Gazette d’une résidence d’architecture N° 2 · l’architecture traitonne, la vie dans la...

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Sous le soleil d’avril nous avons découvert les marais du Trait. Aline, animatrice au Parc Naturel nous fait visiter les lieux. Depuis la rue Gallieni, derrière une rangée de maisons du petit Nantes, nous empruntons une courte impasse qui semble mener à des habitations. Soudain, les marais s’ouvrent, gigantesques, alors qu’un instant auparavant ils étaient masqués et on ne pouvait présumer de leur présence. Au bout de l’impasse l’impression est étonnante : la ville cesse, la limite est nette. Nous nous tenons au bord de la ville, derrière le fond des jardins qui s’alignent sur un long fossé. Devant nous une vaste et belle étendue d’iris et de joncs, parfois piquetée d’arbres. L’eau ne s’est pas encore complètement retirée, il faudra attendre encore un mois ou deux pour que tous puissent s’y promener aisément. En ce jour de printemps le marais scintille. Nous traversons les eaux peu profondes pour regagner une partie émergée où des vaches écossaises paissent. Plus loin une cigogne niche. En se retournant on aperçoit très distinctement la ville et la façon avec laquelle elle est venue s’accrocher au coteau et se coiffer de la forêt. Le soleil fait ressortir les façades THERMOMÈTRE Gazette d ’une résidence d ’architecture N° 2 claires et l’on remarque l’ordre et le rythme de l’implantation de la cité-jardin. Nous nous sommes rendus compte que peu de gens connaissaient où se promenaient dans les marais ce qui nous a étonné tant ils nous ont charmé. Les marais, tout comme les jardins ouvriers d’ailleurs, offrent de vastes espaces dégagés qui ménagent un recul et repoussent l’horizon. De ces endroits on peut saisir la ville d’un coup d’œil, mais aussi les paysages environnants. Bien que très différents, ces lieux ont pour point commun d’être préservés de la colonisation des arbres, l’un via le travail de la terre par les hommes, l’autre via le pâturage des bêtes. Sans ces actions ces grands espaces se boiseraient, et le Trait serait coincé entre deux forêts. Grâce à ces étendues dégagées on peut lire et comprendre la géographie particulière dans laquelle le Trait s’inscrit. Ces espaces, auxquels on peut ajouter les prés au sud de la ZAC Haute- ville, sont des composantes essentielles de l’identité de la ville. Tant qu’ils existeront la ville restera ouverte sur son environnement et regardera la Seine. RÉSIDENCE ?! Cette seconde phase de la résidence, qui se déroule du 18 Avril au 6 Mai, a vu naître l’Atelier-Mobile, fabriqué avec les services techniques de la ville. Comme une extension de notre Maison-du-projet, nous l’utilisons pour aller à travers la ville à la rencontre des habitants et de leurs lieux de vie en emportant cartes, plans, questions, photos anciennes et nouvelles pour échanger sur le Trait. Pendant cette deuxième phase nous organisons aussi des ateliers avec les écoles. Nous étant rendus compte que de nombreux Traitons collectionnaient les cartes postales anciennes de la ville, et qu’il n’en existait que très peu d’actuelles, nous avons décidé d’en créer une nouvelle collection avec les enfants et leur jeune vision de la ville ! Nous avons donc travaillé avec les élèves à détourner les cartes postales anciennes pour imaginer le Trait de demain, à dessiner de nouvelles cartes en réfléchissant à ce qui pourrait représenter le Trait d’aujourd’hui, ou encore à customiser les maisons jumelles de la cité- jardin pour interroger le patrimoine. C’est donc, on peut dire, la fin de la pénurie de cartes postales représentant la ville ! Autour de thématiques données, le club photo du Trait a quant à lui réalisé des séries sur l’architecture traitonne, la vie dans la ville et sur l’ancienne voie de chemin de fer. Dimanche 24 avril nous étions aussi à la fête du Parc Naturel des boucles de la Seine normande à Notre-Dame-de-Bliquetuit, où ce fut l’occasion de rencontrer et d’interroger aussi des non-Traitons sur leurs habitudes dans la région, et leurs connaissances et perceptions du Trait. surletrait 1 Gazette d’une résidence d’architecte N°2 avril 2016

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Sous le soleil d’avril nous avons découvert les marais du Trait. Aline, animatrice au Parc Naturel nous fait visiter les lieux. Depuis la rue Gallieni, derrière une rangée de maisons du petit Nantes, nous empruntons une courte impasse qui semble mener à des habitations. Soudain, les marais s’ouvrent, gigantesques, alors qu’un instant auparavant ils étaient masqués et on ne pouvait présumer de leur présence. Au bout de l’impasse l’impression est étonnante : la ville cesse, la limite est nette. Nous nous tenons au bord de la ville, derrière le fond des jardins qui s’alignent sur un long fossé. Devant nous une vaste et belle étendue d’iris et de joncs, parfois piquetée d’arbres. L’eau ne s’est pas encore complètement retirée, il faudra attendre encore un mois ou deux pour que tous puissent s’y promener aisément. En ce jour de printemps le marais scintille. Nous traversons les eaux peu profondes pour regagner une partie émergée où des vaches écossaises paissent. Plus loin une cigogne niche. En se retournant on aperçoit très distinctement la ville et la façon avec laquelle elle est venue s’accrocher au coteau et se coiffer de la forêt. Le soleil fait ressortir les façades

thermomètre

Gazette d’une résidence d’architectureN° 2

claires et l’on remarque l’ordre et le rythme de l’implantation de la cité-jardin. Nous nous sommes rendus compte que peu de gens connaissaient où se promenaient dans les marais ce qui nous a étonné tant ils nous ont charmé. Les marais, tout comme les jardins ouvriers d’ailleurs, offrent de vastes espaces dégagés qui ménagent un recul et repoussent l’horizon. De ces endroits on peut saisir la ville d’un coup d’œil, mais aussi les paysages environnants. Bien que très différents, ces lieux ont pour point commun d’être préservés de la colonisation des arbres, l’un via le travail de la terre par les hommes, l’autre via le pâturage des bêtes. Sans ces actions ces grands espaces se boiseraient, et le Trait serait coincé entre deux forêts. Grâce à ces étendues dégagées on peut lire et comprendre la géographie particulière dans laquelle le Trait s’inscrit. Ces espaces, auxquels on peut ajouter les prés au sud de la ZAC Haute-ville, sont des composantes essentielles de l’identité de la ville. Tant qu’ils existeront la ville restera ouverte sur son environnement et regardera la Seine.

résidence ?!

Cette seconde phase de la résidence, qui se déroule du 18 Avril au 6 Mai, a vu naître l ’Atelier-Mobile, fabriqué avec les services techniques de la ville. Comme une extension de notre Maison-du-projet, nous l ’utilisons pour aller à travers la ville à la rencontre des habitants et de leurs lieux de vie en emportant cartes, plans, questions, photos anciennes et nouvelles pour échanger sur le Trait. Pendant cette deuxième phase nous organisons aussi des ateliers avec les écoles. Nous étant rendus compte que de nombreux Traitons collectionnaient les cartes postales anciennes de la ville, et qu’il n’en existait que très peu d’actuelles, nous avons décidé d’en créer une nouvelle collection avec les enfants et leur jeune vision de la ville ! Nous avons donc travaillé avec les élèves à détourner les cartes postales anciennes pour imaginer le Trait de demain, à dessiner de nouvelles cartes en réfléchissant à ce qui pourrait représenter le Trait d’aujourd’hui, ou encore à customiser les maisons jumelles de la cité-jardin pour interroger le patrimoine. C’est donc, on peut dire, la fin de la pénurie de cartes postales représentant la ville ! Autour de thématiques données, le club photo du Trait a quant à lui réalisé des séries sur l ’architecture traitonne, la vie dans la ville et sur l ’ancienne voie de chemin de fer. Dimanche 24 avril nous étions aussi à la fête du Parc Naturel des boucles de la Seine normande à Notre-Dame-de-Bliquetuit, où ce fut l ’occasion de rencontrer et d’interroger aussi des non-Traitons sur leurs habitudes dans la région, et leurs connaissances et perceptions du Trait.

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1Gazette d’une résidence d’architecte • N°2 • avril 2016

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retour vers le futur

Pierre Chirol fut l’un des deux architectes de la cité-jardin. Fortement influencé par les écoles régionalistes, il revisite le style anglo-normand en se réappropriant les motifs dessinés par les colombages, et les pans de toitures caractéristiques du pays. Les façades sont pour lui un élément central pour le paysage traiton. Lorsque l’on regarde cette ancienne carte postale on remarque comment chaque maison regorge de détails. Tout est très dessiné, rien n’est laissé au hasard. Pierre Chirol et Gustave Majou, le second architecte, ont ainsi finement sculpté le paysage traiton, forgeant son identité qui encore aujourd’hui subsiste. En agissant ainsi ils ont offert

vu au trait

le droit autant aux ouvriers qu’aux ingénieurs d’avoir accès à un cadre de vie auquel on avait porté une grande attention. Devant les maisons on remarque un même type de clôture qui court le long de la rue, marquant la propriété privée tout en participant à la cohérence du quartier. Ces barrières en béton que l’on retrouve à travers le Trait sont basses, et ajourées, laissant le regard du promeneur passer, et voir au loin les paysages alentours. Les maisons visibles sur la carte postale sont issues de la loi Loucheur, loi qui, en proposant des solutions de financement, permettait l’accession à la propriété des classes sociales les plus modestes. Chaque

surletraitsurletrait

acheteur pouvait choisir son entrepreneur, mais pouvait aussi modifier les plans de sa maison, sous le contrôle d’un architecte mandaté par l’état. Ainsi les maisons suivaient des règles de composition qui participaient à la fabrication du bien commun que constitue le cadre de vie. Dans le même temps l’ appropriation par les propriétaires était garantie et les logements pouvaient être transformés selon les besoins particuliers.

Chaque propriétaire actuel serait-il donc le gardien d’un fragment du paysage traiton, qu’il fait vivre à travers ses choix de rénovation, et d’aménagement?

«Maisons de la loi Loucheur»

Groupe scolaire Aimé Césaire, Bruno Mader Architecte, Nantes.

recherche sur les dômes géodésiques, Buckminster Fuller Architecte.

Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou Renzo Piano Architecte, Nouméa

Gazette d’une résidence d’architecte • N°2 • avril 2016Gazette d’une résidence d’architecte • N°2 • avril 2016

Les ronds-points du Trait, immanquables, jalonnent la traversée des 4,7 km de la ville. Surprenants, curieux, variés, et variant suivant les saisons et les époques [nous avons découvert en photo celui du sud de la ville parfois très fleuri, parfois japonisant, parfois orné d’une pâquerette géante]. Tout le monde les connaît, les Traitons puisqu’ils font partie du paysage de la ville, comme les non-Traitons qui ne font que traverser le Trait et de ce fait ne connaissent parfois presque qu’eux de la ville.Nous, ils nous ont surpris, amusés, et surtout évoqué plein d’autres choses. En laissant notre imagination chercher des associations, voici, extrapolé à l’architecture, les figures connues auxquelles ils nous ont fait penser...Le rond point sud, au socle bardé de bois et coiffé de ses plantations changeantes, à un très beau groupe scolaire nantais au bardage ajouré et à la toiture végétale ; Le dodécaèdre en face de la bibliothèque aux dômes géodésiques chers à Buckminster Fuller, architecte américain qui a particulièrement développé la construction des coupoles géodésiques ; et enfin l’orgue de métal au nord de la ville, au Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou à Nouméa de l’architecte Renzo Piano.Et vous ??

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l’objet

à/venirMercredi 4 Mai ::: de 17h30 à 19h30 :::

Vernissage de l ’Exposition «imaginaires : quel Trait demain ?» avec les productions du club photo, des écoles primaires du Trait, et bien

d’autres choses ! autour d’un pot convivial

- à la Maison du Projet (à côté de la bibliothèque)-+++

à très bientôt !Alice & Léo

(Pour plus d’informations consultez le blog ! - www.surletrait.wordpress.com - )

surletrait

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«le trait: 75% de

territoire naturel»

«à l’époque tout le monde était à vélo, c’était pire

que le tour de France!»

«la vue a une valeur marchande»

On nOus l’a d it

«Au Trait, il ya tout ce qu’il faut !»

Cette fois l’objet n’en est pas vraiment un… Entre les saules et les peupliers, se distinguant des boules de gui par sa couleur sombre et sa taille, un amas ordonné de branches trône. Depuis quelques années une nouvelle créature s’est installée au Trait : la cigogne. Juchée sur son large nid on la perçoit avec sa tête fière et blanche. Elle a élu domicile dans les calmes marais traitons comme d’autres de ses congénères.

Le Trait est loin d’être uniquement industrieux, ses accueillants espaces naturels abritent quantité d’espèces animales. Un soir en nous promenant, nous avons croisé une famille avançant à pas feutrés dans les sentiers bucoliques pour apercevoir les animaux sauvages aux jumelles. Le sait-on ? La commune possède un vrai zoo dans lequel on n’emprisonne pas les bêtes.

«il faudrait plus d’espaces piétons, pour donner envie de s’y arrêter»

«un centre...? on marche plutôt par

quartier ...du coup il

y a plusieurs centres»

La Cité-Jardin

constitue-t-elle un patrimoine

?

Gazette d’une résidence d’architecte • N°2 • avril 2016