Fouille au corps: Alpha Ops, T2 (SUSPENSE) (French...

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EmmyCurtis

Fouilleaucorps

AlphaOps–2

Traduitdel’anglais(États-Unis)parMarianneRichard

MiladyRomance

AuChefdemoncœur.

«Jusqu’àleurretour.»

DevisedelaDefensePOW/MIAAccountingAgency(DPAA)

Chapitrepremier

Dînerderépétitiondumariageinfernal,troismoisplustôt

Merci,monDieu!Un inconnu aussi grand que beau s’était approché d’elle à l’arrière du restaurant. Ce dîner de

répétitiondevenaitunenfer.Tropdegens,tropdesécurité,troppeud’endroitsdiscretspourboireunverre.Faitesqu’ils’asseyeici.Faitesqu’ils’asseyeici.Harrietregardalenomindiquéàcôtédusiensurlatable:«MattStanning».EllepromitàDieud’alleràlamesseledimanchesuivantsicethommedélicieuxs’installaitprès

d’elle.Toutl’alcooldumonden’auraitpassuffipourqu’elletiennesansfairedegaffeàlatabledel’ex-petit ami de la mariée, des collègues de travail de celle-ci et, bien qu’elle soit tout à faitcharmante,delanouvellepetiteamiedesonpropreex.Elle s’efforçade remettreenplaceuneépingleàcheveuxqui s’enfonçaitdans soncuir chevelu.

Maispourquoi,ohpourquoin’avait-ellepasprétenduêtreà l’étrangersurunchantierdefouilles?Bonsang,ç’auraitpuêtretellementfaciled’êtreloindelà.MaisSadiel’avaittoujourssoutenue,quece soitpendant sesétudesouaprèsque sonunivers se fut écroulé.Elle tripota l’alliancedeDannyqu’elleportaitenpendentifdepuissamort.Ilseseraitbienmoquéd’elleenlavoyantainsiengoncéedanscetterobeglamourauseindecerestaurantchic.Celaluiressemblaittellementpeu.—Jem’appelleMatt,ditl’hommeincroyablementbeauentirantlachaiseàcôtédeHarriet.—Harriet,répondit-elle.Illuiserralamain,maislagardadanslasienneens’installant,signemanifestedesonintérêtpour

elle.MonDieu, ce typedevait êtreun sacré séducteur.Elle essayade retirer sesdoigts,mais il lesgardaemprisonnésjusqu’àcequeleserveurarrivepourprendresacommande.—Unbourbonpourmoietuneautretournéepourlesdemoiselles,demandaMattenglissantun

billetde100dollarsdanslamaindugarçon.Etrevenezsouvent.Harrietsepenchaàsonoreille.—Jecroisquelesboissonssontoffertes.—Peut-être,maismaintenant,onanotrepropreserveur,murmuraMattenretour.Levantlesbrasenl’air,Harriets’écria:—Excellent!Beth,lanouvellefiancéedeJames,semblaittrouversonexcitationamusante.Aprèstout,c’étaitun

mariage, et elle ne connaissait personne, en dehors de la mariée et du frère de celle-ci – qui setrouvaitêtresonexainsiquelefilsdudirecteurdelaCIA.—Alorsquefais-tudanslavie,Matt?demandaBethtandisqueHarrietprenaitunepetitegorgée

desonmojito.Ils’adossa,mitlesmainsderrièrelatêteetsouritauxjeunesfemmes.

—Jepeuxtoutfaire.Bethpouffaderiredanssonverre.—Incroyable.—Quoi?fitMatteninclinantlatêtesurlecôté.Tunemecroispas?Pourtant,jet’assurequ’ilest

pratiquedem’avoirsouslamain.Prétentieux,avecça.RiendetelpourqueHarrietaitenviedelefaireredescendredesonpiédestal.

Elleluitouchalebrasdemanière,espérait-elle,qu’ilcomprennequ’ellen’étaitpasdupedesonpetitnuméro.—Oh,biensûr,c’estévident,tuessansdoutetrèsutile.Maistusais,ilexistedesfemmesquin’ont

pasbesoindel’aidedeshommes.Sa réplique,au lieude ledémonter, semblapiquerson intérêt. Il sepenchavers l’avant, lesbras

poséssursesjambes.—Vraiment?J’aibeaucoupdemalàlecroire.Harrietfitsemblantderéfléchiràcequ’unhommepouvaitéventuellementluiapporter.— Il y a bien une chose…Une seule petite activité délicate pour laquelle, personnellement, j’ai

régulièrementbesoind’uncoupdepouce.LesyeuxdeMattbalayèrentsonvisageavantdedescendre jusqu’àses jambes.Bethavait raison.

Incroyable.Sisesyeuxnoirsn’avaientpasétéaussienvoûtants,elleauraitlaissésanouvelleamiesedébrouilleraveclui.Mais,endépitdesonincroyablearrogance,quelquechoselapoussaitàrester.Quelquechosedanssonregard.Commes’iljouaitunrôle.Benvoyons!Tuprendstesdésirspourlaréalité.Ellesemitàparleràvoixbasse,commesielles’apprêtaitàrévélerunimmensesecret.—Souvent,aumilieudelanuit…,commença-t-elleenjetantunregardfurtifautourdelatable.Je

ressenscetteenvie…(elleposasamainsursonventreetlefrottalentement)etjeregrettequ’iln’yaitpersonneavecmoipour…Ellefitunepausecommesiellevenaitderecevoirl’Oscardelameilleureactrice.—…ouvrirmonbocaldecornichonsauvinaigre.Mattéclataderireenrejetantlatêteenarrière.—Jedoisavouerquetum’asbieneu!dit-ilensecouantlatête.Bonsang,jetedoisunverre,c’est

clair.—Etsinon,qu’est-cequit’amèneaumariagedel’année?demandaHarriet.—Jesuisunamidumarié.Jen’étaispascenséêtreenville,maismesprojetsontétéannulés,alors

mevoilà.Ettoi?Iltiralégèrementsachaiseetposasaserviettesursesgenoux.Elleaffichaunemineunpeutriste.—Demoiselled’honneur.Jesuisamieaveclamariéedepuisl’université.Jen’auraispasdûêtrelà

moinonplus.(Entoutcas,c’estcequ’elleauraitvraimentvoulu.)Etvoilàoùçanousamenés.—Absolument.Ilpritleverredebourbonapportéparleserveuretenavalapresquelamoitiéd’untrait.—C’estdelabonnecame.—Jedouteque lesparentsdeSadiepossèdentautrechoseque«de labonnecame».Cettenoce

mériteraitqu’onl’inscrivedanslelivredesrecords.—Àlavérité,dit-il,c’estlapremièrefoisquej’assisteàunmariage.Jenesauraismeprononcer.—Vraiment?Moiquipensaisêtrelaseuleàréussiràéchapperauxmariages.Pourmapart,c’est

mondeuxièmeentoutetpourtout.

—Etalors,celui-ciest-ilàlahauteur?interrogea-t-il.—Ehbien, lepremier était lemien, et jeme suismariée suruneplage…Aucune comparaison

possibleencequimeconcerne.—Tuesmariée?Ellevitsonregardseposerbrièvementsursamaindépourvued’alliance.Aumoins,ilprenaitla

peinedevérifier.Contrairementàlaplupartdeshommes.—Jenelesuisplus.Elle se dit qu’il valait mieux garder pour elle les détails sordides. Inutile de gâcher la fête en

accablanttoutlemondeavecsonhistoire.—Ettoi?—Non.(Ilsemitàrire.)Loindelà.Jesuisbientropremuant.Sonpetitsourireséducteuravaitreparu.Ellel’auraitvolontiersfaitdisparaîtredesonvisageavec

unebonnegifle.Cethommejouaitunrôle,elleenétaitsûre.D’autantqu’elle-mêmeétaitexperteenlamatière.—Commentça?Ilparutsurprisqu’elleinsiste.—Jevoyagetropsouventpouravoirdesattaches.Harrietauraitbienaimésavoircequ’ilfaisait,maisellesentaitqu’enlepoussantàsedévoiler,elle

allaitdevoirsedécouvriràsontour.Lavieétaittropcourte.—Ettueslàpourtoutleweek-end?Elleavaitdûcrierpourse faireentendreaumilieudesbavardagesquiavaientatteintunvolume

sonore critique. Elle regarda autour d’elle. Il semblait y avoir plus de gens que ne pouvaient encontenirlestables.Ellefutbousculéeparquelqu’unquisedéplaçaitderrièreeux.MattconcentratoutesonattentionsurHarriet.—Jevaissortirpourfumer.Tum’accompagnes?—Tufumes?—Pasdutout.Ilselevaets’arrangeapourtirerlachaisedeHarriet.Çaalors !Elle le regarda,perplexe.Ellesentitalorsunpiedsursacheville.Beth luiadressaun

regardentendu,avantdehocherlatêteendirectiondelaporteavecunlargesourireauxlèvres.—OK?réponditHarriet,hésitante.Posant une main sous son coude, il l’aida à se lever et la guida à travers la foule des invités

jusqu’aupatiodurestaurant.Ilouvritlaporte-fenêtreetlafitpasserdevantlui.Dèsquelaportesefutrefermée,ilinspiraprofondément.—Tuescertainqueçava?demanda-t-elle,toujoursaussidéroutéeparsoncomportement.—Oui.(Ilprituneautreinspirationprofondeetregardalesjardins.)Waouh!Difficiled’imaginer

qu’unetelleoasispuisseexisterenpleincœurdeWashington.Une fois son attention distraite par le jardin pittoresque, Matt prit plusieurs inspirations

silencieuses, longuesetprofondes.Allez,Matt.Reprends-toi. IlessayadeseconcentrersurHarriet.Elle était éblouissante. Blonde et menue, elle dégageait une vitalité incroyable. Son idéal fémininincarné.Ladistractionparfaitedontilavaitbesoin.Normalement,ils’arrangeaitpouremballersesconquêtesavantquelafoulenedébarque.Quece

soit dansunbar, uneboîte denuit ou àune fête… il arrivait tôt et concluait l’affaire avant que saclaustrophobieneprenneledessus.Ilnesupportaitpaslebrouhahadesconversations.Celalerendait

nerveux.Commesichaquevaguedesonetd’énergievenaitrongersonéquilibremental.Celadit,vucequ’ilavaittraversé,c’étaittoutàfaitnormal.Iln’yavaitpasdequois’inquiéter.Dansleparc,deslampessolairesdefaibleintensitéprojetaientdesombresdansl’obscurité.L’air,

plusfraisqu’àsonarrivée,annonçaitl’orageprévuparlamétéo.Maisilseretrouvaitenfinloindusentimentd’oppressionqu’ilavaitressentiàtable.—Tuas raison,dit-elle.C’estmagnifique, ici. J’aientendudireque lechefcultivaitsespropres

aromatesetlégumesdanscelieu.Elleavaitprisl’undesnombreuxsentiersquiserpentaientàtraverslejardindepuislepatio.Illasuivitafindenepaslaperdredevuedanslapénombre.Leséchosdesriresetdelamusiqueà

l’intérieur du restaurant diminuaient à chacun de leurs pas. L’air humide et l’obscuritél’engloutissaient au fur et àmesure qu’ils s’enfonçaient tous deux dans le jardin. Elle disparut uninstantàl’intérieurd’unminusculevergerd’arbresfruitiersàmaturité.Soudain,sursagauche,savoixretentit.—Situnefumespas,pourquoivouloirsortir?Il lavit du coinde l’œil s’asseoir sousunarbre, sur cequi ressemblait àunbancdepierre.Le

programmeSEREluiavaitapprisquelavisionpériphériqueétaitplusdétailléedansl’obscurité.Celaluiavaitétéutileàplusieursrepriseslorsdecetentraînementauxtechniquesdesurvieetd’évasionqu’ilavaitsuiviplusieursannéesauparavant.—Tavisionnocturnedoitêtreexcellente,répliqua-t-ilpouressayerdedétournerlaconversation.Ilsefrayaunchemindanssadirectionàtraverslavégétation.—C’est une nécessité dansmonmétier, répondit-elle doucement, comme pour ne pas briser la

quiétudedel’instant.—Quefais-tuquiexigeainsiunebonnevisionnocturne?demanda-t-ilens’asseyantaumilieudu

banc.Inutiledefairepreuvedepolitesseetdegardersesdistances.—Jesuisarchéologue.Jepassemontempsdans les tunnels, lescryptes,et les tentessombreset

froidesaumilieudenullepart.—Trèsintéressant,j’imagine.Salissantetfroid,aussi.—Toutçaàlafois,répondit-elleenriant.Il connaissait très bien les conditions de travail des archéologues. Il avait bossé avec un grand

nombred’entreeux.—Qu’est-cequit’afaitchoisircettevoie?s’enquit-il.Ellehésitaet,pourlapremièrefois,ilsentitqu’ilavaitdûtoucherunpointsensible.—J’aireçuunecertainesommed’argentlorsquej’étaisjeune,etj’aidécidédem’enservirpour

fairedesétudes.J’aidécidé…Elles’interrompitdenouveau.Ilnecomblapaslesilence.Cen’étaitpasdanssonhabitude.—Au départ, c’est simplement que je suis passionnée par le passé. Je me suis aperçue que je

pouvaisyconsacrermavieenchoisissantdel’étudier.Ettrèsvite, jesuistombéeamoureusedecetravail.Lesdécouvertes,lesfrustrations,lesrecherches…C’estcommeunedroguepourmoi.—Jecomprends.Toutàfait.Elle venait de décrire exactement ce qu’il ressentait pour son propre emploi. Il protégeait des

équipes qui procédaient de la même manière qu’elle. Autant que les recherches et les fouilles, ilaimaitlesinstantsd’euphorieetdechagrinintensequeleurprocuraientleursdécouvertes.—Çanemedittoujourspaspourquoituvoulaissortirpourfumer.

Danslapénombre,sontonsemblaitdéterminé.Ellen’avaitpasl’intentiond’abandonnerlesujet.—J’aimeêtredehors.Loindesgens,répondit-il,ens’éloignantunpeud’ellesurlebancsanss’en

rendrecompte.Merde.Pourquoia-t-ilditça?—Enfin,cegenredepersonnes,entoutcas,sereprit-il.Troprichesàmongoût.—Etjenefaispaspartiedecesgenstropriches?demanda-t-elled’unevoixdouce.Ilsouritdansl’obscurité.— Je sais que tu n’en fais pas partie. Tu ne cesses de remettre en place tes épingles à cheveux

depuisquejet’aivue.Etenmarchanttoutàl’heure,tulissaislespansdetarobe,commesiporterunetelle toiletten’avaitriendenaturelpour toi.Jediraisquec’estunetenued’occasion,quin’arienàvoiravectonstyledevie.(Ilposasescoudessursesgenouxet laregardadansl’obscurité.)Jemetrompe?Ellerestasilencieuseuninstant.—Non.Tuastoutàfaitraison.C’estlapremièrefoisentroisansquejeporteunsoutien-gorgeet

unerobe.Quoi?Est-cequ’ilavaitbienentendu?—Pardon?s’exclama-t-il,ens’étouffantpresquederire.—Tum’asbiencomprise.Normalement,jesuisenshortetendébardeur.Etengénéral,danscette

tenue,onneportepasdesoutien-gorge,c’estbienconnu.Elleavaitprononcécesmotscommeàregret.Luil’avait trouvéeparfaitedèsqu’il l’avaitvue,félineetgracileenmêmetemps.Lesfemmesse

trompaientsouventsurlesgoûtsdeshommes.Maispeut-êtren’était-ildéjàplusdutoutobjectif.—Pourmoi,tuesparfaite.Jeregrettequel’obscuritém’empêchedebientevoir.—Riendeplussimple.Voyonssitesdoigtssontaussiperspicacesquetesyeux.Ellepritsesmainsdanslessiennesetselevapourchangerdeposition.—Àtoidejouer.Sansvoix,ilselevaenmêmetempsqu’elle,avantdeserasseoir,commeelle,àcalifourchonsurle

banc,genouxcontrelessiens.—Aulycée,mameilleureamieétaitaveugle.Ellem’aapprisàvoiravecmesmains,dit-elleenlui

plaçantlesdoigtssursonfront.Fermelesyeuxettouche-moi.LecerveaudeMattétaitsurlepointd’exploser.Commentétait-ilpassédudésirderamenerHarriet

chezluiàcettesituationoùelleluidemandaitdelatoucher?Ilhésita,luttantaveclapenséequetoutcela n’était peut-être qu’une hallucination sophistiquée. Sinon, comment expliquer qu’une simpleconversationlorsd’unmariageavaitviréàcetteséanced’attouchements?Bonsang.Décoince-toi!Harriet posa les mains sur ses genoux et souleva légèrement le menton. Les doigts de Matt

suivirent son front, la naissance de ses cheveux, ses oreilles et ses cils. Sa peau était chaude etsoyeuse.—Tuesmerveilleuse,dit-il,enmaudissantsavoixquis’éraillait.Sonsexesedressaitcommejamais. Incroyable ! Iln’étaitplusunadolescent,bonsang. Il fallait

qu’ilassumesansculpabiliser.—Jepeux?demanda-t-elledansl’obscurité.Elle leva lesmains et les posa sur sonvisage avant qu’il n’ait le tempsde répondre.Ses doigts

étaientchaudssursapeau.Ilfermalesyeuxdenouveauetseconcentrasurcecontact.—Tum’asl’airtendu.Commesitupassaistropdetempsàfroncerlessourcils.C’esttontravail

quitestresse?À une époque, il aurait dit « oui » sans hésiter. Il avait étémembre de l’Élément organique de

déminage. L’unité des forces aériennes que l’on appelle lorsque l’on découvre des explosifs. Cessoldatsquifontexploser lesbombesentoutesécuritédansleszonesdecombat.Ceuxquiontdeuxchances sur trois de s’en sortir. Il était jeune et se pensait invulnérable. Comme tous les autres.Jusqu’au jouroù l’onapprendqu’onne l’estpas.Jusqu’au jouroù ilavaitperdusonmeilleuramiparcequ’ilsavaientdéconné.Après deux années supplémentaires au sein de cette unité, on l’avait transféré au JPAC, le Joint

POW/MIAAccountingCommand.Unnomunpeuaustèrepourceséquipesd’hommesquigravissentdesmontagnes,arpententdesdéserts,etsontparachutésdansdeslieuxinhospitalierspourretrouverles soldats disparus, depuis un an ou quatre-vingts ans, qu’importe. Leur mission était de lesretrouver.C’étaitsamanièredeseracheterd’avoirlaisséDannyenIrak.Enfin,unebonnepartdelui.Son cœur se serra à la pensée de cette blessure qui refusait de cicatriser.Cela faisait sept ans à

présent,etcettedisparitionhantaitchacunedesesjournées.Celan’enfinirait-ildoncjamais?—Çanevapas?LesmainsdeHarriet s’immobilisèrentsurses lèvrescloses,avantde retombersursespoignets.

Elleenroulasesdoigtsautourdessiens,complètementrigides.—Raconte-moi.Bonsang,non!Pasquestion!—Jepréféreraisquenousparlionsdetoi.Ilmentait,biensûr.Toutcequ’ilvoulait,c’étaitseperdre.Oublier.Maisavantdepouvoirvraiment

cernercequil’agitait,ilsepenchaversl’avant,glissasamaindanslescheveuxdeHarrietetl’attiraverslui.Elle hésita unmillièmede seconde, puis il sentit sesmèches sedénouer et couvrir samain.Ses

épinglessedétachaientdécidémenttrèsfacilement.Sachevelureépaisseetfraîchevintluicaresserlamainetlebras,etunparfumdevanilleimprégnal’espaceentreeux.Iln’avaitqu’uneenvie,goûterseslèvres.Ilécartalesjambesetl’attirabrusquementplusprèsde

lui.Lorsque sabouchene futqu’àquelquescentimètresde la sienne, il sentit son souffle trembler.Lorsqu’elleexpira,ilapprochasatêtedelasienne.Salanguevintcaresserlalèvreinférieuredelajeune femme, et sa bouche se pressa contre la sienne.À son tour, la langue deHarriet toucha seslèvres,etilfaillitexploser.Illuiinclinalégèrementlatêtepourêtreplusàl’aise,etleurslanguessetrouvèrent.Lesdoigtsdelajeunefemmes’agrippèrentàsesgenoux,commesielleavaitpeurdetomber,avant

de remonter lentement jusqu’à sa cuisse. Elle l’excitait comme un fou. L’air était devenu lourd etoppressant, et leurs respirations se faisaient de plus en plus laborieuses.À travers l’étoffe de sonpantalon,lajeunefemmeposalamainsursonsexeenérection.Ilgémitcontresabouche.Danssatête,lesmots«C’estparti!»semirentàclignotercommeune

enseigne lumineuse. Sesmains descendirent le long du dos deHarriet pour atteindre la fermetureÉclairdesarobeetlafirentglisserjusqu’àsesfesses.Puiselless’insinuèrentàl’intérieurdesarobe,etilsentitlecontactdesapeau.Gémissante, sacompagnesecambraetdétachasabouchede la sienne.Alors, il fitdescendresa

robesursesépaulespuisjusqu’àsataille.Aumêmeinstant,commeunsignedudestin,lalunesurgitderrièrelesnuagesetvintilluminerlajeunefemmedanstoutesasplendeur.LecœurdeMattfaillits’arrêternet.Elleétaitmagnifique.Sonsoutien-gorgeendentellecouvraitàpeinesa joliepoitrinerebondie,etilémanaitd’elleunesensualitéhallucinante,tandisqu’elleétaitassiseainsiàmoitiénue

devantlui.Elleouvritlesyeuxetsoutintsonregard,sanslamoindregêne.Instinctivement,sesmainssemirentenmouvementpourlaprotégerd’éventuelsregardsindiscrets,

maisilsétaientseuls,àl’écartdetout.Sesyeuxclairsl’emportaientailleurs,loindetouteangoisseoudetouteagitation.Au-dessusd’eux,letonnerregrondait.Maisrienn’auraitpudétournerleursregards.Elledesserra

lenœuddelacravatedeMatt,justeassezpourlapasserau-dessusdesatête.Puiselledéboutonnasachemise.Illalaissaitfaire.Ilsavaitqu’ilauraitdûl’arrêter.Quelqu’unpouvaitsurgiràtoutinstant.Soudain,unegouttedepluie tombasurelle,glissa le longdesaclavicule jusqu’à l’arrondidesonsein,etdisparutàl’intérieurdesonsoutien-gorge.D’autressuivirent.Etd’autresencore.Finalement,peut-êtrequepersonneneviendrait.Ils restèrent immobiles. Elle n’esquissa pas même un mouvement lorsque la pluie se fit plus

régulière.—Enlèvetachemise,ordonna-t-elle.Jeveuxtevoir.Sesmainsvinrentseposerautomatiquementsurlespansduvêtement.Ilhésitait.—Enlèvetonsoutien-gorge.Moiaussi,jeveuxtevoir.Harriet sedébarrassade la fineétoffed’unseulgeste.Bonsang, iln’avait jamais rencontréune

tellefemme.Aussiaudacieuse. Ilsedébarrassadesachemise,et ilssecontemplèrentun instant.Lapluie tombait drue à présent. Au contact de l’eau fraîche, les tétons de la jeune femme s’étaientredressés.Ilsalivaitdéjààl’idéedelesrecouvrirdesabouche.Duboutdesongles,elledessinadesmotifssurletorsedeMattenjouantaveclesgouttesdepluie.Ilsaisitseshanchesetl’attirabrusquementsursesgenoux.Sesjambess’enroulèrentautourdesa

taille tandis qu’il posait ses lèvres sur les siennes. Il aurait voulu demeurer ainsi pour l’éternité.C’était comme un rêve.À la limite d’une expérience extracorporelle, avec l’averse, les éclairs auloin,etcettefemmeincroyableàmoitiénuedevantlui.Unevéritableapparition.Ildéposadesbaisers le longde soncouetdescendit jusqu’à sapoitrine.Lorsque,duboutde la

langue,iltouchasontétondéjàdur,ellesuffoquaets’arquacontrelui.Sonsexedevintencoreplusdur,avidedelachaleurderrièrel’étoffefinedesaculotte.Lepeudesang-froidquiluirestaitencoredisparut lorsqu’il semit à sucer sesmamelons, savourant ses soupirs et ses gémissements qui sepropageaientdanslejardin.Il peinait à se retenir de la pénétrer d’un coup de reins puissant. Il lui suffisait de défaire sa

braguette,dedéchirerl’étoffefragilequilesséparaitaussifacilementqu’ill’auraitfaitd’unefeuilled’aluminium, et il pourrait s’enfoncer dans le velouté de son intimité. Tandis qu’il taquinait de lamainleseinlaissélibreparsabouche,ellefrottaitsonsexecontresonpantalon.Merde,qu’est-cequil’arrêtait?Quelquechoseclochait.Soncerveauvoulait-ill’allongersurdes

drapsdesoie,l’inviteraurestaurant,apprendreàconnaîtrecettefemmeincroyable?Vraiment?Patienterpourmieuxlacombler?Avecnuitdenocesàlaclé?Desconneries,toutça.

Ce qu’il voulait, c’était la faire hurler de plaisir. Il se détacha d’elle légèrement, juste assez pourpouvoir glisser unemain entre eux.Elle tressaillit lorsqu’il toucha sa culotte, et ses talonsvinrents’enfoncer dans ses fesses. Il dessina les contours de ce petit fragment d’étoffe, ultime frontière àl’extase.Ellesecontracta,puiss’immobilisacomplètement.Alorsquesesdoigtssefaufilaientsouslasoie,ellesoupiraetseliquéfia.Ilcaressadélicatementlesreplisdesachairintime.Cetteimpressiondenudité totale l’enflammad’undésir irrépressibleet insoupçonné. Il fallaitqu’il lavoie.Qu’il lacontempletoutentière.Commeenharmonieavec lanature,uncoupde tonnerreéclataaumomentoù samain semit à

naviguerentresonclitorisetsesfesses.Ilsedécalad’uncôtéetglissadeuxdoigtsenelle.Ellegémit

etmêlasaboucheàlasienne.Tandisquesesdoigtsallaientetvenaient,sonpoucetrouvasonclitoris,lepressa,puisantàcettesourcel’ardeurdesesva-et-vient,jusqu’àcequ’ellesetendeautourdesesdoigts,etsecontracte,tandisques’échappaientdesabouchededouxrâles.—Incroyable,soupiraHarriet.C’estincroyable,cequetum’asfaitressentir.Tumefaisvibrertout

entière.—Jen’ysuispourrien,c’estsansdoutelapluie.Ilritalorsqu’elletendaitlesbrasau-dessusdesatête,s’étirantlascivementdetoutsonlong,féline

endiable.Ilauraitpulacontemplerpourl’éternité.Elleétaitàlui.Non!Pasàlui.Bonsang,ilnesavaitmêmepasàquiellepouvaitbienappartenir.Elleseleva,ramena

unejambedevantelleets’assitàcôtédelui,ledosdroit,commeuneinstitutricequiauraitoubliésapudeur.—Etmaintenant,jeveuxquetuvibrespourmoi,souffla-t-elleenposantlamainsursabraguette.Ilvoulait l’arrêter, semontrer leplus raisonnabledesdeux,mais l’instant leconsumait.Et, si sa

raisonnel’avaitpasabandonné,lebesoindel’ignorerétaitencoreplusimpérieux.Harriet défit sabraguette et prit son sexedans samainhumidedepluie.Sous la fermetéde son

étreinte,ilfaillitperdretoutemaîtrise.Normalement,ils’enfichait.Lesfemmesquiaccédaientàsonbas-ventreavaientpeudechancesde le revoir.C’étaientdeshistoiresdeculbasiques,unemanièrecommeuneautred’évacuerlatension.Des’évader.Pointbarre.Ilserralesdents,luttantpoursecontenir.Maisleseulfaitdelaregarderainsiamplifiaitlatorture.

Ellesepenchaetfrottasesseinsnuscontresonsexe,letaquinantdesesmamelons.Ildéglutitavecpeine.Ilfermalesyeux,etsentitimmédiatementlapointedesesdentsetladouceurdesalanguesurson

membre.Ellefitglissersabouchelelongdesonsexeetl’engloutitcomplètement.Ilgémit,enproieàundésirprimaire.Undésirsurlepointd’êtrerassasié.Lorsqu’elle fit remonter sabouche, elle le lécha langoureusement tout enpressant ses testicules.

Toutsonêtres’embrasa.Déjà,leslèvresdeHarrietredescendaient,s’immobilisantuninstantavantdel’engloutirdenouveau.Ilmouraitd’enviedesaisirsatêteetdebaisercetteboucheàl’infini.Ilfallaitqu’ilsecontienne.Toutétaitunequestiondemaîtrise.Uneporte claqua, et l’étincelle d’unbriquet qu’on allume jaillit dans le patiodu restaurant.Elle

s’arrêta.Sousl’auvent,deuxhommesentamèrentunediscussion.Elleseredressaetregardaverseux,avantdeposersamainsurlesexedeMattetdelecaresserdoucement.ToutlecorpsdeMattsefigea,enalerte.Sesmusclessetendirent.Lerisqued’êtresurprisl’excitait

commeundingue.Elleserelevaentièrementetsarobeglissasurlesol,dévoilantsoncorpsnu.Elles’immobilisa un instant, comme pour lui laisser le temps d’enregistrer à jamais cette imageincroyable.Harriet,enculotteettalonshauts.Etriend’autre.Elle le repoussa, l’obligeant à s’allonger sur le banc en pierre. Puis elle se pencha et le reprit

aussitôtdanssabouche.D’unemain,elleimmobilisasonsexeàlabase,etdel’autre,ellecaressasestesticules.Derrièrelesnuages,desétoilessurgirent,et lapluies’arrêtanet.Commesi leparadissedévoilaitdevantlui.—Jevaisjouir,prévint-ild’unevoixrauque.Elle augmenta légèrement la pression de ses doigts sur ses testicules et l’enserra dans l’étroite

cavité de sa bouche. Elle reprit ses allées et venues langoureuses, une fois, puis deux, et il jouitviolemmenttandisquedanssatête,unfeud’artificeexplosait.Unrestederaisonluifitsedemanders’iln’étaitpasentraindefaireuneruptured’anévrisme,maisl’extasequil’étreignaitétaittellement

intensequ’ilselaissasuccomber.Ilmouraitd’enviedel’enlacer,desentirsoncorpsnuallongésurlesienetlecouvrirdecaresses.

Il sesentaitprivéduplaisirultimedesonentièrenudité. Il soupira lorsqu’elledéposaunepluiedebaiserssursonventre.Ellelelaissaitcomplètementpantelant.—Harry!Tueslà?s’écrialavoixd’unefemmeenprovenancedupatio.—J’arrive!cria-t-elled’untondontlaforcecontrastaitavecladélicatessedesasilhouette.Il s’appuya sur ses coudes et la regarda rajuster sa robe.Bon sang ! Il vit uneminuscule trace

d’encresursondos.Siseulementiln’avaitpasfaitsisombre.—Harry?s’étonna-t-il.—Mesamism’appellentHarry.—Commentdois-jet’appeler?Déjàengagéedanslesentier,ellesouritpar-dessussonépaule.—Harriet.

Chapitre2

Irak–Présent

Harriettripotaitdélicatementl’artefactqu’elleavaitglissédanssapochetoutenregardantlesdeuxétudiants de troisième cycle qui l’assistaient sur ce chantier. OK, cet objet n’avait peut-être pasvraimentdevaleur,dumoinshistorique,maiscettedécouverteétaitplusqu’insolite.C’était un morceau de métal d’environ sept centimètres carrés, sur lequel apparaissaient des

numérosenrelief.Lelabo,auquelelleavaitenvoyéunephoto,avaitconcluquec’étaitlecoded’unepièced’avion.Celasignifiaitcertainementqu’unappareilétaittombéducielous’étaitécrasédanslecoin.Mais

peut-êtren’était-cequ’undébrissansimportance.Entantqu’archéologue,ellesavaittrèsbienqueladécouverte d’un artefact ne signifiait pas forcément que les autres morceaux se trouvaient àproximité.Onpouvaitl’avoirlaissétomber.Ouvenduàquelqu’unquil’auraitlaissétomber.Pours’enassurer,elleavaitenvoyéune-mailàSadie,sonamiequitravaillaitpourledépartement

delaDéfense,etfaitmentiondesadécouverte.Etmêmesicetteaffairenelaconcernaitplus,ellenepouvaits’empêcherdetoucherleboutdemétal.C’étaitdevenuunsigne.Unesortedetalisman.Ellepressaunetouchedesontalkie-walkie.—C’estl’extrémiténorddenotresite,veuillezlemarquer.Molly et Jason sortirent de petits drapeaux rouges d’un sac à dos et les placèrent à intervalles

régulierslelongd’uneligne.Harrietjetauncoupd’œilàsonordinateurportableetlesarrêta.—Ici,c’estl’extrémitéouest.Ellerépétasesinstructionspourlesdeuxdernièreslimitesdusite,puislesrappela.Ilsrevinrentsur

leur petit quad, etHarriet sourit lorsqu’elle vitMolly enlacer fermement la taille de Jason.Mollyavaitconduit lequaddesdizainesde foisetn’avaitnulbesoindes’accrocherainsi.Apparemment,Jasonsavaitserendreindispensable.Elleprit desbouteillesd’eau fraîchedans laglacière et les leurdonna lorsqu’ils rejoignirent la

caravanepliantequifaisaitofficedelaboausuddeleursite.ElleenlançauneautreàMueen,assissur le toit de la caravane.Mueen était leur garde armé. Calme et humble, il avait un léger accentaméricain, témoin de son passage à l’université de Pennsylvanie, et savait faire preuve d’unevigilanceextrêmefaceauxproblèmes,auxpillards,outouteautremenace.Harriet avait déjà travaillé avec lui la première fois qu’elle était venue en Irak.Sa femmeet lui

l’avaientsoutenuelorsdecettepremièrevisitedanslepaysoùsonmariétaitmort.Grâceàeux,elles’étaitsentiepresquechezelle.Aussi, lorsqu’onl’avaitchoisiepourcechantier,elleavaitétéaussiraviequ’excitée,àl’idéesurtoutderetrouversesamis.—Cesiteneparaîtpastrèsgrand,remarquaJason.Harrietsouritàsanouvellerecrue.

—Ilestassezgrandpournoustrois,tupeuxmecroire.—Si je comprendsbien, onnevapas creuser, c’est bien ça ? demanda-t-il en s’asseyant sur la

glacièrebleuetblanc,etenavalantunegrandegorgéed’eau.Harrietfitapparaîtreuneimagesurl’ordinateurportableettournal’écranverslesdeuxétudiants.— Nous allons quadriller le terrain. Dans chaque carré, nous allons prélever des échantillons,

détecter les anomalies éventuelles et repérer sommairement les artefacts de surface. Quant auxendroitsquej’aimarqués,icietici,nousyeffectueronsdesforagespourtesterlacompositiondusol.Ensuite,àlatoutefin,ilneresteraplusqu’àréaliseruneprospectiongéophysiquesurl’ensembledusite.Cesera toutpourcettefois.Siontrouvequelquechosed’intéressant, ilyadeschancesqu’onsoitinvitésàrevenirapprofondirnosrecherchesavantdepasserlamainàl’équiped’archéologuesdel’université.Quoiqu’ilarrive,onserapayés.SonBlackberrysemitàsonner,etelledécidad’allerconsultersese-mailsdanslafraîcheurdela

caravane.Ellelaissalesétudiantsdiscuterdelameilleurefaçondequadrillerleterrainetseréfugiaàl’intérieur.Elleavaitdumalàdormirdepuisqu’elleavaitdécouvertcettepièced’avionà l’endroitmêmeoùilsavaientinstalléleurcaravane.Ellerêvaitd’unelonguenuitdesommeil.Dans le message qu’elle venait de recevoir, Sadie la prévenait que le Pentagone allait envoyer

quelqu’unpourétudierleslieux.Unéclaireurdel’équipeduJPACbaséeàHawaii.SadieexpliquaitensuitequelepersonnelduJPACétaitchargéderetrouverlescorpsdesmilitairesaméricainsetdelesrameneràleurfamille.Harrietrefermal’e-mailetfrissonna.C’étaitladernièrechosedontelleavaitbesoin.Maisentant

que veuve de guerre, elle ne pouvait en vouloir à cet homme de souhaiter accéder au site. Elleespéraitque l’objetqu’ilsavaient trouvén’étaitqu’uneanomalie.Qu’unavionécraséne secachaitpasquelquepartdanscesdunes.Ellesentitaussitôtunevaguedehontel’envahir.Pourtant,saprioritéétait son client, une fondation qui finançait des fouilles archéologiques d’importance pour desuniversitésdumondeentier.Legouvernementaméricainn’avaitaucuneautoritésurletravailqu’elleeffectuait ici, et ellen’avait absolumentpasenvied’avoir àchoisir entre sonboulot etune familleendeuillée.Connaissantlalenteuradministrativedel’armée,elleespéraitquel’hommeenquestionarriverait

seulementenfindechantier.Lorsquesavuecommençaàsebrouiller,ellerefermasonordinateur.Dormir.Elleavaitvraimentbesoindedormir.Ilétaittempsdemettreuntermeàcettejournée.On frappa à la porte.Mueen, certainement. Jason et Molly seraient entrés sans prévenir. Elle

attrapasonsacàdosetlecadenaspourfermerlaporte,avantd’allerouvrir.C’étaitbienMueen,etcommetoujours,ilavaitanticipésesbesoins.—Vousêtesprêteàpartir,madame?demanda-t-il.—Oui.(Ellesetournaverslesautres.)Onchargelecamionetonretourneàl’hôtel.Jenesaispas

pourvous,maismoi,j’aibesoindemecouchertôt.Visiblement, cette nouvelle les enchantait. Peut-être avaient-ils prévu de passer leur temps libre

ensemble.SonespritlaramenaaumariagedeSadie,troismoisauparavant.EtàMatt.L’hommeavecqui elle avait failli faire l’amour dans le jardin d’un restaurant.Un homme exceptionnel. Beau etcharmant.Unvéritableséducteur.Cequinegâchaitrien.Pourtant,contretouteattente,iln’avaitpastentédelaposséder.Cettesoiréehantaittoussessonges.Ellesoupira.Peut-êtreallait-ellerêverdeluicettenuit,histoiredefaired’unepierredeuxcoups:assouviràlafoissonbesoindesommeiletdesexe.Cependant, lorsqu’ils furent rentrés, qu’ils eurentmangé et qu’ils eurent rejoint leurs chambres

respectives, le sommeil avait encore une fois décidé de la fuir. Si elle avait été superstitieuse, elle

auraitpupenserqueleboutdemétalsursatabledenuitagissaitcommeunsortilègepourl’empêcherde dormir. L’unique période où elle avait souffert de troubles du sommeil remontait à lamort deDanny.Dessemainesdurant,chaquefoisqu’ellefermait lesyeux, toutcequ’ellevoyait,c’étaitsonvisagesouriant,quiexplosait.Sedésintégrait.Dansunesijoliebrumerose.L’horreur!Elles’assitdansl’obscurité,etenfilauntee-shirtàmancheslonguesetunjean,avantde

tresserrapidementsescheveux.Illuifallaitunbrandy.Lesergent-chefMattStannings’étiraensortantduvéhiculemilitaire.Lorsquel’humiditédelanuit

le saisit etque l’odeur familièrede l’airpoussiéreuxdupays l’assaillit, tout soncorps se tendit. Iln’avait pas remis les pieds en Irakdepuis sa dernièremission au sein de l’équipede déminagedel’arméeaméricaine.Missionquis’étaitterminéeunesemaineaprèsquesescompagnonsetluieurentrassemblélesrestesdesonmeilleuramiDannyMcCantryetrapatriécequirestaitdeluiauxÉtats-Unis.Il revenaitd’uneconférence lorsqu’on lui avaitdemandéde faireescaleen Irakpourvérifier la

découverte d’une archéologue, qui pouvait laisser supposer qu’un avionmilitaire se serait écrasédanslecoin.Ilendoutaitfortementpuisqueaucundesrapportsqu’ilavaitcompulsésdansl’avionnefaisaitétatd’unepertequelconqued’appareildansuncrash.Bonsang,venirenIrakpourremplirdelapaperasse! Pour cegenred’exercice inutile, onnepouvait pas trouverpire commedestination. Ilhissa son sac sur sondos et essayad’ignorer la pressionde la fouledans la zonedes arrivées, lemalaisedecetteclameurincessantequi,telleunevipèredessables,s’insinuaitlelongdesacolonnevertébrale.—Boomer!Boomer!Une voix transperça son cerveau embrumé. S’il lui fallut quelques secondes pour réagir à cet

anciennomdecode,samaintrouvaimmédiatementsonarme.Enunéclair,illaissatombersonsac,saisit le bras de l’homme en pivotant sur lui-même, et le lui immobilisa dans le dos en passantderrièrelui.—Bonsang,Boomer!Lâche-moi,sifflasonprisonnierquitentaitdetournerlatête.Immédiatement,MattreconnutDavidChurchetlelibéra.—BonDieu,Nitro.Fautpassejetercommeçasurlesgens.—Ouais,désolé,réponditDavidensefrottantl’épaule.Apparemment,çafaittroplongtempsque

jeneporteplusl’uniforme.—Bonsang,ditMattensepassantunemainsurlevisage.Ilavaitdumalàadmettrequesoninstinctdecombatprenneencoreledessussursesréactions.—Qu’est-cequetufaislà?demandaMatt.Il attrapa son sac et entraînaDavidà travers la cohuedespassagers etdespersonnesvenues les

accueillir,quiregardaientàprésentlesdeuxhommesavecunintérêtnondissimulé.Lorsqu’ilsatteignirentlecalmerelatifd’unebornedetaxis,Davidlerenseignasursaprésence.—Jebossepourleprivé,maintenant.PourMGLSecurity.Onestpayéspourvousprotégerquand

vousdébarquezici.—Ehben,ça faitplaisirde tevoir,monpote,mais jen’aipasbesoindegardeducorps. Jeme

débrouilletrèsbientoutseul.—Sansblague,répliquaNitro,ensefrottantl’épauleunenouvellefois.Jetejurequesi tum’as

déplacéunnerf,t’esunhommemort.Aprèsunbrefsilence,lesdeuxamiséclatèrentderireavantdesedonneruneaccolade.—Jesuiscontentdeterevoirmoiaussi,ditNitro.Çafaitunbail.Çaremonteàquandladernière

fois?2005?(Ilsecoualatête.)Unevraiemerde,putain.CequiestarrivéàDanny.L’horreur,nomdeDieu.Ilsoupira.S’il y avait une chose dont Matt était sûr à cent pour cent de ne pas vouloir discuter ici et

maintenant,c’étaitbiendeDanny.—Detoutefaçon,c’étaitl’horreurgénéralisée.Maisletempsapassé.Leschosesévoluent.DavidluimontraunSUVnoir.—Voilàmamonture.Blindée,biensûr,déclaracedernierens’installantderrièrelevolant.Merde,alors.Bonjourladiscrétion.Luiquipensaitprendreunvieuxtaxidéfoncétoutcequ’ilya

d’ordinairepourserendreàl’hôtel.Lasubtilitén’étaitpasdemise.—Tuparlessic’estblindé,putain.C’estunevraieciblemouvante,tontruc.Autantécriredessusen

gros«Envahisseuraméricain».Bonsang,Nitro.Qu’est-cequit’estarrivé?DavidenfilaunepairedeRayBanAviator,prituncure-dentcoincéderrièresonoreilleetleglissa

entreseslèvres,toutensouriantdumalaisedeMatt.—Jevaistedirecequim’estarrivé.Jemesuisvendupourlathune.Cen’estpasens’engageant

dansl’arméequ’ondevientriche.Mattobservalaruelorsqu’ilsquittèrentl’aéroport.Dèsquelebâtimentfutderrièreeux,lepaysage

cédalaplaceàdelonguesétenduesdésertiquesàpertedevue.Ilserralespoings.C’étaitsurdetellesroutesquelesrebellesfaisaientexploserdesbombes,dissimuléesdansdesvoitures,devieuxballonsdefootdégonflés,desjouetsd’enfant…ouàpeinecamoufléesdanslesable.CellequiavaiteuDannyétaitlogéedansunballon.—J’aidumatospourtoiàl’arrière,lançaDavid.Mattseretournaetregardalesacdesportposéàl’arrière.—Dequoipicoler?—DeuxGlock,quinzechargeurs,unecarabineetsesmunitions,unecarted’identitécanadienne,

justeaucasoù tu te feraisarrêter,unebouteilledumeilleurJackDaniel’s,etun téléphonesatelliteavecaccèsdirectàmaligneenappuyantsurlatouche«dièse».—T’asl’intentiondejouerlesnounousavecmoi?—Quenenni.Onm’ademandéderesterenretrait.D’intervenirseulementencasdebesoin.Mes

supérieursontdûsedirequetuétaiscapabledetedébrouillerseul.—QueDieutebénisse,Nitro.—Pourletéléphone?—Non,pourlabouteilledeJack.Davidaffichaunlargesourireettenditlepoing,attendantqueMattviennelefrapperdusien.Après

unehésitation,Mattsepliaàcerituel.Ilsrirentunenouvellefois.Bonsang,siseulementilpouvaitreconstituer leur équipe ! Après la mort de Danny, ils s’étaient à peine croisés. Ç’aurait été tropbizarre.—J’aidéjàrécupérétacléàl’hôtel,etonavérifiétachambre.Toutparaîtnormal.—Merci,maismamission ici n’est pas secrète, nimême très importante. Je suis juste là pour

vérifierunerumeur.TusaisquejebossepourleJPAC,maintenant,non?—J’aiapprisça,ouais.Quandest-cequetuasquittél’EOD?— Il y a quelques années. Tu sais comment c’est.Àmon âge, ce n’est pas facile de vivre pour

l’adrénaline.—Jetereçoiscinqsurcinq,monpote.Ettuvispourquoi,àprésent?—Lesfemmes.LeJackDaniel’s.Plutôtcoolcommejob,non?

Sarepartieluiparutàpeinecrédible.Maistandisqu’ilsongeaitbrièvementauxfemmes,l’imagedeHarriet lui revint à l’esprit, sous l’orage, à califourchon sur lui, penchée en arrière, goûtant lapluiesursoncorps.Aufait,elleétaitarchéologue.Peut-êtrequ’ilpourraitutilisercetteexcusepourl’appeler.ObtenirsonnuméroparSimonetSadieenprétextantavoirbesoind’unavisprofessionnel.Çavautlapeined’ypenser.Davidluitenditlaclédesachambre.—Numéro13.Jemesuisditqu’elleétaitmoinssouventréservée.Matt prit la clé en riant. Il n’y avait pasplus superstitieuxqu’un techniciendémineur. Il tenait la

portièredu4×4ethésitaitàlarefermer.—Onseboitunverreavantmondépart,j’espère.—Presselatouche«dièse»,baby!réponditDavidenfaisantvrombirlemoteur.Mattclaqualaportièreetleregardadémarrer,lunettesdesoleiltoujourssurlenezmalgrélanuit

tombante.IllaissadanssonsillageunebourrasquedeventdontlaforceobligeaMattàplisserdespaupières

etàdétournerlevisagepouréviterleflotdepoussière.Lorsquecetassauts’arrêta,illevalesyeuxverslecieletvitdelourdsnuagesfilerentraversdelalune.Unetempêtes’annonçait.

Chapitre3

Harrietétaitassisedansuncoindubar,faceaumur,etsirotaitunverredevinrouge.Laplupartdesclientsdel’hôtelétaientdestravailleursétrangers,etellen’avaitaucuneenvied’attirerleurattention.ElleretournaledossiernoirdelaFondationMegellinetexaminaunenouvellefoislesinstructionsrequisespar leprojetqui lesconcernait,elleetsonéquipe.Àprésentque lazoneétaitbornée,ellesongeaauplanqu’elleavait remisàJasonetMolly.Finalement,etcontrairementàcequ’elleavaitprévu au départ, leur première journée de travail complète du lendemain serait consacrée à laprospection géophysique. Autant ne pas perdre de temps. Elle espérait que les résultats du radargéologique, qui pouvait sonder le sol à une profondeur d’un mètre, suffiraient à éloigner lesmilitairesetluipermettraitdepoursuivresontravail.Elleseconcentrasursondossier.C’étaitunemissionunpeuparticulière.Onneleurdemandaitpas

de dater des artefacts,mais simplement de balayer la zone et de dresser un compte-rendu de leuranalyse.C’étaitunpeuétrange,mais trèsbienpayé.Travaillermoinspourgagnerplus,enquelquesorte…çan’arrivaitpassisouvent.Sisamémoireétaitbonne,c’étaitseulementladeuxièmefois.Elle croisa les jambes sous la table et vida son verre. Il était bientôt minuit. Dieu seul savait

pourquoi elle n’arrivait pas à dormir. Sûrement pas à cause du décalage horaire, elle passait sontempsentredeuxavions.Etbienqu’ellesoitépuisée,elleneparvenaitpasàtrouverlesommeil.—Jet’offreuncocktail…Harriet?Ellesursautaetseretourna,avantdeclignerdesyeux,interloquée.—Matt?—C’estunvéritableplaisirdetevoir,machère.Il se glissa sur la banquette à côté d’elle, l’obligeant à se tourner pour lui faire face. Ses yeux

étaienttellementrougesqu’onauraitditqu’ilselesétaitfrottésàlatoileémeri.—Qu’est-cequetufaisici?Ellesedemandauninstantsiellenenageaitpasenpleinehallucinationouenpleinrêve.Maisnon.

Lorsqu’ilsepenchapourl’embrassersurlajoue,ellesentitl’odeurdesapeau,toutedesavonetdemusc.Rienàvoiravecuneapparition.L’accélérationdesonpoulsleconfirmait.—Jepourraisteretournerlaquestion.J’étaisjustemententraindepenseràtoienarrivantici,et

uneheureaprès,jetombesurtoi.Ondiraitqu’unbongénieveillesurmesdéplacements.—Jenecomprendspas…,réponditHarrietensecouantlatête.Ilavalaunegorgéedebière.—Detouslesbarsdelaplanète,ilfallaitquejetombesurletien.C’estdonclàquetutecaches!Harrietretintunsourire.—Tun’avaispasbesoindevenirici,tusais.Situvoulaism’inviteràboireunverre,iltesuffisait

demeleproposer.—C’esttellementplusmarrantquededemandertonnumérodetéléphoneàSimon,tunetrouves

pas?

Dément.Unhasardincroyable.—Sérieusement,qu’est-cequit’amèneici?s’enquit-elle.Ellesedemandaittoujourssiellen’étaitpasentraindedormiretderêver,oud’hallucineràcause

dumanquedesommeil.Recouvrantsonsérieuxuneseconde,illaregarda.—Jen’aipasvraimentledroitdeteledire.Ill’observaitcommes’ilessayaitdevoircommentelleréagissaitaufaitqu’iln’aitpasréponduà

saquestion.—Tu travailles pour le gouvernement ? (Elle fronça les sourcils pour tenter de comprendre la

situation.)Uneminute,c’estbiença.Jem’ensouviens,maintenant.Tuesintervenulorsdel’attaquependant lemariageavortédeSadieetSimon. Je suis restéecoincéedans la salledebains les troisquartsdutemps,maisilmesembleavoirentendu…C’étaitbientoi,n’est-cepas?Les noces de Sadie et Simon, le lendemain du dîner de répétition au cours duquel ils s’étaient

rencontrés, ne s’étaient pas vraiment déroulées en douceur. Elles n’avaientmême pas eu lieu.Deshommesarmésavaientprisd’assautlamaisonetavaientquelquepeumisfinàtoutevelléitéd’unionromantique.Sansparlerdufrèredelamariéesurquionavaittiré.—C’est drôle. (Il hocha la tête lentement et resta délibérément silencieux.) J’étais là, c’est vrai.

Justeletempsdetevoirt’enfuiraveclefrèredelamariée.Mince!Ellegrimaça.—Oui.Jen’ensuispastrèsfière.Maisilnefautpassefierauxapparences.—Cequiveutdirequetun’étaispascomplètementdévastéeàl’idéedeleperdre?Elleréfléchit.— Je n’étais pas dévastée. Le fait qu’on tire sur James…m’a choquée.Mais je me suis rendu

comptequ’ilnes’agissaitquedeça,unsimplechoc.Jepensaisquec’étaitautrechose,maisnon.Bonsang!Elleregardasonverre.Invinoveritas.Elleavaitdumalàreconnaîtrequ’ellen’avait

rien ressenti après le choc initial. Il allait la prendre pour quelqu’un d’insensible. Mieux valaitchangerdesujet.—Etdonc,tutravaillespourlegouvernement?—Oui.Tumefaisconfiance,maintenant?Illagratifiadecesouriredeséducteurquil’avaittellementintriguéelorsdudînerderépétition.Ellesedétenditdansuncoindelabanquetteentrelecoussinenvinyleetlemur.—Paslemoinsdumonde,répondit-elle.Ettupeuxallermechercherunautreverrederouge,siça

teva.Elleleregarda.Iln’avaitpasbougé.Illuifallutunquartdesecondepourcomprendrecequ’elledisait,etilselevatoutd’uncoup.—J’yvais,j’yvais.Harrietsentitunfrissondeplaisir la traverser lorsqu’elle leregardasedirigervers lecomptoir.

De tous les bars du monde, il fallait qu’il… Peut-être que ça signifiait que cette fois, ils allaientpouvoirconclure.Enplus,elleétaitenIrakpourdeuxsemainesseulement.L’idéalquandonvoulaitnepass’attacheràvieniserépandreenpromessessordides.Celaluiépargneraitlemalaised’avoiràexpliquerqu’elleavaitdéjàrencontré,etperdu,sonâmesœur,qu’ellenerecherchaitni l’amourniaucune forme d’engagement, synonyme d’enfermement, et encore moins de famille heureuse.Pendantuninstant,ellesesouvintdesesmainsetdesesyeuxposéssurelle,danslejardin,àmoitiénuesouslapluie.Ilrevintavecunverredevin,etcettefois,s’assitenfaced’elle.Ilalladroitaubut.

—Tum’asbienditquetuétaisarchéologue,non?Quelgenredefouillesfais-tuici?— Aucune. On se contente de préparer le terrain pour une fondation qui finance des fouilles

archéologiquespourdesétudiants.LesétudiantsontdespériodesdéfiniespourvaliderdesUVsurleterrain.Ducoup,à l’occasion,monentreprisesecharged’étudieretdepréparercertainschantiersaveceux.Lentement,ellefittournerlevindanssonverre,songeantauboutdemétalqu’ilsavaienttrouvéen

installantlacaravanesurlesite.Iltoussota.—Etvousavezdécouvertquelquechosed’intéressant?Untrucàsignaler?Ilavaitposélaquestiond’untonenjoué,presquenaturel,maisellecompritimmédiatementquiil

étaitetpourquoiilétaitlà.Tiensdonc!—Tupeuxêtreplusprécis?demanda-t-elle.Ils’appuyacontreledossierdesachaiseensouriant.—C’esttoi,moncontact?insista-t-elle.Bingo!Bonsang,ilétaitplusquepartantpourunbrindecontactavecelle.—Jesupposequeoui.Tun’asparléàpersonnedevotredécouverte,rassure-moi?Instinctivement, ses yeux se posèrent sur les différents clients du bar pour vérifier que leur

attentionnes’étaitpasportéesureux.— Mon Dieu, non. Mes assistants et notre garde sont au courant, mais ils sont suffisamment

intelligentspourtenirleurlangue.Toutcequenoustrouvons,quecesoitancienoumoderne,resteconfidentieltantquenousnel’avonspasmisàl’abridespillardsoudetoutepersonne…susceptibled’êtreintéressée.C’estlarègledesarchéologues.Ellefronçalessourcils.—C’estbien.C’estexactementlaprocédurequenousappliquons.Personneneparledequoiquece

soitavantquetoutsoitensécurité.Ilbutunegorgéedebière.—Jepensaisavoiruneoudeuxsemainesavantdevoirdébarquerquelqu’un,dit-elle.—C’est le tempsqueçaprendnormalement,etc’estmêmeparfoisplus long.D’habitude, ilya

toutunprotocoleàrespecteravantd’arriversurleterrain.Maisj’aiunvisairakien,etcommej’étaisàuneconférenceàKualaLumpur,onm’adétournéàmonretour.—TuesdéjàvenuenIrak?LesdoigtsdeHarrietglissèrentsurleverre,l’effleurantàpeine,etileutl’impressionquec’était

sur sa peau qu’ils dessinaient ces motifs. Rien de tel pour que son sexe se mette à tressaillir.Hallucinant!Merde,çafaisaittrenteheuresqu’iln’avaitpasdormi,etsalibidoétaitintacte?—Évidemment.Jeterappellequ’onafaitlaguerredanslecoiniln’yapassilongtemps.Ettoi?—Unefois.Jefaisaispartied’uneéquipechargéedefouillesprèsd’Ur,ausud-estd’ici.—JesaisoùsetrouveUr.Laziggourat,c’estça?Ilsesouvenaitdel’énormeédificeenterrassequiressemblaitàunepyramide,àlasortiedelaville

deNasyriyah.Elleeutunlargesourire.—Impressionnant!Unsoldatquiconnaîtlesziggourats.C’estmagnifique,n’est-cepas?— Je suis dans l’armée de l’air, répliqua-t-il. Et oui, c’étaitmagnifique.AgathaChristie a écrit

certainsdesesromanslà-bas,jemetrompe?Pendantquesonmarifaisaitdesfouilles,jecrois.

Il juraque levisagedeHarriet s’était légèrementassombri lorsqu’il avaitditqu’il appartenait àl’arméedel’air.Étrange.Quandelles l’apprenaient, laplupartdesfemmespensaientauxpilotesdechasse.IlavaitemballépasmaldefillesgrâceàTopGun.—Oui,c’estvrai,répondit-elledistraitement.Samain s’étaitmise à tapoter nerveusement sur la table, et il la recouvrit de la sienne pour la

calmer.—Çava?Soussesdoigts,sapeauétaitcommeduvelours.Ilavaitenviederevivrecettenuitdanslejardin,

desentirsoncorpsmoitequilerendaitfou.IlremerciaitDieudeluiavoirdonnéunesecondechancedelaposséder,deconclurel’affaireunefoispourtoutes.C’étaitl’occasiondeselasortirdelatêtedéfinitivement.Parcequebonsang,depuisqu’ill’avaitrencontrée,ill’avaitdanslapeau.—Oui.Jesuisjustefatiguée.(Ellelevalesyeuxetsourit.)Jesuisheureusedetevoir,entoutcas.

Combiendetempsas-tuprévuderester?—Çadépend.Justeunenuitpeut-être.Ilfautquej’envoielesdétailsde…(ilregardaautourdelui)

lapommeauQG.—Lapomme?—C’estlapremièrechosequim’atraversél’esprit.Peut-êtreparcequejetetrouveàcroquer.Est-cequ’ilvenaitvraimentdedireça?Enmêmetemps,c’étaitvrai.Elleétaitdélicieuse.Onaurait

ditqu’ellesortaitdulit,avecsescheveuxblondstressésnégligemmentetsonsweataucoljusteassezrelâchépourdévoilerlabretelledesonsoutien-gorgeblancimmaculé.Illuiarrivedoncdeporterunsoutien-gorge. Elle avait l’air innocente, et il était bien placé pour savoir que ce n’était qu’uneapparence. Pourtant, il n’avait qu’une envie, lui faire subir les pires outrages. Ses airs angéliquesexacerbaientsondésir.Sespaupièresserefermèrentimperceptiblementtandisqu’ellesoutenaitsonregard.Ilaimaitlefait

qu’elleassumesondésiretnecherchepasànierceluiqu’iléprouvaitpourelle.Qu’ellenetentepas,commelaplupartdesfemmes,defairemined’ignorerlecompliment.— Est-ce que tu veux… monter avec moi pour voir ma pomme ? demanda-t-elle en clignant

légèrementdesyeux.—Oui.Biensûr.J’ensalived’avance.—Jesuisdanslachambre23.Laisse-moiquelquesminutes,tuveuxbien?—Àvosordres,madame.Ilvérifial’heuretoutenlaregardantquitterlebar.Dèsqu’elleeutdisparudesonchampdevision,

ilrepoussasabièreetétiralesbrasau-dessusdesatête.Ilselevaetsedirigeaprèsdesportespourlirelepanneaud’affichage.Ceshôtelspaumésquiaccueillaientessentiellementdesclientsétrangersressemblaientàn’importequelautrehôteldelaplanète.Lesgensmettaientdesannoncespourtrouverun compagnon, recommander un restaurant, ou informer les autres clients. C’était agréable de sesentir appartenir à une communauté si loin de chez soi. Il trouvait hallucinant qu’il y ait tant devisiteursalorsquelaguerrevenaitàpeinedeseterminer.Ilserenditcomptequesonpiedtapotaitnerveusementlesol,etilvérifial’heureunenouvellefois.

Troisminutes. Il décida d’attendre encore deuxminutes pour que personne ne puisse penser qu’ilsétaientpartisensemble.Dansunétablissementcommecelui-ci,ilvalaitmieuxéviterlesrumeurs.Dèsque les deuxminutes se furent écoulées, il rejoignit l’escalier à grandes enjambées.L’hôtel

n’avait quedeuxétages : celui de la réception, où se trouvaient lebar et le restaurant, et celui deschambres.Ilpassadevantlasienne,et,sanss’arrêter,vérifialapoignéepours’assurerquelaporteétaittoujoursverrouillée.

LachambredeHarrietétait toutprèsde lasienne.Laporteétaitentrouverte.Unfiletde lumièreéclairaitlecouloirplongédansl’obscurité.Ilpianotasurlaporteduboutdesdoigts,àlafoispoursignalersaprésenceetl’ouvrir.Toutenentrant,ilessayaderespirercalmement,histoirederalentirlesbattementsdesoncœur.—Salut,dit-elledesonbureau.Lunettessurlenez,ellesoulevalemorceaudemétal.—J’aibeauchercher,jenevoispascequeceboutdemétalpeutbienavoirdeparticulier.LesyeuxdeMatt étaientposés sur sa silhouettemenue, encorepluspetitedans legrand fauteuil

pivotantencuir,quisemblaitdéplacédanscettechambreàl’ameublementspartiate.Elleavaitramenésesjambessouselle,etsonsweatavaitencoreglissé,dévoilantàprésentsonépaule.Riendesexyensoi.Pourtant,commejamaisauparavant,ilmouraitd’enviedesentirsapeaunuesousseslèvres.Vas-ymollo,monpetitMatt.Ilserapprochad’elle,etelleluilançaleboutdemétal.Ill’attrapaauvoletdétournaleregard.Dès

qu’ilvitl’objet,sonattentionfutretenue.Totalement.CommesiHarrietn’étaitplusdanslapièce.Ils’agissaitenfaitdedeuxfragmentsmétalliques,quiavaientfusionnésousl’effetdelachaleur.Ilavaitvucephénomèneseproduiredescentainesdefois.Etc’étaituneexplosionquileprovoquait.Grâceauxnumérosencorevisiblessurl’undescôtés,ilsutimmédiatementquecettepièceprovenaitd’unC-130.Laseulequestionàseposerdésormaisétaitdedéterminersicetappareilavaitexploséà lasuite

d’unaccident,d’uneattaqueoudetoutautrechose.Ils’assitsurlelitencaressantl’objetdupouce,plongédanssespensées.—Alors,çateditquelquechose?demandaHarriet.Il n’avait pas vu qu’elle avait refermé la porte et approché son fauteuil du lit pour s’asseoir

confortablement,lespiedsposésprèsdelui.—Riendebon.Ilvafalloirquejevousaccompagnesurlesitedemain.Quelquechoseestarrivéà

cetavion,etjedoisdécouvrirquoi.— Je croyais que lesmembres du JPAC s’occupaient de localiser et de rapatrier les corps des

soldatsdisparus,dit-ellelentement.—C’estvrai.C’estcequejefais.(Ilsecoualatête,l’airpréoccupé.)C’estpourçaquejesuislà.Tu

asraison.Cen’estpasàmoidedécouvrircequis’estpassé.Ilfallaitqu’ilcessedevouloirrésoudretouslesproblèmesqu’ilrencontrait.Soncommandantle

luiavaitrépétéàmaintesrepriseslorsqu’ilavaitintégrél’équipeduJPAC.Lessoldatsdel’Élémentorganique de déminage étaient des experts en résolution de problèmes.C’était une seconde naturepourlui.Maiscen’étaitplussonboulot,désormais.Une petite sonnerie retentit sur le bureau de Harriet, et elle se leva pour aller regarder son

téléphone.Autourdesescheveux,lalumièreformaitunhalo.Lorsqu’elles’assitpourconsultersese-mails,sestextos,ouautre,ilfermalesyeuxuninstantpoursedonnerletempsderéfléchiràunplan.Unplanquinemettepassoncommandantenrogneetquiluiépargnedesesentircoupabledenepasintervenir.

Chapitre4

LorsqueHarrietseréveilla,illuifallutunmomentpoursesouvenirdecequis’étaitpassélaveille.À ses côtés, une protubérance singulière déformait le matelas, certes peu épais.Matt. Le tempsqu’ellevérifiel’e-mailreçudelafondation,ils’étaitendormicommeunemasse,etelleavaitdûlebousculerlégèrementpourl’allongersurlelit.Visiblement,cethommemanquaitdesommeil.Elle avait enlevé son sweat et gardé son débardeur, avant d’enfiler un short de nuit et de se

pelotonnerdanslelit.Ellesetournaversluienclignantdespaupières,leregardencorefloudesommeil.Ilavaitl’airsi

différent.Commeapaisé.Lemasqueduséducteurétaittombé.Sescheveuxnoirs,etrasauniveaudesoreilles, étaient un peu plus longs sur le dessus. Plus que la rigueurmilitaire ne l’autorisait. Sonmentonfermeetsespommettessaillantesévoquaientlastatued’Apollonqu’elleavaitaidéàexhumerenmerÉgée,quelquesannéesauparavant.Elleavaitenviedecaressersapeautoutautantqu’elleavaiteuenviedecaresserlemarbredelastatue.Enfin,pastoutàfaitdelamêmemanière.Unebarbedequelquesjoursassombrissaitsamâchoire.Ilouvritlesyeux,etellevitsetendrelesmusclesdesoncou,alorsquesonregards’animaitenunefractiondeseconde.—Harriet,dit-ild’unevoixrauque.—Puisquenousavonspassélanuitensemble,tupourraispeut-êtrem’appeler«Harry»,répliqua-

t-elle,pince-sans-rire.—Nous,quoi…?bredouilla-t-il,avantdesourireens’apercevantqu’ilétaitencorehabillé.Bon

sang, j’aicruun instantqu’onavait fait l’amouretque jenemesouvenaisde rien.Ç’auraitétéuncrime.—Jenetelefaispasdire,répondit-elleenluisouriantàsontour.Ils restèrent silencieuxun instant.C’était unpeubizarre de se retrouver dans lemême lit, à tête

reposée,sansqu’iln’enprofitepourluisauterdessus.Lorsqu’elledécidadeselever,illaretintparlebras.Elles’immobilisa.—Oùvas-tucommeça,machérie?—Euh…Tun’aspasenviedesortirdulit?—Passpécialement.Le journ’amêmepas finidese lever,et tuesexactementà l’endroitoù je

rêvaisquetusois.Illuiadressaunclind’œil,etelles’installasurlecôté,faceàlui.—Jepensebeaucoupàtoidepuislemariage,avoua-t-il.Ilroulasurledos,s’étira,etseremitenfaced’elle.—Ettoi,tuaspenséàmoi?insista-t-il.Touslesjours.—Unpetitpeupeut-être.Sarespiration, touts’était ralenti.Depuisqu’elle l’avait rencontré,elleavait fantasméà l’idéede

faire l’amour avec lui dans ce jardin, s’était imaginée comblée par cet homme, sous la pluie.

L’occasionrêvéeseprésentait.Elleallaitfairel’amouraveclui,quoiqu’ilarrive.Onluioffraitunesecondechance.Impossibledelalaisserpasser.D’autantqu’iln’étaitlàquepourquelquesjours.—J’aienviedetoi.Detevoirnue.Tum’obsèdes.Maisjetepréviens,net’attendspasàuncontede

fées.Dansdeuxjoursauplus,jeserailoin,etilyapeudechancesquel’onserecroise.Jeneveuxsurtoutpastefairesouffrir,quecesoitmaintenantouplustard.Toujoursaussiprétentieux,l’enfoiré.—Ehben,Matt, tunedoutesderien,ondirait.Tupensesqu’unenuit…(elleregardala lumière

encore faible qui s’infiltrait dans les coins des rideaux) ou plutôt qu’un matin, peut suffire àbouleversermavieaupointdevouloirlapasserauprèsdetoi?Elleéclataderire.—Jesuissûrequetunemanquespasd’entraînement,maisquandmême…,ajouta-t-elleavecun

clind’œil.Ilplissalesyeux.—Tuvasvoir.Ill’enlaçaparlatailleetl’attiracontrelui.Ellesentitaussitôtsursacuisselaproéminencedeson

sexe,déjàtrèsdur.—Vraiment?chuchota-t-elle,àquelquesmillimètresdesabouche.Il répliqua d’un baiser torride qui la fit frissonner jusqu’au bout des orteils. Déjà, sa langue

s’immisçait dans sa bouche, et elle gémit. Son désir pour lui, tel un flot de sable et d’argile quis’écouleentrelesdoigts,lasubmergea.— Matt, murmura-t-elle lorsque ses lèvres quittèrent les siennes avant de déposer des baisers

humidesdanssoncouetenfairevibrerlespointslesplussensibles.Ils’écartad’elleenfronçantlessourcils.—Oui?—Déshabille-toi.Ilportaitlesmêmesvêtementsquelaveille.Ilselevad’unbond,et,sanslaquitterdesyeux,passasachemiseau-dessusdelatêteetdéfitson

jean.Ils’immobilisauninstant.—Toiaussi.Jeveuxtevoir.Ilfittombersonpantalonetapparutdanstoutesavirilité,lecorpstatouéetmusclé.Àcettevue,un

flot de désir s’insinua entre les cuisses de Harriett. Cet homme allait lui appartenir. Et il étaitmagnifique.Deboutsurlelit,ellesecontorsionnapourfairedescendresonshort.EllevitlemembredeMatt

bondirlittéralementlorsqu’ildécouvritqu’elleneportaitpasdesous-vêtement.Ellesedébarrassadesonshortd’unmouvementbrusquedupiedet,sansplusdecérémonie,ôtasondébardeur.—Tuesincroyable,bonDieu,susurra-t-ilens’approchantdulit.Soussonregardintense,sestétonss’étaientredressés.Ellesesentitsoudainvulnérable,commesi

toussesossedélitaient.Elleavaitbesoindelui.Desapuissance.Matt posa sa main sur l’épaule de la jeune femme et la fit glisser entre ses seins jusqu’à son

nombril,surlequelildéposaunbaiser.Ellepassasesdoigtsdanslescheveuxdesonpartenaireetvoulutl’attirerplusprès.Maisilrecula

etlasoulevadélicatementdulitpourlaprendredanssesbras.Ellesesentaitminusculeàcôtédelui.Délicate et fragile. Elle voulait qu’il l’épuise. Qu’il la comble.Toujours plus. Elle n’était pas unepoupéedeporcelaine.Commes’illisaitdanssespensées,illalaissaretombersurlematelasetluiécartalesjambes.Sa

langue et sa bouche tracèrent des sillons de feu de ses chevilles à ses cuisses et elle s’embrasa,gémissantededésir.—Qu’est-cequetuveux,Harry?Dis-moi.—Fais-moivibrer.Merde.Oùest-cequ’elleétaitalléechercherça?Il lui mordit l’intérieur de la cuisse, et ce fut comme une décharge de plaisir et de douleur

confondusquilatransperça.Sonsexeétaitaucombledel’excitation.Ellen’avaitjamaisressentiunteldésir.—MonDieu,oui,haleta-t-elle.LesdoigtsdeMatts’enfoncèrentviolemmentdanslesglobesdesesfesses,etillasoulevapourla

rapprocherdesabouche.Déjà,salangues’activaitsursonclitoris,sauvageetimplacable.Au bord de l’abîme, elle s’accrochait encore, avide de vertige.Mais lorsqu’il enfonça un doigt

pressantetimpérieux,puisdeux,auplusprofonddesachair,et,tandisquesalanguelarendaitfolle,ellecrutdéfaillir.Latorturedevenaitinsupportable.Ilfallaitl’abréger.Lesyeuxclos,ellejouitdansunéclatdelumière,savourantlesdélicesdelavaguequil’emportait.Ledouxsonenivrantdesajouissanceretentitdanslachambredépouillée.Sonsexeétroitvibrait

encorelorsqu’ilretirasesdoigts.Iln’avaitjamaisdésiréunefemmeaussiviolemment.Ilvoulaitlapossédertotalement.Sansattendre.—Tuasunpréservatif?demanda-t-elle.—Biensûr.—MonDieu,merci,soupira-t-elle.Tumeveuxcomment?—Vite.Etfort.C’étaitpresqueunequestiondesurvie.Ellelesuivitduregardlorsqu’ilpritunpréservatif

danssonportefeuille.Elle se retourna, sans lequitterdesyeux,et semit tranquillementàquatrepattes.Bonsang. Elle

étaitparfaite.En une seconde, il était derrière elle. Ses cheveux blonds vinrent balayer son dos. Il saisit son

membrefrémissantetleguidaauplusprèsdesaféminité.Ellereculaaussitôt,brûlantdelesentirenelle. Il passa un bras autour de sa taille si menue et, lentement, s’insinua dans la chaleur de sonintimité.Toutsoncorpss’enflammalorsqu’elleresserrasesmusclesautourdelui.Lorsqu’ellegémitsonnom,ilcrutperdrelaraison.Sondésirleconsumait.Ilvoulutseretirerlentement,maisellel’enempêcha.Ellesesoulevalégèrementets’agrippaàla

têtede lit. Ilaurait tellementvoulu lavoir.Contemplersonvisage,sesseins. Ilcomprenaitsoudainpourquoi certains éprouvaient le besoin de se filmer en faisant l’amour. Cela ne lui avait jamaistraversé l’esprit.Mais là, il trouvait l’idée plus que séduisante. C’était peut-être la seule fois qu’ilferaitl’amouravecelle.Illuifallaitunmiroir.Ilseretiramalgrésesprotestations.—Viens,dit-ilenluitendantlesmains.J’aibesoindetevoir.C’estplusfortquemoi.Illaguidajusqu’àlacoiffeuseunpeudémodée,seulmiroirdelachambre.—Vilaingarçon!Unlargesourireauxlèvres,elleinclinalebusteversl’avantets’accrochaausommetdumeuble,

offrant le parfait spectacle de son visage et de ses seins. Il glissa samain entre ses jambes et dutfermer les paupières au contact de sa chaleur.Elle écarta aussitôt les jambes et gémit, tandis qu’iltaquinaittendrementsonintimité.

Ilouvritbrusquementlesyeuxpourobserversurlestraitsdelajeunefemmel’effetdesescaressesintimes.Clitoris,vagin,fesses.Unejouissanceensoi.Ilrepritsonmembreunenouvellefoisetl’inséralentement,avecbienplusdedouceurquesurle

lit quelques instants plus tôt. Il déglutit à grand-peine lorsqu’il se vit disparaître en elle. Elle étaittellement sexy, tellement étroite.Àchacunde ses coupsde reins, ses cheveuxvenaientbalayer sondos.—Plusfort.Baise-moiplusfort,dit-elle,enletransperçantduregarddanslemiroir.Ilsaisitseshanchesàpleinesmainsetlapénétrapuissamment.Elleréponditàchacundesescoups

dereins.Ellesepenchaàl’avantetvintluicaresserlestesticules.Lorsqu’elleaccentualapression,Mattcrutquesatêteallaitexploser.Unflotdelaveenfusionremontalelongdesacolonnevertébraleavantderedescendrejusqu’àsonsexe.Etiljouit.Accrochéàseshanches,ilobligeaHarrietàsecambrer,etsescheveuxtombèrentsurl’unedeses

épaules,dévoilantuntatouagesurlehautdesondos.Leblasondel’EOD.Sonancienneunité.Bonsang!C’étaitquoi,cedélire?

Chapitre5

Harrietseredressa,s’étiraetretintunéclatderirelorsqueMattgémitenseretirant.Ilavaitassuré.Vivelesfantasmesquiseréalisaient!Elleluisouritdanslemiroir,maisilavaitdétournélesyeuxetobservaitsondos.Ildégagealescheveuxdesépaulesdelajeunefemme.Ah,ildevaitavoirvusontatouage.— C’était la section de mon mari. L’EOD, ajouta-t-elle, en espérant qu’il ne poserait pas de

questions.Maisnon.—Jesaiscequec’est,etlaplupartdesgarssontdivorcés.EODneveutpasseulementdireÉlément

organiquededéminage.Çasignifieaussi…—Élémentorganiquededivorce.(Elleseretournaverslui.)Jesuisaucourant.Maissachequeje

nesuispasdivorcée.Illaregardafixement,enproieàunflotd’émotionscontradictoires.—Désolé.(Ilreculaetattrapasonpantalon.)J’aiconnutellementdetypesbienquinesontpluslà

aujourd’hui.—Jen’enaiconnuqu’un.Bonsang.Commentcetteconversationavait-ellepuprendrecetourenmoinsd’uneminute?Elle

aurait bien aimé pouvoir l’effacer.Visiblement, le sujet ne l’enchantait pas non plus.Depuis qu’ils’étaitexcusé,ilnel’avaitpasregardéeenfaceuneseulefois.—Cen’estrien.Celafaitseptansmaintenantqu’ilestmort.Jevaisbien.Net’enfaispaspourmoi.—Septans?Peut-êtrequejeleconnaissais.Ilétaitdansqueldépartementmilitaire?Ilavaitpresquefinideserhabiller,unpeucommeonenfileunearmure.Elleauraitris’iln’avait

passemblési…bouleversé?—ForceaériennedesÉtats-Unis.DannyMcCantry.Bouchebée,Mattsecoualatête.—LafemmedeDannys’appelaitMarko.Commentpouvait-ilsesouvenirdeça?Bonsang,merde!L’histoiresecompliquaitcarrément.Il

serraitsifortlesdentsqu’ellesgrinçaient.Harrietattrapasonshortetsondébardeur,ets’assitprèsdeluisurlelit.— Mon nom de jeune fille est bien Markowitz. On avait à peine douze ans quand on s’est

rencontrés,Dannyetmoi.Ilm’appelaittoujoursMarko.—Dannyétaitmonmeilleurami.Jeviensdebaiseraveclafemmedemonmeilleurami.Ilavaitditcelad’unevoixcassante,etlecœurdeHarrietflanchaenmêmetempsquesonestomac.

Nauséeuse, elle dut respirer longuement à plusieurs reprises avant de recouvrer son calme. Toutresurgissait. Les histoires, les photos. Elle revoyait Danny en train de lui parler de ses potes desection.Ellelesavaitpresquetousrencontrésaumomentdesfunérailles,mais,hormislesquelquesvisagesdeceuxvenusluirendrevisiteparlasuite,elleavaitpresquetoutoubliédecettejournée.

Elleposasamainsursonbras,etilselevad’unbond,commesousl’effetd’unebrûlure.—Pourquoitunem’asriendit?demanda-t-il,ensepassantunemaindanslescheveux.Ils’étaitexpriméàvoixbasse,maisavecl’intensitéd’uncri.Ilpritlerestedesesvêtementsetles

enfilaavantqu’ellen’aitputrouverlaréponsedignedecevéritablecauchemar.—Jesuisdésoléequecelat’affecteautant.C’est…regrettable.Maistusais,Dannyestmortilya

longtemps,maintenant.Jesuispasséeàautrechose.Ellen’enrevenaitpas.Elleavaitprononcécesparolessisouventqu’elleréussissaitpresqueàs’en

convaincre. Oui, elle était passée à autre chose. Sexuellement et professionnellement, autant quephysiquement.Maispasémotionnellement.C’étaitimpossible.—Pasmoi.(Ilavaitparléendétachantsesmots.)Commenttuaspucoucheravecmoicommeça?

LesouvenirdeDannynesignifie-t-ildoncrienpourtoi?Enproieàunefureursoudaine,ellesentitlesangmonteràsestempes.—Commentoses-tu?Commentoses-tu?Sorsd’ici.Toutdesuite.Ilfitclaquerlaportederrièrelui.Harrietserecroquevillasurlelit.Ellepleuraitdéjààchaudeslarmes.Commentosait-illajuger?

Commentavait-ilosé lancer cequ’elle seuleavait ledroitde sedire?Qu’ilailleaudiable ! Ellerenifla et releva lementon en signe de rébellion, avant d’essuyer les larmes qui coulaient sur sonvisage.EllenepleuraitpaspourDanny.Ellesesentaithumiliée.Commesionvenaitdeluirappelerbrutalementtouslesdoutesqu’elleavaitsurlemythedelaveuvecensée«passeràautrechose».Qu’ilailleenenfer!Ellen’avaitrienàsereprocher.Pourquoil’avait-ilagresséeainsi?Elleavait

décidé de profiter de l’existence à chaque instant. Elle savait qu’elle finirait de toute façon parretrouverDannyunjour.Samanièredevivreneregardaitqu’elle.Personned’autre.Elleadoraitlavie,etelleavaitbien l’intentiondese faireplaisirautantquepossible.Lesaventures, la liberté, et,lorsqu’elleenressentaitledésir,s’éclateraulitsansseprendrelatête.Elle n’avait pas l’intention de s’excuser sur sa façonde vivre, sur ses choix.Matt n’avait aucun

droitsurelle.Pasquestion.Elleselevaetallasedoucher.Pasquestion,bonsang!Iln’enrevenaitpas.Quellemerdeluiétaittombéedessus?Commentétait-cepossibledepasseren

unesecondedel’extaseàl’horreurabsolue?Ilfaisaitlescentpasdanssachambre,enessayantdecomprendrecequivenaitdeseproduire.Il

avaitbaisélafemmedeDanny.Elles’étaitoffertecommeune…commequoi?Saraisonlerappelaitàl’ordre.Nom de Dieu ! Il venait de la traiter de femme adultère. De traînée, même. Il s’immobilisa et

s’écroula sur le lit, abattu. Il l’avait caressée commeDanny l’avait caressée. Il avait l’impressiond’avoircommisunsacrilège,briséunsermentimplicite.Danslelivredesavie,lamortdeDannyétaitgravéeàjamais.Ilyavaitunavantetunaprès.Avant,

ilétaitinsouciant,légeretheureuxdevivre.Maisaprèsavoirvusonmeilleuramisedésintégrerdansunebrume rose, il étaitdevenuquelqu’unde stressé, etdegrave, constamment sur sesgardes.Lesténèbres avaient succédé à la lumière. Quant au sexe, il remplissait uniquement deux fonctions.L’éloignerdelafoule,et,letempsd’uninstant,luifaireoubliercedrame.Ilseprenaittoutàcouplaréalitéenpleinefigure.Elleavaitraison,celafaisaitseptans.Ilauraitdû

réussiràsurmontercetteépreuve.Maiscommentfaisait-onpoursurmonterunetelleépreuve?Ensuivantunethérapie,peut-être,luisuggéraunepetitevoix.Qu’il s’empressa de chasser aussitôt d’unmouvement de tête. Comment pouvait-il arranger les

choses?Ilnepouvaitpasfairecommes’iln’avaitpasbaiséavecelle.Ilnevoyaitqu’unesolution.

Finirsonboulot,retourneràHawaii,etoubliercetépisode.Ilétaitdevenumaîtreenlamatière.Maisd’abord,ilfaudraitpeut-êtrequ’illuiprésentedesexcuses.Cen’étaitpasgagné.Commentça

avaitpusimaltourner?Ledestinavaitdécidédejoueravecsesnerfs.SarencontreavecHarrietaucoursd’unmariageétait tellement improbable.Sansparlerde cette incroyable…comment appelercela?danslesjardinsdurestaurant.Etquediredecestroisderniersmoispassésàfantasmersurelle,àl’imaginernue,luiseperdantenelle?Toutçapourtombersurelleàl’autreboutdumonde,aussiexcitanteetenvoûtantequedanssonsouvenir.Voilàqu’àcausedecettefemme,ilsemettaitàparlerenvoûtement.Ilétaitvraimentatteint,nomdeDieu.Etpasqu’unpeu.

Chapitre6

Harriet était descendue déjeuner avant tout lemonde.Lemorceau demétal avait repris sa placedanssapocheetsesdossiersétaientétaléssurlagrandetableàlaquelleelleavaitprisplace.—Harriet?HarrietMarkowitz?Unevoixinconnueàl’accentbritanniqueluifitleverlatête.C’étaitcelled’unvieuxmonsieurencostumetrois-pièces,quiluidisaitvaguementquelquechose.

Oui,voilà.Unarchéologuerencontrélorsd’uneconférence,peut-êtretroisansauparavant.—Malcolm,c’estbiença?Jesuisdésolée,jenemesouvienspasde…Elleselevaetluitenditlamain.Illaluiserra,aprèsavoirfaitglissersesdossierssoussonbras

gauche.—Rapson.MalcolmRapson.— Évidemment. Vous avez donné une conférence sur les antiquités du Moyen-Orient. J’ai été

subjuguéeparlespiècesquevousnousavezmontrées.J’aiadorévotreintervention.Ellejetauncoupd’œilauxchemisesqu’ilavaitsouslebras.Lapremièrevenaitcommelasienne

delaFondationMegellin.—Vousêtestropaimable.Oui.Vraimenttrèsaimable,dit-il,enexaminantdéjàlebuffet.—VousêtesmissionnéparlaFondationMegellin,vousaussi?Étonnantquesesemployeursaientenvoyéaumêmeendroitdeuxéquipesd’étude.Normalement,

uneseuleétaitchargéedelamêmezone.Elleretournasondossierpourqu’ilvoieàquelpointleurssitesétaientproches.Ileutl’airaussisurprisqu’elle.—Eneffet,celaesttrèsétrange,machère.Oùtravaillez-vous?Ilposasesdossierssurlatable,ouvritceluiàlacouverturenoirbrillant,etentiralacartedeson

site.Elleétaitidentiqueàlasienne,saufquelazonecoloréesetrouvaitàl’ouest.Lalimiteestdesonpropresitejouxtaitlalimiteouestdeceluidesonconfrère.Elleluimontrasacarte.—Étrange,maispasanormal,trèschère.Ilspaientbien.J’endéduisdoncqueleurscoffresnesont

pas aussi videsque ceuxde certains autresdemes clients.Peut-êtren’ont-ils pas le tempsde fairedeuxétudesconsécutives.— Oui, vous avez certainement raison. Pourquoi ne pas en profiter pour échanger sur nos

recherches? Je serais ravied’entendrecequevouspensezdesdernièresdécouvertesprèsd’Erbil,dit-elleenévitantd’enfairedestonnes.C’étaitl’occasionrêvéedepasserplusdetempsavecunarchéologuederéputationinternationale.

Mince,s’ilsdécouvraientquelquechose,peut-êtrequ’ilspourraientcosignerunarticletouslesdeux.—Avec le plus grand plaisir. Nous organiserons une petite rencontre un peu plus tard dans la

semaine,lorsquenousauronsdavantagedéfrichéleterrain.—Parfait.Ehbien,bonappétit!lança-t-elleens’asseyant.Quellechance.Êtrelàenmêmetempsqu’unarchéologuederenomqui,enplus,sesouvenaitde

sonnom.Cesdeuxsemainess’annonçaientpassionnantes.EndehorsdeMatt,biensûr,serappela-t-elleensoupirant.Passionnantes,certes,maisilfallaitd’abordqu’ellesedébarrassedelui.MollyetJasonarrivèrentenmêmetemps,et,encoreunefois,elleneputs’empêcherd’yvoir le

signed’unepossibleliaisonentreeux.Siellevoyaitjuste,Mollyn’avaitvraimentpasperdudetemps.Çane lui ressemblait pas.Normalement, elle était plutôt du genre à observer.Avant de séduire unhomme, elle prenait le temps de le regarder sous toutes les coutures. Selon elle, les petits détailsétaient les plus révélateurs. La manière de s’adresser à un serveur ou de se comporter quand onignorequel’onestobservé.Rienneluiéchappait.—Salut,lesjeunes.Allezvousservir,etensuite,jevousexpliqueleprogrammedelajournée,dit-

elleaprèsqueMollyl’eutembrasséesurlajoue.Elleavaitl’impressionunpeudésagréabled’avoiràlamaterner.Unserveursympathiqueremplit leurs trois tassesdececaféauxarômespuissantset revigorants

incomparablesànulautre.Riendetelpourcommencerlajournée.Quandellen’étaitpasauMoyen-Orient, cela lui manquait énormément. Impossible de trouver aux États-Unis quelqu’un qui sachepréparer lemême.Elle regarda autourd’elleun instant en songeantqu’ellepourrait sansdoute endemanderlarecetteavantsondépart.Ellehumalebreuvageavantd’enavalerunepremièregorgée.Mollyrevenaitàlatableenriant.—Àtevoir,oncroiraitpresquequetuesenpleineextasesexuelle!—Tunecroispassibiendire.Tudevraisessayer.Ellebutunedeuxièmegorgéedecafé.Mollysentit lecaféet legoûta.Auboutd’uneseconde, sonvisagesemità rougir.Elle regarda

autourd’elleetlerecrachadanslatasse.—Oh,monDieu,c’estuneblague?s’exclamaHarriet,faussementsévère.Jenevaispluspouvoir

remettrelespiedsici.EllesecoualatêtecommesiMollyétaitunegosseexaspérante.Jasons’assitàcôtédelajeunefemme.—J’aivulascènedelà-bas,dit-ilenmontrantlebuffet.Jet’aicommandéduthé.—Merci,Jason.(ElleseretournaversHarriet.)Tuvois,yaquelqu’unquimesoutientici.Harriet leva lesyeuxauciel…etaperçutMatt.Elleavaitpris laplusgrande tablecontre lemur

pouravoirunevueduhalld’entrée,maisd’oùilétait,ilnepouvaitpasvoirlesdeuxétudiants.Elletentadesecouerlatêtepourleprévenir,maisilsedirigeadroitsurelle.Elleselevabrusquementetlesdeuxautreslaregardèrent,intrigués.—Jesuisvraimentdésolédecequej’aidit.C’étaitcomplètementdéplacé.—Matt,jeteprésenteMollyetJason,mesassistantssurcechantier.Ellemontradudoigtlesétudiantsassisprèsdumur.Merde.Vas-ymollo,Stanning.Vraimentmollo.—Bonjour.Jem’appelleMatthewStanning.JebossepourleJPAC.IlserralamaindesdeuxétudiantsenremarquantqueJasonsemblaitunpeuagacédelevoir.Le

jeunecoqn’étaitplusseuldanslabasse-cour.—LeJPAC?demandaJasonenplantantsafourchetteunpeutropagressivementdansunmorceau

defruit.—LeJointPOW/MIAAccountingCommand.Notreboulotestderamenerlestroupesàlamaison.

Onm’aenvoyépourétudierlapiècequevousaveztrouvée.

Ils’assitetunserveurluiapportauncafé.Jasons’enfonçasursachaiseetcroisalesbras.—Vousneperdezpasdetemps.Çafaitàpeinevingt-quatreheuresqu’onl’adécouverte.Mattn’avaitnullementl’intentionderendredescomptesàcefreluquet.—L’arméedel’airestconnuepoursaréactivité.Molly se pencha au-dessus de la table et rajusta ses lunettes sur son nez, avant de l’observer

attentivement.—Waouh!Tuesdansl’arméedel’air?C’estgéant.Ettuasununiforme?Du coin de l’œil, il vitHarrietmarquer un temps d’arrêt et Jason se hérisser.Apparemment, il

mettaitlespiedsdansuntrucqu’ilnemaîtrisaitpas.Voilàquiétaittrèsintéressant.Ilfallaitjustequ’iltrouve le moyen de parler seul à seul avec Harriet pour lui présenter des excuses. Ensuite, iltermineraitsamission,etbasta.—Biensûrquej’enaiun,répondit-ilprudemment.—Etc’estdur?insistaMolly.Ilfaillits’étoufferavecsoncafé,etilyeutuninstantdesilence.—Commentça,dur?dit-ilensouriantàlavuedeHarriet,latêteenfouiedanslesmains.—MonDieu,sionpouvaitéleverunpeuledébat,répliquaMollyenregardanttoutlemonde.Je

parlaisdetontravail,évidemment.C’estdurderechercherdesgensensachantqu’ilssontmorts?Ilreposasatassesurlatable.—C’est leboulot leplusgratifiantque jen’aie jamaiseu.C’estdur, jene lecachepas,pour la

raisonque tuviensd’évoquer,maisquandon les trouveetqu’on les rendà leur famillepour leuroffrirdesfunéraillesdignesdecenom,c’est lemeilleur travaildumonde.(Il jetauncoupd’œilàHarriet.)UndemesmeilleursamisestmorticienIrak,etilnerestaitpasgrand-chosedeluiquandonl’arenduauxsiens.C’estcequim’afaitchoisircettevoie.Rapporterunpeudepaixauxfamilleslaisséesdansundouteatroceetincessant.Ilyeutunsilence,puisHarrietrepritlaparoled’unevoixdouce:—Mercipourtoutcequetufais.—Cen’estrien,répondit-ilens’éclaircissantlavoix.Etsinon,c’estquoileprogrammedujour?

Jesupposequevousnevoyezpasd’inconvénientàcequejevouscolleauxbasques?—Biensûrquenon,réponditMollyavecungrandsourire.Plusonestdefous…Mattlesobservatouràtour.—Voussavezquevousêtescensésêtreconstammentprotégésdanscepays,n’est-cepas?Cela

concernetouslescitoyensaméricains.—Aucunproblème.C’estMueenquis’encharge.Ildoitdéjàêtreentraindenousattendredehors

dansuncamionpournousconduirejusqu’ausite,expliquaHarriet.Tudevraisallerprendretonpetitdéj’pendantqu’onréunitnosaffaires.Onseretrouvedehorsdans…dixminutes,disons?MollyetJasonselevèrentets’enallèrent,laissantHarrietseule.ElleregardaMattensilence.—Jesuisdésolépourcematin.J’aiexagéré.Jen’aiaucuneexcuse.C’est justeque…Dannyest

toujourstrèsprésentdansmonesprit.Ilreplongeasonregarddanssoncafé.Bonsang.Iln’avaitpasdutoutprévudesedévoilerautant.Elleselevaettiralachaiseàcôtédelasienne.—Ill’esttoutautantpourmoi.Maisjenepeuxpasvivreenlaissantsonsouvenirdirigerchaque

instantdemavie.Sij’aichoisidevivresanslui,c’estparcequecelafaitlongtempsquej’aichoisidemouriraveclui.Quoi?Lechocqu’iléprouvadevaitseliresursonvisageparcequ’elleposasamainsursonbras.

—Désolée.Jecroisquejen’aipasététrèsclaire.(Elletoussota.)Dansmonesprit,j’aichoisidevivresansDanny.C’était l’amourdemavie.Maisdansmoncœur,ilseraprésentjusqu’àmamort.Celafait longtempsquejesuisenpaixavectoutça.Tudevraisenfaireautant.Iln’yapasdequoiavoirhontedecequeturessens.Tunepeuxcontinueràvivreenculpabilisantàcausedesamort.Pressé de partir, il fit racler sa chaise sur le sol. Certains clients levèrent le nez de leur petit

déjeunerpourvoirquilesdérangeaitainsi.—Toutvabienentrenous?interrogea-t-il.—Biensûr,répondit-ellesimplement.Sans demander son reste, il s’éloigna et monta l’escalier à grandes enjambées. Ce voyage lui

retournait le cerveau.Enfin,Harriet lui retournait le cerveau.Maispeut-êtreque c’étaient juste sespropresdémons,quipourunefois,insistaientpoursefaireentendre.

Chapitre7

Latempêteavaitdéposéencoreplusdesablesurlesroutesdélabréesconduisantausite.Letrajetétaitlongetlaborieuxet,danslecamion,latensionétaitpalpable.Toutlemondesemblaitsurlesnerfs,endehorsdeHarriet,quisouffraitdevoirsescompagnons

aussi tendus.Mueenn’avaitpas l’aird’apprécier laprésencedeMatt,mêmes’iln’avait riendit.Levisageimpénétrable,ils’étaitcontentéd’unregardduretinsistant,quis’étaittellementprolongéqueHarrietavaitdûtoussoter.EllenecomprenaitpasdavantagepourquoiJasonsemontraitaussiacerbeenversMatt,maiselle

comptait bien le rappeler à son professionnalisme vis-à-vis des personnes extérieures à l’équipe.QuantàMolly,unpeudetempspasséseuleavecelleluipermettraitcertainementdeconnaîtrelefinmotdel’histoire.Enattendant,s’ilsvoulaientremplircorrectementleurmissionauprèsdelaFondationMegellin,il

leurfaudraitapprendreàtravaillerensemble.Leclientétaitprioritaire.Sanslui,aucund’euxneseraitlà. Tout ce qu’ils pouvaient faire pour satisfaire au mieux la présence militaire, c’était de lancerl’étudegéoradarsansattendreplutôtqu’enfindeséjour,commeellel’avaitinitialementprévu.Tandisqu’ilss’approchaientdeleurcaravanesurlesite,JasonetMollyjetèrentuncoupd’œilpar

lepare-brise.—C’estquoi,cedélire?Harriets’immisçaentrelessiègespourvoircedontilsparlaient.—Oh.La tempêteavait ramené le sable jusqu’àmi-hauteurde la caravane,maisheureusement,ducôté

opposéàlaporte.Quantauterrain,ilétaitcomplètementdifférentdesphotospriseslaveille.—Çaarriveparfois.Bienvenuedansledésert!lança-t-elleensouriant.En général, lorsque l’on prévoyait un chantier dans le désert, on ajoutait toujours une semaine

supplémentaireaucalendrier.Histoiredetenircomptedesmagnifiquesmouvementsdesable.—C’estpourvousdeuxuneoccasionuniqued’apprentissage.Jevoudraisprendreplusdephotos

aujourd’hui.Celanouspermettrad’avoirunevisiontrèsprécisedeseffetsdelamétéo.Surtoutpourtoi,Jason,c’esttrèsimportantpourtathèse.Lejeunehommeacquiesçaetattrapasonappareilphotoderrièrelessièges.Lorsqu’ilss’arrêtèrent

tousdevantlacaravane,ilsautaetsehissasurletoitpouravoirlemêmepointdevuequelaveille.Enréalité,Harrietétaitstupéfiéeparlesmodificationscauséesparlatempête.Uneduneénormese

trouvaitàprésentenpleinmilieudeleursite.ElleobservaMatt,imperturbablederrièreseslunettesde soleil. Que pouvait-il bien penser ? Réussirait-il un jour à se pardonner l’affront qu’il pensaitavoircommisenversDanny?Ellesoupira,cequilepoussaàlaregarderàsontour.—Çanetedérangepasquej’aillevoirlà-bas?demanda-t-ilenmontrantlesdrapeauxindiquant

leslimitesdelazone.—Absolumentpas,fais-toiplaisir.

Ellel’observaalorsqu’ilinspectaitméthodiquementchaquedrapeau,etsoupiradenouveau.—Vousn’auriezpasdûlelaisserentrer,madame,ditMueen,quiavaitsuivisonregard.Elleétaitsurprise.Normalement,quandsonépousen’étaitpasprésente,il luiadressaitàpeinela

parole.Alorsluidonnersonavis…Toutesonattentionsemobilisasurlui.—Qu’est-cequevousvoulezdire?—Cethomme.Ilvaperturbernotrevieici.Riendebonnevaensortir.MueenregardaMatt,àpeinevisiblederrièreladune.Aufuretàmesurequ’ilparlait,sonaccent

américainréapparaissait,souvenirdesonpassageàl’universitédePennsylvanie.—Chaquefoisqu’unétrangerarrive,celaperturbelaviedenotrevillage,dit-ilensecouantlatête.

Jenefaispasconfianceàcethomme.—Est-cequenousperturbonslaviedevotrevillagequandnoussommeslà?questionna-t-elle.C’était la deuxième fois qu’elle venait et, lors de sonpremier séjour,Mueen leur avait servi de

garde armé et d’interprète, même si à cette époque, trois gardiens supplémentaires avaient éténécessaires.Heureusement, lesmesuresdesécurités’étaientallégéesdepuis la finduconflit.Avoirquatrehommesmunisd’armesmilitaireslamettaitmalàl’aise.Riendetelpoursefaireremarquer.Illuisourit,dévoilantunedentureparfaite.—Oui,biensûr.Maismafemmevousaimebeaucoup.Alors,àlamaison,c’estlajoie.Ellerit.—J’aimebeaucoupAin,moiaussi.—Elleveutvousinviteràdînercesoir.Voustous,ajouta-t-ilens’inclinantlégèrement.—Avecleplusgrandplaisir.Lacuisined’Ainestdivine.Elle était aux anges. Ain, femme courageuse mais discrète dans un monde d’hommes, était

vraimentadorable.—Est-cequeMattestégalementinvité?MueenjetaunbrefregardàMattetsouritdanssabarbequandil levitapparaître,avançantavec

difficultédanslesable.—Peut-êtrequevousdevriezluidirequemarcherdanslesablenes’improvisepas,observa-t-il.

Oui,ilpeutvenir.Jeviendraivouschercherà18heurescesoir.—Parfait.DitesàAinquej’aihâtedelavoir.Elleluiavaitrapportédeshuilesessentiellesd’uneboutiqued’aromathérapieauxÉtats-Unisetétait

raviedepouvoirlesluioffrirenmainpropre.Mueensehissasurle toitdelacaravane,etHarrietregardaJasonetMollypréparerlegéoradar

quiallait,ellel’espérait,leurdonneruneidéedecequisecachaitsouslasurface.Pourtant,elleétaitunpeuinquiète.Aveccesmouvementsdesable, ilsauraientsûrementdumalàobtenir lesrésultatsescomptés.Ledésertcharriaitlessouvenirs,lesmeilleurscommelespires,etMattessayaitderesterconcentré

sursontravail.Siunavions’étaitécrasélà,ouavaitdûatterrirencatastrophe,trouverdesindicesàlasurfaceallaitserévélercompliqué.Surtoutaprèsautantdetemps.Lapiècedécouverten’étaitsansdoutequ’unboutdemétalperdu,transportéaccidentellementpar

Dieu sait qui. Le nombre d’appareils tombés en Irak était quasiment nul. Pourquoi diable soncommandantavait-iljugébondelefairevenir?Ilavaitbesoinderentrerchezlui.Demettreuntermeàtoutecettehistoire.Quittercebacàsableau

plusviteet retrouver lesplagesaccueillantesdeHawaii.Pasquestiondes’engagerplusavantavecHarriet.Ilrespiraàfond.Envérité,Dannyseseraitsûrementpissédessusenlevoyantembourbédans

untelpétrin.Lessoldatsdel’EODadoraientsemarrerenracontantdeshistoiresdeculdouteusesquifinissaientmal.Dannydisaitqu’ilvivaittoutesleursaventuresparprocuration.Mattenauraitentenduparlerpendantdesannées.Arrivéau sommetde ladune, il regardaalentour. Il aperçutuneautreéquiped’archéologuesen

traindetravailleràmoinsd’unkilomètreàl’ouest.Harrietdevaitsûrementensavoirdavantage.Ilvitaussidesboutsdebriqueoudemortierpointerdanslesableetbriserlasurfacelissedudésert.Iljetaun coup d’œil à la boussole intégrée à samontre et rejoignit la limite est du site, où il découvritd’autrespersonnesquis’activaient.Visiblement,lasaisondesfouillesbattaitsonplein.Lorsqu’ilrevintàlacaravane,ilvoulutenapprendreplussurlesautresgroupes.JasonetMolly levèrent lesyeuxdupetit ordinateurportable encastrédansunemallette en acier

antichoc.—Nousnesommespasseuls?s’étonnaMolly.Harrietplissadesyeuxàcausedusoleil.—JesuistombéesurMalcolmRapsoncematin.Sonéquipefaituneétudedeterrainàl’ouestde

notrezone.Jen’étaispasaucourantpourcellequise trouveà l’est,maissachantqueMalcolmestdans le coin, je ne suis pas surprise. Je suppose que la fondation essaie de trouver les sitesarchéologiqueslesplusrichespourlesétudiants.Intéressant, songeaMatt.Peut-être devrait-il également vérifier cesdeux sites.En fonctionde la

vitesse de l’appareil au moment de l’impact, les débris pouvaient s’être dispersés sur plus d’unkilomètre.Celasignifiaitencoreplusdepaperasse.S’ildécouvraitd’autrespreuves,lemoindreboutdemétal,ilseraitcontraintdefaireappelàuneéquipedespécialistes.L’affaireneseraitplusdesonseulressort,c’étaitlarègle.L’arméeavaitdestasd’expertscapablesd’expédiercegenred’histoiresen un rien de temps. Sans parler des agents en liaison avec le gouvernement local, qui sauraientobtenirlesautorisationsnécessaires.—Touscespetitsbourges inscritsdansdesuniversitésprivéespourgossesde riches.Quand je

pense quenous, on a dû apprendre sur des sites sans lemoindre intérêt archéologique, grommelaMolly.Yenaquiontvraimentdubol.(Elleregardaautourd’elle.)Çamedonneenvied’enterrerdestrucssurnotresite,histoiredelesperturberunpeu.—Net’avisesurtoutpasdeplaisanteravecça.D’une,jetetuerai.Etdedeux,sachequelavieest

unevraiesalopeetnefaitpasdecadeaux,réponditHarriet.Deboutetmainssurleshanches,elleressemblaitàunsergentdepremièreclasseenmodèleréduit.

Mattretintunsourire.—Ne t’inquiètepas. Jene suispascomplètement inconsciente.Çame fait simplementplaisirde

l’imaginer.Mollyretournaversl’enginressemblantàunepetitetondeuseàgazon,avecdessondesàlaplace

deslames.—OK,lançaHarriet.Auboulot.Pendantquevousvousactivez,jevérifieraiaufuretàmesureles

donnéesdevotrerelevésurl’ordinateur.Vousavezvostalkies-walkies?—Oui,chef,réponditJason,ensetapotantlahanche.— Je vous appellerai si j’ai besoin que vous repassiez sur certaines zones. Commencez par la

limiteouest,jevousindiquerailasuitedesopérationsquandj’auraijetéunœilauxpremiersrelevésd’ensemble.(ElleseretournaversMatt.)Est-cequetuasvuquelquechosed’intéressantlà-bas?Riend’aussiintéressantquecequej’aisouslesyeuxencemoment.—Àpartquelquesbriquesunpeubizarres,sûrementfaitesdesable,rienàsignaler.UnelueuréclairaleregarddeHarriet,etellebonditlittéralement.

—C’estgénial.Latempêteadûlesmettreaujour.—Viens,jevaistemontrertoutça,dit-il,enenfonçantlesmainsdanssespochesetenindiquant

d’unsignedelatêtel’extrémiténord-estdeladune.HarrietappelaMollyetJasonsursontalkie-walkie.—Hé,laissezvotrematérieletrejoignez-noussurladune.D’aprèsMatt,ilyauraitquelquechose

d’intéressantàyvoir.—Bienreçu,chef,grésillalavoixdeJason.HarrietetMattarrivèrentlespremiers.—Waouh!C’estchouette.J’aihâtededécouvrircequisecachelà-dessous.Matt scruta l’horizon au cas où d’autres personnes apparaîtraient. Question d’intuition

probablement.Dansl’EOD,l’instinctpassaitavantl’intellect.Ducoindel’œil,ilvitHarrietsepencher.Iljetaunrapideregardàsonderrièremoulédansson

jean.Bonsang,ilcherchaitlesennuis!—Hé,Crésus.T’asperduquelquechose.Elleseredressaetluitendituneliassedebilletsde100dollars.Illaprit,mêmesiellen’étaitpasà

lui.—Ilyenad’autres?demanda-t-ill’airderien.Ilscherchèrentuninstant.Mattentrouvauneseconde,dissimuléesousunebrique.—Est-cequejepeuxfairebougercetrucpourlarécupérer?—C’estbizarre.Commentcetteliassea-t-elleatterrisouscettebriquesituviensdelaperdre?—Jen’airienperdudutout.Cetargentn’estpasàmoi.Ilrestasilencieuxuninstant, lecerveauenébullition.Quipouvaitbiensebaladerenpleindésert

aveccesfoutuescoupures,endevisesaméricainesquiplusest?Lasecondeliasseétaitcoincéesousunebrique.Cequisignifiaitqu’elleétaitdéjàlàavantlatempête.Etmêmeavant,vul’étatdesbillets.Illesregardaplusattentivement.Lefiligraneconfirmaitqu’ilnes’agissaitpasdefaux.—Alors,qui?—Cesbilletsnedatentpasd’aujourd’hui.Latempêteadûlesfaireréapparaître.Harrietsemorditlalèvre.—Çanemeplaît pasdu tout.Lespillardsm’inquiètent en règlegénérale,mais si cettehistoire

vientàs’ébruiter,c’estmort.Onneseraplusdutoutensécuritésurlesite.—Ilvautmieuxnepasenparler.Çaresteentrenous.Pointbarre.C’est lemeilleurmoyenpour

quepersonnenesoitaucourant.EnvoyantJasonetMollyapprocher,Mattfourralaliassedanssespoches.—Regardezcetravaildemaçonnerie,lançaHarrietenmontrantlesbriquesapparentes.—Tupensesqu’ilsvontpousserenpleindésert?ironisaMollyentendantdeuxautresbilletsde

100dollars.Aprèsavoirhésité,Mattlesprit.—Merci.Quellenégligencedemapart!Préviens-moisituentrouvesd’autres.—Comptesurnous,répliquaJason,leregarddissimuléparseslunettesdesoleil.Impossible de savoir s’il était sarcastique ou sincère. Harriet combla le silence en donnant de

nouvellesconsignes.— OK, changement de programme. On va se concentrer sur cette zone avec le géoradar en

essayantdeneriendéplacer.—C’estcommesic’étaitfait,réponditMolly,lavoixpleined’entrain,tandisqu’elleretournaità

sonenginencompagniedeJason.

En silence,Matt se dirigea vers la caravane avecHarriet. Il commençait à vraiment se faire dusouci.Ilfaudraitqu’ilfasseunrapport.Àsaconnaissance,l’arméeaméricaineétaitlaseuleàpouvoirtransporterautantd’argent.Ou les terroristes,peut-être.Desmilliardsdedollarsen liquideavaientdisparupendantlaguerre,etmêmesionenavaitretrouvéunebonnepartie,desmillionsmanquaientencore. Si les numéros de série correspondaient, ils venaient demettre la main sur une véritablebombeàretardement.Qui,entoutelogique,n’allaitpastarderàleurexploseràlafigure.

Chapitre8

Ilsnetrouvèrentpasd’autresliasses.Heureusement.HarrietétaitpleinementsatisfaitedelafaçondontMatt avait géré la situation.Elle se disait qu’un riche irakien avait dû faire preuved’extrêmenégligenceensortant l’argentqu’ilavaitdans lapochependant la tempête.Mêmesiellesavait trèsbien que les échanges se faisaient en dinars irakiens depuis que les forces de laCoalition avaientquittéleslieux.En tout cas, puisqueMatt se chargeait de vérifier ces billets, elle pouvait se concentrer sur sa

missionafindepouvoir rapidement seconsacrerà la suivante.Qui, si celle-ci se finissaitdans lestemps,luipermettraitdeparticiperauxfouillesd’untemplesurunemagnifiqueîlegrecque.Lepiedabsolu.Elles’yvoyaitdéjà,imaginantMattluifairesubirdeschosesinnommablessurdesplageschaudes

etdésertesoudansleurvillaaprèsqu’ilsauraientsirotédescocktailstoutelanuit.Elle secoua la tête.Ce serait étonnantqu’elle réussisseà lui faireparlerd’autrechosequede sa

mission. Le retrouver ici, en Irak, était déjà improbable. Presque miraculeux. Vraiment. Il étaittellementsexy.Cen’étaitpasjuste.Endépitdetoussesfantasmes,unepetitepartied’ellesesentaitdévastéedelevoirautantsouffrir

etsouhaitaitl’aider.L’aideràpasseràautrechose.Maiscomment?Peut-êtrenepouvait-ilaffrontercetteépreuvequeseul,commeellel’avaitfait.Elle se rendait comptequ’après lamortdeDanny,elle étaitbien trop jeunepour faire faceàce

drame.Elleavaitemménagéchezsesbeaux-parentsqui,nesouhaitantquesonbien,avaientessayédediriger sa vie comme si elle était leur fille. Ils avaient choisi son université, les amis qu’ellefréquentait et, étant donné son jeune âge, elle avait été incapable de leur résister.Même lorsqu’ilsavaientchoisiàsaplacelesétudesqueDannyenvisageaitdesuivreaprèslaguerregrâceàlabourseoctroyéeauxvétéransparlegouvernement.Lorsque,enfin,elleavaitréussiàéchapperàleuremprise,elleavaitreprissonnomdejeunefille,

Markowitz,queDannyaimaittellement.Cen’étaitpas,commelesparentsdujeunehommel’avaientprétendu,unemanièredeluitournerledosetdel’oublier,maisbiendecélébrerleurvieavantleurmariagesibref.Leurvieavantl’armée.Ellebalayacessouvenirsd’unmouvementdela têteetsepréparapourallerrejoindrelesautres

danslehalldel’hôtel.Elleportaitunegranderobeencotonauxmancheslonguesetamples,etavaitenrouléuneécharpeautourdesescheveux.Ellefittourbillonnersarobedevantlemiroir.Endehorsdesescheveuxblonds,onauraitdituneprincessedesMilleetUneNuits.Allait-elleplaireàMatt?Bonsang,cessedepenseràlui!Aprèsavoirattrapésonsac–lecadeaupourAin–,ellefermaàclélaportederrièreelle.Toutlemondeétaitdéjàlà.Mattétaitassisdanslehall,àl’opposédeJason,quipianotaitsurson

téléphoneportable.MollyetMueenpapotaientaupieddel’escalier.—Tuesravissante!s’exclamaMolly.

—Tout comme toi. Je crois que c’est la première fois que je ne te vois pas avec un pantalon,répliqua-t-elleavecunsourire.C’étaitvrai.Mollyavaitrevêtuunejupelongueenjersey,unchemisierblanctrèsélégant,etune

ceintureportéetaillebasse.D’habitude,ellepréféraitlesjeansetlespantalonscargo,longsoucourtsselon les lieuxdes chantiersde fouilles.Harriet espérait que tous ces effortsvestimentaires étaientpourlebénéficedeJason,etnonpourceluideMatt.ImaginerMattetMollyensembleluinouaitdéjàl’estomac.—Jesuisenretard?demanda-t-elleàMueen,unpeusoucieuse.Àchangerdefuseauhoraireenpermanence,ellenesavaitplusàquellehorlogesefier.—Pasdutout,répondit-ilens’inclinantpresquedevantelle.Touslesautressontenavance.Harrietsemitàrire.— Molly leur a sûrement vanté les mérites de la cuisine d’Ain. En tout cas, moi, je brûle

d’impatience!Elle regarda en direction deMatt et découvrit qu’il la dévisageait, impassible. Son estomac se

serra.Sicelacontinuait,elleauraitunulcèreavantlafindeceprojetenIrak.Elleluifitsigne.—Molly,vachercherJason.Ilfautqu’onyaille.Toutdenoirvêtu,Mattlarejoignitàgrandspas.Ilneluimanquaitqueleciragesurlevisage,eton

auraitpucroirequ’ilpartaitenmissiondenuit.Unrenflementsursavesteindiquaitqu’ilétaitarmé.—Tuvasbien?s’enquit-elle,enpassantpresquedeforcesonbrassouslesien.Ilseraiditimmédiatement,avantdesedétendreetdel’escorter.—Jemeursdefaim,répondit-ilavecunsourirecrispé.D’ungestequ’ellevoulaitamical,elleluitapotalebrasmais,aucontactdelapeaudesonpoignet

et de la chaleur qui s’en dégageait, ses doigts s’attardèrent un instant. Son poignet était ferme etpuissant,etcesimpletoucher,siinnocentfût-il,labouleversa.Cethommel’attiraitcommeunaimant.Lorsquesesyeuxtrouvèrent lessiens,ellesedemandas’ilsentait l’effetqu’ilavaitsurelle.Elle

retira sa main brusquement et le gratifia d’un sourire lumineux. Avant de se mettre à jacasser.Lamentablement.—Jesuissiheureusequetuaiesacceptédevenir.Jen’enétaispascertaine.Enmêmetemps,tune

pouvaispasraterl’occasiondegoûteràlacuisined’Ain.C’estundélice.Sijelepouvais,jetejurequejeviendraisenIrakpourlesimpleplaisird’enprofiter…Pourlapremièrefois,ilsemblas’amuser.Ilsourit,unpeuàlamanièred’untontonbienveillant.—Tuessûrequeçava?Tunousfaisunepetitehypoglycémie,peut-être?s’enquit-il.—Oh,tais-toi,rétorqua-t-elle,certainequ’ilsemoquaitd’elle.—Détends-toiunpeu,mabelle.Toutvabiensepasser.Quoidonc?Qu’est-cequidevaitbiensepasser?Lesfouilles?Lasoirée?Leurfoutuehistoire?

Elle aurait voulu lui poser toutes ces questions,mais déjà, ils avaient rejoint le camion.Molly etJasonprirentplaceàl’avant,laissantHarrietetMattseglisseràl’arrière.Vitresouverteset sansclimatisation, impossibledeparler avec lebruitdumoteuretduvent.Sa

cuisseétaitcolléeàcelledeMattsurl’étroitebanquettemêmesi,enserrantdavantagelesjambes,ilauraitpuleurlaisserplusd’espace.Maisiln’enfitrien.Et,tandisquelecamioncahotaitsurlaroutedéfoncée, ilpassasonbrasautourdesesépauleset l’attiracontrelui.Cequiétait trèsbienvu.Elleétaitsimenueque lamoindrebosseenvoyaitsa têtecognercontre leplafondducamionqui,entreautresinconvénients,n’étaitpaséquipéenceinturesdesécurité.Unfrissond’excitationluiparcourutlecorpslorsqu’illaserracontrelui.Songesteétait-ilcelui

d’un gentleman ou signifiait-il qu’il s’était pardonné ? Elle posa unemain hésitante sur la cuisse

musclée de son compagnon, autant pour garder l’équilibre que pour… ne pas le garder.Apparemment,iln’avaitrienremarqué.Tantmieux.Ils réussirent à arriver à l’heure, la circulation se faisant plus rare au fur et à mesure qu’ils

approchaientduvillagedeMueen,simpleaffleurementdemaisonsenbriqueaumilieudenullepart.Lorsdesonpremierséjour,onluiavaitexpliquéquelevillageétaitlààl’époquedupèred’Ain,desongrand-père,et,d’aprèscequ’ensavaitAin,àcelledesesancêtresdestempsbibliques.Aucoursdu temps, les familles avaient remplacé les anciennes huttes et les vieilles masures par desconstructions plus récentes, dans le respect des traditions locales et le confort du vingt et unièmesiècle.À l’époque, le site qu’avaient fouillé Harriet et son équipe se trouvait à une quarantaine de

kilomètresausudduvillage,etlecheiklocalavaitproposéqueMueensoitleurgardeducorps,encompagnie de trois autres hommes armés de mitrailleuses. Mueen était le seul à maîtrisersuffisamment l’anglais.Elleavaitde lachanced’êtredenouveaudans lecoinpourprofiterde sesservices. D’autant que cette fois, en raison d’une amélioration des conditions de sécurité, un seulgardeétaitnécessaire.Ilsarrivèrentàl’instantoùlesderniersrayonsdesoleililluminaientlestuilesrougesdutoit.Mueen les conduisit à l’intérieur, et ils traversèrent plusieurs pièces avant de se retrouver à

l’extérieur. Les arômes de cardamome parfumant l’air ramenèrent Harriet deux ans en arrière, àl’époquedesonpremierséjour.Ainétaitentraind’allumerdel’encensetdesbougies.—Ain!s’écriaHarriet.Elleretintsonsoufflelorsquelajeunefemmeminceseretournaverselle,brasouverts.Deface,sa

minceuravaitdisparuauprofitdelarondeurd’unventrequipointaitsoussablouse.Elledevaitenêtreàsonseptièmemoisdegrossesse.—Oh,monDieu!Félicitations!s’écriaHarriet.Mueennem’arienditdutout.—Jesais,machérie1.Jevoulaisquecesoitunesurprise,réponditAindansunanglaisàl’accent

délicieux.LeurhôtesseavaitfaitsesétudesàlaSorbonneetsemettaitparfoisàparlerfrançais,unelangue

queHarrietcomprenaittoutjuste.—Jesuissiheureusequetuaiespuvenir,reprit-elle.— J’aurais gravi desmontagnes pour te voir. Je suis tellement contente pour vous.C’est prévu

pourquand?—Dansseptsemaines.Unbébédel’équinoxe!—Oh!s’exclamaMolly.Sionavaitsuquetuétaisenceinte,onnet’auraitjamaislaisséecuisiner.

Onauraitputoussortirquelquepart.Leregardd’Ains’illuminalorsqueMueenl’enlaçaparlataille.—Sansaucundoute.Maistusais,ici,c’estmoiquicommande.Macuisineestmonroyaume.EllebattitdescilsetregardaMueen,quiacquiesça.—Vousimaginezl’enferqu’auraitétémaviesijen’avaispastenumalangue?Ilsecoualatêtecommesicetteidéeétaitinconcevable.Harrietadorait lamanièredontMueense transformait lorsqu’ilétaitavecAin.Commes’ilavait

trouvésaraisondevivre.Ensaprésence,ilrayonnait.Harrietsentitsoncœurseserrer.Maisilfallaitraisongarder.Elleaussiavaitdéjàressentiunetelleintimité.Unefoisluiavaitsuffi.Uneâmesœurluisuffisait.Mêmesi,peuàpeu,lachaleuretl’intimités’effaçaientdesamémoire.Ellesouritets’assitsurlescouverturesprèsdeMatt.Unfeubrûlaitdéjàsurlaterrasse,àdistante

suffisantedelapergolasouslaquelleilsétaientinstallés.Danslalueurvacillantedesbougies,ellevitlagrandecouvertureauxcouleursvivesétaléedevanteuxetquiseparabientôtd’unassortimentdeplats, le traditionnelmezzé, composé d’une marinade de pistaches, d’olives et de fromage, et delentillesépicées,laspécialitéd’Ain.Letoutétaitaccompagnéd’énormesnaans.Leparadissurterre.Ilsdégustèrenten silence,paupièrescloses, accompagnant lespremièresbouchéesdepetits sons

appréciateurs.Mangeraveclesdoigtslesobligeaitàprendreletempsdesavourerlesplaisirsdeceritueloriental,oùletempsn’avaitpluscourstandisqu’ilsseservaient,rompaientlepain,etgoûtaientlesdifférentestexturesoffertes.UnventlégervintagiterlefoularddeHarriet,quiinclinalatêtepourensentirlacaresse.Auboutdequelquesminutes, lesconversations reprirent,chacunvantant lesdélicesde telou tel

plat.JasonetMattsemblaientmêmeavoirenterrélahachedeguerre.Ellesentitàsontourunpoidsdisparaîtredesesépaules.Mattauraitpréféréresteràl’hôtel.Ilsouffraitencoredudécalagehoraireetdecequis’étaitpassé

laveille.Harrietavaitcependantinsistépourqu’ilsejoigneàeux,etilavaitacceptéensedisantqu’ilminimiserait les risques, pour elle autant quepour lui, en faisant croire qu’il faisait partie de leuréquipe.Bienquel’arméeaméricainenesoitpluscenséeêtreenIrak,soncommandantavaitjugéqu’iln’y

avaitaucunmalàcequeMattjetteuncoupd’œilauchantierdefouillesdeHarriet,puisqu’iln’étaitpaslàentantquesoldat.Celadit,Mattn’étaitpasstupide.Iln’avaitriend’unchefd’entreprise,etsanationalitéaméricainesautaitauxyeux.Ilvalaitmieuxsefondredansl’anonymatdugroupe.Maislorsqu’ils’étaitretrouvéassisàcôtédeHarrietdanslecamion,saraisonl’avaitdéserté.Au

premier nid-de-poule, la tête de la jeune femme avait cogné contre la vitre. Et, si elle n’avait passemblés’ensoucier,luil’avaitremarqué.Ilpouvaitaumoinslaprotégerdesdangersdelaroute.Ill’avaitdoncenlacéeetcaléecontrelui.Parpurinstinctdeprotection.Vraiment.Benvoyons!Lecontactdesoncorpsmenuetfermeavaitréveilléenluiledésirdel’embrasserdenouveau.Il

l’avait revueàmoitiénue sous lapluie,puisentièrementnuedevant lemiroir. Il avaitdû lutterdetoutessesforcespourrefrénersondésir.Iljouaitaveclefeu.Maiscommentoublierl’effetdesoncorps,nuetimpudique,contrelesien?

Sespenséessetrouvaientcomplètementembrouillées.Dèsqu’ilétaitentréchezMueen,unsentimentdesécuritéetdechaleuravaitbalayésesderniers

doutes.L’attention que se portaient Mueen et Ain avait réchauffé la froideur de son cœur. Qu’un tel

sentimentd’amouruniversel,derespect,etdefoienlaviepuisseainsisubsisterdansunpaysravagépar la guerre, lui redonnait espoir. Cette guerre n’avait pas réussi, ne pourrait jamais réussir àdétruirecertaineschoses.La nourriture, comme on le lui avait promis, était incroyable.D’autant que lors de son dernier

séjour, il avait dû se contenter des rations de l’armée ou de tout ce que contenaient les colisparachutésàproximitédesabasedetir.Despommes,engénéral.Leslentillesd’Ainétaientrelevées,maisparfuméesd’aromatesetd’épices,lepainétaitlégeretmoelleux.Aprèslefestin,ilsesentitl’âmed’unspectateur.AinmontraitàMollycommentbroyerlesépices,

tandisqueMueenjouaitauxéchecsavecJason.Harrietétaitadosséeaumontantdelaporteavecunverredethébrûlantentrelesmains.Amusée,elleregardaitMueendonnerunebonneleçonàJason,àcoupsdedéplacementagressifsurl’échiquier.

Mattécartaunrideaudebambouderrièrelequelsetrouvaitlejardin,illuminéparleslumièresdela petitemaison, et il sortit dans la fraîcheur de la nuit.Dans de grands bacs, il reconnut certainsaromates etvit d’autresplantes inconnues.Lasourced’approvisionnementd’Ain,probablement. Auboutdujardin,laclôtureétaitbordéed’unelonguejardinière,d’oùjaillissaituneexplosiondefleursrichementcolorées.C’étaitmagnifique,mêmesid’ordinaire,lesfleurslelaissaientassezindifférent.Apparemment,ons’enoccupaitavecleplusgrandsoin.Aumilieudestiges,ilaperçutunepetitecroix.Bizarre.Il jetauncoupd’œilà lamaisonderrièreluietobservalacroixdeplusprès.Onauraitditdeux

bâtonsdecannelleattachésensemble,maisc’étaitbienunecroix.Cequin’étaitpassiimprobableenIrak,oùl’ontrouvaitdeschrétiens.Pourtant,lestapisdeprièrequ’ilavaitremarquésentraversantlapièce principale à son arrivée confirmaient que la famille était bien de confessionmusulmane. Ilregarda de nouveau en direction de la demeure, puis posa les yeux sur la boussole intégrée à samontre.Oui,lestapisdeprièreétaientbiendirigésversLaMecque.—Qu’est-ce que tu fabriques tout seul dehors ? lançaHarriet, qui l’avait suivi avec un second

verredethé.Ilacceptalebreuvageetenbutquelquesgorgées.—Jeregardaislesplantes.Ellesnesemblentpasdutoutembêtéesparlesinsectes,ici.Dansmon

jardin,ellesauraientdéjàétébouffées.Elleritdoucement.—Jenesaisabsolumentriendetoi.Celamesurprendquetuaiesunjardin!Oùhabites-tu?Il poussa un soupir de contentement en pensant à sa villa près de la plage, dans un quartier

résidentielcalme.Ilauraitdéjàdûyêtre.Peut-êtrepourrait-ilpartirdèslelendemain.—ÀHawaii.Ettoi?—J’aiunemaisonàBoston,maisjen’ysuispassouvent.Elleseretournaetregardalesplantesqu’ilavaitobservéesavantdeseconcentrersurlesfleurs.Soudain, il ne voulut pas être seul avec elle. Pas ici, dans un jardin, en pleine nuit. Cela lui

rappelait trop ce qui s’était passé entre eux lors du dîner de répétition. Il reprit son souffle, etimmédiatement, levisagedeDannyapparutdevantsesyeux.Paupièrescloseset riantdeboncœur,commeàsonhabitude,ilsedésintégraitauralenti,nelaissantderrièreluiqu’unebrumerosedesangetdeslambeauxdechair.—Tuessûrqueçava?demandaHarriet,quil’avaitrejoint,commeparmagie,etavaitposéune

mainsursonbras.—Oui,biensûr.Pourquoiçan’iraitpas?Luttantpournepass’écarterbrusquement,ils’éloignalentementenfaisantminedes’intéresserau

basilic.Ilfourrasamaintremblantedanssapocheetavalalerestedesonthé.—Jecroisbienque,pendantuneseconde,tuascomplètementbuggé,jemetrompe?(Ellesemità

rire.)C’estsûrementlafatigue.Onvabientôtpartir.Ainétaitentraindepréparerunpaquetd’épicespourMolly,etjepensequ’ilseraitsaged’embarquerJasonavantqu’ilnepèteuncâble.—Hein?C’estquoi,leproblèmeavecJason?Bonsang,qu’est-cequ’ilavaitratépendantqu’ilétaitdanslejardin?— Mueen ne cesse pas de le battre aux échecs. À plate couture. Quand je suis sortie, Jason

commençaitàperdresonsensdel’humour.Elletenditlamaincommesielleavaitvouluqu’illaprenne.Iln’osaitpluslatoucher,pasdansl’étattourmentédanslequelilsetrouvait.Ilespéraitdufonddu

cœurpouvoirrentrerchezluidèslelendemain.Ilfallaitqu’ils’éloignedecefoutoirinextricable,de

Harriet et de l’Irak. Cette combinaison improbable semblait avoir été créée spécialement pour luifaireperdrecomplètementlespédales.

1Lestermessuivisd’unastérisquesontenfrançaisdansletexte.(NdT)

Chapitre9

L’atmosphèresurletrajetduretourfutlégèrementplustenduequ’àl’aller.Jasonn’avaittoujourspas digéré sa défaite écrasante aux échecs. Quant à Matt, il regardait d’un œil noir par la vitre,littéralementassisauborddusiège,à l’affûtdumoindredanger, tandisquelecamionlesramenaitlentementenbringuebalant.Harrietétaitsûrequeleurvéhiculeémettaitunchampdeforcetellementnégatifqu’ilétaitdevenuabsolumentimprenable.Lorsqu’ilsdescendirentenfinducamion, ils se regroupèrentautourdeMueenpour lui serrer la

mainetleremercierdelasoirée.—Rendez-vousdemainmatin à8heures, commed’habitude, lança-t-il en repartant, tandisqu’il

abandonnaitsespassagersdansl’alléeimmensedel’hôtel.Harrietavaitparfoisl’impressionqu’ilétaitplusaméricainqu’irakien.Ellelesaluad’ungestede

lamain.— Je vais me coucher. Je descendrai prendre mon petit déjeuner à 7 heures, comme toujours,

annonçaHarrietàsescompagnons.Elleavaithâtedemettreuntermeà lasoirée,ouen toutcas, tentaitd’encourager lesautresàen

faireautant.Depuisladécouvertedelapiècemétalliqueappartenantàunappareilmilitaire,elleétaitunpeuàcranetvoulaità toutprixéviter lesennuisen laissantMollyouJasonse faire remarquerdanslebaroulapiscineaubeaumilieudelanuit.Etbienqu’ellesoitàpeineplusâgéequ’eux,ellesesentaitresponsable.—Moiaussi,réponditMollyd’unevoixferme.Jet’accompagne.EllepritlebrasdeHarrietetlaguidaendirectiondel’entréedel’hôtel.— Bonne nuit, les gars, dit Harriet en faisant un signe de la main par-dessus son épaule,

abandonnantlesdeuxhommesàleurhumeurmaussade.— Jason est vraiment un drôle de cas, tu ne trouves pas ? lança Molly dès qu’elles furent à

l’intérieur.—Commentça?Tuparlesdecettepartied’échecs,c’estça?demandaHarriet.— Évidemment, quoi d’autre ? (Elle semblait exaspérée.) Pourquoi les hommes sont-ils aussi

mauvaisperdants?Commentpeut-ons’énerverautantpourunsimplejeudesociété?C’estridicule.Mollyavançaitdeplusenplusvite,faisantclaquersestalonsdansl’escaliertoutenparlant.—Jetrouveçacomplètementimmature.HarrietsongeaàlaréactioninstinctivedeMattlorsqu’ilavaitapprisqueDannyétaitsonmari.À

sontonaccusateuretpleindereproches.—Tuasraison.Ilssonttouspareils.Vraiment.—Enfin,tul’imaginessecomporterainsiavecsesenfants?renchéritMolly.Harrietneputretenirunsourire.Visiblement,lajeunefemmeavaitruminélaquestiontoutaulong

dutrajetetavaitbesoindevidersonsac.—Est-ce qu’il réagirait de la sorte si ses enfants le battaient à un jeu ?Moi, j’appelle ça de la

maltraitance,tun’espasd’accord?Harrietsortitsaclélorsqu’ellesarrivèrentdevantlaportedesachambre.—Molly.Tuasvingt-troisansettuesuneexcellenteétudiante.ToutcommeJason.Tuviensjuste

delerencontrer.Nemedispasquetuenvisagesdéjàd’avoirdesenfantsaveclui.Elle regardaMolly,etpendantun instant,elleobserva lesdifférentesémotionsquidéfilaientsur

sonvisage.— Non. Non. Bien sûr que non. Mais quand une femme rencontre un homme, elle ne peut

s’empêcherd’imaginercequ’ilpourraitdonnerentantquemari,entantquepère.Mêmebrièvement.C’est tout à fait normal. Enfin, si c’est un homme qui l’intéresse, bien sûr. C’est le genre de trucauquelonfaitattention,non?Unpeucommesic’étaitbiologique,tuvoiscequejeveuxdire?Mollypritsaclédanssonsacetsedirigeaverslachambreadjacente.—OK,réponditHarrietdoucement.Elle détourna la tête pour dissimuler son froncement de sourcils et ouvrit la porte de ses

appartements.—Bonnenuit.—Bonnenuit,Harriet.Est-cequetouteslesfemmespensaientàça?Cetteidéeneluiavaitjamaistraversél’esprit.Pasune

seule fois. Elle s’assit au bord du lit. Sérieusement ? Elle était vraiment censée imaginer chaquehommequiluiplaisaitenmarietpèrepotentiels?Etceseraitbiologique?En même temps, c’était assez logique. Il suffisait de voir le nombre d’études réalisées sur les

femmesquiétaientattiréesparlesvisagessymétriquesoulesmâchoiresviriles…L’imagedeMattluirevint à l’esprit. Il possédait bien ces attributs,mais elle ne s’était pas imaginéeune seule secondemariéeaveclui,oumèredesesenfants.Est-cequ’ilyavaitquelquechosequiclochaitchezelle?Ouest-cequeMollyracontaitn’importequoi?Bienqu’ellesoitencore très jeune,MollyavaitunQIde140etavait toujoursobtenudesscores

parfaitsà tous les testsd’intelligencequ’elleavaitpassés.La jeune femme luiavait raconté toutçalors d’une soirée arrosée enThaïlande.Arrosée aumekong, si samémoire était bonne, cet alcooltraditionnelaugoûtdedissolvant.Harrieteutunemouededégoûtenyrepensant.Beurk!Ellen’allaitpaspasser lanuitàse regarder lenombril.Ellebâillaets’étira,avantdese

leverpourallerverrouiller laportedesachambre,etd’enfilersonshortdenuitet sondébardeur.Elles’arrêtauninstantlorsqu’ellesentitleparfumdeMattenpassantlehaut.Mmmh.Elleglissaentrelesdrapsetréfléchitquelquessecondes.Non.L’idéed’avoirdesenfantsaveclui

nelapréoccupaitabsolumentpas.Elleenvisageaittoutuntasd’autreschoses,maislaprocréation?Sûrementpas.Matt sut que quelque chose clochait dès qu’il entra dans sa chambre.Une odeur de tabac, peut-

être?Ilrefermalaporteet inspectalapièceduregard.Sipouruncitoyenlambda,elleauraitparuidentiqueàcequ’elleétaitavantsondépart,ilnefaisaitaucundoutepourluiqu’onl’avaitfouillée.Celanelesurprenaitqu’àmoitié.Lorsdesaformation,onn’avaitcessédeleurrépéterqu’àpartir

dumomentoùilsmettaientlespiedsdansunpaysétranger,ilsdevaients’attendreàcequ’onviennefouinerdansleursaffaires.Maisc’étaitdifférent.Rienàvoiravecl’œuvred’unpolicierlocalcurieuxdesavoircequevenait

fairelàunsoldataméricain,oud’unemployéd’hôtelenquêted’objetsdevaleur.Ilavaitaffaireàunpro.Il ouvrit l’armoire à l’intérieur de laquelle il avait suspendu son uniforme, trois tee-shirts

militairesbeiges,ettroischemisesbleues,ensuivantunordretrèsprécis:deuxcintres,suivid’un,puisdequatreautres.Àprésent,lescinqderniersétaientregroupés.Onavaitprisgardederemettrelesacsurlesoldanslamêmeposition,maispaslesvêtements.Il ouvrit ensuite un des tiroirs de la commode. Il posait toujours les chaussettes comme s’il les

balançaitdirectementdelavalisesansfaireattentionpourdonneruneimpressiondedésordre.Maisenréalité,ildisposaittoujoursunepaireensoiefaceausud.«S»poursoie,«S»poursud.Etlà,ellesétaientmélangéesauxautres.Hormiscesdeuxdétails, toutétaitparfait.Iln’auraitsudiresionavait touchéausac,maisvule

professionnalismede sonvisiteur, il valaitmieux faire comme si.Heureusement, lorsqu’il était envoyage,ilnelaissaitjamaisrienquiauraitpuêtreutilisécontrelui,ousonpays.Lentement,ilseretourna,inspectantchaqueobjetluiappartenantouappartenantàl’hôtel.Aufuret

àmesuredesesrecherches,sarespirationrecouvraunrythmenormal.Lesfenêtresétaientferméesetlesvoletsàmoitiébaissés,commeavantsondépart.Et,si le litétaitfait, iln’allaitpasmanquerdel’examineravecleplusgrandsoinavantdesecoucher.Ilcherchaitquelquechose,undétailpouvantluiindiquerlaraisonpourlaquelleonavaitfouillésachambre.Ilfinitpartrouver.Surlamoquetteélimée,unlégerrenfoncementindiquaitlamarqued’unpieddechaise,unpeuà

droitedel’endroitoùcelle-cisetrouvaitàprésent.Pourunpro,c’étaitunpeumaladroit.Maispeut-êtreavait-ilétédérangé.Calmement,Mattsemitàgenouxets’allongeasurlesolpourjeteruncoupd’œilsouslachaise.Sansraison,sinonl’étatdeperturbationavancédesoncerveaudepuisqu’ilavaitdébarquéenIrak,ilimaginalemécanismedéclencheurd’unebombe.Maisnon.C’étaitunmicro.Delatailled’unepiècede25cents,platetlisse,etressemblantàune

piledemontre,saufqu’ilétaitéquipédedeuxminusculesantennes.Ilpoussaunsoupirenl’examinant,vaguementsoulagé.Ilétaitrarequel’onpiègeunepièceeny

dissimulantunmicroenmêmetemps.Engénéral,c’étaitl’unoul’autre.Quandonprévoyaitdefaireexploser une chambre d’hôtel, on ne prenait pas le risque de laisser lemoindre indice. Localiserl’originedusignald’unmicroespionétaitbientropfacile.Il se remit en position assise pour réfléchir. En dehors des services d’immigration et de son

commandant, personne n’était au courant de sa présence en Irak.ExceptéDavid.Mais son anciencollègueétaitlàpourleprotéger.Ill’appelleraitdèslelendemainpourluiproposerd’allerboireunverre.S’iln’étaitpasdéjàdansl’avionquileramèneraitchezlui,biensûr.Ilseleva.Merde.Ilfallaitqu’ilvérifieaussilachambredeHarriet.Ensortant,ils’envoulutdeseservirdecetteexcusepourallerlavoir.Sérieusement,quipourrait

vouloirfureterdanslesappartementsd’unearchéologue?Oulasurveiller,d’ailleurs.Lorsqu’il frappaà laporte, il avait réussi à seconvaincrede lanécessitéde fouiller lapiècede

fondencomblejusqu’àcequ’iltrouveunmicrosimilaireausien.C’étaitdevenuunequestiondevieoudemort.Laportes’ouvritlentementsurHarriet,danssonminusculeshortencotonsoupleetsondébardeur

moulant–lesvêtementsquil’avaienttransportédedésirlaveille.Ellesefrottalesyeux.Bonsang!Elleétaitfolleouquoi?Ç’auraitpuêtren’importequi!—Çanevapaslatêted’ouvrirtaporteenpleinmilieudelanuit!fulmina-t-il.—Tuasfrappé,dit-elle.Ellebâilla,lesbrasétirésau-dessusdelatête,dévoilantunepartiedesonventrebronzé.—C’estlacoutume,ilmesemble,poursuivit-elle.Quandquelqu’unfrappe,onrépond.—Etsij’avaisétéunpsychopathearméjusqu’auxdents,tueurdefemmesoccidentales?rétorqua-

t-ilenclaquantlaportederrièrelui.

—Alors,jeseraisdéjàmorte.Etjesupposequedemain,tuteseraissenticoupabledenem’avoirpasprévenuedelaprésencedetueursfousdansl’hôtel.Ellelegratifiad’ungrandsourire.Incroyable!Mattpritunelongueinspirationetfermalespaupières.Surtoutnepasdéfoncerlemur

àcoupsdepoing.Mauvaiseidée.Trèsmauvaiseidée.Ilserépétacesmotssilencieusementjusqu’àcequeHarrietouvredenouveausaboucheinsolente.—Tum’asréveillée.Qu’est-cequetuveux?Ilneréponditpastoutdesuite,serappelantlaraisonpremièredesavisite.—Unbaiseravantdedormir.Il haussa les épaules et se retint de rire devant l’expression de son visage qui oscillait entre

l’incrédulitéetl’agacement.Etpuis,merde.Il l’enlaça par le cou et l’attira contre lui. Le regard ampli de méfiance, elle resta pourtant

silencieuse.Lorsqu’illuiinclinalatêtepourfaireminedel’embrasser,ilsentitqu’ellereculaitd’unpas.Ilpressaseslèvrescontresonoreilleetmurmura:—Machambreestsurécoute.Jeveuxjustevérifiersilatiennel’estaussi.Harrietrejetalatêteenarrièreetparutscrutersonvisageuninstant.Puiselleacquiesçalentement

etaffichaun largesourire.Perplexe, ilvit samainprendresonélan,commeau ralenti,etvenir legifler.Pastrèsfort.Maistoutdemême.—Qu’est-ceque…,bredouilla-t-ilenseretenantdefrottersajoueendolorie.Ellesouriaitdeplusbellelorsqu’elleseremitàparler.— Comment oses-tu ? Tu crois que tu peux m’embrasser comme ça, espèce de mufle

insupportable?Elle agita les mains autour d’elle et haussa les épaules, lui indiquant qu’il pouvait fouiller la

chambre.Ilfit le tourdelapièceetvintseposterdevant l’immensefauteuildebureausur lequelelleétait

assiselaveille.—Cen’étaitpasvraiment…Jenepensaispasdutoutàça.Il semit à quatrepattes pour regarder sous le fauteuil.Rien.Mais sous les roulettes enmétal…

Bingo!Jubilantuninstantd’avoirtrouvécequ’ilcherchait,ilsetétanisasoudaind’effroi.S’ilsétaienttous

lesdeuxsurécoute,cedevaitêtreàcausedelapiècemétalliquedécouvertesurlesite.Àmoinsqu’onn’ait installé des foutusmicros dans toutes les chambres,mais il avait dumal à le croire. C’étaitbeaucouptropcher.Sansparlerdeshommesnécessairespourécouterlesconversations.IlregardaHarrietetcompritqu’elleétaitentraindefairedesbruitsdebaisersunpeudéments.En

dépitdelasituation,ilfutprisd’unefurieuseenviederire.Illevalesyeuxaucieletindiqualaported’unsignedetête.Unefoisdanslecouloir,Harrietleregardad’unairinterrogateur.—Jen’ensaisrien.Jen’aipasencorederéponses.Mais,vis-à-visdeceuxquinousécoutent, je

pensequ’ilestpréférabledefairecommesionignoraitleurprésence.Essaiedenepasmentionnerlaraisondemonséjourici,OK?Ellehochalatête,avantd’écarquillersoudainlesyeux.—Tucroisqu’onnousaécoutés…lanuitdernière?Ilauraitbienaimélarassurer,maisimpossible.Ilhaussalesépaules.—Quisait?Tantquejen’aipasdécouvertpourquoions’intéresseautantànous,jenepeuxpaste

répondre.Jevaistrouverunechambreinoccupéeetvérifierqu’iln’yaitpasdemicros.Onpourray

parlerlibrement.—Lecoupled’Irakiensd’àcôtéestparticematin.Jecroisquelachambreesttoujourslibre,dit-

elleendésignantuneportesursagauche.Ilsortitsonportefeuilleetenretirasonbadgemilitaire.Çanedevraitpasêtretropcompliqué.Il

fallait justequ’ilévitedesefaireprendres’ilnevoulaitpasdéclencherunincidentdiplomatiqueetrisquerdeperdresonboulot.Sérieusement?Ilallaitvraimentforcerlaportevoisine,commesiderienn’était?Ellenesavait

pasgrand-chosede la législationenvigueurdanscepays,maiselle sedoutaitque lesautoritésneverraient pas d’un très bonœil unmilitaire, américain de surcroît, entrer par effraction dans unechambred’hôtel,mêmeinoccupée.—OK,maisdanscecas,jeviensavectoi,dit-elle.—Pasquestion.Retournedanstachambreetfaiscommesiderienn’était.Sonvisageavaituneexpressionredoutablelorsqu’ilsemettaitencolère.Saufquelà,ils’énervait

pourrien.—Écoute.Situtefaisprendre,etquetuesavecmoi,onpourracroireàuneerreur,onpenseraque

nousnoussommestrompésdechambre,non?C’esttoutàfaitcrédible.Ilinclinalatête,etlecraquementd’unevertèbredanssanuquelafitsursauter.—OK.Maissionsefaitprendre,pourl’amourdeDieu,laisse-moiparler.Quelculot!—Parcequetoncharmeettonespritsontirrésistibles,peut-être?Mainssurleshanches,elleexigeaituneréponse.—OK,mettonsquejen’airiendit.Allons-y.Ils’appuyacontrelaportepourétoufferlesondesesdoigts,etfrappa.Aucuneréponse.Harriet jeta un coupd’œil de chaque côté du couloir et vérifia qu’aucun touriste ni employéne

traînaitdanslecoin.Lavoieétaitlibre.ElletournalatêteversMattmaislaporteétaitdéjàouverte,etilavaitdisparuàl’intérieurdelachambre.Ilfaudraitqu’ellesesouviennedefermeràdoubletourquandilseraitdanslesparages.Ellepoussalaporteducoudeetseglissaàl’intérieur.—Tuesvraimenttropfortàcegenredepetitjeu.Est-cequetuaseuuneenfancecriminelleouun

trucdugenre?murmura-t-elle.—Untrucdugenre,répliqua-t-ilenallumantlapetitelampedebureauetenregardantautourde

lui.Elle l’observa tandis qu’il se baissait et jetait un coup d’œil sous lemeuble, puis elle lança un

regard en direction du couloir pour vérifier si des visiteurs inattendus ne s’y trouvaient pas. Elleentenditdesbruitsdebottedansl’escalier,etsonrythmecardiaqueatteignitdessommetsvertigineux.—Quelqu’unapproche,siffla-t-elle.Mattétaitétendusurlesol,toujoursoccupéàinspecterlebureau.—Fermelaporteetéteinslalampe,ordonna-t-il.Elleobtempéra.Lespass’éloignèrentpuis,sansexplication,serapprochèrentdenouveau.Oh,mon

Dieu,était-cel’agentdesécurité?Harriets’écartadelaporteàpasdeloup.L’hommeavaitdécidédefaire les centpasdans le couloir.Àquatrepattesdans l’obscurité, elle rejoignitMattpour faire lemoinsdebruitpossible.—Siçasetrouve,ilvarestertoutelanuit,murmura-t-elleenapprochant.Soudain, elle posa sa main sur la cuisse de son compagnon. Sa cuisse large et puissante. Ils

s’immobilisèrentcomplètement.—Désolée, dit-elle en s’éloignant pour aller s’asseoir, adossée au lit et pieds calés contre les

jambesdeMatt.Tuasuneidée?—Jen’ai trouvé aucunmicro. J’en conclusquenous sommes les seuls visés. Je vais devoir en

informermoncommandant.Harrietcommençaitàs’inquiéter.Etsi lecommandantinsistaitpourqu’ils’enaille?Queferait-

elle?Serait-elleensécurité?—Est-cequetupeux…nepasl’appeler?interrogea-t-elledansunsouffle.—Pourquoi?—J’aipeurqu’ilnetedemandedepartir.Aïe.Pourquoiavait-elleditça?EllesentitlajambedeMatttremblercontresonpied.Est-cequ’il…?—Tutemoquesdemoi?—Etcomment!parvint-ilàdire.Ilyaquelquesheures,turêvaisdemevoirpartir,non?Avoue.

Jetevoyaisdéjàorganiserlerestedetamission!Inutiledenier,ilavaitraison.—C’étaitavantquej’apprennequ’ilyavaitdesmicrosdansnoschambres.— Écoute, ma belle, je ne suis pas comptable. Mon patron ne va pas me virer au moindre

problème.Jesuisunmilitaire.Ilvavouloirquejerestejusqu’àcequejedécouvrecequisetrameici.Ilsepourraitmêmequ’ilenvoiedesrenforts.Donc,rassure-toi,jenevaisnullepart.—Pour tagouverne, sachequecen’estpaspourmoique j’aipeur,maispourmesétudiants,et

pour Mueen et Ain, également. Je ne pourrai pas les protéger si ces micros ont été placés parquelqu’unàdesfinsmalfaisantes.Surcepoint,elledisaitlavérité.Ellen’avaitjamaiscraintlesennuispourelle-même.—Malfaisantes?s’exclama-t-il.Elleauraitpujurersentirsajambetremblerdenouveau.—Tutecroisdansunromand’AgathaChristie?DugenreMeurtreenMésopotamie,c’estça?—Jepréfèrequenousévitionsdeparlerdemeurtres,OK?Elleavaitsurtoutenviedeparlerdecequilapréoccupait.—Sionm’amisesurécoute,c’estcertainementpourensavoirplussurcequenousavonstrouvé

surlesitedefouilles.Jenevoisqueça.Quantàtoi,c’estsansdoutepourdécouvrirquelquechoseenlienavecl’armée.Cequiveutdirequelaseuleraisondenousmettretousdeuxsurécouteestliéeàcettefoutuepièced’avion,tunecroispas?Iléloignasesjambesetseredressa.Savoixétaitbeaucoupplusproche.—Impressionnant,moncherWatson.J’ensuisarrivéàlamêmeconclusion.Àquil’as-tudit?Elleréfléchituninstant.—MollyetJasonsontaucourant,maiss’ilsvenaientàl’ébruiter,ceseraitlafindeleurcarrière.

Ilssontsuffisammentintelligentspournepass’yrisquer.Sadiesait,elleaussi.Commeceuxquit’ontenvoyéici,quiqu’ilssoient.Àmaconnaissance,ças’arrêtelà.Etdetoncôté?Quiestdanslesecret?—Personne.Moncommandantestdanslaconfidence,mais,pourautantquejesache,ilestbienle

seul.Ilsoupiralourdement.—Qu’est-cequisepasse?Enfin,endehorsdufaitqu’onseretrouveassisdanslenoirpouréviter

unagentdesécuritéetquenoschambressontsurécoute?—Je l’ignore.Quelqu’un,quelquepart, saitquelquechose surceboutdemétal.Cequi signifie

qu’ildoitêtreimportant.Etfranchement,cettepossibilitén’estpasrassurante.Harriet frissonna. Elle n’aimait pas du tout que Matt, plus que quiconque, soit effrayé par la

situation.—Pourquoi?Ilseremitdeboutetluitenditlamainpourl’aideràselever.—Jecroisquelavoieestlibre.Ses doigts étaient chauds.Harriet avait terriblement envie qu’il la prenne dans ses bras, qu’il la

protège.Maisellen’insistapas,refusantdeleperturberdavantage.—Pourquoias-tupeurquequelqu’unsoitintéresséparcemorceaudemétal?reprit-elle.Aprèsavoirvérifiéqu’iln’yaitaucunbruitdanslecouloir,ilouvritlaportedevantHarrietetla

poussadoucementdanslecouloir.—Jepréféreraisqu’onenparledemain,tuveuxbien?Surlechantier,peut-être.Làaumoins,je

suissûrquepersonnenenousécoutera.Ellehaussalesépaules.Ilavaitraison.Ellen’avaitpasnonplusenvied’aborderlesujetensachant

qu’onétaitpeut-êtreentraindelessurveiller.—Pasdeproblème.(Elleouvritlaportedesachambre.)Bonnenuit.—Bonnenuit,répondit-ilàsontour.Ellerefermalaportederrièreelle,tiraleverrou,etpourserassurer,posalapoubelledevant.Cela

n’arrêteraitpersonne,maisaumoins,elleseraitprévenueaucasoùl’onvoudraitlatuer.Peut-êtrequ’elleenfaisaitunpeutrop.Elles’allongeasurlelitetéteignitlalumière,l’espritagitéd’unemultitudedepensées.Aucours

delajournée,l’idéedesonprochaintravailenGrèceétaitdevenuedeplusenplusimprobable.Toutcommecelled’unerelationlibreetlégèreavecMatt.Enunseuljour,présentetpassé,prisdansunetornaded’événementsextraordinaires,venaientdebouleversersavieprofessionnelle.Elle se leva et alluma une veilleuse, tout en sachant qu’il en fallait davantage pour éloigner le

croque-mitaine.

Chapitre10

Lorsque le réveil sonna, Matt eut la sensation qu’il venait de s’endormir. Ses yeux, irrités etdouloureux,luidonnaientl’impressiond’avoirtraverséunetempêtedesable,commecellequis’étaitabattuesurluienAfghanistan.Il avait passé une bonne partie de la nuit sur le petit balcon à l’extérieur, portes closes pour

échapperaumicroet sousunclairde lunepermettantdesurveiller lesenvirons,àparleravecsonpatronau téléphone.Lecommandant Jenksavaitd’abord sembléheureuxd’avoirde sesnouvelles.Maisaufuretàmesuredelaconversation,aucoursdelaquelleMattluiappritl’existencedesbilletsdebanqueetdesmicros,ils’étaitassombri.Mattcomprenait sa réaction.Lasituationétaitplusquebordélique. Ilétaiten Irakdepuisàpeine

vingt-quatre heures, et c’était déjà un vrai merdier. Il fallait s’attendre au pire, et ils en avaientconsciencetouslesdeux.Jenksn’avaitpasàexpliquersonsilence.Detoutefaçon,qu’aurait-ilbienpudire?Qu’ilnepouvaitlaissertroiscitoyensaméricainsrisquerleursvies?Quelanouvellequ’unavion

avait été victime d’une anomalie quelconque et s’était probablement écrasé s’était déjà répandue ?Quequelqu’uns’étaitaperçuqu’iln’yavaitaucunetraceofficielledeladisparitiondecetappareiletavaitdevinécequeMattavait lui-mêmecomprisendécouvrant lesbilletsdebanqueflotterdans levent?Lesmicrosvenaientjusteenfoncerleclou.Sil’onvenaitàapprendrequ’unetellequantitéd’argent

liquide se trouvait enfouie quelque part dans ce désert, certains seraient prêts à tout pour s’enemparer.Absolumenttout.Ilfallaitqu’ilprévienneHarriet.Maisd’abord,ildevaitappelerDavidets’assurerdesonsoutien.

Sisonancienfrèred’armesavaitétéembauchépourassurerlasécuritédesressortissantsaméricainsenIrak,c’étaitlemomentdeleprouver,bonsang!Matt jeta une nouvelle fois un coup d’œil à samontre,mais non, il était trop tard pour espérer

dormirencoreunpeu.Quiplusest,ilnevoulaitpaslaisserHarrietsansprotection.Unefoisqu’ilauraitvuDavid,ilnela

lâcheraitplus.C’étaitsamission.Samanièredeseracheterd’avoirfaitl’amouravecelle.Ilallaitlaprotéger.EnsouvenirdeDanny.Levisagedesonamiréapparutdevantsesyeuxet,pourempêcherl’imagesuivantedesurgir,Matt

enfonça ses ongles courts dans les paumes de ses mains. Raté. Comme toujours, il revécutl’explosion,sanspouvoirs’empêcherdetressaillir.Ilsentitlachaleurdudésertsursafigurecouvertedepoussière.Lesouffledeladéflagrationlesavaitprojetésàl’arrière,commecelaseproduisaitsisouvent. Mais d’habitude, ils se mettaient à terre en riant parce que quelqu’un avait fait foirerl’explosionqu’ilsétaientcensésempêcher.Maispascettefois.Ils’étaitretrouvéassis,dusangetdelapoussièrepleinlabouche,rendusourdparladétonation.Sonmeilleuramin’avaitplusdetorse.D’autresexplosionsavaientsuivi.Mattsecoua la têteetsentitde la terreséchées’écoulerdeson

casque.Saufqu’iln’yavaitrien.Lebruitsedissipa,etilrepritconsciencedelaréalité.BonDieu.C’étaitdepireenpire.Normalement,sonétatauraitdûs’améliorer.Cescrisesdevaient

s’expliquerparsonretourenIrak.Matts’assitprécautionneusementsurlelitetlaissaretombersatêtedanssesmainsenfrottantsescheveuxinhabituellementlongssursanuque.Ilavaitbesoind’aide.Àtouspointsdevue.Maispastoutdesuite.Pasavantd’avoirremplisamission.Ilpritunedoucherapideetdécidadenepasseraserpoursefondrelepluspossibledanslamasse.

Ilenfilasonjean,untee-shirt,etunechemiseàcolouvertqu’ilporteraitsansdoutetoutelajournée.Ilenvisageaun instant de profiter d’être à l’hôtel pour faire laver son linge, vu le peude vêtementsqu’ilavaitemporté,puisildescenditaurez-de-chausséepourprendresonpetitdéjeuner.Surtoutnepascraquer.Tiensbonencorequelquesjours.Harriet et ses «mômes » étaient déjà attablés, et il les salua d’un signe de tête en rejoignant le

buffetaufonddelasalle.L’espritailleurs, ilremplitsonassiette,avantdeprendreunechaiseetdes’installerauboutdeleurtable.Ilcommençaàmangeretremarqualesilencequirégnaitautourdelui.Illevalentementlesyeux.

Lestroisautresregardaientsonassiette,médusés.—Tuas…unpetitcreux?demandaMollyavecunsourire.Si leurs plats ne contenaient rien d’autre qu’un bout de fruit et une tranche de pain, le sien

comportaitunassortimentdetoutcequeproposaitlebuffet.Mattavalaunebouchéeetselaissaallercontreledossierdesachaise.— Je fais toujours des réserves au cas où je serais coincé quelque part sans pouvoir manger.

Désolé.Illeuradressaungrandsourire.—Fautpast’inquiéterpourça,tusais.Jem’arrangetoujourspourquemesouvriersnerestentpas

leventrevide.Quandonpassetoutelajournéesurlesite,l’hôtelnouslivredequoinoussustenter,ditHarrietenavalantunegorgéedecafé.—Jenesuispasundetesouvriers,répliqua-t-ilenportantàsaboucheunquartierd’orange.D’unecertainemanière,ledélicieuxrepasdelaveilleluiavaitouvertl’appétit.Ilétaitaffamé.—C’estcequetucrois,réponditHarrietenhaussantunsourcil.—Cen’estquejustice,mongars,ajoutaMolly.Ungrandgaillardcommetoi,c’esttoujoursutile

pourtransporterdumatériel…—Etlematériel,cen’estpascequimanque,l’interrompitJason.—…et cene serait pas trèsgalantde tapart de refuserdenous aider, insistaMolly, enbattant

littéralementdescils.Ilmanquades’étoufferderireenavalantdetraversunmorceaudepain.LaclaquequeHarrietlui

assenadansledosfaillitluidécollerunpoumon.—Tuasterminé,outuveuxcontinueràmerouerdecoups?lança-t-il.Tuvoulaismedirequelque

chosepeut-être?—Non,çava.Finistonassiette,soldat,onpartà10heures.Elleserassitetouvritsondossiernoir.Tout en continuant àmanger,Matt jeta un coup d’œil aux autres clients de l’hôtel et repéra un

hommeplutôtâgé,quiétudiaitlemêmedossiernoir.—Est-cequec’est…?Ilavaitoubliésonnom.—MalcolmRapson.Oui.Égalementfinancéparlamêmefondation,réponditHarrietenfronçant

lessourcils.Enfait,ilfautquejeluiparle.Elleselevaetsedirigeaverslatabledel’archéologue.—C’estpartipourunepetiteséancedeléchagedebottes,commentaJason.Cette fois, ce fut au tour de Molly de froncer les sourcils. Ce qui n’empêcha pas Jason de

poursuivre.—C’estunsportnationalchezlesuniversitaires.Pourfaireavancersacarrière,riendetelquede

coécriredesarticles.LamanièredontJasonsuivitHarrietdesyeuxintriguaMatt.—Pourtant,jesuispersuadéquenousnetrouveronsrienici,repritlejeunehomme.Cechantierest

une perte de temps absolue. Aucune étude n’a jamaismontré qu’il pouvait y avoir quelque chosed’intéressant dans le coin. Je trouve ça complètement fou qu’une fondation prête attention à cetteimmensezonedésertique.Mattdemeuraimpassible,maislaremarquedeJasonnemanquaitpasd’intérêt.Ilsentituneboule

froideetrigidesenoueraucreuxdesonestomac.Lespiècesdupuzzlen’étaientpasencoreréunies,mais elles appartenaient bien au même jeu. Il essaya de ne pas regarder Harriet mais, bon sang,penchéecommeellel’étaitau-dessusdelatablepourparleràRapson,ilavaitdumalànepaspenserà son visage dans lemiroir la dernière fois qu’il l’avait vue dans cette position.Nom deDieu. Ils’agitasursachaisepourcalmersonérection.Non.Pasquestion.Inutiled’insister.—Comments’estpasséelajournéed’hier?interrogeaHarrietenapprochantdelatable.Malcolmlevalesyeuxetsourit.—Oh,riendeparticulier.Etvous?—Oh, un peu lamême chose, ditHarriet en riant. Je crains quemes étudiants ne finissent par

s’ennuyeràmourir,maisjesupposequec’estunebonneexpériencepoureux.—Assurément. Je crois quenousne trouverons rien ici. Jemedemandepourquoi laFondation

Megellinapupenserquecetterégionétaitprometteuseentermesdefouilles.Leprofesseurretiraseslunettes,lesreplia,puissegrattalatempeavecavantd’ajouter:—Laseuleraisonàlaquellejepuissepenserest…Non.Peut-êtrequejeregardetropdefilms.(Il

eutunpetitrire.)LafauteenincombeàIndianaJones,j’enaibienpeur.—Vouspermettez?demanda-t-elleenmontrantlachaise.—Oh,biensûr,trèschère.Excusezmonmanquedesavoir-vivre.Ilselevapourtirerunechaiseetattenditqu’ellesoitinstalléeavantdeserasseoiràsontour.—Pourmoi,c’étaitlefilmLaMomie,murmura-t-elle,raviedel’humourduvieilhomme.Etdonc,

qu’est-cequ’IndianaJonesvousaapprissurlesraisonsdenotreprésenceici?— Si vous voulez bien excuser le côté mélodramatique de ce que je vais dire, il existe, il me

semble, une possibilité infime que nous soyons là pour trouver quelque chose que Megellinrecherche.Qu’endites-vous?(Sonregardsemitàpétilleràl’idéedecetteintrigue.)Quesavez-vousdecettefondation?poursuivit-il.Surprise,ellepritletempsderéfléchir.—Pas grand-chose. Je sais que ces gens financent des fouilles universitaires, qu’ils ont le bras

assezlongpourobtenirlesvisasnécessaires,etqu’ilsnemanquentjamaisd’argent.J’aieffectuéuneétude pour eux au Kurdistan il y a deux ans. La mise au jour d’un cimetière pour une équiped’archéologuesduAmershamCollege.— Amersham, dites-vous ? (Il hocha la tête d’un air grave.) Ma foi, ce n’est sûrement pas

important.Ilsepenchaenavant,l’airconspirateur,etmurmura:—J’aiposéquelquesquestionsicietlà.J’attendsdescoupsdefildanslasoirée.—Ehbien,jevenaisjustementvousdemandersivousaccepteriezdedîneravecnouscesoirpour

parlerboutique?Elleétaitheureusedelevoirsiaimable.Laplupartdesuniversitairesspécialisésenarchéologiese

montraient distants. Surtout lesAnglais. Elle en profiterait aussi pour voir s’il fallait lemettre aucourantdelasituation.Sisonéquipeavaittrouvéquelquechosedesimilaireàlasienne,ilfaudraitluiparlerdesmicros.—Vousm’envoyezravi,trèschère.Vousêtesaucourantj’imaginedecequis’estpasséledernier

soirdelaconférencesurlesbronzesantiquesàIstanbulenseptembre,n’est-cepas?Ilselevaetluiadressaunclind’œil.Unevraiecommère,cevieuxrenard.—Jebrûledelesavoir,dit-elleensouriant.Avantsondépart,ilssemirentd’accordpourseretrouverdanslehalld’entréedel’hôtel.Harriet

retournaàsatable.—Devinezquiestinvitéeàdînercesoir?lança-t-elleenattrapantsoncaféquiavaitrefroidi.—Est-cequ’ilvafalloirqu’ontetrouvedespréservatifs?demandaMollyenluidonnantunpetit

coupdecoudedanslescôtes.Harrietlevalesyeuxaucielenguisederéponse.—Vousêtesprêtsàyaller?Elle essaya de se souvenir si Matt avait utilisé un préservatif.Peut-être que oui, mais… Est-ce

qu’elle pouvait aborder le sujet avec lui ? Elle repensa à cette nuit-là et ne put s’empêcher de leregarder. Il était resté silencieuxdepuis qu’elle était revenue à la table. Sonvisage était totalementindéchiffrable.MonDieu,ilétaittellementbeau.Elleavaitenviedepasserlamaindanssescheveux,bienpluslongsquelerèglementnel’autorisait,elleenétaitsûre.Unevaguedechaleurlatraversalorsqu’elleimaginasabarbedetroisjoursfrottersapeau.Elleserralescuissesetsentitquesafigures’empourprait.LesyeuxdeMattn’avaientpasquittélessiensunseulinstant.OK,circule,yarienàvoir.Harrietselevabrusquement.—Tunousaccompagnesausiteoutuasautrechosedeprévu?demanda-t-elle.—Jevoussuis.J’aimeraisgarderunœilsurvous.Siçanevousdérangepas,biensûr,répondit-il

enselevantàsontour.Àvraidire,elleétaitsoulagée.Elles’étaittoujourssentieensécuritéenIrak,maiscen’étaitplusle

cas depuis la découverte des micros. Ni celle de ce stupide bout de métal. Non pas qu’elle soiteffrayée,maisellesetenaitsursesgardes.Mueenétait toutàfaitcapabledelesprotégerencasdebesoin.Elleavaittotalementconfianceenlui.Lors de sa première visite en Irak, elle avait douté de l’homme que le cheik avait choisi pour

protégersonéquipesimplementparcequ’ilparlaittrèsbienanglais.Jusqu’aujouroùellel’avaitvudémonter et remonter son arme, en silence et enmoins de quelques secondes.Stupéfaite, elle étaitrestéecachéepourl’observerrépétersansfinlesmêmesgestes,avantdeserendrecomptequ’ilavaitlesyeuxfermés.Celaavaitsuffiàlaconvaincrequesonéquipenecraignaitrienaveclui.Fallait-illuidévoilercequ’ilsavaientdécouvert?La réponse était évidente. Bien sûr que oui. Il fallait qu’il sache. Même si Matt n’en serait

certainementpasenchanté.Detoutefaçon,elleavaitbienl’intentiondeluiposerlaquestion.ElleluitenditlamainetattenditqueJasonetMollyaientdisparudanslehalld’entrée.

—Dis-moiàquelmomentnouspourronsrévélerauxautreslaprésencedesmicros,etl’originedelapiècedemétal.Mueen,MollyetJasonontledroitdesavoir,chuchota-t-elle.Il regardapar la fenêtre du restaurant un court instant. Impossiblededire s’il regardait quelque

chosedeprécisous’ilréfléchissaitàuneréponse.—Rendez-voussurlesite.Dèsquevousserezpartis,j’iraiinspecterlachambredeMollyetcelle

deJason.Sijenetrouvepasdemicros,jenevoisaucuneraisondelesmettreaucouranttoutdesuite.Et si nous les laissons en dehors de tout ça, il n’est pas non plus nécessaire d’impliquerMueen,d’autantplusqu’ilest…Elleserralespoings.—Qu’ilestquoi?siffla-t-elle.Unennemi?UnIrakien?Commenttupeuxparlerdeluicommeça

aprèsavoirprofitédesonhospitalitéhiersoir?—Calme-toi,mabelle.Jen’airienditdetel.Cequejevoulaisdire,c’estqu’ilyavaituntrucqui

mechiffonnaitchezlui.Illevalesmainspourseprotégerduflotd’agressivitéqu’elles’apprêtaitàdéversersurlui.—Sonanglaisesttropparfait.Etilportesonarmedemanièrebientropparfaite.Ici,presquetout

lemondeportesonarmeàl’épaulecommeunsac,maispaslui.C’estjusteque…jenesaispasàquoim’enteniraveclui.Pasencore,entoutcas.Harrietrespiraprofondément.OK,iln’avaitpastort.—Situprometsdenepasexploser,jeveuxbient’avouerquelquechose,dit-elle.Àluid’êtreénervé.—Quoi?—Tupromets?—Promis,concéda-t-ilàcontrecœur.—Jecroisqu’ilaappartenuàl’arméeirakienne.

Chapitre11

—Ilétaitlàquandnousavonstrouvéceboutd’épave,ouquoiquecesoit,etilsavaitquej’allaisprévenirl’armée.Ilsaitquec’estpourçaquetueslà,etpourtant,iln’enarienditàpersonne.—Unsoldatirakien?grondaMatt.T’es-tudemandésic’étaitluiouundesesamisquiavaitposé

labombequiatuétonmari?Ilsaisitsesbrasetserraviolemment.—Lâche-moi,tumefaismal,dit-elleenregardantsesmainsavecinsistance.Illarelâchaimmédiatementetrecula.Seulsonregardtémoignaitdesondésarroi.Ilseretournaet

fitquelquespasdanslasalleàmangerquis’étaitvidée.Ilrevintverselle,ouvritlabouchecommes’ilallaitparleravantdelarefermerbrusquementetdereprendresamarche.Lorsqu’ilfitminederevenirverselle,elletenditlebraspourl’arrêter.—J’aiditquejecroyaisqu’ilenavaitfaitpartie.Jen’ensaisrien,maisj’aiconfianceenluipour

nousprotéger.Entièrementconfiance,insista-t-elled’untoncalme.—Pasmoi.Ellehaussalesépaules.—C’esttonproblème.Àmoinsquetun’acceptesdetefieràmoi,jenepeuxpasgrand-chosepour

toi.SurtoutneparlepasdeDanny.Jet’enprie.Mattréfléchitun instant,sourcils froncés.Puis,commes’ilavaitentendusaprièresilencieuse, il

secoualatête.—Onsevoitsurlesite.Jedevraisyêtredansunedemi-heure.MollyattendaitdevantlaportièreducamiondeMueen,lacherchantdesyeux.Harrietremontale

foulardderigueursursescheveuxetpoussalesportesdel’hôtel.Lesouffled’airchaudquilasaisitquandellesortitlarassérénaunpeu.Elleadoraitceclimat.SiseulementelleréussissaitàchasserlesdémonsquiagitaientMatt,peut-êtreparviendrait-ilàfairelapaixaveccepays.Quisait?—Alors,boss,oncontinueàperdrenotretempssurquoi,aujourd’hui?lançaJason.—Comment?Jen’aipasbienentendu,répondit-elle.Mollytournalatêteverslesiègearrière,sourcilsfroncés.—Ehbien,ilestclairquenousn’allonsrientrouverici.Ondevraittoutremballer,écrirecefichu

compte-renduetrentrercheznous,non?J’aidiscutéaveclafilledel’équipedeRapson.Mollyseretournasursonsiège,etlesdeuxfemmesseregardèrentuninstant.—Etalors?—Ilsenvisagentdepartirdèsdemain.Ilspensentquetoutçaestcomplètementbidon,ajoutaJason

avecunpetitriresuffisant.Etjesuisdumêmeavis.C’estvrai,quoi.L’équipedeRapsonaplusde…d’expérience,cesgenssaventdequoiilsparlent,non?Alorslà,c’étaitlebouquet.Harrietavaitpeut-êtrefaitunegrosseerreurenembauchantJasonpour

cettemission.D’ailleurs,le«peut-être»étaitdetrop.Heureusementqu’iltravaillaitenindépendant.

—Primo,la«fille»aveclaquelletuasparlén’estpasunefille.SielletravaillepourRapson,jesuissûrequec’estunefemme.Deuxio,tunetravaillespaspourRapson,maispourmoi.Situtiensàbosserpourlui,personnenet’enempêche.Maisquoiqu’ilarrive,nousrespecteronslecontratsignéaveclafondation.Ilnousresteencoreaumoinsunejournéedeprospectiongéophysiqueetuneautreconsacréeà lapréparationducompte-rendu.Ensupposantbiensûrquenousne trouvions rien.Detoutefaçon,Mollyetmoiavonstravailléseulessurdessitesbeaucoupplusimportants,alors,jetelerépèteencoreunefois,tueslibredepartir.Sansrancune,vraiment.Jasonjetaunrapidecoupd’œilàMolly,commes’ilcherchaitunsoutiendesapart,maisavecses

lunettesdesoleil, il étaitdifficilededevinerceque la jeune femmepensait.Peut-être faisait-il toutsimplement preuve de sexisme et estimait-il davantage le professeur Rapson parce que c’était unhomme.Peuimportait.Ilétaitlibredecroirecequ’ilvoulait.— Je… ne voulais pas dire ça. Je me contentais de répéter ce que cette fille… cette femme…

Katherineavaitdit.Harrietdissimulaunsourire.—Trèsbien,déclara-t-elledoucementenregardantparlavitre,commesielledécouvraitledésert.Dès qu’ils arrivèrent sur le site, Jason sauta du véhicule et, pour la première fois, sans rien

demander, commençaàpréparer le radargéologiqueet l’ordinateurauquel il était relié.Mueen sehissaavecagilitésurletoitdelacaravaneetrepritsonposted’observation.Molly échangea un grand sourire avec Harriet tandis qu’elle transportait une glacière remplie

d’eauetdeglaceà l’intérieurde lacaravane.En findecompte, Jasonn’intéressaitpeut-êtrepas lajeune femme tant que ça.Depuis sadéfaite épique aux échecs, le vent semblait avoir tourné. Jasonavaitdévoilésavéritablepersonnalité.Mattseglissad’aborddanslachambredeMolly.Sontéléphoneetsonordinateurportableétaient

restéssurlebureau,preuvedenégligenceetd’imprudenceinsensées.Laserrureétaittellementfacileàforcerqu’ilétaitétonnéquerienn’aitétévolé.Celaluidonneraitaumoinsl’occasiondelarappeleràl’ordre.Il jeta un coup d’œil sous la chaise du bureau mais ne trouva aucun micro. Par acquit de

conscience,ilvérifiaaussiletéléphoneàcadransurlebureau,toutensachantqueMolly,commetousceuxdesagénération,n’avaitcertainementpaseul’idéed’ytoucher.Àuneépoque,presquetouslestéléphonesdansleschambresd’hôtelenIrakétaientsurécoute.Difficiledesavoirsic’étaittoujourslecasdepuislachutedeSaddamHussein.Il soupira. Il n’avait qu’une envie, piquerune têtedans l’océanPacifique, prèsde samaison.Le

destinétaitimpitoyable.Aucundoutelà-dessus.Ilavaitbesoind’aide.D’unprofessionnel.Legenredesolutionqu’il avaitpréféréocculter septannéesdurant. Il enavait conscience,désormais.Peut-êtreques’ilavaitacceptécetteaidelorsqu’onlaluiavaitproposéeàl’époque,ilseraitdéjàguéri.Ilétaitgravementatteint.Sinon,pourquoidésirait-ilencorecettefemme?Pourquoivouloirlaposséderdenouveaualorsqu’elleappartenaitàDanny?Ilsuffisaitqu’ilposelesyeuxsurellepours’imaginerenelle.Ilétaitcomplètementaccro.Comme à une drogue aux effets secondaires plus que pervers : flash-backs, culpabilité. La

sensationd’avoirperdulamaîtrisedespenséesetdessouvenirsliésàl’expériencetraumatiquedelaguerre. Une maîtrise qu’il s’était efforcé de conserver au cours des années et qui s’évaporaitaujourd’huicommelesnuagesdansledésert.Ilprituneprofondeinspirationetseconcentrasurlatâchequil’occupait.Le parfumdeMolly dans la pièce et ses nombreux sous-vêtements en dentelle rouge et noir ne

parvenaientmêmepas à lui changer les idées. Il ne l’imaginait pasun seul instantdans ces atours.SeulunpsypourraitsansdouteluisortirHarrietetDannydelatête.Sansparlerdureste.Ilétaitgravementatteint.Trèsgravement.NetrouvantriendesuspectdanslachambredeMolly,ils’aventuracalmementdanscelledeJason.Aumoins,iln’yavaitpasdesous-vêtementssurlesol.Mattinspectalachaisedebureauet,aucas

où,toutcequisetrouvaitàproximité.Envain.Iléprouvaunimmensesoulagement.Iln’auraitplusbesoindeseprendrelatêteavecHarrietàproposdecequ’ilsdevaientrévélerounon.Pourl’instant,entoutcas.Aprèsêtresortidelachambre,ilredescenditdanslehalld’entréepourdemanderqu’onluiappelle

untaxi.Endébouchantdel’anglequeformaitl’escalier,iltombanezànezavecDavid.—Holà!s’exclamaMattens’accrochantàlarampepourlesempêcherdebasculer.Tuesunvrai

dangerpublic!— Désolé, mec. C’est justement toi que je venais voir. Histoire de laisser traîner l’oreille, tu

comprends. (Davidse tutun instant,puishaussa lesépaules.) Jemesuisditqu’ilétait tempsque jereprennecontact,pourvoirsituavaisbesoindequelquechose.Il fitdemi-touret accompagnaMattenbas,nonsansavoir jetéuncoupd’œilendirectionde la

partiesupérieuredel’escalier.Étrange.Mattsedemandas’ilnevenaitpasd’interrompreunrendez-vousgalant.Toujoursaussiobsédé,l’enfoiré.Surcepointaumoins,Davidn’avaitpaschangé.—J’auraisbesoinquetumedéposesquelquepart.Sic’estdetonressort,biensûr,lançaMatt,un

peuironiquement.Les sociétés de sécurité privées, bien qu’employant de nombreux anciensmilitaires, avaient des

règles de fonctionnement singulières, et servir de chauffeur ne faisait peut-être pas partie desattributionsdeDavid,mêmesicetterequêtesemblaittoutàfaitlogiquelorsquel’onétaitengagépourassurerlasécuritéd’unepersonne.—Toutcequetuvoudras,monbeau.Jesuislàpourtoi.Tantquetumetiensauparfum,jepourrai

anticipertesbesoins.David«Nitro»Churchouvrit la portièrede sonSUV, etMatt grimpa sur le siègedupassager.

TandisqueDavidfaisaitletourduvéhiculepourrejoindrelaplaceduconducteur,Matts’émerveillade l’équipement qui se trouvait à bord. Il fut à peine surpris de voir unGPS de typemilitaire, lacrossed’unpistoletfixésousletableaudebordparduVelcro.Maisilfutstupéfaitd’apercevoiruneunitéde liaisonmontanteparsatellite.Enmêmetemps, lorsqu’onconnaissait lesmilicesprivéesetleurattraitpourlesjoujouxélectroniqueslesplussophistiqués,cen’étaitpassiétonnant.LadernièrefoisqueMatts’étaitretrouvédansunezonedeguerre,c’étaitdansuncamionmilitaire

blindé peu fiable, équipé uniquement d’une radio. Dans le monde des sociétés militaires privées,l’argentétaitroi.Lorsque David s’installa et démarra la voiture, Matt l’interrogea sur son travail pour MGL

Security.—Depuisquandes-tuenIrak?—Presqueunan.Attends.Non,enfin,ouais,unanàlafindumois,réponditDavidenhochantla

tête.Jecommenceàmelanguirdupays,maisparrapportànotreancienneunité,c’estlepied,tupeuxmecroire.J’aiuneconnexionInternetoùquej’aille,etuntéléphonesatellitequimarchebienmieuxqueceluiqu’onavaitenAfghanistan.Tu t’ensouviens?BonDieu.C’estunvraimiraclequenoussoyonsencoreenvie.Mattsemitàrire.—Tun’asjamaissut’enservir.Tupensaisqu’ilsuffisaitdelesecouerpourqu’ilfonctionne.

Davidéclataderireàsontour.—Etçateplaît?enchaînaMatt.—Et comment ! Jegagne trois fois plusquedans l’arméede l’air.Mais tu sais, cen’est pas si

évidentqueça.Leshommespolitiques,c’estencorepirequelesmilitaires,jetejure.—Etouais,ilssontpartout.—Et toi,Boomer, c’est quoi lavéritable raisonde ton séjour ici ?demandaDavid sansdétour.

D’aprèscequej’aientendu,tuauraisarrêtélescombats.Aulieudebossercommedémineurdanslecivil,tupréfères…retrouverdesmorts?Ilsemblaitsceptique,etpouryvoirplusclair,n’hésitaitpasàmettrelespiedsdansleplat.—Ouais.S’il y avait un sujet queMatt voulait éviter à tout prix, c’était bien celui-là.Surtout avecDavid.

Surtoutsansavoirpicolé.—Hé,peut-êtrequ’unpeud’alcoolnousfaciliteraitcetexamendeconscience,tunecroispas?—Marchéconclu.Cesoir?Tonhôtelestleseulàavoirunbaràcentkilomètresàlaronde.En

dehorsdumien,évidemment.Maisjecommenceàenavoirunpeuraslepompon.Disons20heures,OK?Onapasmald’annéesàrattraper.—C’estclair,reconnutMatt.—Nousyvoilà,prévintDavidtandisqu’ilstoppaitsonvéhiculesuruncheminsableux.Jem’arrête

là.Cettevoitureesttellementblindéequesions’ensable,onnepourrajamaisensortir.Etjen’aipasenviequ’onmelaretiredemonsalaire.Tun’asqu’àcontinueràpied.—T’es sûr ? réponditMatt en défaisant sa ceinture. Et si jeme fais descendre en chemin ? (Il

montra la caravane, centre opérationnel du chantier de Harriet.) Tu pourras dire « adieu » à tonbonus,cetteannée.LesourireinaltérabledeDavidsefigead’unseulcouptandisqu’ilenlevaitseslunettesdesoleil.—Jetefaisaismarcher,mec,lerassuraMatt.— Non. Regarde. C’est… non, ce n’est pas… c’est impossible, rassure-moi ? (Sa voix s’était

soudainperchéeets’étaitmiseàtrembler.)C’estledésert,c’estça,hein?Unmirage?C’estceputaindepaysquinousrenddingues,c’estça?IlregardaMatt.—Dis-moiquetunelavoispas!Le cœur deMatt se serra quand il se rendit compte queDavid venait d’apercevoir Harriet, qui

s’approchait.—Onn’estpasdansTometJerry,monvieux.T’imaginesquandmêmepasqu’unefilleenpagne

vat’accueilliravecuncocktailservidansunananas?Pour la première fois de sa vie, David avait l’air terrifié. Il était pâle comme un linge, et des

gouttesdesueurperlaientsursonfront.Onauraitditqu’ilvenaitdevoirunfantôme.—C’estàcausedemoi,c’estça?C’estmonchâtiment?—Unchâtimentpourquoi?Ressaisis-toi,monvieux.C’estHarriet,lafemmedeDanny.Elleest

archéologue.Etelleestvraimentlà.Allez,viens.Reprends-toi.Tunevaspast’évanouirdevantellecommeunejeuneviergevictorienne?David reprenait peu à peu ses esprits.Visiblement,Matt n’était pas le seul de leur unité à avoir

sacrémentmorflé.Ilsedemandauninstantcequ’étaientdevenuslesquatreautresgarsdeleuréquipe.Justin,Liam,BilletMark.Aprèstout,Mattn’étaitpeut-êtrepasleseulàsouffrirdecesyndromederépétitiontraumatique.Peut-êtreétaient-ilstousaussiatteintsquelui.Harrietsetenaitdevantlecamion,attendantqu’ilendescende.Iljetauncoupd’œilàDavidense

demandantàquelpointcedernierlaconnaissait.Sonanciencoéquipierl’avait-ilrencontréeavantlamortdeDanny?Davidtrouvalapoignéedelaportièreetl’ouvrit.Mattsortitàsontour.—Harriet,jeteprésenteDavidChurch.Ilétait…—Oui,jesais.David?JemesouviensquetuesvenuàlamaisonaprèslamortdeDanny.C’était

tellementgentil.Tum’excuseras,jereconnaistonvisage,maisj’avaisoubliétonnom.Toutétaitunpeuflouàcetteépoque.TuavaisjouéauballonaveclapetitesœurdeDanny.Jet’enremercie.Mercid’avoirprisletempsdepasser.Jesuiscontentedeterevoir.Matt les regarda se serrer lamain en souriant,mais son esprit commençait déjà à disjoncter. Il

n’avait jamaispensé à rendrevisite àHarriet.Non, cen’était pas tout à fait vrai. Il avait songéunmomentàfaireledéplacementpourprésentersescondoléancesàlafamilledeDanny,maisilavaitchangéd’avis,préférantluiépargnerlespectacleaffligeantd’ungrandgaillardentraindecraquer.Ensuite,lorsqu’ils’était«habitué»àlamortdeDanny,ilétaittroptardpourunevisitedecourtoisie.—Qu’est-cequetufaisenIrak?TusavaisqueMattseraitlàaussi?Elle les regarda tour à tour avec un sourire, qui vacilla lorsque aucun des deux hommes ne

réponditàsaquestion.—Non,pasavantderecevoirletélégrammem’indiquantquejedevaisleretrouveràsadescente

d’avion,repartitDavid.Jesupposequ’ilnes’attendaitpasnonplusàmevoir.—Ehbien,lehasardfaitbienleschoses.J’ail’impressiond’avoirréunil’équipe,dit-elleavecun

largesourire.Sanstransition,Davidpassaenmodeflirt.—Situeslibrecesoir…—Cen’estpaslecas,répliquaMattenespérantrefroidirlesardeursdeDavid.Harrietéclataderire.—C’estvrai.Jesuiscenséedîneravecuncollègue.Maismercibeaucoup.Uneautrefois,peut-être.

(ElleregardaMattetsecoualatête.)J’yretourne.Mattpassasonsacàdossurl’épaule.—Àcesoir,Nitro.—Àplus,monvieux,lançaDavidenremontantdanssonSUV.— Ce voyage vire vraiment à l’étrange, fit remarquer Harriet tandis qu’ils avançaient sur le

chemindesable.—Tum’endirastant,répondit-il.Ettoutcebeaumonde,tupeuxm’expliquer?Ilfitunsignedetêteendirectiondelacaravane,surlaquelleMueenétaitperché.Ilyavaitaumoins

vingtpersonnessurlechantier.—Avectoutcequisepasse,j’aioubliédeprévenirlecheikquenotreprogrammeavaitchangé,et,

commec’étaitprévu,ilaenvoyéquelquesjeunesgensducoinpournousdonneruncoupdemain.Engénéral,illeschoisitparmilesfamilleslesplusnécessiteuses,jenepeuxpaslesrenvoyersansrien.Quoiqu’ilarrive,nouslespaieronspourleurjournéedetravail,mêmesicesontjustedesgossesquivontpasserleurtempsàdessinerencompagniedeMolly.Il vit les hommes se tourner vers lui tous enmême temps et fixer leur regard sur lui.Ceuxqui

étaientaccroupis se levèrent. Il ressentitunpicotementà labasede lacolonnevertébrale, signedevulnérabilité,tandisqu’illuttaitcontrelui-mêmepournepassaisirl’armeglisséedanssaceintureoupourregarderautourdeluipourvoirsiNitroétaittoujoursàportéedevoix.Desimagesvacillantesoubliéestentaientderefairesurfacedanssonesprit.Desvisionsdesoldats

irakiens qui débordaient leur position à Bassora. Des hommes jeunes au visage déterminé et auxarmesaussipuissantesqueleurtorse.

Desvisagesdemort.Dusang,etdusable.Rouge.

Chapitre12

Harriets’arrêtabrusquement.—Matt?Tuessûrqueçava?Qu’est-cequiluiprenait?Ils’étaitpétrifiéetfixaitsonregardsurlesjeuneshommesquis’étaient

levéslorsqu’elleétaitrevenuesurlesite.—Matt.Elletournaledosauxouvriersetluipritlamain,essayantd’obteniruneréponsedesapart.—Quesepasse-t-il?Sapommed’Adamsemitàtressauteretilclignadesyeuxpourcroisersonregard.—Quisont-ils?—Mesouvriers.Onvient…onvientjusted’enparler,Matt.Ellesentitsonestomacsenouer.Quesepassait-il?—Tiens,boisunpeud’eau.Ilpritlabouteilleetbutàgrandstraits.Sapoitrinesesoulevaitlentementcommes’illuttaitpour

recouvrersesesprits.—Tumefaispeur.Tuessûrqueçavaaller?Tuveuxquejedemandequ’onteramèneàl’hôtel?—Non,çava,réussit-ilàdired’unevoixsépulcrale.Ilseraclalagorgeetregardalabouteilledanssamain.Ilvissalecapuchonetlaluirendit.—Çadoitêtrelachaleur.Çavaaller.D’unsignedelatête,ilmontraleshommesquiavaientreprisletravail.—Quileurapermisdetravaillerpourtoi?interrogea-t-il.—C’estunchantierdefouilles.Ilsn’ontpasbesoind’autorisation.Ilstravaillentpourlecheik.La

moindreantiquitéquenoustrouvonsiciluiappartient.S’illeurfaitconfiance,alorsmoiaussi.Elletournalatêtedansleurdirection,suivantleregarddeMatt.—Çan’estpassuffisant.Plusmaintenant,déclara-t-ilcommes’ilavaitdéjàdécidédelaquestion.—Pourmoi,si.Jenetoléreraipasquetuinterviennessurmonchantier.C’estnonnégociable.S’iln’avaitpasfrisélemalaiseunpeuplustôt,elleseseraitmontréeencoreplus…véhémente.—Inutiledet’énerver.J’essaiejustedeteprotéger,réponditMatt.Ilétaittempspourelledemettrelespointssurles«i».—Queleschosessoientclaires.Primo,cen’estpastonboulotdemeprotéger.Mueenestlàpour

ça.Deuxio,lesouvrierssontsousmaresponsabilité.Cesontdesgenspauvresdelarégion,quiontunbesoinvitaldel’argentquelesfouillesarchéologiquesapportentdanslecoin.Ilstravaillentdur,ilssont dévoués et sympathiques. Je ne permettrai pas que tu leur fasses peur, que tu les regardes detravers,niquetufassesquoiquecesoitquipuisseleurfairepenserquetuesunemenace.Enmatièredemenaceoudepeur,ilsonteuleurdosepourplusieursvies,tupeuxmecroire.Mains sur les hanches, elle espérait qu’il comprendrait qu’elle ne plaisantait absolument pas.La

première fois qu’elle était venue en Irak après la guerre, on l’avait accueillie à bras ouverts, lui

témoignantunegentillesseincroyable.Petitàpetit,elleavaitcomprisquelesIrakiensnejugeaientpaslesautresenfonctiondeleurorigine,leurreligion,ouleurapparence.Necomptaientquelesactes.Àjustetitre,biensûr.Onnel’avaitpasuneseulefoisaccuséeniregardéedetraversparcequ’elleétaitaméricaine,mêmesilescarcassesdevéhiculesoudetanksquiavaientexploséjonchaientencorelesroutesprincipalesentrechaquepostedecontrôle.Cesgens travaillaientdur.PasquestionqueMattleurmanquederespect.Ilrestasilencieux.Impossibledesavoirs’illaregardaitous’ilobservaitlestravailleursderrière

elleàcausedeslunettesdesoleilqu’ilvenaitdemettre.—Onestd’accord?—Àvosordres,madame,répondit-il,d’unevoixpresquedouce.Maisjet’enveuxdepenserqueje

puissememéfierdequelqu’unàcausedesanationalité.Jedoutedetoutlemonde.Aprèsl’avoircontournée,ilsedirigeaverslacaravane.Ellepressalepaspournepassefairedistancer.—Est-cequetuastrouvédesmicrosdansleurschambres?—Non.Inutiled’enparler.Çateva?Ons’estpeut-êtreaffoléspourrien.C’estça,ouais.Pourquoit’essinerveux,alors?Soudainunpeuinquiète,elleaccéléralepas.Elle

voulaitenfiniraveccechantier,etmettrelecapsurlaGrèce.Elleespéraitdufondducœurqueriendedramatiquenesortiraitdetoutça.L’argent,lapièced’avion.Mêmesi,pluselleypensait,plusellesedisaitqu’ilyavaitvraimentuntrucpasclairdanscechantier.Pff!—Tesouvriersontàpeineplusdedixans,fitremarquerMattd’untonneutre.—Jesais.Lavieestdifférente, ici.Engénéral, lesadultes lesplusâgésnesontpascapablesde

travailler.Net’inquiètepas,ons’occuped’eux.Onlesnourrit,onlesautoriseàjouerunpeudanslacaravane,etlecheikrémunèrelesfamillespourleurtravail.Aujourd’hui,enrevanche,ilsfontunpeucequ’ilsveulentparcequ’onne fait pasvraimentde fouilles en surface.Deuxd’entre eux sont entraind’apprendreàseservirdugéoradar,cequinousseratrèsutilesinousavonsd’autresfouillesàeffectuerdanslarégion.—Pourquieffectuez-vouscechantier,déjà?s’enquit-il.—LaFondationMegellin.J’aidéjàbossépourelledanslepassé.—Tutecontentesdeprospecterleslieux,etsitutrouvesquelquechose,uneéquiped’étudiantsest

envoyéepourmettreaujourcequevousavezdécouvert,c’estbiença?questionna-t-il.—Engros,oui.Parfois,mesemployeursenvoientdesétudiantsmêmes’iln’yarien.C’estunbon

exercice. Il peut arriver qu’on fasse chou blanc sur un chantier, ajouta-t-elle en se rappelant sespropresexpériencespassées.Ilfautqu’ilsenaientconsciencedèsleursétudes.Jesuispasséeparlà,moiaussi.Elle se demanda pourquoi cette question l’intéressait autant, mais sentit qu’il pourrait trouver

suspectqu’elleinsiste.Ellesoupira.Iln’étaitvraimentpasfacile…enfin,parfois.Pastoutletemps.Illuiarrivaitd’êtreagréable.Harrietinspiraprofondément.Elleavaitdumalà

nepasl’imaginernu.Ellerevoyaitsestatouagesquicouvraientetmettaientenvaleursesbiceps,sespectorauxetsondos.Elleauraitbienaiméprendreletempsdelesobserver.C’étaitl’occasionrêvée.Maisapparemment,ilsemblait…convaincuquecen’étaitpasunebonneidée.Ilavaitprobablementraison.Mollylevalesyeuxdupetitordinateurportablequianalysaitlesimagesenvoyéesparlegéoradar.—Jasonasondélepérimètreouest.Riendeparticulierjusque-là,annonça-t-elle.—Tupeuxluidiredeveniruninstant?demandaHarriet.Jevaisfaireunevérificationrapideen

quadrillantlesitedefaçontransversale.Çanousdonnerauneidéedelaconfigurationduterrain,s’il

yenaune.Ensuite,onanalyseraenprofondeurleszonesd’intérêt.MollyrappelaJasonsurlaradiogrésillante,avantdesecalercontreledossierdesachaise,bras

croisés.—Tum’expliquescequisepasse?C’estlapremièrefoisqu’onprocèdeainsi.Harrietsoupira,maiselleétaitsoulagéequel’étudianteluiaitposélaquestion,d’avoirl’occasion

d’expliquerleschosesétrangesquisepassaient.—Mattchercheàsavoirsiunavionnes’estpasécrasédanslecoin.Sic’estlecas,ilestchargéde

retrouverlesrestesdecorpspourlesrapatrier.Entoutcas,c’étaitcequiétaitprévuencorecematin,mêmesi,chaquefoisqu’elleposaitlesyeux

surlui,elleavaitenviedefairetraînerleschosespourqu’ilresteavecelleenIrak.—OK,çameva,réponditMolly,sérieuse.Jason,quiavaitadoptéuneconduiteexemplairetoutelamatinée,remplissaitsamissiondemanière

précise et irréprochable avec le géoradar, qui envoyait des impulsions électromagnétiques dans lesol.Ilrefusamêmedes’arrêterpoursedésaltérer,etauboutd’unmoment,HarrietdemandaàMollydeluiapporterdel’eau.Lorsqu’uncuisinierde l’hôtelapporta ledéjeuner, tout lemondecessade travailleretpritplace

sousl’auventdelacaravane.Lerepasn’avaitriend’exceptionnel,comparéàceluiconcoctélaveilleparAin,maislapauseétaitbienvenueàcetteheurelapluschaudedelajournée.Ilsecomposaitdeboîtesdethon,debiscuitssalésetderiz.Aveclachaleur,personnen’avaitbeaucoupd’appétit.C’étaitsurtoutl’occasiondefuiruninstantlesoleilbrûlant.Parexpérience,Harrietavaitfaitsuivredegrandssacsplastiqueàfermetureàglissièrepourque

lesouvrierspuissentapporterlesrestesàleurfamille.Lorsquel’oneutfinidemangeretdediscuter,chacun retourna vaquer à ses occupations.Certains chefs de chantier dirigeaient les fouilles d’unemaindefer,maiscen’étaitpaslestyledeHarriet.Ellepréféraitvoirsesouvriersheureuxetêtresûreenquittantlepaysqu’elleavaitparticipéuntantsoitpeuàaméliorerlaviedeseshabitants.EllesurveillaitMattdeprès.Depuisqu’ilavaitavouéseméfierdetoutlemonde,elleétaitcurieuse

devoir comment ilgérait lapression.Mais ilne laissait rien transparaîtrede sesdoutesnide sonmalaise. Pas plus que d’habitude, en tout cas. Certaines personnes réussissaient à dissimulerfacilementcequ’ellesressentaient.C’étaitvraimentétonnant.Garderpoursoisesidéesnoiresousessombresémotionsétaitlemeilleurmoyendeperdresonâme.—Regarde.Àtonavis,qu’est-cequec’est?interrogeaMollypar-dessussonépaule.Elleétaitassisesurlaglacièreetanalysaitlesdonnéessurl’ordinateur.—Ilyadesparasitesbizarresparlà.Jevaislancerleprogramme,OK?—Pasdeproblème,réponditHarrietenseprécipitantàsescôtés.Avant l’existence des programmes permettant de déchiffrer les lignes parasites envoyées par le

géoradar,lesarchéologuesdevaientsedébrouillerpourinterpréterlesimagesàl’œilnu.Harrietétaitdelavieilleécole.L’image vacilla sur l’écran, un peu comme les images radars dans les films, avant de se

reconstituersousleursyeux…—Qu’est-cequec’estquecetruc?s’exclamaMollyeninclinantlatêtesurlecôté.Harrietsavaitcedontils’agissait.C’étaitunespacevideparfait,rectangulaireetdelatailled’un

canapé.Cevide signifiait que legéoradar avait repéréune zonedénuéede sable.Compte tenudesanglesparfaits,cenepouvaitêtrequ’unobjetmanufacturéparl’homme.Maisilpouvaitégalements’agird’uncaveau,d’unetombe,oud’unestructureenbrique.Rienàvoiravecl’épaved’unavion,dontlesrestesauraientprobablementétédisséminésunpeupartoutauhasard.

Mattétaitderrièreelle,lesyeuxfixéssurl’écranminuscule.—Qu’est-cequeçapeutêtre?interrogea-t-il.Elleluirapportalerésultatdesaréflexion.—Manufacturéparl’homme,dis-tu?lança-t-ilenregardantautourdelui.—Oui,maisjenepensepasqueçaappartienneàunavion.Entoutcas,pasàunavionquiseserait

écrasé.Saréponselesoulageait-elle?—Peux-tuestimersataille?questionna-t-ilenfouillantdanssonsac.—Engros,jediraistroismètressurdeux.Enrevanche,impossibled’évaluersahauteur.Àcette

profondeur,lesdonnéesperdentenprécision.Ilhochalatêteetsedirigeadel’autrecôtédelacaravane.Avantqu’ilsoithorsdeportéedevoix,

ellel’entenditprononcercesmots:—CommandantJenks,jevousprie.—Sergent?demandalecommandant.Dieumerci.Mattsentitsontauxd’adrénalinemonterenflèche,commeunedéchargedanslecœuretl’estomac.

Ilavaitlechoixentrefuiroulutter.Ilserralepoing.—Vousvouliezmeparler,monsieur?répondit-ild’unevoixcalmeetironique.—J’aipumettrelamainsurledossierclassifiégrâceà…unevieilleconnaissanceduPentagone.

Est-cequetontéléphoneestsûr?—J’utiliseletéléphonesatellitequejemesuisprocuréàmonarrivée,alorssansdoutequenon.Cesappareilsétaienttrèsfacilesàpirater,c’étaitbienconnu.—Avez-voustrouvéquelquechose?—Ondiraitbienqueoui,ditMattcalmement.—Jem’endoutais.Onenparledéjàpasmal.— Ici, seule l’équipe est au courant. (Matt réfléchit un instant pour voir si quelqu’un avait une

bonne raisondeparler de la découverte.)Personned’autre. Je nevois pas qui aurait pudécouvrircettehistoireetlarapporterauxÉtats-Unis.—Çasignifiequequelqu’unparmivousn’estpas…bienveillantàl’égarddetamission,répondit

lecommandantavecprudence.—Reçucinqsurcinq,chef.NomdeDieudemerde.Ilyeutunsilenceàl’autreboutdufil.—OK.Toutvabien.Çan’estpassicompliqué.PasplusqueColumbia.Tamissionestderetrouver

lesdeuxpilotesetunsergenttechnicien.Jet’enverrailesdétailssurtaboîtemailpersonnelle.—Bienreçu,chef.J’attendsvotree-mail.Ilraccrochaetseretournalentementpourobserverlesgensquitravaillaientsurlesite.Quiétait

l’ennemi?Columbiaétaitlamissionlaplusdangereusequ’ilaiteffectuéedepuisqu’ilavaitrejointleJPAC.

Son équipe avait été hélitreuillée enpleinemontagne et avait dû l’escalader jusqu’à un autre pointpourtenterderetrouverlepiloted’unavion-cargoquiavaitdisparudanslesannéessoixante,etquel’onavaitlocalisédepuispeu.Malheureusement,lesbaronsdeladroguedelarégionavaientréussiàintercepterlemémoenpensantqueMattetseshommesvenaientpoureux.L’équipe,quicomprenaitun ancien sauveteur parachutiste, un archéologue et un membre des forces spéciales, avait dûrepousserunecinquantainedeguérillerospendantdeuxjoursavantqu’onneluienvoiedesrenforts.

Ilss’enétaienttoussortisindemnes,Dieumerci,endehorsdequelquescoupsdesoleiletdequelquespiqûresd’insecte.Ilsavaitdoncàquois’attendre.Merde.Il fallait qu’il prévienneHarriet. Qu’il lui permette de se barrer loin de là avant que tout parte

complètementenvrille.Ilfitlalistedesarmesàleurdisposition.Le.22danssaceinture,lerevolverqueMueenavaitapparemmenttoujourssurlui,mêmesiDieuseulsavaitdequelcôtéilétait.IlappelaHarrietet,lorsqu’ellelevalatête,illuifitsignedelerejoindre.Mieuxvalaitresterdiscrets.—Qu’est-cequisepasse?s’enquit-elle.— Est-ce que je peux avoir accès à mon compte Gmail sur ton Blackberry ? demanda-t-il, en

s’assurantqueletéléphonesatelliteétaitbiendéconnecté.—Jesupposequeoui.(Elleleluipassa.)Situréussisàt’enservir,tupeuxfairetoutcequetuveux

avec.Maboîteestenvahied’e-mailsimpatientsdelafondation.Mesclientsmeharcèlentpourquejeleurenvoieuncompte-renduquejen’aipasencorefiniderédiger.Netegênesurtoutpaspourleseffacer.Ellegrimaçademanièretoutàfaitcharmante.—C’estquoi,tonmotdepasse?dit-ilenregardantl’écran.Commeellenerépondaitpas, il levalesyeux.Uneexpressiondouloureuseétaitapparuesurson

visage.Oh.Iltapa«DANNY»,etl’écrans’anima.Lenœudaucreuxdesonestomacn’avaitrienàvoiravec

ça.Justelesouvenird’uneautremissionColumbia.Il parvint à charger sesmessages.Le commandant Jenks avait aussi envoyé l’e-mail de sa boîte

personnelle.Cen’étaitpasbonsigne.Le courriel contenait quatre liens, sans aucun commentaire. Le premier renvoyait à une page

Wikipediarelatantlapertede6milliardsdedollarsenliquidependantlaguerred’Irak.Ledeuxièmetombait sur un article duWashington Post datant de 2011, qui expliquait qu’une bonne partie del’argentavaitétéretrouvée,maisqu’ilenmanquaitencore.Quantauxtroisièmeetquatrièmeliens,ilsconduisaientauxnécrologiesdetroissoldats:deuxofficiers–lelieutenant-colonelGrantMatheretlecapitaineDougCarpelli–ainsiqu’unsimplesoldat,lesergenttechnicienMikeRanger.Tousmortsaucombat,officiellementlorsdedeuxattaquesennemies.En gros, cet équipage était en mission secrète, peut-être avec l’argent perdu, dont la somme

atteignaitentre55et100millionsdedollars,sil’onencroyaitWikipedia.—Dequois’agit-il?interrogeaHarriet.Tuasl’airpréoccupé.Ilauraitvoulurire.Ilauraitété«préoccupé»s’ilavaiteuunefuited’eaudanssamaison.Ous’il

avaitratéuneréunionsanslevouloir.Letermen’étaitpasvraimentàlahauteurdelasituation.Illuirenditletéléphoneenluidisantdelirelespagesauxquelleslesliensrenvoyaient.Elles’assit

surunseauretournéetlesparcourut.Lorsqu’elle leva les yeux, elle était blême et sonmenton frémissait.Matt aurait aimé la prendre

danssesbrasetl’emmenerloindelà.L’emmenerdanssamaisonàHawaiipourqu’ellesepromènesurlesplagesentoutesécurité.Ilsedevaitdelaprotéger.PourDanny.Etpourlui,pourtoutcequ’ilavaitdéjàfait.Ils’acquitteraitdesadette,àn’importequelprix.

Chapitre13

—Est-cequeçaveutdirecequejepensequeçaveutdire?Enfin…sijelisentreleslignes.Elles’envoulaitdutremblementsoudaindesavoix.Ilsemitàgenouxdevantelleetentourasesmainsdessiennes,toujoursaccrochéesautéléphone.—Jeteprotégerai.Tupeuxcomptersurmoi.Lachaleurdesesdoigtséloignalefroidquil’avaitsaisiemalgrélachaleurétouffante.—Onvaavoirdelavisite.Ilesttempspourtoi,MollyetJasonderentrerchezvous.Mieuxvaut

éviterdevoustrouverentraversdelaroutedeceuxquiveulentmettrelamainsurunetellesommed’argent.Pasquestion.Jamaisdelavie.—Jeresteici.Jenevaispaslaisservolercetargentaupeupleirakien.Illuiappartient.Deplus,si

nous partons, qui préviendra Malcolm Rapson et son équipe ? On ne va pas les abandonner enespérant que leur site ne soit pas pris pour cible par erreur, non ? Sans oublier les gens qui setrouventsurlazoneaunorddelanôtre?Jenelesconnaismêmepas.Est-cequec’esttoiquivaslesalerter?—Non,répondit-il.Jesuisdésolé,maisilsnesontpassousmaresponsabilité.Ilretirasesmainsdessiennes.—Matt.Écoute.Moinonplus,jenesuispassoustaresponsabilité.Seulscestroissoldatsdisparus

le sont. Nous pouvons toujours continuer à sonder le site avec le géoradar pour voir si nousdécouvrons des restes humains.Même si, il faut le reconnaître, cette technologie n’est pas la plusadaptée.Elleétaitàlafoisfurieusecontreluiet…non,surtoutnepaspenseràcela.Pasmaintenant.Alors

quetoutpartaitàvau-l’eau.Mattseleva.—Detoutefaçon,jenecomprendspaspourquoitudisquecetargentappartientaupeupleirakien.

Auxdernièresnouvelles,cesdollarsétaientlapropriétédugouvernementaméricain.— Tu n’as pas lu la fin de l’article. Cet argent n’est pas à nous. Au début de la guerre, le

gouvernementaméricainagelélescomptesbancairesirakiensetretirécetargentpourledestineràlareconstructionde l’Irak.Quoiqu’ilarrive,cepactolerevientauxIrakiensetdoitdemeurer ici,dit-elledesavoixlaplusferme.Jesuissérieuse.—Cettedécisionn’estpasdemonressort,mabelle.Quellearrogance!Etenplus,ilsouriait,l’enfoiré.Unsourireaffreusementcondescendant.—C’estjustementpourçaquejevaisrester.JenevaispaslaissercetargentretournerauxÉtats-

Unisparceque tuobéisdocilement auxordres.Pasquestion.Et laisse-moi tedireunechose, cettedécisionesttoutàfaitdemonressort.Situveuxcetargent,tudevrasm’enrépondre.Illevalesyeuxaucieletchangeadesujet.—Assure-toisimplementqueMollyn’aillepasracontercequelegéoradararepéré.Continuezà

prospecteretànoterlesendroitsoùvousfaitesdesdécouvertes.—C’estcequenousfaisonsdepuisledébut.Jerécupéreraileportableenfindejournée.Ilssedirigèrentverslacaravaneetdécouvrirentl’ordinateurlaissésanssurveillance.Mollyavait

disparu.—Où…?s’exclamaHarriet,lecœurbattant.—Elleestalléevoirl’hommedel’autrecôtédeladune,lançaunevoixau-dessusdeleurstêtes.Mueen.Lentement,Matt leva les yeux en direction du toit de la caravane et ouvrit la bouche pour dire

quelquechose,maisilseravisa.Harrietseréjouitqu’ilprenneainsisurlui.—Merci,dit-elle,alorsquesonrythmecardiaques’apaisait.Mollydevaitapprendreàsetaire,mêmesi,malheureusement,ilétaittroptardpourl’empêcherde

racontercequ’elleavaitdécouvertàJason.Enregardantladune,elleaperçutJasonetMollyoccupésàscruterlesolcommes’ilspouvaientvoirlazonedevideàtraverslesable.Harrietsifflaaveclesdoigts.Ilsrelevèrentlatêtebrusquement.—Sivousaviezdessuperpouvoirs,çasesaurait.Alors,auboulot,cria-t-elle.Molly?Elleattenditquelajeunefemmelarejoigne,seule.—Cen’estpasbienmalindedisparaîtrecommeçaaveclaseuleautreradio.Ilfautvraimentqu’on

soitplusvigilantssurnosalléesetvenues,OK?Ellen’avaitpudissimulersacolère.Elles’efforçadecalmerlejeu.—TuasparlédelazonedevideàJason?—Évidemment.Cesalegosseseplaignaitcematindeneriendécouvrir.Jevoulaisremuerunpeu

lecouteaudanslaplaie.Harrietnepouvaitpasvraimentluienvouloir.Elleauraitpuenfaireautant.—Ilfautquejetedisequelquechose.EtjeneconnaispasassezJasonpourluifaireconfiance.Tu

meprometsdetetaire?Pasdeconfidencessurl’oreiller?—Pfft.Iln’estpasprèsderevoirmonoreiller,l’animal.Harrietlevaunsourcilétonné.— Ouais, ouais, je sais. Mais il a un côté craquant, je t’assure. Il est trop immature et trop

insupportablepourtravailleravecdesfemmes,etencoremoinssousleursordres.Çaledéstabiliseet…commentdire…çalerendbizarre.Harriet ne répondit pas. Elle ne pouvait laisser Jason ignorer qu’il était peut-être en danger. En

mêmetemps,ellen’avaitpasassezconfianceenluipourlemettredanslesecret.ElletirasurlabaguedeDannyetlafitroulerentresesdoigtscommeellelefaisaitsouventlorsqu’elleavaitunproblèmeàrésoudre. Elle regarda la bague dans la lumière crue du soleil. Peut-être qu’après tout, elle aussivivaitencoredanslepassé.Peut-êtrequ’ellecompartimentaitsavieensefigurantqu’elleétaitpasséeàautrechosesimplementparcequ’ellepouvaitfairel’amouravecd’autressanspenseràlui.Naturellement,ellechoisissaitlemeilleurmomentpourréfléchiràça.Commesiellen’avaitque

çaàfaire.Évidemmentquecefoutugardeducorpsavaittoutentendu.Mattnepouvaitques’enprendreàlui-

même,bonsang.Ilavaitoubliéqu’ilétaitobservéparcetypesursonperchoir.Unevraiegargouille!Et l’expressiondesonregard lorsqu’il leuravaitditoùse trouvaitMolly!Pasdesabouche,non.Juste de ses yeux.Matt serra les poings de colère. Il s’en voulait terriblement.Harriet le troublaittellementqu’ilenoubliaitsonprofessionnalisme.Sanss’enrendrecompte,ils’étaitmisàfairelescentpas.Unrapidecoupd’œilau-dessusdelui

confirmaqu’il était toujours surveillédeprèsparcetenfoiréausourire insolent. Il avait sûrementtoutentendu:lecoupdefilàsoncommandant,saconversationavecHarriet.Jusqu’àlacertitudedelajeunefemmequel’argentappartenaitaupeupleirakien.NomdeDieu!—Tupeuxdescendre?demanda-t-ilàMueend’unevoixqu’ilespéraitneutre.MueencherchadesyeuxMollyetHarriet,entraindereveniràlacaravane,ethochalatête.Ilse

laissaglisserjusqu’autoitdesoncamionetsautasurlesol.Foutuninja.—Jesaisquetuas…toutentendu.Nousnesommesencoresûrsderien,maispuis-jecomptersur

toipourgarderlesecret,jusqu’àcequetoutlemondesoitensécurité?Mueen contempla le sol avant de croiser le regarddeMatt. Il semblait vouloir choisir sesmots

avecleplusgrandsoin.—Monseulbouloticiestdeprotégercesgens,dit-ilenenglobantsansdistinctiond’ungestedela

maintousceuxquisetrouvaientsurlesite.Jeneferairienquipuisselesmettreendanger.Çan’étaitpassuffisant.—Tucomprendscequirisqued’arriversil’onvientàapprendrequ’ilpourraityavoirdel’argent

ici,n’est-cepas?—Jecomprendstoutàfaitcequivaarriversil’ondécouvrenotreargent,répondit-il.Mattsoupira.Ils’occuperaitdecettequestionentempsvoulu.—Donc,jepeuxcomptersurtoi…?—Pourprotégertoutlemonde?Biensûr,répliquaMueeneninclinantlatête.Mattétaitcertainqu’ilavaitaussifaitclaquersestalons.Mûparuneénergiequelesergentpensait

impossible dans cette chaleur intense,Mueen reprit avec agilité sa place sur le toit de la caravane.Espéronsqu’iltireaussibienqu’ilescalade.Quoiqu’ilensoit,cettepetiteconversationnelerassuraitpas.Matts’assitsurunechaisedécapée

par le sable, et observa les allées et venues sur le chantier. Certains ouvriers, les plus jeunes, luiadressaient des sourires timides lorsqu’ils passaient devant lui en transportant du matériel. Il futenvahi par un sentiment de culpabilité hallucinant, qui le poussait à une introspection qu’il avaittoujours refusée. Il sesentaitcoupabled’avoircombattuenIrak,surtoutenvoyant l’accueilamicalqu’on lui réservait, sans compter que ce foutu garde lui avait ouvert les portes de son foyer. Ilculpabilisait parce qu’il se préoccupait plus de l’argent que des corps des soldats qu’il était censéretrouver.Etbiensûr,ilculpabilisaittoujoursdecequis’étaitpasséavecHarriet.Commes’ilavaitprofanéuneterresacrée.Bonsang, il avaitbesoindeboireunverre,voireunedizaine.Peut-êtrepourrait-il se libéreren

déballanttoutel’histoireàDavid.Cen’étaitpasnonplusuneraisondesebourrerlagueule.Ildevaitresterlucideaucasoùçafoireraitvraiment.Cen’étaitqu’unequestiondetemps.Harriet avait vraiment la tête dure ! Peut-être devrait-il essayer de convaincre Molly de plier

bagage.L’effrayersuffisammentpourqu’ellepersuadeHarrietdelasuivre.C’étaitdelamanipulationpureet simple,maisenamourcommeà laguerre, tous lescoupsétaientpermis. Ilespéraitnepasdevoirenarriverlà.Ilréussitàsedétendreenconstatantquelajournéesedéroulaitsanslemoindreincident,maisson

sentimentdeculpabilitédemeuraintact.Soulagé,ilregardachacunregagnersonvéhiculeetquitterlesite.Harrietglissal’ordinateurdanssonsacàdosetposaletoutàl’intérieurducamiondeMueen.Matt

veilleraitsurcesaccommesurlaprunelledesesyeuxtantqu’ellen’auraitpasdécouvertcequisecachaitsouslesabledecedésertinfernal.

Le trajetdu retourvers l’hôtel sedérouladansuncalme inhabituel. Jasonavaitmêmearrêtésesremarques stupides, ses blagues à deux balles et ses petites attaques puériles. Il y avait de quoi seposerdesquestions.Mueengaralecamiondansl’alléedel’hôtel,justederrièreceluidel’autreéquipe,superviséepar

lerendez-vousdusoirdeHarriet.Rapping?Rapson.Ouais,c’étaitbiença.Mattdevraitpeut-êtreluidemander s’ils avaient découvert quelque chose.Mais il n’était pas certain d’obtenir une réponse.Peut-êtrevalait-ilmieuxsuggéreràHarrietde tâter le terraincesoir.Mattcommençaitàserendrecomptequetoutecettehistoireallaitplusloinqu’unsimplechantierdefouilles.Ilfallaitqu’ilmetteunplansurpied.Etpourcela,ilavaitbesoindel’aidedeDavid.MattétaitsûrqueDavidauraitdonnésavie pour la femmedeDanny,même s’il ne faisait plus partie de l’armée américaine.C’était unprincipesacré.Dieumerci,ilétaitlà.

Chapitre14

Harriet aperçut le professeur Rapson qui arrivait lui aussi à l’hôtel, et ils déchargèrent leursaffairesensemble.—Toujourspartantepourledîner,trèschère?demanda-t-ilalorsqu’elleglissaitsonsacàdossur

l’épaule.—Jenemanqueraisçapourrienaumonde!répondit-elleenregardantsamontre.Onseretrouve

dansvingtminutes?— J’aimenémapetite enquête, dit-il en se tapotant le bout du nez.Àmon avis, vous allez être

intéresséeparcequej’aidécouvertsurlaFondationMegellin.Elles’arrêtanet.Mince.Ellen’étaitpassûredevouloirsavoir.—J’espèrequevousn’allezpasnousfairevirer!repartit-elleavecunsourire.—Non,non.Riendetel,n’ayezcrainte.Onsevoittoutàl’heure.Ilsoulevasoncartabletoutdroitsortid’uneautreépoqueetsedirigeaversleschambressituéesau

rez-de-chausséedel’hôtel.Ellegravitenhâtel’escalierconduisantàsachambre,etfrissonnauninstantenouvrantlaporte.La

présence dumicro l’empêchait de se sentir seule. Comme si la pièce était hantée.À l’occasion, ilfaudraitqu’ellesetrouveunepetiteradiosurunmarchédelavillepourlaposerjusteàcôtédupieddelachaise.Passûrqueçasuffiseàluifaireoublierqu’elleétait…SonBlackberrysemitàsonner.Elleregardalenuméroquis’affichait.Merde.C’étaitlafondation.—HarrietMarkowitzàl’appareil,dit-elleengrimaçant,redoutantlepire.Ellen’avaitpastort.—IciM.Randolph.Celuiquisignevosnotesdefrais,aucasoùvousl’auriezoublié.Nouvellegrimace.—Pasdutout,monsieurRandolph.Commentallez-vous?—Pourquoin’avez-vouspasencoreenvoyélecompte-rendudevosfouilles?—Leprotocoleveutquelerapportsoitexpédiéenfind’étude.Ilnousresteencoreaumoinscinq

joursdetravail.—Iln’empêchequejevousaipriéed’envoyerunrapportinitialpasplustardqu’hier.Silence.Restepolie.C’estluiquisigneleschèques.— Je m’excuse. Je vous l’envoie dès ce soir. Puis-je vous demander ce que vous cherchez

exactement?Jenevoudraispaspasseràcôtédequelquechosed’important.—C’estconfidentiel.J’attendsvotrecompte-rendud’iciàdemain,poursuivitlavoixd’untonsec.

Pare-mail,mademoiselleMarkowitz.Etsansfaute.—Àvosordres,monsieur,répondit-elleenlevantlesyeuxauciel.Ilraccrocha.—Bougred’idiot.Tuneconnaisriendutoutàl’archéologie.Situveuxuncompte-rendubâclé,eh

bien,tunevaspasêtredéçu.

Ellehésitauninstant,effrayéequ’iln’aitpasréellementraccroché.Maisletéléphoneluiconfirmaqu’elleparlaitbiendanslevide.Ellesetournalentementverslachaisedebureau.Etmerde.Elleneparlaitpasdanslevide.Quelqu’un,quelquepart,étaitentraindel’écouter.Ceboulotlucratifsetransformaitenvéritablecauchemar.Ellen’avaitqu’uneenvie,s’enfuirloin

delà.Tropdestress.Tropdedoutes.Ellen’avaitpaschoisidevivreainsi.Elleaimaitlasimplicité.Les certitudes.Après lamort deDanny, elle avait presque perdu goût à la vie – étape normale duprocessusdedeuil.C’estcequ’elleavait comprisplus tard.Àcetteépoque,elleavait l’impressionquelemondes’étaitarrêté,etelleavaittraversécetteépreuveenavançantpasàpas,aujourlejour.C’estpourcelaqu’elleavaitchoisid’êtresonproprepatron.Elle prit son calepin et dressa la liste des points importants à inclure dans son compte-rendu

provisoire.Lescaractéristiquesdesurface.Latempêtedesable.Elletapotalepapierduboutdesoncrayon…Lazonedevide, l’argent,et l’artefact.Quedevait-ellerévéleroupassersoussilence?Ilfaudraitqu’elleendécideavecMattàunmomentdelasoirée.Hum.Elles’allongeasurlelituninstant.Peut-êtrepourrait-ellelerejoindredanssachambreaprès

le dîner, ils pourraient bosser sur le compte-rendu ensemble, pour qu’il soit conforme à leursdifférentesattentes.Leursattentes…Enmatièredesexe,ilsecomportaitenvéritableidiot.Pourelle,lesrelationssexuellessansattachesétaientunemanièredeseviderlatête.C’étaitvital.Àforcedeselerépéter,elleavaitpresqueréussiàs’enconvaincre.Maisellen’enétaitplussisûre.SondésirpourMattétaitpeut-êtredifférent.Peut-êtreaspirait-elleàautrechose.Elle glissa ses notes dans le dossier noir de la fondation, se changea, et descendit rejoindre

Malcolm. Ilspourraient toujourscomparer leurscontrats,histoiredevoir s’ilsavaientétéengagéspourlemêmetravail.Elleenprofiteraitégalementpourluidemandersionleharcelaitluiaussipourunrapportpréliminaire.Il l’attendait devant le restaurant, portant lesmêmes vêtements que dans l’après-midi, en dehors

d’unnœudpapillon.ElleadoraitlesvieuxAnglais.Leurélégancesurannée.Ellesouritlorsqu’illuioffritsonbras.Unefoisqu’ilsfurentassis,ilsortituntasdedossiersdesoncartable.—Ehbien,ondiraitquevousêtesbeaucoupmieuxinforméquemoi,s’exclama-t-elle.Ellemontralamaigrechemisequi,endehorsdequelquesdocumentsimprimésetcartesdusite,ne

contenaitquesoncontrataveclaFondationMegellin.— Je suis un vieil homme.Un très vieil homme. Je n’ai rien d’autre à faire que de glaner des

informations,dit-ilavecunsourireenluiadressantunclind’œil.Personnenemeprendausérieuxàcausedemongrandâge.J’ail’avantagedepasserinaperçu.Ellesemitàrire.—Vousêtesunvieuxrenard!Elleeutsoudainenvied’apprendretoutcequ’ilsavait,deleglisserdansl’unedesespochesetde

l’avoirtoujourssouslamain.—Jeveuxtoutsavoir,murmura-t-elle.Ilregardaautourdeluid’unairthéâtral.—Ehbien,pourcommencer,nousnesommespasseuls.—DanslesensdeX-Filesoubien…?—LaFondation.Elleaenvoyéd’autrespersonnesquenous.Ellesemitàl’aisesursachaiseetbutunepetitegorgéedesonCocaLight.—Àlavérité,çanemesurprendpasvraimentpuisquejesuistombéesurvousici.Oùtravaillent

lesautreséquipes?—Jen’ensaisrien,maislacharmantejeunefemmequim’adélivrémonvisam’aapprisqu’elle

en avait délivré vingt-quatre en tout pour entrer dans ce pays.En tout cas, dans cette ville. Si l’oncompte les trois pour vous et vos deux étudiants, plus les quatre pour moi et mon équipe, il enmanquedix-sept.La jeune femme fronça les sourcils. Elle essayait de se rappeler si elle avait croisé d’autres

archéologuesdanslecoin.—Ehbien,ilyaunefouilleencoursaunorddenosdeuxsites,maisjen’aivupersonnedanscet

hôtel. Jemesuisditquenosconfrèresavaientchoiside logerdansunendroitplusprochede leurchantier.Unserveurarrivaetpritleurcommande.LaviandeétantrareenIrakendehorsdesgrandesvilles,

ellechoisitunplatvégétarienàbasedelentilles.Malcolmoptapourdupoisson.—Jenepensepasque ce chantier soit financéparMegellin. Jen’en suis pas certain,mais cela

m’étonnerait.—Etdonc,endehorsdel’archéologie,dequois’occupelaFondationMegellin?s’enquitHarriet

enhaussantlesépaules.—Sivoustrouvezlaréponse,machère,vousemportezlegroslot.Nouveauriredelajeunefemme.—PourquoiMegellinvousintéresseautant?Moi,j’aijusteenviedefairemontravailetdem’en

allerauplusvite.Est-cequ’onvousharcèlepourquevousenvoyiezuncompte-rendu?—Comment?Non.Pourquoi?N’est-cepastroptôtpourunrapportd’étude?demanda-t-ilenla

regardantpar-dessusseslunettes.—M.Randolphs’estmontrétrèsinsistantpouravoirunrapportpréliminaireavantdemain.—Celamesembletrèsétrange.Avez-vousdécouvertquelquechose?interrogea-t-il.Harriet prit le temps de goûter le ragoût de lentilles qu’on venait de lui servir. Elle attachait de

l’importanceà l’opinionde soncollègueémérite, et elle souhaitaitvraimentavoirunpointdevueneutresurcevéritablesacdenœuds.—Sil’onpeutdire.Riend’ancien,cependant.Elle se voûta légèrement, sachant qu’elle allait lui révéler l’existence de la pièce d’avion, au

minimum,etqueMattluienvoudraitterriblement.Ellejetauncoupd’œilautourd’elle.LorsquesonregardrencontraceluideMalcolm,ellevitquesesyeuxpétillaientderrièreseslunettes.—Vousadorezça,n’est-cepas?dit-elle.—Jesuisunvieilhomme,lesoccasionsd’aventuressontrares.—Vousn’êtespassiâgéqueça,protesta-t-elle.—Jesais.Maisl’ontraiteavecbeaucoupplusd’égardslesvieuxbouffonsunpeugâteux.Ellesecoualatête.— Vous êtes incorrigible. Enfin, bref. Nous avons trouvé une pièce d’avion militaire. L’armée

pensequ’ilpourraits’agird’unavionaméricainquiseseraitécrasépendantlaguerre.— Fascinant.Mais… selon vous, que pouvait bien transporter cet avion ? questionna-t-il en se

penchantenavant.«Quepouvaitbien…?»—Jen’enaiaucuneidée,s’étrangla-t-elleenattrapantsonverredesoda.—Desmissiles,peut-être,vousnecroyezpas?Oudesfusils?Oud’autrestypesd’armes,peut-

être?Gageonsquecertainespersonnesaimeraientbiens’enemparer.Vousnecroyezpas?Ellen’avaitjamaispenséauxarmes.—Jen’enaiaucuneidée.Ilfallaitqu’elleserenseigneauprèsdeMatt.

—Entoutcas,l’arméem’ademandédenepasenparler.Ducoup,jenesaispasquoimettredanscerapport.Enfin,vousconnaisseztoutçamieuxquepersonne.Sil’onserendcomptequejepassesoussilencecertainesinformations,jepeuxdire«adieu»àd’autresmissions.—C’estjuste.Vousêtespriseentrelemarteauetl’enclume,sij’osedire.Àvousdevoiràquelle

pressionvousdevezcéder.Votretravailouvotrepatriotisme.Illuiadressaunregardcompatissant.—Monmariétaitmilitaire.Dansl’arméedel’air.IlestmorticienIrak.ElleprituneprofondeinspirationavantdecroiserleregarddeMalcolm.—Oh,trèschère,dit-ilenluitapotantlamain.—C’est grâce à l’argent que j’ai eu en compensation que j’ai pu étudier etmonterma propre

affaire.C’estcequim’apermisdevenirici.—Ilne fautpasquecelavousdéchire.C’était la façondugouvernementdepayercequ’ilvous

devait.Sadette.Etnonlavôtre.Vousneluidevezriendutout.—Vousêtesanglais,etjesuissûrequec’estdifférentchezvous.MaisauxÉtats-Unis,l’arméeest

toute-puissante.Onfaittoutcequel’onpeutpouraider,onsemetàgenouxdevantelle.L’imaged’elle,agenouilléeenfacedumiroirdevantMatt,lafitrougiretavalerbrusquementune

gorgéedesoda.Bonsang,lamoindreallusioncoquineétaitprétexteàpenseràlui.Ilfallaitvraimentqu’ellesesortecetypedelatête.— Je suis certain que vous saurez prendre la décision la plus juste. Et si cela peut vous aider,

sachezquejesuisprêtàvousembaucherencasdebesoin.—C’estvraimenttrèsgentil.(Ellechangeadesujet.)Quevousontapprisvoscoupsdefilàpropos

delaFondationMegellin?—L’étudequevousavezréaliséel’andernier,rappelez-moi,oùétait-ce?—AuKurdistan.—C’estça.PourleAmershamCollege,n’est-cepas?dit-ilenremuantdespapiersàl’intérieurde

sondossier.—Oui,c’estça.Elles’ensouvenaitparcequ’elleavaitvisitélavilled’Amershamlorsd’unséjourenAngleterre.—Iln’existepas.NiauRoyaume-Uni,nienAustralie,nienEurope,niauCanadaniauxÉtats-

Unis.Nidansaucunpaysanglophoneconnu.J’aivérifié.Vousnetrouvezpascelaétrange?Impossible.Ildevaitsetromper.— Bien sûr que si. Je… Il faudra que je vérifie mes archives quand je retournerai dans ma

chambre,pourvoirsijenefaispaserreur.Peut-êtrequemamémoiremejouedestours.Elleétaitpourtantsûred’elle.—Ce type d’erreur ne vous ressemble pas, très chère.Mais ne vousméprenez surtout pas. Le

Amersham College possède bien un site Internet, des plus charmants d’ailleurs, ainsi qu’unedéclaration d’intention des plus honorables.En revanche, aucune faculté, aucun campus, ni aucuneinformationconcernantlesfraisdescolaritén’yestmentionnée.Riendutout.—Celaressembleplusàunsubterfugequ’àuneerreur,n’est-cepas?Bon sang, cela signifiait-il que son contrat tombait à l’eau ? Pour qui travaillait-elle ?

Instinctivement,ellecherchaMattdesyeux,impatientedeluirévélercequ’ellevenaitd’apprendre.—Quoiqu’ilensoit, j’aidemandéàmoncontactdefouinerdans les financesduclient.Etcette

personneest trèsdouéeà cepetit jeu.D’après elle, lapistede l’argent est toujours cellequ’il fautsuivre.Laroutedebriquesjaunesconduittoujoursaumagicien,ajouta-t-il,enréférenceauMagiciend’Oz.

—Belleimage,réponditHarrietensouriant.Quandaurez-vousdesesnouvelles?Jecommenceàm’inquiéterdesavoirpourquinoustravaillonsvraimentetcequenoussommesvenusfaireici.LaseuleraisondeleurprésenceenIrakétaitpeut-êtrededécouvrirquelquechosequelafondation

voulaits’approprier.— Je devrais avoir des nouvelles sans tarder. Peut-être ce soir, heure locale. Je vous préviens

demainàlapremièreheure.Il s’attaqua à son assiette de riz au poisson, avec le plus grand plaisir, et ne releva la tête que

lorsqueleserveurapportaleursboissons.—Vousn’avezpasl’airtropinquiet,fitremarquerHarriet,dontl’appétits’étaitenvolé.—Rien nem’inquiète plus vraiment, très chère.Àmon âge, on prend plaisir à l’aventure et au

mystère. Après tout, j’ai passémes études dans la boue, à fouiller des sites sous la pluie des îlesbritanniques.Toutcelaesttrèsexotiquepourmoi.Ellehochalatêteetbutunegorgéedevin.Ellepensait jusque-làquecettedéfinitions’appliquait

aussi à elle,mais à présent, rien n’étaitmoins sûr.Après lamort deDanny, elle nemanquait pasd’audaceet,d’unecertainefaçon,sesouciaitpeudemettresavieendanger.Elleprenaitdesrisquesquelaplupartdesgenstrouvaientterrifiantsetn’hésitaitpasàgoûterlamoindreaventure.Maisellecommençait à avoir peur. Non pas pour sa vie, mais parce qu’elle risquait de voir s’effondrerl’équilibrequ’elleavaitréussiàmaintenir.Désormais,plusrienneseraitcommeavant.DavidChurchétaitenretard.Mattneputretenirunlargesourire.Lorsqu’ilsétaientdanslamême

unité,ilfallaittoujoursqu’ilcouvresoncoéquipier.Ilarrivaitenretardauxréunions,l’uniformemalboutonné,et lescheveuxenpétardà la limitede lacouperéglementaire.Matt lui fourrait lesnotesd’informationdanslesmainspourqu’ilfassesemblantd’avoirétélàdepuisledébut.D’unecertainefaçon,c’étaitrassurantdevoirquecertaineschosesnechangeaientpas.Ilpatientaaubarenprenantletempsdeboireunebière,etenregardantlesclientsalleretvenir,

accrocher des annonces sur le tableau qu’il avait remarqué auparavant ou monter en douce del’alcooldansleurchambre.IllançaunregardàsamontreetsedemandasiHarrietpassaitunebonnesoirée.Sûrementmeilleurequelasienne.Ilterminasabièreetcommandaunesoupeaubar.Pourpasserletemps,ilallajeteruncoupd’œil

aux annonces sur le tableau, comme la fois précédente. Il se sentait attirémalgré lui.Sansdoute àcausedel’espritdecommunautéqu’ilressentaitenvoyantquedestouristesrevenaientdanscepaysdévasté par la guerre et recherchaient des compagnons de voyage. Un peu comme si tout étaitredevenunormal.Unhommeentradans lehall silencieuxetvintdireunmot à lapersonnequi setenaitderrièrelepetitbureaudelaréception.Mattsereplongeadanslalecturedesannonces,et,alorsqu’ilseconcentraitsurl’uned’entreelles

concernantuntrajetenbusàBassora,l’hommeretraversalehallendirectiondeschambres.C’étaitMueen. Instinctivement et sans aucune raison précise, Matt se dissimula derrière le mur en sedemandant si le garde du corps effectuait chaque soir un dernier contrôle de sécurité auprès desemployésdel’hôtel.Aprèsavoirvérifiéqu’onne lui avaitpasapporté sa soupe, il sortitdans lehall. Il jetauncoup

d’œil dans le restaurant et vitHarriet, assise seule à une table. Comme il n’y avait presque aucunclient, il entra tranquillement. Surprise, elle marqua un temps d’arrêt lorsqu’elle l’aperçut, sanstoutefois retenir un sourire. Il sentit une douce sensation l’envahir. Comment résister à la chaleurfamilièred’untelsourire?Merde.D’oùsortait-ilcegenredeclichés?—Oùesttonrendez-vous?interrogea-t-ilenregardantlesverresvidesetlespapierssurlatable.

C’étaitpourleboulot?—Sionveut.Malcolmestretournédanssachambrerécupérerdespapiersqu’ilavaitoubliés.Ilne

vapastarder,j’ensuissûre.(Ellelançauncoupd’œilàsamontre.)Enmêmetemps,çafaitdéjàunpetitmomentqu’ilestparti.Ellesoupiraetilmontral’unedeschaisespourluidemandersilencieusementlapermissiondela

rejoindre.Ellel’invitaàs’asseoirenpoussantlachaiseduboutdupied.— Je t’en prie. Tu vas certainement être intéressé par les choses qu’il a découvertes sur la

fondation.Maisjepréfèrequecesoit luiquiteracontetoutça.Jeneveuxpasluigâchersoneffet.(Ellesourit.)Tufaisquelquechosecesoir?—J’attendsDavid.Ondevaitboireunverre,mais il est en retard. (Il semit à rire.)C’étaitdéjà

commeçaquandonbossaitensemble.Systématiquement.Quecesoitpourbouffer,pourlesréunionsou chaque fois qu’on devait partir quelque part. Comme s’il n’avait jamais appris à lire l’heure.Visiblement,iln’apaschangé.—Je le connais à peine. Il est venume rendrevisite après les funérailles avecd’autres gars de

l’équipe.(Ellefitunepause.)Toi,enrevanche,tun’esjamaisvenu.—Jesais.Jem’enexcuse.J’étaisunpeupauméàl’époque.Tusais,j’étaislà.Quandc’estarrivé.—Tun’aspasbesoinde t’excuser. Jemesouviensàpeinedeceuxqui sontvenusce jour-là.Et

puis, jenesavaispas tropquoi leurdire.Moiaussi, j’étaisperdue.Onétait tellement jeunes.Àcetâge, on ne devrait jamais avoir à traverser une telle épreuve. Pourtant, cette année-là, on a éténombreusesàvivrececauchemar.Ellesecoualatêteetsourit,lesyeuxétincelantsdevitalité,d’unamourabsoludelavie.—Jet’enprie,surtoutnetereprocherien.Riendutout.Sans voix, il se contenta de hocher la tête et de chercher des yeux le serveur. Lorsque celui-ci

s’approchadeleurtable,Mattcommandaunebière.Harrietvérifial’heuredenouveau.—Ça fait vingtminutes qu’il est parti, déclara-t-elle. Je vais finir par croire qu’il s’ennuyait et

qu’ils’estbarréendoucepournepaspayerl’addition.Mattavaitdumalàimaginerunetellechose.Ilallaitleluidirelorsqueleserveurarrivaavecsa

bièremais,alorsqu’illaluiremettait,quelqu’unsemitàcrierenarabe,etleserveurrepritlachopedelamaindeMattavantdedisparaîtredanslacuisine.MattregardaHarriet.—Neme dis pas que… je rêve ou c’est vraiment ce qui s’est passé ?Onme sert une bière, et

l’instantd’après,ellen’yestplus?Sa tentative d’humour tomba à plat. Harriet se leva brusquement et regarda en direction de la

cuisine,puisduhall.Ilseredressaàsontour.—Quesepasse-t-il?— Quelqu’un a appelé la police. L’établissement a le droit de servir de l’alcool, mais préfère

demeurerdiscretlorsquelesflicssepointent.Regarde.Ellemontralebar,qu’onétaitdéjàentraindefermer.Delourdsvoletsmétalliquesdescendirentdu

plafondautourducomptoir.Onpouvaittoujoursrester,maispasquestiondeconsommer.—Est-cequetupeuxt’occuperdesavoircequis’estpassé?Ilvautmieuxquejenem’attardepas

danslecoinaucasoùçatourneraitmal.Son boss lui en voudrait à mort s’il devait répondre aux questions de la police, surtout si on

l’interrogeaitsurcequ’ilfaisaitenIrak.

—Jevaisdemanderautypeàlaréception,dit-elle.Apparemment,elleavaitlamêmeintuitionquelui.Ils’étaitpasséquelquechosedegrave.Mattsepostaàl’entréedurestaurantpourobserverlascène.Illavitreculerd’unpasdubureaude

réceptionetsetournerverslui,lamainsurlecœuretlevisageemplid’angoisse.Ilavançadanssadirection,maisellecourutverslui,etl’entraînadanslerestaurantdésertéparlesclients.—Ilm’aditquelevieuxmonsieuranglaisavaitétéretrouvémortdanssachambre.—BonDieu!Jesuistellementdésolé.Çavaaller?Ilafaitunmalaise?Unecrisecardiaque?Ilposalamainsursonbras.Ilauraitvoulul’étreindre,maisellesemblaitcomplètementtétanisée,

légèrementvoûtéeetlesbrasserrésautourd’elle.— Pas une crise cardiaque, non. Le type m’a raconté qu’il y avait du sang partout. (Elle se

redressa.)Àmoinsqu’iln’aitétévictimed’unaccidentpourlemoinsinhabituel,leprofesseurvientd’êtreassassiné,Matt.

Chapitre15

Àcetinstant,quatrepolicierstraversèrentlehallencourant,armeaupoing.—Netemetspasentraversdeleurroute,ditMattenfaisantreculerHarriet.Vulafaçondontils

tiennentleursarmes,ilsmanquentsingulièrementd’entraînement.Ellefrissonnaenregardantlatableoù,quelquesminutesplustôt,elleétaitassiseencompagniede

Malcolm.— Ce sont ses notes de recherche sur la fondation pour laquelle nous travaillons…Malcolm

pensaitqu’onnousavaitenvoyésicipourtrouverquelquechosedebienpréciset,sachantcequenousavonsdécouvert…—Merde.(Mattpritl’ampleurdetoutelapaperasse.)Rangetouscespapiersdanstonsac.Tudiras

quec’estàtoi.Garde-lesprécieusementetn’enparleàpersonne.Ilavait raison. Ilsavaientbesoindecesdocuments.Peut-êtreMalcolmavait-ildécouvertquelque

chosesansvraimentensoupçonnerl’importance.Harrietprittouslespapiers,lesempilasurlatablepourlesrangerplusfacilementdansleclasseurdelafondation,puisremitletoutdanslecartableencuirdeMalcolm.Unsifflementlégersefitentendredelacuisine.IlslevèrentlesyeuxetaperçurentDavid.—Tudevraislerejoindre,sortird’icietnerevenirquelorsqueleschosesseserontcalmées,dit-

elle.Pas question que Matt soit retenu pendant des heures, sinon des jours, à cause de procédures

administratives.MattfitsigneàDaviddelesrejoindre.—Tumesauveslavie.Ilétaitmoinsune,commed’hab,maisjenet’enveuxpas.Quelqu’unaété

tuédansl’hôtel.Unmeurtre,probablement.UncollèguedeHarriet.—Je suis au courant.On a quelqu’unqui surveille les fréquences radiode la police, et onm’a

prévenuparcequej’avaisunclientsurplace.Heureusement,j’étaisdéjàenroute.Ilaffichaunlargesourireetfitclaquersonchewing-gum.—Jenesuispastonclient,grommelaMatt.—C’estmieuxque«protégé»,non?—Pasfaux.(MattsortitsonportabledelapochedesonjeanetletenditàHarriet.)Appelle-nous

dèsquelesforcesdel’ordreaurontquittéleslieux.Maisnetardepastrop.Jeneveuxpasquetusoisseuletroplongtemps.Resteenbas,envuedelapoliceetduréceptionnistejusqu’ànotreretour,OK?Ellepritletéléphone.—Biensûr,répondit-elle,àsagrandehonte,d’unetoutepetitevoix.Lesdeuxhommess’avancèrentenmêmetemps,puissedéfièrentduregard.—Filez,lesrassura-t-elle.Touslesdeux.Jesuiscapabledeprendresoindemoi.—Appuiesurlatouche«dièse».C’estunraccourciversmontéléphone,ajoutaDavidenmontrant

unappareilsimilaire.Onseralàenuneseconde.

—Allez!dit-elleenpassantlecartabledeMalcolmsursonépaule.Elle les regarda franchir les portes de la cuisine, et Matt lui lança un dernier regard avant de

disparaître.Elle jetauncoupd’œilaucartableetsongeaqu’ilvalaitmieuxglissersonpetitsacà l’intérieur,

afindenepaséveillerlessoupçons.Onneprenaitpasdeuxsacspourallerdîneraurestaurant.Elles’installasurleschaisespeuconfortablesduhalletattendit.Lecœurgros,ellepensaitàMalcolmetàtousceuxqu’il laissaitderrièrelui.Peut-êtrepourrait-elleréunirsonéquipe?Enmêmetemps,ellesavait qu’il avait un directeur adjoint pour le seconder. Il valait sans doute mieux attendre lelendemainmatinpourvoirsiellepouvaitapportersonaideconcernantlesdifférentesformalités.Ellefermalesyeux,ettentaderespirercalmementafinderemettredel’ordredanssonespritetses

émotions.Malcolmavait été tué.Parcequ’il avait fourré sonnezdans les affairesde laFondationMegellin.Ilétaitretournédanssachambreàl’improvistealorsqu’ilétaitcenséêtreentraindedîner.Avait-il interrompu un criminel occupé à fouiller sa chambre ?Harriet observa son cartable. Ellefrissonnadelatêteauxpiedsets’assuraaussitôtquepersonnen’avaitrienremarquédesontrouble.Danslehallsetrouvaientàprésentlesquelquesclientsquel’onavaitpriésdesortirdubar.Peut-

être devait-elle appeler Jason et Molly ? Elle contourna le canapé demi-circulaire et atteignit letéléphone interne. Elle appela Molly et, en essayant de ne rien laisser paraître, lui demanda deprévenirJasonpourqu’ilslarejoignentdanslehalld’entrée.Mollyfutlapremièreàapparaîtredansl’escalieretfitsigneàHarrietenl’apercevant.Elles’arrêta

netlorsqu’ellevitunagentdepolices’entreteniravecunemployédel’hôtel,avantdesedirigerverssapatronne,l’airinquiète.—Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu vas bien ? s’enquit-elle, les sourcils froncés. Tu as unemine

épouvantable.—MalcolmRapsonestmortdanssachambre.Ilestmontépourallerchercherundocument,etil

n’estjamaisrevenu.—Oh,monDieu,c’esthorrible!Çavaaller?—Oui,net’inquiètepas.Jesuistriste,maisçava.En réalité, elle était bien plus inquiète que triste. Elle comptait sur le temps pour inverser la

tendance.—Ilaeuunecrisecardiaque?IlétaitaccroàcestrucsanglaisquiressemblentauxM&M’s.Ilen

avalaitsansarrêtàlaconférenceàlaquellenousavonsassisté.Tut’ensouviens?IlappelaitçadesSmarties.Ildisaitqueçal’aidaitàréfléchir.Mollysouritàcesouvenir,etsecalacontreledossierduretirrégulierducanapé.—Jenesaispascequis’estpasséréellementmais,d’aprèsl’hommeàlaréception,ilyavaitdu

sangpartout.Mollydevinttoutepâleetentourasesgenouxdesesbraspournepasflancher.—Il aétéassassiné?Quivoudrait tuerunvieuxmonsieuraussi charmant? s’exclama-t-elleen

secouantlatête.Est-cequetoiaussi,tuasundrôledesentimentparrapportàtoutcequisepasseici?L’objetquetuasdécouvert,lafondationquinecessed’appeleroud’envoyerdese-mails…—Mesclientst’ontcontactée,toiaussi?s’exclamaHarriet,stupéfaite.—Ouais,etJasonaussi.J’aifaitcommesiderienn’était.Jetrouvaisqu’ilsabusaientcarrémentde

vouloirnoussoutirerdesinformationssanspasserpartoi.—TupensesqueJasonleurarépondu?demanda-t-elleenespérantdetoutsoncœurquenon.—Jen’ensaisrien,etj’ignored’ailleursoùilest.Iladûsortir,oualors,ilessaiedenouséviter

aprèscequis’estproduitcematin.

Ellesemitàtapotersesgenouxdesesmainscommesielleétaitimpatientedes’enaller.EllesetournaversHarriet.—Toutçanemeparaîtpasnormal.Qu’est-cequetuenpenses?—Lamêmechosequetoi.Est-cequetuveuxrentrercheztoi?C’esttoutàfaitpossible,tusais.Ça

nemeposeaucunproblème.ÇamerassureraitqueJasonettoiretourniezauxÉtats-Unis.Lasituationestdevenuetropdangereuse.Harrietseraitsoulagéedeneplusavoiràsesoucierdeleursécurité,mêmesiseretrouverseule

l’angoissaitunpeu.Aumoins,elleavaitMattetDavid.—Tun’asqu’àrentreravecnous,suggéraMolly,dontladécisionétaitdéjàprise.—C’estimpossible.Jenepeuxabandonnerunemission.Jerisqueraisdeneplusêtreembauchée.

S’ilsveulentunrapportinitial,jevaisleleurenvoyer.Cela dit, si Malcolm avait vu juste, Harriet et son équipe n’étudiaient pas le terrain pour des

étudiants,maiscertainementpourdespillards,ouautreschasseursdetrésors.Ellerefusaitdelaisserlepeupleirakiensefairevoler.Deplus,pourêtrehonnête,ellenefaisaitabsolumentpasconfianceàMatt pour gérer la situation correctement.Elle connaissait suffisamment lesmilitaires pour savoirqu’ilssecontentaientd’obéirauxordres.SiMattrecevaitceluideretrouverl’argentetdelerapporterauxÉtats-Unis,illeferait.Àmoinsqu’ellenesoitlàpourluimettrelapression.—Jereste.Mais,situveuxpartir,çanemedérangepasdutout.Ilyaencorebientropàfairepour

quejevoussuive.—J’yréfléchiraicesoir.Tupensesquenoussommesensécuritédansnoschambres?demanda

Mollyenfronçantlessourcils.—Situt’enfermesàdoubletour,çadevraitaller.HarrietsongeaàMattsejouantdelaserruredelaporteetajouta:—Jeteconseilled’utiliserleverroudesécuritéetdecalerunechaisesouslapoignéedelaporte.

Jenesaispassic’estefficace,maisdanslesfilms,çaal’airdefonctionner.(Ellehaussalesépaulesetsourit.)Jesuissûrequeçavaaller.—Tumontes?interrogeaMollyenselevant.—Non,jevaisattendrequeMattrevienne.Etpuis,jenesaispassionaditauxpoliciersquej’étais

entraindedîneravecMalcolmavantque…Jepréfèreleurparlericiplutôtquedansmachambre.D’unautrecôté, si lapersonnequi l’écoutait l’entendaitparler avec lapolice,peut-êtrequ’on la

laisseraitenfintranquille.Alors queMolly la saluait, des cris surgirent du couloir derrière l’escalier. Harriet sursauta et

serralecartabledeMalcolmcontreelle.Quatrepoliciersdéboulèrentenhurlantetenbousculanttoutlemonde.Leurjeunesseetleuraffolementétaientàlamesuredeleursvociférations.HarrietattrapaMollyetlaforçaàserasseoiràcôtéd’ellesurlecanapé.—Surtout,évitedelesregarder,ordonna-t-elle.Mollynesefitpasprier:elleposalesmainssursescuissesetbaissalesyeux.Danscepays,ilétait

parfoispréférabledese fondredans ledécor.Heureusement,quandonétaitune femme,onpassaitdavantageinaperçue.HarrietregrettaitqueMueennesoitpluslàetsedemandaitcommentelleallaitpouvoirlejoindre.Ilsauraitsûrementlesaideràyvoirclair.Desbottesapparurentbrusquementdanssonchampdevision.Lentement,ellelevalesyeuxet,en

voyantlepantalond’uniforme,ellesutimmédiatementqu’ellenepourraitéchapperauxquestionsdelapolice.Lorsqu’ellecroisaleregarddel’homme,elleaffichasonsourireleplusinnocent.Detoutefaçon,ellen’étaitpascoupable.Unpetithommeémergeadederrièrelecomptoirdelaréception.

—Désolé,madame.Ilm’ademandéavecquiétaitmonsieuravantde…Ils’interrompitaumilieudesaphrase.Lepolicier,qui tenait toujours sonarmeà lamain, avait l’air furieux.Littéralementhorsde lui.

D’ungestede son revolver, et sans reculer d’unpas, il fit signe àHarriet de se lever.Lorsqu’elleobtempéra,elleseretrouvanezànezaveclui.— Où allons-nous ? interrogea Matt dès que David démarra pour sortir du petit parking de

l’établissement.—OnvaseplanquerauMajestic.C’estunhôteldeluxeàunoudeuxkilomètresd’ici.J’yaiplacé

deshommesquipourrontnousaider.Harrietatontéléphoneetlevieuxmonsieuramalheureusementdéjàpassél’armeàgauche.Mieuxvautsefaireoublierenattendantlasuitedesévénements.(Iljetauncoupd’œil àMatt avantdeposerdenouveau son regard sur la route.)Lebar est correct, fautedemieux.Matthocha la tête. Ilavaitbienbesoind’unverre.Maissurtout, ilvoulaitcontinueràveiller sur

Harriet et mettre la main sur les notes de Rapson relatives à la Fondation Megellin. Il faudraitsûrementqu’ilenparleàDavid,maispourunefoisquecelui-ciavaitl’aird’assurerunminimum,ilnevoulaitpasluicauserdeproblèmes.—Bonsang, j’ai l’impressiond’êtredansunroman!s’exclamaMatt.L’archéologuecélèbreest

assassiné,etpersonnenesaitpourquoi.Ilsecoualatêteenregardantparlavitreledésertplongédansl’obscurité.—Saufquedansunroman,réponditDavid,touslespersonnagessefontassassinerchacunàleur

tour. Ne parle pas de malheur. On va aller s’en jeter un et attendre tranquillement la suite desévénements.—J’aipeurquel’onmettecemeurtresurledosd’unétranger.C’esttellementcommode.D’autant

quel’hôtelétaitpleind’Américains.—Nemedispasquetutesensresponsabled’eux!lançaDavidenriant.Hé,mec,n’oubliepasque

tu n’es pas là pour eux. Tu es là pour retrouver la dépouille de soldats disparus.Ne te laisse pasembarquerdansuneautrehistoire.PourHarriet,jecomprends.C’estdifférent.(Savoixn’étaitplusqu’unmurmure.)C’estàcausedeDanny.Maisnet’égarepas.Tonboulot,c’estderetrouverlescorpsdecestroishommesqui,siçasetrouve,nesontpluslàdepuisbellelurette.Ilavaitraison,merde.Ildevaitresterconcentrésursamissionetoublierlesproblèmesannexes.Il

avait été formé pour ça. Formé pour compartimenter. Mais tout s’était emmêlé dans sa tête. Leprofesseur assassiné, Harriet, Danny, l’équipage disparu, l’argent. Harriet, Harriet… Il se sentitsoudainpresséderepartir.David gara son véhicule, descendit et se retrouva devant un immense hôtel de style occidental,

commeonencroisepartoutdans lemonde.Aumoins, ilspourraientpasser inaperçus.Àson tour,Mattsortitlentement.Toutsonêtrelepoussaitàretourneràsonhôtel.—T’inquiète,monpote.Jesurveilletesarrières.EtceuxdeHarriet,biensûr.Jenelaisserairien

vousarriver.Maboîtead’oresetdéjàdéployéd’énormesmoyens.Situretourneslà-basmaintenant,tuvasêtremêléàuneenquêtedepolicequenousnepourronspasmaîtriser.Détends-toiuneheureoudeuxenattendantqu’onaitdesnouvelles.Il avait raison. Matt fit taire son instinct et suivit David jusqu’au bar. On se serait cru dans

n’importequelHiltondumonde.Bizarrement,cettesensationleréconforta.Après avoir commandé, ils s’installèrent à une petite table dans un coin.Matt ne put retenir un

sourire lorsqu’ils firent mine de s’asseoir tous les deux dos au mur et face à la porte d’entrée.

Finalement,illaissaàDavidl’avantageduterrain.—Parle-moideHarriet.Tusavaisqu’elleseraitlà?demandaDavid.—Turigoles!C’estcommesijem’étaisfaitdescendreparunCrazyIvan,répondit-ilenfaisant

référenceauxcibleshumainesenpapierquel’onutilisaitàl’entraînement.Lepire,c’estqu’ons’étaitrencontrésàunesoiréeilyaquelquesmois,etquejenesavaispasquec’étaitlafemmedeDanny.Davidécarquillalesyeux.—Bonsang,nemedispasquetute l’es tapéeparhasard.Àforcedejouer les tombeurs, jeme

doutaisbienqu’unbeaujour,çaallaitteretomberdessus.—Pastoutàfait,maispasloin,tusais.Matt ferma les paupières, essayant d’ignorer l’accélération des battements de son cœur. Il ne se

sentaitpluscoupabled’avoircouchéavecelle,maisden’éprouveraucundégoûtàlefaire.Ill’avaitcompris.Ilsesentaitcoupabledenepassesentirdavantagecoupable!Putain!Ilsrestèrentsilencieuxuninstant.Davidfittournersavodkadanssonverre.—Est-cequetuasvuquelqu’unpour…parlerdecequis’étaitpassécejour-là?Matthésitaunesecondeavantdeselivrer.—Non.J’yaipensé,maisjenesupportaispasl’idéed’enparler,tucomprends?Jevoulaisjuste

oublier.Pourtant,ilavaitéchoué.Cedramehantaitchacunedesesjournées.—Est-cequelesbruitstedérangenttoujoursautant?Matt le regarda en fronçant les sourcils.Comment était-il au…Bon sang ! il avait oublié qu’ils

avaientpassépasmaldetempsensembleaprèslamortdeDanny.C’étaitàcetteépoquequ’ils’étaitmisàcoucheràdroiteetàgauche.—Oui, je crois.Pas lesdétonationsni lesexplosions. Juste lesbruitsde fond, tuvoisceque je

veuxdire?Sauf que ce n’était plus aussi vrai aujourd’hui. Les foules le rendaient complètement fou,mais

depuissonretourenIrak,d’autresemmerdesluifaisaientperdresoncalmelégendaire.LecocktailIrak-Harrietlerendaitdingue.—J’aiconnuça,moiaussi,pendantuncertaintemps.Lemecqueje…quej’aivum’aexpliquéque

c’était à cause des séquelles de l’explosion. Tu devrais consulter quelqu’un, toi aussi. Ça fait troplongtempsqueçadure.Mattétaitarrivéàlamêmeconclusionpasplustardquelaveille.—Ouais.Jem’occuperaideçaaprèsmonretour.L’arméeétaitdevenuebeaucouppluscompréhensiveaveclesproblèmespsychologiques.Septans

auparavant,c’étaitdifférent.Ilvalaitmieuxéviterdedirequ’onvoyaitunpsy.C’étaitpirequedesetaperlafemmedesonpote.Ducoup,onsedébrouillaitsans.Mattavalaunegorgéedebière,préférantnepasserisqueràboireuntrucplusfort.—Turevoisd’autresgarsdel’unité?s’enquitDavid.—MonDieu…non.Pasvraiment.Tues lepremierque jecroiseencinqans.Tusaiscomment

c’estavecl’armée.Onnousdisperseunpeupartout.Ettoi?—Pasdepuisque jemesuisbarré.Laguerre,c’estunvrai traumatisme.Onn’estplus lemême

après.Tunetrouvespas?David leva la main pour commander un autre verre, sourcil haussé pour demander àMatt s’il

voulaitaussiunesecondetournée.Cederniersecoualatêteensedisantqu’ilconduiraitauretouretattenditqueleserveurs’enaille

pourreprendrelaparole.

—Commentça,«onn’estpluslemême»?—Tousmesamisontréagidifféremmentàlaguerre.Maisjepenseque«réagir»n’estpaslebon

terme.Laguerrerévèlenotrepersonnalitéprofonde.Bonsang.Laconversationavaitprisuntoursérieux.—Etpourtoi,qu’est-cequeçaarévélé?demandaMatt,redoutantunpeularéponseàvenir.Une lueur d’angoisse éclaira un instant le visage de David, vite effacée par un sourire, qui

n’atteignitpascependantsonregard.—Maclasseincroyable.Mattnelecrutpasuneseuleseconde,maisfutsoulagéqueDavidchoisissederesterléger.— C’est évident, bien sûr, repartit Matt. Moi, c’est un super pouvoir que j’ai découvert. Celui

d’enleverlessous-vêtementsd’unefemmemoinsdedixminutesaprèsl’avoirrencontrée.Ilsecalacontreledossierdesachaiseavecungrandsourire.Ils trinquèrent,mais avantmêmequ’ils aient pu toucher à leurs boissons, le téléphonedeDavid

sonna.Mattdutseretenirpournepass’enempareravantlui.Aprèsavoirrépondu,DavidsecoualatêtepourindiqueràMattquecen’étaitpasHarriet.Bordel!Mattregardasamontrepourlaénièmefoisdepuisqu’ilss’étaientéchappésdelacuisinedel’hôtel.

Moinsd’uneheures’étaitécoulée.Ilprituneprofondeinspirationetregardalesautresclientsdubar.Illesavaitdéjàpresquetousjaugésenentrant,commechaquefoisqu’ilpénétraitdansunlieupublic.C’étaitunehabitudequ’onluiavaitinculquéeàl’EOD,dèslepremierjourdeformation.Àl’époque,lesposeursdebombestraînaientencoredanslesparagesaprèsleurcrime.C’étaitbienavantlamodedesattentatssuicides.—D’aprèslestypesquibossentpourmoidanslequartierdel’hôtel,lecorpsaétéenlevé,maisla

police est toujours là, expliqua David après avoir raccroché. Comme les renforts n’ont pas étéappelés,celatendàprouverqueletueuraquittéleslieux.C’estbonsigne.Onpatienteencoreunpeu,etjerappelleraimonagentquisetrouveàl’intérieur.Çateva?—Detoutefaçon,jen’aipaslechoix.—Lescrimessontraresdanslecoin.Lesflicsvontseracontercettehistoirependantdesannées.

Ne t’inquiète pas. En plus, j’aimes entrées chez eux. C’estma compagnie qui les entraîne et leurfournitleursarmes.

Chapitre16

LecerveaudeHarrietétaitenpleineébullition.Surtout,protégerMolly,protégerlesdécouvertesdeMalcolm.Elleétaitnezànezaveclepolicierquirefusaitdereculerd’uniota.Lecœurbattantàcentàl’heureetpersuadéequ’ildevaitl’entendre,ellepoussadiscrètementlecartabledeMalcolmdanssondospourlefairepasseràMolly.Danssahâtedel’intimidergrossièrement,l’hommeavaitcollésonvisageausienet,àpartlegraindesapeau,ilnedevaitpasvoirgrand-chose.Ellepritsurellepournepaslerepousser.AumomentoùMollyrécupéraitlaserviette,lejeunehommepritHarrietparlebrasetl’entraîna

aumilieuduhall.Soncomportementbrutalprouvaitqu’iln’étaitpasducoin.Lesgensd’iciavaienttoujoursfaitpreuvederespectetd’amitiéàsonégard.Pourtant,sielleneressentaitaucunepeur,elleregrettaitl’absencedeMatt,sonsoutien,etlefaitqu’ellen’aitmêmepaseuletempsdeluidire«aurevoir».Avant que le policier l’oblige à le suivre, elle avait réussi à faire passer le téléphone satellite à

Mollyetàluisoufflerquelquesmots.—N’oubliepasdetejetersurlepiloteàbrasraccourcissitulecroises,tucomprends?—OK,avaitmurmuréMolly.Toujoursaccrochéàsonbras,l’officierinvectivaitsescollègues.Ilfaisaitdegrandsgestesenla

désignant et crachait desmots que son arabe un peu rouillé ne parvenait pas à saisir.Rien de trèsencourageant.Peut-êtrelatraiterait-ilmieuxsiellesemettaitàpleurer?Soudain,unenouvellevoixsefitentendrederrièreeux.Unevoixcalmeetposée.Ellenepouvaitse

retourner pour voir qui venait de parler, mais elle aurait juré que c’était Mueen. Elle l’entenditprononcer lenomducheikqui luiavaitdonné l’autorisationde travailleretqui lui fournissaitdesouvriers.Soudain,l’atmosphèresetransformaradicalement.Onlalibéra,etl’hommequil’avaitsaisiesortit

del’hôtelcommeunefurie.Harrietseretourna.C’étaitbienMueen.Elleauraitvoululeserrerdansses bras mais, malgré son air occidental, son geste risquait d’être très mal compris. Molly seprécipitaverselleetl’entouradesesbras.—Oh,monDieu!J’aicruquejen’allaisjamaisterevoir.—Etmoi,j’aieutrèspeurpourtoi.Harriet se renditcompteàcet instantqu’elledevait renvoyerMollyet Jasonchezeux.Cen’était

plusunequestiondechoix.—Rassemblezvosaffaires,vousnepouvezplusresterici.Paslapeinedediscuter.—Tunevienspasavecnous?demandaMolly,tandisquelespoliciersquittaientleslieuxdeuxpar

deux.—Non.Jeveuxfinirceboulot,envoyercefouturapport,etsijenepeuxpasaiderMattàretrouver

cetavionettoutcequ’ilpouvaitbientransporter,jeprendraileprochainvol.C’estpromis.Mollyhochalatête.

—Je déteste laisser un projet en plan,mais franchement, ça n’a rien à voir avec notre premierséjourenIrak.C’estcommesitoutavaitmaltourné.Jeneparlepasdelaville,deMueennid’Ain,nidesgens,maisdecechantier.Jeressensdemauvaisesondesdepuisledébut,tucomprends?Harrietneputretenirunsourire.—Tuessûrequecen’estpasJasonquit’envoiedemauvaisesondes?(Ellefitunepause.)Maisau

fait,onnesaittoujourspasoùilsecache?Tum’asbienditqu’iln’étaitpasdanssachambre?—Oui.J’aifrappéetjel’aiappelésurlefixe,maisrien.Peut-êtrequ’ilestsorti.C’étaitplusqu’improbable.L’hôtelétaitéloignéducentreetàsaconnaissance,Jasonn’avaitaucun

moyendetransport.Enmêmetemps,ilavaitpuprendreuntaxiousefairedéposerparunautreclientdel’hôtel.—OK, il vautmieux qu’on retourne dans nos chambres. On glissera unmot sous sa porte. Je

réserveraivosvolsdemainmatin.—Tiens,ditMollyenluirendantlecartableetletéléphone.C’étaitquoi,cettehistoiredemejeter

surMattàbrasraccourcis?—Comment?—Tum’asbiendemandédebattreMatt,non?—Mais non ! Je voulais que tu le joignes en te servant de la touche « raccourci ».MonDieu,

Molly,tuseraispathétiqueenespionne.—Çatombebien,jesuisarchéologue,répliqualajeunefilleavecungrandsourire.Bonnenuit!—N’oubliepasdefermertaporteàclé,rappelaHarriettandisqueMollyluiadressaitunsalut.EllerassemblasesaffairesetsetournaversMueen.—Merci,dit-ellesimplement.—Derien.SonAltessesouhaitevousépargnerlesennuis.Ellenecroitpasunesecondequevous

ayezputuervotrecollègue.—C’estvrai.Elle soupira en ressentant pour la première fois le choc de la disparition deMalcolm. Elle eut

soudain la poitrine lourde et dumal à respirer. Ses yeux s’embuèrent de larmes. C’était plus fortqu’elle.Elleselesessuyaetregardasesdoigtshumides.Ellen’avaitpaspleurédepuis…Mueen s’avançavers elle, avant de s’arrêter brusquement, comme s’il avait changéd’avis.Cette

soirée était un véritable naufrage.Malcolm étaitmort, et tout semblait étrange et inquiétant.Mollyavaitraison.CeséjourenIrakétaitvraimentplusqueparticulier.—Mercidufondducœur,Mueen.Vousnousavezsauvées.Lorsqu’ils’inclinasansunmot,ellesentitsesyeuxpicoterdenouveau.—Bonnenuit,dit-elle.—Bonnenuit,madame,répondit-il,commeunAméricainpuresouche.—Çasuffit,jen’enpeuxplus.Jeretournelà-bas.—Hmmm?réponditDavid,incapabled’articulerlemoindremot.—Jecroisquetuastadose,monvieux,Tuferaismieuxdeprendreunechambreici.Jemecharge

deramenertoninsupportablevéhiculeàl’hôtel.Mattétaitremontéàbloc.Cetteépaveàmoitiécomateusen’étaitpluscapabledeleprotéger.—T’inquiète,poulette.J’aid’jàunechambre.C’estlàquej’crèche,marmonnaDavid.La colère deMatt vira à la fureur. Il soupçonnait David de n’avoir jamais eu l’intention de le

reconduire.Putain!Dommage,mais tantpis. Il récupéra les clésde lavoiture et prit le téléphonesatellitedanslapochedelavestedeDavidenleredressantlégèrementcontrelemur.

Il refila quelques dinars au barman et lui demanda de veiller à ce que son ami regagne bien sachambre.L’hommeacquiesçaensoupirant.Apparemment,cen’étaitpaslapremièrefoisqueDavidéclusaitdanssonbar.Bonsang.Commes’iln’avaitpassuffisammentdesouciscommeça.Matt sortitde l’hôtel,montadans leSUVet régla le siègeà sa taille. Ilprit le tempsd’observer

l’intérieur du véhicule. Le pistolet fixé par unVelcro sous le tableau de bord était toujours là, encompagniedetoutuntasdegadgetsetd’appareilsqu’ilétaitbienincapabled’utiliser.Ildémarraets’engagea sur la route cahoteuse.Saufqu’il n’avait pas lamoindre idéed’où il se trouvait. Il étaittellementpréoccupéparHarrietlorsqu’ilsavaientquittél’hôtelqu’iln’avaitpasdutoutfaitattentionautrajet.Ilsegarasurlebas-côtéettrouvaleGPS.Uneséried’adressesétaientpréenregistrées:lesitede

Harriet,leurhôtel,celuideDavid,etlesbureauxdeMGLàBagdad.IlyavaitégalementuneadressedanslevillagedeMueen.CelledelamaisondeMueenetd’Ain,probablement.Étrange.L’itinérairedeleurhôtels’afficha,etilredémarra.Lorsqu’ilarriva,l’établissementétaitplongédansl’obscurité.Aucunelumièreauxfenêtresnidans

lehall,commesil’électricitédetoutlebâtimentavaitétécoupée.Cequin’étaitpaslecasdesbâtissesjusteenface.Cettepannemystérieusen’étaitpasdebonaugure.Il prit le pistolet deDavid en vérifiant s’il était chargé. Ilmanquait deux balles.Cela dit, quatre

seraientamplementsuffisantes.Ilverrouillalevéhiculemanuellementsansutiliserlacléélectroniquepouréviterque lavoiture semette à sonnerouque lesphares s’éclairentbrusquement. Ilglissa lepistoletdanssaceintureenledissimulantsouslespansdesachemise.Lehallétaitdésert.Toutcommelebar,lerestaurantetlaréception.Ilattenditensilenceaumilieu

duhall,àl’affûtdumoindrebruitoudumoindremouvement.Rien.Ilprit uncoussin sur le canapé leplus inconfortabledumonde, leplaçadevant le canonde son

revolverenguisede silencieuxetmonta lentement l’escalier en longeant lemurpournepas fairecraquerlesmarches.Merde.Ilauraitdûvérifiers’iln’yavaitpasdelunettesàvisionnocturnedanslavoituredeDavid.Iln’avaitplusdutoutl’habitudedecegenred’expéditions.Lorsqu’il arrivadans le couloir conduisant à la chambredeHarriet, il s’arrêtapour écouter.Le

silencerégnait.Lesangbattaitàsestempestandisqu’ilavançaitàtâtonsdanslecouloirplongédanslesténèbres.Duboutdesdoigts,iltouchalesnumérossurchacunedesportesetfinitpartrouvercelledeHarriet.Iltapotalégèrement.Envain.IlfallaitpasserauplanB:lacartedecrédit.La porte s’ouvrit brusquement.La lumière était allumée dans la pièce etHarriet se tenait face à

l’entrée,occupéeàs’essuyerlescheveux.Soncœurrecouvraunrythmenormaletlenœudqu’ilavaitàl’estomacs’envola.—Eh bien ! Si tu voulais une soirée pyjama, ce n’était pas la peine de forcerma porte ! lança

Harriet,leregardfixésurlecoussinquetenaitMatt.—Çasediscute.Qu’est-cequetudiraisd’unebatailled’oreillers?Ilsentitsesépaulessedétendreetlaissatomberlecoussin.Harrietécarquillalesyeuxlorsqu’elle

aperçutlerevolver.—Nemedispasquetun’asrientrouvéd’autrepourdissimulertonarme!—C’étaitaucasoùj’auraisbesoind’unsilencieux.Elles’arrêtanet.Ilrefermalaportederrièreluietlaverrouilla.—Pourquoinem’as-tupasappelé,bonsang?J’étaismortd’inquiétude.—J’aiessayé,répondit-elleenmontrantletéléphonesatellite.Maisjetombaisdirectementsurla

boîtevocaledeDavid.Il sortit l’appareilde sapoche.Éteint.Pourtant, lorsqu’il pressa la touche«1», le téléphone se

rallumaaussitôt.Apparemment,ils’étaitéteinttoutseul.Mattsecrispa.—Commentçasefaitquecesoitéclairé,ici?Harrietsedirigeadanslasalledebainsetenressortitavecunelanterne.—C’estunelampesolaireàbatterie.Lesarchéologuesdoiventpouvoirtravaillerdansn’importe

quellesconditions.Mollyenauneaussi.D’ailleurs,ilfautquejetedisequenoussommestoujourssansnouvellesdeJason.Iladisparuunpeuavantl’heuredurepas.—Quoi?—Ouais.Onnepeutpasfairegrand-chose.LesportablesdeMollyetdeJasonn’ontpasderéseau

ici.Ilestpossiblequ’ilsoitjustesortienville.Onensauradavantagedemainmatin.Enfin,j’espère.Detoutefaçon,vulescirconstances,jemevoyaismalappelerlesflics.J’aifailliêtrearrêtée.Unfrissond’angoisseluiparcourutl’échine.LesprisonsenIrakétaientconnuespourleurdureté.

L’idéedel’yvoirincarcéréeétaitinsupportable.—Qu’est-cequilesenaempêchés?—Mueenamentionné lecheik. Jenesaispas siça suffiraà les retenir très longtemps,maisau

moins,çamedonneunrépit.Elles’assitsurlelitetsebrossalescheveux,presquetranslucidesdanslalumièreartificielle.Matt s’installa au bureau et se frotta le visage de sesmains, avant de se rappeler l’existence du

micro.Ilavaitbesoindeparlerlibrement.Illuifitsignedesetaire,décrochalemicroetallaleposersurlereborddulavabodelasalledebains.Ilmitenrouteleventilateuretrefermalaporte.— Il faut que tupartes.Tun’esplus en sécurité.C’est le chaos total et je nepeuxpas te laisser

courirlemoindrerisque.À l’instant où il prononça cesmots, il comprit qu’il aurait dû prendre le temps de formuler sa

penséepournepasla…—Quoi?Tun’aspasledroitdemedictercequejedoisfaire!Quandvas-tutesortirdelatêteque

tun’espaslàpourmeprotéger?Jenet’airiendemandéetcen’estpastonrôle.Il soupira, se laissa glisser le long dumur face à la porte et s’assit sur le sol, pistolet sur les

genoux.Aprèsavoirenclenchélasécuritédesonarme,ilrestasilencieux.Ilavaitdécidédedemeurerjusqu’aulendemainpourveilleràcequeriendefâcheuxnesurvienne.Qu’elleleveuilleounon.—Tucomptesrestericitoutelanuit?s’enquitHarriet.Ilhochalatêteeninstallantlecoussinderrièresondos.Ils’étaitretrouvédanslamêmesituation

plusieursfoislorsqu’ilétaitencoreaucombat.Ilsappelaientça«veillersursesfesses».Monterlagarde,assis,pendantquelesautresdormaient.Iln’auraitjamaispenséavoiràlefaireunjourpourlafemmedeDanny.Pasplusqu’iln’auraitcrudevoiraffrontercequi luiétaitarrivédepuiscesdeuxderniersjours.— Écoute, je reconnais que la situation s’est dégradée rapidement, mais je dois terminer cette

mission si je veux avoir un salaire. L’archéologie est un monde très fermé, et, si l’on vient àapprendrequejen’aipasrédigédecompte-renduniterminéuneétudedeterrain,monnomvaêtreassociéauxmots«pillards»et«pasdutoutfiable»,etjeneretrouveraijamais,jedisbienjamais,deboulot.Jen’aipaslechoix.Ilfautquej’aillejusqu’aubout.—Combiendetempstefaut-ilpoursauvertaréputation?demanda-t-il.Ilavaitcédétrèsfacilement.—JerenvoieMollyetJasonchezeuxdèsdemain,sionréussitàmettrelamainsurJason,biensûr,

ajouta-t-elled’unairinquiet.

—Jevaisleretrouver,dit-ilenespérantnepastrops’avancer.Maispasavantdemain.Continue.—Ensuite,jepensequ’ilmefaudraunejournéedetravail.Jepourraiêtrechezmoidemainsoir,

oulelendemainmatin.Peut-être.Jenesupportepasl’idéederendreuntravailbâclé.Enmêmetemps,puisqueMalcolmnepeutplusenvoyerdecompte-rendu,jepeuxsansdouteutilisersesnotespourlefaireàsaplace.Çapermettraaumoinsàsonéquiped’êtrerémunérée.— Ses notes de recherche. Où sont-elles ? demandaMatt. Tu m’as bien dit que tu voulais me

révélerquelquechose,non?—MonDieu, oui.Désolée, répondit-elle en sautant du lit pour aller chercher le cartableuséde

Malcolmdansleplacard.Ilm’aexpliquéqu’ilavaitenquêtésurlaFondationMegellin,et…bonsang,jenemesouviensplusdecequ’ilm’aracontéavectoutcequi…—Tuparlesdumeurtre?intervintMatt,histoiredelarassurer.—Uneminute.Ellefermalespaupièresenhochantlatête,commesiellerejouait lascèneintérieurement,d’une

manièrequ’iltrouvaadorableNon,non.Surtout,resterconcentré.—OK,Malcolmm’aditquelesfouillesdeladernièreétudequej’avaisréaliséepourlafondation

n’avaientpasétéfaitesparlesétudiantsdudépartementd’archéologieduAmershamCollege,commecela était prévu au départ. D’après lui, cet établissement n’existe même pas. Ce qui signifieprobablementquel’étudequel’onm’ademandéderéaliseravaituneautrefinalité.—Etlaquelle,selontoi?interrogeaMatt.—Àpremièrevue,jediraisquec’étaitpourvérifierqu’iln’yaitpasdevestigesarchéologiquesen

vued’uneéventuelleconstruction.Elle s’interrompit, et il lui laissa le temps de réfléchir pour qu’elle en arrive à la conclusion à

laquelleilétaitlui-mêmeparvenu.Envain.—Ou alors, c’est peut-être parce que tes clients veulentmettre lamain sur des artefacts ou un

trésorsansquepersonnenelesache?suggéra-t-il.Harrietfermaderecheflesyeuxetsoupira.—C’est toutbonnement inimaginablepourmoi,mais jedois admettrequec’estunepossibilité.

(Elle fit une pause.) Malcolm pensait que si nous étions là tous les deux, c’était pour découvrirquelque chose de précis.Et jemedemande si ces gens ne rechercheraient pas lamême chose quenous. Très franchement, je n’ai aucune idée de qui ils sont. Je sais qu’ils paient bien, qu’ils sontconnusdans lemondeuniversitaire…et que cette fois, ils sont anormalement impatients d’obtenirnoscomptes-rendusd’étude.Onpeutimaginerpourquoi.— Ce qui veut dire que les membres de ta fondation connaissent l’existence de cet avion qui

transportaitl’argentirakien.Etqu’onvousaenvoyésicipourleretrouver.Vousavezdécouvertcettepièce d’avion, l’avez signalé, et ils se sont débrouillés pour le savoir. Je ne vois pas d’autreexplication.—Tupensesqu’ilssontderrièrelamortdeMalcolm?demanda-t-elled’unevoixcalme.Elleavaitl’airtellementvulnérable.Ilselevatrèslentement,commes’ilavaitaffaireàunanimal

effarouché,etvints’asseoirprèsd’ellesurlelit.—OnvaregarderlesnotesdeMalcolmensemble.Voircequel’onpeuttrouver.Peut-êtrequ’onse

trompe?Il sortit tout le contenu du cartable en vérifiant de ne rien oublier. Harriet était déjà occupée à

feuilleterlesdocumentspourlesclasserenpetitstaslorsqu’ilposalesacsurlesol.Ilreculapourlalaissertravailler.—Siseulementj’avaisjetéuncoupd’œilàlachambredeRapsonpourvoirs’iln’yavaitpasun

micro.Jemedemande…Harrietlevalesyeuxdesdocuments.—Tuvasallervérifier?Tunecroispasque lachambreest interdited’accès?C’estunescène

d’homicide,aprèstout.—Jedoutequelapolicelocalesoitpresséederésoudrelescrimes.Detoutefaçon,jenevoispas

d’autresolution.Fermelaporteàcléderrièremoietn’ouvreàpersonned’autrequemoi.Mêmesic’estquelqu’unquetuconnais.Surtout,n’ouvrepas.OK?—Pasdeproblème.Tuveuxunelampetorche?proposa-t-elle.—Cesarchéologues,alors,c’estencoremieuxquelesscouts!lançaMattenriantetenprenantla

lampe.Ilssonttoujoursprêts.—Plusquetoi,entoutcas.Ilhaussalesyeuxaucieletsortit.

Chapitre17

Harriet se leva d’un bond et verrouilla la porte.Malgré toutes ses protestations, elle aurait bienaiméqueMattreste.Ellenel’auraitpourtantreconnupourrienaumonde.Bonsang,ilétaitbientropautoritaire.Ellecoinçalachaisedebureausousleloquetdelaporte,toutensachantqu’ilenfaudraitdavantagepouréloignerlecroque-mitaine.Elleavaitpeur.C’étaitunesensationqu’ellen’avaitpasconnuedepuisdes lustres.Lemeurtrede

Malcolm,l’avion,l’argent,etlaprésencedeMatt–lemeilleuramideDanny–semaientletroubledanssonesprit.Plus rienn’étaitnormal.Un tsunamid’incertitudeetd’angoisseavaitbouleversé lecourspaisibleetsansheurtdesavie.Elledoutaitdepouvoirfairefaceànouveau.AprèslamortdeDanny, elle s’était volontairement repliée dans sa coquille afin de se construire une existence quin’appartiennequ’àelle.Enrefusanttouterelationintime,elleévitaitdeperturberl’équilibrequ’ellepensaitavoirgrandementméritéaprèslecauchemardeladisparitiondeDanny.Elles’allongeasurlelitenfroissanttouslespapiersdeMalcolm.Ellen’avaitmêmepasenviede

les lire, de découvrir ce qu’il avait trouvé. Par peur de s’effondrer si de nouveaux faits venaientencorecompliquerlasituation.Alors,ellerespirait.Lentementetcalmement,autantpourapaisersonangoissequepourmettreàdistancelechaosambiant.Ellesursautalorsqu’onfrappa.—C’estMatt.Ellecourutjusqu’àlaporteetlefitpénétrer,tentantdedissimulerletroublequil’agitait.Esquivant

sonregard,ellesetournaverslelitlorsqu’ilentra.—Ily avaitbienunmicro. Je l’ai laissé.Ç’aurait été stupidede toucher àun indice.Quelqu’un

pourraitvenirexaminerleslieux.Maistucomprendscequecelaveutdire,n’est-cepas?Ellehochalatête,refusantdeprononcerlesmotsàvoixhaute.C’étaitàcausedel’argent.—TuastrouvéquelquechosedanslespapiersdeRapson?demanda-t-ilens’installantsurlelit.—Pasencore.Tiens,prends-enquelques-unsetlis,dit-elleenluidonnantunepilequ’ellen’avait

pasencoreexaminée.Elleavaitenviedetendrelebrasetdeletoucher,justepoursentirsoncorps.Solideetbienréel.

Mais elle poursuivit sa lecture en espérant ne pas tomber sur quelque chose qui viendrait fairebasculerdavantagelefragileéquilibredesavie.Les données rassemblées parMalcolm étaient pour le moins énigmatiques. Il y avait des notes

prisesauhasardetdenombreuxpassagesentourésaucrayonsansautreexplicationquedespointsd’exclamationoud’interrogation.Surchaquedocumentémanantde la fondation,des lettresétaientsoulignéesdemanièreanarchique.Unesortedecode?Ellelesréunitenunseultas.Auboutdevingtminutes, elle avait séparé les notes de recherche et celles qui essayaient d’éclaircir cette foutuesituation.—OK,dit-elleenposantunepilesurlesol.Cepaquetnecontientquelesdocumentsadministratifs

ou les contrats d’embauche. Les papiers restants ont un lien avec l’étude du site et l’enquête que

menaitsecrètementRapsonsurMegellin.Mattpritunebrochurepublicitaire.—C’estpourMGLSecurity.Davidtravaillepourcetteboîte.Ilyaungrospointd’interrogation

inscritdessus.Peut-êtreRapsonvoulait-ill’engagerpourdesmesuresdesécuritésupplémentairessurlesite.Est-cequec’estunepratiquecourantelorsquevousêtesàl’étranger?—Jesupposequeoui.Jen’aijamaiseuàlefaire,maisavectoutcequisepasse,situn’étaispaslà,

jemeposeraiscertainementlaquestion.Jen’ensaistroprien.Elleauraitsûrementignoréleproblèmeetcontinuésamission.Mollyappelaitça«lesyndromede

l’autruche».Mattglissalabrochuredanssapocheets’attaquaàuneautrepile.—Ondiraitqu’ilessayaitdesavoirquidirigeaitMegellin.Quiasignévotrecontrat?demanda-t-

il.—M.Randolph.Ilnecessepasdenousharceler,Mollyetmoi,pourquenousluiremettionsun

rapportpréliminaire,quejesuisd’ailleurscenséeluifourniravantdemain.Ellejetauncoupd’œilàsamontre.Merde.Elleavaitcomplètementzappé.—OK,lemieuxestdedresseruneliste.D’abord,l’argentdisparudepuis2005,disons.Ensuite,les

débrisd’unavionmilitaireaméricainetdesliassesde100dollarssurlesite.Etenfin,unefondationdirigéeparuneentitéinconnue,quiveutàtoutprixsavoircequisetrouvedanscedésertet,cerisesurlegâteau,pourraitbienservirdecouvertureàdesfouillesillégales.— N’oublions pas non plus Malcolm et l’éventuelle disparition de Jason, ajouta Harriet. Sans

parlerdelazonedevidedétectéesurlesiteparlegéoradar.À peine avait-elle prononcé ces mots que la sonnerie métallique du téléphone de la chambre

retentit.Ellesejetadessus.—Molly,chuchota-t-ellepourinformerMatt.—Jasonaréapparu.IlétaitsortiavecKatherinedel’équipedeRapson.C’estvraimentunenfoiré.

Jel’aimisaucourantpourleprofesseuretçal’acarrémentfaitflipper.Bienplusquetouslesautres.Ilestentraindefairesesbagagesetilal’airravidepartirdèsdemain.Sa voix trahissait l’apparente désinvolture de ses paroles.Au fond, elle était contrariée qu’il ait

flirtéavecuneautre.—Jesuisvraimentdésolée,Molly.Maissiçapeutteconsoler,sachequetuméritesmieuxquelui.Ilyeutunsilence.—Jen’ai jamaisvude femmedans l’équipedeRapson. Il adu flair, l’animal,pourdénicher la

seuledel’équipe.—Çavaaller?s’enquitHarriet.—Biensûr.Onapprendtouslesjours.—C’est vrai, répondit-elle automatiquement, en se demandant ce qu’elle avait appris depuis la

mortdeDanny.Interdirel’accèsdesoncœuràsesamis,sescollèguesousesamants.Sedérober.C’estcequ’elle

avaitfaitseptannéesdurant:elles’étaitdérobée.Ellessesouhaitèrent«bonnenuit»,etHarrietraccrocha.—Jasonfaisaitlejolicœurenville.Ilestrevenuetilfaitsesvalises.Onpeutdonclerayerdela

liste,Dieumerci,dit-elle.Labatteriedelalampesolairechoisitcemomentpourrendrel’âme.Pendantuninstant,nil’unni

l’autrenefirentungeste.Harriets’agenouillasurlelitettiralerideaupourlaisserentrerl’éclatfaibledelalune.

Mattselevaetlereferma.—Autant éviter d’être des cibles faciles. Je préfère rester dans l’obscurité plutôt que de flipper

chaquefoisquejepassedevantlafenêtre.—Tupensesqu’onpourraitnoustirerdessus?Unfrissoncourutlelongdesondos.Elleattrapaunecouvertureetl’enroulaautourd’elle.—Jen’ensaisfichtrerien,maisceseraitdommagedetenterlediablelesoiroùMalcolmaététué,

tun’espasd’accord?—D’accord?Ben,pasvraiment.Pas…Savoixsebrisa.Maisqu’est-cequiluiprenait?Enunéclair,ilfutàsescôtés.Illapritdanssesbrasetluicaressaledos.—Çafaitbeaucoupàsupporter,jelesais.Jesuisdésoléquetonamisoitmort,etjesuisdésoléque

tudoivessubirtoutça.—Jenecomprendspascequim’arrive,dit-elle.Elleessayaitd’échapperàsonétreintetoutensouhaitantseperdredanssesbraspuissants.—Ilnet’arriveriendutout.Dequoiparles-tu?Ellerespiraprofondémentets’écartadeluipours’adosseràlatêtedelit,lesgenouxentresesbras.—La première fois que je suis venue en Irak, je redoutais un peu ce voyage, tu comprends. Je

craignaisdemeretrouverdanslepaysoùilétaitmort.Ellel’entenditbougersurlelit.Était-ilmalàl’aise?—Situneveuxpasquejecontinue,tusais,cen’estpasgrave.Jepeuxarrêter.Elle ne savait même pas pourquoi elle lui racontait tout ça. Sans doute à cause de ce nœud à

l’estomac,cet…enchevêtrementdequestionssansréponsesetd’émotionsrefoulées.Ellevoulaitenparlerdansl’obscurité,sansavoiràaffronterleregardscrutateurdesoninterlocuteur,commecelaétaitarrivésisouventdepuisladisparitiondeDanny.—Non,non,çam’intéresse.Savoixgraveemplissaitlapièced’unechaleurprotectrice.Bonsang,mafille!Reprends-toi.—Cepremierséjourfuttotalementmagique.C’étaitleprintempsdanstouslessensduterme.Tout

lemondeseréjouissaitquelaguerresoitfinieetqueSaddamsoitparti.Pourlapremièrefoisdepuisdesdizainesd’années, lesgenspouvaientprier librement.Nousavons rencontréMueenetAin,quisemblaientravisdevoirquel’onrevenaitvisiterleurpays.Ilfaisaitplusdequatre-vingtskilomètresparjourpournousprotéger.C’estpourçaquej’étaiscontentequ’onmeproposeunchantieràdeuxpasdechezeux,cettefois.(Ellefitunepauseetsoupiraavantdereprendre.)J’étaistellementexcitéede revenir ici, mais dès l’instant où nous sommes descendus de l’avion, j’ai senti que tout étaitdifférent.La joiedupeuple irakienavaitdisparuet avait laisséplaceà l’anxiété.Au seinmêmedemonéquipe,jedevinaisqu’iln’yavaitpluslamêmeharmonie.»Letoutpremierjour,jedécouvreceboutdemétal,etdepuis,j’ail’impressionquetoutvademal

en pis. D’abord – et surtout ne le prends pas mal –, c’est toi qui débarques avec ton lot deréjouissances, ensuite, on trouve ces billets de 100 dollars, et enfinMalcolm.Un vrai cataclysme.L’inverse totaldemavie,qui jusque-là, était limpideetbien réglée.Lespremiers soubresauts sontapparusavecJason,quis’estpermisdeséduireMollypours’empresserensuitedelalaissertomber.Surce,tuesarrivéavectoutesteshistoirespourlemoinssurprenantes,etlesreprochesquisesontensuivis.—Jesuisvraimentnavré.Tupeuxmecroire.—Ensuite,c’estMalcolmquiadesdoutessurmonboulot.Monboulot.Laseulechoseàlaquelle

j’aipum’accrocherpendanttoutescesannées…Jenesaisplusquoipenser.J’ail’impressiond’êtrevictimed’uncomplot.Elles’interrompit,sûred’avoirentenduunrireétouffé.—C’estça,ouais.Toutcequisepasseici,toutcequiamaltournédepuisquejesuisici,netourne

qu’autourdetoi.Toi,toi,etencoretoi.Lorsqu’ilentenditsonsoufflecourt,Mattsedemandas’ilnes’étaitpastrompéenvoulantdétendre

l’atmosphère.Aumomentoùilfitmined’ouvrirlabouchepours’expliquer,ilsentitunsouffled’airl’effleurer.

Par réflexe, ilporta lamainà sonarme,etunprojectilemoelleuxvint s’écraser sur sonvisage. Iltombaàlarenversesurlesol.—Celuiquiosesemoquerdemasouffrances’exposeàlacolèreduninjadel’oreiller,siffla-t-

elle.À la fois soulagé et un peu choqué, il préparait déjà sa revanche. Il feignit un gémissement de

souffrance.— Oh, mon Dieu. (Il l’entendit se précipiter au pied du lit.) Je suis désolée, tu t’es fait mal

quelque…Il se relevabrusquement, enlaça ses jambeset la fit basculer ànouveau sur le lit.Elle s’écroula

commeunepoupéedechiffonet,lorsqu’elletentadeseredresser,illuienvoyalecoussinqu’ilavaitprisdanslehalld’entréedel’hôtel.—Ouch!s’exclama-t-elle,estomaquée.Victoire!—Onfaitunetrêve?demanda-t-ilengardantsesdistances.—Jemesuiscoincélamaindanslatêtedelit.(Elleavaitlefourire.)Jejurequecen’estpasun

piège.Jesuisuneadversairerespectable.Contrairementàtoi.Regarde,vérifiepartoi-même.Toujoursàdistanceprudente,iltenditlamainpourtouchersonépaule.Ilsentitquelquechosede

moelleuxtandisqu’unevaguedechaleurmontaitenlui.—Bas lespattes,chevalierduciel.Cen’estpasmonseinquiestcoincé,maismamain,dit-elle

sanspouvoirseretenirderire.—Pardon.Ilavaitpenséfaireremontersamainjusqu’àsonépaule,puisjusqu’àsonbraspourtrouverlamain

prisonnière,mais apparemment son corps en avait décidé autrement. Il s’attardaun instant sur sonsein,quisegonflaitlégèrementsouslapressiondesamain.Merde.Ilétiralamainpourqueseulesapaume reste en contact et traça des cercles autour dumamelon qui, déjà dressé, lui chatouillait lapeau.Sesbonnesrésolutionsl’abandonnèrent lorsqueHarrietsemitàgémir.Ilneluienfallaitpasdavantage.Samainlibretrouvaleventreplatdelajeunefemmeetilfitcourirsesdoigtssursapeau,qu’un

frissonparcouraitdéjà.—Tuasmalàlamain?—Non,murmura-t-elle.Un«non»quisonnaitcommeuneinvite.Lorsqu’ilposaseslèvressursonventre,illesentitondulersoussesbaisers.Agenouillésurlelit,

ilfitalleretvenirsesmainsdesatailleàsesjambes,enprofitantdecescaressespoursedébarrasserdesonshort.Ellehaleta.Ilsouritdansl’obscurité.—Tuesàmamerci,dit-il.

Enuneseconde,elleglissasesjambesautourdesatailleetlefitbasculersurlecôté.Avantqu’ilnepuisseréagir,ellelefaisaitroulersurledosets’asseyaitàcalifourchonsurlui.—Pardon?Tudisais?reprit-elle.Dans lapénombre, elleenleva sondébardeur,mais il avaitdumalàdistinguer ses traits.C’était

insupportable.Entrelanuditéetlamort,iln’hésitapaslongtemps.Ill’attrapaparlataille,et,toutenserasseyant,lafitbasculerpourqu’elles’allonge,têteverslebasdulit.Ilenprofitapourouvrirunpandurideauquivoilaitlapetitefenêtre.Et,dansunhalobleuté,ilputcontemplersoncorps.—Jesupposequetun’étaispasaussicoincéequeça,hein?—Non,pasvraiment.Lorsqu’elleluisourit,ilsutqu’ilétaitperdu.Fébrile,ilsedébarrassadesachemiseenlapassant

par-dessussatêteet,lorsqu’ils’apprêtaàdéfairesonjean,Harrietledevança.Ses doigts fins et délicats vinrent jouer avec la fermeture Éclair de son pantalon, taquiner son

membretenduà travers l’étoffedujeanenl’effleurantduboutdesongles.Unevéritable torture. Ilvoulaitsentirsapeau.Commesielleavaitludanssespensées,elleappuyasapaumecontrelui.Ilneputretenirungémissementetsepressacontreelle.Alors,elleouvritsabraguette,etilputenfinsentirlachaleurdesesdoigtssursachairet,lesyeuxfermés,savourerpleinementleplaisirintensedececontact.C’enétaittrop.Brûlantdedésir,ilseleva,retirasonjeanetd’ungesteprécis,attrapaunpréservatif

danssonportefeuille.Alors, il s’allongeasurelleetplaquachaqueparcelledesoncorpscontre lesien.L’harmonieétaittotale.Absolue.—Baise-moi,dit-elled’unevoixenrouée.Baise-moifort.Non.Pascettefois.Maiscen’étaitpaslemomentdediscuter.Ilajustalepréservatifsansattendre,

de peur de n’en être très vite plus capable. Il voulait faire l’amour avec elle, et plus rien nel’arrêterait.Ilavaitcomprisquel’audaceetlalibertédontellefaisaitpreuven’étaientqu’unearmure,unemanièred’éviterdes’attacher.Denepasselaisseratteindre.Maiss’ildevaitaffrontersespropresémotions,ilfaudraitbienqu’elleaffrontelessiennes,bonsang.Ils’agenouillaentresesjambesetl’attiracontrelui.Alors,effleurantsonclitorisavecunedouceur

extrêmejusqu’àcequesonsouffles’accélère,ilpénétraenelle,prêtàexploserlorsquelesmusclesétroitsdesacompagneenserrèrentsonmembre.Illafitalleretvenirdoucementcontrelui.Ellepritsonvisageentresesmainsetapprochasabouchedelasienne,commesielleattendaitlapermissiondepoursuivre.Lentement,ill’embrassaetfitglissersalangueentreseslèvres,goûtantaupassageleparfumdudentifricequ’elleavaitdûutiliseravantsonarrivée.LalanguebrûlantedeHarrietdessinaitdesmotifssinueuxetlangoureuxdanssabouche,caressantsalangueaumêmerythmequesonsexeàl’intérieurd’elle.Lapassionmontaiteneuxàl’unisson.Sonpouce,s’abreuvantlangoureusementauxnectarsdesonintimité,traçaitdescerclesautourdesonclitoris.Leursdeuxcorpsfusionnaientdanslemêmetempo.Lamêmetemporalité.Lamêmeséquencededétonation.Bienau-delàd’unesimplehistoiredecul.Elleécartasabouchedelasienneetl’attiracontreelle,lesonglesenfoncésdanssesomoplates.Sa

respirations’accéléraendouxsoupirsquil’emportèrentauborddel’abîme.Sonsexesecontractaautourdusien,l’attirantplusencoreenelle.Alors,ilaccentualapressionde

sa main sur son intimité et elle chavira, la tête rejetée en arrière, haletant son nom. La passions’empara de son bas-ventre qui se contracta, et il s’embrasa tout entier, saisi par la fulgurance del’orgasme.Ellecontinuaitd’alleretvenircontrelui,s’enivrantjusqu’auboutdesajouissance.Illaserracontrelui,écrasantsesseinscontresontorse,lesjambestoujoursarriméesàsataille.En

unéclair, il revit lerestaurantàWashington.L’airdecolèreetdedéfide la jeunefemmefaceàsa

réaction pitoyable la première fois qu’ils avaient fait l’amour.Chacune de leurs conversations.Ladéterminationdesonregardlorsqu’elleavaitexpliquéquel’argentappartenaitaupeupleirakien.Pasmoyenqu’illalaissepartir.Jamaisdelavie.Elleestàmoi.ÀDanny.Merde.

Chapitre18

—Partons de l’idée que la FondationMegellin connaissait l’existence de ce crash. Et qu’aprèsavoireffectuéunedizainedefouilleslelongdelatrajectoiredevol,cesgensontfinipardécouvrirdespreuvesquilesontconduitsàl’endroitprécisoùsetrouvemonsite.—Correct.C’estnotremeilleurehypothèse,réponditMatt.L’électricitéétaitrevenueaumilieudelanuitetilsavaientétéréveillésparleslumièresetlaradio,

quis’étaientalluméesenmêmetemps.Aprèsavoirtentéderetrouverlesommeil,ilsavaientdécidéde finir d’étudier les documents deMalcolm.Unvrai casse-tête.Dansunepoche intérieurede soncartable,ilsavaientdénichéunecléUSBcontenantlescomptes-rendusdesdouzedernierschantiersmissionnésparMegellin. Il n’y avait aucuncommentairemais, lorsqueMatt les avait localisés surune carte, il était apparu que dix des sites en question dessinaient une ligne droite entre la baseaérienne de Koweït City et l’Irak. La zone où travaillait l’équipe de Harriet était leur onzièmetentative.Etvisiblement,ilsavaienttrouvécequ’ilscherchaient.Malgré la gravité de la situation, Harriet avait du mal à rester concentrée sur les papiers. Les

sourcils légèrement froncés, Matt était assis sur le lit et tentait de remettre de l’ordre dans lesdocuments.Toutsonêtrelapoussaitverslui.Ellevoulaitletoucher,caressersestatouages.Était-ce…plusqu’uneattirancephysique?Celafaisaitsilongtempsqu’ellen’avaitpasressenti…Commençait-elleàs’attacher?Ellebaissalesyeuxetsemorditlalèvre.Ellenepouvaitselaisseralleràéprouverquoiquecesoit

pourlui.Celan’étaitpasdutoutprévuauprogramme.Bonsang.—Cesse de temordre la lèvre.Tout ça, c’estmon problème, lançaMatt avec un large sourire.

Vienslà.—Non,répliqua-t-elleenluidécochantunregarddurcenséledécourager.Envain.Sonsourires’élargitencore.—Vienslà,insista-t-il.Commeellenebougeaittoujourspas,ils’avançabrusquementsurlelitetl’entraînaverslui,avant

de l’installer sans cérémonie sur ses cuisses. Elle s’accrocha à son cou pour ne pas basculer. Cen’étaitpasjuste.Commentrésisteràsaforceetàsapuissance?Ellenepouvaitpaslutter.Il déposa sur ses lèvresunbaiser tendre, presque chaste.Cet infimecontact suffit à éveiller une

sensationinconnueaucreuxdesonventre.Ill’enlaçaetenfouitsonnezdanslescheveuxdeHarriettoutencontinuantàlirelesdocuments.C’étaittellement…intime.Elleauraitvouluresterlà,sursesgenoux,pourl’éternité.Ellel’imaginaauprèsd’elledanssamaison,sonjardin,tousdeuxentourésdepetitschiensjoueurs.Elle se levad’unbond,prétextantavoirbesoindepapiersoubliés sur lebureau.Lesdeuxmains

poséessurlasurfaceirrégulièredumeuble,ellerespiraprofondément.Cen’étaitpaspossible.Toutsimplement.Elleallait se retourneret luidirequ’ellenepouvaitpas…quecette intimité…lorsqueson Blackberry sonna. Elle l’attrapa et regarda qui l’appelait. Comme ils étaient en Irak, seul un

numéro de téléphone apparut. Celui de la fondation. Elle allait devoir parler de Malcolm à soninterlocuteur.Elledécrocha.—HarrietMarkowitzàl’appareil,dit-elle.—Vousn’avezpasenvoyévotrerapporthiersoir.Jemevoisdansl’obligationderésiliernotre

contrat. Inutile de vous préciser que les vols ont été annulés et remboursés. Les choses sont-ellesclaires,mademoiselleMarkowitz?Lavoixàl’autreboutdufilétaitglaciale.Souslechoc,lajeunearchéologuesentitunesueurfroideremonterdubasdesondosausommet

desoncrâne.Elleselaissatombersurlelit.—M.Randolph,leprofesseurMalcolmRapsonaétéassassinéhiersoir.Toutl’hôtelétaitinvesti

parlapolice.Jenepouvais…—Toutcelaestbien tristeeneffet.Maiscelane justifieen rien l’incompétence lamentabledont

vousavez faitpreuveenne fournissantpasce rapportdans les temps.Vousne travaillezpluspournous.Jevoussouhaiteunetrèsbonnejournée.Ilavaitdéjàraccroché.—Merde!s’exclama-t-elleenregardantMatt.Jeviensdemefairevirer.Apparemment,lamortde

Malcolmnesuffitpasàjustifiermonretard.Onaannulétousnosvols.Ilvafalloirquej’enréserved’autres.Jenesaismêmepass’ilfautquej’enprenneunpourJason.Ilfaudraitd’abordquejepuissemettrelamainsurlui.—Désolépourtoi,maisaumoins,çanousfaitunechosedemoinsàpenser.Elleluilançaunregardinterrogateur.—Tamissiond’étude.Tun’esplusobligéedelafinir.Toutcequim’importeàprésent,c’estquetu

quittes le pays et que tu rentres aux États-Unis. Tu nous laisses, David et moi, gérer la situationjusqu’àl’arrivéedemonunitéetdesofficielsdelasécurité,annonçaMattenrepliantlacarte.—Pasquestion.Sijetelaissefaire,l’argentn’irajamaislàoùildevaitaller.Jeveuxquelesgens

decepaysaientunmeilleuravenir.Cetargentpeutserviràconstruiredesécoles,despuits,etdeslogementsdécents.JeneveuxpasqueDannysoitmortpourrien.Jen’aimepascequejevaisdire,maisjenefaispasconfianceaugouvernement,dontlesmotivationssontavanttoutpolitiques,etpasdutouthumaines.Jesuisdésolée,maisc’estplusfortquemoi.Pourquoi s’obstinait-elle ainsi ? Elle ne comprenait pas pourquoi elle tenait tellement à le faire

sortirdesesgonds.Ildémarraauquartdetour.—Jecroisquetunecomprendspasbiencequisepasse.Tuestellementbutéequetunesembles

pasavoirconsciencedudanger.Simonéquipeetmoinousnemettonspasuntermeàcettehistoire,turisquesd’êtretraquéetoutetavie.Est-cequetucomprends?Tesprochesserontendanger.Inutiledetedirequecen’estpasdegaietédecœurquej’insistepourquetu t’enaillesalorsquejevoudraist’avoiràl’œilvingt-quatreheuressurvingt-quatrepourêtresûrqu’ilnet’arriverien.Maisenrestant,tunemefacilitespasleboulot.C’estmêmeplutôtl’inverse.Ilfaisaitlescentpasdanslapetitechambre,commes’iln’yavaitpasassezd’espacepourdonner

librecoursàsafrustration.—Tonboulot?s’exclama-t-elle,malheureusementconscientequelevolumedesavoixneserait

pascouvertparlebruitdel’eau.Tonboulot,c’estdet’occuperdeGrant,deMikeetdeDoug,non?—Quiça?demanda-t-ileninterrompantnetsesalléesetvenues.—Qu’est-cequejedisais?Jeparledeshommesquetuescenséretrouver.Tulesasdéjàoubliés?Mattselaissatombersurlachaiseetsepritlatêteentrelesmains.—Merde.

—Peuimporte.Elle se retenait de ne pas le toucher, effrayée de se retrouver trop près de lui. De ce que cela

voudraitdire.— Je ferai tout ce qui est enmon pouvoir pour t’aider à les retrouver,mais pour l’argent, ne

comptepassurmoi.Illevalatête.—Lefaitquetusois…taprésencemeretournelecerveau.Jen’arrivepasàfaireabstractionde

Dannyquandtueslà,etj’aidumalàresterconcentré.Lanécessitédeteprotégerme…—C’estcequejedisais.C’esttonproblème.Ilfautquetutiresçaauclair.Jenevaispasrentrer

chezmoiparcequetun’arrivespasàfaireletridanstatête.Onatouslesdeux…destrucsàrégler,c’est évident,mais ça ne doit pas nous empêcher de faire ce qu’on a à faire, déclara-t-elle d’unemanière qu’elle trouvaplutôt sensée.Écoute, je dois descendre à la réception pourm’occuper desbillets d’avion de Jason etMolly. Pourquoi tu n’en profiterais pas pour réfléchir à un plan qui nem’obligepasàquitterlepays?Etonenreparleautourd’unpetitdéjeuner.Ilacquiesçasilencieusement.Ilavaitleregardvide,etellesedemandauninstantsiellen’yétaitpas

alléeunpeufort.—Çavaaller?Ilhocha la têtedenouveau.Ellesoupira,unpeuexaspérée,et l’abandonna, le laissants’apitoyer

sur…cequipouvaitlepréoccuper.Lanuitprécédenteavaittoutsimplementétéhallucinante,maisilfallaitqu’elleenfasseabstraction.Enlaissantsespenséesousesémotionsaffleurer,ellecraignaitdeneplusjamaispouvoirlesrefouler.C’étaitsasantémentalequ’ilmettaitendanger.Etlasérénitédeson cœur. Ce cœur qu’elle avait pris soin de verrouiller depuis la mort de Danny. Pas questiond’éprouver le moindre sentiment pour qui que ce soit. Ce n’était ni le lieu ni le moment. Elledescendit l’escalier d’un pas lourd en essayant de se rappeler la nature des billets qu’elle avaitréservéspoursonéquipe.Danslehall,c’étaitlechaoscomplet.Dansunbrouhahainsupportable,desgensavecleursaffaires

s’efforçaientd’attirerl’attentionduréceptionnisteoufaisaientlaqueuedevantletéléphone,pendantque d’autres renversaient des bagages pour passer.Elle se rendit compte de ce remue-ménage dèsqu’elleposalepiedsurl’avant-dernièremarchedel’escalier.Àcemoment-là,unhommeavecuneénormevaliselabousculapourtenterderejoindrelehall.—Désolé,madame,dit-ilavecunaccentécossais.—Quesepasse-t-il?s’enquit-elleens’accrochantàlarampe.—Lapoliceprocèdeàdesinterrogatoiresàlagare.C’estlacatastrophe.Apparemment,certainsde

ceuxquiysontdéjàallésnesonttoujourspasrevenus.Toutlemondeessaiedequitterlepays.Moiycompris.Excusez-moi.Ilseretournaetsefonditdanslafoule.Elle remonta de quelques marches et balaya la foule du regard, espérant apercevoir Molly ou

Jason. Ne les voyant pas, elle se fraya un passage entre les différents groupes pour rejoindre lerestaurant.Ilétaitvide,endehorsdequelquesserveursquipatientaientautourdubuffetenéchangeantdesproposd’unairanxieux.Aprèsavoirréussiàtraverserlehallensensinverse,elles’élançadansl’escalierafinderegagner

sa chambre en comptant réquisitionner Matt. Elle se précipita sur la porte, mais des bagagesbloquaientl’entrée,etelleréussitàpeineàl’entrouvriretàsefaufileràl’intérieur.JasonétaitassissursavalisedeluxeSamsonitetandisqueMollyétaitinstalléejambescroiséessurlelit.Matt,deboutprèsdelafenêtre,observaitlascèneàdistance.

—C’estl’anarchietotaleenbas.Apparemment,lapoliceestsurlepointd’arriver,ettoutlemondeveutsebarrer,expliquaHarrietenessayantdepasseraumilieudesbagageséparpilléssurlesol.Ehbien,dites-moi,j’avaisoubliéquevousaviezautantdevalises.—Pastantqueça,maisdansuneseulechambre,c’estplusimpressionnant,réponditMollysansse

démonter.Etducoup,commenttuvasnousfairesortird’ici?Bonnequestioneneffet.—JepensequelameilleuresolutionestdedemanderàMueendevousconduireàl’aéroportetde

voirs’ilpeut tirerquelquesficellespourqu’onvousmettedans lepremieravion. Inutiled’espéreravoiruneligneextérieureàpartirdel’hôteloud’allerrendrelachambreàlaréception.Filezsansriendire,etj’avertirail’établissementdevotredépartunpeuplustard.—Danscecas,jevaisdescendreattendreMueenpourleprévenirduchangementdeprogramme,

déclaraMatt,apparemmentpressédequitterlapièce,quiréveillaitsaclaustrophobie.— Demande-lui de bien vouloir nous retrouver à l’arrière de l’hôtel. Je n’ai pas envie de

retraverserlafouleavectouscesbagages,ditHarriet.—Deplus,jecroisquecen’estpasunebonneidéequel’onvousvoie,surtoutsilapoliceestsur

lepointd’arriver.Jasonpritlaparolepourlapremièrefois.—Écoutez,jenesuispassûrdevouloirpartir.J’aienviederesteretdedonneruncoupdemain,

vouscomprenez?Unsilences’installadanslachambre.Mollybaissalesyeux,voulantcertainementéviterdecroiser

lemoindreregard.—Jesuisdésolée,Jason.J’apprécietonattention,maistuessouscontratavecmacompagnie,et

j’aibesoinque tuprennescetavion.Lemontantde l’assurancepourcouvrirvotrevoyage iciétaitastronomique.S’il vous arrivait quoique ce soit alorsque j’aurais pu l’éviter…ehbien, je seraisobligéedelepayertoutemavie.—Jepeuxtesignerunedécharge,répliqua-t-ild’unevoixfroideetrésolue.Çaneluiressemblaitpasdutout.Mollylevalatêtebrusquement.—Katherine a sansdoutebesoind’être assistéemaintenantque leprofesseurn’est plus là, c’est

ça?—Jenefaispasçapourdesraisonspersonnelles,secontenta-t-ilderépondre.— Je ne peux pas t’obliger à prendre cet avion, Jason,mais il faudra effectivement que tume

signesunedécharge,toutensachantquejen’aipasbesoindetesservices.Tuseraspayéjusqu’àlafindelasemaine,dateàlaquellenousétionscensésrentrer.VenantdeJason,c’étaittrèsétrange.Maisaprèstout,elleneconnaissaitpasgrand-chosedelui.—Jetelaissel’écrire,etensuite,jesignerai,dit-ilenjouantavecsontéléphoneportable.—Est-cequetuastoujoursbesoindetachambre?—Non,çadevraitaller.Jepensem’installerauMajestic.Lecentre-villeestbeaucoupplusvivant.—OK?interrogeaHarrietenregardantMatt,quihaussalesépaules.Jasonselevad’unbond,remitsonsacenplaceettiralapoignéerétractabledesavalise.—C’étaitgénialdebosserpourtoi.—Uneseconde,lançaHarriet.Elle prit son dossier de travail et en sortit une liasse d’imprimés d’accords de confidentialité

qu’elle avait toujours sur elle au cas où elle aurait besoin d’embaucher des personnessupplémentaires.Ellebarraquelquesarticlesetajoutauneoudeuxphrases.

—Voilà,tun’asplusqu’àsignersurlespointillés.Jasonlutledocumentrapidementetsigna.—Sérieusement,j’aibeaucoupappris.Merci.—Mercipourtonaide.Peut-êtrequ’onserecroiseraauxÉtats-Unis,réponditHarrietalorsqu’il

ouvraitlaporte.—Biensûr,repartit-ild’untonpeuconvaincu,avantdedisparaître.Une fois Jasonparti, le niveaud’œstrogènes dépassa le seuil de tolérancedeMatt.Harriet avait

passéunbrasautourdeMollypourlaréconforter.—Net’inquiètepas.JedemanderaiàDaviddegarderunœilsurlui.IlestauMajestic,luiaussi.Je

vaisallertrouverMueenetluidiredevousattendredevantlaportedederrière.Harriet le regardad’un air peiné,mais il n’avait pas le tempsde chercher à comprendre ce qui

occupaitlesdeuxfemmes.—Cequimefaitpenserqu’ilfaudraquejevérifiecommentilva.Iln’étaitpastrèsenformequand

jel’aiquittéhiersoir.(IlpritletéléphonesatellitedeDavid,sonportefeuille,etlesclésduSUV.)JevaisemmenerJason là-bas.Surtout,nequittepas l’hôtel, tum’entends?TuenvoiesMolly lorsqueMueenestprêt,maisnesorspastantquejenesuispasrevenu,OK?—Biensûr.Elleparaissaitpréoccupée,etilauraitaimélaprendredanssesbrasetfairedisparaîtrel’angoisse

quicreusaitsonfront.Maisils’abstint.Ildescenditdanslehall.Laplupartdesgensrejoignaientl’alléedevantl’hôtelenquêted’untaxi.Il

trouvaMueenentraindepatienterunpeuplusbasdansl’allée,del’autrecôtédelaroutequimenaitàl’établissement.—Est-ce que tu peux conduireMolly à l’aéroport ? demanda-t-il.Harriet lui a dit de t’attendre

devantlaportedederrièrepouréviterlafoule.D’ungestedelamain,ilmontralesdizainesdepersonnesquisebousculaientetpoussaientleurs

bagagesàtraverslesminusculesportesdel’hôtel.Mueensecontentad’unhochementdetête,remontadanssoncamionetdémarra.Aprèsavoirfait

marche arrière, il prit une petite route de service qui menait à l’arrière du bâtiment. Matt devaitmaintenants’occuperdeJason.Oùétait-ilpassé,bonsang?Ilretournadanslehallnonsansjouerdescoudesetlecherchadesyeux.Aucunsignedelui.Iln’étaitpasnonplusàl’extérieur.Tantpis,qu’ilsedébrouille.Matt ramena le SUV auMajestic et fit appeler la chambre de David de la réception. Aucune

réponse. Il regarda samontre, qui indiquait 9 heures passées.Son amidevait déjà être sorti.MGLSecuritynemanquait sûrementpasdevéhiculesblindésnoirset tape-à-l’œil.Ladernière foisqu’ils’étaitretrouvédanslazoneverteàBagdad,ilyenavaitpleinlesrues.Il décidade traîner dans le hall d’entrée jusqu’à tomber sur quelqu’un ressemblant à un typede

chezMGLSecurity,oujusqu’àcequeJasonfinisseparsepointer.Aumoins,Harrietseraitrassurée.Ilpassalatêtedanslerestaurantetjetauncoupd’œilàl’intérieur.Davidétaitlà,assisàunetable,

entraind’ingurgiterunpetitdéjeunerspécialgueuledebois.Saufqu’iln’avaitpasl’aird’êtresimalenpointqueça.Mattallas’asseoirenfacedeluietprituntoastdanssonassietteavantqu’iln’aitletempsderéagir.—Quoideneuf,monvieux?s’enquitDavid,enpoussantsonassiettedetoastsversMatt.—Et toi ?Tuaspu retrouver ta chambrehier soir ?demanda-t-il assezgentiment, compte tenu

qu’ilauraitbienaimél’envoyerbaladeraprèssoncomportementdelaveille.

—Yep,jeretrouvetoujourslechemin,réponditNitroenaffichantungrandsourire.Ettoi, tuesbienrentré?— Yep, je retrouve toujours le chemin, le singea Matt, surtout quand je conduis une cible

ambulante.—Oh,ouais,jemesuisdemandéoùétaientpassésmontéléphoneetmesclés,remarquaDaviden

avalantunegorgéedecafé.—Letéléphoneétaitéteint,rétorquaMatt,luttantpourgardersoncalme.—Oh,net’énervepas.Jevoulaispasserunpeudetempsàpicoleravecmonpote.Soudain,Mattseméfia.IlnecroyaitplusqueDavidcouvraitsesarrières,etnepouvaitplusdouter

que son ami était impliqué d’une façon ou d’une autre dans toute cette histoire. Une sensation detrahisonvintlefrapperàl’estomac.Ilsétaientfrères…plusprochesquedesfrèresdesang,etl’idéequeDavidsoitmêléàcedontilessayaitdeprotégerlafemmedeDannyétait…incompréhensible,enmême tempsque tout l’inverse. Ilpouvaiteneffetadmettre l’alcoolismedeDavidet sonbesoindemenerl’existencedontilavaitrêvé,àsesoûleràvolontéetàfairejoujouavectouteslesarmesqu’ilvoulait.Certainsanciensmilitairesadoraientlaviequ’offraientlessociétésdesécuritéprivéesparcequ’on pouvait continuer à être soldat sans la contrainte des règles de l’armée et en touchant dessalairesastronomiques.Maisilnes’attendaitpasàçadelapartdeDavid.Sansdoutes’était-iltrompésursoncompte.Difficilederésisteràlatentation.Mattluttaitpourquesonvisagenetrahissepassespensées,pournepasdévoilersonjeu.«Soyezprochesdevosamis,etplusencoredevosennemis.»—Jegardetavoiture,monvieux.Considèrequetul’asperdueent’effondrantlepremierhiersoir.Il essaya de sourire,mais dut dissimuler cette tentative pour lemoinsmaladroite en buvant une

gorgéedecafédelatassedeDavid.—T’inquiète.Onadéjàprévudem’enfourniruneautrecematin.Mattétaitpartagéentresondésird’allerretrouverHarrietetceluidedécouvrirlesmotivationsde

David. Il leva lamainpour appelerun serveur et commandadesœufs, des toasts et un café, en sefaisantunpointd’honneurdelesfaireinscriresurlanotedeDavid.—Çam’est égal, dit celui-ci en s’esclaffant. Je suis pété de thunes.C’est quoi, ton programme

aujourd’hui?—Riendespécial.Jedoisjustemettredesarchéologuessurlepremiervolenpartance,répondit-il

enobservantlaréactiondeDavid.Cederniereutl’airsoulagé.—Trèsbien, commenta-t-il enpoussantunprofond soupir et enposant sa fourchette.Très, très

bien.Çam’inquiétaitde la savoir là.C’estparfait.Tout segoupille…(Il s’interrompitet secoua latête.)Enfin,c’estplussûrpourelle,non?Çanousenlèveunpoids.Mattsecontentadehocherlatêteet,envoyantDavidrougirlégèrement,ilserenditcompteàquel

pointsoncompagnonétaitpâle.Une femme s’approcha de leur table. Elle avait une trentaine d’années, de longs cheveux noirs

tressés,etunesilhouettetrèsathlétique.ElleseglissasurlabanquetteàcôtédeDavid,quicontinuaàmanger.—Matt,Maggie.Maggs,Matt.Matts’essuya lesmainssursaservietteet tendit lebraspour lui serrer lamain.Sapoignéeétait

fermeetsapaume,sèche.—TubossesaussipourMGL?demanda-t-il.—Yep,répondit-elleenattirantl’attentiond’unserveur.Etjesupposequetuessonpotedel’EOD,

c’estça?

Ellelejaugeatoutenparlant,avecunfortaccentlondonien.—Britannique?questionna-t-il.Elleeutunlargesourire.—Çadépenddesjours,dit-elleavecunaccentdusuddesÉtats-Unisplusqueconvaincant.Davidsemitàrire.—Exdurenseignementmilitairebritannique,dit-il.RecruedechoixpourMGL,tupeuxmecroire.Maggieignoralecompliment.—Lesservicessecrets?Pourquoias-tudécidédepartir?Jecroyaisqu’onpouvaityfairetoutesa

carrière.—Jeteretournelaquestion,répliqua-t-elle.D’aprèsDavid,tufaisaispartied’unetrouped’élite,tu

étaisunexpertdanstondomaine.Etpourfairequoi,maintenant?Déterrerdescadavres?Unéclairde fureur le traversa.Elle tentaitdedétourner laconversation,mais ilnemorditpasà

l’hameçon.—Ettuespasséeauprivéparceque…unemissionafoiré?lâcha-t-il.Ouparcequevousaveztué

quelqu’unparerreur?Elleperditsonairmoqueurd’unseulcoup.—Oh,j’aitouchéjuste!C’étaitundevoscollègues?Faisgaffeàtesfesses,David,insistaMatt,

incapablederésister.Lui aussi pouvait jouer à ce petit jeu. Dans quelle branche du renseignement avait-elle bossé ?

Pouvait-ellereprésenterundanger?—Nelacherchepas,Matt.Ellen’estpasaussisympaquandelleaunedentcontretoi.—T’inquiète,jeluirenvoiejusteleveninqu’ellevientdemebalanceràlagueule,histoiredevoir

cequ’elleadansleventre.(IladressaàMaggieungrandsourire.)Sansrancune,Maggs?Ilavaitreprissciemmentlediminutifqu’avaitutiliséDavid.Putain.Ilfallaitqu’ilsebarredelà.Ce

n’étaitpaslemomentdesefairedesennemis.Ilavaitbesoindetoutel’aidepossible.Ellehaussalesyeuxauciel.—OK, jedois filer. (Il s’essuya laboucheavec la servietteet se leva.)Vousavezprévuun truc

sympapourlajournée?Davidlançaunbrefcoupd’œilàMaggie,maiselleneserenditcomptederien,contrairementà

Matt.Commes’ilessayaitdelemettreengarde.—Onvajustepatrouillerunpeu,riendetrèsexcitant.Onsevoitplustard?—Biensûr.Mercipourlepetitdéjeuner.Maggie,ravid’avoirfaittaconnaissance.Iltenditunemainconciliante,qu’ellefitmined’accepter,avantdechangerd’avisetdeprendresa

tassedecafé,leregardvide.Okaaaay.

Chapitre19

Mueenrevintàl’hôtelavantMatt.PréférantnepasrisquerdevoirlapoliceembarquerHarriet,ilproposaàlajeunefemmedel’emmenersansplusattendresurlesite.Siquelquechosedevaitarriver,ilspourraienttoujoursseréfugierchezlecheik.HarrietdissimulalecartabledeMalcolmsoussonlit, laissa unmot àMatt pour lui dire de la retrouver sur le chantier de fouilles, etmonta dans lecamion.—VousêtessûredenepasvouloirrentreravecMolly?interrogeaMueen.Jecrainsquetoutçane

tournemal.—Tunevas pas t’ymettre, toi aussi ! soupira-t-elle. Je veux terminer cettemission, rédiger le

compte-rendu,et…Veillersurtoutàcequelesmillionsdedollarsarriventdanslesmainsdesbonnespersonnes.Ellese

fichaitd’avoirétévirée,maistenaitàrédigercerapportaucasoùunfuturclientleluidemanderait.Puis, d’un seul coup, elle réagit. Elle se souvenait des suppositions de Malcolm.De sa premièrehypothèse,surtout.D’aprèslui,l’objetdetouteslesconvoitisesn’étaitpeut-êtrepasl’argent,maisunearme,ouunmissile,voireunebombeatomique.Unfrissonluiparcourutlecorps.Commentavait-ellepuoublierd’enparleràMatt?Elleregrettasoudaindenepasl’avoirattenduàl’hôtel.—Cequevousmecacheznevautsûrementpaslapeinederisquervotrevie,vouspouvezmefaire

confiance,ditMueenaveccetaccentsiparticulier,auquelelleavaitfinipars’habituer.Ellerestasilencieuse.Elleignoraitquoiluiraconter.Elleavaitpeur.Enfin,c’estcequ’ellesedisait.

AprèslamortdeDanny,ellen’étaitplussûredesavoircequ’étaitcettesensation.Pourtant,cenœudàl’estomacquiluicoupaitl’appétitetluicourbaitledos–àmoinsqu’ellenesouffredeconstipation–,yressemblaitàs’yméprendre.Lesseulsmomentsoùelleoubliaitcettesensation,c’étaitdanslesbrasdeMatt.—CommentseporteAin?s’enquit-elle.LevisagedeMueens’éclaira.—Ellepréparesonnidpourl’arrivéedubébé,ondirait.Ellenettoielamaisondefondencomble

etdéplacetouslesmeubles.C’estunmystèrepourmoi.Maiselleal’airheureuse.—Jecroisquec’estnormalquandonvaavoirunenfant,répondit-elle.C’esthormonal.Enfin,c’estcequequ’elleavaitentendudire.Personnedanssonentouragen’avaiteudebébé.Elle

serenditcomptequesonexistencen’étaitpastrèsnormale.Sameilleureamie,Sadie,bossaitpourlegouvernementetn’enparlaitjamais.EtilyavaitMolly.Maisdepuisdesannées,ellen’avaitjamaisétéprochedequiquecesoit.Pasdemariages,pasdefêtesprénatales.Savieétait-ellebienréelle?Àpart leboulotet…quoid’autre?Lesrencontresd’unsoirqui,pardéfinition,nesignifiaientrien?Ellesecoualatête.Ellerepenseraitàtoutçalorsqu’elleseraitrentréechezelle.Seule.Ils arrivèrent sur le site, et tandisqu’ils s’approchaientde lacaravane, elle regarda lesdunes.Y

avait-il vraiment trois soldats sous ce sable ? Une vague de chagrin s’abattit sur elle lorsqu’ellesongeaàleursfamilles,ouàleursfemmesetleursenfants,peut-être.Ellefrissonnamalgrél’airsec

etbrûlant.—MademoiselleHarriet?Avez-vousdonnélapermissiondecreuseràquelqu’un?Elles’étaitretournéepourcherchersonsacsurlabanquettearrière.—Non.Moi-même,jen’aimêmepasl’autorisationdecreuser.Pourquoi?Elleseredressaetvitauloindeuxsilhouettestoutesdenoirvêtues.Impossibleàcettedistancede

distinguer lemoindretraitouleur taille.Difficiled’évaluercorrectement lesproportionsquandonestdansledésert.—Peut-êtrequecesgensnefontquepasser?dit-elle.Seulslesdrapeauxmarquentlesite.Comme

on ne fait pas vraiment de fouilles, on n’a pas jugé nécessaire de poser un panneau « Défensed’entrer.»Mueenallaprendresapositionhabituellesurletoitdelacaravane.—Jevaislessurveillerdeprès.—Merci.Harrietouvritsonportableetchargea leprogrammede traitementdesdonnéesgéoradarqu’elle

avait utilisé la veille.Avec tout ce qui s’était passé, elle avait l’impression qu’une semaine entières’étaitécoulée.Maisnon,c’étaitbienlaveillequeMollyetJasonavaientdécouvertlazonedevide.Elle relia les différents points de façon plus précise sur l’ordinateur, puis rechercha les cartes

qu’elle avait marquées rapidement la veille. En général, elles étaient rangées dans l’étui del’ordinateur,maisellesavaientdisparu.Hein?Cen’était pas possible.Elles étaient contre l’ordinateur.Elle se laissa tomber sur la glacière en

essayantdetrouveruneexplication.Leseulmomentoùellesauraientpudisparaîtreétaitlorsqu’elledînaitavecMalcolm.Priseuninstantdepanique,elleimaginacequiluiseraitarrivésielleavaitdûretournerdanssa

chambrechercherquelquechosequ’elleavaitoubliépendantquelevoleurs’emparaitdescartes.Elleauraitpuêtretuée,elleaussi.EllesongeaàMolly.Dieumerci,elleétaitloind’ici.HarrietlevalatêteetobservaMueen,quiregardaitàtraversunesortedelongue-vue.—Tuvoisquelquechose?—Ilsnesontpasirakiens,répondit-ilsimplement.—Commentlesais-tu?Elleseredressaetregardaauloin.—Àpartdanslesfilmsaméricains,personnenes’habillecommeçadansledésert.DansLaMomie

ouSahara,peut-être.Mais,pasici.Harriet retint un éclat de rire. Que des Occidentaux s’habillent comme dans les productions

hollywoodiennesétaithilarant.Mais,alorsquesesdents s’entrechoquaient sous l’effetdu rire,elleredoutadebasculerdansl’hystérie.—Rentrezdanslacaravaneetnebougezpastantquejenevienspasvouschercher.IlétaitaussiautoritairequeMatt.Pourtant,elleobtempérasansmotdire.Elle passa plusieurs minutes à se ronger les ongles, accroupie sous une fenêtre. Un flot

d’adrénalineétrange lasubmergea,différentdeceluiqui l’avaitassaillie lorsqu’elleavaitdescendudenuitl’Amazoneencanoëouétaitpasséed’uncolàunautredanslesAlpes,suspendueàunecorde.Àcettepousséed’adrénalines’ajoutaitunesensationnouvelle,unesortedefourmillementaucreux

de l’estomac…Elle secoua la tête.C’étaitune impression inconnue,peut-être,maisqui luidonnaitenviedes’enfuir.Pourtant,ellen’avaitjamaistournébridedevantl’adversiténiledanger.Ellejetauncoupd’œilàlagrandeglacièrebleuequiservaitderéserved’eaufraîcheoudefauteuil

improvisé. Elle pourrait sûrement réussir à s’y dissimuler en cas de nécessité. Elle risquait d’être

déforméeàvie,maisc’étaitsansdoutepossible.Mueenentrabrusquementdanslacaravane.—JevousconduischezSonAltesse.C’est leseulendroitoùjepourraivousprotéger.Lesdeux

intrussontarmésetilsontunecarteàlamain.Ilsrecherchentquelquechoseetsontprêtsàouvrirlefeupourl’obtenir.Un froid glacial l’envahit. Jusque-là, elle avait toujours fait confiance àMueen, mais c’était la

première fois qu’il lui proposait de l’emmener chez le cheik. Ou n’importe où d’ailleurs, sanspersonned’autre.Elleluttapournepaslaissertransparaîtrelesdoutesquil’agitaient.— Non… non. Il vaut mieux attendre ici que Matt nous rejoigne. Au moins, il saura où nous

sommes.—Nousdevonspartir toutdesuite. J’insiste.Si jeneme trompepas, l’unedecespersonnesest

Matt.Il prononça sonnomd’un tondur, qu’elle n’avait jamais entendudans la bouchede cet homme

d’ordinairesibon.Elleétaitterrifiée.Soudain,ilaboyaunephraseenarabedansuneradioqu’ellen’avaitencorejamaisvue.Elleétait

tétanisée par le tour que prenaient les événements et se dit qu’elle serait peut-être davantage ensécuritéaveccesdeuxhommesauloin.Elleserralespoingsenévaluantle tempsqu’il luifaudraitpoursortirdelacaravane.Àl’extérieur,lebruitd’unmoteurdiesellafitseleverd’unbond.—Ilestlà.C’estbon.Avant queMueen ne puisse réagir, elle ouvrit brusquement la porte.Ce fut comme si elle avait

déclenchéuneexplosion.DepuissantesdétonationssurgirentduSUVquivenaitdesegarer.Était-ceDavid?Elleserecroquevilla,têtebaissée,tandisquelaporteserefermaitderrièreelle.Merde.—BonDieu,retournedanslacaravane!hurlaMattduvéhicule.Ellesecoualatête.Pasmoyenqu’elleseretrouveseuleàl’intérieur.Mattouvritbrusquement laportièreetsautaausol,en l’attrapantaupassagepar lavestepour la

pousseràl’abriderrièrelavoiture.—Elleestblindée.Elleeutl’impressionquesacolonnevertébraleseliquéfiaitlorsquelestirscommencèrentàfuser

autour d’eux. C’était comme dans un film. Qui pouvaient être ces hommes ? Avaient-ils unquelconque lien avec Mueen ? Le bruit était trop assourdissant pour qu’elle puisse tenter derassemblerlespiècesdupuzzle.Ensuite,ellesentitcommeunebrûlureluitraverserlapeau,commesiellevenaitdetoucherunferàrepasserchaufféaurouge.NomdeDieu!Pourquoin’était-ellepasrestéesansbougercommeilleluiavaitdemandé?Ilne

savait pas exactement ce que les deux hommes visaient avant qu’ils ne vident littéralement leurschargeurssurl’undesflancsdelavoiture.Desamateurs.Mattseservitdelaportièrecommebouclier.Lesdeuxindividusétaienttroploinet,vulaportéede

leurstirs,ilsétaientmieuxéquipésquelui.Celadit,ilstenaientleursarmesàhauteurdetaille.Seulslesvoyoustiraientdecettefaçon,àl’aveugle.Matt s’attaqua d’abord à l’homme à gauche, sans faire mouche. Il prit le temps de viser

soigneusement,lesbattementsdesoncœurralentissantaumêmerythmequesarespiration.Lorsqu’iltiraunesecondesalve,sacibletombaàgenouxetfitprofilbas.Visiblement,c’étaitmoinsamusantdevidersonchargeurquandonsefaisaittirerdessus.

—Ilyadesgensavectoi?cria-t-ilàHarriet.Pasderéponse.Il se baissa et regarda autourde lui.Elle avait la tête tournéevers la caravane. Il devait y avoir

quelqu’unàl’intérieur.—Valeschercheretfais-lesmonterdanslavoiture.Cesenfoiréstirentàrasdeterre,faisattention.

Jen’aipasenviequ’uneballepassesouslevéhiculeett’atteigne,OK?Ellehochalatête.—Àtrois,jetecouvre.OK?Merde,qu’est-cequiluiarrivait?Onauraitditqu’elleavaitvuunfantôme.Ellehocha la têteunenouvelle fois,étrangementpassive,commeabsente.Pourvuqu’ellenesoit

pasenétatdechoc.—Allez,Harry.J’aibesoindetoi.—Àtrois,répondit-elled’unevoixfluette,recouvrantenfinlaparole.Là,illaretrouvait.—Un,deux…trois.Ilseredressad’uncoupetsemitàtirersurlesdeuxassaillantspourlesempêcherd’avancer.En

mêmetemps,s’ilspouvaientserapprocher,ilauraitpeut-êtreunechancedelestoucher.QueDavidetl’armedemerdequ’illuiavaitpasséeaillentaudiable!Ilentenditclaquerlaportedelacaravane,et,uninstantplustard,ilaperçutHarrietensortir,suivie

deMueen.—Montezdanslavoiture!hurla-t-il.Mueen ouvrit la portière arrière et poussa littéralement Harriet sur la banquette. Matt bondit

derrière le volant et fit vrombir le moteur. Il enfonça l’accélérateur et les roues s’emballèrent,projetantdesgerbesdesablesurlacaravane.—Parlà,ditMueen,entendantlamainentrelesdeuxsiègesavant.Cen’étaitpasuncheminqueMattconnaissait,maisilfaisaitconfianceaugardepourlesdiriger

sansencombredansledésert.Tandisqu’ilsfilaientàlaperpendiculairedestireurs,Matttiradeuxdernierscoups,pourleplaisir.

Plaisirredoublélorsquel’hommededroiteseretourna,brastendus,sousl’impactdelaballe.Bingo!Mattetsespassagersfurentrapidementhorsdeportée.Soncerveauétaitenébullitionmaintenant

qu’ilsétaienthorsdedanger.Quiétaientcestypes?Etquileuravaitdonnél’ordrededélogerMueenetHarriet ?Ou avaient-ils commencé à tirer seulement lorsqu’il était arrivé ? Il ne s’en souvenaitplus.Voilàquimettraitaumoinsuntermeauxsubterfuges,auxmicrosetauxfouilles.Leshostilitésétaientouvertes.Cequine ledérangeaitpasvraiment. Ilétait toujoursplusefficace lorsqu’ilsavaitcontrequiilsebattait.—OK, je vous ramène à l’hôtel. Il faut qu’ondécouvre qui sont ces hommes et comment nous

pouvonssécuriserlesite.— J’ai peur que ça ne soit pas possible, répondit Mueen, d’une voix douce, inversement

proportionnelleàladuretédupistoletqu’ilpointaitsurlanuquedeMatt.—Qu’est-ceque…,balbutiaMatt.Harriet?Harriet,tuvasbien?Il essaya de regarder dans le rétroviseur, mais ne la voyant pas, il voulut se retourner.Mueen

accentualapressiondesonarme.—Nemetentepas,lançaMueen.Çamedémangedepuislejouroùtuesarrivé.Mattnel’avaitjamaisvuaussiénervéetsedemandaitquiétaitcethommequ’ilneparvenaitpasà

cerner.Mueencachaitbiensonjeu!

—Pourquoi?dit-il.Qu’est-cequejet’aifait?Mueen laissa échapper un rire dénué de toute trace d’humour. Dans le rétroviseur, Matt le vit

essuyerdeslarmes.Oh,merde!Çan’annonçaitriendebon.—Jem’inquiètepourHarriet.Est-cequ’ellevabien?—Elleaététouchée.Jepensequ’elleestenétatdechoc.—Quoi?Espècedesalaud!Espècede…,fulminaMatt.Il frappa du poing le volant, et nomdeDieu, s’il avait pu tuerMueen àmains nues, ça l’aurait

soulagé ! Il écrasa la pédalede frein. Il avait besoinde respirer.Besoinde la voir.Oh,monDieu,faitesqu’elles’ensorte.Ilvoulaitseretourner,maisredoutaitcequ’ilallaitvoir.Siellemourait…s’iln’avaitpasréussiàlaprotéger,àgarantirsasécurité…Lacolèreetl’angoisseluimontaientàlatête,etsoncerveau,assailliparunflotd’émotionsirrépressible,étaitauborddel’explosion.Ilsentitunenouvellepressiondel’armesursoncou.— Je te conseille de continuer. Plus vite nous rejoindrons la maison du cheik, plus vite nous

pourronsl’aider.Déchiréentre ledésirdeneplusbougeret celuid’obéir,Matt appuya sur l’accélérateur.Harriet

avaitbesoind’aide,c’étaitunequestiondevieoudemort.—Ilnousfautcombiendetempspouryarriver?Ilregardadanslerétroviseuretvitquelasécuritédurevolverétaitenclenchée.C’étaitbonsigne.Il

étaitprêtàseraccrocheràn’importequoipourgarderespoir.—Tourneàdroite,réponditMueen.Aumilieudelaroutecouvertedesable,ilvitunpoteauassezgrossierpointantladirectionqu’ils

prenaient.Siseulementilavaitpucomprendrecequiétaitécrit.

Chapitre20

LorsqueHarrietseréveilla,ellepritconsciencedeplusieurschosesenmêmetemps.Elleignoraittotalementoùellesetrouvaitetunedouleuraiguëluidéchirait lebras.Elletentadeseleverdulit,maiselleressentitunetellesouffrancelorsqu’ellevoulutplierlebras,quesoncerveaumituncertaintempsàenregistrerl’information.Lorsqu’illefit,toutsemitàtournerdanslachambreinconnueoùonl’avaittransportée.Lemalaisedisparu,elleputobservercequi l’entourait.Elleétaitallongéesurun litbasenbois.

Les draps blancs étaient frais au toucher, non parce qu’ils étaient neufs, mais plutôt parce qu’ilsavaientétélavésàdenombreusesreprises.Lafusillade.Oui,voilà.Mueenl’avaitpousséedanslavoituredeMattenlamenaçantpratiquement

desonarme.Oh,monDieu,Matt!QueluiavaitfaitMueen?Ellesesouvenaitd’êtreallongéesurlabanquette arrière et d’avoir entendu l’écho d’une détonation autour de leur véhicule. Son cœur seserra d’une angoisse épouvantable.Agrippée aux draps et tête baissée, elle ne s’était jamais sentieaussifaible.Dessanglotssanslarmessecouèrentsoudainsoncorps,etsonâmes’effondra,aspiréeparlapoussièreduplancher.Ilétaitmortàcaused’elle.ÀcausedesonentêtementàresterenIrak,entre autres parce qu’elle savait qu’il ne l’abandonnerait jamais seule dans ce pays. C’était del’égoïsme.ElleavaitmislaviedeMattendangercommes’ils’étaitagidelasienne.Mourirn’avaitjamaiseuaucuneimportancepourelle,maisàprésent…Ellerelâchalesdrapsetposatoutdoucementlesdoigtssursablessurequi,àtraverslepansement,

avaitunecouleurrose.Lorsqu’elleaccentualégèrementlapressiondesamain,unvaguedenauséelasaisit.Elleappuyaencore,unpeuplusfortcettefois,etladouleurl’emporta,incandescenteetdiffuse.Iln’yavaitplusdepensée,plusd’inquiétudenidechagrin.Justecettesouffrance,àlafoismagnifiqueetétourdissante.Laportedelachambres’ouvritbrusquement.—Harriet!Qu’est-cequetu…Arrêteçatoutdesuite!Tutefaisdumal!Ons’emparadesamainpourlaretirerdupansement.— Molly ? soupira-t-elle. C’est sûrement un rêve… (elle retomba sur l’oreiller) ou un

cauchemar…Lorsqu’ellerouvritlespaupières,Mollyétaitassiseàcôtédulitetlaregardaitd’unairpréoccupé.—Çavamieux?demanda-t-elleenpressantunlingehumideetfraissursonfront.—J’airêvéque…Elleposalesyeuxsursonbrasmais,assailliederechefparlechagrin,lesrefermaaussitôt.—Cen’étaitpasunrêve,machérie.Ont’avraimenttirédessus.Enfin,uneballearicoché.Maistu

estiréed’affaire.Mueenditque…—Non!chuchota-t-ellealorsqu’elleauraitvoulucrier.Ilnousamenacésdesonarme.Matt…Deslarmessemirentàcoulerlelongdesonvisage,qu’elledétourna.—Jesais,machérie.Jesais.Maisnet’inquiètepas…

LecerveaudeHarrietenregistraàpeinecesmots.Rienn’allaitplus.OnluiavaittirédessusenIrak.LepaysoùDannyétaitmort.OùMattétaitmort.Mollyétaitdansl’avionqui laramenaitchezelle.Elle ne pouvait pas être ici. Enmême temps,Harriet ne savait pas où était cet « ici ».Cela faisaitbeaucouptrop.Ellen’enpouvaitplus.Elleauraitvouludisparaître.Fairecommesiellen’avaitjamaisexisté.Ellerespiraprofondément.Elleétaitdenouveaudanslavoituremaiscettefois,ellevoyaitcequisepassait.Matttiraitparla

fenêtre. Elle essayait de dire quelque chose, mais le bruit était tellement assourdissant, et Mueenpointaitlecanondesonarmecontresonventre.Puis,illebraquaitsurlanuquedeMattetpressaitladétente.Dansl’odeurdepoudreàcanonetlebruitimpressionnantdeladétonation,ellevoyaitMattdisparaîtredansunebrumeroseetlégère.Ellehurlait.«Matt.Matt.Oùes-tu?Oùes-tuparti?Matt!»Harriet se redressa d’un seul coup sur le lit, réveillée en sursaut et le cœur battant la chamade.

Mollyétaitassiseàsonchevet,lesyeuxécarquillés.—Toutvabien,dit-elled’unevoixdouce.Pourtant,derrièrelaporte,Harrietentendituneautrevoixluirépondre.—Harry?Harry?—Matt?murmura-t-elle.Mollyfronçalessourcils.—Iln’apasledroitd’entrer.Seuleslesfemmessontautoriséesà…Cela faisait des heures qu’il attendait ce foutu cheik. Il n’avait pas le droit de voir Harriet. On

l’avait simplement rassuré sur son état.Molly, dont le vol avait été annulé, avait été capturée elleaussi,etveillaitsurlajeunefemme.Ilnesavaitquepenserdelasituationmais,d’expérience,ilsavaitqu’ildevait rester calmeetnepasquitter les êtresqui lui étaient chers,oudumoinséviter lepluspossibledes’éloignerd’eux.Entoutehonnêteté,personneicinesemblaitvouloirleurfairedemal,maisilavaitvutellementde

visagessouriantsetapparemmentsympathiques regarderpasser lesvéhiculesmilitairesaméricainspour ensuite les faire exploser après y avoir posé des bombes artisanales, qu’il demeurait sur sesgardes.Etpourcouronnercemerdiermonumental,iln’avaittrouvéaucunimpactdeballessurleSUV.Pas

une seule égratignure. C’était incompréhensible. L’homme de droite, celui qui leur tirait dessus,n’avaitpuraterlavoiture.Aveclenombredeballesqu’illeuravaitbalancées,lacarrosserieauraitdûressembleràunepassoire.Maisnon.Rien.Riendutout.Pourtant, l’autre tireur avait tellement mitraillé la caravane qu’elle n’avait plus besoin d’être

climatisée.Alors,faceàl’incertitudedelasituation,ilfaisaitlescentpas.Ilallaitetvenaitdepuisplusd’une

heuresousleregardvigilantdeMueen.Pasmoyenqu’illuiadresselaparole,nomdeDieu.L’hommepouvait bien continuer à le regarder pendant des heures s’il le fallait. Avec un peu de chance, ilcrèveraitd’ennui.Auboutd’uncertaintemps,Matts’assit.Auplusprofonddelui,ilsentaitqueHarrietavaitbesoin

delui,maisiln’étaitpasautoriséàlavoir.Ilcouvritsonvisagedesesmainsetessayadedémêlerlesévénementsdecesderniersjours.C’est à ce moment-là qu’il entendit ses cris. Elle l’appelait. Il passa instinctivement en pilote

automatique. Il allait la trouver, quoi qu’il arrive. Il tuerait ou écorcherait vif quiconque oseraits’interposer.

Rien ne pourrait les séparer. Au diable toutes ces règles de séparation des sexes. Il se levabrusquementdusacdegrainsdecafésurlequelilétaitinstalléets’avançaversMueen.—Nem’obligepasàtefairedemal,jevaislaretrouver.Tupeuxessayerdem’enempêchersitu

veux,maisçaneserapasbeauàvoir.Toinonplus,d’ailleurs.Ilserralespoings,prêtàdonneruneracléeàcetenfoirés’illefallait.Contretouteattente,unpetit

rictusapparutsurleslèvresdesonravisseuretillelaissapasser,unelueuramuséedanslesyeux.Matt traversa en courant le couloir qui conduisait aux quartiers des femmes. À l’extrémité se

trouvaient deux gardes assis à une table, en train de jouer aux cartes pour des allumettes. Ils selevèrentdèsqu’ilsl’aperçurent.L’undesdeuxsortituncouteau.Enfin,untrucquiressemblaitplusàunefaucille.VoilàpourquoiMueenl’avaitlaissépasseraussifacilement.Quelidiot!Mattsavaitcombienlavertudesfemmesétaitsacréedanscepays.Pourautant,iln’allaitpaslaisser

un homme armé d’une serpette ridicule l’empêcher de voir Harriet. L’autre garde essaya de luibalanceruncoupdepoing,maisMattl’esquivaaisémentetluidécochaunuppercutviolentauplexussolaire. Le souffle coupé, son adversaire s’effondra sur sa chaise. Cet hommemanquait vraimentd’entraînement.Son acolyte au couteau afficha un grand sourire, qui dévoila les trois dents qui semblaient lui

rester. S’il ne passait pas à l’attaque dans trois secondes, Matt le démolirait. Au bout de deuxsecondes, l’homme s’avança vers lui en pas chassés, battant l’air de son couteau. Un vraimousquetaired’opérette!Mattauraitadorédégainerunflingueetledescendre,maisonl’avaitdépouillédetoutessesarmes

àsonarrivée.Iln’avaitpasprotesté,depeurderetarderlessoinsnécessairesàHarriet.Alorsils’élançasursonassaillantetrepoussaviolemmentsamain.Lorsquelecouteauvaldingua

surlesol,Mattassenauncoupdepoingdanslamâchoiredesonennemi.Àl’entraînementaucombatàmainsnues,onappelaitçaun«coupdegrâce.»C’étaitimparable.Ilsentitunemainsursonépaule,et, quand il se retourna,Mueen lui décochait un coup de poing dans la figure. Pas assez puissantcependant pour l’étourdir. Il en profita pour se retourner et lui balayer les jambes pour le fairetomber.Danssachute,latêtedeMueenvintpercuterlemur,etils’affalasurlesol.MattseprécipitaendirectiondelachambredeHarrietetenfonçalaporte.

Chapitre21

Harrietavait lesyeuxrivéssur laporte.De l’autrecôté luiparvenaientdesbruitsdecoupsetdechutes.Des grognements. Soudain, le battant s’ouvrit violemment en frappant lemur.C’étaitMatt.Deboutdansl’embrasure,unfiletdesangsurlevisage.Ellesentitsonregards’embueretsavisionsetroubler.—Tuesvivant?s’exclama-t-elle.Oubliantsadouleur,ellesautadulitetsejetadanssesbras.Ill’enveloppadesoncorpspuissant,et

ellesesentitensécurité.Àsaplace.—Etcomment.(Ilreculad’unpaspourlaregarderdanslesyeux.)Pourquoicroyais-tuquej’étais

mort?—À cause deMueen. Il avait son arme pointée sur ta nuque. C’est tout ce que je pouvais me

rappeler…(SanscompterlecauchemardanslequelMattéclataitenmillemorceaux.)Jecroisquej’airêvé.Iltetiraitdessusettuexplosais.Sa lèvre inférieure semit à tremblermalgré elle.Ce n’était qu’un rêve.Elle revoyait la « jolie

brumerose»,cellequienveloppaitDannylorsqu’ilexplosait,cellequi,selonlessoldatsdémineurs,surgissaittoujourslorsqu’unhommesautaitsurunebombe.Etmaintenant,danssesrêves,c’étaitMattqui,toutcommeDanny,sedésintégraitàsontour.—Oh,moncœur.Toutvabien…Illarepritdanssesbrasetelleseblottitcontrelui,latêtesursontorse.Mollysortitdiscrètementdelachambreenrefermantlaportederrièreelle.— Comment te sens-tu ? s’enquit-il, en repoussant légèrement Harriet pour l’observer avec

attention.Ilremarqualepansementblancrudimentairequicouvraitsablessure.— Je crois que tu as été touchée par une balle qui a ricoché contre la paroi de la caravane,

expliqua-t-ilencaressantdoucementlepansement.—EtMueen?demandaHarrietenreniflant.Ilm’amenacéedesonarme.Elle ne commandait plus son corps, tant il était engourdi. Son bras était devenu insensible. Elle

avait faillimourir.Et cette pensée était insoutenable. Pour la première fois depuis des années, ellefrémit d’angoisse à l’idée d’avoir frôlé la mort. Cette sensation de peur était tellement violente,qu’elleétaitincapabledel’analyser.—Ouais.Moiaussi.Maisjecroisquejel’aicognéassezfort,annonçaMattd’unevoixpleinede

fierté.Elleesquissaunsourire.—Trèsbien.Ques’est-ilpassé?Oùsommes-nous?—Danslamaisonducheik.(Mattregardaautourdeluiethaussalesépaules.)Enfin,ilmesemble.—C’est bien, je crois. Aumoins, il m’a sauvée des mains de la police, hier soir. (Harriet fut

soudainprised’unbâillementirrépressible.)MonDieu,j’aitellementsommeil.

—Allonge-toi,luiditMattd’unevoixdouce.Onreparleradetoutçaàtonréveil.—Turesteslà?demanda-t-elle,lespaupièresdéjàpresquecloses.Quandilacquiesçad’unsignedetête,elleseglissasouslescouvertures.Mattétait là.Toutallait

bien.MattetMollyallaientbien.Elleétaitenvie…Ellenevoulaitplusbouger.Resterici.Auchaud,àl’abridetout…Pourtoujours.Saufque…non.

Harrietseréveillaensursaut.Non,ellen’avaitpasrêvé.Enfin, pas totalement. La tête deMatt reposait sur l’oreiller près de la sienne,mais il était tout

habillé et sur les couvertures. Apparemment, elle s’était arrangée pour se blottir sous son bras etdormircontrelui.Ellepritunelongueinspiration,s’enivrantdel’odeurdesavondesapeau.Complètementéveillée,elleseredressasursoncoudevalide.Sonautrebrasétaitencoreengourdi

parladouleur.Merde!ElleremarqualestracesdesangsurlevisagedeMatt.Elleavaitoubliéqu’ilsaignait lorsqu’ilavaitsurgidanssachambre.Ellenepensaitqu’àelle,bonsang!Quelleégoïste !Elleregardaautourd’elledanslachambre,maisnevitrienpouvantservirànettoyerlablessure.Elle baissa les yeux sur Matt. Qu’allait-elle bien pouvoir faire de lui ? Leur histoire avait

commencécommeunjeu,unemanièredesedistraire.MaisHarrietn’étaitpasprêteàrecommencer.Ellenepouvaitsepermettrecegenred’intimité.L’angoisseaffreusequi l’avaitenvahie lorsqu’ellel’avait cru mort ressemblait trop à celle qui l’avait saisie au décès de Danny. Ce vide atroce àl’intérieur. Un abîme de terreur. Elle ne voulait plus jamais revivre ça. Pourtant, ce qu’elle avaitressentienlepensantmortétait toutaussi intenseet,malgrétousseseffortspourseprotéger,Mattavait réussi à toucher son cœur. Elle redoutait cette douleur autant qu’elle redoutait qu’on lui tiredessus.Elle songea à la dernière fois où ils s’étaient retrouvés dans lemême lit…pas plus tard que la

veille.Ils’étaitpassétellementdechosesdepuis!Elleauraitdûrestersursesgardes,c’étaitbientropdangereux.Ellenepouvaitsepermettrecegenred’intimité,sinaturellesoit-elle.AprèsDanny,ilétaitimpensable d’envisager une nouvelle relation avec unmilitaire, surtout s’il côtoyait le danger.Cen’étaitpluspossible.Ellenepourraitjamaissupporterdeperdredenouveauunêtreaimé.C’étaitau-dessusdesesforces.Elles’extirpadel’étreintedeMatt,seleva,etreculalentement.—Qu’est-cequinevapas?demanda-t-il.Ondiraitquetuasvuunfantôme.—Je…quoi?Non,rien.Tusaignes,observa-t-elleenattrapantuncoindedrap.Elletiradessusenvainet,commeMattnesemblaitpasvouloirbouger,ellehaussalesépaulesetle

laissaretomber.—Jesais.TonamiMueenm’afrappé.Elles’assitsurlelit.—Quesepasse-t-il?CommentMollyest-ellevenuejusqu’ici?Est-cequ’elleestavecMueen?Un frisson glacé la traversa, et elle s’emmitoufla dans une couverture. Tous ceux qu’elle

connaissait paraissaient évoluer en eaux troubles. SaufMatt. Qui désormais formait une nouvellecatégorieàluiseul.Ilfallaitqu’elleprennesesdistances.Ellen’avaitpaslechoix.— Inutile de virer parano. Le vol deMolly a été annulé etMueen est allé la récupérer pour la

conduirejusqu’ànous.Ellenesaitpasnonpluscequisepasse.—Alors,ilesttempsdeledécouvrir.Jen’enpeuxplus.J’aibesoindecomprendre,ettoutdesuite.—Jepeuxdéjàtedirequelequartierdesfemmesestsousbonnegarde,lançaMattenessuyantles

tracesdesangsursonvisage.—Sansblague!répondit-elleennepouvants’empêcherdesourire.Est-cequeçasignifiequenous

sommesiciànotrecorpsdéfendant?Qu’onnousakidnappés?

Ellenesesentaitpasprisonnière,maissavaitqueçanevoulaitriendire.Onfrappaàlaporte.Mueenouvritmaisrestasurleseuil.—Autants’informeràlasource,repartitMatt.Est-cequenouspouvonspartir,ouest-cequenous

sommesprisonniers?—Non,vousêteslibresdepartir.Maisjenevousleconseillepas,réponditMueenensebalançant

d’unpiedsur l’autre.Leshommesennoirpatrouillentsur lesite.Vousaurezdumalà retourneràl’hôtelsansqu’ilsvousvoient.—Tunousexcuserassinousavonsdumalàacceptertesconseils,rétorquaMattfurieux.— Son Altesse sera bientôt de retour, et pourra nous dire ce qu’elle a appris. Enfin, peut-être,

répliqua-t-il,avecunpetitricanement.—Jenecomprendspas,Mueen,intervintHarrietd’unevoixdouce.Ilhésitaetlesregardachacuntouràtour.— Je suis navré. Je ne voulais pas vous inquiéter. Onm’a demandé de vous conduire ici sans

perdredetemps.Pourvousprotéger.J’aieupeurquevousn’acceptiezpasdemesuivresans…yêtreencouragés.SonAltesseessaied’obtenirdesinformationspourvous.Pournous.Iltenditlebras,etAinvintseblottircontrelui.—Ain,quefais-tuici?Tuvasbien?s’écriaHarrietenselevant.— Tout le monde va bien, dit-elle, avant de se tourner vers son mari. Le cheik est revenu.

RejoignonslagrandesallepourvoircequeSaMajestévanousdire.LecheikneressemblaitpasdutoutàcequeMattavaitimaginé.Loindelà.Ilrestasansvoix.Unhommemûr,d’unecinquantained’années,étaitassisdansunfauteuild’angleàl’intérieurd’une

piècebeaucoupplussolennellequecellesqu’ilavaitvuesdanslamaison.Ilportaituncostumetrois-pièces un peu vieillotmais encore très classe, des chaussettes rouges et des chaussures de ville. Ilsouritetselevaprestementdesonsiègelorsqu’ilsentrèrent.Iln’étaitpastrèsgrand–unpeumoinsd’unmètresoixante-dixselonMatt–,maissonautoritéétaitindéniable.—MademoiselleMarkowitz.Jesuisravidevousrencontrer.Harrietaffichaunsourirelumineux.—C’estunhonneurdefaireenfinvotreconnaissance,VotreAltesse.Merciinfinimentdefaciliter

notretravail…(sonvisages’assombrit)enfin…—Jesais, je sais.Ehbien,nousverronscequenouspouvons fairepour réglervosproblèmes,

n’est-cepas?—JevousprésenteMattStanning,ditHarriet.Matttenditlamain,etlecheiklaserrad’unepoigneferme.—C’estdoncvousl’hommedel’arméedel’air,déclaracedernier.Matthésitauninstant,lecerveauenébullition.Lesecretn’étaitplusdemise.—Oui,monsieur.Lecheikjetauncoupd’œilàMueenqui,visiblementmalàl’aise,détournaleregard.Mueenavait-

ilfaitétatdesonanimositéenverslui?—Hmmm,intéressant,réponditlecheik.HarrietluiprésentaensuiteMolly.Lorsqu’ilsfurenttousassis,lecheiksouritetregardaMatt.—Jevoisquemonapparencevoustrouble,jemetrompe?VousvousattendiezàvoirsurgirOmar

SharifdansLawrenced’Arabie,n’est-cepas?—Jecroisqueoui,avouaMatt.Enfait,jenesavaispasvraimentàquoim’attendre.

—J’aiétééduquéenAngleterrejusqu’àmesdix-huitans.ÀEton,pourtoutvousdire.Lorsquejesuisrevenupouraidermonpèredanssesfonctionsauservicedelacommunauté,j’airapportéavecmoiunecertainesensibilitéoccidentale,commemonpèrelesouhaitait.Quandjerencontrelepréfetdepolice,mafaçondem’habillerproduitsonpetiteffet.J’auraistortdenepasenprofiter.—Quelestvotrerôle,exactement?demandaMolly.SiMattparutamusédelaquestion,Harrietneputs’empêcherdegrimacer.Quantaucheik,ilplissa

lesyeuxetsouritenregardantMolly.— Je veille sur les gens qui habitent dans cette région, je leur trouve du travail… (Il eut un

hochementdetêtebienveillantendirectiondeHarriet.)Jem’assurequelesfamillesaientdequoisenourrir,oujerèglelesconflitsdevoisinage,qui,heureusement,sonttrèsrares.J’aimecomparermafonctionàcellequ’avaitledirecteurd’Eton,ouqueremplitn’importequeldirecteurd’établissementscolaire. Je m’efforce de maintenir la paix, je veille sur le peuple, en assurant, si possible, saprotection.—C’estunexcellentchef,déclaraAin,eninclinantlégèrementlatête.Le cheik resta silencieux, mais la gratifia d’un sourire lumineux. Matt eut l’impression qu’on

pouvaitluifaireconfiance.Detoutefaçon,ilsn’avaientpaslechoix.—Qu’aditlapolice?interrogeaMatt.Lecheikprituntonsolennel.—J’aileregretdevousannoncerqueleprofesseurRapson,votrecollègue,abienétéassassiné.

D’uneballedans leventre.Lapolicepensequ’il adérangéuncambrioleur.Selon sonéquipe, sonporte-documentsadisparu.—Hem…,bafouillaHarrietensemordant la lèvre.C’estmoiquisuisensapossession.Si l’on

parlebiendelamêmechose.—Commentest-cepossible?demandalecheikcalmement.—Nous étions en train de dîner lorsqu’il a dû retourner dans sa chambre pour récupérer des

papiersqu’ilvoulaitmemontrer. Ila laissésoncartableavecmoi.Et,oh,monDieu! je l’ai laissédansmachambre.Sionlafouilleetqu’onledécouvre,onvasûrementpenserquej’aiquelquechoseàvoiravecsamort.Le cheik inclina légèrement la tête en direction deMueen, qui quitta aussitôt les lieux.Matt se

demanda ce qu’ils pouvaient bien mijoter. Peut-être ne croyaient-ils pas l’histoire de Harriet.Pourtant,Mueenétaitàl’hôtelcesoir-là.Ilallaitprendrelaparole,lorsquelegarderevint.—J’aienvoyéquelqu’unrécupérerlaserviette,sielleestencorelà,dit-il.— Très bien, Mueen, mon fils. Puisque nous connaissons tous les deux les tenants et les

aboutissantsdetoutecettehistoire,peut-êtreest-iltempsquevousracontiezlavôtreànoshôtes.Mueenfaillits’étoufferenavalantsa langue,etMatts’avançasursachaise,curieuxdesavoirce

quilemettaitaussimalàl’aise.—Trèsbien,repritlecheik,ensecalantdanssonfauteuil.Danscecas,votreépousepourraitpeut-

êtrecommencerparlasienne?

Chapitre22

Ain pritMueen par la main et inclina la tête en direction du cheik. Harriet se demanda ce quipouvaitlesperturberàcepoint.—C’étaitunsoirdumoisdejuin,ilyadixans.Lasoiréeétaitmagnifique.Avecmafamille,nous

avionsmangédansuncampementbédouin,prèsdusiteoùvoustravaillez.Nousfaisionsnosadieuxànos hôtes, lorsque nous avons entendu une détonation, comme celle d’un feu d’artifice. Je mesouviens d’avoir pensé que c’était une soirée idéale pour un feu d’artifice, la nuit était chaude etcalme, et la lunebrillaitdans le ciel.Mais, alorsquenousnousapprêtionsàprofiterdu spectacle,nousavonsentendulebruitd’unavionquiserapprochait,àunealtitudeinhabituellementbasse.Nousavonspuledistinguerseulementlorsqu’ils’estretrouvéau-dessusdenous.Elleritdoucement.—J’étaistellementeffrayée.Entendantlamain,j’auraispresquepuletoucher.Mêmes’iln’yavait

paseudecombatsdanslecoin,jen’oubliaispasquenousétionsenguerre.Ensuite,ilyeutuneautredétonation, et on aurait dit que lamoitié de l’appareil se détachait et semettait à tomber dans unegerbed’étincelles.Puistoutestredevenusilencieux,jusqu’àcequel’avions’écrasesurlesable.Ainsefrottalesbras,commesilesouvenirdecettenuitluidonnaitlachairdepoule.—Leschefsdelatribusesontrendussurleslieuxducrashàdosdechameau.Lesplusjeunesont

enfourchéleurvieillemoto,etmonpèreetmoiavonsrejointnotrecamion.Jepriaispourqu’iln’yaitpasdevictimes.Jen’avaisjamaispriéaussifort.Mattsepenchaversl’avant.—Dequeltyped’avions’agissait-il?— C’était un avion militaire. C’est tout ce que je sais, répondit-elle en jetant un regard

interrogateuràMueen.—C’étaitunC-130,dit-il,leregardrivéausol.— Tout ce que je peux dire, c’est qu’il y avait de petits drapeaux américains sur sa queue,

poursuivitAin.Letempsquenousarrivionssurplace,deuxhommesenuniformeavaientétésortisdel’appareiletétaientallongéssurlesable.—Morts?demandaMatt,endéglutissantdistinctement.—Non,vivants,maisàpeine,réponditAin.Mattserenfonçacontreledossierdesachaise,unairincrédulesurlevisage.Quepouvait-ilbienpenser?Peut-êtreattendait-ilqu’Ainluidiseoùavaientétéenterréslescorps?

Celaauraitmisuntermeàsamission.—SonAltesseestarrivéesurleslieuxenmêmetempsquenous.Elleadonnédesordresàchacun.

Nousétionschargésdetransporterlesdeuxblesséscheznousdansnotrecamion.—Oh,monDieu, Ain ! Vous les avez vus ? Je dois les retrouver afin de les ramener à leurs

familles,expliquaMatt.Harriet sentit son regard s’embuer lorsqu’ellevit briller celui deMatt, à l’idéequ’il allait enfin

pouvoirramenerceshommesaupays.Mueenrepritplacesursachaise,leregardtoujoursfuyant,etAinpoursuivitsonrécit.—Nouslesavonschargéssurlabanquettearrièreducamionetramenésauvillage.Nousavons

faitvenirladoctoresse,etavonsréussiàlesmaintenirenviejusqu’aulendemain.Ilsavaienttouslesdeuxlesjambescasséesetdescôtesbrisées.Leplusâgédesdeuxavaiteulepoumonperforé.J’aifaittoutceque j’aipupour les sauver. (Des larmessemirentàcouler sur sonvisage, sansqu’elle lesessuie.)Toutcequej’aipu.—Merci. Merci infiniment d’avoir essayé. (Matt lui prit la main et la serra.) Vous ne pouvez

imagineràquelpointc’estimportantpourmoiquequelqu’unaitprissoind’euxjusqu’aubout.—Jeressensexactementlamêmechose,ditHarriet,enessayantderetenirseslarmes.Ellesedemandaitsil’histoirequeracontaitAinlibéraitsesémotionsoulesamplifiait.—Ilestmortlelendemainmatin.Nousn’avonsrienpufaire.L’hôpitalleplusprocheencoreen

activité,etquinesoitpassousl’emprisedeSaddamHussein,étaitbientroploin.Noussavionsquesinouslesemmenionsailleurs,ilsrisquaientdesefairearrêteretd’êtreabandonnéssansaucunsoin.Nous…Jemesuisditqu’ilvalaitmieuxqu’ilsmeurentavecnousqu’aveclestroupesduprésident.Jenesaistoujourspassij’aiprislabonnedécisionpourcethomme.J’ypensetouslesjours.«Cethomme»?Ellevoulaitsûrementdire«ceshommes»?Uneminute…Harriet jetauncoup

d’œilendirectiondeMattpourvoirs’ilavaitsaisicequ’Ainvenaitdedire.—Etl’autrehomme,alors?interrogeaHarrietd’unevoixdouce.Lespiècesdupuzzles’assemblaientcommedesaimants.—Ilareprisconnaissancetroissemainesplustard.Ilavaitoubliésonnometnesesouvenaitpas

comment il était arrivé là. Il ne pouvait pasmarcher, et j’étais la seule personne dans le village àparleranglais.J’aiveillésurluipendantdesmois.Nousdiscutions,jeluiaiapprisl’arabe,etaufuretàmesurequesamémoirerevenait,nous…—… sommes tombés amoureux, intervintMueen, levant les yeux pour la première fois et les

posantsurMatt,quisecouaitlatête.—Quelesttonvrainom?demandaMattd’unevoixcalme.—CapitaineDouglasCarpelli,dePittsburgh,enPennsylvanie,réponditMueen.Stupéfaite, Harriet comprit enfin pourquoi elle avait si souvent eu l’impression qu’il était

américain.—Tu n’as pas cherché à prendre contact avec quelqu’un ? questionnaMatt.Quand tu t’es senti

mieux?—Audébut,si,maispersonnen’estvenumechercher.Nouschercher.Tucomprends?ditMueen

ensoutenantleregarddeMatt,sanslemoindreremords.Personnen’estvenu.Mattcomprenaittoutàfait.L’arméen’avaitenvoyépersonnepourleurportersecoursouessayer

delesretrouver.Letransportdel’argentn’étaitpasofficiel,ils’agissaitd’uneopérationsecrète.Lecredodel’arméeaméricaineétaitpourtantclairàtouslesniveaux:onnelaissaitjamaistomberunsoldat. Il était inconcevable que l’organisation à laquelle il avait dédié sa vie ait pu prendre ladécisiond’abandonnercestroishommesenpleineguerre.—C’étaitpourtant tondevoirde…,commençaMatt, ens’acharnantdésespérément sur l’homme

plutôtquesurl’institution.Ils’interrompit,conscientqu’iln’avaitpasledroitderejeterlafautesurMueen.—Mondevoirétaitdeprotégerlechargementjusqu’àcequ’ilarriveàdestination.Sijetombais

danslesmainsennemies,monseuldevoirétaitdeserviravechonneuretdenepasouvrirlabouche.

—Etc’estcequ’ilafait,confirmaAin.Ilacachéleconteneurdèsquenousl’avonstrouvéet,àcejour,ilnem’ajamaisrévélécequ’ilyavaitàl’intérieur.Mattarpentaitlapiècedelongenlarge.—Tuesencoremembredel’arméeaméricaineettudois…—Danscecas,hurlaMueen,appelle-moi«monsieur»!Monrangestsupérieurautien,etjene

toléreraipasquetut’adressesàmoidecettefaçon.Mattouvritlabouchepourrépliquersurlemêmeton,avantdeserendrecomptequeMueenavait

raison. Il ne pouvait continuer à jouer sur les deux tableaux. Soit il considéraitMueen comme uncivil,etdanscecasilpouvaitluidonnerdesordres,soitcommeuncapitaine,etbonsang,ildevraitluiobéir.Ileutunpetitrireetsecoualatête.—Admettons.Enthéorie,lecapitaineétaitundéserteur.Enmêmetemps,qu’était-ilcenséfaireenpleinmilieudu

désert,dansl’étatoùilétaitetensachantqu’aucunsecoursneviendrait?Qu’aurait-ilfaitlui-mêmeàsaplace?D’aprèssondossier,lecapitainen’avaitaucunefamillequil’attendait…Quiétait-ilpoursepermettredelejuger?Ilregardalecoupleaumilieudelapièce.PuisHarriet.Bonsang,ilnepouvaitenvouloiràCarpellid’êtretombéamoureux.Aprèstout,c’étaitexactementcequiluiétaitarrivé.Ilsepassaunemaindanslescheveux.Merde,alors.Iln’enrevenaitpasdecequ’ilvenaitdes’avoueràlui-même.—Tusaiscequ’ilyavaitdansleconteneur?interrogeaMatt.—Oui,etlecheiklesaitaussi,réponditlecapitaine.—Sivousêtesaucouranttouslesdeux,pourquoin’avez-vousrienfaitdecetargent?s’exclama

Matt,étonné.D’unairincrédule,ilregardalesdeuxhommestouràtour.—Uneminute.Revenezenarrière,s’exclamaMolly.C’estquoi,cettehistoired’argent?Harrietluiexpliquarapidementlasituation,avantd’adresserunsignedetêteàCarpellipourqu’il

poursuivesonrécit.—Jenesavaispasàquoicetargentétaitdestiné,niàqui.Deplus,leconteneurétaitprévupour

exploseraucasoùonessaieraitdel’ouvrir.C’estpourcetteraisonquenousavonspréférél’enterreretl’oublier.—Prévupourexploser?demandaMatt.Intérieurement, il était ravi à l’idée d’avoir de nouveau affaire à des explosifs. Une vague

d’adrénalineletraversa.—Deschargesétaient fixéesdechaquecôtéduconteneur.Lesergent technicienRangerétait en

traindesécuriserlapalettealorsquenousfranchissionsuneturbulenceenairlimpidelorsquel’unedesbombesaéclaté.Ilestmortsurlecoup.(Mueenregardasesmains,quitripotaientnerveusementlesperlesautourd’uncordonépais.)Ladéflagrationaprovoquéuntroudanslefuselage,etc’estcequiaprécipiténotrechute.Mattavaitl’impressionquesatêteallaitexploser.Iln’arrivaittoujourspasàcroirequ’onn’aitpas

envoyé une équipe pour retrouver ces soldats. En même temps, vu qu’aucune perte n’avait étésignaléeofficiellement,quiauraitpus’enoccuper?Ilavaitégalementdumalàcroirequ’onpuisseavoir l’idée de piéger une cargaison dans un foutu avion. Il comprenait que le capitaine n’ait pasessayéd’entrerencontactavecsabaseaprèsunetelleinfamie.Lavoixducheikbrisalesilence.—Maintenantquetouteslescartessontsurlatable,jedoisvousdirequedesAméricainsdansde

grossesvoituresnoirespatrouillentsurvotresiteetceluiduprofesseur.Lepréfetdepolicem’afait

savoir qu’il avait accéléré la procédure d’obtention de visas pour vingt hommes devant arriverdemain.Pour…(ilsortitunboutdepapierdelapochedesaveste)MGLSecurity.Le cheik avait souligné les lettresMGL, etMatt songea immédiatement aux papiers deRapson.

Ceux provenant de Megellin avaient tous des lettres soulignées. Il avait d’abord pensé à desgribouillages,maisnon.Rapsonavaitsoulignéles«M»,les«G»,etles«L»dunomMegellin.Bonsang!LaFondationMegellinétait-elleunecouverturepourMGLSecurity?— Il ne nous reste plus qu’aujourd’hui pour empêcher cet argent de tomber dans lesmains de

MGL.Quimesuit?lançaMatt,enplaisantantàmoitié.HarrietetMollylevèrentimmédiatementlamain,imitéesdeCarpelli.Matt les regarda et vit leurs visages déterminés… enfin, en dehors de Carpelli, qui affichait le

mêmeairimpassiblequ’àsonhabitude.Mattinspiraprofondément.—Est-cequevousavezuntéléphonesatellite?dit-ilaucheik.Ilyeutuncourtsilence,etMattsedemandauninstants’ilsétaientvraimentprisonniers.Lecheikadressaunsignede têteàMueenqui,àson tour,hocha la têteendirectiondeMatt, lui

indiquantdelesuivre.Ilstraversèrentuncouloirparallèleauxquartiersdesfemmes,gardéparuneseulesentinelle,cettefois.Mattgrimaçalorsqu’il reconnut l’hommeà laserpette. Il luidécochaungrandsourireenpassantdevantlui.—J’aitoujourscruquetumedétestaisdepuisl’instantoùtum’asvu,observaMatt.—C’est vrai. Je craignais pourmon avenir au cas où tu découvrirais ma véritable identité. Je

m’inquiétaisaussiquel’ontrouveetvolel’argent.J’enveuxencoreàl’arméedem’avoirabandonnéici.Enplus,j’avaispeurquetumeramènesaupays.Ouais,onpeutdirequejetedétestais.(Ilfitunepause.)Est-cequetuvaslefaire?—Teramener?Jen’ensaisfichtrerien,réponditMatttrèssincèrement.Mueenouvritlaportedecequiétaitsansaucundoutelebureauducheik.—Tupensesqu’ilfautvérifiers’ilyadesmicros?—Jenecroispas.Lesrisquesqu’onaitmissurécouteletéléphoneducheikoulapersonnequeje

vaisappelersontplusqu’infimes.—Par là,alors…(IlbalançaàMikeun téléphonede la tailled’un livre.)C’est toutcequenous

avons.—Ehbien,dites-moi,vousêtesvintagedanslecoin!Mueenlevalesyeuxaucielets’assitsurunvieuxfauteuilcabossé.— Un peu d’intimité serait trop demander, j’imagine ? lança Matt qui hésitait à composer le

numéro.—Tuastoutcompris,ditMueenentapotantl’accoudoirdufauteuil.Onn’apasdetempsàperdre.Mattsortitunboutdepapierdesonportefeuille.Règleessentiellelorsqu’onvoyage:toujoursavoir

sursoilescoordonnéespersonnellesdesgensdontonpourraitavoirbesoin.Ilcomposalenumérodesoncommandant,quidécrochaaprèsdeuxsonneries.—Jenks.Mattneputs’empêcherdesesentirsoulagéd’entendresavoix.—IciStanning,monsieur.—Dieumerci.J’aidonné l’ordreà l’équipederejoindrevotreposition,maisavec le tempsque

prendl’obtentiondevisasofficiels,lesrenfortsrisquentdenepasarriveravantunesemaine.Bonsang!Dansunesemaine,ilsarriveraientaprèslabataille.Cequisetrouvaitdansleconteneur

seraitdéjàcertainementtombéentrelesmauvaisesmains.

—Danscecas,jevaisdevoir…mepasserd’eux.—J’enaiconscience.Ilyeutunsilence.—Est-cequevoussavezexactementcequisetrouvedansceconteneur?interrogeaMatt.—Cequenoussuspections,réponditsonsupérieur,enessayantvisiblementd’êtreleplusdiscret

possible. Dès que je t’ai envoyé ton ordre de mission, j’ai commencé à recevoir des appels decertainespersonnesquimedemandaientoùtuétaisetcequetufaisais.Audébut,jemesuiscontentédedire ce que je savais.Qu’une archéologue avait trouvédesmorceauxd’avionmilitaire en Irak.Ensuite,j’aipréférénerienrévélersurtadestination.Jepensaisquetutedébrouilleraismieuxtoutseul.J’aieuraison?—Çaresteàvoir.MaisvousavezbiendemandéàMGLSecurityd’assurermaprotection,non?—Quiça,fiston?Mattsedemandasilacommunicationn’étaitpasmauvaise.—MGLSecurity?L’angoissesemitàmonterenlui.—Non, je n’ai dit à personne où tu étais. Les rumeurs allaient bon train, et çam’inquiétait. Tu

connaiscommemoilenombredesoldatsquirejoignentdirectementdesagencesdesécuritéprivéesdèsqu’ilsquittentl’armée.Ilsgardentdescontacts.Situasétéapprochéparquelqu’undeMGL…Lavoixducommandantpritunetonalitéétrange.—C’estdéjàfait,maisc’estunex-collègueàmoi.Jesuiscapabledem’enoccuper.Pourriez-vous

effectuerquelquesrecherchessurlesliensqu’entretientMGLaveclescompagniesouorganisationsquiopèrentenIrak?Il se doutait de la réponse : la FondationMegellin. Il en était même arrivé à le souhaiter. Non

seulementc’était cequ’ily avaitdeplus logique,mais enplus, celapermettaitde résoudre laplusgrandeinconnuedeleuréquation.—Jem’enoccupe,Stanning.Jeterappelledèsquepossible.Écoute…,ajoutaJenksenbaissantla

voix.D’aprèsmessources,jesaisquedessatellitessontchargésdesurveillervotreposition.L’ordreest à la fois interne et externe. Un vieil ami àmoi qui bosse pour la NASAme l’a confirmé. Legouvernement, et… d’autres groupes d’intérêt utilisent des satellites privés pour recueillir desrenseignements.Etcommeparhasard,toutlemondesemetàréclamerdesimagessatellitesdetonsitepourvoircequis’ypasse.Toutcequejepeuxtedire,c’estquandilsserontmisenservice.Lemomentoùilsserontau-dessusdevostêtes.—Bienreçu,monsieur.Merci.Appelez-moidèsquevousensaurezdavantage.Ilappuyasurunetouchepourraccrocher.Merde.Pourtant,unplansedessinaitdéjàdanssatête.Un

planquiréussitmêmeàlefairesourire.—Alors?s’enquitMueenenselevant.—David,monex-collègue,étaitlàpourmesurveillerplusquepourmeprotéger.Mattjouaitfranc-jeuaveclecapitaineCarpelli,mêmesic’étaittoujoursMueenqu’ilvoyaitenle

regardant.— Si nous parvenons à récupérer l’argent avant tout le monde, et si tu connais des personnes

pouvantnousaideràleremettreentredebonnesmains,lecheikpeuts’arrangerpourlesfaireentrerenIraksansvisas,àconditionqu’ellessoientmuniesd’unpasseportpersonneletnond’unpasseportofficiel,ditMueentandisqu’ilschargeaientl’équipementdanslecamionàproximitédestentes.Avecunpasseportpersonnel,cen’estpasunproblème.Ilsuffitdelaisseraucheikletempsdegraisserlesbonnespattes.

—Quandtudis«lesbonnesmains»,jesupposequetunepensespasaudépartementduTrésordesÉtats-Unis,repartitMatt.—JesaismeservirdeGoogle.Harrietavaitraison.Cetargentappartientaupeupleirakien,pour

construiredesécolesetdeshôpitaux.Mattsoupira.Sonpointdevuesurl’obéissanceauxordresn’étaitplusaussiclair.—Pourquoinepasseservirdeshommesducheik?demanda-t-il.—Ilveutéviterdelessoumettreàlatentation.Sil’und’euxs’avisaitdedétournerl’argentdestiné

àtelleoutellerégion,SonAltesseseverraitdansl’obligationdelepunir,etiln’enaaucuneenvie.—Jecomprends.Jenevoisqu’uneéquipeenquijepuisseavoirconfiancepourcegenred’affaire,

conclutMatt.Jecroisqu’ilesttempsdereformermonancienneunité.Underniercoupdefil,etoniraretrouverlesautres.

Chapitre23

AlorsqueMattfaisaitlepointsurlasituation,dévoilanttoutcequ’ilsavaitousoupçonnait,Harrietse demanda depuis combien de temps il était au courant de tous ces éléments et surtout, depuiscombiende temps il les lui dissimulait.Elle lui en voulait de l’avoir tenue à l’écart. Il était quandmêmecensélaprotéger…Alorsqu’illeurparlaitdeMGL,ilsepritlatêteàdeuxmainsetpoussaungrognement.Qu’est-ce

quiluiprenait?Lesautresavaientégalementremarquésonmalaise.Mattbonditdesachaiseetsemitàfairelescentpas.—Matt?Quesepasse-t-il?s’enquitHarriet.Il s’immobilisa et regarda ses compagnons en silence, comme s’il essayait de trouver sesmots.

Harrietluijetaunregardnoir.—C’estàproposdeDavid.Jeviensdemesouvenird’untruc.JusteaprèslamortdeMalcolm,il

m’aemmenéàsonhôtelet,alorsquenousdiscutions,ilafaitréférenceàluienutilisantl’expression«levieuxmonsieur».Ilyeutuninstantdesilence.Mollylevalamainpourprendrelaparole.—Jem’excuse,maisjenecomprendspas.—Iln’ajamaisrencontréRapson.Commentpouvait-ilconnaîtresonâge?Nouveausilence.Harrietnepouvaitcroirequel’undesamisdeDannyetdeMattpuissefairedu

malàquelqu’un,encoremoinsàunvieilhommeinoffensif.Danssonsouvenir,lesgarsdel’EODseserraient les coudes, ils n’étaient pas du genre à se tirer dans les pattes. Elle se rendit compte del’ironiedel’expression.— Il nous faut un plan pour récupérer cet argent avant que les types deMegellin-MGLne s’en

emparent,etpours’assurerqu’ilretourneàceuxquienontbesoin.Jenesupportepasl’idéedevoirunecompagnieaméricainemettre lamain sur les fondsdupeuple irakien, et…en toutehonnêteté,c’esttoutcequim’importeàprésent.Neleprendspasmal,ajouta-t-elleenregardantMueen.—Pas du tout.Mais avant d’élaborer un plan pour distribuer cet argent à qui de droit, il nous

faudraitd’abordentrouverunpourledécouvriravantMGL.— Ces gens ont volé mes cartes, dit Harriet. J’aurais dû m’en rendre compte plus tôt, je suis

désolée,maisjemesuisaperçuequ’ellesavaientdisparudel’étuidel’ordinateurjusteavantqu’onnous tire dessus. Quelqu’un est venu les prendre dans ma chambre, probablement au moment oùMalcolm…Matt lui pressa lamain, et la chaleur de ce contact l’apaisa. Elle se sentait en sécurité.Non. Ce

n’étaitpaspossible.Sonbien-êtrenedépendaitqued’elle.Ellenepouvaitcomptersurpersonne.Elleretiradoucementsamain.— La carte n’était pas dessinée très précisément, mais elle montrait les emplacements

approximatifsdonnésparlegéoradar.Et…Merde.Elleavaitlaissésonportabledanslacaravane.

—Monordinateurestrestédanslacaravaneavectouteslescoordonnéesprécises.Lemotdepasseestprotégé,mais…—Lesmotsdepassen’arrêtentpaslesagencesdesécuritémilitaires,l’interrompitMattenhochant

latêtepensivement.Puisilseredressaetlesregardafixement.Onauraitdituncommandantenchef.—J’ai unplan. Il faut nous rendre sur place.Passer à l’action avant l’arrivée de leurs renforts.

L’urgenceestdemettrecetargentensécurité.Jenkinsappelatroisheuresplustard.Illuiappritquelesatelliteeffectuaitunerotationautourdela

Terre toutes les quatre-vingt-dix minutes. Le programmer de façon précise sur le point qui lesintéressaitprendraitunpeuplusdetemps.Illeurrestaitdoncdeuxheuresetvingt-troisminutespourtoutpréparer.Mattavaitpenséà tout. Ilespérait justen’avoiroubliéaucundétail.DavidetMaggie,l’exdesrenseignementsbritanniques,étaientlesseulspointsnoirsdesonplan.Ilréglal’alarmedesamontre.Ilfallaitvraimentquetoutsoitprêt,letempsleurétaitplusquecompté.Ilneluirestaitplusqu’àfairedumieuxqu’ilpouvait.C’étaitça,savie.Commentavait-ilpudemeureraussilongtempsauseinduJPAC?C’étaitcertesle

boulotleplusgratifiantqu’iln’aitjamaiseu,maisilavaitfiniparcomprendrequesoncorpsetsonesprit étaient plus efficaces face aux situations d’urgence. Il n’était jamais aussi lucide et aussiefficace que sous l’effet d’une bonne décharge d’adrénaline. À aucun moment, il ne regrettait letempspasséàréunirlesfamillesavecleurhérostombéauchampdebataille.Maissaplaceétaitlà,mêmesic’étaitunpeuégoïste.Ilnes’étaitpassentiaussivivantdepuissontravailauseindel’EODavantlamortdeDanny.C’étaitcommesionluiaccordaitunesecondechanceprofessionnelle.Etilcomptaitbienenprofiteraumaximum.Matt,Harriet,MollyetMueens’étaientrendusdanslemêmevéhiculesurlethéâtredesopérations

prévuparlecheik.IlavaitremisàMueenunelistedumatérieldontilallaitavoirbesoinet,commeparmagie,cedernieravaitréussiàleluiprocurerenmoinsdedeuxheures.Mattnesavaittoujoursfichtreriendecequ’ilallaitfairedelui.Ilypenseraitplustard,unefoisqu’ilsseseraienttirésdecemauvaispas.Ilsnepartaientpasgagnants,maissadéterminationétaitsansfaille.Ilregardasescamarades,qui

avaientl’airtoutaussiimpatientsetdéterminésquelui.Uneéquipeimprobable:unsoldatdesforcesaériennes de combat, une archéologue, une étudiante de troisième cycle, et un déserteur. Il auraitpréférévoirlesfemmesresterenretrait,maisilavaitbesoind’elles.IllaissaMueenprendrelevolant,puisqu’ilétaitsonhommedeterrain.Cequiétaitassezironique

en soi. Mais surtout, parce qu’il connaissait les dunes comme sa poche. Ils devaient absolumentarriveràlaperpendiculaireduthéâtredesopérationsquelecheikavaitpumettreenplaceentirantquelques ficelles. Ceux qui se trouvaient sur le site de Harriet, qui qu’ils soient, ne devaient voirqu’unesériedetentes.L’équipearriveraitàbordduSUVsansêtrevue.Mueenralentitàl’approchedestentespouréviterlaformationdenuagesdesable.Ilssortirentdu

véhiculeensilenceetseglissèrentàl’intérieurdelastructureentoile.Iln’yavaitpersonne,maisonyavait déposéde lanourriture et de l’eau, ainsiquedes armesetdesmunitions.Des trucsunpeuvieillots,recueillistantbienquemalaucoursdesdernièresdécennies,presqueinutilisables,tellementilsétaientrouillés.MattetMueendurentfaireletri.—S’ilvousplaît,essayezdenetuerpersonne,ditMollyens’asseyantprèsdeHarriettandisqu’ils

vérifiaientleschargeursetlesmécanismesdesûreté.Mueenignorasaremarque,maisMattlevalesyeux.

—Cen’est pas le but de l’opération, tu sais,mais je supposeque tu préfères nousvoir revenirvivantsplutôtquecesoienteuxquiviennentvouschercher,non?—Biensûr,biensûr,répondit-elled’unepetitevoix.—Jecroisqu’ellevoulaitdirequ’ilfallaitéviterdetireravantd’avoirtentédediscuter,intervint

Harriet,sourcilsfroncés.—Vous voulez récupérer cet argent avantMGL, oui ou non ? répliquaMatt en remplissant ses

pochesdechargeurs.Elle le regardasans répondre. Ilnepouvait s’empêcherd’êtreunpeudur.Sonplanétaitpour le

moins…gonfléet,àcoupsûrvouéàl’échec,àmoinsquetoutnesedéroulecommeill’avaitprévu.Ce qui, dans la vraie vie, n’arrivait presque jamais. Si par hasard ils réussissaient à s’en sortir, ils’occuperaitdeHarriet,etillagarderaitauprèsdelui,quoiqu’iladvienne.Ouais,quandtoutecettehistoireseraitfinie…Ilnepouvaitpassepermettredeselaisserdistraire.

Resteconcentré,Stanning.Ilregardasamontre.Ilsnedisposaientqued’uneheure.Iln’yavaitpasdetempsàperdre.—Vousêtestousprêts?MollyetHarriethochèrentlatête.—Alors,onyva.

Chapitre24

MueenavaitrepérélesdeuxvéhiculesentraindepatrouillersurlesdeuxkilomètresenvironquelessitesdeHarrietetMalcolmformaient.Ilsrestaientenbordure,ayantcertainementreçul’ordredenepass’yintroduire.L’équipe pénétra sur le chantier, accompagnée d’un homme tirant un chameau. C’était le

camouflageidéal.IlsétaienttousdéguisésenBédouins,telsquelesOccidentauxlesimaginaient.Tandisqu’ilss’approchaientdusite,Mattadressaunsignede têteàHarriet.Lorsqu’ilspassèrent

devantlacaravane,HarrietetMollyseséparèrentdesautresetsemirentàcourirpoursedissimulerderrière.Leurmissionétaitderécupérerl’ordinateur,s’ilétaitencorelà.L’hommequelecheikleuravaitfournidescenditleuréquipementduchameauetlestockaderrièrelacaravane.Mueen etMatt devaient neutraliser les deux voitures de patrouille l’une après l’autre. C’était la

partielaplusdélicateduplan.Leshommesdanslevéhiculequ’ilsprévoyaientd’attaquerenderniers’apercevraientforcémentquel’autres’étaitarrêté.Celadit,vêtuscommeilsl’étaient,ilspourraientcertainement se rapprocher suffisamment pour réussir à immobiliser un véhicule sans éveiller lessoupçons.Mattvérifiasamontre.—Prêtàyaller,capitaine?—Cinqsurcinq.Mueen prit la bride du chameau desmains de son ami et, à voix basse, lui dit de retourner les

attendreprèsdestentes.MueenregardaMattcommes’ilredoutaitdenejamaisrevoirlecampement.Mattsecontentad’ungrandsourire.—Soitonfonce,soitonrentrecheznous,dit-ilaupilote.—Facileàdirepourtoi,grommelaMueen.Allons-y.IlsapprochaientduSUVnoir.Matt alla se poster en travers de la route, tête baissée. Le conducteur klaxonna,mais décida de

s’arrêter,certainementàcausedelaprésenceduchameau.Écraserunhommeétaitunechose,maisunchameau,c’étaitunetoutautrehistoire.Dirigeant l’animal de manière à dissimuler l’arme attachée au harnais, Mueen avança vers le

véhiculecommes’ilvoulaitdirequelquechoseàsesoccupants.Leurattentionainsimobilisée,Mattenprofitapour seglisserentre les jambesde l’animalet s’accroupir, avantdeplanter soncouteaudansunedesrouesavantduSUV.C’étaitleseulmoyendefairesortirleshommes.Ils’assuraquelepneu était bien crevé, puis fit avancer le chameau en se dissimulant derrière lui. Mueen et luidépassèrentensuitelentementlevéhicule,quin’arrivaitplusàrepartir.Suruneroute,ilsauraientpucontinueràrouler,maisdanslesable,c’étaitimpossible.Mattdonnauneclaquesurl’arrière-trainduchameau,etl’animalpartitàviveallureendirection

des tentes.Lesdeux individus sortirent de leur véhicule, sansmêmevérifier queMatt etMueen sesoientéloignés.Devraisamateurs,cesdeux-là.MattsedébarrassadesarobedeBédouinetbrandit

sonrevolver.—Hé,lesmecs?dit-il.Lesennemisseretournèrentenportantlamainàleursarmes.L’undesdeuxavaitlasienne,mais

l’autrenetrouvaqu’unétuivide.Ill’avaitapparemmentoubliéedanslavoiture:Mueens’étaitfaufiléàl’intérieuretl’agitait.—Lâchetonflingue,ordonnaMattd’unevoixcalme,enpointantdesonarmel’hommequiéructa

quelquesmotsdansunelanguequ’ilneconnaissaitpas.Celui-cis’exécutaetmitlesmainssursatêtesansqueMattn’aitàleluidemander.Parfait.—Onadelacompagnie,avertitMueen.Bonsang!Ilavaitespéréavoiruneminuteouplusavantquelesoccupantsdel’autrevéhiculene

remarquentquequelquechosenetournaitpasrond.Il n’eut pas le temps de répondre. L’homme à la barbe et au sourire méprisant se pencha vers

l’avant, posa ses mains au sol, et décocha un coup de pied qui, s’il manqua sa tête de quelquesmillimètres,réussitàfairetombersonrevolver.CefuttellementrapidequeMattesquivacetassautenbasculant brusquement vers l’arrière, évitant ainsi de se retrouver étalé sur le sable en plus d’êtredésarmé.Putaindemerde!Sonflingueétaithorsdeportée,toutcommeceluidesonassaillant.Sonadversaireseprécipitasurluibrastendus,commes’ilétaitarméd’uneépée,cequilepritde

court un instant. Qu’est-ce qu’il foutait, bon Dieu ? Tandis que l’un des avant-bras de l’hommes’écrasait sur son visage, il se rendit compte que celui-ci portait de lourdes protections enmétal.Aveuglé,Matteutl’impressiondesentirsoncerveauexplosersousl’impact,commesionvenaitdelefrapperavecunpied-de-biche.Étourdi, il resta allongéquelques secondes avantde tenter de se relever.Le sableblanchipar le

soleilsedérobasoussespiedsettoutsemitàtournerautourdelui.Ilréussitàsemettreàgenoux,maisilsavaitques’ilneselevaitpas,ildevenaitunecibleidéalepourun……secondcoupdepied,quel’hommeluiassenadanslescôtes.Matts’effondradenouveau.Cette

fois,ilparvintàroulersouslavoitureetesquiverunenouvelleattaque.Impossiblededistinguerceque faisaitMueen.Matt tentadecalmersa respiration,espérant faire

disparaître lesmotifs lumineuxétrangesqui sedessinaientdevant sesyeuxetqui l’empêchaientdevoircorrectement.Ilrouladel’autrecôtédelavoitureavantqueBras-d’Acierneretrouvesonarme.Lorsqu’il ouvrit les yeux, il aperçut un homme vêtu de noir tomber au sol. Mueen venait de luidécocherle«coupdegrâce»imparablequ’illuiavaitfaitgoûterquelquesheuresauparavant.—Ilvafalloirpenseràselever!Cen’estpaslemomentdefairelasieste.L’autrevéhiculeestdéjà

là,lançaMueenenluitendantlamain.Mattacceptasonaidesansprendrelapeined’expliquerqu’ilnesecachaitpassouslavoiturepour

leplaisir.Descoupsdefeuéclatèrentautourd’eux,faisantvolerdesgerbesdesable.Ilsplongèrentderrière

levéhicule.—Est-cequenous sommes autorisés à attaquer avant dediscuter s’il est clair qu’ils nous tirent

dessus?demandaMueen.—OKpourmoi,réponditMattencherchantsonarme.Mueenvérifialechargeurdelasienne.PuisMattjetauncoupd’œildanslavoitureetsemitàrire.

Sansblague!Ilouvritlecoffre,seprocurantainsiuneprotectionsupplémentaire.—Regardeça.Commedanstoutenginblindédignedecenom,lecoffreétaitdiviséencompartimentspermettant

decalerlesobjetsquis’ytrouvaient.Àl’intérieurdechacund’eux,ilyavaitdesflingues.Destasde

flingues.Etdesmunitions.Mueenregardasonrevolveretlebalançaparterre.IlattrapaunSIGSaueretcontrôlalechargeur.— Ces mecs commencent vraiment à me plaire, lança-t-il en glissant un autre pistolet dans sa

ceinture.—Ilssepréparaientàuneinvasiondezombies,maparole!renchéritMattenprenantunfusilM16.Lescoupsde feusecalmèrentet l’onentenditclaquerdesportières.Leshommessortaientde la

voiture.Ce n’était pasmalin de leur part, vraiment pasmalin,mais de bon augure pour eux.Mattvérifial’heureencoreunefois.Rienn’étaitperdu.Ilrisquauncoupd’œildel’autrecôtédelacarrosserieenregrettantdenepaspouvoirouvrirles

portesarrièrepoursecouvrirdavantage.Putain!C’étaitMaggieetDavid.Quelquedéterminéqu’ilfûtdemeneràbiensonplan,ilignoraits’ilseraitcapabledetuerdesang-froiddespersonnesqu’ilconnaissait,sifourbessoient-elles.—Quesepasse-t-il?murmuraMueen.—C’estDavidetMaggie.Mueenrestasilencieux.Mattjetaunnouveaucoupd’œilpourévaluerleurdistance.Maggieluitiradessus,etsaballevint

frôlerlapeintureduvéhiculeàquelquescentimètresdesonvisage.Ehben,ilnefallaitvraimentpasl’énerverpendantsonpetitdéjeuner,celle-là!David tirait lui aussi, mais comme s’il cherchait volontairement à rater sa cible. Maggie, au

contraire, semblaitprendreunmalinplaisiràvouloir les refroidir.Matt roulade l’autrecôtépourmieuxvoirDavid,quiavaitl’airdes’amuser.Soudain,illevitluifairesignedelamain.—Qu’est-cequ’il…Davidpointasonarmeettira.Ilyeutunedétonation,maisaucunimpactsurlecamion.Alors,ilse

mitàriredenouveau,visaMaggie,etluitiradessus.Maggiecontinuades’acharnersurl’arrièredelavoiture.Matts’écartaduvéhiculepourêtrevisibledeDavidsansl’êtredeMaggie.Davidriaittoujours.Il

tirasurMattencoreunefois,avantdebraquersonarmesursatêteetd’appuyersurladétente.Ilnesepassa absolument rien. Il tirait à blanc depuis le début, et devait être à court de munitions. Voilàpourquoilafusilladedumatinn’avaitlaisséaucunetracesursavoiture.Maggie tourna la tête un instant pour regarder David, qui recouvra son sérieux et pointa de

nouveau son arme sur elle. Imperturbable, elle resta concentrée surMatt etMueen, sortit un autrechargeuràgrandecapacitéetseremitàtirer.Merde.OnauraitditTerminator.Ellejetauncoupd’œilàDavid,aumomentoùilfaisaitsemblantdelatenirenjoue.Sanshésiter,ellepivotaetlevisaàsontour.Matt se redressa et positionna son fusil à hauteur d’œil. Il inspira et touchaMaggie au bras au

momentoùelleallaittirersurDavid.Justeassezpourlafairetomberetrendreinutilisablelamainquipressaitladétente.Dèsqu’elles’effondra,ildirigeasonarmeversDavid.—Pasungeste.Davidbalançaimmédiatementsonrevolversurlesableetécartalesbras.—Ellem’atirédessus.—Tagueule,rétorquaMattenl’ignorantetens’approchantdeMaggie.Hé,Mags,çavacommetu

veux?—Vatefairefoutre,grogna-t-elleensetenantlebras.Ilsétaientquittes.C’étaitsûrementellequiavaittouchéHarrietunpeuplustôt.IlregardaMueen,

qui tenait toujours en joue les deux autres hommes. En fouillant rapidementMaggie, il trouva un

couteauàcrand’arrêtetunpetitBerettafixéàsacheville.IllesmitdansunedesespochesetretournaversDavid,quiétaitrestéplantélàets’apprêtaitàparler.—Jen’airienàtedire,saletraître,lançaMatt.—Oh,çava,Boomer.Tunevoulaisquandmêmepasqu’enplus,jefasseécriredanslecielqu’on

essayaitdetedoubler,rétorquaDavidens’efforçantdejugulerlemincefiletdesangquis’écoulaitdesablessure.—Dequoituparles?s’exclamaMatt.IldéchiralachemiseàcolboutonnédeDavidetlaluienroulaautourdelajambe.— Jeme suis arrangé pour déranger la position de tes chaussettes et de tes cintres pour que tu

saches que ta chambre avait été fouillée. Je t’aimême rencardé discrètement sur lemicro…Tu tesouviens,quandje t’aiditqu’ilfallait laisser traîner l’oreille?J’avaisdesordres.Impossibledetemettreauparfum,detedirequetuétaissurveillé.Mespetitscopainsn’apprécientpasvraimentqu’onleurdésobéisse.Maisalors,pasdutout.—Tuastuéunhomme.Unvieuxprofesseurquin’avaitrienàvoiravectoutça.Jesaisquec’est

toi.Tusavaisquec’étaitunvieuxmonsieuravantmêmed’avoirentenduparlerdelui,ajoutaMattentirantd’uncoupsecsurlebandageimprovisé.Davidpoussaungrognementdedouleur.—Jen’ai rien fait.Demandeàcesenfoirésd’Europede l’Est,dit-ilen jetantuncoupd’œilaux

hommesqueMueenétaitentraindeligoter.Ilsprennentdesphotosdeleursmeurtres.Ehouais…(Ilgémitets’appuyauninstantcontreMatt.)C’estpourleurbook…Histoiredeprouverqu’ilsontbienaccomplileurmission.Unesorted’albumsouvenir,quoi.Mattétaitsoulagé.Toutcequ’avaitracontéDavidluiparaissaitcrédible.C’estalorsqu’ilsentitune

odeurde…—Hé,mec,tun’auraispaspicoléparhasard?—Siseulement.BonDieu,siseulement,ditDavidenbaissantlatêteetensetaisant.Mattglissasonbrassouslesienpourl’aideràregagnersonvéhicule.Illepoussasurlabanquette

arrière.—Méfie-toid’elle…Lavoilàquiarrive,l’avertitDavidalorsqu’ilallaitrefermerlaportière.Et

enplus,ellealesclésdetacaisse.Mattseretourna.EtilvitMaggiequiserapprochaitdéjàdelacaravane.Harriet.Molly.Merde.Merde.Mattbaissalesyeuxsursamontre.Ilneleurrestaitpresqueplusdetemps.PendantqueMattetMueendétournaient l’attentiondeshommesquisurveillaient lesite,Mollyet

Harrietsefaufilèrentàl’intérieurdelacaravane.Quelqu’unlesavaitdevancées.—Jason?s’exclamaMolly.Qu’est-cequetufouslà?Ilétaitassissurlaglacière,penchésurl’ordinateurdeHarriet.Ilpleurait.—Jen’yarrivepas…jen’arrivepasàledéverrouiller.Jeneconnaispastonmotdepasse.—Etpourquoituessaiesdedéverrouillermonordi?demandaHarriet.—Katherinem’aobligéà le faire.Ellem’aditqu’elleme tuerait si jene le faisaispas.Elleest

dehors.Saufque…uneminute…commentavez-vouspurentrersansqu’ellevousvoie?Jesuisunhommemort,c’estça?Sonvisagesecontractaetilsemblaitsurlepointdebraillercommeunnouveau-né.MollyetHarrietéchangèrentunregard.—Toutvabien,Jason.Jesuislà,ditHarrietpouressayerdelecalmer.Iln’eutpasl’airdel’entendre.Ilsautadelaglacièreetfonçadroitverslapetitefenêtre.

—Oh,monDieu.Lavoilà.Illançadanssadirectionuncoupd’œildésespéré,puistournaledosàlafenêtre.—Ellearrive,s’écria-t-ild’unevoixtremblante.Ilfautquevousmesortiezdelà.— Explique-nous pourquoi tu as tellement peur d’une archéologue ? demanda Harriet. Si ma

mémoireestbonne,ellefaisaitpartiedel’équipeduprofesseurRapson,non?Enprononçantcesmots,elleserappelaquenielleniMollyn’avaientvudefemmedansl’équipe

duvieuxprofesseur.—Ellem’apromisunefortune,ellem’aassuréquesacompagniemedonnerait50000dollarsen

échangede tacarte. Jeneme rendaispascomptedudanger. (Ilnepouvaitdétacher sesyeuxde lafenêtre.)Jecroyaisqu’ellem’aimaitbien.Harrietsepostaderrièreluipouressayerdevoircelledontilparlait.Unefemmehabilléetouteen

noirs’approchaitdelacaravaneensetenantlebras.EllesetournaversMolly.—Jesupposequ’elleétaitdansunedesvoituresdepatrouille.—Elleestarmée.Etpasqu’unpeu.Elle…,hoquetaJason.Ellem’aenfoncésonflinguedans la

boucheetelleaappuyésurladétenteenmedisantqu’ellecontinueraitsonnuméroderouletterusseàmoinsquej’acceptedel’aider.—Il fautqu’on trouveunearme,déclaraHarrieten fouillant lacaravanedu regard.Ellenesait

peut-êtrepasquenoussommeslà.Mollyinspectalesplacardsvides,danslesquelsonn’avaitjamaispenséàmettrequoiquecesoit.

Envain.Elleseretournaethaussalesépaulessansunmot.—OK,ilfaudrasedébrouilleravecça,ditHarriet.Elledonnaplusieurscoupssouslesétagèresduplacardetréussitàlesdétacher.—Nous l’achèverons à coupsd’étagère s’il le faut, reprit-elle pour tenter d’apporter unpeude

légèretéàlasituation,quiserévélaitplusquedésespérée.Ellen’envoulutàaucundesdeuxautresdenepasrire.—Nemelaissezpasseuleavecelle.Jevousenprie,suppliaJason.Mollylevalesyeuxauciel,etHarrietvitquelajeuneétudiantesedemandaitcequ’elleavaitbien

puluitrouver.—Pasdepanique,Jason.Jet’aiamenéici,etjeferaitoutpourterameneravecmoi.Lepremiercoupdefeutiréparleurassaillantetraversal’undesmursdelacaravane,etpassaentre

HarrietetMolly.Ellessursautèrentetregardèrentderrièreellesletroulaisséparlaballeàl’arrièredelacaravane,avantdeplongerausol.MollyattrapaJasonparlebrasetl’obligeaàs’allonger.Etdirequ’ilsvoulaientachevercettefemmeàcoupsd’étagère…La porte s’ouvrit brusquement et Maggie surgit, armée d’un revolver qui semblait minuscule

comptetenudelapuissancedesontir.Lestroisarchéologuesseregroupèrentcommeilslepurentets’assirentsanslaquitterdesyeux.EllepressasonarmesurlatempedeHarrietet,sansunmot,fixasonregardsurlaporterestéeouverte.Harrietn’osaitpasbouger.Toutsoncorpsseglaçaetellesedemandasiellereverraitunjourson

foyer.

Chapitre25

Le cœur deMatt s’arrêta net lorsqu’il vit le revolver pointé sur la tempe deHarriet. Il songeaimmédiatementauximagesd’otagesquel’onvoyaitparfoispasserauxinfos.Seulementcettefois,lapersonnequigrimaçaitsouslamenaceétaitquelqu’unqu’ilaimait.Qu’ilaimait.Bonsang!—Je suis désolée,Matt,mais j’ai des ordres, ditMaggie d’une voix dénuée d’émotion. Je dois

récupérerlesinfosdecetordinateuretlesenvoyeràmespatrons,quiserontlàdans…(elleregardasamontre)dixheures.Mattjetaluiaussiuncoupd’œilàsamontre.Illeurrestaitvingtminutes.Ilfallaitréglerledétail

«Maggie».—Harriet,donneleportableàMaggie,ordonnaMattd’untonaussicalmequepossible.Enlaconvainquantderemettresonordinateur,ilespéraitqueMaggiebaisseaumoinssonarme.

Derrièrelecalmeapparentdesavoix,unefureursansnomluidévastaitlecœur.Commentose-t-ellemettrelaviedeHarrietendanger?—Je…jecroyaisqu’elles’appelaitKatherine!s’exclamaJason.Harrietignorasaremarqueettenditl’ordinateuràMaggie.— Je ne suis pas stupide. Et le mot de passe, c’est quoi ? Il ne le connaissait pas, dit-elle en

montrantd’unsignedetêteJason,quiétaitrecroquevillésurlesol.Aprèsuninstantd’hésitation,Harrietobtempéra.—«Dannyforever».«For»commelechiffre«4»,«four».Sansespace.EllecherchaMattduregard,maisildétournalesyeux.Merde.Iln’arrivaitpasàcroirequ’ilaitpu

êtreaussistupide.ElleétaittoujoursamoureusedeDanny,etriennepourraitjamaisl’arracheràsonpassé.Mêmesouslamenaced’unearme.Stop.Çavatroploin.Iltiraituntraitsurtoutecettehistoire.Harrietneseraitplusqu’unépisodecommelesautresdesonpassé.—Merci.Àprésent,vousm’excuserez,maisj’ail’ordredetousvoustuer.Ellelevasonarme,etMattsejetasurelle.Uncoupdefeuretentit,etsonvisagefutéclabousséd’un

liquidechaud.Sonsang?Est-cequ’ilétaittouché?Iln’avaitjamaisétéblesséjusque-là,maisilétaitsûrquec’étaitbienplusdouloureux.Il s’écroula sur Maggie, et il lui fallut une seconde pour recouvrer ses esprits. Avait-elle tué

quelqu’undanslacaravane?Ilseremittantbienquemalàgenoux.—Harry?—Toutlemondevabien,répondit-elled’unevoixdoucequitraversal’échomourantducoupde

feu.Ilregardaautourdelui.Maggieavaitététuéed’uneballeenpleinetête.Puisillevalesyeuxsurla

porte.Davidétaitsurleseuil,enéquilibresurunejambe,revolverpointé,celuiqueMattavaitlaissétomber lorsqu’il s’était aperçu queHarriet était en danger. Il lui fit un signe de la tête. David luiréponditdelamêmemanière.

—Maman,papa?Jepeuxlegarder?Molly avait vuDavid par la fenêtre. Elle devait être en état de choc.Dumoins,Matt l’espérait.

Sincèrement.Dixminutesplustard,Harrietétaitdebout, lesmainssurlabouche,pétrifiéed’horreur.Elleétait

incapable de faire face à l’étendue du drame qui venait de se jouer. Lorsqu’elle eut le couraged’ouvrir lesyeux, ellevit deuxhommesaffalésprèsd’unénormecratère en feuetdeuxmaresdesangdanslesquellesbaignaientleurscorps.Apparemment,ilsavaientétésoufflésparl’explosion.Dans le cratère sombre luisaient des braises incandescentes, et autour, quelques billets de

100dollarsenlambeauxbrûlaientencore.Mattétaitsursadroite,allongésur ledos,etdusangs’écoulaitdesesyeux,desonnezetdesa

bouche.Unvraifilmd’horreur.Mollyétaitàsespieds,pliéeendeux,commerévulséeparl’odeurdechaircarbonisée.HarrietimaginauninstantsaviesansMatt,etvitunesuccessiondejoursetdenuitssolitaires,que

desconquêtesd’unsoirviendraientparfoisbriser.Ellepourrait toujoursserefaireunnomdanssaprofession. Était-ce tout ce qu’elle attendait de l’existence ? Ou allait-elle prendre le risque dechanger?—Attendezencoreunpeu,murmuraMattàtraverslesangquiavaitcoagulésursabouche.—J’aimalauxgenoux,gémitMolly.LericanementdeDavidsechangeaentouxlorsqu’ilinspirauneboufféedesable.—Toutlemondesetait!s’écriaHarrietàtraverssesmains,déterminéeàmodifiertoussesmots

depasse.—Si je dois rester allongé à griller sous le soleil uneminute deplus, vous allezme retrouver

mort,ditDavid.—Jenetelaisseraipasmourir,roucoulaMolly,têtetoujoursbaissée.Harrietn’enrevenaittoujourspas.Ellevenaitdevivreletrucleplusdinguedetoutesavie,etelle

n’étaitpassûredepouvoirleraconteràquiconque.—Et…onpeutyaller,ditMattenserelevant.DavidseredressaàmoitiéengrimaçantetMollys’approchadelui.—Jen’arrivepasàcroirequeçaaitpumarcher.Commenttuaseucetteidée?demanda-t-ilàMatt.— C’était un leurre utilisé en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale pour tromper la

surveillance aérienne des Allemands, même si leur camouflage était un peu plus sophistiqué. Ontendait sur les toits qui avaient été pris pour cibles par la Luftwaffe des toiles en trompe l’œilreprésentant des cratèresdebombe.Lorsque les avionsde surveillancevenaient évaluer les dégâtsinfligés,lesphotosprisesmontraientlesdifférentsimpacts,etlesbombardiersallaients’enprendreàd’autrescibles.Iln’yaplusqu’àprierqueçamarcheavecl’imageriehauterésolutiondessatellitesenorbitebasse.—Ilnousresteencoreàévacuerl’argentavantqueMGLenvoiedesrenforts,intervintHarriet,en

espérantqueMattdaigneaumoinscroisersonregard.Maisildétournalesyeuxendirectiondel’endroitoùilsallaientdevoircreuser.Leleurreavaitété

installéàmoinsdecinqcentsmètres,aucasoùilsn’auraientpasletempsderécupérerl’argent.MattsetournaversDavid.—Tutesensd’attaque?David leva la main pour montrer qu’il avait recouvré toutes ses facultés, mais elle se mit à

trembler.

— Et comment, bon Dieu ! C’est nous, les maîtres démineurs, fanfaronna-t-il avec un grandsourire.Matt lui tendit la main pour l’aider à se relever. Pendant ce temps,Mueen avait fait venir cinq

ouvriers,quiavaientdéjàentreprisdecreuser.Ilsatteignirentleconteneurassezrapidement.MollyetHarrietdéchirèrentlesdrapssurlesquelsétaitgrossièrementpeintel’imageducratèredebombeetles enroulèrent autourdu conteneur.Surun côté, il avait été endommagépar l’explosionqui avaitprovoquélachutedel’appareil.—Vousferiezmieuxdevouséloigner.VouspouvezcommenceràchargerdansleSUVlematériel

quenousavonsapporté,maisrestezprèsdelacaravane,leurrecommandaMatt.Siseulementilpouvaitlaregarder,soupiraintérieurementHarriet.—Soyezprudents,dit-elle.Illacontemplad’unairimpénétrable.—Aucunsouci.Il tendit son poing en direction deDavid, qui vint le frapper du sien, et ils s’allongèrent à plat

ventrefaceàlabombe.Ens’éloignant,ellelesentenditrireetsebalancerdesvannestoutensemettantàtravaillersurle

dispositifdel’enginexplosif.Vingtminutes et sept années de plaisanteries à rattraper plus tard, la bombe était désamorcée et

l’argentchargédanslecamion.Davidétaitassisdanslesable,occupéàreprogrammerlesexplosifsavecsamontrecommeminuteurenvuedefaireexploserpourdebonleleurrequ’ilsavaientmisenplace.—Dèsnotreretour,jepasseraiuncoupdefilpourdénouertoutça,lançaMattsansentrerdansles

détails.—Est-cequ’onpeutdiscuter?interrogeadoucementHarriet.Elleavaitbesoindemettreleschosesaupoint.—Yep.—C’estausujetdumotdepasse.Desdeux,enfait.Jelesaidepuisdesannées…—Tun’aspasàtejustifier.Tuasétéplusqueclaire.Dannyétait…estl’amourdetavie.C’estOK.

Ilcomptaitaussibeaucouppourmoi.Maisiln’yapasmoyenquejejoueladoublured’unhommemort.Nonpasque tume l’aiesdemandé, bien sûr.Mais je croisque, àpartir demaintenant, il estpréférablequenotrerelationdemeurepurementprofessionnelle.Pourcequiestde…(ilfitungestecirculaire de lamain comme s’il cherchait sesmots) de tout le reste… eh bien, on n’a qu’à fairecommesiçan’avaitjamaisexisté.—Maiscen’estpascequejeveux,murmura-t-elle,unpeugênéeparlaprésencedepersonnesqui

déplaçaientdesobjetsautourd’eux.—C’estcequemoi,jeveux,Harry.Cedontj’aibesoin.Ilcroisasonregarduncourtinstant,avantderamasserdespellesetdelesenvoyerdanslecamion

surlesliassesdebillets.—Mueen,jecroisquenousauronsbesoindecespelles,cesoir.L’hommelesregardatouràtouret,lessourcilsfroncés,acquiesçad’unsignedetête.Le comportement deMatt avait changé du tout au tout. Son regard n’était plus aussi chaleureux

lorsqu’ilseposaitsurelle,etlejeunehommesemontraitbeaucoupmoinsempressé.Et,mêmesiellenel’avaitjamaissollicitédanscesens,toutescesattentionsluimanquaient.Lesbeauxjourslaissaientplaceàlafraîcheurdel’automne.

Elleallaittoutarranger.Elleluiferaitpartdesessentimentsplustard.Quandilsseraientvraimentseuls.Quandtoutecettehistoireseraitenfinderrièreeux.

Chapitre26

Matt s’arrangea pour ne jamais se retrouver seul avec elle. Dès leur retour chez le cheik, ils’enfermadanssonbureauencompagniedeMueenetpassaquelquescoupsdetéléphone.Pendantcetemps,Mueenprévenaitlesautoritésqu’ellestrouveraientlesdeuxassassinsprésumés

duvieuxprofesseurligotéssurlesitedecedernier,etdépêchaitquelqu’unàl’hôtelpourrécupérerles affairesdeMatt,MollyetHarriet.Matt luidemandaausside réserverunvolpour ledépartdeMolly le lendemain. Jason, lui, était retournéauMajestic en évitant de les croiser tant il se sentaithonteux.IlavaiteubesoindeHarrietaumomentleplusimportantdeleurmission.UncoupdefilàJenkslerassurasurlasuitedesévénements.Toutcequ’ilsouhaitaitallaitluiêtre

accordé.Soncommandantavaitvul’imagesatelliteetjuraqu’ilavaitététerrifiéenlespensanttousmorts. Il écrirait un rapport disant que la bombe avait explosé et avait détruit le conteneur. Mattn’arrivait pas à croire que sa ruse avait fonctionné. Il ne lui restait plus qu’une dernière chose àrégler.Deuxheuresplustard,Molly,Harriet,etDavidétaientdanslacourdelamaisondeMueenetAin

en compagnie de leurs hôtes. David, Mueen et Matt saluaient le cercueil en bois brut que quatremembresdelafamilled’Ain,souslasupervisionattentivedeHarriet,soulevaientdumassifdefleursaufonddujardin.Après l’avoir placé sur une petite table à roulettes, ils le firent rouler jusqu’à un gros camion.

Harrietdemandaàtoutlemondedereculerd’unpastandisqu’elleouvraitenpartielecouvercleducercueil.Envoyant ce qu’il y avait à l’intérieur, elle sentit tout son corps s’alourdir.Le lieutenantGrantMatherreposaitenpaix,sonuniformeintact,saplaquetoujoursattachéeàsachemise,etdesfleurs séchéescouvrant soncorps.Elle se retourna lentement et fit un signede tête àMatt, dont leregardreflétaitsonproprechagrin.Elleremitlecouvercleenplaceetreculaàsontourpendantque,àl’aidedesangles,onattachaitsolidementlecercueilpourqu’ilnebougepaspendantletrajet.Lecamiondémarra,et tout lemonde lesuivitàbordduvéhiculedeDavid. Il fallait se rendreà

l’évidence,elleétaitentraindeperdreMatt.Sicen’étaitpasdéjàfait.Ilnevoulaitpluslavoir.Ilavaitététrèsclairàcesujet,etellecomprenaitquecen’étaitpasparrancune,maistoutsimplementparcequ’elle avait tout fait pour qu’il ne croie pas qu’elle puisse éventuellement être amoureuse de lui.Leurs bagages, rassemblés par undes hommesdu cheik, étaient chargés dans le camion, qui filaitpourdebonvers l’aéroport. Ilne lui restaitplusqu’un jour…un jourde transitentredeuxavionspourtenterdelepersuader.Lepersuaderdequelquechosequ’ellenes’étaitmêmepasencoreavoué.MattétaitàjustetitrepréoccupéparsondevoirderapatrierlecopilotedeMueen.Iln’avaitencore

riendit,maistoutlemondesentaitqu’iln’allaitpasfaireétatdeMueendanssonrapport.Rapportqui,desonpropreaveu,n’iraitpasplusloinquelebureaudesoncommandant.Cela dit, Harriet ne se déclarait pas vaincue. En sortant du camion, elle subtilisa l’étiquette de

transportattachéeausacàdosdeMatt.Maissonadressepersonnellen’yfiguraitpas,yétaientjuste

inscritslenometlelieudesasection.Ceseraitsonultimerecoursaucasoùelleneparviendraitpasàluiparlerpendantletrajetduretour.IlsdevaientaccompagnertousdeuxladépouilleducolonelàDover,dansleDelaware.Elle,entant

qu’anthropologue,etlui,entantquechefdessauveteurs.LecommandantJenksavaitavertil’équipechargéedeprévenir les familles,et lesparentsducolonelviendraient les saluerà labaseaériennemilitairedeDover.Lorsqu’ils arrivèrent à l’aéroport de Bagdad, Harriet et Molly suivirent Matt et David dans le

terminal. Familles, amis, chauffeurs de taxi, ou quiconque voulant saisir l’occasion d’offrir sesservices aux voyageurs fatigués, l’affluence dans la zone des arrivées était fidèle au poste. Matts’arrêtabrusquementet,aprèsunbref instant, fitpasserHarrietdevant luipourqu’ellepuissevoir,telle lamer Rouge, la foule s’écarter au passage de quatre hommes. Ils avançaient avec lamêmeassurancequeMatt,lementonrelevéetlesregardsfixantl’assistance.Elleeneutlesoufflecoupé.Ils n’avaient pas revêtu l’uniforme,mais portaient tous lemême sac à dosmilitaire informe de

couleursable.Leleaderdugroupeétaitenpantaloncargoetenchemisehawaïenne.Ladernièrefoisqu’ellelesavaitvusensemble,c’étaitàl’occasiondesfunéraillesdeDanny.Elle

les revit dans leurs uniformes bleus, lorsqu’ils lui avaient présenté le drapeau qui recouvrait lecercueildeDanny.L’anciennesectiondeMatt.Lesquatremembresrestantdel’équipedel’EOD. Ilsétaientvenusapporterleursoutien.Elle sentit son cœur se gonfler d’amour pour ces hommes pour lesquels famille et honneur

passaientavanttout.Elleportasesdeuxmainsàsabouchedansl’espoirdejugulerl’émotionquesoncorpsnepouvaitpluscontenir.Ilsluiavaientditqu’ilsseraientlàencasdebesoin.Ellen’avaitjamaissongéàfaireappelàeux,maisilsétaientprésents,fidèlesaurendez-vous.Lorsqu’ilsaperçurentMattetHarriet, ils lesgratifièrentd’unlargesourire.Onlaissa tomber les

sacs, et l’on échangea des accolades et des tapes dans le dos. Le plus grand des quatre compritimmédiatementcequiagitaitHarriet.Ils’appelaitLiam…quelquechose.C’étaitceluiqui,àl’époque,luiavaitremisledrapeau.Enpleurant.Ilrestaimmobiledevantelleuninstant,etelleeuthontedeseslarmesetdesonnezquicoulait.—Bon sang,Marko, je sais qu’onne ressemble à rien,mais ce n’est pas une raisonde chialer

comme uneMadeleine. Attends d’avoir senti Justin. Il pue tellement que je te conseille de ne pasl’approcher.Moitiériantmoitiéhoquetant,Harrietluitenditlamain.—Audiableleslarmes,dit-ilenlasoulevantpourlaserrercontrelui.Çafaitdubiendeterevoir!IllareposaausolavantdereculeretdeluiprésenterdenouveauMark,Bill,etJustin,quiarborait

unetacherougesurledevantdesachemise.—Bloodymaryetturbulences,expliquacedernieràregret.—Merciinfinimentd’êtrevenuspournousaideràrapporternotre…cargaison…àbonport.Jene

saispasquoidire,dit-elle.Liamfronçalessourcils.—Tun’asrienbesoindedire.Quoiqu’ilarrive,ajouta-t-ilensebaissantpourramassersonsacet

lefaireglissersursesépaules.Ettoi!lança-t-ilenpointantDaviddudoigt.EspècedeDarkVador.Paraîtquetuespasséducôtéobscur.Illuijetaunregarddetravers.—Ouais,jesais,reconnutDavid,lesyeuxausol.—Ettutefaistirerdessusparunemeuf,enplus.Çavousestdéjàarrivé,àvous?demanda-t-ilen

regardantsestroiscamarades.

Toutlemondesecoualatête,etMattvintàlarescoussedeDavid.—JevousprésenteMueen. Il seravotreguidependantvotreséjour.Soyezsympas.Moi, jedois

raccompagnerunamichezlui.Leursvisagesredevinrentsolennels.—Bonvol,mec,ditLiam,entendantlamain.Aprèsavoirsaluéchacund’eux,Mattlesregardas’enalleravecMueen.DavidattrapaMollyetlui

parlad’unairintenseavantderejoindrelesautresenclopinant.AprèsavoirserréMattetHarrietdanssesbras,Mollysedirigeaverssoncharterquilaramènerait

auxÉtats-UnisviaParisavectoutlematériel.Matt conduisitHarriet de l’autre côté du terminal vers la zone d’enregistrement où, après avoir

montré leurs passeports, ils furent autorisés à pénétrer sur le tarmac. Des soldats s’occupaientd’acheminerlecercueilavecprécautiondanslasoutedel’énormeappareildel’armée.Harrietporta lesmainsà sesyeuxpour seprotégerdes rayonsdu soleil couchantet s’arrêtaun

instantpourlesobserver.Les soldats avancèrent lentement jusqu’à l’appareil, cercueil sur l’épaule. Elle se demanda s’ils

avaient procédé de la même façon pour lui ramener Danny. Cette pensée ne la déchira pas aussivivementqu’auparavant.Ilfaisaitpartied’elle,désormais.Lasouffrances’étaitatténuée,maisilseraittoujoursprésent.Commentn’avait-ellepasremarquéqueladouleurn’étaitplusaussivive?Quandavait-elle cessé de se réveiller en pensant à lui ? Ou commencé à envisager un avenir qui ne sedéroulepasdanslasolitude?Matt,augarde-à-vousàcôtéd’elle, regardait le lieutenant-colonelMatheravancer.Leurmission

était de le ramener dans son pays et de le rendre aux siens. Elle sentit quelques larmes perler enimaginantlaréactiondesesparentslorsqu’ilsallaientenfinleretrouver.EllejetaunregarddebiaisàMatt.Ilfaisaitvraimentunboulotdigned’estime.Honorable.Tandisquelecercueildisparaissaitdanslasoute,lasonneriedistinctivedutéléphonesatelliteque

Matt avait réquisitionné se mit à retentir. Harriet posa son sac et attendit qu’il réponde. Quelquespassagersmontèrentdansl’avionparlaramped’accèsarrière.Ilnefallaitpass’attendreàunservicede restauration sur ce vol. Elle se contenterait de la nourriture préparée par Ain et mise dans laglacière. Iln’yavaitpasdesiègespour lespassagers, justedesbancsavecceinturesdesécuritédechaquecôtédelacarlingue.PendantqueMattfaisaitlescentpas,elleessayadevoirletempsqu’illuirestaitpour…Ellen’avait

aucune idée précise de ce qu’elle allait faire. Convaincre Matt qu’elle n’était plus amoureuse deDanny?Àcemoment-là,elleentenditlafindesaconversation,etseglaça.—L’EOD?Oui,commandant.Çam’iraitcommeungant.Jemedisaisjustementquej’avaisenvie

derevenir…Oui,monsieur.Absolument.Jecomprends.Harrietavait le soufflecoupé.«L’EOD?» Il retournait bosserpour l’EOD?Comment était-ce

possible ? Son sang se figea. Elle ne comprenait plus ce qui lui arrivait. La punissait-on d’avoirenvisagél’aveniravecunautre?Lorsqu’ilraccrochaetpritleursdeuxsacs,elleposaunemainsursonbras.—TuquittesleJPAC?Sonvisagesereferma.—C’estconfidentiel.Çaneteregardepas.

Chapitre27

Au bout de quelques heures de vol, Matt avait la mâchoire douloureuse. Il essaya de respirercalmement et de se détendre, d’apaiser la tension qui faisait vibrer ses nerfs au rythme duvrombissementdesmoteurs.Ilseconcentraitsurchacunedesesrespirationsetsurchaquebattementdesoncœurpourmaîtriser l’angoissegénéréepar le fondsonore incessant.Harrietétaitassiseenfacedelui,del’autrecôtédel’appareil.Ellenel’avaitpaslâchédesyeuxdepuisqu’ilsétaientmontésàbord.Cequin’arrangeaitrien.NomdeDieu ! Il ne comprenait vraiment rien aux femmes. Il tourna la tête plusieurs fois pour

soulagerlatensionquis’étaitlogéeaussidanssanuque.Ilyavaitunedizained’autrespersonnesdansla zone des passagers, dont deux soldats en uniforme. Les autres, en vêtements de ville, devaientbosseràl’ambassadeoupourd’autresservicesdugouvernement.IlcroisaleregarddeHarrietetvitqu’elletentaitdésespérémentdecomprendre.Ilauraitsuffide

luidirequ’il retournait travaillerà l’EODpouraideràformer lesnouveauxtechniciens.Cen’étaitpastrèssympadesapart,maisilassumait.Ilangoissaitetilsepunissaitparcequ’ils’étaitautoriséàprendreplaisiràfairel’amouraveclafemmedeDanny.Cestroisdernièresannées,ilavaitpétélesplombsàdeuxreprisesparcequ’ilavaitvuDannymourirsoussesyeux.Cettefois,ilavaitdisjonctédeuxfoisenmoinsd’unesemaine.Àcaused’elle.Ilavaitconsciencede lapunirpourquelquechosedontellen’étaitpasresponsable,mais ilavait

besoin de s’éloigner pour s’empêcher de la toucher. Parce que bon Dieu, il ne comprenait paspourquoi,maischaquefoisqu’ilposaitlesmainssurelle,danssescheveux,qu’ilsentaitsa…enfin,bref,sasantémentaleluifaisaitfauxbond.Etilnepouvaitselepermettre.Ilvoulaitretrouversoncerveautelqu’ilétaitunesemaineplustôt,àlamêmeplace.Maisdequoi

parlait-il ? De ce no man’s land peuplé de corps de soldats disparus et de coups d’un soir sansintérêt?Ilsefrottalevisage.Putain.Putaindemerde.Sentantqu’on lebousculait légèrement, il leva la tête.Telleuneguerrière,Harriet avait traversé

l’espacequilesséparaitets’attachaitàcôtédelui.Merde.—Çava?demanda-t-il.—Ettoi?Tuesdevenufououquoi?s’écria-t-elle,desétincellesdanslesyeux.—Dequoituparles?grogna-t-il,commes’iln’ensavaitrien.Maisilsavaitcequiseprofilait,etilsepréparaauface-à-face.—C’estuneblague,cettehistoirederetournerbosserpourl’EOD?Tutrouvesçadrôleou…ou

c’estjusteunefaçondetevengerdemoi?—Commesimeschoixprofessionnelsdépendaientdetoi.Tuabuses,machérie.Elleneputs’empêcherderougir.—Est-cequecetteidéet’avaittraversél’espritavantcettesemaine?demanda-t-elleenhaussantle

ton.Il regarda les autres passagers. Deux aumoins profitaient de leur échange non sans un certain

amusement.Ildétachad’uncoupsecsaceinturedesécuritéetpointadudoigtl’avantdel’appareiloùsetrouvaitleseulespacededétente.LebruitdesmoteursseraitmoinsprésentetMattéviteraitdesedonnerenspectacle.Lorsqu’ilsfurentinstallésdanslecalmerelatifdelazonequiauraitaccueillilecoincuisinedans

unaviondeligne,iltentatoutdesuitedecoupercourtàladiscussion.— Je refuse de discuter demes choix professionnels avec toi. Ou de quoi que ce soit d’autre,

d’ailleurs.C’estcommeça.—Tum’enveuxtoujoursàcausedecettehistoiredemotsdepasse,c’estça?Jesuisdésolée.Ça

faitdesannéesquejelesutilise.Jen’aijamaissongéàenchanger.Jenepensaispasqu’ilspourraientaffecterquiquecesoit.Elleavaitparléd’unevoixdouce,àpeineperceptibleaveclevrombissementdel’appareil.L’effort

qu’ilfitpourl’entendreredoublasatension.—C’estlagouttequiafaitdéborderlevase,Harry.C’esttoutlereste.Tout.Lesrelations,lesexe.

Ça devrait être facile.Mais toi etmoi, c’est une autre histoire. Il y a trop d’obstacles. À tous lesniveaux, en plus. C’est trop compliqué. Tu es la femme de mon meilleur ami. Tous mes choixprofessionnelsontétéaffectésparlefaitquejel’aivumourirsousmesyeux.Etjedisbien,tousmeschoix.Quantàmesrelationsintimes,ellessontmotivéespar…Ils’interrompit,peuenclinàverbalisersonpassédedragueurimpénitent.Monpassé?L’aviontraversaunezonenuageuse,etparleminusculehublot,l’éclatintermittentdesrayonsdu

soleildevintaveuglant.Ilsemitàclignerdesyeux,etenunefractiondeseconde,ilperditlesrênesdesoncerveau.L’avionsemitàtanguer,etilessayadeprotégerHarriet.Ils’accrochaàsonbras.—Toutvabien,Matt.J’aicompris.IlsentitlafraîcheurdesdoigtsdeHarrietsursanuque,puissursonfront.—Çavaaller.Toutvabien.Lorsqu’ilouvritlesyeux,elleleregardait.Elleavaitl’airinquiète,maisilsesentaitbien.—Ques’est-ilpassé?Sesdoigtsquittèrentsapeauetglissèrentjusqu’àsesépaules,puissesbras.—Tut’esmisàtrembler,commesituétaisprisd’unefièvresoudaine.Çat’arrivesouvent?—Non…Jenesaispas,dit-ilensecouantlatête.— Je suis vraiment désolée. Tellement désolée. J’ai l’impression d’être la cause de toute cette

tensionetdetoutcestress.Maisçanesereproduiraplus.Jesuisdésolée.Jesouhaitaisjustetedirequejenevoulaispastefairedemal,nitedéstabiliser.Elleglissasamaindanslasienne.C’étaittellementagréable.Incroyablementagréable.Sonrythme

cardiaques’apaisaàcesimplecontact.—Tunem’asjamaisdéstabilisé,tun’yespourrien,c’estmafaute,réponditMattsimplement.Ilpressasamainetlarelâcha.Ilavaitbesoindes’éloignerd’ellepourretrouversesrepères.—C’estjustequec’esttroptôtpourmoi.Tucomprends?VoyantquelementondeHarrietsemettaitàfrémir,ilyposalamainpoursoulagerlasouffrance

qu’il lisait sur son visage, puis il lui caressa la joue. Il goûta le velouté de sa peau. Incapable des’arrêter, il prit sa joue dans samain et ferma les paupières lorsqu’elle tourna la tête et posa seslèvressursapaumepourl’embrasser.Ilétaitincapabledebouger,mêmes’ilvoulaitretourneràsaplace, boucler sa ceinture de sécurité, et recouvrer son équilibre mental. Tout son corps en avaitdécidéautrement.Ilattirasafigureprèsdelasienneets’inclina.Ses lèvres trouvèrent son front, et samain caressa ses cheveux. Il embrassa ses joues, puis ses

yeux,étonnédeslarmesqu’ilydécouvrait.Lebaiserqu’ildéposasurseslèvresn’étaitpasguidéparlapassion,niparl’ardeurdesonsexe.Maisparsoncœur.Soncœur,nomdeDieu.Ilprit sonvisageentresesmainsets’écartad’elle.Soutenantsonregardun instant, ilenregistra

chacune des sensations qui l’envahissaient, chacun des traits de la jeune femme. Comme pour lagraveràjamaisdanssonesprit.Illaissaretombersesmains,pritunelongueinspirationetpartit.Ilretournadirectementàsaplace,

fermalesyeuxetrespiracalmement,essayantdefaireabstractiondel’impressiondevidequis’étaitlogéaucreuxdesonestomac.Harrietchoisituneplaceàl’avantdel’appareilpouréviterd’avoiràregarderMattpendantlereste

du vol. Le rapide coup d’œil qu’elle lui lança avant de s’asseoir vint confirmer l’ambiguïté dessentiments qu’il avait à son égard. Il avait les paupières closes et semblait soudain parfaitementdétendu.Elleauraitaiméqu’ilselivre,maisapparemment,cequil’agitaitétaitencoretropdouloureuxpour

êtreexprimé.Peut-êtrequec’étaitmieuxainsi.Aumoins,elles’ensortiraitindemne.Ellepourraitentireruneleçon.Ilfallaitqu’elles’ouvreàl’amour.Unminimum,entoutcas.Ellen’enpouvaitplus.Elle ferma lesyeuxets’autorisaàse relaxer,bercéepar lesmouvements

légers de l’appareil qui la ramenait chez elle. Et ramenait le colonelMather aux siens, après tantd’années.Le grincement à l’ouverture du train d’atterrissage la réveilla. Elle déglutit profondément et

relâchalapressionàl’intérieurdesesoreilles.Ens’étirantpoursoulagerlatensiondesesmuscles,elle jetauncoupd’œilmachinalàMatt,quiparlait avecunmembrede l’équipageenmontrant lesautres passagers. Il devait certainement se renseigner sur le protocole à respecter pour évacuer lecercueil.Profitant du fait qu’il ne la regardait pas, elle l’observa un instant. Il avait l’air tellement fort,

tellementsûrdelui.Pourtant,elleavaitaperçulafailledanssonarmure.Peut-êtreenétait-ellemêmeàl’origine.L’avion atterrit, les passagers en civil furent aussitôt conduits dans une camionnette de la

compagnieaérienne.Onrelevalarampearrière,etl’appareils’avançalentementsurletarmacpourrejoindrelebâtimentprincipal.Harrietselevaet,désireusedenepasperturberl’instantsolenneloùl’onremettraitladépouilleducolonelàsesparents,ellesetintlepluspossibleenretrait.Larampearrièreréapparut,etunegarded’honneurdel’arméedel’airpénétradansl’avionpour

préparer le cercueil. Lorsque les soldats l’enveloppèrent dans le drapeau américain, l’émotion lasubmergea.C’étaitainsiqu’elleavaitretrouvéDannyàsonretourauxÉtats-Unis.Ellesefitencorepluspetiteetsesmainsvinrentcouvrirsabouche.Surtout,nepaspleurer.Surtout,nepaspleurer.Lagarded’honneursoulevalecercueiletdescenditlentementlelongdelarampe,tandisquetrois

soldats de l’armée de l’air saluaient le cortège. La solennité de l’instant la bouleversait. Mais çan’avaitrienàvoiravecDanny.Plusmaintenant.Non,aujourd’hui,c’étaitdevoirlerespecttémoignépar ces jeunes soldats à l’un des leurs et les honneurs qu’ils lui rendaient, alors même qu’ils nel’avaient jamais rencontré. C’était tellement émouvant. Combien de fois Matt avait-il assisté à cegenredecérémonie?Lecercueil fut installéavecsoinà l’intérieurdecequi ressemblait àuneambulancemilitaireet

conduitlentementjusqu’aubâtiment.Àcemoment-làseulement,Mattlaregarda.—Çavaaller?

—C’étaittrèsémouvant,répondit-elleaprèsunhochementdetête.Elleramassasonsacetsedirigeaverslui.—Nouspouvonsaccéderàl’arrièredubâtimentd’oùnoussommes,ets’ilslesouhaitentetparce

quenousavonsretrouvésoncorps, lesparentsdeMatherpourrontnousparler.Tucroisqueçavaaller?—Biensûr.C’estpourçaquejesuisvenue.Jecroisquej’aiun…unpointdevueassezuniquede

lasituation.Elle aurait juré qu’il avait tendu le bras pour lui offrir samain,mais il serra le poing et laissa

retombersonbras.—Allons-y,conclut-il.Ilspatientèrentdansunesalled’attenteaustèreavantquel’onvienneleschercherpourlesescorter

dansl’espaceréservéàlachapelle,àl’intérieurd’unesecondesalled’attente,meubléecettefoisdefauteuils et ornée de tableaux. Un couple endimanché se tenait la main en regardant le cercueilrecouvertdudrapeauaméricain.—MonsieuretmadameMather,jevousprésentelesergentMattStanningdenotreunitéduJPAC,

ainsiqueledocteurHarrietMarkowitz.Cesonteuxquiontdirigélesrecherchesetl’exhumationdevotrefils.Ilséchangèrentunepoignéedemain.—Mescondoléances,ditHarriet.MmeMathersourit.—Mercideleramenerchezlui,docteurMarkowitz.Etdeprendreletempsdeparleravecnous.—Appelez-moiHarriet, je vous en prie, répondit-elle. Je suis tellement heureuse de pouvoir le

faire.— Pouvez-vous nous donner des détails sur sa mort ? demandaM.Mather, la voix voilée par

l’émotion.Harrietjetauncoupd’œilàMatt.—J’aipeurquenous…— Je sais. Je sais.Grant n’aurait pas voulu que l’on brise le secret-défense. Je ne souhaite pas

savoircequ’ilfaisaitquandilestmort,maissimplementcommentilestmort.Mattsemblaitperdu,incapablederépondre.—Une personne d’une extrême gentillesse veillait sur lui lorsqu’il s’est éteint. Il était entre de

bonnesmains,jevouslepromets.Iln’estpasmorttoutseul.LementondeMmeMatherfrémitimperceptiblementlorsqu’ellehochalatête.—Merci.Mercidenousdiretoutça.C’esttrèsimportantpournous.Jevousassure.Plusquevous

nel’imaginez.—J’ensuistrèsconsciente.J’étaisexactementàlamêmeplacequevousilyaseptanslorsqu’ona

ramenémonmaridanscettemêmebase.—Oh,machère.Vousêtesbienjeunepouravoiraffrontécetteépreuve.Jesuisvraimentdésolée.

Au moins, nous avons eu le temps de faire notre deuil. Nous avons dû accepter que Grant nereviendrait jamais il y a de nombreuses années. (Elle posa lamain sur l’épaule deHarriet.) Il luirestaittellementdechosesàfaire,derêvesàaccomplir.Cegenredetragédienousrappellecombienlavieestcourte,àquelpointelleestprécieuse.Ellereniflaetsemitàclignerdesyeuxrapidement.Harrietchassaàsontourquelqueslarmes.—Vousaveztoutàfaitraison,répondit-elle.Jecrois…jecroisquejel’avaisoublié.

Au fur et à mesure qu’elle comprenait la portée des mots de Mme Mather, Harriet se rendaitcompteque, depuis ladisparitiondeDanny, elle avait été complètementpassive.Elle avait pris leschosescommeellesvenaientsansvraimentdéciderdequoiquecesoit.Unofficierduprotocolevintchercherlecouplequi,aprèsavoirpriscongé,laissaMattetHarriet

seulsdanslasalled’attente.Ellemitlesmainssurseshanches.—Etmaintenant?

Chapitre28

Elle le regarda d’un air pressant, mains sur les hanches et menton dressé. Comme pour leprovoquer.Lemettreaudéfid’écoutercequ’ilressentait,d’accepterunemissionquirisquaitdeleurbriserlecœur.—Jenepeuxpasêtreceluidonttuasbesoin,dit-il.Tuméritestellementmieuxquemoi,tellement

plusdelavie.—Ehbien,malgrémadocilitélégendaire,sachequetuastort.J’aibesoindetoi.(Ellefronçales

sourcils.)Non.Jen’aipasbesoindetoi.J’aienviedetoi.J’aienvied’avoirbesoindetoi.Merde,jem’embrouille.Enfin,c’est toiquim’embrouilles,Matt,etonn’apasbesoindeça.Jesuis justeunefemmequiveutêtreavectoi.Jemefichequenotrehistoireseterminedemain,oulemoisprochain,oul’annéeprochainesiondécidequec’estintenable,maisjepréfèremourirquedelaissertombersansmêmeavoiressayé.C’est…débile.Il avança d’un pas vers leminuscule bout de femme qui s’agitait devant lui, commemonté sur

ressorts.—C’estmoiquetutraitesde«débile»?dit-il,lasurplombantdéjàdetoutesahauteur.—Situtourneslestalonssansraisonvalable,oui,rétorqua-t-elle,tenace.—J’aidesraisons…—J’aidituneraisonvalable.Tuasentenducequecettedameadit.L’existenceesttropcourte.Oui,

çam’inquiètequeturisquestavieenretournanttravaillerpourl’EOD.Maisjeneveuxpasregretterunjourdenepasavoiressayé.Ilpassaunemaindanslescheveuxdelajeunefemmeetentouraunemèchesoyeuseautourdeson

doigt. Harriet était pour lui une vraie pile électrique. Puissante et indispensable, mais tout aussidangereuse.Enmatièrededanger,celadit,ilavaitl’habitudedegérer.— Je ne retourne pas vraiment à l’EOD. Enfin, seulement pour y enseigner. Pour entraîner les

pilotesàfairemieuxquenous.Pourfairemieux.(Ileutungrandsourire.)Pourfaireexploserencoreplusdecesenginsdemerde.—Vraiment?murmura-t-elle.—Vraiment.—Bon,ben,jecroisquejen’airienàajouter.—Tum’endirastant.Etqu’est-cequejedoiscomprendre?—Qu’iln’yarienentrenousquedeuxadultesnormalementconstituésnepuissentrésoudreetque

jenevaispassupportertesbêtisespluslongtemps.—Tucroisça?dit-ilensepenchantpourl’embrasserdanslecou.Ellesoupiraetpassalesmainsdanssescheveuxenpressantsoncorpscontrelesien.Ouais,ilétait

fichu.Ilnepartiraitjamaissanselle,oudumoins,sansunplanpourlaconquérir.Illasoulevadusol,labalançasursonépauleetsortitdelapièce.—Oùm’emmènes-tucommeça?

—Loindecettechapelle.J’aisuffisammentpéchécommeça.Illaportajusqu’àunbureaudeplanificationdesvols,heureusementencoredésertàcetteheure.Elle réussit à descendre de son épaule tant bien que mal, avant de lui adresser un sourire.Un

sourireravageur.Ill’enlaçaparlatailleetlaposasurlecomptoir.Deboutentresesjambes,ilpritsonvisageentresesmains.—Çanevapasêtrefacile.Autantteprévenirtoutdesuite.Ilfautquejeremettedel’ordredansma

tête.Etdansmavie.Elleleregardadroitdanslesyeux.—Lavien’apasététendreavecnous.Maisjeneveuxplusmecacher.Jeveuxquetufassespartie

demonquotidien.Mêmesic’estdur.—Tusaisquoi?dit-ilenbaissantlatêtepours’emparerdesabouche.C’estdéjàtrèsdur.L’éclatdesonriretandisqueseslèvrestouchaientlessiennesl’enivratoutautantquesonbaiser.

Épilogue

Deuxmoisplustard

Harriet tâtonna l’accoudoir de son siège pour brancher son casque. La voix sérieuse d’unprésentateur de journal télévisé était en train de parler lorsqu’elle réussit à enfoncer la prise jack.L’histoire de laMGL faisait la une depuis des semaines, et le gouvernement venait de révéler sesconclusionssurlesévénementsquis’étaientdéroulésenIrak.—Aprèsun incroyable retournementde situation, il s’avèreque laFondationMegellin, célèbre

organisationphilanthropique, était en fait lapropriété, par lebiaisdemultiples sociétés écrans,deMGLSecurity,unesociétémilitaireprivéefinancéeparlegouvernementpourassurerlasécuritéenIrak. Dans un communiqué délivré aujourd’hui par le ministre de la Justice, il apparaît quel’organisation caritative se servait d’archéologues renommés pour étudier d’anciens sites, ets’emparerdetouslesartefactsettrésorsainsidécouverts.Digned’IndianaJones,n’est-cepas?NousrejoignonstoutdesuiteCindyCarterendirectdeWashington,quis’entretientavecMollySolent,lajeunearchéologueayantcontribuéàlachutedeMGLSecurity…HarrietsouritetportaunemainàsoncœurenvoyantMollyapparaître,tellementphotogéniqueet

sûred’elle,àl’écran.Nepluslavoirtouslesjoursallaitluimanquer.Matt était revenu àBoston avec elle pour deux jours avant de s’envoler enFloride prendre son

posteaucentredeformationdel’EOD.Ilsseparlaientautéléphonedèsqu’ilslepouvaient,maiselleavait été très occupée avec la paperasse qu’il avait fallu remplir pour aider àmener à son termel’enquêteMegellin.Desoncôté,Mattn’avaitpaseubeaucoupdetempsnonplus.Oupeut-êtreétait-celadistancequidéjàaffectaitleurrelation.Harriets’endormaittouteslesnuitsenrêvantdelui,desesbrasquil’enlaçaient.Commentsavoirs’ilressentaitlamêmechose?Unepointed’inquiétudenaissaitenelle lorsqu’elleprenaitconsciencede l’énormitédecequ’elleétaiten traindefaire : risquerdebrisersoncœurpourunhommequinevoulaitpeut-êtrepasd’elleàtempsplein.Ils avaient évoqué le fait qu’elle le rejoigne en Floride, mais il ne le lui avait pas proposé de

manièreexplicite.Et lanouvelleHarrietn’étaitplusdugenreàattendreune invitation.Lavieétaitassezincertainecommeça.Inutiled’enrajouter.Ellen’avaitpaslechoix.Soitellepansaitlesplaiesdesoncœur,soitelleseconsumait.La vague était parfaite, et Matt se dressa sur la planche. Le bruit de l’océan devint inaudible

lorsqu’ilsemitàglisseràl’intérieurdurouleau.Cen’étaitpasunetrèsgrossevague,maisellel’étaitjusteassezpourl’apaiser.Ils’étaitremisausurflorsquesonthérapeuteluiavaitconseilléd’essayerlaméditation.Euh…non,merci.Lesurfétaituncompromissurlequelilss’étaientmisd’accord.Etçaavaitfonctionné.Chaquefoisqu’ilmontaitsursaplanche,ilsesentaitpurifié,corpsetâme.

Commesisacapacitéàfairefaceàsesdémonss’entrouvaitrenforcée.Lorsqu’il sauta de sa planche, prêt à retourner affronter une nouvelle vague, il l’aperçut sur la

plage, ses cheveux blonds dans le vent et les yeux posés sur lui. Purifié, peut-être, mais pascomplètement.Sonimaginationluijouaitencoredestours.Il secoua la tête et semit à ramer vers le large.Alors qu’il attendait la lame suivante, il ne put

s’empêcherde regarderdenouveauendirectionde laplagepourvoir si elle était encore là.Non.Biensûrquenon.Sonpsyluiavaitditquetoutcequilehantait,lamortdeDannyoulesflash-backsincessants, disparaîtrait peu à peu, mais pourrait continuer à se manifester au cours de rêvesd’apparence réelle.Des rêves qui l’assaillaient encore en permanence et dont il s’éveillait, le sexebrûlantdedésirpourelle–cequi lecontraignaitchaquematinaurituelde ladoucheglacée.Cetteapparitionnelesurprenaitdoncqu’àmoitié.Ellen’avaitpasdisparucommeil l’avaitcru.Elleétait toujourslà,maisassisesurlesable,cette

fois.Nomde…Ils’assitsursaplancheetmitsamainenvisièrepourseprotégerdel’éclatdusoleildanssesyeux.

Est-cequec’étaitvraimentelle?Ouétait-ceuneapparition?Merde,alors.Laprochainevague seformait.Ilseredressasursaplancheetselaissaramenerjusqu’àlaplage,sanslaquitterduregard,aucasoù…elleneseraitqu’unmirageouunehallucination.Ilsortitdel’eauetramassasonsurf.Aufuretàmesurequ’ilapprochait, ilétaitdeplusenpluscertainquec’étaitbienelle.Quandelle luisourit,ilcrutquesoncœurallaitexploser.—Tut’eségarée?lança-t-il,d’unevoixqu’ilespéraitnonchalante.Elleôtaseslunettesdesoleilpourempêchersescheveuxdecouvrirsonvisage.—Je…euh…jen’aipaspurésisteràl’appeldel’océan.Mattpritsaservietteets’essuyalafigure.—TuvisàBoston,non?OnditquelecapCodestagréableencettesaison.Iln’avaitpastort.Pasquestiondelouvoyer,cettefois.Ilnelalaisseraitpasfaire.Sielleétaitprêteà

s’engager,ilfallaitqu’elleledise.Mêmesi,aufonddelui,ilbrûlaitdelaprendredanssesbrasetdeneplusjamaislalaisserpartir.—C’estvrai,oui,répondit-elleenregardantlaplage.Maistun’yespas.Ileutdumalàretenirunsourire.—Non,c’estvrai.Elledéglutitavecpeine,etilsesentitcoupabledelafairesouffrir.Maiscequ’elleluiditensuite

valait…touslestourmentsdumonde.—Etjeveuxêtreprèsdetoi.Ellesoutintuninstantsonregard,avantdebaisserlesyeux.—J’aiconsciencequenousn’avonspaschoisilarapidité,maisleschosessontclairespourmoi.

Jeneveuxplusattendrelapossibilitéd’un«nousdeux».Jesuisprêteàm’engager.Chaquefoisqueje me projette dans l’avenir, que ce soit en Grèce, chez moi ou en vacances, tu es à mes côtés.Apparemment,jesuisincapabled’imaginerl’avenirsanstoi.Ilglissadeuxdoigtssoussonmentonetinclinasonvisageverslesien.—Alors,jeveuxêtreprèsdetoi,moiaussi.Le sourire rayonnant qu’elle lui adressa aurait pu illuminer la plage tout entière si la lumière

matinalenel’avaitpasdéjàéclairée.—Tuasprévuderestercombiendetemps?demanda-t-il,sanspouvoirdétachersonregarddeses

lèvres.—J’aiglisséquelquesBikini,deuxoutroisshortsettee-shirtsdansunpetitsacdevoyage,dit-elle

ensemordantlalèvre.Ilposasursonfrontunbaisertendre,maisimpérieux.

—Çadevraitallerpourquelquesmois,voireplusieursannées.—Parfait,répondit-elleenl’enlaçant.

REMERCIEMENTS

Jetiensàremerciertousceuxquim’ontaidéeàvérifierlesinformationsconcernantlesmissionsde l’EOD (Explosive Ordnance Disposal/Élément organique de déminage) et du JPAC (DefensePOW/MIA Accounting Agency). J’assume l’entière responsabilité des modifications effectuées aubénéficedel’intrigue.Merciégalementàtoutel’équipedeForever,LeahHultenschmidt,JuliePaulauski,FareedaBullert,

Elizabeth Turner, Megha Parekh, et Jamie Snider, pour leur patience et leur sens de l’humourinépuisables–heureusement!Àmonépoux,quim’a inspiré toute lasérieAlphaOps,àqui j’exprimeici toutemagratitudeet

toutmonamourpourlesoutieninfaillibleetlapatienceinfiniedontilfaitpreuve.J’adresse toutema reconnaissanceàRachelBruneetKristinGrimes,mespartenairesd’écriture,

soutien local à toute épreuve : merci pour les rendez-vous d’écriture et merci de m’avoiraccompagnéeàlabase…sansoublierlesgâteauxettoutlereste.Si lesaventuresdusergent-chefMattStanningvousontpluetsivousvoulezsoutenir lesForces

aériennesde l’arméeaméricaineet lessectionsdedéminage (EOD),vous trouverezà l’adresseci-dessous des informations sur les actions remarquables menées par la Fondation des combattantsdémineursenfaveurdesfamillesdeshérosdisparus:eodwarriorfoundation.org(siteenanglais.)Pourdes informationssur lesmissionspasséesetprésentesde laDefensePOW/MIAAccounting

Agency,chargéederetrouverlescorpsdesmilitairesaméricainsprisonniersdeguerreoudisparusaucombat:www.jpac.pacom.mil(siteenanglais.)

EmmyCurtisestéditriceetauteurederomansd’amour.Ressortissantebritannique,ellesoignesonmal du pays à coups de Cadbury Flake et de tourte à la viande Fray Bentos. Après avoir vécu àLondres,ParisetNewYork,elles’estinstalléeenCarolineduNord.Lorsqu’ellen’écritpas,Emmyadore voyager en compagnie de son mari militaire ou faire de longues promenades avec leurlabrador.

Dumêmeauteur,chezMilady:

AlphaOps:1.Sousl’uniforme2.Fouilleaucorps

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Titreoriginal:PushingtheLimitCopyright©2014byEmmyCurtis

Publiéavecl’accorddeGrandCentralPublishing,

NewYork,NewYork,États-Unis.Tousdroitsréservés.

©Bragelonne2015,pourlaprésentetraduction

Photographiedecouverture:©IllustratedRomance

L’œuvreprésentesurlefichierquevousvenezd’acquérirestprotégéeparledroitd’auteur.Toute

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ISBN:978-2-8205-2447-8

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