidirectif s’attachera à lever toute ambiguïté dans l’utilisation des termes utilisés par le patient pour décrire son trouble.

Fig. 1.1 - Schéma décisionnel devant un déficit moteur.

Il est fréquent qu’un trouble de la marche, quelle que soit son origine (ataxie cérébelleuse, marche parkinsonienne, etc.), soit rapporté par le patient à une « faiblesse » des membres inférieurs. Des termes comme « engourdissement » ou « lourdeur » d’un membre peuvent correspondre à des symptômes différents selon les patients. Une main malhabile peut correspondre selon les patients à un déficit moteur, à une atteinte proprioceptive ou à une atteinte cérébelleuse.

A. Déficit moteur : diagnostic syndromique et topographique

Il existe quatre grands syndromes moteurs, dont les caractéristiques sont rappelées dans le tableau 1.1. Il s’agit du :

syndrome pyramidal (atteinte du motoneurone central) ;

syndrome neurogène périphérique (atteinte du motoneurone périphérique) ;

syndrome myasthénique (jonction neuromusculaire) ;

syndrome myogène.

La première étape consiste à faire le diagnostic syndromique et, par voie de conséquence, le diagnostic topographique de l’atteinte (fig. 1.1) :

atteinte centrale (premier motoneurone) : responsable d’un syndrome pyramidal, la lésion peut se situer au niveau de :

hémisphère cérébral : cortex, centre semi-ovale, capsule interne ;

tronc cérébral : mésencéphale, protubérance, moelle allongée (ou bulbe) ;

moelle spinale : cervicale, dorsale, lombaire ;

atteinte périphérique : responsable d’un syndrome neurogène périphérique, la lésion peut se situer au niveau de :

corne antérieure de la moelle ;

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racine motrice ;

plexus ;

tronc nerveux ;

atteinte de la jonction neuromusculaire : responsable d’un syndrome myasthénique ;

atteinte des muscles : responsable d’un syndrome myogène.

Tableau 1.1 - Caractéristiques sémiologiques des quatre grands syndromes moteurs.

1. Atteinte du système nerveux central L’atteinte centrale se caractérise par la présence d’un syndrome pyramidal :

le déficit moteur prédomine sur les muscles extenseurs des membres supérieurs (radiaux, interosseux) et les muscles raccourcisseurs des membres inférieurs (psoas, tibial antérieur) ;

le tonus est exagéré (hypertonie spastique) ;

présence de réflexes pathologiques (signe de Babinski, de Rossolimo ou de Hofmann…).

Attention ! Dans les premiers jours d’une atteinte aiguë de la voie pyramidale (accident vasculaire cérébral, par exemple), une paralysie flasque est fréquente avec abolition des réflexes tendineux et hypotonie (« sidération ») : c’est en moyenne entre la première et la troisième semaine que se développe l’hypertonie spastique.

Un déficit spastique est TOUJOURS d’origine centrale.

Un déficit flasque est le plus souvent d’origine périphérique, mais il peut s’agir d’une atteinte centrale (à la phase initiale lors d’une lésion aiguë de la voie pyramidale).

La répartition de l’atteinte motrice permet en elle-même d’orienter le diagnostic topographique (tableau 1.2)

Hémiplégie :

elle suppose une atteinte du système nerveux central au-dessus de la moelle cervicale (moelle cervicale comprise) ;

l’atteinte de la face (paralysie faciale centrale) permet d’affirmer l’existence d’une lésion supramédullaire ;

le caractère proportionnel ou non de l’hémiplégie a aussi une valeur de localisation :

un déficit moteur prédominant en brachiofacial orientera vers une atteinte corticale du faisceau pyramidal (par exemple, dans le cadre d’un infarctus cérébral du territoire de l’artère cérébrale moyenne) ;

si le déficit est dit « proportionnel », c’est-à-dire qu’il a la même sévérité aux trois étages que sont la face, les membres supérieurs et les membres inférieurs, cela oriente vers une atteinte de la capsule interne.

Syndrome alterne moteur : il s’agit de l’association d’une hémiparésie ou d’une hémiplégie et d’une atteinte controlatérale d’un nerf crânien moteur (III, VII, XII). Ce syndrome indique la présence d’une lésion située dans le tronc cérébral.

Tétraplégie ou paraplégie :

elle suppose une atteinte de la moelle spinale cervicale haute en cas de tétraplégie, cervicale basse, thoracique ou du cône terminal en cas de paraplégie ;

une paraplégie peut aussi être liée à une atteinte du système nerveux périphérique : syndrome de la queue de cheval ou atteinte pluriradiculaire (polyradiculonévrite, méningoradiculite).

Tableau 1.2 - Distribution du déficit moteur en fonction de la topographie lésionnelle.

Syndrome pyramidal

Syndrome neurogène périphérique

Syndrome myasthénique

Syndrome myogène

Type de déficit moteur

Hémiplégie ± face ou paraplégie avec atteinte des muscles Extenseurs aux membres supérieurs raccourcisseurs aux membres inférieurs

Muscles innervés par un seul tronc ou une seule racine Atteinte bilatérale, proximale et distale : polyradiculonévrite Atteinte bilatérale, symétrique, distale et surtout membres inférieurs : polyneuropathie

Muscles oculomoteurs Muscles des paupières Muscles pharyngolaryngés Muscles proximaux des membres

Muscles proximaux, atteinte symétrique

Réflexes ostéo-tendineux

Vifs, diffusés, polycinétiques Signe de Hoffman Trépidation épileptoïde cheville

Abolis Normaux Normaux

Réflexe cutané plantaire

Signe de Babinski Flexion ou indifférent Flexion Flexion

Tonus Spasticité en flexion aux membres supérieurs Spasticité en extension aux membres inférieurs (flasque si phase aiguë)

Normal ou hypotonie Normal Hypotonie

Amyotrophie Non Oui ± fasciculations Non Oui ou hypertrophie

Marche Marche avec fauchage, ou spasmodique

Steppage à la marche Fatigabilité, symptômes fluctuants

Marche dandinante

Hémiplégie Paraplégie TétraplégieAtteinte bilatérale

proximale des membres

Atteinte bilatérale et symétrique,

distale des membres

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Attention ! Un piège classique bien que rare est la paraparésie en rapport avec une lésion cérébrale de localisation bifrontale paramédiane (infarctus cérébral antérieur bilatéral, méningiome de la faux du cerveau), qu’il faudra savoir rechercher en cas de normalité des explorations médullaires.

De même, la répartition d’un déficit sensitif associé au déficit moteur permet de préciser le diagnostic topographique

En cas d’atteinte supramédullaire, l’examen de la sensibilité révèle habituellement un déficit à tous les modes dans le même territoire que l’atteinte motrice ; cependant, lorsque la lésion est de petite taille et/ou épargne les structures sensitives, le déficit moteur peut être isolé (exemple d’un AVC lacunaire).

Dans les atteintes médullaires, les atteintes sensitives suivantes peuvent être retrouvées avec une grande valeur localisatrice :

un niveau sensitif sur le tronc ou le cou, qui témoigne d’un syndrome lésionnel ;

une atteinte sensitive dissociée (syndrome de Brown-Séquard, syndrome syringomyélique).

2. Atteinte du système nerveux périphérique

L’atteinte du système nerveux périphérique se caractérise par un syndrome neurogène périphérique avec une atteinte de la motricité volontaire, automatique et réflexe :

fasciculations spontanées, qui peuvent être observées dès l’inspection ou décrites par le patient à l’anamnèse ; elles peuvent aussi être recherchées et déclenchées par la percussion des muscles (quadriceps, biceps) ;

déficit moteur d’intensité variable ;

muscles agonistes et antagonistes également touchés (contrairement au syndrome pyramidal) dans les neuropathies diffuses ;

muscles atteints correspondant à l’innervation d’une racine ou d’un tronc nerveux en cas d’atteinte focale ;

hypotonie ;

abolition des réflexes tendineux ;

amyotrophie des muscles atteints quand le déficit moteur se prolonge.

Il existe trois grands syndromes de neuropathie diffuse selon le mode d’installation, la répartition et la distribution du déficit moteur :

la polyneuropathie : l’atteinte est bilatérale, symétrique, distale, à début synchrone et d’installation généralement chronique ;

la polyradiculonévrite : atteinte bilatérale, symétrique, proximale et distale, d’installation aiguë sur quelques jours ou d’installation chronique ;

mononeuropathies multiples : atteinte tronculaire bilatérale asymétrique et asynchrone (par exemple, atteinte du nerf fibulaire commun droit puis 1 semaine plus tard du nerf ulnaire gauche, etc.).

Les neuropathies focales sont quand à elles en rapport avec une atteinte radiculaire, plexique ou tronculaire.

3. Syndrome myasthénique (Cf. chapitre 14, Item 263 – Myasthénie.)

L’atteinte de la jonction neuromusculaire (ou plaque motrice) se caractérise par :

une fatigabilité musculaire avec apparition d’une faiblesse musculaire (ptosis, diplopie, dysphonie, dysphagie, faiblesse des membres) préférentiellement le soir ou après un effort ; amélioration voire disparition de cette faiblesse le matin ou avec le repos ;

un examen neurologique normal ou pouvant montrer un déficit moteur qui apparaît avec l’effort et s’améliore avec le repos ;

l’absence de signes pyramidaux, d’atteinte sensitive ou vésico-sphinctérienne.

4. Syndrome myogène Le syndrome myogène est caractérisé par :

un déficit moteur de topographie variée, en principe plutôt proximal, affectant les ceintures ;

une marche dandinante, une difficulté à la montée des escaliers ou à se relever d’une position assise (signe du tabouret) ;

une abolition du réflexe idiomusculaire alors que les réflexes tendineux sont conservés ;

absence de troubles sensitifs.

B. Déficit sensitif : diagnostic syndromique et topographique (tableau 1.3)

1. Atteinte du système nerveux central Au niveau cérébral

Centrale :

hémiplégie à prédominance brachiofaciale : cortex moteur

hémiplégie proportionnelle : capsule interne

hémiplégie + atteinte d’un nerf crânien controlatéral : syndrome alterne du tronc cérébral

Centrale : atteinte médullaire ou du tronc cérébral Périphérique : syndrome de la queue de cheval

Myopathie Polyradiculonévrite

Polyneuropathie

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Cortex pariétal : hypoesthésie à prédominance brachiofaciale (par exemple, en cas d’infarctus dans le territoire de l’artère cérébrale moyenne). Dans ce cas, d’autres déficits neurologiques sont le plus souvent présents (hémiplégie à prédominance brachiofaciale, aphasie, héminégligence, etc.).

Thalamus : hypoesthésie proportionnelle des trois étages, non dissociée (à tous les modes) de l’hémicorps controlatéral.

Tronc cérébral : syndrome alterne sensitif appartenant au syndrome de Wallenberg. Il s’agit d’une hypoesthésie de la face par atteinte du V homolatéral à la lésion et hypoesthésie de l’hémicorps controlatéral avec respect de la face par atteinte de la voie spinothalamique. La lésion se situe alors dans la fossette latérale de la moelle allongée (bulbe).

Tableau 1.3 - Diagnostic topographique des principaux syndromes sensitifs.

Moelle spinale

La sémiologie sensitive de la moelle spinale est très riche, avec plusieurs tableaux cliniques dépendant du site et de l’étendue de la ou des lésion(s).

En cas d’atteinte transversale complète de la moelle, en plus du déficit moteur (tétraplégie ou paraplégie), existe un niveau sensitif avec un syndrome lésionnel et sous-lésionnel. En cas de lésion fixée : le niveau sensitif témoigne du niveau lésionnel. En cas de lésion en cours d’installation : le niveau sensitif peut remonter au cours du temps pour finalement atteindre le niveau lésionnel.

Une atteinte élective des cordons postérieurs de la moelle se manifeste par une marche ataxique, un signe de Romberg et une ataxie proprioceptive des membres concernés et éventuellement un signe de Lhermitte — le signe de Lhermitte correspond à une décharge électrique brève perçue le long du rachis et dans les membres à la flexion de la nuque ; ce signe est en rapport avec une atteinte des cordons postérieurs de la moelle au niveau cervical.

Le syndrome de l’hémi-moelle (syndrome de Brown-Séquard) a une très grande valeur localisatrice et consiste du côté homolatéral à la lésion en un syndrome pyramidal et proprioceptif et du côté controlatéral en une hypoesthésie thermoalgique. Ainsi, devant un déficit moteur pyramidal d’un membre inférieur, la lésion peut se trouver au niveau cérébral ou médullaire. Si l’examen clinique montre une atteinte proprioceptive de ce membre et une atteinte de la sensibilité thermoalgique de l’autre membre, l’exploration à demander en premier est une IRM médullaire.

Le syndrome syringomyélique est causé par une cavité (syrinx) localisée le plus souvent en centromédullaire avec section des fibres spinothalamiques. Cliniquement, il existe une hypoesthésie dissociée avec hypoesthésie thermoalgique le plus souvent des membres supérieurs et de la partie haute du tronc (« en cape ») et une sensibilité au tact préservée (voie lemniscale).

2. Atteinte du système nerveux périphérique Neuropathies focales

Racine : atteinte monoradiculaire (par exemple, dans la hernie discale, le déficit sensitif correspond à un territoire de dermatome).

Plexus : atteinte de plusieurs dermatomes.

Tronc nerveux :

atteinte d’un seul tronc nerveux : mononeuropathie (par exemple, hypoesthésie de la face palmaire des trois premiers doigts et de la face interne du quatrième doigt de la main en cas d’atteinte du nerf médian) ;

atteinte de plusieurs troncs nerveux : mononeuropathies multiples.

Neuropathies diffuses : polyneuropathies

Déficit sensitif de type longueur-dépendant avec atteinte d’abord des pieds, puis remontant aux mollets et au-dessus des cuisses. Quand l’atteinte sensitive aux membres inférieurs atteint les genoux, les mains peuvent être touchées avec un déficit « en gants et en chaussettes ». Une hypoesthésie du tronc peut aussi s’observer « en plastron » et du crâne « en calotte ».

C. Étape étiologique

L’examen clinique permet de localiser le niveau de l’atteinte, mais pas le mécanisme en cause. L’étape étiologique repose donc sur l’interrogatoire, qui précise le mode d’apparition et le profil évolutif du déficit, ainsi que les antécédents et le terrain du patient.

Dans le profil évolutif, il faut tenir compte du mode de début et de l’évolution dans le temps (amélioration, aggravation, stabilisation, évolution par accès) (cf. chapitre 32, Item 192 – Déficit neurologique récent).

Les grands mécanismes en cause en neurologie sont :

vasculaire : début soudain et récupération incomplète et lente ;

tumoral : début progressif et extension du déficit « en tache d’huile » ;

infectieux : évolution aiguë ou subaiguë avec contexte général infectieux ;

inflammatoire : évolution aiguë ou subaiguë en l’absence de signe systémique ;

dégénératif : aggravation lentement progressive ;

traumatique ;

épileptique : début et fin soudaine, récidive identique.

Pariétal Hypoesthésie à prédominance brachiofaciale

Thalamus Hypoesthésie à tous les modes proportionnelle d’un hémicorps

Tronc cérébral Syndrome alterne sensitif (syndrome de Wallenberg)

Moelle

Atteinte transversale : présence d’un niveau sensitif Cordons postérieurs de la moelle cervicale : signe de Lhermitte Hémi-moelle, ou syndrome de Brown-Sequard : atteinte propioceptive homolatérale à la lésion et spinothalamique controlatérale Atteinte centromédullaire (syringomyélie) : hypoesthésie suspendue thermoalgique

Système nerveux périphérique

Hypoesthésie distale et symétrique : polyneuropathie Focale (mononeuropathies) ou multifocale (mononeuropathies multiples)

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Le contexte et les renseignements apportés par l’examen clinique complètent cette étape, permettant la formulation de l’hypothèse étiologique (cause).

Cette étape se poursuit par la réalisation d’investigations complémentaires.

III. Examens complémentaires Aucun examen complémentaire n’est réalisé systématiquement. Leur demande et leur ordre dépendent des hypothèses étiologiques formulées à partir des données cliniques.

A. Examens

1. Imagerie du système nerveux central L’IRM est devenue l’examen de référence du système nerveux central (à défaut, on demandera un scanner). Le niveau d’exploration (cerveau, moelle spinale) sera précisé en fonction des hypothèses topographiques. L’IRM permet de rechercher :

au niveau cérébral : une lésion vasculaire (ischémie ou hématome), tumorale, infectieuse, inflammatoire, expliquant le déficit ; la présence d’autres lésions peut aider au diagnostic (par exemple, multiples plaques de démyélinisation dans la SEP) ;

au niveau médullaire : une lésion extra-axiale (compression osseuse dans la myélopathie cervicoarthrosique), intra-axiale mais extramédullaire (méningiome, neurinome) ou intramédullaire (tumeur gliale, épendymome, plaque de démyélinisation, lésion vasculaire).

2. Électroneuromyogramme L’électroneuromyogramme (ENMG) permet de confirmer l’existence d’un syndrome neurogène périphérique, d’une anomalie de la jonction neuromusculaire ou d’une atteinte myogène.

Suspicion d’atteinte du système nerveux périphérique

Les principaux paramètres étudiés sont :

en détection : la recherche de tracés neurogènes (pauvres et accélérés) ;

en stimulodétection : les vitesses de conduction motrice et les potentiels sensitifs distaux.

Dans le vaste groupe des neuropathies périphériques, l’ENMG fournit des aides multiples pour :

préciser l’extension des lésions (multiples racines touchées, mononeuropathie révélatrice d’une mononeuropathie multiple, etc.) ;

préciser le mécanisme de l’atteinte du nerf (axonal avec vitesses de conduction motrice préservées et potentiels sensitifs distaux franchement diminués, ou démyélinisant avec vitesses de conduction motrice diminuées et potentiels sensitifs distaux relativement préservés) ;

localiser le niveau de compression d’un nerf (canal carpien pour le nerf médian, ulnaire au coude, genou pour le nerf fibulaire commun).

Suspicion d’atteinte de la jonction neuromusculaire

L’ENMG recherche un bloc neuromusculaire par stimulation répétée à basse fréquence (bloc postsynaptique : myasthénie) ou haute fréquence (bloc présynaptique : syndrome de Lambert-Eaton).

Suspicion d’atteinte musculaire

L’ENMG fournit des tracés myogènes (riches et polyphasiques) en détection, avec stimulodétection normale.

3. Ponction lombaire Une ponction lombaire est effectuée en cas d’atteinte proximale ou de suspicion d’atteinte inflammatoire ou infectieuse du système nerveux périphérique (polyradiculonévrite aiguë, méningoradiculite) ou d’atteinte inflammatoire du système nerveux central (sclérose en plaques, notamment).

4. Examens biologiques sanguins Ils sont demandés au cas par cas. Ils peuvent être d’une aide déterminante pour le diagnostic positif (enzymes musculaires élevées pour une atteinte musculaire) ou étiologique (diabète révélé par une polyneuropathie).

5. Biopsies Musculaires ou neuromusculaires, elles permettent la confirmation histologique d’un syndrome neurogène périphérique ou myogène et peuvent apporter des arguments clés pour le diagnostic étiologique.

La biopsie neuromusculaire ne se conçoit qu’en cas d’atteinte des fibres sensitives à l’examen clinique et à l’ENMG. À la différence de la biopsie musculaire, elle peut être source de complications (zone d’hypoesthésie séquellaire sur la face dorsale du pied après biopsie, difficultés de cicatrisation, etc.). Elle se discute au cas par cas en fonction de l’âge, de l’évolutivité de l’atteinte et des hypothèses diagnostiques (accessibilité à une thérapeutique). (Cf. chapitre 15, Item 265 – Neuropathies périphériques.)

B. Stratégie d’utilisation des examens Ils sont choisis et orientés en fonction de l’hypothèse topographique et étiologique. Un algorithme décisionnel est proposé dans la figure 1.2.

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Fig. 1.2 - Stratégie diagnostique devant un déficit moteur aigu.

1. Hémiplégie Une imagerie cérébrale est à réaliser dans tous les cas.

2. Tétraplégie et paraplégie centrales On effectue une IRM médullaire de niveau ciblé, éventuellement complétée d’une ponction lombaire (en l’absence de compression médullaire et en fonction du mécanisme étiologique suspecté). En cas de paraplégie périphérique, une IRM centrée sur la queue de cheval est réalisée.

3. Atteinte successive de plusieurs troncs nerveux L’ENMG est réalisé en urgence pour confirmer une mononeuropathie multiple ; deux hypothèses seront privilégiées : le diabète et les vascularites ; une biopsie neuromusculaire sera discutée.

4. Atteinte sensitive/motrice rapide, symétrique, ascendante des membres ENMG et ponction lombaire sont effectués à la recherche d’une polyradiculonévrite aiguë, en sachant que ces examens peuvent être normaux les premiers jours.

5. Fatigabilité sévère des membres L’ENMG recherche un bloc neuromusculaire en faveur d’une myasthénie.

6. Autres D’autres situations fréquentes nécessitent des examens dans des délais moins urgents :

• atteinte sensitive/motrice progressive et symétrique des membres : ENMG pour confirmer une polyneuropathie et examens biologiques à visée étiologique (recherche de diabète, syndrome inflammatoire, gammapathie monoclonale, hypothyroïdie, carence vitaminique) ;

• atteinte motrice proximale, progressive et symétrique des membres : ENMG à la recherche d’une atteinte musculaire ou d’un bloc neuromusculaire, dosage des enzymes musculaires, discussion d’une biopsie musculaire.

IV. Situations diagnostiques particulières

A. Troubles moteurs ou sensitifs transitoires Les troubles moteurs ou sensitifs transitoires (par définition non observés par un médecin) posent un problème particulier :

accident ischémique transitoire (AIT ou syndrome de menace du cerveau) : les implications thérapeutiques et pronostiques sont telles que tout déficit moteur ou sensitif transitoire d’installation brutale sans autre cause évidente doit être exploré comme un AIT (bilan artériel, cardiaque, d’hémostase) ;

migraine : l’aura sensitive suit l’aura visuelle, d’installation progressive ;

plus rarement, crise épileptique partielle.

Une symptomatologie négative (déficitaire) évoquera une origine ischémique, alors que les manifestations positives (clonies, paresthésies) évoqueront plus une pathologie épileptique ou migraineuse.

B. Origine multifactorielle Un trouble de la motilité d’un membre peut parfois être d’origine multifactorielle.

C’est le cas par exemple de complications rhumatologiques sur déficit moteur (périarthrite scapulohumérale sur hémiparésie, etc.) ou de l’apparition d’un trouble d’origine psychique sur un déficit neurologique authentique. Distinguer la part de chacune de ces origines relève de l’expérience clinique et du résultat d’investigations ciblées.

V. Complications d’un déficit moteur ou sensitif d’un membre Les complications sont nombreuses et nécessitent des mesures préventives.

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A. Complications générales Les complications générales sont les plus redoutables et surviennent surtout en cas de déficit des membres inférieurs :

complications thromboemboliques chez un patient confiné au lit. Les mesures de prévention d’une thrombophlébite d’un membre inférieur doivent être mises en place très rapidement : anticoagulation à doses isocoagulantes (HBPM), mobilisation et stimulations mécaniques du retour veineux ; tout essoufflement, douleur basithoracique, malaise doit faire craindre une embolie pulmonaire chez ces patients exposés ;

complications bronchopulmonaires par encombrement, favorisé par l’alitement et parfois des fausses routes ;

chutes lors de la reprise de la marche, par déficit moteur ou trouble proprioceptif sévère, avec risque de fracture ou de traumatisme crânien.

B. Complications locorégionales Les complications locorégionales sont également fréquentes :

escarres (talons, sacrum), prévenues par les modifications régulières du positionnement au lit (décubitus latéral alterné), la mobilisation du membre paralysé et le matériel de décharge (coussins de forme diverse, matelas à eau) ;

enraidissement d’un membre déficitaire avec risque de rétraction (sur hypertonie pyramidale, notamment) et de complications ostéoarticulaires : périarthrite, notamment scapulohumérale, ostéome para-articulaire, notamment au coude et au genou ;

algoneurodystrophie du membre supérieur, dont la prévention passe par la prise en compte, lors de toute mobilisation, de l’instabilité de l’épaule par déficit des muscles rotateurs ; une fois la complication apparue, le traitement fait appel au repos, au refroidissement du membre et parfois à la calcitonine ;

traumatisme d’un membre porteur d’un déficit sensitif : brûlures non perçues à la main, troubles trophiques au pied (mal perforant).

Le traitement est essentiellement préventif (mobilisation précoce, prévention d’attitude vicieuse — pied équin), parfois curatif (intervention sur tendons rétractés).

POINTS CLÉS

Un trouble de motilité d’un membre peut avoir des causes neurologiques ou non neurologiques.

Le raisonnement neurologique face à un déficit passe par deux étapes :

un diagnostic topographique ;

un diagnostic étiologique, qui dépend d’examens complémentaires ciblés, notamment morphologiques et électrophysiologiques.

De nombreuses complications peuvent survenir après un déficit moteur ou sensitif, nécessitant des mesures préventives adaptées.