Gaëtan Le Gall Investissement en infrastructures : identi ...€¦ · Titre : Investissement en...

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Mémoire présenté devant l’ENSAE ParisTech pour l’obtention du diplôme de la filière Actuariat et l’admission à l’Institut des Actuaires le 15/11/2017 Par : Gaëtan Le Gall Titre : Investissement en infrastructures : identification et modélisation de risques spécifiques Confidentialité : NON OUI (Durée : 1 an 2 ans) Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus Membres présents du jury de la filière Entreprise : Nom : Alexandre Guchet Signature : Membres présents du jury de l’Institut Directeurs du mémoire en entreprise : des Actuaires Nom : Ismaël Tahri Hassani Signature : Nom : Estelle Blumereau Signature : Autorisation de publication et de mise en ligne sur un site de diffusion de documents actuariels (après expiration de l’éventuel délai de confidentialité) Signature du responsable entreprise Secrétariat : Signature du candidat Bibliothèque : Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE) 5, avenue Henry Le Chatelier - 91120 PALAISEAU, FRANCE

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  • Mémoire présenté devant l’ENSAE ParisTechpour l’obtention du diplôme de la filière Actuariat

    et l’admission à l’Institut des Actuairesle 15/11/2017

    Par : Gaëtan Le Gall

    Titre : Investissement en infrastructures : identificationet modélisation de risques spécifiques

    Confidentialité : � NON � OUI (Durée : � 1 an � 2 ans)

    Les signataires s’engagent à respecter la confidentialité indiquée ci-dessus

    Membres présents du jury de la filière Entreprise :Nom : Alexandre GuchetSignature :

    Membres présents du jury de l’Institut Directeurs du mémoire en entreprise :des Actuaires

    Nom : Ismaël Tahri HassaniSignature :

    Nom : Estelle BlumereauSignature :

    Autorisation de publication et demise en ligne sur un site dediffusion de documents actuariels(après expiration de l’éventuel délai deconfidentialité)Signature du responsable entreprise

    Secrétariat :

    Signature du candidatBibliothèque :

    Ecole Nationale de la Statistique et de l’Administration Economique (ENSAE)5, avenue Henry Le Chatelier - 91120 PALAISEAU, FRANCE

  • Résumé

    L’évolution récente de la réglementation associée aux investissements en infrastructures,ainsi que la part grandissante de ces actifs dans le portefeuille d’acteurs importants mettenten relief l’importance d’une meilleure compréhension des risques spécifiques qui leur sontassociés par les assureurs. Identifier et modéliser ces risques spécifiques permettra aux assu-reurs souhaitant s’engager dans de tels investissements d’avoir l’approche la plus prudentepossible et d’avoir une meilleure perception du profil de risque réel de leur portefeuille.

    Si l’approche proposée par la formule standard offre une première mesure du risqueinhérent à cette catégorie d’investissement, les critères d’éligibilité des investissements àun traitement spécifique regroupent un ensemble de conditions quantitatives et qualitatives.L’une de ces conditions est la capacité, pour l’entreprise gérant l’infrastructure, à honorerses engagements financiers en cas d’événements de stress majeurs. Ils sont spécifiques àchaque projet et c’est donc à l’assureur de montrer que les événements pertinents ont étémodélisés.

    L’objectif de ce mémoire est de se placer du point de vue d’un assureur souhaitantbénéficier du traitement spécifique pour un investissement en infrastructures. Le projetd’investissement envisagé est une ferme éolienne générant de l’électricité revendue sur lemarché.

    Mots clés : investissement, infrastructures, Solvabilité 2, financement de projet, éo-liennes, électricité

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  • Abstract

    The current development of regulatory norms regarding infrastructure investments andthe continuous increase of their weight in asset portfolios possessed by important marketplayers highlight the significance of a better understanding of the very risks addressed toby insurers when considering these investments. Identifying and modeling these specificrisks would allow insurers that want to undertake such investments to have a finer insightof their portfolio’s risk profile.

    While the proposed approach by the Standard Formula (Solvency ii reform) gives afirst-hand measure of the intrinsic risk in this category, these investment vehicles require acustomized treatment ; certain eligibility criteria as a group of quantitative and qualitativeconditions to be met. One of them would be the capacity of a firm investing in infrastructureprojects in order to be able to fulfill its obligations if a major stress event occurs. Itmust be stressed out that the events in question are specific to each project and it is ineach insurer’s hands to ensure that the relevant ones have been taken into account in themodeling approach.

    The goal of this master thesis is to study, from an insurer’s point of view, how one canbenefit from the specific treatment when investing in infrastructure. For such a purpose, wehave chosen the case of an Eolic farm that produces and sells electricity as an alternativeform in the market.

    Key words : investment vehicle, infrastructure, Solvency II, project financing, windturbines, electricity.

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  • Note de synthèse

    Les infrastructures sont historiquement financées par l’industrie bancaire, qui bénéficiesouvent de garanties d’Etat sur la dette. L’entrée en vigueur de Bâle III rend plus contrai-gnant la détention d’actifs de long terme par les banques, réduisant considérablement lesinvestissements des établissements bancaires dans les projets d’infrastructure. Dès lors,la Commission européenne, consciente du rôle essentiel qu’ont les infrastructures dans lepaysage économique, a dû s’employer à trouver de nouvelles sources de financement. Elles’est ainsi tournée vers les autres investisseurs institutionnels, disposant d’une capacitéde financement de plus de 8 400 milliards d’euros en Europe. Les assureurs ne sont eneffet pas insensibles à l’attractivité de tels actifs : ils procurent des rendements intéres-sants dans un contexte de taux historiquement bas ; leur profil de risque diffère fortementde celui des dettes corporate classiques (taux de défaut bien inférieurs, taux de recou-vrement supérieurs) ; ils ont en général de longues maturités concordant avec les passifsdes assureurs-vie et des fonds de pension. Néanmoins, détenir des actifs de long terme estrelativement coûteux en termes de capital réglementaire, les assureurs se trouvent ainsidésincités à s’engager sur de tels projets malgré leurs avantages.

    L’EIOPA s’est penchée sur la question au cours de l’année 2015 : au vu des élémentsprésentés ci-dessus, faut-il traiter spécifiquement les investissements en infrastructures dansSolvabilité II et définir une nouvelle catégorie d’actif à part entière ? L’amendement de laCommission européenne du 30 septembre 2015 clôturant les réflexions de l’EIOPA va dansce sens en apportant une définition claire et précise des actifs d’infrastructure. Dès lors,les investissements éligibles bénéficient d’un traitement avantageux dans la réglementationprudentielle. Les critères d’éligibilité à un tel traitement spécifique regroupent un ensemblede conditions quantitatives et qualitatives. L’une de ces conditions est la capacité, pourl’entreprise gérant l’infrastructure, à honorer ses engagements financiers en cas d’événe-ments de stress majeurs. Ils sont spécifiques à chaque projet et c’est donc à l’assureur demontrer que les événements pertinents ont été modélisés. Par exemple, il peut s’agir durisque d’inondation ou de tempête pour un pont, du risque d’accident pour une centrale nu-cléaire, du risque de fréquentation pour une autoroute, ou encore du risque météorologiquepour une ferme éolienne.

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  • Ainsi, nous choisissons de nous placer du point de vue d’un assureur souhaitant béné-ficier du traitement favorable de Solvabilité II en matière d’investissement en considérantle financement d’une ferme éolienne. Plus particulièrement, il s’agit de réaliser un travaild’analyse et de compréhension de l’ensemble des risques inhérents à ce projet. Ce travailest une illustration de ce qui doit être entrepris par un assureur cherchant à démontrer àl’autorité de régulation qu’il a bien identifié les risques spécifiques et qu’il est légitime àcalculer son SCR de manière moins contraignante.

    Par conséquent, le revenu généré par la ferme éolienne doit être étudié. Il est donc néces-saire de s’intéresser aux modèles d’intensité éolienne : les variations du vent détermineronten effet la quantité d’électricité produite par la ferme. Ces modèles reposent essentielle-ment sur des ajustements d’une loi de Weibull aux intensités mesurées, permettant ausside prendre en compte des phénomènes extrêmes, comme des tempêtes.

    La distribution des vitesses de vent varie d’un endroit à un autre puisqu’elle dépend desconditions climatiques locales, du paysage et de la surface. Les paramètres de la distributionde Weibull qui la caractérisent sont donc différents d’un site à l’autre. Par conséquent, lespromoteurs d’un projet de ferme éolienne doivent analyser chaque site d’implantation enestimant les paramètres grâce à des données spécifiques aux zones géographiques. Nousavons choisi de considérer Brest – situé sur la pointe bretonne – comme potentiel sited’implantation. Météo France met à disposition du public un certain nombre de donnéesmétéorologiques sur un historique de plus de vingt ans pour la station de Brest-Guipavas,dont nous nous servons pour calibrer notre modèle.

    Afin d’être le plus précis dans notre étude, nous considérons un modèle type d’éoliennedont les caractéristiques sont fournies par le constructeur. Parmi celles-ci, on retrouvela courbe de puissance, qui représente la puissance fournie par l’éolienne en fonction dela vitesse du vent. La distribution du vent que nous modélisons ainsi que la courbe depuissance permet de déduire la quantité d’électricité produite sur une année, à savoir 15195 MWh en moyenne.

    Cette modélisation aurait été entièrement satisfaisante s’il ne s’agissait que de détermi-ner la production annuelle d’électricité, ce qui peut par exemple être un des objectifs d’uneentreprise comme EDF. Néanmoins, notre aspiration est plutôt d’estimer les cash flowsque génère la ferme éolienne, ce qui implique de relier la production au prix d’électricité àchaque instant. Simuler une loi de Weibull à chaque pas de temps de manière indépendanteocculte la question de l’autocorrélation des vitesses de vent. En effet, le vent se caractérisepar de fortes autocorrélations et ne pas en tenir compte peut induire un important biaisdans les résultats. C’est pourquoi lors de nos simulations nous choisissons de considérer unemodélisation de série temporelle qui permet de reconstruire la structure d’autocorrélationet dont la distribution ne s’éloigne finalement pas significativement de celle d’une loi de

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  • Weibull calibrée sur les données (voir chapitre 2).

    Une fois la modélisation des vitesses de vent achevée, il est nécessaire de s’intéresserau marché spot de l’électricité sur lequel la ferme éolienne vend sa production. Ce marchéest spécifique dans le sens où il s’agit d’un produit non stockable. Ses principales caracté-ristiques – que nous nous attacherons à reproduire dans notre modélisation – sont : fortesaisonnalité des prix (annuelle, hebdomadaire, journalière), retour à la moyenne, pics deprix (mouvements brutaux à la hausse suivis d’un retour rapide au niveau initial) et fortevolatilité.

    Le prix spot de l’électricité peut être décrit à l’aide de modèles financiers. Deux modèlesfactoriels sont envisagés (similaires aux modèles de type HJM pour les courbes de tauxd’intérêt) : le modèle Gaussien de Schwartz, qui consiste en des déformations stochastiquesde la courbe des prix observées via un mouvement Brownien standard ; le modèle NIG,qui permet de prendre en compte des faits stylisés comme la présence de pics de prix et ladistribution fortement leptokurtique des résidus. Le premier est trop simpliste et ne permetpas de reproduire les principales caractéristiques des prix électriques, notamment du faitd’une mauvaise adéquation des queues de distribution. Nous l’abandonnons donc au profitdu second, qui – bien que beaucoup plus complexe – a le mérite de répliquer l’ensembledes particularités du marché.

    Ces deux parties de modélisation sont un préalable nécessaire à la caractérisation del’investissement d’un assureur dans ce type d’infrastructure. En effet, le revenu généré parla ferme éolienne au cours de son exploitation peut dès lors être déduit. Des hypothèses –faites après une revue de la littérature – sur le mode de gestion de l’entité gérant la fermeéolienne, sur le niveau de l’investissement initial, sur les coûts d’exploitation ainsi que surles variables de marché nous permettent de déterminer les cash flows disponibles pour leservice de la dette. Il s’avère que dans le scénario central – considéré comme relativementprudent – les cash flows générés sont toujours largement suffisants pour honorer le paiementde la dette, c’est-à-dire que le projet a une probabilité de défaut nulle. De plus, le surplus quiest reversé aux actionnaires permet de leur offrir un niveau de rendement très confortable,avec un taux de rendement interne de plus de 11%.

    Afin de valider notre modélisation et respecter les critères d’éligibilité de Solvabilité II,des analyses complémentaires sont venues renforcer nos conclusions à partir d’une carto-graphie des risques inhérents à ce projet. Elles ont porté sur des sensibilités aux paramètreset ont permis de déduire que la ferme résistait convenablement à des stress majeurs.

    L’ensemble de ce travail permet de conclure que l’assureur a bien identifié le profil derisque spécifique du projet et qu’il est donc légitime à traiter son actif via le traitementavantageux prévu par Solvabilité II pour les investissements en infrastructures éligibles.

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  • Le tableau 1 compare les niveaux de SCR (en pourcentage de la valeur de l’actif) impo-sés dans le cas d’un investissement classique et dans le cas d’un investissement dans desinfrastructures éligibles.

    Cette catégorie d’actifs à part entière semble donc tout d’abord rentable et peu risquée,mais permet également de bénéficier d’une réduction tout à fait intéressante de SCR (del’ordre de 26%, et près de 40% pour les actions), d’où l’intérêt récent des assureurs etréassureurs pour ce type d’investissement.

    Formulestandard

    Traitementspécifique

    infrastructures

    ActionsNon stratégique 50,17% 30,91%Stratégique 22% 22%

    Obligations

    0 13,76% 11,06%1 15,16% 12,11%2 17,26% 13,56%3 29,26% 20,96%

    Table 1 – Résumé des SCR pour les différents cas

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  • Executive summary

    Infrastructures have been historically financed by the banking industry, which has oftenbenefited from government guarantees on debt and still does. The coming into force of BaselIII reform has made it more restrictive for banks to hold long-term assets, which has in turnconsiderably reduced the investments of banking institutions in infrastructure projects.Therefore, the European Commission, being aware of the essential role of infrastructuresin the economic landscape, had to consider new sources of financing. It has thus turnedto other institutional investors, with a financing capacity of more than 8,400 billion eurosin Europe. Insurers are not insensitive to the attractiveness of these assets : they generateattractive returns in a context of historically low rates ; their risk profile greatly differsfrom that of conventional corporate debts (lower default rates, higher recovery rates) ; theygenerally have long maturities consistent with the liabilities in the balance sheets of lifeinsurers and pension funds. Nevertheless, insurers are facing substantial disincentives toengage in such projects despite their advantages, since holding long-term assets is relativelycostly in terms of regulatory capital.

    EIOPA looked into this issue in 2015 : in light of the above, should infrastructure invest-ments be specifically treated under the Solvency ii reform and be classified in a new assetcategory parallel to the existing categories ? The amendments of the European Commissionpublished on September 30th, 2015 concluded the reflections of EIOPA by providing a clearand precise definition of infrastructure assets. Since then, eligible investments benefit froman advantageous treatment in the prudential regulatory framework. The eligibility criteriafor such a specific treatment consist in several quantitative and qualitative requirements.One of these requirements is the ability of infrastructure management to meet its financialcommitments, if a major stress event occurs. They are specific to each project and it is the-refore up to the insurer to prove that the relevant events have been modeled. For example :one that undertakes a bridge project should consider risk of flooding or meteorologicalstorms ; a highway : the risk of mass accidents ; a wind farm : climatic factors.

    We decide to study, from an insurer’s point of view, how one can benefit from thespecific treatment when investing in wind farms. Therefore, we will analyze and frame all

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  • risks inherent in this project. This applied research case study is a perfect illustration ofwhat must be undertaken by an insurer seeking to demonstrate to the regulatory authoritythat it has identified its specific risks and that it is as a result legitimate to calculate itsSCR in a less restrictive way than the approach stated by the Standard Formula.

    Consequently, the income generated by a wind farm must be investigated. It is there-fore necessary to consider models of wind intensity : wind speed variations determine theamount of electricity produced by the farm. These models essentially rely on Weibull lawadjustments to the measured intensities, which also allow to take into account extremephenomena such as storms. The distribution of wind speeds varies from one site to ano-ther as it depends on local climatic conditions, landscape and surface. The parameters ofthe Weibull distribution, which characterize it, should also be different according to thesite considered. Proponents of a wind farm project should estimate the parameters usinggeographic-specific data by analyzing each site. We choose to consider Brest - located in theBrittany peninsula - as a potential site for implantation. For more than twenty years, Me-teo France has been publishing meteorological data for the Brest-Guipavas station, whichwe use to calibrate our model.

    As we are aiming at high accuracy in our study, we consider a typical wind turbinemodel, characteristics of which are provided by the constructor. Among these, we find thepower curve, which represents the power supplied by the wind turbine as a function of thewind speed. The wind distribution that we model as well as the power curve allow us todeduce the amount of electricity produced over a year, i.e., 15,195 MWh on average.

    This modeling would have been perfectly satisfactory if it were only a matter of de-termining the annual production of electricity, which may for example be the objectiveof a company like EDF. Nevertheless, our aspiration is rather to estimate the cash-flowsgenerated by the wind farm, which implies linking production to electricity prices simul-taneously. Simulating a Weibull distribution at each time steps independently allows theissue of autocorrelation of wind speeds to get unnoticed. Indeed, the wind is characterizedby strong autocorrelations and the fact of not taking them into account could lead to asignificant bias in our results. This is why we consider a time series modeling in our simu-lations that reconstructs the autocorrelation structure. Its distribution does not ultimatelymove away from that of a Weibull distribution calibrated on the data (see Chapter 2).

    Once wind speed modeling is completed, it is necessary to focus on the electricity spotmarket, in which the wind farm sells its production. This market is specific in the sense thatit is a non-storable product. Its main characteristics, which we will endeavor to reproducein our modeling, are : strong seasonal prices (annual, weekly, daily), return-to-averagefeature, price peaks (sharp upward movements followed by a rapid return to their initiallevel) and high volatility.

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  • The electricity spot price can be described by using financial models. Two main modelsare considered (similar to HJM models for interest rate curves) : the Schwartz Gaussianmodel, which consists of stochastic strains of the observed price curve via a standardBrownian motion ; the NIG model, which makes it possible to take into account stylizedfacts such as the presence of price peaks and the strongly leptokurtic distribution of theresidues. The first is too simplistic and does not reproduce the main characteristics ofelectricity prices, in particular due to a poor matching of the distribution tails. We thereforeabandon it to the benefit of the latter, which, although it is much more complex, has themerit of replicating all the peculiarities of the electricity market.

    These last two parts of our modeling approach are a prerequisite for the characteriza-tion of an insurer’s investment in this type of infrastructure. Indeed, the income generatedby the wind farm during its operation can as a result be deducted. Based on our literaturereview, assumptions about the entity management of the wind farm, the level of initialinvestment, operating costs and market variables allow us to determine the cash-flow avai-lable for covering the debt. It turns out that in the central scenario - considered relativelyprudent - the generated cash-flows are largely sufficient to fulfil the debt obligations, i.e.,the project has a zero probability of default. In addition, the shareholders’ surplus gives avery comfortable level of return, with an internal rate of return - IRR - of more than 11%.

    In order to validate our model and to comply with Solvency II eligibility criteria, addi-tional analyses were made to reinforce our conclusions based on a mapping of risks inherentin this project. By testing the sensitivity of the parameters, we also deduce that the farmwould adequately resist to major stress events.

    At this stage, the insurer has clearly identified the specific risk profile of the project andthat it is so legitimate to treat its assets via the favorable treatment provided by Solvencyii reform for investments in eligible infrastructures.

    StandardFormula

    Infrastructuresspecific

    treatment

    SharesNon strategic 50,17% 30,91%Strategic 22% 22%

    Bonds

    0 13,76% 11,06%1 15,16% 12,11%2 17,26% 13,56%3 29,26% 20,96%

    Table 2 – Summary of SCR for different cases

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  • Table 2 compares the SCR levels (as a percentage of the value of asset) imposed in thecase of a conventional investment and in the case of an investment in eligible infrastructure.

    This category of assets on its own seems first of all profitable and has little risk, butalso offers a very attractive reduction in SCR (around 26% in general, and close to 40%for equities). Hence, this type of investment becomes of great interest for (re)insurers.

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  • Remerciements

    Tout d’abord, je souhaiterais remercier les associés de Mazars Actuariat AlexandreGuchet et Grégory Boutier pour la confiance qu’il m’ont témoignée et pour m’avoir permisde réaliser ce mémoire au sein de leur cabinet.

    Je tiens à remercier particulièrement mes tuteurs Ismaël Tahri Hassani et Estelle Blu-mereau, sans qui ce mémoire n’aurait pu voir le jour, pour leur suivi et leur implicationtout au long de la rédaction de ce mémoire ainsi que pour tous les conseils qu’ils m’ontprodigués.

    Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à l’ensemble de l’équipe Mazars Ac-tuariat qui m’a accueilli pendant ce stage et qui m’a permis de rédiger ce mémoire dansd’excellentes conditions de travail.

    Je remercie aussi ma référente pédagogique Caroline Hillairet qui a assuré le suivi demon mémoire pour l’ENSAE ParisTech.

    Enfin, je voudrais remercier ma famille pour m’avoir soutenu au cours de la rédactionde ce mémoire, aussi bien que tout au long de mes études.

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  • If you take all the insurance industry, all the money they can invest, and if you take theinfrastructure need of this planet — there is a perfect match

    « Si vous prenez l’ensemble du secteur de l’assurance, tout l’argent qu’il est en mesure d’inves-tir, et si vous prenez le besoin en infrastructures de la planète, alors il y a une parfaite adéquation »

    — Michel Liès 1, CEO of Swiss Re

    1. PDG de Swiss Re jusque juin 2016, il a appelé début 2015 à Davos à la création d’une classe d’actifsdédiée aux infrastructures pour faciliter le financement de projets par les assureurs de la planète.

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  • Table des matières

    Introduction 1

    1 Investissement en infrastructures : contexte et enjeux 3

    1.1 Les infrastructures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

    1.2 Financement des infrastructures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    1.2.1 Modes de gestion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

    1.2.2 Modèle de financement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

    1.2.3 Investissement d’un assureur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

    1.2.4 Engagements contractuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

    1.3 Gestion des risques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

    1.4 Les infrastructures sous Solvabilité II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.1 Solvabilité II . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

    1.4.2 Infrastructures sous Solvabilité II : version initiale . . . . . . . . . . 16

    1.4.3 Amendement du 30 septembre 2015 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

    2 Modélisation de la production d’une ferme éolienne 23

    2.1 Énergie éolienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

    2.1.1 Le vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

    2.1.2 Historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

    2.1.3 Hétérogénéité géographique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

    2.1.4 Avantages et inconvénients . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

    2.2 Principes physiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

    2.2.1 Fonctionnement d’une éolienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

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  • Table des matières

    2.2.2 Énergie cinétique du vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

    2.2.3 Puissance récupérable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

    2.2.4 Cisaillement vertical du vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

    2.3 Production d’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    2.3.1 Description des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    2.3.2 Distribution du vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    2.3.3 Présentation de la méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

    2.3.4 Résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38

    2.3.5 Production théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

    2.4 Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    2.4.1 Sillage du vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    2.4.2 Localité du site . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    2.4.3 Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

    3 Modélisation du prix de l’électricité 49

    3.1 Le marché de l’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

    3.1.1 Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

    3.1.2 Caractéristiques des prix de l’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . 50

    3.1.3 Prix à terme et prix spot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    3.2 Description des données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52

    3.3 Modèle Gaussien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

    3.3.1 Principes des modèles factoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

    3.3.2 Modèle de Schwartz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

    3.3.3 Limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

    3.4 Modèle factoriel NIG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

    3.4.1 Processus de Lévy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

    3.4.2 Famille de lois hyperboliques généralisées . . . . . . . . . . . . . . . 58

    3.4.3 Loi Normale Inverse Gaussienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

    3.4.4 Modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

    3.4.5 Calibrage du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

    3.4.6 Simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

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  • Table des matières

    4 Estimation des cash flows générés par une ferme éolienne 67

    4.1 Coûts d’une ferme éolienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    4.1.1 Investissement initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

    4.1.2 Coûts d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

    4.2 Revenus de la ferme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

    4.2.1 Aides publiques aux énergies renouvelables . . . . . . . . . . . . . . 68

    4.2.2 Simulation des revenus . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70

    4.3 Évaluation du SCR . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

    4.3.1 Approche en formule standard classique . . . . . . . . . . . . . . . 76

    4.3.2 Approche en traitement spécifique infrastructures . . . . . . . . . . 77

    4.3.3 Comparaison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

    4.4 Étude de sensibilités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79

    4.4.1 Renégociation de la dette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

    4.4.2 Impact des taux d’intérêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

    4.4.3 Impact du niveau de maturité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

    4.4.4 Impact de la vitesse du vent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

    4.4.5 Impact des prix de l’électricité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

    4.4.6 Impact de l’investissement initial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86

    4.4.7 Impact des coûts d’exploitation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

    4.4.8 Stress combiné . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

    Conclusion 91

    Bibliographie 95

    Annexes 105

    xvii

  • Introduction

    L’étendue et la qualité des infrastructures sont les principaux témoins du niveau dedéveloppement d’un pays. En effet, les pays développés d’aujourd’hui sont ceux qui – aucours des révolutions industrielles – ont enclenché un processus de construction massived’infrastructures telles que les chemins de fer, les ponts, les réseaux de distribution (eau,électricité), les hôpitaux, les ports, etc. Ces pays ont bénéficié de ces structures pour sedévelopper encore davantage, tandis que les autres accumulaient du retard en raison de ladifficulté de procéder aux échanges commerciaux (peu de ports, de moyens de transports,etc.). Les pays où la couverture en infrastructures est la plus faible devraient y consacrer9% (voir [15]) de leur PIB chaque année s’ils souhaitent développer leur économie et sortirleur population de la pauvreté. Au niveau global, l’investissement annuel en construction,entretien et amélioration des infrastructures est estimé entre 2,5% et 3,5% du PIB mondial([25]), d’où la question essentielle du financement de telles structures.

    Historiquement, ce sont les banques qui finançaient la majeure partie des dettes deprojets d’infrastructures. Néanmoins, l’entrée en vigueur de Bâle III rend plus contraignantla détention d’actifs de long terme par les banques. Les besoins en investissement restent lesmêmes tandis que les banques s’engagent moins sur ce type de dettes, il faut dès lors trouverune nouvelle source de financement. La Commission européenne s’est alors tournée versles autres investisseurs institutionnels pour participer au financement des infrastructureset stimuler l’économie, à savoir les sociétés d’assurance, de réassurance et les fonds depension. Ces organismes sont en effet soumis à la réglementation Solvabilité II et non BâleIII. Ce type d’actifs de long terme a de plus l’avantage de concorder avec les passifs descompagnies d’assurance-vie et des fonds de pension. Cependant, au vu de leur maturité,acquérir de tels actifs s’avère être coûteux en capital réglementaire (SCR). Les assureurss’en trouvent dès lors désincités. C’est pourquoi l’EIOPA a lancé en 2015 un processus dediscussion et de réflexion sur le sujet de l’investissement en infrastructures par les assureurset réassureurs. Il s’en est suivi un amendement à Solvabilité II promulgué en septembre2015 par la Commission européenne qui introduit une nouvelle classe d’actifs : les actifsd’infrastructures. En effet, le profil de risque des projets d’infrastructures est particulier :ils présentent notamment un taux de défaut sur la dette inférieur aux obligations corporate

    1

  • Introduction

    qu’on trouve dans le portefeuille d’assureurs, ainsi que des rendements intéressants. Lecapital réglementaire est donc allégé pour cette catégorie d’actifs à part entière. L’assureurs’engageant sur un tel projet doit néanmoins être en mesure de démontrer qu’il respecteun certain nombre de critères.

    Ainsi, l’intérêt des assureurs pour les actifs d’infrastructure s’est accru au cours des deuxdernières années. Sans mentionner les acteurs non européens qui pour certains ont déjà plusde 10% de leurs actifs sous gestion dans de la dette d’infrastructure, nous pouvons citerAllianz qui a des participations de 15 milliards d’euros dans les infrastructures, soit plusde 2% de ses actifs sous gestion et qui ambitionne à terme 10 milliards supplémentaires 2.Axa visait aussi 10 milliards d’investissement dans les années à venir, tandis que CNPAssurances, avec 1% de son bilan en capital dans les infrastructures, envisage d’augmentersensiblement ses investissements dans cette classe d’actifs.

    L’objet de ce mémoire est de se placer du point de vue d’un assureur qui devraitréaliser l’étude d’un projet d’infrastructure dans le but de montrer au régulateur que lescritères d’éligibilité sont bien remplis. En effet, la modélisation des cash flows et les risquessont spécifiques à chaque type de projet, donc l’assureur ne peut se contenter d’évaluerun projet sur des indicateurs généraux. Le projet d’investissement envisagé est une fermeéolienne générant de l’électricité revendue sur le marché. Ce mémoire s’articulera donc de lamanière suivante : tout d’abord, nous nous attacherons à mettre en place une modélisationdes vents, puisque les revenus d’une ferme dépendent directement de la vitesse du vent ;ensuite, il s’agira d’établir un modèle de prix d’électricité, censé reproduire le marché surlequel nous vendons notre production ; enfin, nous en déduirons les revenus de la ferme ainsique les incertitudes qui leurs sont attachés, nous permettant de déterminer notamment lesrendements ainsi que les probabilités de défaut sur la dette.

    2. http://fr.reuters.com/article/companyNews/idFRL5N17E3ED

    2

    http://fr.reuters.com/article/companyNews/idFRL5N17E3ED

  • Chapitre 1

    Investissement en infrastructures :contexte et enjeux

    1.1 Les infrastructures

    Le terme infrastructure est relativement vaste et prend divers sens. Plusieurs définitionssont en effet proposées par le dictionnaire Larousse : « partie interne, sous-jacente à unestructure (mentale ou matérielle) », « ensemble des parties inférieures d’un bâtiment, gé-néralement enterrées (sous-sol ou vide sanitaire, fondations, etc.) », ou encore « ensembled’installations, d’équipements nécessaires à une collectivité ». C’est sur cette dernière dé-finition que nous allons nous concentrer tout au long de ce mémoire. Les infrastructurestelles que nous les considérons représentent un large panel d’actifs situés au coeur de l’acti-vité économique et sociale des sociétés à travers le monde. En effet, elles offrent un serviceà l’ensemble des agents économiques et pas uniquement à quelques personnes physiques oumorales.

    Parmi les infrastructures on peut par exemple citer le secteur des transports (routes,ponts, tunnels, etc.), celui des télécommunications (fibre optique, antennes-relais, satellites,câbles coaxiaux, etc.), de la distribution (eau, gaz, électricité, etc.), de l’énergie (centralesnucléaires, éoliennes, photovoltaïque, etc.). Le secteur de l’énergie va d’ailleurs particulière-ment nous intéresser puisque le cas d’investissement dans des fermes éoliennes sera l’objetde la suite de ce travail.

    La croissance démographique, la mondialisation, la transition énergétique et écologiquefont partie des facteurs qui accroissent le besoin en infrastructures. La population est deplus en plus urbaine, les acteurs économiques sont dépendants des ports, aéroports et fret

    3

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    ferroviaires, et le développement de réseaux moins polluants et plus sobres en énergie estprimordial. Dès lors, l’OCDE affirme qu’un investissement considérable dans les projetsd’infrastructures est indispensable, l’estimant entre 2,5% et 3,5% du PIB mondial chaqueannée.

    Les spécificités des infrastructures rendent délicat le financement privé. En effet, lesinfrastructures représentent une classe d’actifs ayant la particularité d’avoir des maturi-tés relativement longues. Leur durée de vie est en général de plusieurs décennies, voireplusieurs siècles pour certaines d’entre elles (ports, autoroutes, etc.). De plus, les projetsd’infrastructures nécessitent de lourds investissements essentiellement financés par la dette(ils se prêtent donc parfaitement à un financement reposant sur un important effet de le-vier). La phase de développement est par ailleurs particulièrement risquée. Par conséquent,il est souvent fait appel aux subventions et aux garanties publiques.

    Le profil de risques des investissements en infrastructures est très sensible au degré dematurité. La figure 1.1 illustre de manière simplifiée le couple rendement/risque pour lesprojets d’infrastructures : le risque et le rendement décroissent avec le niveau de maturitédes actifs d’infrastructures.

    Figure 1.1 – Rendement et risque des infrastructures

    Il faut en effet distinguer deux phases dans un projet d’infrastructure :

    4

  • 1.1. Les infrastructures

    — la phase de construction, à risques élevés et qui ne peut être assumée que par desentités publiques ou des grandes entreprises ayant la capacité de porter un projetglobal et d’en assumer les risques ;

    — la phase d’exploitation, offrant davantage de visibilité et de sécurité sur les cashflows et attirant de fait un large panel d’investisseurs institutionnels.

    Les actifs n’ayant pas encore achevé la première phase sont dits greenfields, ceux dontla construction est achevée et sur lesquels on dispose d’un historique de cash flows etd’informations sur le niveau d’exploitation sont appelés brownfields. Une revue des risques,logique d’investissement et profil d’investisseurs est présentée dans le tableau 1.1 pourchacun des deux types d’actifs.

    Classe d’actifs à construire(greenfield)

    Classe d’actifs matures(brownfield)

    Risques Risques élevés de constructionet de refinancementNotation du projet en fonc-tion du degré de maturité dela technologie

    Risques maîtrisés, sauf rupturetechnologique ou rupture detendance économique

    Logique d’investisse-ment

    Rendement cash faible ou nulà court termeEspérance de plus-value desinvestisseurs en fonds propresaprès la mise en service

    Rendements cash réguliers surune longue période

    Profil d’investisseurs Investisseurs industriels et fi-nanciers disposant d’une ex-pertise dans le domaine des in-frastructures :

    — constructeurs et fondsd’infrastructure inves-tissant en fonds propres

    — banques

    Investisseurs institutionnels àla recherche de rendementsstables, sans expertise particu-lière dans le domaine des infra-structures

    Table 1.1 – Les deux classes d’actifs infrastructures

    Il convient également de s’intéresser au service proposé par l’infrastructure et notam-ment son tarif. En effet, ce qui est pertinent dans notre cas c’est le cash généré au global parl’infrastructure, et bien entendu les incertitudes liés à ce cash. Le service sera-t-il payant

    5

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    (autoroutes par exemple) pour l’usager ou bien gratuit (hôpitaux) ? Dans le premier cas,c’est principalement les utilisateurs qui contribueront aux revenus de l’exploitant. Le tarifest alors soit soumis aux règles classiques du marché et de la concurrence, soit réglementé(par les pouvoirs publics). Dans le cas où le service est gratuit pour l’usager, l’exploitantest rémunéré par l’Etat ou les collectivités territoriales. L’incertitude est alors moindre surles futurs cash flows que générera l’infrastructure (bien que l’Etat puisse parfois s’avérermauvais payeur, ou du moins long à honorer ses engagements).

    1.2 Financement des infrastructures

    1.2.1 Modes de gestion

    Au vu des particularités des actifs d’infrastructures évoquées dans la partie précédente,les interventions publiques sont souvent indispensables pour mener à bien le financementde projets. On trouve en France deux modes de gestion du service public : soit par unepersonne publique soit par une personne privée.

    Dans le premier cas, le service public peut être géré directement en régie (la personnetitulaire de la compétence) ou bien par un établissement public, personnalité juridiqueautonome. La gestion en régie signifie que la collectivité gère elle-même le service publicavec ses propres moyens (financiers, agents publics, etc.). Cela implique que la régie estdépourvue d’autonomie financière, puisque tout est lié directement à la collectivité (pasde recettes ni de dépenses propres). Les impôts, la justice ou la défense nationale sontdes exemples de services publics gérés en régie. L’établissement public quant à lui est créépar l’Etat ou par une collectivité dans le but de gérer le service public, et il est guidé parle principe de spécialité. Il a le statut juridique de personnalité morale, contrairement àla régie, et dispose donc d’une certaine autonomie, même s’il ne peut aller au-delà de sacompétence. Parmi les services publics gérés par un établissement public, on peut citer leshôpitaux, les offices HLM, etc.

    L’Etat ou la collectivité peut également procéder à une délégation de service public.Il s’agit de confier à une personne privée la gestion et l’exploitation du service public. Cemode de gestion est très répandu puisqu’il semble allier souplesse et efficacité. Parmi lescas les plus célèbres on trouve le développement des chemins de fer ou la distribution d’eauou de gaz. La délégation de service public peut se faire soit par la loi (délégation unilatéralede service public) soit via un contrat (délégation contractuelle de service public).

    Les projets d’infrastructures nécessitent de lourds investissements initiaux, il est donc

    6

  • 1.2. Financement des infrastructures

    indispensable que leur gestion et leur financement soient adaptés à leurs caractéristiquesparticulières.

    En cas d’implication d’une société privée lors de la création d’un projet d’infrastruc-ture – ce qui est la plupart du temps le cas –, il est essentiel que l’entité chargée de laconstruction, la gestion, la maintenance et l’exploitation du projet soit indépendante de lasociété-mère engagée dans le financement du projet. Cette condition nécessite la créationd’une société spécifique au projet d’infrastructure qu’on appelle SPE (Special Purpose En-tity). La SPE n’existe que par et pour le projet d’infrastructure, elle cesse d’exister dès lorsqu’on met un terme à l’exploitation de l’infrastructure en question. La figure 1.2 ci-dessousillustre la mise en place de ce mode de gestion.

    Figure 1.2 – Création d’une SPE gérant une infrastructure

    1.2.2 Modèle de financement

    Bien que les interventions publiques soient primordiales dans les financements de pro-jets, les pouvoirs publics souhaitent d’abord attirer les investissements privés afin de bé-néficier de l’expertise de certaines entreprises sur les risques liés à un secteur particulier.Les partenariats public-privé (PPP) ont longtemps prospéré, jusque la crise de 2008 qui acréé un contexte d’aversion au risque et de réticence sur les investissements à long terme.

    7

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    Un PPP est un mode de financement selon lequel l’Etat ou une collectivité territorialefait appel à un prestataire privé pour financer, gérer et exploiter un équipement assurantou contribuant au service public. Le partenaire privé est alors rémunéré soit directementpar le partenaire public, soit par les usagers du service qu’il gère.

    Dans un contexte post crise de déstabilisation des bases du financement des infrastruc-tures, le document [25] publié par Alain Quinet en 2012 se penche sur la recherche du bonpartage des risques entre secteur public et secteur privé. Il en arrive à la conclusion que laréponse à la crise ne peut aucunement se trouver dans le « tout public » ou « tout privé » :l’Etat est en période de contraintes budgétaires, le secteur privé est averse aux risques delong terme. Au contraire, une coopération sur différents aspects du projet au sein d’un PPPpermet une répartition des risques entre les partenaires selon leurs capacités respectives àles gérer, les évaluer et les contrôler. Cela contribue à une transparence sur les risques etles coûts qui est essentielle pour les investisseurs privés qui engagent leurs fonds propres.

    Le secteur public a un avantage comparatif sur sa capacité à diversifier les risques. Eneffet, l’Etat et les collectivités territoriales sont engagés sur un grand nombre de projets dontles risques peuvent être considérés comme indépendants. Les possibilités de diversificationsont plus réduites dans le cas des investisseurs privés qui supportent un grand risque surces projets de taille conséquente. De plus, l’Etat dilue le risque d’un projet sur l’ensembledes contribuables, ce qui le rend négligeable au niveau individuel. A l’inverse, le risquefinancier pour une entreprise privée repose sur un nombre restreint d’actionnaires. Parconséquent, l’Etat a la possibilité de s’endetter sans prime de risque pour financer unprojet d’infrastructure. Les taux d’obligations souveraines ne sont en effet soumis qu’auxcontraintes de marché et ne dépendent pas de la nature de l’utilisation qui est faite dessommes empruntées.

    Le PPP permet donc de partager les risques de la manière la plus optimale entre lesdeux parties :

    — le secteur privé est en charge de la plupart des risques opérationnels (risque deconstruction, de disponibilité de l’ouvrage, etc.) ;

    — le secteur public s’occupe de la protection de la concession contre les risques poli-tiques et la couverture des cas de force majeure et d’imprévision.

    Certains projets d’infrastructures rentables peuvent par ailleurs voir le jour grâce à desPPP alors qu’ils auraient été abandonnés par les autorités publiques du fait de contraintesbudgétaires. Ces partenariats sont notamment à l’origine du développement du réseau fer-roviaire au XIXème siècle ou encore des autoroutes en France. Ils sont de plus très fréquentsdans les pays en voie de développement ayant un fort besoin en infrastructures.

    8

  • 1.2. Financement des infrastructures

    1.2.3 Investissement d’un assureur

    Après avoir listé les principales caractéristiques et spécificités du financement des in-frastructures, il convient de se pencher sur l’intérêt des assureurs pour les actifs d’infra-structures et les modalités de leur investissement.

    La partie I.1 rappelle que les rendements de cette classe d’actifs ésont particulièrementintéressants, bien supérieurs à ceux des actions ou obligations classiques. De plus, ils nedépendent que très peu de la conjoncture économique et présentent un risque de défautrelativement faible (variable selon le type de projet, mais globalement toujours inférieuraux titres corporate équivalents). De nombreuses compagnies (fonds de pension, assurance-vie, etc.) ont un passif principalement de long terme, il est donc stratégique d’adapter sonactif à cette particularité et générer des cash flows réguliers, stables et prévisibles tout aulong de la durée de vie du passif. Les actifs d’infrastructures ont tous une maturité élevée,il semble alors pertinent pour un assureur – principalement un assureur-vie – de s’en doter.

    Figure 1.3 – Investissement dans une SPE

    L’assureur peut investir sur des projets d’infrastructures de différentes façons. UneSPE est une société comme une autre, c’est-à-dire qu’elle se finance par fonds propreset par dette. La seule particularité de ce type d’entreprise est que l’émission d’actions etde dette obligataire est unique, au moment de sa création. La SPE rembourse donc sadette initiale au cours de la durée de vie du projet, par conséquent la part de capital dansses ressources croît pour finalement atteindre 100%. L’assureur peut donc investir dansun projet d’infrastructure soit par l’acquisition d’actions de la SPE, soit par l’acquisitiond’obligations. Dans le premier cas, l’assureur recevra des dividendes, dépendants du niveau

    9

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    de résultat de la SPE. Dans le second cas, il recevra des coupons de manière régulière etsans incertitude sur le montant, il n’est ici exposé qu’au risque de défaut. Ces deux optionssont illustrées sur la figure 1.3.

    Dans les deux cas ci-dessus, il s’agit d’investissement direct : l’assureur peut choisir,suivre et même s’impliquer dans le projet dans lequel il investit. L’investissement indirectpar les compagnies d’assurance dans les infrastructures est également possible, par exemplevia l’acquisition d’actions d’entreprises spécialisées dans les infrastructures telles Vinci ouBouygues. Nous verrons par la suite qu’en fait ces investissements ne sont pas éligiblesau traitement spécifique de Solvabilité II. Elles ont en outre la possibilité d’investir dansdes OPCVM tournés vers l’investissement en infrastructures. Cela permet de bénéficier desactifs d’infrastructures en diversifiant les risques qui s’y rattachent, mais aussi en disposantd’une plus grande liquidité.

    1.2.4 Engagements contractuels

    Un projet d’infrastructure nécessite donc de très lourds investissements et est princi-palement financé par la dette. Les prêteurs pourraient alors être désincités d’acquérir detelles obligations au vu du montant très important de la dette. C’est pourquoi un certainnombre d’engagements contractuels existent. Ils protègent les créanciers et garantissent lapérennité du projet. En effet, il est inconcevable qu’après avoir construit un réseau ferro-viaire ou une autoroute par exemple, ils soient abandonnés parce qu’ils ne génèrent passuffisamment de cash flows. La protection des prêteurs garantit donc l’exploitation de l’in-frastructure. Ces engagements donnent notamment le droit aux créanciers de prendre lecontrôle de l’activité en cas de défaut de paiement, ou bien de restructurer la dette en casde faiblesse financière du projet. Parmi les clauses dont l’objectif est de réduire les risquespour le créancier, on peut trouver par exemple les suivantes :

    — Une exigence minimale de cash flows disponibles pour le service de la dette. Si leniveau de cash flows passe sous cette limite, les dividendes sont bloqués pour réduirele risque de crédit des créanciers ;

    — En cas de défaut de paiement, les créanciers ont la possibilité de prendre le contrôlede la SPE ;

    — Un plafond pour les dividendes versés aux actionnaires ;

    Nous verrons plus précisément dans la suite les exigences de Solvabilité II en termesd’engagements contractuels dans le cadre des investissements en infrastructures par lesassureurs et réassureurs.

    10

  • 1.3. Gestion des risques

    1.3 Gestion des risques

    Toute décision de financement est associée à une espérance de rendement ainsi qu’àun certain risque. La faculté de comprendre, mesurer et gérer les risques est essentielledans toute stratégie d’investissement, et d’autant plus dans le contexte actuel d’expositionaccrue au risque qui fait suite aux changements économiques, technologiques et financiersde ces dernières décennies : importante mobilité des capitaux, forte concurrence, vastesprivatisations d’entreprises publiques, forte volatilité sur les marchés, etc.

    L’investissement en infrastructures se différencie des formes traditionnelles d’investisse-ment, tout d’abord parce qu’il s’agit d’une stratégie de long terme. Leur particularité vientdu fait que (i) les risques sont essentiellement concentrés sur la première phase du projet,c’est-à-dire avant même son achèvement, et (ii) que le profil de risques peut être soumis àd’importants changements une fois le projet finalisé, puisque les futurs flux de cash flowsen théorie relativement stables seront soumis aux risques de marché et de réglementation.La figure 1.4 résume les différents risques auxquels l’investisseur en infrastructures estconfronté sur toute la durée de vie du projet.

    Figure 1.4 – Principaux risques sur les différentes phases du projet

    Le document [11] publié en 1999 par la Banque mondiale étudie la gestion des risquesdans le cas de transactions financières sur les projets d’infrastructure impliquant le secteurprivé. En effet, la participation des investisseurs et entreprises privés dans le financementet la mise en oeuvre de projets d’infrastructure n’a de cesse de s’accroître dans l’ensembledes pays. Il est dès lors essentiel de pouvoir analyser les différentes expositions aux risques(de marché, de crédit, etc.) du projet du point de vue des différents acteurs clés, à savoir lescréanciers, les promoteurs et le gouvernement. Le projet peut être lancé lorsque ces troisparties ont trouvé un équilibre et s’entendent sur une base d’intérêts communs. Il s’agit enfait d’une théorie des jeux où chaque partie maximise son utilité sous contraintes des deuxautres parties. La figure 1.5 résume ainsi les relations entre ces trois principaux acteurs.

    11

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    Figure 1.5 – Les différentes parties prenantes d’un projet d’infrastructure

    En tant qu’investisseur, le premier élément à analyser est la viabilité économique duprojet d’infrastructure. Elle dépend notamment de l’environnement réglementaire autourdes infrastructures, afin de déterminer les tarifs et les éventuelles aides gouvernementales(garanties, incitations fiscales, rehaussement de crédit). La question de la viabilité écono-mique peut en fait se réduire à l’étude du niveau de cash flows. En effet, ces derniers sontsupposés être suffisants pour honorer à la fois le service de la dette et les rendements desactionnaires. Plus précisément, la viabilité économique du projet peut être étudiée de deuxpoints de vue différents.

    Tout d’abord du point de vue de l’actionnaire. On peut se pencher par exemple surdes indicateurs tels que le TRI (Taux de Rendement Interne) ou la VAN (Valeur ActuelleNette). Le TRI projet correspond au taux d’actualisation i qui annule la VAN du projet :

    V AN =20∑t=1

    CFt(1 + i)t

    − I0.

    De la même manière, le TRI actionnaires correspond au taux d’actualisation i annulantla VAN des fonds propres :

    V ANFP =20∑t=1

    CF FPt(1 + i)t

    − IFP0

    12

  • 1.3. Gestion des risques

    Le TRI permet de juger de l’intérêt d’un investissement et de mesurer d’un point devue financier la pertinence d’un projet.

    Le TRI d’un projet d’infrastructure dépend du tarif sur l’offre du service, du soutiende l’Etat et de différents paramètres financiers. Plus précisément, on suppose :

    TRI = f(m, r, l, s, π),

    où m est la maturité de la dette, r le taux d’intérêt, l une mesure du ratio dette/capital, πle tarif du service, et s un vecteur représentant le soutien de l’Etat (garanties, incitationsfiscales, etc.). En général, f est une fonction croissante de m, l, s, et π mais décroissantede r.

    Du point de vue du créancier maintenant, deux ratios sont particulièrement perti-nents : la couverture des intérêts et la couverture de la dette.

    Interest coverage =EBIT

    Interest payment,

    Debt Service Coverage =EBITDA

    Interest + Principal Payment1−Tax Rate

    .

    En tant que prêteur, il convient alors d’estimer les probabilités que ces deux ratios setrouvent sous une valeur cible :

    P(Interest coverage < α1) = �1,

    P(Debt service coverage < α2) = �2,

    où α1 et α2 sont des ratios de couverture, et �1 et �2 sont les niveaux de confiance que leprêteur considère.

    Mais pour chacun de ces points du vue, il faut pouvoir estimer les variables risquéesqui rentrent en compte dans le calcul de ces ratios. Une telle variable risquée peut êtrereprésentée par un processus stochastique (Yt)t=1,...,T , où T est la durée de vie du projet.Il peut être intéressant de décomposer la valeur de Y en l’année t Yt en la somme de lavaleur anticipée µt et d’une variable aléatoire ut :

    Yt = µt + ut,

    ut = σtεt,

    où (εt) est un bruit blanc de variance unitaire : E(εt) = 0, V ar(εt) = 1, et Cov(εt, εs) = 0pour t 6= s.

    13

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    Par conséquent, E(Yt) = µt et V ar(Yt) = σ2t , il est donc nécessaire d’estimer ces deuxparamètres afin de connaître les caractéristiques de la variable risquée à laquelle on s’in-téresse. En général, l’estimation de µt ne pose pas de grandes difficultés puisqu’il se dé-duit en théorie directement des informations contenues dans la description du projet. Parexemple, dans le cas où (Yt)t=1,...,T représente les revenus d’exploitation futurs du projetd’infrastructure, il est possible d’écrire µt = µ(Xt, β), où Xt est un vecteur de variablesexogènes incluant par exemple la demande ou des facteurs techniques, et β est un vecteurde paramètres fixes liés au projet. L’estimation du paramètre σt représentant la varianceest quant à elle moins aisée. Pour ce faire, on peut utiliser une simulation de Monte Carlosur la base de N itérations indépendantes de la variable risquée (Yt)t=1,...,T . La ième itérationpour l’année t est donnée par :

    Y it = µit + σtε

    it.

    Nous verrons dans la suite de ce mémoire des illustrations de cette méthode. Nos va-riables risquées seront d’une part la vitesse du vent et d’autre part le prix d’électricité.Nous calibrerons les paramètres des modèles sur un historique et effectuerons des simula-tions de Monte Carlo pour calculer effectivement les probabilités de défaut sur la dette.(voir chapitre 2 et 3).

    1.4 Les infrastructures sous Solvabilité II

    1.4.1 Solvabilité II

    La directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009,dite Solvabilité II, est une réforme réglementaire européenne du monde de l’assurance quis’inscrit dans la lignée de Bâle II et qui vient remplacer Solvabilité I. Son but est de mieuxadapter les fonds propres exigés des compagnies d’assurance et de réassurance aux risquesencourus du fait de leur activité. En effet, la philosophie de cette directive est que tous lesassureurs et réassureurs soient à même de comprendre les risques inhérents à leur activitéafin de pouvoir allouer suffisamment de capital pour les couvrir. Solvabilité II est entréeen vigueur le 1er janvier 2016. Elle repose sur trois piliers :

    — Le premier pilier a pour objectif de définir des normes quantitatives de solvabilitépour le calcul des provisions techniques et des fonds propres. Solvabilité I prévoyaitune marge de solvabilité déterminée en fonction de pourcentages sur les primeset les sinistres. Solvabilité II promeut une vision économique, dont les règles deprovisions sont plus complexes et intègrent davantage le risque. Ce premier pilierdéfinit notamment deux niveaux réglementaires pour les fonds propres :

    14

  • 1.4. Les infrastructures sous Solvabilité II

    — le MCR (Minimum Capital Requirement) est le niveau de capital en deçà duquell’intervention de l’autorité de régulation est automatique ;

    — le SCR (Solvency Capital Requirement) représente le niveau de fonds proprescible nécessaire pour absorber le choc produit par un risque bicentennal (sinistreexceptionnel, choc au bilan, etc.).

    Le SCR a ainsi vocation à devenir l’outil principal des assureurs, réassureurs etautorités de contrôle. L’objectif de cette grandeur est en effet de refléter l’expositionà l’ensemble des risques liés à l’activité de la compagnie : risque de crédit, risquede souscription, risque de marché, risque de liquidité, risque opérationnel, etc. Unecompagnie doit à chaque instant détenir suffisamment de capital pour faire face auxrisques auxquels elle est exposée. Si ses fonds propres deviennent inférieurs au SCR,alors elle devra envisager un plan de remise en règles avec l’autorité de régulationassorti d’un calendrier. Le niveau retenu par la réglementation doit permettre defaire face à un choc bicentennal, c’est-à-dire que la probabilité que la compagniene soit pas en situation de ruine dans l’année doit être au moins de 99,5%. Ladétermination du SCR peut se faire de différentes manières :— soit via une approche en « formule standard » qui utilise des chocs standards

    pré-calibrés, décompose l’ensemble des risques en modules et sous-modules etenfin les agrège grâce à des matrices de corrélations ;

    — soit via une approche par modèle interne complet basé sur la structure de risquespécifique de la compagnie, plus à même donc de retranscrire son véritable profilde risque, cependant soumis à la validation de l’autorité ;

    — soit via une approche par modèle interne partiel, qui est un mode de calculhybride entre les deux approches précédentes. Cela signifie par exemple que seulscertains modules du risque sont estimés par modèle interne, les autres utilisantla formule standard, ou bien que la compagnie utilise la formule standard enrecalibrant elle-même les paramètres.

    Les compagnies ont donc le choix entre ces différentes approches de calcul du SCR.Il est à noter que le résultat obtenu par modèle interne est en général inférieur àcelui obtenu par formule standard. En effet, un assureur n’aurait aucun intérêt àdévelopper un modèle interne – dont le coût de mise en place n’est pas négligeable– si le niveau de SCR en sortie n’était pas sensiblement différent. Les compagniesoptant pour la formule standard se voient donc imposer une exigence de capitalcomplémentaire par rapport à celles ayant opté pour un modèle interne.

    — Le deuxième pilier fixe quant à lui les normes qualitatives de suivi des risques eninterne aux sociétés et comment l’autorité de contrôle exerce ses pouvoirs de sur-veillance dans ce contexte. Le pilier 2 vise à s’assurer que la compagnie est biengérée, qu’elle est en mesure de calculer et maîtriser ses risques et qu’elle est cor-rectement capitalisée. C’est notamment ce pilier qui introduit la notion d’ORSA

    15

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    (Own Risk and Solvency Assessment) qui est l’évaluation interne des risques et dela solvabilité. Il s’agit d’un ensemble de processus constituant un outil d’analyse dé-cisionnelle et stratégique et qui vise à évaluer, de manière continue et prospective,le besoin global de solvabilité lié au profil de risque spécifique de chaque assureurou réassureur. On retrouve également au sein du deuxième pilier les dispositionsconcernant les pouvoirs du régulateur. Ce dernier doit non seulement valider unesérie de points comme par exemple le niveau de capital, mais il peut aussi contrôlerla qualité des données, des procédures d’estimation ou encore des systèmes mis enplace pour mesurer et maîtriser les risques au sein de la société. Le régulateur tenteraenfin d’identifier les compagnies les plus risquées et pourra le cas échéant requérir deces sociétés qu’elles détiennent un capital plus élevé que le montant suggéré par lecalcul du SCR, c’est-à-dire une marge de sécurité complémentaire (capital add-on)et/ou de réduire leur exposition aux risques.

    — Le troisième et dernier pilier vise à la transparence de marché. Plus précisément,il définit l’ensemble des informations que la compagnie doit rendre publiques –c’est-à-dire qui doivent être transmises aux actionnaires et analystes – d’une part(performance financière, profils de risques, mesures d’incertitudes), et doit trans-mettre aux autorités de régulation d’autre part (afin qu’elles puissent exercer leurpouvoir de surveillance).

    1.4.2 Infrastructures sous Solvabilité II : version initiale

    La première version de Solvabilité II ne prévoyait aucune spécificité quant à l’investis-sement des compagnies dans des projets d’infrastructure. Les actifs d’infrastructure étaientdès lors soumis aux règles classiques dans la formule standard.

    La formule standard repose sur une approche modulaire (voir figure 1.6). Les différentsrisques sont décomposés en modules, eux-mêmes décomposés en sous-modules. Une formuled’estimation des fonds propres requis est appliquée pour chaque sous-module. Les sous-modules sont ensuite agrégés via une matrice de corrélations, et pour obtenir le SCR totalles modules sont de la même manière agrégés entre eux.

    Néanmoins, en cette période de taux historiquement bas, les rendements intéressants desactifs d’infrastructure suscitent l’intérêt des assureurs et réassureurs. De plus, les banques– qui finançaient jusqu’à présent l’essentiel des projets d’infrastructure – se retirent pro-gressivement de ce type d’investissement du fait des récents accords de Bâle III rendantplus contraignant les positions de long terme par les établissements bancaires.

    16

  • 1.4. Les infrastructures sous Solvabilité II

    Figure 1.6 – Approche modulaire du SCR dans Solvabilité II

    Ainsi, la Commission européenne – consciente des enjeux que représente l’investisse-ment dans les infrastructures – a réagi à ce qui lui semblait être une imperfection endemandant en février 2015 à l’EIOPA (European Insurance and Occupational PensionsAuthority) d’identifier et de calibrer les risques liés aux investissements en infrastructuresdes compagnies d’assurance ou de réassurance. La Commission souhaite en effet favori-ser l’investissement de long terme et le financement de l’économie. « Pour contribuer àla réalisation de ces objectifs et de l’objectif de croissance durable à long terme visé parl’Union, il conviendrait de permettre aux entreprises d’assurance, qui sont d’importantsinvestisseurs institutionnels, d’investir plus facilement dans des infrastructures. Il seraitsouhaitable, pour faciliter ces investissements, de créer à l’intérieur du cadre mis en placepar la directive 2009/138/CE (dite Solvabilité II) une nouvelle catégorie d’actifs pour les

    17

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    investissements d’infrastructure. La mise en oeuvre parallèle de ce type d’initiative et del’EFSI devrait renforcer leur impact global sur la croissance et l’emploi dans l’Union. » Enassouplissant les règles en matière de capital réglementaire sur ce type d’investissement,elle espère ainsi orienter une part des ressources des investisseurs institutionnels vers lesactifs d’infrastructures. Cela aurait un impact considérable sur les financements de projetspuisqu’en 2014 ces ressources représentaient en Europe 8400 milliards d’euros.

    L’EIOPA a alors enclenché un processus de discussions sur le thème de l’investissementen infrastructures via un document de réflexion (27 mars 2015). Les acteurs du monde del’assurance étaient invités à contribuer à la réflexion sur la définition à retenir pour lesactifs d’infrastructure et sur la pertinence d’un traitement spécifique dans le cadre de laformule standard.

    Pour rappel, dans la formule standard de Solvabilité 2, les investissements en actionssubissent une charge en capital allant de 22% à 49%, tandis que la charge associée auxinvestissements de type obligataires dépend du spread de crédit (i.e. de l’écart avec le tauxsans risque). Plus précisément, le tableau 1.2 ci-dessous fournit les montants de capitalréglementaire – en pourcentage de la valeur de l’actif – qu’un assureur doit détenir pourdes obligations notées en fonction des échelons de qualité de crédit.

    Échelon de qualité de crédit 0 1 2 3 4 5 et 6Duration Stress a b a b a b a b a b a b

    d

  • 1.4. Les infrastructures sous Solvabilité II

    cation de la réforme. En effet, ces entreprises n’ont a priori aucun problème de financement,et leur profil de risque n’est semble t-il pas différent des entreprises classiques, contraire-ment aux projets d’infrastructure spécifiques qui ont un profil de risque propre.

    Nous présentons ci-dessous un résumé des points les plus notables de la réforme deSolvabilité II concernant les actifs d’infrastructure. Ces définitions et exigences sont im-portantes dans le sens où l’objet de ce mémoire est de prendre un exemple précis et d’enétudier tous les contours afin de vérifier que ce projet d’infrastructure entre bien dans lechamp d’application de la nouvelle version de Solvabilité II.

    La réduction en SCR pour cette nouvelle catégorie d’actif est de 40% pour les investisse-ment en actions et de l’ordre de 30% pour les investissements obligataires. Nous reviendronsplus en détail sur les calculs de capital réglementaire par la suite.

    Définitions

    Actifs d’infrastructure : les structures physiques ou les équipements, systèmes etréseaux qui fournissent ou soutiennent des services publics essentiels.

    Entité de projet d’infrastructure : une entité qui n’est pas autorisée à exercerquelque autre fonction que posséder, financer, développer ou exploiter des actifs d’infra-structure, lorsque la première source des paiements aux créanciers et aux actionnaires est lerevenu généré par les actifs financés. Cette définition correspond typiquement à une SPE.

    Investissements d’infrastructure éligibles

    Pour qu’un assureur puisse bénéficier du traitement spécifique lié aux actifs d’infrastruc-ture dans Solvabilité II, il doit montrer que l’investissement remplit les critères suivants(nous présentons les plus notables, la liste complète est présentée en annexe) :

    1. l’entité de projet d’infrastructure peut honorer ses engagements financiers en cas dechoc durable ayant une incidence sur le risque inhérent au projet ;

    2. les cash flows que génère l’entité de projet d’infrastructure pour créanciers et ac-tionnaires sont prévisibles. Par exemple :— le prix est soit réglementé, fixé contractuellement, soit suffisamment prévisible ;— lorsque le niveau de production dépend de manière significative des conditions

    météorologiques, la production peut être prévisible de manière fiable ;— lorsque le projet est en exploitation depuis au moins cinq ans, les revenus au

    cours de cette période ne doivent pas avoir été significativement inférieurs aux

    19

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    projections ;3. les actifs d’infrastructure et l’entité de projet d’infrastructure sont régis par un

    cadre contractuel qui garantit aux créanciers et aux actionnaires un niveau élevéde protection, et notamment lorsque les investissements sont en obligations ou enprêts, le cadre contractuel prévoit ce qui suit :— dans la mesure permise par la loi, les créanciers ont un droit sur l’ensemble des

    actifs et contrats nécessaires à l’exécution du projet ;— les actions sont remises en garantie aux créanciers, de telle sorte que ceux-ci

    puissent prendre le contrôle de l’entité de projet d’infrastructure avant défautéventuel ;

    — l’utilisation, à des fins autres que le service des dettes, des flux de trésoreried’exploitation nets après paiements obligatoires au titre du projet est soumise àrestrictions ;

    — la capacité de l’entité de projet d’infrastructure à exercer des activités qui pour-raient être préjudiciables aux créanciers est soumise à des restrictions contrac-tuelles, et notamment l’émission de nouvelle dette ne peut avoir lieu sans leconsentement des prêteurs existants ;

    4. lorsque les investissements sont en obligations ou en prêts, l’entreprise d’assuranceou de réassurance peut démontrer à son autorité de contrôle qu’elle est en mesurede les détenir jusqu’à l’échéance ;

    5. le projet d’infrastructure utilise une technologie et une ingénierie déjà testées ;

    Investissement en actions

    Le sous-module « risque sur actions » est modifié et comprend désormais un sous-module « risque sur actions de type 1 », un sous-module « risque sur actions de type 2 »et un sous-module « risque sur actions d’infrastructure éligibles » :

    — Les actions de type 1 comprennent les actions qui sont cotées sur des marchésréglementés de pays membres de l’EEE ou de l’OCDE ;

    — Les actions de type 2 comprennent les actions autres que celles visées ci-dessus, lesproduits de base et autres investissements alternatifs. Elles comprennent égalementtous les actifs autres que ceux couverts dans le sous-module « risque de taux d’in-térêt », le sous-module « risque sur actifs immobiliers » et le sous-module « risquede spread » ;

    — Les actions d’infrastructure éligibles se composent des investissements en actionsdans des entités de projet d’infrastructure remplissant les critères énoncés.

    L’exigence de capital pour risque sur actions se calcule de la manière suivante :

    SCRequity =√SCR2type1 + 2× 0, 75× SCRtype1 × (SCRtype2 + SCRinf ) + (SCRtype2 + SCRinf )2.

    20

  • 1.4. Les infrastructures sous Solvabilité II

    Cela signifie que les corrélations retenues entre les actions d’infrastructure et les actionsde type 1 et type 2 sont respectivement de 75% et 100%.

    L’exigence de capital pour les actions d’infrastructure éligibles est égale à la perte defonds propres de base qui résulterait des diminutions soudaines suivantes :

    — une diminution soudaine égale à 22% de la valeur des investissements en actionsd’infrastructure éligibles lorsque ces investissements sont de nature stratégique ;

    — une diminution soudaine, égale à la somme de 30% de la valeur des actions d’infra-structure éligibles et de 77% de l’ajustement symétrique de cette valeur.

    Investissement en obligations

    Les expositions sous forme d’obligations et de prêts qui remplissent les critères d’inves-tissements d’infrastructure éligibles se voient attribuer un facteur de stress en fonction del’échelon de qualité de crédit et de la duration de l’exposition, selon le tableau 1.3 suivant :

    Échelon de qualité de crédit 0 1 2 3Duration Stress a b a b a b a b

    d

  • Chapitre 1. Investissement en infrastructures : contexte et enjeux

    Les scénarios de stress utilisés pour démontrer que le projet peut remplir ses obliga-tions financières doivent au moins inclure les éléments suivants, dans la mesure où ils sontpertinents en fonction des risques du projet :

    — conditions de refinancement défavorables ;— choc économique sévère ;— retards dans la conception ou la construction ;— conditions météorologiques défavorables ;— perturbations dans les opérations ;— niveau réduit de production ou d’utilisation ;— prix réduits par unité de production ou d’utilisation.

    22

  • Chapitre 2

    Modélisation de la production d’uneferme éolienne

    Après avoir fait une revue du contexte général et des enjeux de l’investissement eninfrastructures par les investisseurs institutionnels, nous choisissons de nous placer dupoint de vue d’un assureur souhaitant bénéficier du traitement favorable de Solvabilité IIen matière d’investissement en considérant le financement d’une ferme éolienne. Il peutaussi simplement s’agir d’un assureur qui réalise son ORSA et considère que la formulestandard n’est pas forcément adaptée aux risques spécifiques de l’actif qu’il détient. Plusparticulièrement, il s’agit de réaliser un travail d’analyse et de compréhension de l’ensembledes risques inhérents à ce projet.

    A l’heure actuelle, ce travail – c’est-à-dire prouver l’éligibilité de l’actif au traitementspécifique de Solvabilité II – est plutôt laissé aux gestionnaires de fonds d’infrastructures.Néanmoins, d’après le principe de la personne prudente de Solvabilité II, l’assureur « nedoit pas uniquement dépendre des informations fournies par des tierces parties, comme lesétablissements financiers, les gestionnaires d’actifs et les agences de notation. En particu-lier, l’entreprise développe son propre ensemble d’indicateurs des risques clés adaptés à sapolitique de gestion des risques d’investissement et à sa stratégie économique. » De plus,les gestionnaires peuvent connaître la lettre de l’amendement sans forcément en connaîtrel’esprit. Il est donc tout à fait pertinent voire indispensable que les actuaires se penchentsur le sujet.

    Ce travail est une illustration de ce qui devrait dans l’idéal être entrepris par un assureurcherchant à démontrer à l’autorité de régulation qu’il a bien identifié les risques spécifiqueset qu’il est légitime à calculer son SCR de manière moins contraignante.

    23

  • Chapitre 2. Modélisation de la production d’une ferme éolienne

    2.1 Énergie éolienne

    2.1.1 Le vent

    Le vent correspond au mouvement de masses d’air constituant l’atmosphère terrestre.Ces mouvements proviennent d’une part de la rotation de la Terre qui induit la force deCoriolis et d’autre part d’un réchauffement solaire inégalement réparti à la surface de laTerre. Les rayons du soleil arrivent en effet perpendiculairement à la surface de la Terreau niveau de l’équateur, alors qu’ils sont tangents au niveau des pôles. Des différences depression dans l’atmosphère naissent de ces gradients de température, et cela crée une forcedirectement responsable du déplacement des masses d’air.

    Figure 2.1 – Bilan radiatif terrestre

    2.1.2 Historique

    L’énergie éolienne correspond à l’énergie acquise à partir du vent. Elle tire son nomd’Éole, dieu des vents dans la Grèce antique. Les hommes n’ont pas attendu l’arrivée deséoliennes pour exploiter la puissance du vent. Il y a plus de 3000 ans déjà, l’énergie du ventétait transformée en énergie mécanique, par les moulins sur terre, et par les bateaux enmer. Les éoliennes quant à elles sont apparues durant l’Antiquité afin d’assurer le pompaged’eau (pour abreuver le bétail par exemple).

    Néanmoins, la transformation de l’énergie cinétique du vent en énergie électrique estbeaucoup plus récente. Elle s’effectue par l’intermédiaire d’un aérogénérateur. Cette mé-thode a vu le jour à la fin du XIXème siècle grâce aux travaux de Brush et de LaCour,mais c’est au cours du XXème siècle qu’elle s’est considérablement développée. On portacependant peu d’intérêt à cette innovation, jusque la crise pétrolière des années 1970. Cer-tains gouvernements – notamment ceux des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de l’Allemagne

    24

  • 2.1. Énergie éolienne

    ou encore de la Suède – se sont alors engagés dans des programmes de recherche sur lesujet. Des prototypes sont apparus, à commencer par une petite éolienne à trois pales età vitesse de rotation constante, avant que se développent de plus grands modèles à vi-tesse de rotation variable. C’est dans les années 1990 que cette industrie connut son plusgrand essor, passant de 200MW/an en 1990 à 5500MW/an en 2001. Nous rappelons quela puissance installée s’exprime en mégawatt (MW) et que l’énergie produite au cours dutemps s’exprime en mégawattheure (MWh). Par exemple, si une éolienne de puissance 2MW fonctionne à sa puissance nominale pendant une durée de dix heures, elle produira 20MWh. L’Union européenne s’est fixée 1 comme objectif pour 2020 de :

    — réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20% par rapport aux niveauxde 1990 ;

    — faire passer à 20% la part de l’énergie issue de sources renouvelables ;— améliorer de 20% l’efficacité énergétique.

    En 2016, l’énergie éolienne assurait 10,4% de la production d’électricité de l’Unioneuropéenne, ce qui en fait – de loin – la première source d’énergie renouvelable. En effet,les concurrents directs de l’éolien – à savoir le photovoltaïque, la géothermie, la biomasse,etc. – n’ont pas atteint le même degré de maturité. De plus, l’éolien est en plein essor du faitd’une baisse considérable des coûts de production de l’électricité via les aérogénérateurs(coûts divisés par deux au cours des années 1990), ce qui en fait aujourd’hui une dessources d’électricité les moins chères (à noter que les coûts de production d’électricité parles énergies fossiles sont en hausse).

    La croissance du potentiel éolien en Europe a crû annuellement de 20 à 25% depuis ledébut des années 2000, et cette tendance devrait se maintenir dans les prochaines décennies.Certains pays sont pionniers en la matière : la part de la production éolienne dans laproduction totale d’électricité était par exemple en 2015 de 51,1% au Danemark, 24,4%en Irlande, 23,5% au Portugal, 18,1% en Espagne, 16,2% au Royaume-Uni et 13,0% enAllemagne. La France, attachée à son modèle nucléaire, est très en retard en la matièreavec seulement 3,9%. Elle disposerait donc d’une importante perspective de croissance,dans le cas où une volonté politique émergeait.

    2.1.3 Hétérogénéité géographique

    La Terre se compose de différents régimes climatiques. Ces différences s’expliquent toutd’abord par la latitude (on l’a vu plus haut, les rayons du soleil arrivent avec des anglesdifférents à la surface du globe selon la latitude), mais aussi par un ensemble d’interactions

    1. https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_en#tab-0-0

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    https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/2020_en##tab-0-0

  • Chapitre 2. Modélisation de la production d’une ferme éolienne

    entre atmosphère, océans, terres, plaines, montagnes, etc. La figure 2.2 illustre la diversitédu potentiel éolien en Europe avec la répartition moyenne de la vitesse du vent par régions.

    Figure 2.2 – Répartition du potentiel éolien en Europe

    Il s’agit néanmoins de moyennes, il faut également prendre en compte des effets locauxqui viennent influencer la vitesse du vent. Le vent sera par exemple plus important ausommet d’une colline qu’en plaine ou bien le long des régions côtières. De plus, des obstaclestels des immeubles ou des arbres perturbent les mouvements de masses d’air et rendentdifficile l’estimation du vent. Pourtant, il est possible de modéliser les comportements duvent au sein d’un environnement homogène, comme on le verra par la suite.

    2.1.4 Avantages et inconvénients

    L’énergie éolienne compte de nombreux avantages. Le besoin en énergie à travers leglobe ne cesse d’augmenter du fait notamment de la croissance démographique, du déve-loppement des pays émergents, de l’urbanisation et de l’augmentation du niveau de vie. Enmême temps, les ressources d’énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) s’affaiblissent et ontvocation à terme à disparaître. Le coût d’extraction de ces énergies est par conséquent enaugmentation depuis plusieurs années et tend même à atteindre des niveaux considérables.

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  • 2.1. Énergie éolienne

    Afin de pallier ces problèmes et de sortir par la même occasion de la dépendance énergé-tique de certains pays, on peut compter sur le développement intensif d’autres formes deressources : les énergies renouvelables. On parle d’énergies renouvelables dans le sens où ils’agit de ressources en quantité illimitée. L’éolien est la principale d’entre elles. Il présentel’avantage d’être neutre au niveau écologique, c’est-à-dire de ne pas rejeter de gaz à effet deserre dans l’atmosphère comme les énergies fossiles – ou du moins de manière négligeable– et de ne pas engendrer de déchets radioactifs comme les centrales nucléaires. Enfin, lecoût de production d’électricité via l’éolien est comme on l’a vu un des plus faibles parmiles sources d’énergie exploitées à ce jour, et il n’est pas soumis à des incertitudes commepeuvent l’être les prix du pétrole, du charbon ou du gaz.

    On peut aussi noter quelques inconvénients pour ce type d’énergie. Tout d’abord, l’as-pect visuel des éoliennes (toutefois très subjectif) n’est pas encore accepté par l’ensemblede la population. Néanmoins, le grand public s’est très bien accommodé et ne trouve au-jourd’hui rien à redire aux lignes électriques ou aux châteaux d’eau – dont l’esthétismerelativement aux éoliennes est tout à fait discutable – qui jalonnent le paysage à travers lepays. Les éoliennes sont aussi accusées d’être la source d’interférences électromagnétiquesdu fait du mouvement des pales, perturbant les transmissions d’ondes et donc les radarsdétectant les avions à basse altitude. Elles peuvent aussi être la source de nuisances so-nores. En augmentant le nombre de pales, ces nuisances sont diminuées, mais le rendementavec. En général, les éoliennes ont trois pales, ce qui repré