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( )( )f e n ê t r e ssur . coursfenêtressur . cours Édito

Les premières rentrées scolaires des jeunes enfants restent souvent des souvenirs inoubliables, pour lesparents un moment émouvant, entre peurset fierté : «mon enfant grandit, va-t-ilaimer l’école, s’y épanouir…?»Déjà pointent les espoirs et les inquié-tudes sur la suite du destin scolaire…C’est que l’école maternelle est unevéritable école, une grande école quimérite d’être développée et défendue,dont l’identité doit être préservée. Une école qui mérite qu’on s’y intéressede près : en développant la recherche, la formation, en renonçant au «sacrifice»de l’école maternelle au moment de la carte scolaire, quand les créationsde postes sont trop peu nombreuses par exemple, en allégeant les effectifs, en adaptant l’espace et les rythmes des enfants pour les amener doucement à devenir élèves... et les conduire sur les chemins de la réussite.

Nicole Geneix

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Les cahiers de vieChemin vers l’écrit et la pensée, art de la communica-tion, entre le carnet de route et le journal intime...1 2Claude Ponti : «il faut être libre»L’interview d’un auteur qui défend unelittérature pour les enfants1 8Les textes officielsBibliographie2 1

Des classes passerellesComment cela fonctionne-t-il ? Quels écueils éviter ?Quelles sont les conditions nécessaires ?8

Comment on devient élève ?Quel sens les enfants de maternelle donnent-ils àleur présence à l’école ? Leur première rentrée.4

L’ensemble de ce dossier a été coordonné par Laurence Chartier.

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L’équipe E.S.COL. a étudié la question du rap-port à l’école et aux apprentissages d’élèvesdu CP au lycée. Des différenciations entreélèves se font jour entre ceux qui sont dans" une logique de niveau " et d’un " chemine -ment scolaire " ressemblant à une coursed’obstacles et ceux qui " confèrent sens etvaleurs aux activités et contenus d’appren -tissages dans l’ici-et-maintenant… pour leurdéveloppement intellectuel et culturel. "Actuellement, la recherche se poursuit auprèsdes enfants d’école maternelle.Pour ces enfants faisant leur première expé-rience scolaire, nous sommes obligés d’envi-sager divers moyens d’observations et derecueils de paroles pour comprendre ce qu’ilsdisent de leur présence à l’école.

L’un des supports en cours d’exploration etd’analyse est l’utilisation d’un album sanstexte, illustrant une journée à l’école mater-nelle. Sur l’une des images, des élèves sontprésentés en activité dans divers ateliers. Jechoisirais deux situations nous donnant àentendre des manières de dire différentes : lapeinture et le coin bibliothèque. Concernantla peinture, Nicolas (4 ans) dit : " i fait pein -ture… I met bieu… I donne des enfants del’eau ", tandis qu’Alice décrit : " y a quelqu’unqui découpe … y a quelqu’un qui fait de lapeinture ". A propos du coin bibliothèque,Nicolas : " i lit l’histoire " et Alice (4 ans) : " Ya quelqu’un qui lit un livre et quelqu’un quichoisit un livre pour le lire ". Nicolas nommedes objets scolaires par une caractéristiqueparticulière (l’histoire) tandis qu’Alice diffé-rencie les activités et distingue des spécifici-tés dans celles-ci (lire et choisir un livre pourle lire).Après avoir commenté l’album, le titre est luet un échange s’engage avec chacun desenfants. " Enquêteur : Tu sais ce que c’est la

maternelle ?. N : mon bébé i va l’aller…E : Tonbébé va aller à la maternelle ? N : oui, monbébé i va i crèche… E : qui va à la maternelledans ta famille ? N : non, c’est damien (grandfrère), c’est l’école i crèche… i prend un sac… E : et toi, tu vas où dans la journée ? N : vaà l’école des grands … grande école "." E : qu’est-ce que c’est la maternelle ? A : nedit rien. E : comment s’appelle l’école où tuviens ? Tu le sais ? A : non. E : Et ta sœur, elleva à quelle école ? A : à la grande… pâque elleest grande, et moi j’suis p’tite maintenant,quand j’serai un petit peu plus grande j’vaisaller avec ma sœur… et J ". Ici, Nicolassemble confus dans la distinction crèche,école maternelle, grande école tandis qu’Aliceidentifie la grande école à celle où va sagrande sœur et dans laquelle quand elle auragrandit un peu, elle ira à son tour. A partir de ces manières de dire l’école et lesactivités qui s’y effectuent, il ne peut êtrequestion de déterminer un rapport à l’école etaux apprentissages définitif et prédictif d’uneréussite ou d’un échec scolaire ultérieur. Il nepeut-être question que d’interroger les pra-tiques enseignantes qui permettent ou nonque chaque enfant, sans avoir à renier sonmilieu familial, puisse construire un sens àsa présence à l’école qui lui permette degrandir tout en apprenant.

Comment on devient éreportage

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Quel sens des enfants de maternelledonnent-ils à leur présence à l’écoleet aux activités qui leur sont propo -sées ? Quels rapports à l’école et auxapprentissages des élèves d’écolematernelle construisent-ils ?

Sylvie CHEVILLARDconseillère pédagogique, membre de l’équipe E.S.COL., Université Paris VIII

Henri Wallon accueilDepuis de nombreuses années mainte -nant, l’école Henri Wallon, dans la ZEPde St Pierre des Corps, accueille desenfants de deux ans.« Au fil des ans nous avons senti l’intérêtde cette scolarisation dans ce lieu deconcentration des difficultés, dit SylvieLenoble, la directrice de l’école. M a i snous avons aussi compris que nous devionsnous adapter à ces enfants très jeunes.»Ainsi, parallèlement, les enseignantes onttravaillé sur les relations de l’école avecles familles. Cela a abouti à la créationd’un lieu d’accueil parents enfants, exté-rieur à l’école, qui a fonctionné pendanttrois ans… avant d’être fermé, jugé nonrentable par les financeurs. Pas découra-gée l’équipe éducative, poursuit son tra-

Pourquoi je suis à l’école ?

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« Les enseignants sont de plus enplus attentifs à la première ren -trée et peuvent mettre en placedes modes d’accueil, parfois avecles membres des Réseaux d’aidesspécialisées aux élèves en diffi -culté (RASED). Ils peuvent ainsiaider certains enfants (et desparents !) qui manifestent de l’an -goisse ou de l’appréhension.La première des préventionsconsiste à s'intéresser à l'entréeà l'école maternelle et à l'épreuvede séparation qu'elle représente.Cette expérience nécessaire estparfois douloureuse et peut condi -tionner la suite de la scolarité,c'est ce dont témoignent de nom -breux parents dont l'enfant esten difficulté scolaire plus tard. L'inscription d’un enfant à l'écoleest la demande d'une famille à lasociété de contribuer à l'éduca -tion et à l'instruction de l'enfant.L’enfant trouvera plus facilementsa place à l’école si ces deux pro -jets peuvent s’harmoniser :

- le projet parental fondé sur desattentes et des représentationsde l'école, et la place que lafamille est prête à laisser auxpartenaires éducatifs- le projet social de faire de l'en -fant un écolier et de le conduireprogressivement vers les appren -tissages et la scolarité obliga -toire (de 6 à 16 ans).

L’entrée d’un enfant à l’écolematernelle n’est pas simple : ilva devoir partager des momentsavec d’autres qui ne lui sont pasfamiliers, dans des lieux limitésdont les règles bien définies nelui sont pas toujours expliquées.Il va découvrir que grandir, c'estrenoncer à certains plaisirs etaccepter d'investir de nouveaulieux, de nouveaux objets, de nou -velles personnes. L’enfant doitfaire sien ce mouvement versl’autre pour devenir écolier. »

t élève... La première rentrée

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Maryse MÉTRAest rééducatrice de l’Éducation

nationale et formatrice à l’IUFM de Lyon. Elle a publié

“ La première rentrée. Les enjeuxd’une prévention précoce à l’école

maternelle ” aux éditions EAP.2000, préface de Jacques Lévine

Maryse Métra

dernières se réduit ensuite à un ou deux cré-neaux dans la semaine.«En fait, précise Sylvie Lenoble, c h a q u eenfant a une façon très personnelle de s’adap -ter à l’école et nous cherchons jour aprèsjour, avec la famille, comment nous adapterau mieux à lui. Nous découvrons que l’onpeut imaginer une manière de travailler laséparation différente de celles que nousavions mises en oeuvre jusqu’à maintenant.Des parents qui restent dans la classe s’y sen -tent de plus en plus à l’aise et manifestent duplaisir à voir évoluer leurs enfant en acti -v i t é . Ils semblent preneurs des attitudes qu’ilsnous voient développer auprès de leursenfants.»Au total une expérience enrichissante pourt o u s . Car, pour les enseignants de l’équipe, cefonctionnement pose de nombreuses ques-tions et les a amené à faire évoluer leurs pra-tiques.

le ses deux ans !laire et de contribuer à un meilleur épa -nouissement du jeune enfant. On crée unclimat de confiance, on individualise l’ac -cueil, on prend le temps d’accompagnerl’enfant et le parent. On favorise aussi lestemps ou les parents peuvent observerleur enfant.» Un livret d’accueil a étéréalisé, on y voit les photos des personnelsde l’école et des salles de classe. Parailleurs, en accord avec l’inspecteur, larentrée a été étalée. Les parents peu-vent, ce jour-là, s’ils le souhaitent, resterdans l’école tout ou partie de la mati-née. De même les premiers jours sontmarqués par la présence de plusieursadultes dans la classe, outre l’enseignante,l’ATSEM, la psychologue scolaire et larééducatrice. La présence de ces deux

vail sur l’aide à la parentalité et sur lapréparation à la première scolarisation.L’idée d’une structure passerelle n’estpas retenue par les décideurs locaux. C ’ e s tdonc sur un projet de «passerelle inté-grée» au sein de l’Éducation nationalequ’elle appellera «classe d’accueil» ques’est mobilisée l’équipe. « Pour nous ils’agit de faciliter les relations des enfantset de leurs familles avec l’institution sco -

Brian conduit

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créer des esprits passerelle pour les enfantsde sa classe.Comment amener les parents à participer auxprojets de l’école ou plutôt quels sont lesmoyens que se donne l’école pour entendreles projets des parents dans leur diversité ? Jen’ai jamais vu de parents qui n’avaient pas deprojets, par contre beaucoup ont des projets neressemblant pas tout à fait à ceux de l’école. Jevois aussi des enfants " cassés " parce que lesparents ont des projets qui ressemblent trop àceux de l’école, … parents qui sont en généralassez bien vus par les enseignants. Je parle deceux qui oublieraient d’être parents d’enfantset qui regarderaient leur enfant comme unélève.

Une révolution dans les mentalitésIl faut arriver à ce que les parents ne soient paslà pour dire aux enseignants comment faireleur travail, arriver à ce que l’école, qui n’estpas responsable de tout, ne soit pas là pour direaux parents comment être parents, et créer desconditions pour que deux projets, souvent dif-férents, établissent entre eux des passerellesrespectueuses, dans l’intérêt commun de l’en-fant. Le mot clé est partenariat autour d’unenfant et partenariat ou accrochage avec lesparents. Si l’on n’est pas clair sur ce que l’onattend des parents et que l’on se contented’ouvrir les portes, très vite, il y a ceux quiviennent - pour les kermesses, les réunions àthèmes - et ceux qui ne viennent pas parcequ’ils n’ont pas confiance en eux en tant que

parents. Ceux-là se disent : " mon enfant estbien à l’école, il aime la maîtresse, je vais lelaisser à la cantine, je vais le mettre au centrede loisirs, je vais même être tout le temps enretard le soir tellement il est bien à l’école, parcontre je n’irai pas aux réunions, j’ai peur,j’irai à l’école quand mon enfant sera tombédans la cour, je veux le nom de celui qui le sur -veille... ". Apprivoiser l’école, c’est créer des conditionspour que les parents participent à un projet. Ily a besoin d’une confiance entre les parents etl’école. Si l’enseignant a confiance en lui, lesparents confiance dans l’école et dans la per-sonne à qui ils confient leur enfant, et l’ensei-gnant confiance dans les parents, loin de toutjugement, le triangle enfant - parent – écolefonctionne. On peut alors parler de l’enfanttel qu’il est. S’il n’y a pas cette relation deconfiance, l’enseignant se retrouve avec deuxclients, le parent, qui peut avoir une certainedemande, l’enfant qui a certains besoins, et onrajoutera un troisième client, l’institution avecses pressions. Les parents ne sont pas parentsd’élèves, ils sont parents d’enfants. Cette notionest fondamentale.

Zapper n’est pas apprendre L’enfant à la maternelle est un futur élève, jedirais un très bon élève si l’école maternelle saitconserver sa fonction maternelle et ne pas êtrepré-primaire, si elle sait privilégier chez cetenfant les apprentissages fondamentaux quiprécèdent les apprentissages d’ordre cognitif.

Un enfant a besoin d’être évalué en fonction desa propre progression, avec des données corri-gées, qui veulent dire qu’il peut aussi régresser.Tenir compte de données affectives, et nonévaluer en fonction de sa pseudo conformité àla pseudo moyenne des autres. La notion mêmede normalité s’élargit. On chiffre la propreté parexemple, pour être dans le champ de la petiteenfance, entre 2 et 6 ans. " Le problème avec lesenfants de 2 ans c’est qu’ils n’ont pas 3 ans ". Ladifférence est importante, mais c’est un vrai etun faux problème. Si on prend l’enfant là où ilen est, à tous niveaux, on voit des enfants de 2ans qui devraient quitter la crèche parce qu’ilsy sont prêts, parce qu’ils sont dans l’envie d’êtreau milieu d’un groupe, et inversement certainsà 4 ans ne sont pas du tout prêts à être scolari-sés. La question fondamentale est de savoircomment scolariser des jeunes enfants là où ilsen sont, et quels sont les moyens nécessairesà cet enfant et à sa famille.

Le passe-âgeQuels moyens vont être mis en place pour per-mettre le passage - passe-âge - à l’école ? Ce" passe-âge " est important et se travaille. Onappellera ça accrochage scolaire. La mater-nelle est un haut lieu d’accrochage, entre l’en-fant et l’école mais aussi entre les parents etl’école, à condition d’en avoir les moyens.Sur le terrain, on voit beaucoup de micro pro-jets formidables, dont la force est d’être micro,et donc adaptés aux réalités locales. C’est le faitd’une équipe, parfois d’un individu, qui sait

La petite enfance

Jean EPSTEINPsychosociologue

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Les besoins du tout-petitL’élève est un enfant !

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Dans mon travail de recherche, on s’est inter-rogé sur les difficultés en lecture. Certainsenfants ont été forcé à apprendre à lire trop tôt.Il faut distinguer liseur et lecteur. Un liseursait déchiffrer, il sait transformer un signe en unson - c’est facile neurologiquement parlant.Par contre être lecteur c’est plus compliqué :un lecteur est capable de déchiffrer, il com-prend ce qu’il lit et il aime lire. De moins enmoins d’enfants ne savent pas lire mais de plusen plus d’enfants ne comprennent rien à cequ’ils lisent et détestent l’objet livre. On s’est aussi penché sur les enfants appelésimproprement hyper actifs. On a retrouvé beau-coup de difficultés de lecture chez des enfantsqui tout bêtement ne peuvent pas tenir assis.Cela nous a amené vers la famille, non pour laculpabiliser, mais pour chercher la cause. Dèsla maternelle, on observe chez certains enfantsun comportement social inquiétant ; on n’apas le temps de s’occuper d’eux en tant qu’in-dividus pour les amener à faire partie du groupe.L’école maternelle est un haut lieu de sociali-sation, à condition de ne pas être un lieu demassification. Parfois, avec des adolescents,on est obligé d’en repasser par des apprentis-sages de la petite enfance. C’est là, toute l’im-portance de la prévention à laquelle vous par-ticipez en aidant des petits enfants à construiredes repères. L’enfant de 2 ans est zapping, il passe d’uneactivité à l’autre. Pour qu’il cesse d’être zap-ping, l’école devra l’amener à se concentrer. Lamaternelle doit revendiquer d’être une école deprévention des violences, une école des appren-tissages fondamentaux qui président à la socia-lisation de l’enfant. Cela suppose de proposerdes activités qui plaisent à chacun et de s’in-téresser à chaque enfant, l’encourager à êtreprésent. Cela pose évidemment la question deseffectifs. Les enfants zapping ont envie que lamaîtresse s’occupe d’eux. Ils sont très visiblesdans une classe, sont ceux qui ne rentrent pasdans le moule et qui veulent la maîtresse poureux tout seuls.

D’autres spécialistes

Rendre l’autorité aux parentsL’école est un lieu de socialisation si on sait etsi on a les moyens de faire exister chaqueenfant en tant qu’individu membre d’un groupe.L’école aide aussi l’enfant à sortir du " moi, moi,moi ". Je vois de nombreux enfants qui sontchefs de famille, " e n f a n t s - r o i ". L’école mater-nelle a ce rôle de socialisation et de préventionen accompagnement avec les parents. Plus ilssont fragiles et plus il faut éviter de faire à leurplace, plus il faut réfléchir au partenariat res-pectueux, en plaçant bien les parents en tantque premiers éducateurs. C’est d’abord dansson cadre familial que l’enfant se construit,l’école est là pour accompagner les parents, etfaire son travail. Il y a plus que jamais besoin de" parentaliser " les parents, de les responsabili-ser, non pas en terme pénal, mais en leur don-nant les moyens de faire autorité.

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«Nous sommes des constructeurs d’humain. Il faut savoir qu’il y a desmoments clés pour construire de l’humain. Quand l’enfant a deuxans, il est à un âge où l’on peut intervenir : ses parents sontextrêmement motivés, lui même a une plasticité cérébrale trèsgrande qui lui permet de grandes capacités d’adaptation. On saitqu’en pédiatrie, un petit enfant est sensori-moteur. Si on l’aide àdévelopper toute sa sensorialité, on développe toutes ses capacitéscognitives. En général, les parents font cela pour leurs enfants, maisparfois, pour des raisons complexes liées à certaines circonstances dela vie, certains n’y arrivent pas. Ils ne sont pas pour autantméchants, pervers ou incompétents.À l’âge de deux ans, la famille est extrêmement motivée pour aiderson enfant à réussir, et les professionnels ont encore beaucoup delatitude pour infléchir des trajectoires d’évolution, en cas dedifficultés. On peut optimaliser considérablement les modes defonctionnement quand on travaille tôt.»

Docteur Maurice Titranpédiatre au CAMPS de Roubaix

« J’insiste sur la nécessité d’inventer d’autres formes detransitionnalité entre maison et école, notamment un accroissementdes relations duelles. Les enseignants regrettent souvent de ne paspouvoir prendre par la main les enfants fragiles à qui manquent deschaînons de construction, aller au jardin ou au marché avec eux,comme une mère fait avec son enfant. Ces enfants sont encore dansl’oralité, dans l’analité.»

Jacques Lévine Psychanalyste

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partenariats souventinexistants entre l’en-semble des professionnelsde la petite enfancedevront être renforcésvoire créés". Afin d’ali-menter le débat contra-dictoire ,voici quelquesarguments qui permettentde contrebalancer les premiers.1° point, laréflexion pédagogique et qualitative sur l’amé-lioration des conditions d’accueil se fait réel-lement dans les écoles et de plus en plus. 2èpoint, la loi d’orientation de 1989 de LionelJospin a fait une priorité de l’accueil des 2-3ans dans les zones fragiles, ZEP et zonesrurales. Cela montre bien les enjeux de pré-vention de l’école maternelle dans la réus-site scolaire . Certaines études prouvent queplus la pré scolarisation à l’école est longue,meilleurs sont les résultats à l’école primaire.3è point, un protocole d’accord entre le minis-tère de l’EN et le ministère des affaires socialesa été publié au BO en février 1991 et légitimetoutes les pratiques de concertation, de col-laboration, de décloisonnement, de formationconjointe, de coordination institutionnelleentre les institutions de la petite enfance et del’EN. Voilà un terrain préparé pour créer desdispositifs passerelles.

Les objectifs de ces dispositifsD’abord se donner les meilleures conditionspour la 1ère rentrée de l’enfant à l’école mater-nelle avec un travail sur la séparation d’avec lemilieu familial, non pas en terme de rupturemais plutôt d’accompagnement. Ensuite, faireque les parents puissent comprendre les enjeuxsi importants de l’école maternelle et per-mettre une utilisation pertinente et régulière decette école. Les parents sont considérés commepremiers éducateurs de leur enfant. Les dispo-sitifs passerelles ne les situent ni comme vic-times, ni comme coupable a priori. La classification de ces dispositifs est très dif-ficile .Chacun est différent de l’autre. Il existeun foisonnement d’actions qui émanent toutesde réalités locales

La classe passerelle. On en compte 10 à Roubaix. Je prendraisl’exemple de la classe passerelle de La Ciotat.

L’accueil des 2-3 ans à l’école est une ques-tion très disputée. Je vous livre deux avistrès sévères sur la question.Le premier, de Françoise Dolto interviewéepar L’Ecole maternelle française en 1984 :"l’institutrice n’est pas faite pour s’occuperd’un enfant de 2 ans alors qu’elle peut parfai-tement s’occuper d’un enfant de 3 ans. À 2 ansle langage n’est pas compris de la même façon,l’espace n’est pas le même, le corps non plus.Le système nerveux n’est pas achevé en ce quiconcerne la maîtrise de la plante des pieds, dusexe, du périnée, il aurait fallu inventer uneautre structure".Le deuxième est contenu dans le rapport del’Inspecteur général de l’Éducation nationale,Monsieur Ferrier, en janvier 2000 : " l e senfants de 2 ans forment un public dont la spé-cificité est trop négligée et à l’égard duquel ilapparaît urgent d’engager une double réflexionnationale. Sur le plan administratif, il importede clarifier la réglementation ambiguë et malappliquée qui régit leurs conditions d’inscrip-tion, d’accueil et de fréquentation. Sur leplan pédagogique, il convient de réfléchir àl’aménagement de leur emploi du temps et auxadaptations qu’impliquent, compte tenu deleur âge, les notions clé de l’école primaire.Simultanément, la formation initiale et conti-nue des maîtres devra être améliorée, et les

Luce DUPRAZAncienne responsable

petite enfance du Fonds d’action

sociale(FAS)

Luce Dupraz aborde la notion de “passerelle” entre les familleset l’école maternelle. Certains des dispositifs, de lieux qu’elledécrit ont plus de 10 ans d’existence et représentent la tentativeréussie de surmonter les antagonismes entre les structures petiteenfance et l’école maternelle. « Une passerelle est ancrée sur deuxrives et la rive école maternelle est extrêmement importante »précise-t-elle. Passerelle symbolise le lien entre des entités dis -tinctes, famille d’un côté, structure médico sociale de l’autre etl’école et suppose une collaboration entre elles.

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Des passerellesDes passerelles

Le temps d’apprivoiser l’école,lieux et actions passerelles entreles familles et l’école maternelle.Fondation de France, cahiers n°91995

colloque

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Esprit passerelle es-tu là ?Elle a 25 enfants. Plusieurs adultes l’animent:l’institutrice responsable de la classe des 2-3ans, une éducatrice de jeunes enfants à mi-temps, une ATSEM et une bibliothécaire,emploi-jeune. Il s’agit donc d’une collaborationinter institutionnelle entre la municipalité etl’EN dans le cadre d’un contrat ville et d’uncontrat enfance signé avec la CAF. La classe pas-serelle de La Ciotat est une école de secteur. Iln’y a pas de ciblage de populations en difficulté,même si elle se situe dans une ZEP. On constatemême que l’image sociale de l’école a changéet qu’il y a maintenant des demandes deparents pour cette école.

Le lieu passerelleÀ St Jean de la Ruelle, iIl concerne des enfantsqui n’ont pas connu de structure collectiveavant l’école maternelle. Le lieu passerelle a 3objectifs: l’enfant entre à l’école maternellequand il est prêt, les parents sont incités àparticiper, la liaison avec l’école est fonda-mentale . Ces enfants qui rentrent à l’écolematernelle quand ils sont prêts sont pré inscritsà l’école maternelle. Quand un enfant passe àl’école en cours d’année, un autre le remplacedans la structure. Ce dispositif est municipal etEN. Il est animé par une institutrice, une édu-catrice de jeunes enfants et une auxiliaire depuériculture et fonctionne comme tel le matin,donc à mi-temps.

L’action convergente.Ce sont des actions légères de collaborationentre enseignants et professionnels de la petiteenfance pour préparer la première entrée àl’école maternelle.

Examen critique de ces dispositifsEn ce qui concerne la classe passerelle :. Le 1errisque est l’absorption de l’éducatrice de jeunesenfants par l’institution EN. Elle doit pouvoirenrichir l’équipe des acquis de sa propre for-mation nourrie d’apports théoriques qui ne sontpas ceux de l’école maternelle .Le 2è écueilconcerne l’ATSEM qui doit aussi trouver sa placepar rapport à l’éducatrice de jeunes enfants.C’est un travail pluridisciplinaire à trois, sous laresponsabilité de l’institutrice. Le 3ème pro-

blème possible se rapporte à la place de laclasse passerelle dans l’ensemble de l’école. Ilfaut éviter que cette classe reste un îlot etqu’elle ne diffuse pas sur le reste de l’école. Elledoit faire partie du projet d’école. L’ensemblede l’équipe est impliqué.Le lieu passerelle court aussi plusieurs risques.Le premier est d’être une structure ciblée pourdes enfants et familles à problèmes, admispar une commission spécialisée, avec puéricul-trice de pmi, médecins, assistantes socialesetc ... Le second est de ne pas aider les parentset les enfants à faire ce passage avec l’écolemais d’être une interposition supplémentaire ouun écran entre les familles et l’école. Le 3èrisque est que la structure coupe les ponts avecl’école et s’autonomise .On parlera alors destructure supplémentaire de la petite enfance(type jardin d’enfant) mais non de passerelle.La notion fondamentale qui soutient ces pas-serelles est celle de la vivacité des échanges etdes collaborations dans les deux sens, entreprofessionnels, familles, et école.

Le fruit d’une volonté communeUne passerelle ne peut se faire sans la volonté,et encore moins contre la volonté, de ceux quil’animent et la font fonctionner. L’équipe quila souhaite va s’assurer de l’appui de son insti-tution. Une passerelle ne peut être normalisée,ne peut être décrétée. Mais il faut légitimer lesenseignants qui prennent des risques, qui sontcréatifs. L’ouverture qu’apportent ces pra-tiques passerelles est très importante pourl’école. Elle lui permet des relations deconfiance avec les autres professionnels et lesparents tout en sachant poser les limites du rôlede chacun. L’école est en capacité de passer lerelais au bon moment et dans les bonnes cir-constances .Elle s’appuie sur un réseau. Lesconditions institutionnelles, sociales, politiquesfont que l’école maternelle ne peut pas remplirsa mission seule. Elle doit s’appuyer sur d’autresinstitutions, en terme de mutualisation de res-sources humaines, financières, matérielles et enterme de réponse aux défis.

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Oui, quand l’accueil et lesbesoins du tout petit sont unepréoccupation de l’équipeéducative et que l’école estprête à accepter la participationdes parents et le travail enpartenariat avec les structurespetite enfance du quartier.Oui, quand s’insinue dans latête des adultes que se mettreà la hauteur de tout petits, çan’est pas régresser maisretrouver cet état de passageque chacun a vécu et a duoublier : on croyait être lemonde et grâce aux autres,nous sommes allés vers lemonde.Oui, quand l’accès à la "propreté " et à l’abandon dudoudou ou de la tétine ne doitpas être atteint avant lascolarisation, mais peut êtreaccompagné par l’équipe de la

classe du tout petit.Oui, quand chagrins, colères,pipis dans la culotte ne sontpas considérés comme deséchecs mais comme unlangage à décoder.Oui, quand prendre le temps dese quitter, de jouer ensemble,de se raconter des histoires, deparler des larmes, du sommeil,de la nourriture, n’est plusconsidéré comme du tempsperdu à l’école.Oui, quand on accepte quel’enfant à l’école ne soit pas unentonnoir où l’on déverse cequ’il doit savoir mais unindividu qui a besoin de toutson corps et de toutes sessensations pour avoir envied’apprendre.

Christine Descheemaekere,institutrice en section

de tout petits à Roubaix

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d’enfants avant la scolarisation. Certaines struc-tures réservent d’ailleurs leur accueil aux moinsde 3-4 ans. Les haltes qui accueillent des enfantsscolarisés – le plus souvent sur les temps péri-scolaires -organisent des activités spécifiques etn'accueillent pas de bébés sur ces plageshoraires ;• enfants scolarisés en centres de loisirs ( CLSH)en principe âgés de plus de 4 ans – selon la régle-mentation en vigueur - mais qui peuvent quel-quefois avoir tout juste 2 ans. Des inégalités sub-sistant en matière de scolarisation - admissiondès 2 ans sur des territoires qui souhaitent

maintenir leur école ou accueil tardif àpresque 4 ans ailleurs, ou encore insuf-fisance d'école maternelle en milieur u r a l .

Dans le cadre de son programme2001-2004 la CNAF a proposé plu-sieurs réformes et notamment uneclarification des aides versées aux

équipements d’accueil endistinguant deux

groupes d’enfantsprésentant des

rythmes et des besoins différents :• les enfants non scolarisés ou qui ne fréquen-tent l’école qu’à temps partiel jusqu’à 4 anspour assurer avec souplesse le passage de lacrèche ou de la famille à l’école ;• Les enfants scolarisés de plus de 4 ans fré-quentant majoritairement les CLSH dont lesbesoins d’accueil diffèrent tant dans leur duréeque dans les activités proposées.

En conséquence depuis janvier 2002 , l’aideversée aux équipements d’accueil est uniquepour tous les enfants de moins de 4 ans sanscondition d’activité professionnelle pour lesparents, ni de durée d’accueil. Ceci afin :• d’inciter les crèches classiques à améliorerleur taux d'occupation en s'ouvrant à desaccueils plus souples, y compris pour un premieraccueil d’enfants de 18 mois-2 ans.• d’améliorer les passerelles entre la crèche oula famille et l’école maternelle• de faciliter la reconnaissance du rôle deshaltes-garderies dans la réponse aux besoinsatypiques des familles et aux situations d'ur-gence, • d’accompagner le développement des ser-vices multi- accueil, ainsi que l’évolution desamplitudes d’ouverture liées à la diversificationdes rythmes et des temps de travail.

Cette réforme touche tous les équipementsconcernés par le décret du 1er août 2000 qui lesréglemente sous le contrôle de la PMI y comprisles expériences innovantes et notamment les "lieux passerelles ".

Des besoins nouveaux naissent liés en grandepartie à l’augmentation du temps partiel etdes horaires variables ou décalés, à la flexibi-lité des temps de travail qui ont de manièreindéniable des effets sur les besoins d’accueildes enfants parce que ces assouplissements nepermettent pas nécessairement aux parents dechoisir le temps consacré aux enfants mais sou-vent induisent des difficultés supplémentaires.

Les services multi-accueil se développent etles familles ont de plus en plus recours à desmodes d’accueil complémentaires à l’accueilindividuel, à la scolarisation. Si bienque les équipements aujourd’huiaccueillent des enfants d’âge divers:• enfants de moins de 3 ans encrèche et pour un temps de gardeau moins égal à 10 jours parmois en moyenne ;• enfants de moins de 6 ans enhalte-garderie - en principe- mais avec une fré-q u e n t a t i o nplus forte

Liliane PERIERConseillère technique à la CNAF

(Caisse nationaledes allocations familiales)

La prise en charge des tout petits

Les modes d’accueil de la petite enfance ne permettent pas tous de répondre auxnouveaux besoins des familles. Les enquêtes menées auprès des parents signalentdes écarts qui restent importants entre leurs préférences et le mode d’accueil uti -lisé ( 43 % des parents n’ont pas pu avoir accès au mode d’accueil souhaité) et cetteproportion tend à augmenter. Mais on dit aussi que c’est un choix non raisonné quine relève pas seulement d’un calcul économique " coût / avantages " et qu’il est aussile fruit d’incitations externes, offertes par l’action politique, des expériences anté -rieures ou du "bouche à oreille"…

10

colloque

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• 35 % des enfants de deux ans sont scolarisés, mais avec de grandes disparités régionales :Orléans -Tours : 27,3 % ; Rennes : 68,1% ;Paris : 11,4 %

source Éducation natinoale, rentrée 99

• Augmentation des effectifs prévue

«16800 élèves supplémentaires attendus

en septembre 2002 dans les maternelles

et 53900 de plus en septembre 2003 «Ministère de l’éducation nationale

En effet des dispositifs divers se développentsous les termes de structures ou actions passe-relles, entre deux secteurs de compétence biendélimités : accueil des " jeunes enfants " d’unepart, école maternelle d’autre part. La réformedes financements des CAF doit contribuer à cemouvement, notamment grâce à sa prolongationjusqu’au quatrième anniversaire de l’enfant età la suppression de la condition d’activité de lamère pour prétendre à un accueil régulier.Cet accompagnement de la part des CAF seprésente, en fonction des scénarios possibles :l’accueil des 2/3 ans se fait dans un équipementautorisé dans le cadre du décret du 1er août2000. Il concerne les crèches, haltes-garderies,multi – accueil pour reprendre les labels habi-tuels (évoqués aux articles R 180 - 1 à 7 notam-ment du code de la santé publique) et les jar-dins d’enfants (art. R 180-17 du code de lasanté publique). Ces structures peuvent affec-ter des places au premier accueil des enfants de2 ans, mais également mener des actions nou-velles pour faciliter le passage des enfantsentre la crèche, la famille et l’école.

Il peut également concerner des réalisationsde type expérimental (prévues à l’article R180-26 du code de la santé publique). Le texteprécise les conditions d’expérimentation :convention entre les partenaires, durée de l’ex-périence et modalités d’évaluation et de vali-dation notamment. Ces conditions étant rem-

plies, le bénéfice de la prestation de serviceunique peut être ouvert pendant la durée fixéepour l’expérience.

Les enfants sont accueillis à l’école maternelle.Les classes passerelles, au sein même de l’école,sont sous la responsabilité d’un instituteur -quelquefois en collaboration avec un personnelde la petite enfance - et avec des modalités defonctionnement propres à l’école : horaires etjours d’ouverture, vacances, projet pédago-gique notamment. Limitées aux temps sco-laires, elles ne sont donc pas éligibles à la pres-tation de service versée par la CAF. Toutefois, il faut le rappeler, des possibilités onété offertes en 1995 dans le cadre des contratsenfance , sur les quartiers concernés par la poli-tique de la ville et notamment celle de renfor-cer l'encadrement des petites sections de mater-nelle par un professionnel de la petite enfance,éducatrice de jeunes enfants notamment.

Ces orientations décidées par le conseil d’ad-ministration de la CNAF impliquent un parte-nariat fort au niveau local. Elles requièrent dela part de chacun une volonté de travaillerensemble pour le bien être des enfants. Rendez-vous dans deux ans pour mesurer lechemin parcouru !

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• L’impact de l’âge d’entrée à l’école maternelle sur la réussite à l’école élémentaire

90,8 % des élèves entrés à l’école maternelle àdeux ans sont parvenus au CE2 sans avoir redoublé contre87,7% des élèves rentrés à 3 ans«la meilleure réussite des écoliers scolarisés à deux ansest sensible parmi les enfants de cadres, d’employés etd ’ o u v r i e r s … L’effet positif ne s’observe pas dans tous lesmilieux sociaux… Une prise en charge précoce à l’écolematernelle apparaît souhaitable pour les élèves étrangersou issus de l’immigration auxquels elle permet sans douteune appropriation plus rapide et plus efficace de lalangue et de la culture de leur pays d’accueil.»

Étude de la Direction de la prospective et du développementPD, JP Caille 2001

3des chiffres

Amandine joue avec les nounours

Il fait peur le chat

Quatre enfants

sur dix ne sont

élevés que dans

leur milieu

familial.

À peu près autant

fréquentent,

ne serait-ce

qu’occasionnelle-

ment, un lieu

d’accueil collectif

(crèche, halte

garderie ou école)

et deux sur dix

rencontrent

d’autres enfants

au domicile

d’une assistante

maternelle.

Les cahiers del’ODASmai 2001

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populaire le langage a une fonction utilitaire, ilest lié au faire, au vécu, à soi dans sa relationimmédiate aux autres.Parler à l’école, ce n’est pas seulement prendrela parole même s’il faut aussi apprendre à lefaire, c’est surtout produire de la pensée avecles autres, construire un système de représen-tation du monde.Connaissance des codes L’école est un lieu socialement normé, régipar des codes. La non connaissance de cescodes produit un effet d’étrangeté pour denombreux élèves car ils n’ont pas les repèrespertinents pour décoder.

Mais ce rapport à l’école, aux savoirs, à l’ap-prendre, au langage n’est pas figée, il s’élaboredans l’acte même d’apprentissage. C’est làque l’enseignant peut intervenir pour favoriserune meilleure réussite de ses élèves.

Il nous faut renverser une logique qui ne s’in-téresse qu’aux seuls résultats, oublie les pro-cessus d’apprentissage des jeunes enfant, oublieles démarches d’enseignement qui prennenten compte l’expérience individuelle, oublieune mission essentielle de l’école : la construc-tion d’une culture commune. Sans l’affirmationforte de cette mission l’école maternelle prendle risque de se perdre.

Du désir de savoir à l’envie d’apprendre Le passage n’est pas automatique, tous lesélèves ont le désir de savoir car ce savoir estconstitutif de l’humain. Ce qui pose problème,c’est l’envie d’apprendre, l’entrée volontairedans un processus long, difficile, exigeant. La

mobilisation est possible lorsque les élèves ontconscience d’un but à atteindre, cernent l’ob-jet de travail, mesurent par quelles opérations,quelles procédures ils vont y parvenir, entrentdans la demande de l’école (encore faut-ilqu’elle soit nommée comme telle) qui est l’ac-tivité intellectuelle.

Au centre, l’activité intellectuelleou apprendre au-delà du faireC’est la curiosité intellectuelle qui est moteurde l’activité. Quelque soit son âge, ce qui metun individu en mouvement, c’est le problème àrésoudre, la réalité qui subitement fait butée etcontraint à trouver une solution. Il n’y a pasd’activité sans pensée, l’activité alors ne seréduit pas au faire, elle est mouvement de lapensée, investissement intellectuel de la tâche.Ce n’est donc pas la multiplication des actionsqui permet d’apprendre mais leur compréhen-sion, leur mise en lien - C’est la complexité des situations proposéesqui provoque la mobilisation en posant un défi,créant un enjeu- La problématisation des questions des élèvesouvre aux questionnements, aux cheminementsdivers, aux hésitations, aux erreurs, aux expé-r i m e n t a t i o n s .- La dissociation de la tâche et de l’activitéévite une focalisation sur le faire- Les élèves ont besoin de clarté cognitive pourapprendre : savoir qu’ils apprennent, ce qu’ilsapprennent, pourquoi et comment ils le font ;identifier le début et la fin de l’activité ; mesu-rer leur réussite en en connaissant les critères.- L’inscription dans un processus d’apprentissagepermet la construction du sens de l’activité(mémoire didactique, utilisation des savoirs

L’école maternelle est un lieu de construction de savoirsA l’école maternelle comme ailleurs, les enfantsde milieu populaire échouent statistiquementplus que les autres. Mais nombre d’entre euxréussissent. Comment s’emparer de ces réus-sites pour que d’autres sortent de la spiralede l’échec ? Car nous ne sommes pas condam-nés à l’impuissance. Pour que l’école puisseremplir sa fonction première d’enseignement,pour tous les élèves, nous avons un certainnombre de pistes, tant au niveau de larecherche que de pratiques professionnelles, quiouvrent des possibles. Il me paraît intéressantd’essayer de comprendre ce qui va permettreà des élèves d’entrer dans la culture scolaire,de se l’approprier pour se construire de vraiss a v o i r s .

Les facteurs de discriminationRapport à l’école, au savoir, à l’apprendreLes élèves en échec, dès l’école maternellesont dans un rapport de dépendance affectiveet cognitive à l’égard de l’enseignant, exécutentdes tâches qui ont peu ou pas de sens poureux. Ils ne perçoivent pas le but de l’activité oules finalités de l’apprentissage, ne s’engagentpas personnellement, identifient les objetsd’apprentissages à leur contexte. Pour eux laréussite est conditionnée strictement par lecomportement (il faut être sage, écouter, res-ter assis, se taire…).Rapport au langage : C’est le lieu même, comme le dit E.Bautier dela stigmatisation des différences sociales. A l’école, le langage organise, définit, catégo-rise, explicite, décrit, justifie, analyse, qu’il soitoral ou écrit. Or pour les enfants issus de milieu

Devenir élève

Christine PASSERIEUX

Conseilère pédagogique et membre l’équipe de recherche ESCOL

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La maternelleun lieu pour apprendre

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antérieurs, mises en relations de différentesactivités, conscience des procédures et dess t r a t é g i e s … )- Le temps est essentiel, celui de la maturation,de la réflexion, de l’erreur, de la régression- Le retour réflexif sur l’activité est au-delà dufaire le temps réel de l’apprentissage, quand lesélèves peuvent mesurer leurs progrès, prendreconscience qu’ils apprennent, construire uneimage positive d’eux-mêmes

La socialisation par les apprentissages La socialisation n’est pas une condition auxapprentissages car elle se construit à traverseux. Ce qui définit l’école ce n’est pas le vivreensemble comme dans la famille, mais l’ap-prendre ensemble. C’est parce que les élèvessont là autour d’un même objet, le savoir, etqu’ils n’y sont pas de la même manière, qu’ilsvont avoir à échanger, à se confronter, à pen-ser leurs actions avec d’autres. On est alorsloin d’une logique individualiste de compétitioncar le savoir s’accroît d’être partagé.

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Cette fois, c’est clair. "L’évalua -tion est une dimension centralede l’activité des enseignants, àl’école maternelle comme dansles autres niveaux de la scolaritéprimaire " (Nouveaux programmes)En fait, pas si clair que ça ! Dequelle évaluation parle-t-on ? Pourquoi faire ? Et comment ?

Les textes concernant la mater-nelle ne parlent pas d’évaluationtype CE2 mais bien, pourreprendre les nouveaux pro-grammes d’une évaluation qui "facilite l’adaptation des activitésaux besoins de la classe commede chacun des élèves ". A noterque les évaluations GS/CP sur lelangage, mises en place cetteannée, sont un dispositif pédago-gique (BO du 30/08/2001). Celles-ci sont des outils de travail à uti-liser avec modération ou non en

fonction de l’aide pédagogiquequ’ils peuvent apporter, outils quipeuvent par ailleurs être " variés "et/ou " produits par les maîtres"(cf programmes). Les évaluations sur le langage,telle qu’elles ont été majoritaire-ment proposées à la rentrée deseptembre ont induit de la partdes collègues quelques inquiétudeset reticences non pas sur le fondmais plutôt sur la forme.On a pusouvent constater de réelles diffi-cultés de mise en œuvre des pas-sations : peu d’explication, peude moyens, consignes autoritairesdes IEN quant au nombre d’itemsou aux délais…Le SNUIPP s’étaitprononcé pour une évaluation for-mative et non obligatoire , ce quisemble possible au niveau destextes mais plus aléatoire dans lapratique.

L’évaluation : des croix, toujours des croix ?Points de vue

*Roland Préhembaud IEN en Gironde" l’école maternelle au quotidien "" si évaluer signifie :-aider l’enfant à comprendre qu’il progresse,-aider les parents à comprendre que leur enfantprogresse dans des domaines essentiels,-les aider à comprendre qu’il a sans doute besoind’eux dans certains autres domaines,-les aider à comprendre qu’il a éventuellementbesoin de quelqu’un ou de quelque chosed’autre…Alors on ne voit pas ce qui pourrait faireproblème dans l’évaluation… "

*Christine Passerieux et Michèle Libratti " les chemins des savoirs en maternelle "" donner valeurs aux réussites "" l’école maternelle affirmerait un caractèreinnovant en apprenant aux élèves à prendreconfiance en eux en s’appuyant sur :-ce qu’ils réussissent-ce qu’ils savent déjà, ce qu’ils apprennent-ce qu’ils projettent d’eux-même dans l’acted’apprendre.

École des Chaillots

Les chemins des savoirsen maternelleMichèle Libratti et Christine Passerieux, préface d’Élisabeth Bautier, éditions chronique sociale

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Les cahiers de viereportage

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Le cahier naît dès la seconde

moitié du XIXe siècle pour nequasiment plus varier jusqu’ànos jours. Avant lui les enfantsécrivaient sur une planche avecde la craie. Aujoourd’hui, ilsemblerait que l’immense

majorité des enseignantsestime qu’un cahier biensoigné a des vertuspédagogiques. Une enquête del’inspection générale décrit lessupports sur lesquelsenseignants et élèves ont uneaction écrite. Leur nombre est

important jusqu’à générer unesensation de profusion etd’éparpillement.Les fonctions en sont diverses.Cahier du jour, cahiers deleçons, cahier de devoir, cahierdu soir, cahier de brouillon,cahiers de contrôles…

« Le cahier de vie comme objetconcret est fabriqué à partir d’écritsde matières multiples, signes,représentations, symbolisations,figurations du monde, substratnaturel d’expériences collectées etthésaurisées. Selon le choix, le goût,les préférences de l’enfant.

Le cahier est un objet de culture : chacun des signes qu’il conserve estune symbolisation culturelleprélevée. Il crée un univers deréférence.

Il crée un réseau de relations au seindu groupe, un partage d’expérience.Support de communication etd’apprentissage de la vie sociale.Repère d’appartenance etdécouverte des différences pourapprendre à vivre ensemble.»

La fonction du cahier de vie est bien dedoter l’enfant d’un support deconsignation et de conservationpersonnel gardant la trace, lamémoirede textes et de réalisations qui ont dusens pour lui en tant que personne. Onpeut se poser la question de savoirquels sont les écrits et signes qui sontréellement nécesaires à la vie d’unenfant, qu’il soit à l’école ou ailleurs.Pour les enfants jeunes, il y aassurément tous les dessiuns, lesgraphismes nés du mouvement de lamain sur la surface recouverte. Du tracéaléatoire vontsurgir, peu à peu desformes élaborées par tatonnement.Dans ces graphismes la vie s’exprime, ledessin est un langage puissant, unmoyen d’action sur le mond. CélestinFreinet voit dans les premiers dessinsl’affirmation d’un pouvoir de l’enfantsur la surface, sur le milieu. On peuttracer avec son doigt dans le sable surla vitre embuée… «À parti d’un certaindegré de maîtrise, il ya dédoublementet bifurcation. L’enfant continue à

s’exprimer par le dessin, mais ilcommence aussi à s’intéresser àcfespattes de mouches qui sont unetraduction particulière du langage.» Lesenfants ont besoin du gribouillage pourexprimer une pensée symbolique. Ils’agit pour eux de pouvoir représenterquelque chose (un objet, un événement,une sensation…) au moyen d’unsignifiant (geste, trace, langage… ) touten expérimentant de manière

dynamique les relations entre leursgestes et leurs tracés. Le dessinentretient avec l’écriture des parentésqui justifieraient qu’on continue àl’encourager et à développer unepratique construite bien audelàdel’école maternelle…Le véritable cahier personnel est celuiqui permet d’esquisser, de tatonnersans la sanction du regard de l’adulte.

In Cahiers mémoires de vie - Leleu-Galland

In Cahiers mémoires de vie - Leleu-Galland

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Le cahier de vie présenté aux enfantsCe cahier sert à coller tout ce qui t’intéresse, tout ce que tu as envie degarder, de montrer aux autres : à maman, à papa, à mamie, à papy, auxcopains, à la maîtresse... Il sert à raconter les choses qui sont importantespour toi, à la maison, à l’école. Ce cahier sert àn collectionner tous les écritsque tu rencontres et qui te concernent : l’emballage de ton goûter, la carteque tu reçois pour ton anniversaire, l’invitation à l’anniversaire d’un copain oud’une copine, une photo qui te plaît... Tout cela accompagné d’une petitephrase que tu dicteras à ton papa ou à ta maman et qui l’écrira.

École de Venette (Oise)

Aux parents Aujourd’hui on regarde ensemble, on en parle et oncolle. Plus tard, on regarde, on se souvient.On y retrouve les photos, des écrits, des traces desa vie, de ses relations avec l’entourage, sespremières écritures maladroites, les têtes de sescamarades.

…Comment le cahier de viepeut-il inciter les enfants à parler, les aider à acqué -rir des compétences de ver -balisation, d’expression, de communication, desconnaissances sur la langueet de ce fait, préciser desschémas depensée quiengendreront un développe -ment des compétences intel -lectuelles ? Car les mots nesont pas l’expression de lapensée. C’est la pensée quise réalise dans la mise enm o t s . «En se transformanten langage la pensée seréorganise et se modifie.Elle ne s’exprime pas, maisse réalise dans le mot.» (Vygotski - Pensée et langage)

In Cahiers mémoires de vie - Leleu-Galland

120 pages - 16 ¤Scérén. CRDP

de l’académie d’Amiens

Que le support choisi soit carnet,cahier, album, journal, l’objet decollecte et de remise en ordre dela réalité tisse un réseau de rela -tions pour celui qui le tient… Onne dira jamais assez que, pourque les enfants apprennent legeste si difficile d’écrire, pourqu’ils prennent l’habitude de lanotation et de la formalisationécrite, il faut leur fournir desoccasions, des prétextes si pos -sible pas trop désincarnés de pra -tiques réelles, sociales, obser -vables et utiles en dehors del’école.…E c r i r e est une c o m p é t e n c eessentielle pour réussir à l’écoleet pour fonder son existence desujet. Le cahier de vie est un outil favo -r i s a n t l’autonomie de l’enfant.Les démarches et recherches per -sonnelles sont encouragées. Lemaître prend soin d’accompagneret de conseiller chacun de manièreindividualisée, en fonction desdemandes. Il complète et orienteles choix selon des besoins repé -rés.Les cahiers de vie sont des sup -ports de rencontres. Ils permet -

tent d’établir descontacts entre les diffé -

rentes facettes des mondes danslesquels l’enfant vit, la société, safamille, l’école qu’il fréquente. Ilsfavorisent le dialogue entre ceséléments et constituent pour l’en -fant un excellent prétexte pourparler, évoquer, raconter des évé -nements dont la trace figure dansles pages du cahier.L’ensemble des cahiers de vie per -met de faire exister une culturecollective.Les enfants découvrent que desexpériences, heureuses ou plusdouloureuses, peuvent se partager- c’est une des fonctions de la lit -térature.Le cahier, mémoire de vie, est unoutil qui peut être support d’ap -prentissages autour de l’écrit, dutemps et de la mémoire. Objet àsoi, il favorise, par l’action, l’ac -quisition d’une culture signifianteet donne l’occasion à l’école dejouer son rôle d’acculturationauthentique. Au cœur du projetscolaire, bat la vie reconnue etconsignée de chacun des enfants.

Les intérêts pédagogiquesDe la pensée

au mot

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tiples. A l'opposé d'une culture définie commeobjet " supplément d'âme ", l'implication desenfants ici recherchée vise d'abord à dévelop-per des attitudes culturelles : émergence dudésir et élaborations personnelles de réseaux deréférences construisent ce que nous appelons unsujet culturel.

Organiser l'espace et le tempsselon une exigence d'apprentis-sages culturelsLe coin-livres disparaît... ne serait-ce que parcequ'on ne peut inscrire tous les enfants dans un" désir des livres " en mettant ces derniers " aucoin ". Le lieu de regroupement, nécessairementassez vaste, permet la création d'un espace-livres ; moins attirants parce qu'en compétitionavec ce nouvel espace qui peut engager chacundans des " aventures intellectuelles ", les coinsjeux sont moins fréquentés, peuvent donc seréduire, jusqu'à disparaître en grande section.Aux tables, les activités traditionnellement pro-posées relèvent d'un " rituel ", ce qui signifiequ'elles ne correspondent à aucune nécessitédans l'esprit des enfants. Nous nous efforçons aucontraire de proposer des situations derecherche qui prolongent les questionnementsamorcés dans l'espace-livres, et qui y renvoient

à leur tour (par exemple, revenir aux albumspour résoudre un problème posé par un montagephotocopié). Parce que ce sont de " vraies "démarches intellectuelles, les enfants peuventy développer de véritables interactions langa-gières et se construire un effectif pouvoir de lap a r o l e .

Quelques remises en questionn é c e s s a i r e sIl est habituel de proposer des " séances delangage " sur les vécus extérieurs à l'école,elles aussi ritualisées ("quoi de neuf ? ") ; recon-naissons que ces moments se résument géné-ralement à une succession de monologues.Seules les prises de parole portant sur des vécuspartagés - et notamment, dans notre perspec-tive, les vécus culturels - permettent de véri-tables prises de parole fonctionnelles : narratifsou descriptifs, souvent explicatifs ou argumen-tatifs, ces échanges verbaux structurent conjoin-tement et le langage et les objets conceptuelsen jeu dans ces moments.On se gardera de même de la trop grandeconfiance que l'on accorde d'habitude à l'ap-proche par thème: lire quelques albums de sor-cières à l'occasion d'Halloween risque fort defaire passer les textes eux-mêmes au secondplan. Comme l'ogre, comme le loup, la sor-cière est un personnage capital des récits de tra-dition orale, et fait l'objet aujourd'hui de toutessortes de réinterprétations dans la littérature dejeunesse : c'est pourquoi il est important d'ap-préhender cette " figure narrative " dans sarichesse, sa diversité, donc dans la durée - c'estce que peut permettre, au fil des mois et destrimestres, la construction progressive d'unréseau de textes la mettant en scène (pour desréférences sur les lectures en réseaux. (cf notresite wanadoo.fr/livresenreseaux) .

Créer des conditions de réussite pour tousEn cela, notre approche s'oppose à l'idée de "lutte contre l'échec ", avec son cortège deremédiations dont les formes se diversifient etse médicalisent (cf la vogue croissante du dépis-tage des troubles potentiels de toute nature).Il faut au contraire, tout au long de l'écolematernelle et dans la continuité des cycles,inscrire les enfants dans une dynamique demédiations culturelles. Dès la petite-moyennesection, la classe peut être un lieu de vie intel-lectuelle à la condition qu'on la considèrecomme un " espace culturel ", qu'on y déve-loppe, au quotidien, un intérêt pour des savoirsaussi variés que possible : lectures d'albums etde contes certes, mais également lectures poé-tiques, lectures informatives (documentairesde tous types, que prolonge le visionnement defilms, souvent irremplaçable - vie des animaux,peintres au travail, connaissance d'autres modesde vie, etc.).Comme c'est le cas dans les milieux intellec-tuellement favorisés, l'abondance des proposi-tions culturelles est décisive: elle modifie le sensde la présence à l'école, induit l'intérêt, ledésir, permet à chacun ses propres chemine-ments dans la construction de références mul-

Bernard DEVANNE Professeur à l’IUFM

de l’Académie de Caen

A l'origine du groupe lecture-écriture de l'Orne, au début des années 80, il y avait le soucid'explorer des pistes susceptibles de rendre tous les enfants capables de produire destextes de qualité, en premier lieu des textes narratifs ; nos travaux s'intéressaient aux" déjà lecteurs ", du CE 1 au CM2. Nous nous sommes cependant rapidement rendu comptedu fait qu'à ce stade de la scolarité il était déjà bien tard, parce qu'il est impossible enquelques semaines, voire quelques mois, d'inscrire dans une culture des textes et de lalangue les enfants qui ne disposent pas chez eux de tels apports - en d'autres termes,que les constructions culturelles sous-tendant une maîtrise suffisante des productionsattendues au cycle 3 devaient, pour être efficaces, être " travaillées " dès le début dela scolarité.

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Je lis et j’écrisà l’école maternelle

colloque

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Le fait de proposer, en les étalant sur de longuespériodes, des textes susceptibles de " dialo-guer " entre eux, donc de faire appel à desconduites comparatives de la part des enfants,est le meilleur moyen d'éviter la pratique ordi-naire, et très formelle, des questions aprèslecture, des demandes de reformulation. Amesure que les enfants adoptent cettedémarche intellectuelle, ils prennent pouvoir surles textes - comme sur d'autres objets culturels- et de ce fait même les interactions verbalesapparaissent spontanément parce qu'elles cor-respondent à une nécessité: établir de nou-veaux liens, les contester, les renforcer, etc.C'est pourquoi il est fréquent d'entendre, dansces échanges, des enfants qui ne prennentjamais la parole en réponse aux questions ins-pirées par le seul souci didactique de l'ensei-g n a n t ( e ) .Sur un autre plan, la pratique de la dictée àl'adulte illustre assez bien le " renversement "qu'il faudrait opérer: dictant des écrits du quo-tidien (des récits de vie notamment), l'enfant nepeut comprendre pourquoi il faut écrire autrechose que ce qu'il dit spontanément: en cela, les" exigences " de la langue écrite lui sont impo-sées et sont normatives. S'il s'agit au contrairede produire des textes littéraires (textes nar-ratifs ou poétiques), on voit les enfants parve-nir à les penser directement dans la langue quileur est propre... à la condition qu'ils aient

préalablement construit de façon assurée, doncsur de longues périodes, ces références cultu-r e l l e s .Les nouveaux programmes de l'école mater-nelle accordent une certaine importance à cetaccès à des champs culturels : celui des litté-ratures traditionnelles (contes, légendes)comme celui de la littérature de jeunessecontemporaine; ils n'en font pas néanmoins laclef de voûte de la réussite. Nous constatonspour notre part que c'est en inscrivant quoti-diennement les enfants les moins favorisés dansde telles approches qu'ils se mettent eux-mêmesen dynamique - en dynamique de réussite.

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Nouveaux programmes2001 a été l’année de l’élaboration de nouveaux programmes à partir du tra -vail d’un groupe d’experts. La version finale et définitive en a été publiée auBO du 14/02/2002 ainsi que dans un livret du CNDP, " Qu’apprend-on à l’écolematernelle ? ". Chaque enseignant a du en recevoir un exemplaire. Si ce n’estle cas demandez-le auprès de votre circonscription.2002 doit être l’année dela mise en œuvre de ces nouveaux programmes.

Bernard Devanne est coauteur de Apprentissages de la langue et conduites culturelles - Maternelle (en collaboration avec M. Corbenois, E. Dupuy et M. Martel - Bordas, 2000)

L’espritLa maternelle, sa spécificité et sa péda-gogie sont valorisées. Pour ne citer queJean Hébrard, inspecteur général etNoëlle Bardot, de l’AGIEM, tous deuxmembres du groupe d’experts, l’unparle de " maternaliser l’école élémen-taire " et l’autre insiste sur le fait queles programmes de l’école maternellefont à eux seuls l’objet d’un livret indé-pendant de celui des autres cycles.

La place de la grande sectionL’organisation des trois cycles resteinchangée et conforme au décret du6/09/90.Par contre, il est précisé queces programmes « concernent la totalitéde l’école maternelle.» L’unité de cetteécole est donc préservée et la présencede la Grande Section au cycle 2 supposel’application du " cadre spécifique de la

pédagogie de l’école maternelle ". Parailleurs, ces programmes parlent d’une" école organisée pour les plus jeunes "avec des références aux tout petits,même si l’on peut considérer que celareste insuffisant.Le SNUIPP, pour sa part, a, commel’avait fait la profession lors de laconsultation organisée à l’automne2001, souligné le caractère ambitieuxdes nouveaux programmes . Ceux-ciconfirment l’importance de la scolari-sation dès l’école maternelle.

Les contenusPriorité au langage : premier domained’activité qui apparaît de façon trans-versale dans les quatre autres domaines.Introduction des langues vivantes engrande section pour un " premiercontact " dès la rentrée 2005.

Un domaine est entièrement consacré àl’activité motrice.Séparation très nette des activités dedessin, graphisme et écriture.

Et après ?Des remarques issues de la consulta-tion, certaines relatives aux contenusont été retenues. Mais la très grandemajorité des synthèses réalisées notentl’inquiétude des enseignant-es quant àla possibilité réelle de mettre en œuvreces programmes dans des conditionsacceptables. Le SNUIPP est intervenudans ce sens en dénonçant le décalageentre une ambition affichée et lesmoyens existants pour y parvenir.Actuellement, les documents d’appli-cation concernant la maternelle ne sonttoujours pas publiés. Le silence duMinistère à ce sujet et concernant lamaternelle en général confirme lescraintes du SNUipp quant à la place etaux moyens qui vont être consacrés àcette école.

Un document dont chaque enseignant a dû être destinataire…

Pour une fois que leministère produit undocument utile… il le cache ! C’est ça, dès qu’onparle de «scolarisa-tion réussie des toutpetits» !

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Petit Prince Pouf est leprécédent album de Claude Ponti écrit avecAgnès Desarthe

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Qu’est ce que cela vous fait d’entrer offi-ciellement dans les programmes de l’écoleprimaire ?Ça fait le bonheur de ma mère qui est instit enretraite, et le mien aussi. Mais a priori ça nechange rien pour moi. Ça fait plaisir. C’estaussi un peu inquiétant parce qu’on ne saitjamais comment on va être traité, mais detoute façon je l’étais déjà avant. C’est unechose que je mets à part de moi. Je n’y pensepas, je n’ai pas changé, parce que je trouveque c’est un peu impressionnant. Cela merappelle les auteurs que j’étudiais lorsquej’étais petit : des grands bonhommes avecdes barbes blanches qui existaient dans unmonde complètement à part. Évidemment lerapport aux auteurs a changé aujourd’hui ; lesenfants savent que l’on est vivant que l’onexiste vraiment. Ça me fait bizarre de penserqu’il y aura des enfants à qui ce sera imposé,plus ou moins, et en même temps j’espère quecela fera plaisir à beaucoup.

Le fait d’être présent dans les écoles, faisaitdéjà partie de votre univers. Est-ce quecela a une influence sur votre travail ?Sans que cela soit perçu péjorativement celafait un bout de temps que je pense que les ins-tits ont une capacité de transformer tout etn’importe quoi en matériel pédagogique et

c’est assez extraordinaire. Mais c’est uncompliment que je leur fais. J’ai vu mes livrestraités de manières très différentes. Desmanières qui parfois me choquent, parfoism’étonnent. Je suis impressionné de ce que jevois parce que ça conduit à des tas d’endroitsauxquels je n’avais pas pensé. À partir dumoment où le livre rentre dans l’école, ildevient un petit peu autre chose et je necherche pas à maîtriser ce qui se passe après.Le monde de l’école est un monde à part. Mondésir secret, c’est de faire de la littératurepour les enfants. Penser qu’ils peuvent avoirune littérature comme tout le monde et aprèsce que cela devient … Je ne cherche pas spé-cialement à être pédagogique, à faire deslivres pour apprendre à bien lire, à bien pen-ser, bien écrire…

Qu’est-ce qui vous choque ?Lorsque le texte est changé et n’a plus rien àvoir avec mon travail, ou lorsque, parexemple, on prend une image du livre et quel’on fait inventer la suite ou la fin par lesenfants sans qu’ils aient lu le livre. C’est uneforme de négation de mon propre livre. Maisje surmonte. En fait, cela ne me choque pasvraiment. J’ai le sentiment qu’il ne sert pas àce à quoi il devait servir. Mais cela dépendaussi des enfants et des enseignants. Les

enfants inventent des choses si belles quel’on se rend compte que c’est juste une ques-tion d’orgueil imbécile de la part de l’auteur.

Êtes-vous attentifs à ce qui se passe dans lesécoles ? Y allez-vous ?Oui, cela m’arrive. En fait c’est aussi unesource de contrôle. C’est précieux le regarddes enfants. Ils sont attentifs. Ils sont hon-nêtes. Ils disent ce qu’ils comprennent et cequ’ils ne comprennent pas. Mais ce n’est pasgrave. Un groupe d’enfants voit tout. Il y atoujours un enfant pour voir ou comprendre ceque l’autre n’a pas vu ou compris. Il m’est même arrivé dans un album de laisserpasser une erreur que je n’avais pas vue à larelecture, que l’éditeur n’avait pas vue, quepersonne n’avait vue. Et un jour, cinq ansplus tard, un enfant me demande pourquoi, àla dernière page de l’album, un personnage atrois bras !

Que diriez-vous aux enseignant-es de l’écolematernelle ?Qu’il faut être libre ! Qu’ils coupent, qu’ilsrecoupent, qu’ils découpent qu’ils écriventpar dessus mes albums... Je ne leur envoudrai pas. Je leur fais confiance.

Propos recueillis par Bruno Kozole

Claude Pontiinterview

“ Il faut être libre ”

Le nouvel album de Claude Ponti, Schmelele et l’Eugénie des larmes,

sera dans les librairies fin novembre 2002, dans la collection Albums de L’école des loisirs.

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lecture experte d’albums

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Des enseignants, entraînésà lire collectivement des

textes, ont rédigé dessynthèses de plusieurs

livres travaillés dans leurclasse en cycle 1. Avant

tout pour dire que l’actepédagogique débute par

un engagement del’adulte dans ces livresqu’on dit pour enfants.

AFL 2002

A deux ans, l’apprentissage de la lecturecontinue…" L’enfant voit, dès son plus jeune âge, sesparents, ses frères… lire des livres, des jour -naux, des prospectus (…) on feuillette avec luiun livre… on lui donne connaissance de l’his -toire… il la reconstitue à partir desimages1... " Les enfants fortunés se consti-tuent ainsi, en privé, leur bibliothèque. Ilsn’auront plus qu’à aller voir, l’heure de l’en-seignement venu, du côté du code : commentdire ce que je n’ai jamais entendu, commentlire l’inouï ? " Le propre d’un apprentissage lin -guistique, c’est qu’à travers l’usage en situa -tion qu’il fait de messages qui l’intègrentalors qu’il n’a pas encore les moyens de leurtraitement autonome, l’apprenti parvient àmettre en relation de la signification et dulinguistique jusqu’à attribuer des fonctionsspécifiques à des unités isolées (…) on nepeut entrer dans un nouveau langage que parl’usage qui en est fait en tant qu’outil depensée et de communication. " 2

A la recherche d’une écritureEn choisissant des livres, ce qui nous sembleurgent de faire vivre à tous les enfants, c’estl’expérience de l’écriture. L’auteur se débatavec ce qu’il veut dire et les moyens pour ledire. Le lecteur rencontre le résultat de cette

aventure intellectuelle et son plaisir s’ac-complit lorsqu’il s’associe au projet du livre :" Il va retrouver ses parents, à la fin… "" D’abord, il y en a 10, puis 9, puis… " Unereprésentation du texte naît tandis qu’il n’estqu’au début de son argument. Elle l’accom-pagne dans l’anticipation, comparant l’at-tente suscitée à la réalité. C’est pourquoinous regardons toujours comment fut écritce qui se donne à lire. Jeux graphiquesLe support aussi fait sens : que serait Plouf !3

sans son allure de puits ? Et les récits linéairesde Ponti sans leur format à l’italienne ? Laplace donnée à l’écriture lui confère ou nonvaleur de texte : certains l’installent commeun dessin 4 : usage a-grammatical des majus-cules, choix des polices. D’autres jouent surles caractères, les augmentant pour certainssentiments, les diminuant pour d’autres. Il ya les mots qu’on cache excitant le jeu desanticipations. Il y a ceux qu’on intègre dansl’histoire : rayant la page, ils assurent la cir-culation des voix… 5

Une écriture qui n’est pas de l’oral transcritL’oral, la langue de l’origine, s’écrit. Tra-vaillée, elle revient dans l’écrit sous uneforme poétique : - rime et rythmes sont ciselés.6

- des phrases, des expressions balisent le récitde bornes répétitives.7

- des écritures brodent sur des mots d’en-fants.8

Les structures rompent avec l’oral, pour lecours chaloupé d’un récit ou la mise en sus-pens de sa fin :- on accumule jusqu’à l’effondrement.9

- on ajoute, on supprime, ou le contraire,suggérant les opérations d’écriture.10

Le choix du narrateur, ses modes d’interven-tion, attirent sur la construction d’un récit, sespartis pris.11

La culture comme un facteur d’évolution,comme un processus.12

L’écriture est au service des grandes questionshumaines : reprise des mythes, diversifica-tion des regards, débats, qui font de la cul-ture non pas un bien mais une attitude. Avecla permanence du texte, le lecteur est face àune partition qu’il orchestre en apprenant àutiliser le code graphique comme une com-position savante. Là, vit une autre langue quin’est pas dans la stricte filiation de l’oralmais qui, si on intéresse les enfants à l’histoireen même temps qu’à sa narration, fertiliserales mots de tous les jours, l’expression dechacun.

De grands livres tout de suite et pour toujours

Yvanne CHENOUF Présidente de l’Association

française pour la lecture (AFL)

1Jean Foucambert, La manière d’êtrelecteur, Albin Michel, 1994, réédition, p. 972 Du message au code…, Les Actes deLecture n° 64, décembre 1998, pp. 11-123 Philippe Corentin, Plouf !, L’école desLoisirs - 4 Par exemple les livres de BénédicteGuettier, chez Loulou & Compagnie5 Voir la plupart des albums du Rouergue6 Bruel C., Claveloux N., Alboum, Ed. Etre 7 Rascal & Girel S., Ami-Ami, L’école desLoisirs 8 Douzou O., Jojo la mache, Le Rouergue9 Burningham J., La promenade de Mr.Gumpy, L’école des Loisirs10 Emberley E., Va-t-en grand monstrevert, Milan11 Philippe Corentin, Machin chouette,L’école des Loisirs12 Pour reprendre l’expression de BertoldBrecht

L’AFL a publié deux ouvrages pour aiderdans le choix des livres : " Comment choisirles albums ", 2000, " Lectures Expertesn°2, cycle 2 " 2002 (ci-dessus)

Notes

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Roland PRÉHEMBAUD

Ancien IEN de Gironde

Conséquence de son image positive d’une part et de la notion de " places disponibles "d’autre part, l’école maternelle a, depuis toujours, accueilli des enfants de plus en plusjeunes, dans des structures déjà en place et qui avaient été pensées et organisées pourdes enfants plus âgés.

La meilleure école du monde, mais...On ne peut donc s’étonner si, pour ces petits,l’organisation du temps, les espaces, lesformes pédagogiques, la formation desMaîtres, la place des parents, les outils d’en-seignement, sont souvent des répliques qua-siment " à l’identique " de ce que l’on peuttrouver pour les plus grands. Force est deconstater par ailleurs que le regard posé parles responsables du système, aux diversniveaux d’interventions, se satisfait bien sou-vent de cette image de " semblant d’école "ou, au mieux, d’école en " modèle réduit ".Parents satisfaits d’une prise en charge gra-tuite, élus satisfaits de l’image sociale donnée,administration satisfaite des taux d’encadre-ment, enseignants satisfaits de la relève assu-rée et donc de la pérennité de la structure, onn’est pas loin du consensus pour célébrer la "meilleure école maternelle du monde "… saufà se demander si elle joue toujours le rôle queles Instructions officielles définissent pourelle, et pourquoi certains enfants ne tirent pasle profit attendu.

Un énorme effort d’adaptationOr, entrer à l’école maternelle, c’est sou-vent aborder de nouveaux cadres qui n’ontplus rien à voir avec ceux que l’enfant aconnus jusque là :• un nouveau cadre horaire, marqué par desmoments spécifiques, par l’alternance d’ac-tivités, par le rythme hebdomadaire de fré-quentation…• un nouveau cadre spatial caractérisé par lanouveauté, la variété et les dimensions desnouveaux espaces…

• un cadre réglementaire, fait de contraintes,d’interdits, d’obligations, de permissions…• un cadre relationnel bien différent du micro-cosme familial, avec des pairs nombreux, desadultes aux rôles différents, des parents quidisparaissent quotidiennement…C’est dire qu’on demande aux enfants trèsjeunes un énorme effort d’adaptation à l’ins-titution scolaire et que, pour certains d’entreeux, en particulier pour ceux qui sont les plusdémunis sur les plans socio-culturel et/ouaffectif, il y a là une difficulté majeure quiempêche souvent l’élève d’entrer avec unréel bénéfice dans son " métier d’écolier " etdonc l’Ecole maternelle de jouer complète-ment son rôle. Il est clair que l’enfantconfronté aux apprentissages n’a que peu dechances de les réussir s’il est confronté à unenvironnement vécu comme hostile ou inquié-tant ou épuisant…mais il est tout aussi clairqu’inciter à un accueil précoce dans lesmilieux carencés ( ZEP ou REP ) revient àprendre l’engagement qu’il s’agit bien d’une" valeur ajoutée " au parcours scolaire !

Une école qui a des objectifsPour que l’Ecole maternelle devienne réelle-ment " l’Ecole de tous les possibles ", il fau-drait donc aider les enseignants à mettre enplace une Ecole qui prenne vraiment encompte la spécificité des enfants très jeunes,leurs besoins affectifs, physiologiques,moteurs... pour que le " mieux vivre à l’école "garantisse l’efficacité de la pédagogie et desapprentissages. Il faut aussi les aider à mettreen place des situations pédagogiques, desmodalités d’apprentissage, des outils d’ob-

servation et d’analyse des résultats qui, sedémarquant des autres niveaux d’enseigne-ment, donnent à l’Ecole maternelle tout sonsens en favorisant les acquis du petit élève.Il s’agit bien d’un équilibre à trouver entredeux nécessités... il s’agit bien de faire fonc-tionner une Ecole maternelle qui soit réelle-ment adaptée à l’âge des enfants, à la situa-tion actuelle de la petite enfance (notammentdans les zones sensibles) sans pour autantoublier que l’Ecole maternelle constitue l’en-trée dans une institution qui a ses perspec-tives, ses enjeux, ses contraintes et un projetd’enseignement.

Une volonté partagéeOn mesure que cela ne peut se mettre enplace sans une volonté partagée. Celle del’Education Nationale et de ses représentantspour que l’école maternelle soit encouragéeà ne pas se contenter de " faire semblant "d’être une école…Celle des élus locaux pourque l’école maternelle ne soit pas sacrifiée surl’autel de l’élémentaire… Celle des parentspour que l’école ne soit pas seulement atten-due comme la solution à dix heures de gardequotidienne… Et enfin celle des enseignant-esde l’école pour que l’école maternelle ne soitpas considérée seulement comme un lieu devillégiature …

Beaucoup d’initiatives individuelles ou col-lectives traduisent, sur le terrain, ce soucide prendre en compte de nouvelles données,de façon authentique, au service des plusjeunes et des plus démunis. Peut-on les faire sortir de la confidentialité,voire de la clandestinité ?

Mieux vivre à l’écolepour mieux apprendre

colloque

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Les textes officiels Livres, vidéos...sélection de titres

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Vidéo" La Passerelle des 2ans " (St jean de la Ruelle),IUFM d’Orléans.

CD-romL’acceuil des tout-petits à l’école maternelle,Crdp de Haute Normandie

Publications du SNUipp. Fenêtre sur cours spécial Université d’au -tomne 2001 (n°216.27/11/01)

. Actes de la Première Université d’automne duSNUipp, Ecolire

. Fenêtre sur cours n°204 (5/03/01) : dossierpetite enfance.

. Fenêtre sur cours n°225 (27/05/02) : col-loque maternelle du SNUipp du 23 mai 2002

Articles de Presse. Le Monde du 27 et 28 juin 2002

. Libération du 27 mars 2001

. La Croix du 31 août 2002

Revues petite enfance. Le Furet, revue de la petite enfance et de l’intégration, 19 rue Thiergarten. 67000 Strasbourg Tél : 03.88.21.96.62

. Le Journal des Professionnels de l’Enfance. 12rue Raymond Poincaré, 55800 Revigny surOrnain, Tél : 03.29.70.56.33n°16 (mars-avril 2002) : " les modes d’accueil"

. L’Ecole des Parents, 5 impasse Bon-Secours,75543 Paris cedex 11 - Tél : 01.44.93.44.70

Livres. L’Explorateur nu, Jean Epstein, co-auteuravec Chloé Radiguet, éditions universitairesDes vertes et des pas mûres, même auteuréditions universitaires

. Spécial maternelle : Apprendre pour grandir.GFEN Normandie-Centre

. Lire Ecrire au cycle 1, Dossier de l’AssociationFrançaise pour la Lecture

. Apprentissages progressifs de l’écrit à l’écolem a t e r n e l l e, coordonné par Mireille Brigaudiot,INRP Hachette éducation

. Pratiques de l’écrit en maternellesous la direction de Dominique de Peslouan, ESFéditeur

. La scolarisation à 2 ansAgnès Florin, INRP

. A l’école à 2 ans, pourquoi pas ?préface de J. Lévine. Nicole PradelHachette éducation

. L’école maternelle à 2 ans : oui ou non ?Bianca Zazzo, Paris stock

. Comment l’enfant devient élèveM Zerbato-Poudou, éd. Retz

. Les enfants de 2 à 3 ans, dossier réalisé parl’Atelier Petite Enfance du Rhône, 15 avenueSidoine Apollinaire.69009 Lyon. 04.78.83.38.76

. Claude Ponti, Sophie Van Der Linden, col-lection Boîtazoutils, éditions Être, 2000

. L’enseignement scientifique à l’école mater -nelle, Maryline Coquide-Cantor - André Gior-dan, CRDP Alpes Maritimes, Z’Editions

. Enseigner les mathématiques à la mater -nelle, Françoise Cerquetti-Aberkane - Cathe-rine Berdonneau, Hachette éducation

. Maternelles sous contrôle. les dangers d'uneévaluation précoce, Annick Sauvage et OdileSauvage-Déprez, éd. Syros

. L'enfant de 2 ans est-il un élève ?, ouvrageissu du colloque de Clichy-sous-Bois (mai 2001)coll. Mille et un bébés, éd. érès

Accueil en maternelle. Loi du 10 juillet 1989" Tout enfant doit pouvoir être accueilli, àl’âge de 3 ans, dans une école maternelleou une classe enfantine le plus près possiblede son domicile, si la famille en fait lademande "

La scolarisation des 2 ans. Décret du 6 septembre 1990" Les enfants qui ont atteint l’âge de 2 ansau jour de la rentrée scolaire peuvent êtreadmis dans les écoles et les classes mater-nelles dans la limite des places dispo-nibles...L’accueil des enfants de moins de3 ans est assuré en priorité dans les écolessituées dans un environnement social défa-vorisé, que ce soit dans les zones urbaines,rurales ou de montagne, et particulière-ment en ZEP "

. Circulaire du 20 juillet 1992 (complé-ment du décret précédent)" Cet accueil concerne les enfants qui ontatteint l’âge de 2 ans au jour de la rentréescolaire. Toutefois les enfants qui attein-dront cet âge dans les semaines suivant larentrée et au plus tard au 31 décembre del’année en cause pourront être admis, àcompter de la date de leur anniversaire. "Il s’agit d’enfants dont " l’état de santé etde maturation physiologique constatée parle médecin de famille est compatible avecla vie collective en milieu scolaire "

Petite enfance, partenariatset ouverture de l’école. Protocole d’accord relatif à la petiteenfance du 20/09/1990,signé par les minis-tères de l’Education Nationale, de la Soli-darité et celui de la Santé et de la Famille. Ce protocole souligne la nécessité d’uneaction éducative pour les enfants de 0 à 6ans et donc de favoriser la participationdes parents, les articulations entre desstructures d’accueil, la préparation à l’en-trée à l’école et la nécessité de formationscommunes entre professionnels de la petiteenfance.

. BO n°28 du 12/07/2001sur les Réseaux d’écoute, d’appui et d’ac-compagnements des parents

. BO N°6 du 7/02/2002concernant la mise en œuvre d’un pland’action pour les enfants atteints d’untrouble spécifique du langage écrit et oral

Rapports Officiels sur les 2 ans. Rapport sur les dispositifs passerellesInspecteurs généraux B.Gossot et D.Villain.Ministères de l’Education Nationale, del’Emploi et de la Solidarité, de la Famille etde l’Enfance, novembre 2000

. Jeantheau J.P, Murat F., DPD (1998)mesure l’impact de la scolarisation à 2 anssur les compétences des élèves au momentde l’entrée au CP, Note d’information duMEN n°98-40

. J.P. Jarousse, A. Minga, M. Richard(1992)la scolarisation à 2 ans : effets pédago-giques et sociaux, éducation et formationn°31

(hors références faites dans la publication)

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Pour une grande école m

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Entrer à l’école est une étape importante dansla vie d’un enfantC’est parfois la première séparation d’avec safamille. C’est un monde nouveau qu’il lui fautconquérir. Un monde où il n’est plus au centre,un monde régi par des règles. Mais l’école mater-nelle va apprendre à l’enfant à découvrir sonenvironnement, ses propres possibilités et quel’on peut agir sur son environnement par laparole, par l’action. Conquérir le pouvoir de lapensée…Ces enjeux sont élevés. Ce sont ceux de tout acteéducatif et cela commence à l’école maternelle.D’où l’intérêt et l’importance d’y accorder toutenotre attention.

La formationPour cela, un effort particulier doit être fait endirection de la formation initiale et continue.Aujourd’hui, seulement 41% des enseignant-es dematernelle partent en stage (47% en élémen-taire). Les demandes de départ en stage sontsatisfaites à seulement 59 % (67 % en école élé-mentaire). Le remplacement des enseignant-esde maternelle est trop souvent considéré commesecondaire (" l’école n’étant pas obligatoire "…),l’offre des actions de formation est insuffisam-ment diversifiée notamment en ce qui concernela scolarisation des plus petits. Pour le SNUipp,il est primordial que le potentiel d’offre de for-mation et les possibilités de participation aux

actions de formation soient augmentés.Un monde à comprendreL’école maternelle est le premier contactavec les apprentissages scolaires, mais cela neva pas de soi pour tous les enfants. D’autantque le monde scolaire a son vocabulaire, son" code " et qu’il est difficile pour certainsenfants de comprendre ce que l’on attendd’eux, de comprendre que l’école va leurpermettre de grandir mieux. Pour cela, les conditions de scolarisation desenfants sont un enjeu capital. Les Atsem ontune place importante à l’école élémentaire.Tant dans l’aide aux activités pédagogiquesdans les classes, que dans les relations avec lesenfants, qui sont un apport riche et particu-lier. Leur fonction doit être mieux reconnue etune formation de haut niveau est nécessaire.Enfin, elles doivent être en nombre suffisantdans les écoles pour permettre un bon fonc-tionnement.

Une école qui mérite mieuxOr, le constat sur la situation des classes dematernelle n’est pas satisfaisant. Les effectifssont souvent trop chargés. Ecole non obliga-toire, la maternelle fait souvent les frais desréductions de postes dans les départements aumoment de l’établissement de la carte sco-laire. Ce qui a pour double conséquence defaire reculer la scolarisation des enfants de 2-

3 ans et d’augmenter les effectifs par classe.Ce qui induit aussi parfois des fusions d’écoles(maternelle et élémentaire) imposées et lascolarisations à mi-temps des élèves. Ce n’estpas acceptable !Pour le SNUipp, les effectifs ne devraient pasdépasser 25 élèves par classe, 20 dans lesZEP et 15 dans les sections de petits.Quand à la scolarisation des enfants de 2-3ans, elle doit être prise très au sérieux. C’estaux familles, en lien avec les enseignant-es depouvoir faire le choix du moment de l’entréede leur enfant à l’école. Tous les spécialistes,toutes les expériences montrent que lesbonnes conditions de scolarisation sont indis-pensables pour que cette scolarisation soitun facteur de réussite : faible effectif parclasse, locaux adaptés, souplesse deshoraires…Il est temps le Ministère traite cettequestion avec le sérieux qu’elle mérite.Pour le SNUipp, l’école maternelle doit béné-ficier d’un plan d’abaissement des effectifset être mise en capacité d’accueillir, dansde bonnes conditions, tous les enfants dont lesparents en font la demande.

Mais une école de qualitéConvaincus de l’importance de ce qui se passedu matin au soir dans leur classe, c’est grâceà l’énergie et très souvent à l’imaginationpédagogique déployée par l’ensemble de la

Et quelques propositions du SNUipp

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e maternelleprofession que l’école maternelle a progresséau cours de ces décennies. A l’école mater-nelle on apprend par des voies variées et mul-tiples ; souvent par le jeu, mais c’est dusérieux.

Renforcer la préventionLa détection précoce des difficultés, quelquesoit leur nature, permet une remédiation plusrapide et évite ainsi de placer l’enfant en situa-tin d’échec. Encore faut-il que les personnelsspécialisés soient en nombre suffisants pourpouvoir visiter tous les élèves, qu’ils aient letemps, avec les enseignant-es, d’échanger pourtrouver les solutions adaptées. Pour le SNUipp, les possibilités d’interven-tion des RASED, et de la PMI, doivent êtreaméliorées.

Un espace à améliorerL’organisation pédagogique et le fonctionne-ment de l’école sont également déterminantspour que l’enfant y trouve sa place. L’amé-nagement des espaces, l’organisation des dor-toirs, la surface des salles de jeux et de motri-cité, l’aménagement des cours de récréation,l’organisation et l’espace de la classe, lavariété des matériels…doivent permettre demettre en place des situations pédagogiquesvariées et adaptées afin que l’enfant évoluedans un espace agréable à son échelle. Le

travail de Roland Préhembaud montre ce qu’ilest possible de réaliser pour organiser aumieux l’école.Il n’en reste pas moins que des efforts restentà accomplir pour améliorer l’équipement desécoles. La récente enquête du SNUipp montreque les écarts entre les écoles, en matière decrédits scolaires, vont de 1 à 10. La moyenneannuelle des crédits scolaires par élèves est de34 euros pour les écoles maternelles (38 enélémentaire). Si les moyens ne font pas tout,nous savons bien que les possibilités d’équi-pement et d’aménagement conditionnent enpartie les propositions d’actions et de projetspédagogiques.Le SNUipp n’a pas la prétention de trouver seulune solution toute faite, mais il proposequelques pistes de réflexion : constitutiond’un fond de péréquation, établissement d’uncahier des charges national définissant l’équi-pement minimal dont devrait disposer chaqueécole... Le SNUipp s’est adressé à cette ren-trée aux ministres concernés, aux associa-tions d’élus locaux, aux fédérations de parentsd’élèves afin de lancer ce débat.

Des enjeux élevésPour répondre aux exigences légitimes de lasociété, pour permettre à chaque enfant deréussir, l’école doit se transformer. Il est,par exemple, incontournable aujourd’hui de

travailler en équipe. Ce qui existe déjà dansles écoles. Il faut maintenant le reconnaître endonnant le temps nécessaire aux équipes pourtravailler ensemble. Le SNUipp propose depasser à un service des enseignants de 24heures + 3 heures pour le travail en équipedès maintenant. Il est aussi nécessaire depermettre aux équipes de s’organiser diffé-remment pour mieux prendre en chargechaque élèves. Le SNUipp propose de mettreen place plus de maîtres que de classes p o u rpermettre cette organisation plus souple etmieux adaptée.Le SNUipp estime également indispensablede permettre à l’école maternelle d’êtreadaptée aux besoins des enfants qu’elleaccueille. C’est pourquoi elle ne peut pasfonctionner de manière uniforme ni d’unemanière identique à l’école élémentaire. Parexemple, l’accueil des enfants à l’école aprèsla sieste à la maison doit être admise ; larentrée scolaire doit pouvoir être faite defaçon véritablement échelonnée…Cette sou-plesse, organisée par les équipes des écoles,doit être rendue possible.

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