FONDEMENTS THEORIQUES ET SCIENTIFIQUES POUR UNE...

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FONDEMENTS POUR UNE NOU PROPO EDUCA S THEORIQUES ET SCIENTIF UVELLE POLITIIQUE DE L’EN OSITIONS POUR LA CREATION D’UN MINISTERE LIANT ATION ET SANTE DE L’ENFANT Do M Jean-M C FIQUES NFANCE ossier réalisé par : Frédéric Paulus, Marc Poumadere , Bruno Gavarri, Marie de Sigoyer, Chantal Jouvenot

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FONDEMENTS THEORIQUES ET SCIENTIFIQUES

POUR UNE NOUVELLE POLITIIQUE DE L’ENFANCE

PROPOSITIONS POUR LA CREATION

EDUCATION ET SANTE DE L’ENFANT

FONDEMENTS THEORIQUES ET SCIENTIFIQUES

POUR UNE NOUVELLE POLITIIQUE DE L’ENFANCE

PROPOSITIONS POUR LA CREATION

D’UN MINISTERE

LIANT

EDUCATION ET SANTE DE L’ENFANT

Dossier réalisé par

Marc Poumadere ,

Jean-Marie de Sigoyer,

Chantal Jouvenot

FONDEMENTS THEORIQUES ET SCIENTIFIQUES

POUR UNE NOUVELLE POLITIIQUE DE L’ENFANCE

Dossier réalisé par :

Frédéric Paulus,

Marc Poumadere ,

Bruno Gavarri,

Marie de Sigoyer,

Chantal Jouvenot

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SOMMAIRE

INTRODUCTION P 3 1) EDUCATION ET SANTE DES ENFANTS SONT LIEES P 4

La notion de « période critique » P 5

2) ARGUMENTS GENETIQUES P 6 Epigénèse et plasticité P 8 Individuation et homéostasie socioculturelle P 9

3) ARGUMENTS NEUROBIOLOGIQUES P 10

Fondements naturels de l’empathie et de la réciprocité : « Les neurones miroirs » P 11

4) ARGUMENTS HISTORIQUES ET SOCIOCULTURELS P 13

Médicalisation ou psychiatrisation des troubles de l’enfance P 14

5) ARGUMENTS PSYCHOLOGIQUES P 15 Un corpus riche et hétérogène construit dans un certain isolement P 16 Une ouverture liant humilité et indiscipline P 17

6) ARGUMENTS POUR UN CONTEXTE INSTITUTIONNEL NOUVEAU P 18 « Le mythe de la démission parentale » selon Bernard Lahire P 19 Des parents considérés comme « acteurs décisifs ». P 20

7) LES FONCTIONS PARENTALES :

UN ENJEU PUBLIC ET CITOYEN P 22 Susciter et accompagner le désir actif de changement Une impossible conclusion P 24

Références bibliographiques P 25

Annexes P 28

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Arguments et propositions pour la création d’un

Ministère liant Education et Santé de l’enfant Fondements théoriques et scientifiques

« Le nouveau-né possède en effet un équipement sensori-moteur encore incomplètement mature mais déjà fonctionnel, et surtout des possibilités insoupçonnées de traiter les informations qui font dire que le nouveau-né est compétent. En fait, tout cet équipement congénital est placé sous le signe de la communication : le nouveau-né est construit pour recevoir et envoyer des messages. Les adultes qui l’entourent, en particulier les personnages « maternant », on eux-mêmes une compétence complémentaire : ils sont très attentifs au comportement du bébé et spontanément extériorisent des comportements qui lui sont adaptés, et c’est dans cette dialectique que la compétence de l’enfant se confirmera, s’orientera et évoluera ». Brunel. M-L & Cosnier. J, (2012) L’empathie, un sixième sens, PUL

INTRODUCTION

L’équipe du CEVOI (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien) a l’honneur de vous présenter ses travaux qui suggèrent l’idée de création d’un Ministère de l’Education et de la Santé de l’Enfant. Ce Ministère reconnaîtrait le lien fondamental qui lie ontogénétiquement l’éducation et la santé de l’enfant, dès sa conception (Présentation du CEVOI annexe 1).

Ce nouveau Ministère confirmerait que les premiers acteurs qui engendrent éducation et santé de l’enfant sont les parents. Ce Ministère ferait du parent le centre de ses préoccupations et de ce fait serait au service du parent en tant que citoyen et pilier de l’éducation et de la santé.

Dans ce dossier nous justifions ce rapprochement entre éducation et santé en avançant des arguments étayés scientifiquement et se traduisant en termes d’actions innovantes.

Depuis 1980, nous avons mené des expérimentations dans le sens de l’accompagnement des parents dans leurs tâches et fonctions éducatives dans le cadre d’une association loi 1901 qui a pris le nom de « Maison des Parents et des Praticiens de l’Enfance » (1980-1985) (Annexe 2) qui avait été encouragée par Madame Georgina Dufoix (Annexe 3). Nous sommes intervenus auprès de parents de milieux défavorisés économiquement et culturellement (2003), Annexe 4), ainsi qu’auprès de parents dont leurs enfants adolescents faisaient l’objet de mesures judiciaires (2004) (Annexe 5). Toutes ces expérimentations, évaluées par ailleurs, ont

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permis de nous aider à progresser dans la définition d’alternatives en prévention primaire, à la fois pour permettre aux parents de se sentir responsables du devenir de leur enfant et d’en tirer une certaine fierté. Nous avons été également membre d’un collectif dans le cadre du REAAP (Réseau d’Ecoute, d’Accueil et d’Appui aux Parents de (2002- 2005) sous l’autorité de la CAF – Réunion (Annexe 6).

Nos expérimentations se sont déroulées dans un cont exte culturel qui ne faisait pas de l’approche des parents une priorité . Nous retenons que l’ambition de l’actuel gouvernement est de mener une politique favorisant « la réussite éducative » notamment. Nous nous réjouissons de cette volonté et suggérons une approche globale des parents qui ne pourrait que conforter cos objectifs dans ce domaine. Le risque de dissocier la réussite scolaire dépendante en partie de l’école, de la réussite psychologique (émotionnelle et relationnelle) dépendante en grande partie des parents constituerait un obstacle. L’approche globale liant « Parents et Ecoles » serait plus appréciée si les parents étaient reconnus comme acteurs essentiels et non comme de simples « partenaires » de la réussite de leur enfant. Cette reconnaissance, en même temps qu’elle créerait une structuration au niveau symbolique et imaginaire, devrait favoriser l’émergence d’une demande des jeunes parents à une meilleure connaissance des besoins de l’enfant en général et par déduction de leur enfant en particulier. Tout en gardant à l’esprit que chaque enfant est unique ; Ainsi les parents établiraient des liens entre éduc ation et santé par eux-mêmes, deux valeurs essentielles potentiellemen t mobilisatrices. Une telle alternative serait grandement facilitée auprès des jeunes et futurs parents qui peuvent avoir présent à l’esprit qu’attendre un enfant est un des plus forts moments d’une vie.

L’objectif de fond serait d’instaurer un processus de transformation du rapport à la vie que les parents engendrent lorsqu’ ils donnent la vie, processus favorisé et accompagné par la puissance publique, d evenant la mission centrale de d’un nouveau Ministère .

Ce dossier synthétise également notre expérience et les travaux du CEVOI et affirmons notre entière disposition pour transmettre d’autres éléments qui pourraient contribuer à enrichir la réflexion sur ces sujets.

1) EDUCATION ET SANTE DES ENFANTS SONT LIEES

Nous avons suggéré d’associer la santé et l’éducation et affirmons que les premiers acteurs en sont les parents. Ce Ministère serait dissocié du Ministère de la Santé qui retrouverait éventuellement l’appellation des Affaires Sanitaires et Sociales, et du Ministère de l’Education Nationale, qui deviendrait Ministère de l’Enseignement

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Publique pour un recentrage de ce dernier sur la noble tâche de l’Enseignement. L’éducation implicite et explicite qu’apportent les enseignants, surtout dans le primaire, ne pouvant pas se substituer à l’apport parental. Dans les collèges et les Lycées leurs dimensions « éducatives » se diluent dans la fonction d’enseignement.

Une meilleure connaissance des besoins fondamentaux des enfants guidée par les sciences après un effort de synthèse peut être de nos jours accessible aux parents. Et ce transfert d’information s’adresserait priritairement aux futurs et jeunes parents. Les thèmes portant sur la santé des enfants, leur réussite et pas uniquement scolaire pourraient plus facilement se déduire. Un changement profond dans ce sens toucherait dans un premier temps des parents déjà réceptifs a priori qui deviendraitent des « parents-relais » et simultanément il nous faudrait penser des « stratégies » pour toucher le plus grand nombre de parents. Nous aurons ultérieurement à définir les missions de ces parents relais.

Le seul fait de dissocier la réussite scolaire, dépendante en grande partie de l’école, de la réussite éducative (psychologique, émotionnelle et relationnelle) dépendante en grande partie des parents et de la famille élargie pourrait structurer l’émergence d’une demande des parents à une meilleure connaissance des besoins de l’enfant en général et par déduction de leur enfant en particulier. Tout en gardant à l’esprit que chaque enfant est unique… Ainsi pourront s’établir des liens entre éducation et santé, deux valeurs essentielles à la vie et tou t autant mobilisatrices des parents …

Concernant la santé, les médecins sont pour une part minime impliqués dans la prévention et la promotion de la santé globale de l’enfant, alors que l’essentiel de leurs activités s’exerce sur la lutte contre la maladie, et l’obtention d’une guérison quelquefois partielle. Distinction doit être faite pour les pédiatres réellement impliqués dans une prise en charge globale de la santé de l’enfant, et les services de PMI eux-aussi censés œuvrer dans une optique de prévention. Le grand changement de perspectives que nous proposons est celui de reconnaître que c’est bien naturellement sur les parents que repose la santé de l’enfant et cela dès sa conception.

La notion de « période critique »

Régulièrement des découvertes fondamentales démontrent la période critique que constituent les premières années de la vie. Ces découvertes scientifiques prouvent les influences implicites, tant génétique que sociale, qui interfèrent d’une manière masquée, dans la santé et l’éducation de l’enfant. Ces influences s’établissent trop souvent à l’insu de la conscience des parents et du bébé a fortiori qui, en plein développement, est donc très sensible aux stimuli qui risquent de le rendre vulnérable durablement dans sa santé et son psychisme. L’attention des chercheurs

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porte actuellement sur les processus du développement fonctionnel du cerveau durant les « périodes critiques », un domaine d’exploration qui mobilise bon nombre de chercheurs au niveau mondial, voir notamment (Johnson, M. H. (2005) (1) L’évaluation du stress durant la période prénatale fait également l’objet de nombreuses recherches (2). On considère que les influences environnementales précoces, et donc des sollicitations spécifiques ou (patterns particuliers) d’activité nerveuse perceptive sensorielle durant la période néonatale, se traduisent par une modification définitive des connexions nerveuses dans certaines régions du cerveau. La science du bébé, l’étude de son développement ne pourraient-elles pas se transmettre par tous les canaux de diffusion de l’information rendant ainsi consciente cette notion si essentielle de « périodes critiques », à préserver pour garantir un meilleur équilibre des nouvelles générations ? Cette notion de « période critique » sera abordée plus précisément sous différents angles ultérieurement.

Un des premiers actes fondateurs de ce nouveau mini stère serait d’impulser un large débat sur les besoins de l’enfant afin de reconsidérer les soubassements des cultures qui entourent l’enfant dès sa conception.

Pour soutenir notre démarche, souhaitons que l’adhésion de parlementaires de la Réunion, dont nous ne doutons pas, rencontre sur ce sujet l’approbation de leurs collègues parlementaires de métropole. De nouvelles perspectives de « refondation » de l’éducation et de la santé liant générosité à l’égard des parents et politique de prévention et d’économie de la santé pourraient s’initier alors en prenant en compte la richesse des diversités culturelles de chaque territoire. La Réunion apporterait ainsi sa contribution à la recherche d’innovations.

2) ARGUMENTS GENETIQUES

Depuis 1953, la découverte par Watson et Crick de l’ADN, molécule formée d’une double hélice constituée par l’enroulement de deux chaînes polynucléotidiques appariées en bases complémentaires et du code génétique on considère qu’ils sont responsables de la genèse des formes vivantes, (ou ontogénèse) qu’elles soient végétales, animales ou humaines engendrant la notion de « programmation » génétique. Ces « formes » étaient considérées comme relevant d’une programmation fixe, pour ne par dire « fixiste ». Et les différences, par exemple, dans notre forme humaine, petite taille, grande taille, forte corpulence, tempérament étaient aussi programmées d’une manière fixe, dans un contexte général où l’augmentation de la taille des individus entre les années 1900 et les années 2000 est liée aux facteurs socio-culturels (hygiène, pratique du sport, alimentation différente en glucides lipides et protides).

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Dans les années 80, une des premières brèches dans ces certitudes inhérentes au « programme fixe » fut la découverte clinique de plusieurs cas d’enfants souffrants de nanisme psycho-social présentés par la pédiatre, Ginette Raimbault par ailleurs chercheur à l’INSERM (3). Il s’agissait selon elle d’enfants carencés affectivement qui présentaient de petites tailles causées par ces carences. Cette information fit l’effet d’une bombe sans suite sur ses conséquences pratiques car les esprits des généticiens n’étaient pas ouverts à d’autres hypothèses sur la flexibilité des génomes et l’avis des cliniciens était considéré comme spéculatif.

Récemment le grand généticien Richard C. Lewontin après un premier livre intitulé : « Nous ne sommes pas programmés » publié dans les années 80 coécrit avec un neurobiologiste et un psychologue (4) réitère son initiative en 2003 par l’ouvrage : « La triple hélice, les gènes, l’organisme, l’environnement » (5).

Selon R. C. Lewontin, la double hélice de l’ADN devient « triple » en incluant l’environnement.

Il considère que, depuis longtemps, un ensemble de preuves démontre que l'ontogénèse (ou formation de l’organisme depuis sa conception) est la conséquence d’une interaction unique entre les gènes qu’il porte (ou l’ADN dont il a hérité), et la succession des environnements dans lesquels il vit au cours de son existence, et les interactions moléculaires fortuites au sein de chaque cellule. Ces interactions doivent être considérées pour rendre compte correctement de la formation d’un organisme. Nous devons dire que ces interactions sont complexes, innombrables, et sur ce point le savoir absolu bute pour comprendre la logique de ces interactions. Pendant longtemps, comme dans une sorte d’habitude langagière l’on a donc progressivement adopté l’idée que le programme génétique était immuable, sorte de patron comme celui qui guide la couturière et que les variations dans la forme des organismes étaient le résultat d’anomalies ou d’accidents du patron initial appelé « imago ».

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Epigénèse et plasticité

Récemment, Henri Atlan, dans la lignée de Lewontin, développe la thèse de « La fin du tout génétique » (6) et « L’ère post-génomique » (7). L’importance des variations génétiques lors de l’ontogénèse (sans sauter une génération) est dès lors nommée « épigénèse », ce terme indique que lors des interactions vues plus haut le génome s’adapte étant donnée sa plasticité potentielle en produisant un organisme adapté à son environnement. Chez l’être humain le phénotype est beaucoup moins contraint par le génotype que dans d’autres espèces animales. On croyait précédemment avoir un programme rigide (le patron de la couturière donne toujours le même vêtement quelque soit la couturière), on se trouve devant la plasticité génomique qui permet aux organismes de s’adapter. Les jardiniers qui font des boutures de rosiers par exemple créent des clones, et ils savent que si ceux-ci sont plantés dans des endroits différents en termes de terroir ou d’ensoleillement les rosiers seront différents tant dans leurs feuilles, leurs branches ou encore leurs fleurs. D’autres expériences menées sur d’autres plantes exposées dans leur ontogénèse à des altitudes différentes donnèrent des caractéristiques physiques différentes. Ces variations sont réelles et elles touchent la physiologie de la plante, qui rend compte du fonctionnement des organes. La transposition de ces constatations est applicable aux organismes animaux et humains. Concernant les nouveau-nés humains cette plasticité dès l’embryogénèse qui favorise l’adaptabilité fœtale peut être aussi une vulnérabilité comme nous le savons depuis plusieurs décennies, avec l’effet d’agression de l’alcool sur le fœtus ou l’effet de la radioactivité générant des malformations des nouveau-nés constatées à la suite de l’explosion de Tchernobyl, par exemple. L’hypothèse du nanisme psychosocial par carence affective avancée par la pédiatre devient plausible.

Sans malformation apparente, il y a une évidence qui n’apparaît pas comme telle et qui montre que cette plasticité dans le comportement du génome peut modifier plus ou moins durablement les capacités innées initiales au moins au niveau physiologique. De nombreuses expériences, provoquées expérimentalement ou à la suite d’accidents montrent que les aires cérébrales non sollicitées ou peu sollicitées perdent de leur fonctionnalité, tel un œil de pigeon non stimulé du fait d’une expérience qui aura collé la paupière d’un œil génère une cécité de l’œil correspondant. Ce qui fut nommé « période critique » : un sens non stimulé ou suivant des distorsions contraires à sa nature gardera des traces (ou séquelles) irréversibles.

Le 8 janvier 1800, un jeune humain est capturé dans l’Aveyron, il est nu, ne parle pas et se comporte comme un animal apeuré. Etudié par le médecin Jean Itar, cet enfant est plus connu par l’attribut « l’enfant sauvage » dont François Truffaut en tire un film. Abandonné, n’ayant pas entendu parlé, il aura perdu cette fonction. Il n’accède pas à la bipédie (8). Cet enfant illustre la dépendance de la biologie vis-à-vis de

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l’environnement qui ne se suffit pas à elle-même pour devenir humaine. Ceci informe que les neurones miroirs notamment, impliqués dans le phénomène de l’empreinte liée au milieu, stimulés suivant un « code » de l’environnement interférant dans l’ontogénèse génèrent la tendance à reproduire dans une certaine mesure le code qui l’entoure et structure l’ontogénèse. Cet enfant « sauvage » se comportait comme un animal.

La notion d‘habitus culturel qui rend compte de notre façon d’être, de penser et d’agir en rapport avec notre milieu social, avancée par le sociologue Pierre Bourdieu peut être élargie à la biologie rajoutant l’idée d’habitus physiologique interférant dans notre être. On parle d’identité suivant un sens incluant la biologie ou encore d’individuation si l’on veut tenir compte de cette plasticité qui cherche à renouveler notre identité jusqu’à notre mort cellulaire. Comme nous l’avons vu la plasticité génère sur la formation des organismes des variations adaptatives, un organisme placé dans un environnement favorable à sa vie sera plutôt « dilaté », bien ventilé, bien irrigué donc bien nourri, etc. A contrario un organisme agressé sera en vasoconstriction, tendu, rétréci, (comme par nanisme psychosocial) et là nous bousculons dans le registre des maladies dites du stress. On ne se remet pas de situations extrêmes disait Hans Selye l’inventeur de la notion de stress, il associait le stress (suivant la définition : « toute demande faite à l’organisme ») à une « énergie d’adaptation » sans pouvoir en dire plus organiquement. « Quelque chose s’épuise » disait-il !

En dehors de périodes critiques, cette plasticité a aussi la faculté de compenser un handicap tel que, par exemple, l’acuité tactile chez les aveugles décrite dans « Une archéologie du toucher », par Daniel Heller-Roazen, (2011), (9).

Individuation et homéostasie socioculturelle

Les déductions que nous extrayons maintenant avec le neurobiologiste Alain Prochiantz (10) nous renseignent sur le processus d’individuation qui s’opère à l’intérieur de nous. Ce processus nous permet de faire face dans une certaine mesure aux exigences adaptatives de la vie en société. Des facultés de déprogrammation – reprogrammation appelées homéostasie peuvent compenser les blessures et les dysfonctionnements physiologiques, connues pour les cicatrisations et la régénérescence de certains tissus lorsque ces lésions ou ces dysfonctionnements physiologiques sont mineurs en dehors des périodes critiques irréversibles, vues plus haut. Une voie de recherche prometteuse avancée par le neurologue Antonio Damasio serait d’envisager la poursuite de cette individuation génétique et épigénétique par cette homéostasie élargie sur le plan psychique par le vecteur culturel, qui prend le qualificatif d’homéostasie « socioculturelle ». Damasio

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dit : « Sous divers formes, les développements culturels se caractérisent par le même objectif que le type de d’homéostasie (biologique). Ils réagissent à la détection d’un déséquilibre dans le processus vital et ils cherchent à le corriger dans le cadre des contraintes de la biologie humaine et de l’environnement physique et social », (2010), p 354 (11). Cette conception qu’on pourrait qualifier : « d’au-delà du gène » est liée au dépassement du dogme du « tout-génétique » remis en cause par les biologistes eux-mêmes (Lewontin, Atlan, Prochiantz notamment), dès lors la construction du vivant est envisagée comme une dynamique complexe où les gènes ne sont qu’un élément parmi les facteurs épigénétiques . Ceux-ci se définissement comme étant la part d’influence culturelle et environnementale sur le génome dont on ne peut évaluer a priori sa flexibilité. La flexibilité génomique ne se constate qu’a posteriori, aux travers des comportements. (Voir (12), « Le gène généreux » de Joan Roughgarden (2012). Aux gène « égoïste » elle avance son opposé le gène « généreux ».

Il nous faudrait tenter d’évaluer déductivement l’impact de la culture et de nos habitudes de vie perçues par les yeux des nouveau-nés stimulés dans leurs « neurones miroirs », avant qu’ils ne parlent et ne marchent, période que l’on considère comme critique pour ensuite penser la prévention (ou la préservation de la santé). La création du Ministère que nous suggérons, considérée comme une réponse préventive pourrait être assimilée à une initiative « d’homéostasie socioculturelle » (expression de Damasio) qui viserait à prévenir le mal être possible des enfants dès le plus jeune âge pour éviter des influences épigénétiques délétères.

3) ARGUMENTS NEUROBIOLOGIQUES

Nous avons voulu nous concentrer sur les questions relatives aux interactions entre le nouveau-né et ses parents, son environnement proche. Nous attirons l’attention à propos d’interactions s’organisant autour de sa vue.

Le nerf optique en traversant le cerveau du bébé lui transmet les informations captées par ses yeux. Sa vue lui permet de voir à distance et contribue grandement à son adaptation. Alors que 90 % des fibres du nerf optique aboutissent sur l’aire occipitale dévolue à la vue, les 10% des fibres restantes (soit environ 1,35 millions de fibres) convergent à la fois, vers : - les colliculi supérieurs qui permettent d’avoir des mouvements du regard rapide et précis, - et les amygdales qui sont considérées comme « le cœur et l’âme du système émotionnel cérébral » et c’est peut-être selon le psychologue Christian Marendaz (13) par cette voie que « le bébé apprend à regarder le regard d’autrui et à construire le socle de sa relation à l’autre ». Sans les amygdales, lors d’accidents cérébraux qui suppriment leur fonction, la lecture des

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expressions émotionnelles exprimées par le visage est entravée. Si nous devions élargir la fonction de cette partie du cerveau central appelée « système limbique » où se trouvent les amygdales lorsque l’on voit, entend ou sent les perceptions sont chargées émotionnellement, ce qui veut dire que le nouveau-né perçoit les influences de l’environnement qualitativement, en termes « agréable » ou « désagréable » avant même de comprendre le pourquoi de ces qualités émotionnelles opposées. Le neurobiologiste Joseph Ledoux (14) explique par exemple qu’un reflexe de peur peut être généré par cette voie avant que le cerveau n’ait eu le temps d’analyser les raisons objectives de cette peur. Les émotions appréhendées suivant la valeur et le contexte du stimulus lorsqu’elles sont ressenties comme éprouvantes donc désagréables, chez une personne adulte ou un animal mobile déclenchent la fuite ou la lutte, a contrario, en cas d’inhibition, comme c’est le cas chez le nouveau-né humain ne pouvant ni fuir ni lutter, les émotions se somatisent par des accélérations cardiaques et pulmonaires, pour les plus visibles, mobilisant toute la physiologie par des réactions métaboliques, endocriniennes et végétatives. Lorsque la situation perdure il y a inhibition prolongée et le bébé peut tomber malade organiquement et psychiquement, le corps et l’esprit appartenant à un même ensemble. On évoque alors les physiopathologies décrites par Henri Laborit (15).

Fondements naturels de l’empathie et de la réciproc ité : les neurones miroirs

Après quelques mois, d’autres structures nerveuses présentes dès la naissance du bébé, le rendent capable d’intégrer les perceptions issues de l’environnement provoquant des émotions et de ressentir d’une façon plus circonstanciée son environnement proche. Parmi ces structures on trouve les « neurones miroirs », qui on été initialement découvert dans le cortex prémoteur du singe (une région impliquée dans la programmation des mouvements volontaires) ces neurones ont été découverts par une équipe italienne de neurophysiologistes, Giacomo Rizzolatti & son équipe (16). Dans un premier temps on a cru que des nouveau-nés de quelques jours pouvaient imiter les expressions faciales d’adultes. Le grand philosophe Merleau-Ponty en 1945 (17) avait déjà remarqué qu’un « bébé de quinze mois ouvre la bouche si je prends par jeu l’un de ses doigts entre mes dents et que je fasse mine de le mordre ». Ceux sont les neurones miroirs qui permettent de ressentir instantanément ce que l’autre qui est devant soi ressent. Ils constituent une découverte essentielle pour comprendre l’autre comme « un autre soi même », son alter ego, et quand il s’agit du bébé, nous pénétrons dans la sphère considérée comme subjective sur laquelle les théories comportementalistes et même certains développements des sciences cognitives se sont fourvoyés dans des considérations intellectualistes excluant l’approche de l’être humain à la première personne, ce qui devient possible avec les neurones miroirs.

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Progressivement, après la découverte de ces neurones miroirs, la notion d’empathie fut évoquée et grandement étudiée. Par « empathie » on désigne la capacité discriminatives de ressentir ce que l’autre ressent afin de savoir ce qu’il éprouve, capacité que nous partageons avec les primates et certains mammifères. Les capacités discriminatives du bébé (18) basées sur son équipement sensoriel et neuronal lui permettraient d’évaluer l’aspect agréable ou désagréable des situations où il est impliqué. De très nombreuses recherches convergent depuis ces dix dernières années vers cette nouvelle perception. Le bébé serait comme un « psychologue » Roger Lécuyer (1989) (19) doté d’un sens aigu discriminant : ce qui est agréable est synonyme de bon donc de bien pour lui, ce qui est désagréable de mauvais, donc de mal. Ces capacités fonderaient également, selon les éthologues, le sens moral du bébé (David Premack par exemple, 20)

Evoquons maintenant ce qu’est « l’ontogénèse de l’empathie », Jean Decéty (21), en partant du nouveau-né centré sur son regard, en faisant l’impasse sur la période prénatale durant laquelle l’empathie s’étaye progressivement. L’empathie doit être différenciée de la « contagion émotionnelle », qui fait qu’un bébé se met à pleurer en entendant ou en voyant pleurer un autre enfant. L’empathie permet la sympathie qui implique un sentiment altruiste. Comprendre en se mettant à la place d’autrui le chagrin qu’il éprouve n’implique pas qu’on le partage ou qu’on cherche à le soulager dans un mouvement de sympathie lié à l’altruisme. L’empathie permet indirectement la simulation mentale , l’enfant plus âgé va gronder ses poupées en imitant les reproches que lui ont adressés ses parents alors qu’il s’identifie à eux. Toutes ces capacités innées vont être mises à l’épreuve et être influencées par l’environnement de façon que le nouveau-né en prenne progressivement possession. Nous pensons que ces dispositions innées si elles se développent selon leurs déterminations naturelles favorisent une cascade de conséquences favorables à l’éveil de l’enfant. Si elles sont reconnues par l’environnement elles sont encouragées, confortées et rendre les enfants heureux de se les approprier, car ils sont susceptibles de ressentir par réciprocité que l’environnement leur est sensible. C’est ce qui est évoquée par la métaphore chère à Robert Misrahi dans « la construction du bonheur » (22). C’est ce que nous illustrons par : « la richesse sensorielle et perceptive entraîne la richesse organique et psychique», ou encore « la réussite entraine la réussite » Frédéric Paulus (22) lors d’une éducation fondée sur les sensations.

Les conséquences de la découverte de ces capacités d’empathie est selon nous troublante si nous nous mettons à la place d’un nouveau-né qui ressent que son parent est triste, par exemple. Cela ne veut pas dire qu’il comprend la tristesse de son parent. Cette tristesse ou d’autres états mentaux, il va les ressentir sans pouvoir s’en protéger. C’est cela qui est troublant !

A l’âge où l’enfant, en pleine période critique, ne peut ni fuir ni lutter, il nous paraît important de le protéger de ces perceptions d’émotions qui pourraient entraver son

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développement en rendant les parents conscients de la vulnérabilité de leur enfant. Ainsi les parents pourraient-ils par eux-mêmes envisager une transformation de leurs attitudes et s’y préparer peut-être même avant d’être parent : « un homme averti en vaut deux ! ».

Lorsque l’enfant est plus grand, il peut par empathie manifester un comportement d’aide vis-à-vis de ses parents, il aura dépassé la période critique qui risquait de le plonger dans un désarroi profond, là l’enfant ne subit plus son environnement, il développe un rapport actif avec celui-ci, c’est ce rapport actif à l’environnement qui correspond à notre définition de la santé : « désir, plaisir, rapport actif avec l’environnement ».

Toutes ces informations et bien d’autres sur le développement de l’enfant pourraient être rendues accessibles aux parents. Il demeure toutefois des obstacles praxéologiques à dépasser. Les scientifiques éclairent de nombreuses zones d’ombre, sur le fonctionnement du cerveau, l’éveil du bébé, son développement, sans être incités à diffuser leurs découvertes lorsqu’elles sont fiables. Nous pensons que ces informations devraient être popularisées et diffusées, particulièrement auprès des futurs et jeunes parents . C’est là que nous situons la vocation d’un nouveau Ministère liant Education et Santé de l’enfant.

4) ARGUMENTS HISTORIQUES ET SOCIOCULTURELS

La famille telle que nous la connaissons réduite à la mère au père et à l’enfant a son histoire Voir Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’ancien régime, 1973. (24) Elle s’est rétrécie avec l’ère industrielle et l’urbanisation et en même temps appauvrie sur le plan humain. La Réunion si elle s’est trouvée relativement épargnée de cette évolution subit ou risque de subir les changements culturels qui sont liés à ce rétrécissement.

On peut dire que la famille nucléaire peut être considérée comme porteuse du meilleur, comme du pire. Dans les années 70, un courant idéologique antipsychiatrique annonçait ou prédisait (ou souhaitait ?) « La mort de la famille » David Cooper (25). A la même époque une étude promue par Jean Stoezel (1972) montrait que la famille était majoritairement appréciée et par temps de crise elle constituait même une valeur « refuge » selon Marie-Josée Chombart de Lawe. On aurait tort de considérer ces deux positions comme contradictoires, elles montrent selon nous la complexité de l’entité « famille » et notre difficulté à en définir son apport tant il serait complexe. Toujours est-il que la famille se réduit de nos jours aux parents et aux enfants tout en constatant l’essor du nombre de familles monoparentales et des problématiques grossesses adolescentes (26)..

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Etant données nos implications professionnelles, nous pouvons affirmer que la famille porte dans ses fonctions le socle des bases de l’éducation et de la santé de l’enfant. Les équipes de santé mentale savent que lorsque la famille dysfonctionne durablement les enfants élevés dans de tels contextes peuvent rencontrer des difficultés allant du simple retard cognitif jusqu’aux troubles graves de la personnalité. Intervenir lorsque les situations se sont quelque peu figées nécessite des pratiques délicates qui exigent un véritable professionnalisme. Ces prises en charge génèrent des soins onéreux dont ils seraient souhaitables d’évaluer à la fois l’efficacité, et les coûts. Maurice Berger « L’échec de la protection de l’enfance », 2004 (27).

Le mal être affectif, social et/ou culturel d’un ou des deux parents peut engendrer un mal être émotionnel et affectif et/ou culturel chez leur enfant. Il n'est pas dans notre culture de se livrer à un « chek-up » de la santé mentale de la famille ou des enfants qui fréquentent habituellement les consultations de médecine générale. Un parent qui n'aura pas été suffisamment aimé, soutenu lors de ses pertes de confiance durant son enfance, risque de garder une trace handicapante plus ou moins marquée, qui va devenir inconsciente. Hélas, cette trace risque de devenir nocive pour l’éducation et/ou la santé de l'enfant.

Médicalisation ou psychiatrisation des troubles de l’enfance

Il nous semble que la « logique » culturelle des politiques publiques face à ce constat aura été de pratiquer la politique de l’autruche. La médicalisation ou la psychiatrisation des troubles de l’enfance aura comme conséquences d’occulter les causes historiques et socioculturelles de ces troubles. Nous n’avons pas besoin de rappeler que les français sont les premiers consommateurs d’anxiolytiques. Pire, une idéologie émerge qui souhaite compenser les désordres psychosociaux ou handicaps socioculturels de certaines familles très souvent jugées a priori négativement en développant la possibilité d’accueillir les enfants le plus tôt possible à l’école, afin de les soustraire à leurs parents au moins durant le temps de scolarité. Ce jugement fait écran à une éventuelle tentative de compréhension des difficultés de ces parents. D’autres dispositifs par la protection de la jeunesse visent à introduire un accompagnement éducatif en milieu dit « ouvert ». Très souvent ces mesures pertinentes a priori agissent dans l’urgence lorsque le « mal » est établi sans qu’une approche globale n’ait été pensée impliquant les parents dès la conception de leur enfant.

Nous préconisons d’informer les futurs parents dès le collège et le lycée, de façon à développer chez eux les conditions de réceptivité afin de les rendre perméables aux réactualisations de ces informations, une fois ces jeunes en situation de mettre au

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monde un enfant. Acte qui peut être considéré comme l’acte le plus important d’une vie !

Une éthique dans le transfert des connaissances portant sur l’éveil de l’enfant à naître dès sa conception sera à penser collectivement avec des scientifiques et des parents afin de mettre en place et expérimenter ces programmes. La démarche d’appropriation de ces informations conduisant à ces connaissances nouvelles devra être réfléchie afin d’éviter les risques de normalisation, pire d’imposition de pratiques éducatives et de santé qui ne passeraient pas d’abord par une appropriation des parents. Ce point mérite d’être soulevé dès à présent afin d’en trouver une déontologie.

La mise en place d’une politique de prévention primaire, évitant que la cristallisation des phénomènes décrits au dessus ne survienne, sera une des missions de ce nouveau ministère

« L’activité perceptive peut être une source de construction de l’intelligence largement sous-estimée durant une longue période, faute de moyens pour tester les capacités perceptives des bébés », Roger Lécuyer, (1989), Bébés astronomes, bébés psychologues, Mardaga, p 124 (19).

5) ARGUMENTS PSYCHOLOGIQUES

Au XIXème siècle, la psychologie fait partie intégrante de la philosophie. Au XXème, elle s’en distingue pour faire du comportement humain son objet de recherche sous tous ses aspects psychiques, normaux ou pathologiques. On a de nos jours de plus en plus recours à ses praticiens dans les établissements d'enseignement, les hôpitaux, dans les entreprises, ou bien, lors de situations traumatisantes d'accidents ou de catastrophes naturelles, etc. Leur rôle, selon le cas, est de tester, d'analyser des situations, de tenter de repérer des problèmes et d'aider à franchir des caps éprouvants.

Du fait de son « objet » à la fois complexe et vaste, il a fallu délimiter les champs d’intervention de la psychologie, ce qui créa des approches différenciées par les méthodes et les présupposés. En Europe, pour s’en tenir là, deux écoles se sont imposées majoritairement, on aurait pu penser qu’elles vivraient leur essor dans la complémentarité, ce ne fut pas le cas. Deux noms ont émergé dans cet univers, le psychanalyste Sigmund Freud (1856-1939) pour l’exploration de la vie affective déduite de la pathologie névrotique, et Jean Piaget (1896-1980) pour l’étude du développement génétique de l’enfant. Ce dernier adopta les principes

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méthodologiques des sciences de laboratoires en étudiant l’enfant normal (ou en bonne santé) derrière une vitre, dans les crèches, pour ne pas interférer sur « l’objet » étudié. En fait, Piaget observait et étudiait aussi beaucoup parallèlement à ses recherches en laboratoire ses propres enfants.

Les psychanalystes au « chevet » du malade quant à eux se réfèrent toujours de nos jours, dans leur grande majorité, au modèle élaboré par Freud et réactualisé en France par Jacques Lacan (1901-1981).

Un corpus riche et hétérogène construit dans un cer tain isolement

Il n’est pas le lieu de proposer une analyse historique exhaustive pour mettre en évidence un cloisonnement et un isolement. Celle-ci serait cependant utile pour prendre du recul sur cet ensemble culturel de la psychologie qui parait à la fois riche et hétérogène. Nous voulons apporter une critique pour mentionner qu’étant donné le caractère extrêmement complexe de l’abord de l’être humain, aucune école, ou aucune théorie ne peut prétendre répondre aux critères de scientificité, tels qu’ils permettent de définir le savoir objectif issus des recherches fondamentales. Alors que ce dernier, dans l’approche singulière d’un être humain à la première personne, n’est pas directement utilisable car il lui faut tenir compte de l’approche justement singulière, lorsque l’on tente d’en extraire des éléments pour guider des pratiques (par exemple éducatives ou soignantes) sur une personne dans son individualité. De plus, les professionnels de ces champs de savoirs savent que les données scientifiques ou les théories qui recherchent des cohérences sont provisoires, donc, en attente d’être réfutées ou de se déconstruire pour se reconstruire régulièrement. Ce qui oblige à une certaine humilité.

On pourrait dire que la psychologie est victime de son succès étant donné le vaste ensemble de ses domaines d’intervention. Par réaction, les praticiens de la psychologie peuvent ressentir un malaise en constatant l’ampleur de ces domaines et l’isolement dans lequel ils sont placés, cela dès leur formation initiale. La psychologie s’enseigne en effet en facultés des lettres et sciences humaines alors que ses champs d’interventions touchent tous les aspects de la vie humaine. Autre point qui suscite un certain isolement culturel, au-delà de la formation, c’est celui de la déontologie des psychologues qui les rapproche de celle des médecins. De ce fait, ils ne peuvent pas facilement défendre des idées généralistes, encore moins universelles, car leur approche s’adresse à la singularité humaine.

Ainsi, ils ne se risquent pas facilement à tenter des généralisations, par exemple sur la santé de nos contemporains ou la dégradation de leur santé craignant peut-être d’être subjectivement influencés par leurs propres perceptions. Ils traitent de situations individuellement. Quelques sociologues ont tenté d’étudier des pathologies

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sous l’angle des déterminations sociologiques ou économiques. Peu de psychologues se sont engagés sur le terrain de l’action sociale touchant le collectif pour faire état de leurs perceptions au chevet de populations qui souffrent, en imaginant des alternatives de prévention par exemple. Dans le cadre éducatif nous avons les psychologues scolaires dont le rayon d’action est limité.

Citons Françoise Dolto (1908-1988) qui anima des émissions de radio pour promouvoir, à des fins de prévention, sur une grande échelle, de nouvelles connaissances pour « La cause des enfants » (28). Elle milita également à promouvoir des espaces d’échanges, autour de l’enfant, avec leurs parents dans ses « Maisons Vertes ».

Ce faible engagement de la corporation des psychologues serait à étudier. Nous pensons qu’il serait lié au fait que la psychologie souffre d’avoir été dissociée des sciences biologiques. A son plus grand avantage la psychologie profite de nos jours à la fois des travaux de la psychologie évolutionniste et des découvertes liées à l’exploration du cerveau conduisant à une « révolution dans les sciences de l’esprit » (voir (29) Jean-François Dortier (2013). Les neurosciences et sciences cognitives contribuent en effet à une entreprise de déconstruction pour ré-envisager les anciennes théories piagétienne ou freudienne notamment, par exemple, sous de nouvelles perspectives. Toutes les sciences biologiques, et psychologiques avec toutes leurs spécialités, l’éthologie comprise ainsi que les sciences sociales sociologiques et ethnologiques ont leur mot à dire lorsqu’un savoir éprouvé et validé scientifiquement émerge dans ces champs d’exploration de la complexité humaine. La découverte, par exemple des neurones miroirs et des fondements naturels de l’empathie, considérés comme « un sixième sens » (Marie-Lise Brunel et Jacques Cosnier, 2012) (30) n’ont pas fini de bousculer les théories des psychologues. Tout ceci peut conduire à la paralysie dans un premier temps.

Une ouverture liant humilité et indiscipline

Nous pensons au contraire qu’il est possible d’appréhender cette complexité humaine à des fins d’interventions et de pratiques innovantes à condition d’être animé d’une ouverture liant humilité et indiscipline. Une certaine indiscipline ne peut que conduire à l’émergence de nouvelles réceptivités, de nouvelles questions, de nouvelles hypothèses, de nouvelles expérimentations. Des colloques interdisciplinaires et transdisciplinaires liant sciences de la vie et sciences humaines, comme ceux organisés par l’Association internationale de neuropsychanalyse sous l’impulsion de Marc Solms ont lieu depuis les années 2000 aux Etats Unis, au Canada et au Brésil comme en Europe. Ils réunissent de plus en plus de chercheurs

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soucieux de s’extraire par intermittence de leur discipline qui risquerait de les conduire vers un certain isolement.

En attendant le grand jour de la « concilience » Edouard. O Wilson ou « L’unicité du savoir » (2000) (31), ce vers quoi il faut tendre, nous pensons que cet état d’esprit d’ouverture devrait être stimulé par un nouveau Ministère qui pourrait mettre à l’ordre du jour - l’approche transversale des sciences de la vie aux sciences humaines et sociales appliquée à l’éducation et à la santé de l’enfant. Ce Ministère pourrait stimuler des groupes de travail qui pourraient synthétiser des savoirs pour l’instant disjoints afin d’en retirer des éléments pouvant à la fois dynamiser les parents et les professionnels de l’éducation et la santé de l’enfant accompagnants les parents. Il s’agit de populariser des savoirs fiables et validés scientifiquement, présentés comme provisoires afin d’éviter tout dogmatisme.

Une telle tentative de prendre en compte à l’école les données psychologiques avait été envisagée avec l’introduction de la psychologie dite « scolaire », dans le plan Langevin Wallon. Ce plan novateur, issu du Conseil National de la Résistance n’a jamais été débattu au Parlement. A sa relecture, son contenu est flambant d’actualité.

« La psychologisation de la difficulté intellectuelle apparaît ainsi

comme le manteau qui recouvre l’ignorance, et qui a l’inconvénient majeur d’inciter les enseignants à – ou de leur permettre de – faire l’économie d’une exploration plus précise de ses dimensions proprement cognitives », Jean-Pierre Terrail, De l’inégalité scolaire, (2002), La Dispute, p 294. (31)

6) ARGUMENTS POUR UN CONTEXTE INSTITUTIONNEL NOUVEAU

La « réussite éducative » est devenue un tel enjeu dans notre société que le gouvernement lui a dédié un Ministère. Sa mission est de donner à chaque enfant les mêmes chances de réussite. Pour répondre aux différents besoins de l’enfant le conduisant à une réussite globale : affective, émotionnelle, scolaire et professionnelle, il est plus que nécessaire d’impliquer les parents et sortir de l’illusion que cette réussite tant souhaitée, incombe à la toute puissance d’un Ministère pour sortir de la spirale des « inégalités sociales à l’école » Marie Duru-Bellat (2002), (33), et par répercussion « De l’inégalité scolaire » Jean-Pierre Terrail. Ou encore selon Bernard Lahire, lorsque « l’échec scolaire » (1993) (34) est associé à la culture écrite, il devrait s’interpréter différemment dans des cultures à forte influence orale et donc phonétique comme c’est le cas à La Réunion.

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« Le mythe de la démission parentale » selon Bernar d Lahire

Le titre de ce paragraphe emprunte les analyses de Bertrand Lahire dans l’ouvrage « Tableau de famille, Heurs et malheurs scolaires en milieux populaires (35), Selon le sociologue « ce mythe serait véhiculé par les enseignants qui ignorant les logiques des configurations familiales, déduisent à partir des comportements et des performances scolaires des élèves que les parents ne s’occupent pas de leurs enfants et laissent faire les choses sans intervenir », p. (387).

Si nous devions évoquer les enfants et leurs parents de milieux défavorisés, ceux-ci ont un besoin urgent d’accompagnement à la fois respectueux de leur culture mais ambitieux quant à la découverte par les parents des capacités d’évolution de leurs enfants. Ces enfants issus de ces milieux, ont des besoins multiples qui ne relèvent pas seulement de l’enseignement, ni même plus globalement de l’école. L’accompagnement dont nous parlons consiste à faire apparaître chez les parents les potentialités intrinsèques de leur enfant. Ainsi la réussite de ces enfants sera synonyme de la réussite des parents, et cela est d’autant plus facilitant que les parents sont de jeunes parents.

Déjà, plusieurs programmes d’accompagnement ont tentés de prendre en compte dans leurs interventions de terrain la nécessité d’impliquer les parents. Nous nous référons à la conférence de la famille du 7 juillet 1999 (36) sous la présidence d’Elisabeth Guigou, alors Garde des Sceaux. Le contenu des actions du Ministère de l’Education et de la Santé, dont nous proposons la création, est en grande partie décrit dans la synthèse de cette conférence.

Nous proposons de favoriser, auprès des parents, une meilleure connaissance de l’enfant, par transfert d’informations sur ses besoins, sur son intelligence intrinsèque, sur ses processus de développement générant un bien être. Les parents seraient les co-artisans de cet état de bien être avec leur enfant. C’est cet état qui devrait conditionner la réussite, notamment éducative. Ce qui caractérise l’enfant, c’est sa capacité à exprimer spontanément ses émotions, à manifester sa curiosité et son plaisir d’apprendre en se développant par la découverte du monde qui l’entoure. Malgré ce potentiel prometteur, se pose pourtant la question de sa réussite.

L’égalité des chances pour nos enfants ne se décrètent pas. Elle se construit dès la naissance. Qui peut penser qu’elle pourrait se construire seulement avec le recrutement de maîtres supplémentaires ? Comment croire que cette égalité des chances pourrait s’obtenir sans mobiliser et impliquer les parents dans leur propre épanouissement, et par voie de conséquence, l’épanouissement de leur enfant ?

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Des parents considérés comme acteurs décisifs

Cette mobilisation enthousiaste ne peut pas être seulement le fruit d’un Etat, eut il comme maxime, sur le fronton de ses institutions, Liberté, Egalité, Fraternité. Au risque de nous répéter, nous pensons que ce sont d’abord des parents qui peuvent mobiliser d’autres parents à envisager le processus de transformation du rapport à la vie que les parents engendrent lorsqu’ils donnent la vie. Ce processus serait inauguré par des parents « acteurs décisifs » qualifiés de « parents-relais » et accompagnés par la puissance publique. Un tel processus de transformation sociale a été décrit par Rudolf Rezsohazy (Sociologie des valeurs, 2006) (37), et constitue un véritable guide méthodologique. Ainsi, des parents considérés comme « acteurs décisifs », se caractérisent par leur capacité à entraîner d’autres parents à la découverte des besoins essentiels de l’enfant et de ses potentialités évoquées plus haut. Avec les moyens actuels d’accès à l’information, notamment par internet, les parents peuvent se montrer informés, critiques, voire exigeants en expérimentant de nouveaux rapports d’accès à la connaissance, ce qui est nommé actuellement « sciences participatives ». Ceux-ci peuvent être soutenus dans cette démarche de transformation sociale par des praticiens de l’enfance, afin de pérenniser ce changement.

L’ambition d’impulser une politique d’égalité des chances demande un investissement de l’Etat. Les dispositifs existants : Les REAAP, (Réseaux d’Ecoute, d’Accueil et d’Appui à la Parentalité) animés par les CAF départementales, le CLAS (comités locaux d’accompagnement scolaire) co-financés par les parents et les CAF, les PRE (Programmes de Réussite Educative), volet du plan de cohésion sociale imaginé par Jean Louis Borloo, co-financé par l’Etat via l’ACSE, (Agence pour la Cohésion Sociale et Environnementale), et les communes volontaires, démontrent que le levier financier est mobilisable. On remarque que ces initiatives qu’on pourrait qualifier de « correctives » sont financées hors du Ministère de l’Education Nationale. Celles-ci systématiquement évaluées, fourniraient nombre d’enseignements, source indispensable de capitalisation des « bonnes pratiques ».

Cette politique de prévention, qui touche le potentiel d’avenir de la nation par ses enfants, devrait se révéler source d’importantes économies : sur la santé des enfants d’abord, sur l’efficacité du système scolaire à instruire tous les enfants présents sur le sol national. En ayant une approche adaptée aux enfants de milieux défavorisés ce ministère autonome permettrait de valoriser ce que ces jeunes sont en capacité d’apporter au pays. Enfin, n’oublions pas les moyens importants dévolus à la répression quand les démarches éducatives ont échoué et également les aides sociales à verser aux enfants devenus adultes qui n’auront pas acquis les moyens de s’insérer par l’économie. Le traitement des enfants atteint du syndrome d’alcoolisation fœtale n’est qu’une seule illustration parmi d’autres. Intervenir lorsque le mal est établi génère des alternatives complexes et extrêmement couteuses.

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Un tel état d’esprit d’ouverture, de recherches innovantes et d’évaluation devrait permettre d’importantes économies pour notre pays. Ce nouveau Ministère pourrait rationnaliser ces dispositifs pour l’instant disposés en « mille feuilles ». Il s’agit d’exploiter à l’échelle du pays, des savoirs et des pratiques fiables et validés par l’expérimentation, présentés comme provisoires afin de les conserver adaptables aux mutations de la société. Notons que le Québec vient de mettre au point un guide des capacités parentale expérimenté depuis 1995, (27). p 229.

Une telle tentative de prendre en compte les besoins des parents et des enfants, en prenant en compte les besoins spécifiques des milieux défavorisés avait bien été élaborée par la conférence de la famille de juillet 1999 (35). A sa relecture, son contenu est toujours d’actualité, il s’agit maintenant de faire connaître cette élaboration pertinente d’un programme en phase avec les besoins du terrain au plus grand nombre : en premier lieu les parents, ensuite d’autres partenaires, associations, professionnels de l’éducation et de la santé de l’enfant … et d’inscrire l’installation de ce ministère en continuité avec ces réflexions. Nos constatations concernant l’univers de vie des enfants, partiellement présentées, nous incitent à penser qu’un Ministère dédié à ces missions devrait profiter d’une autonomie d’action.

Il nous faut mesurer l’ampleur du défi qui nous attend, promouvoir les conditions culturelles pour contribuer à la transformation du rapport à la vie que les parents entretiennent lorsqu’ils donnent la vie.

7) LES FONCTIONS PARENTALES : UN ENJEU PUBLIC ET CI TOYEN

Libérés du mythe de la démission parentale (Bernard Lahire), nous affirmons que les parents sont les acteurs essentiels du développement, de l’éducation et de l’établissement de la santé de leur(s) enfant(s). Si certains d’entre nous devaient douter de cette réalité nous pourrions avancer trois types d’arguments pour les convaincre.

Tout d’abord des données irréfutables : Un enfant à qui on ne parle pas ne parlera pas. Un enfant en bas âge hospitalisé par exemple sans sa mère ou sans son père peut dépérir au point de mourir s’il est privé d’affection et de reconnaissance. On peut ainsi déduire que le corps ne se suffit pas à lui-même pour vivre.

Des données corrélées statistiquement sont établies entre stress de la petite enfance et morbidité organique à l’âge adulte (38). Apportons un argument en corollaire de cette constatation statistique : Les récentes recherches sur les génomes animaux et humains ont mis fin à la conception du « tout génétique ». Il en résulte que dans le développement du petit d’Homme l’environnement exerce une influence structurante

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du fait d’une certaine flexibilité génétique « pour le meilleur ou pour le pire » pourrait-on dire. Des expériences sur des animaux de laboratoires, de la mouche en passant par des souris ou des lapines en gestation montrent que les effets répétés de stress nocifs peuvent en effet engendrer des anomalies irréversibles dans le développement de ces espèces. Nous connaissons depuis longtemps l’effet pathogène de l’alcool ou de la nicotine par exemple sur le développement du fœtus. De plus, les découvertes récentes sur la sensorialité discriminante (17) du bébé devraient renforcer encore plus nos préoccupations en matière de santé publique et de développement des enfants.

Susciter et accompagner le désir actif de changemen t

Des données livrées à l’assentiment du lecteur : Les parents pourraient être informés et surtout rendus actifs vis-à-vis du « bien » que nous pourrions leur souhaiter pour leur enfant. Nous savons qu’une personne en situation de risque pour sa santé et qui en est consciente ne changera de comportement que si la démarche de prévention « proposée » mobilise ses motivations profondes et son désir actif de se prendre en charge.

Après ce « panorama » synthétique, ce dossier poursuit l’objectif d’attirer l’attention des parents et des responsables politiques et administratifs afin de décider d’un débat sur ce thème : « Le soutien public aux parents dans leurs fonction s éducatives ». Ce sujet nous mobilise par intermittence depuis au moins une vingtaine d’années sans soutien décisif de la puissance publique. Avec ce recul, il semblerait que nous vivions actuellement une période charnière dans l’établissement (ou l’institutionnalisation ?) de ce que nous pourrions appeler : « une politique d’aide et de soutien à la parentalité ». Depuis 1999, la France « d’en haut » encourage celle « d’en bas » à mobiliser des acteurs autour de ce sujet par diverses circulaires diffusées localement par la D.R.A.S.S. (ARS) sous l’appellation « REAAP » (Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents) dont les C.A.F. assurent le « pilotage » (Annexe 6).

Comme dans toute innovation on peut s’attendre à identifier des acteurs décisifs innovants et des acteurs moins identifiables qui s’opposeraient aux changements projetés. Lorsque les enjeux sont perçus collectivement et considérés comme essentiels, les acteurs qui freinent le changement peuvent se rallier à la dynamique de transformation sociale qui fait alors consensus.

On peut penser à juste titre que ce changement qui s’annonce (et qui est selon nos analyses certainement irréversible) s’avère complexe car il touche aux bases existentielles qui fondent la culture et le lien social. Il touche les rapports affectifs en partie conscients que chaque parent projette sur son enfant. Il touche aussi des

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habitudes de vie et des façons de penser très ancrées dans des traditions vis-à-vis desquelles la puissance publique n’osait pas ouvertement s’investir. Dans notre culture occidentale, la fonction éducative parentale a été en effet, jusqu’à présent, considérée comme relevant de la sphère privée : intervenir en son sein était interprété implicitement ou explicitement comme une ingérence avec risques de normalisation ou d’endoctrinement. Avec la promulgation de ces « dispositifs » vus plus haut, ce tabou idéologique est semble-t-il levé. Les fonctions parentales dans les domaines du développement de l’éducation et la santé de l’enfant sont très complexes à aborde étant donné ces risques. Avec beaucoup de précaution une approche vivante et créative des parents est sans aucun doute possible. Aucun médecin, psychologue ou éducateur ne peut soulever d’arguments pouvant s’opposer à l’évidence de l’essentialité des parents dans l’instauration de l’éducation et de la santé ou de leur(s) enfant(s). Si les professionnels de l’enfance se sont investis auprès des enfants avec dévouement et professionnalisme, ils constatent trop souvent que la place du parent n’a pas été pensée au sein des institutions qui accueillent les enfants. On note même un courant idéologique qui consiste à proposer de prendre en charge les enfants de plus en plus jeunes pour palier aux lacunes des parents, comme on l’a déjà vu. Les vertus de l’internat pour la scolarisation des adolescents est avancée, ce qui peut être interprété comme une soustraction en terme de temps de ces jeunes à leurs parents. Il est plus fréquent d’entendre un discours culpabilisateur à l’endroit des parents qu’un discours valorisant leurs compétences.

Il serait opportun qu’un débat s’amorce, une mutation culturelle est à anticiper pour accompagner ces changements. Les responsables du secteur public, mais aussi du secteur associatif sont les premiers dont l’implication serait à requérir.

Une impossible conclusion

Au moment de conclure, une heureuse rencontre avec une étudiante en anthropologie sociale, Valentine Poumadère, nous aura permis de prendre connaissance d’un rapport récemment publié en 2012 par la Documentation Française : « Aider les parents à devenir parents » (39). Le rapport montre que depuis quelques années « se développent dans l’ensemble des pays de l’OCDE des services visant à soutenir les parents dans l’exercice de leurs fonctions parentales ». Ces services tendent à promouvoir le bien-être des parents comme celui des enfants. Le rapport reconnaît que « se pose l’accès à ces services qui ont pour vocation d’aider les parents à être de meilleurs parents ». De nombreuses questions se posent en effet quant à la philosophie (pour ne pas dire l’idéologie) qui accompagnent ces services. Présentons sous la forme d’une thèse - antithèse une critique possible dans le seul but de susciter un débat contradictoire : ces services se

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présentent-ils en considérant les parents comme des consommateurs à qui il conviendrait de promulguer des conseils dans l’art d’éduquer son enfant, le « consuelling, ou encore le « Positive Parenting Programm » ? Ce dernier serait mise en œuvre en Allemagne, Belgique, Canada, Etats-Unis, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Royaume-Unis, Suisse etc. Nous avons en France le modèle de « l’Ecole des Parents ». Le processus d’influence, si nous pouvons l’appeler ainsi, s’opère-t-il de l’extérieur vers l’intérieur, le psychisme du parent ou a contrario selon une approche qui viserait à créer les conditions culturelles et informationnelles pour que les parents s’approprient par eux-mêmes les informations en autogérant, peut-être en mettant à contribution des grands-parents retraités dans la gestion de ces lieux de parentalité ou les professionnels d’accompagnement ne seraient que des accompagnants sans position dominante.

Sans aller plus en avant sur la philosophie de ces innovations (56 actions répertoriées et identifiées à l’international dans ce rapport) nous formulons notre souhait de rencontrer les auteurs de ce rapport afin de leur faire part de nos analyses et de notre expérience qui durent prendre forme dans un certains isolement sur l’Île de la Réunion.

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(18) De nombreux auteurs francophones ont contribué à enrichir nos connaissances dans le domaine des capacités sensorielles précoces des bébés fondant la notion de sensorialité discriminative . On peut citer, Jacques Melher et Emanuel Dupoux, Roger Lécuyer (18), Hubert Montagner, Vivianne Pouthas et François Jouen, Boris Cyrulnik... On peut aussi se reporter à l’ouvrage de Paul Churchland, (1998), Le cerveau, moteur de la raison, siège de l'âme, particulièrement le chapitre 2 « Représentation sensorielle : L'incroyable puissance du codage vectoriel », 35-48, Belgique, Ed De Boeck.

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(38) Rovee-Collier. R., & Adler. Scott A. (juillet-août, 1994), « Les souvenirs des

nourrissons », pp 736-741, La recherche, 267.

(39) Hamel. M-P et Lemoine. S en collaboration avec Claude Martin, (2012), Aider les parents à être parents, Le soutien à la parentalité, une perspective internationale, Rapport et Documents N° 50, Documentation Française .

------------------------------------ Dossier réalisé par : Frédéric Paulus, Docteur en psychologie et en sociologie, directeur du CEVOI,c Poumadere , ancien Professeur ENS, chargé d’enseignement à l’Ecole de Chimie de Paris, Bruno Gavarri, Psychologue, consultant en organisation, Jean-Marie de Sigoyer, Cadre bancaire retraité, Chantal Jouvenot, Responsable de formation « secteur petite enfance » IRTS.

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ANNEXES

Annexe 1 : Présentation du CEVOI P 26

Annexe 2 : La Maison des Parents et des praticiens de l’enfance P 29

Annexe 3 : Postface de Georgina Dufoix P 35

Annexe 4 : Action en Collège P 42

Annexe 5 : Action à la DPJJ P 46

Annexe 6 : Collaboration REAAP– CAF de La Réunion P 52

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Annexe 1 : Présentation du CEVOI

29

CENTRE D’ETUDES DU VIVANT

DE L’OCEAN INDIEN

Adresse Administrative 79, Rue Labourdonnais, 97400 Saint-Denis

Tel : 02.62.20.11.16, Fax 0262 20 19 70 Portable : 0692 29 65 69

[email protected]

Association loi 1901

FORMATION

Secteurs sanitaire, social, éducatif,

Administrations et Entreprises

Perfectionnement et

C.E.V.O.I.

RECHERCHE

Epistémologique et clinique

Inter et transdisciplinaires

DOCUMENTATION

Recherche-Bibliographique

APPLICATION

Accompagnement de

« terrain »

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FORMATION

Le C.E.V.O.I. est un organisme de formation professionnelle continue. Il s’adresse

aux personnels du secteur sanitaire, social et éducatif, aux administrations et entreprises,

ainsi qu’aux parents. Approchant transversalement des connaissances nouvelles issues des

sciences de la vie et des sciences humaines applicables au bébé, à l'adolescent et à la

personne adulte, il aborde l'éducation, la santé, le développement des dynamismes et

potentialités humaines.

Il organise des stages et séminaires de formation dans un esprit de « sciences

participatives ». Ses interventions se font en « inter-entreprises » ou en « intra », sur le lieu

de travail. Il adapte ses interventions en fonction des demandes collectives ou individuelles.

Il intervient également en partenariat avec d’autres organismes de formation.

APPLICATION

Le C.E.V.O.I. favorise le transfert de connaissances nouvelles et accompagne leur

application. Il répond également aux demandes des entreprises sollicitant une médiation ou

un audit social. Sa devise est : « Aider les personnes et les groupes à mieux travailler

ensemble ».

DOCUMENTATION

Le C.E.V.O.I. soutient les jeunes chercheurs ou les praticiens dans leurs recherches documentaires et bibliographiques. Il apporte son aide dans la formalisation de recherches-action et le soutien méthodologique et théorique.

RECHERCHE

En relations fonctionnelles avec des laboratoires de recherche métropolitains, le

C.E.V.O.I. contribue à diffuser des recherches et à expliciter les enjeux culturels et sociaux

du développement scientifique et technique : nouvelles perspectives culturelles, choix

bioéthiques, risques écologiques. Il réalise des recherches sur des recherches existantes

visant à établir des liens entre les différents savoirs fondamentaux et met l'accent sur le

décloisonnement des savoirs et des disciplines suivant une approche qui se veut globale,

pluridisciplinaire et bio-culturelle, où la biologie constitue le socle des sciences du vivant

influencée par la culture.

Les thèmes qui le mobilisent actuellement portent sur une approche bio-

anthropologique à la fois : 1) de l’éducation, 2) de la santé et 3) de la logique du psychisme.

RESPONSABLE SCIENTIFIQUE PRESIDENT FONDATEUR

Frédéric PAULUS Frédéric TSANG KING SANG

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Annexe 2 : La Maison des Parents et des praticiens de l’enfance

32

La validité d’une expérience est refusée par ceux qui sont incapables de l’imaginer.

Ronald-D. Laing, La voix de l'expérience .

LA MAISON DES PARENTS ET DES PRATICIENS DE L’ ENFA NCE

Cette « Maison» est une structure d'accueil et d'échange, ouverte aux parents, futurs parents, grands-parents et aux professionnels de l'enfance (puéricultrices, psychologues, pédiatres, infirmières, sages-femmes, conseillères et travailleuses familiales, enseignants, assistantes maternelles, assistantes sociales...). Elle est ouverte à toute personne domiciliée ou en exercice professionnel dans le quartier intéressée par l'éducation, le développement et la santé des enfants

Le fonctionnement de cette « Maison » fut assuré par une pédiatre, Martine Capelle, travaillant en maternité, en pédiatrie à l'hôpital et en privé, et moi-même. Très vite une mère de famille, Claude Viard, nous rejoint et y joue un rôle prépondérant. On pourrait penser que la structure s'est « psychologisée » ou « médicalisée » ! Les interventions (des deux praticiens) sont certes marquées par leur formation, mais l'on y privilégie le savoir parental. C'est certainement pour cela que la mère de famille-animatrice y prend une place de plus en plus importante.

La maison est située dans le quartier des Batignolles (17e arrondissement de Paris) au tissu social très dense et largement diversifié sur le plan ethnique. Les crèches et écoles maternelles y sont insuffisantes. Cette « Maison » se présente comme une boutique de quartier donnant sur la rue Clairaut, au n° 12, Par is 17e.

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PRÉSENTATION DE LA « MAISON » par Claude Viard

Extrait ci-dessous de l’ouvrage, Paulus.F, (2007) L’éducation fondée sur les sensations, Maurice, Le Printemps, pp 237-244.

Claude Viard est Mère de famille habitant le quartier « Batignolles » à Paris 17 ème :

« Je suis animatrice à la Maison des Parents et des Praticiens de l'Enfance.

Deux activités complémentaires

L'accueil

La Maison est ouverte tous les jours sauf le mercredi. L'accueil est assuré par moi-même ainsi que par une autre maman du quartier, le vendredi. Je reçois les parents. Une brochure leur est remise sur laquelle sont précisés : les objectifs, les activités, la philosophie de la structure, le plan du quartier.

Je les écoute, les renseigne, réponds aux appels téléphoniques et suscite des relations de voisinage. Nous avons un panneau d'affichage, visible de la rue. Ils poussent la porte et viennent me remettre leurs annonces, leurs propositions, en discuter. Ils viennent également :

- pour obtenir des renseignements pratiques concernant les structures d'accueil du quartier : crèche, crèche familiale, halte-garderie, école maternelle ;

- pour parler d'une difficulté relationnelle précise avec un enfant ;

- pour évoquer un symptôme précis d'un enfant : énurésie, asthme, eczéma...

Mais, derrière toutes ces demandes de renseignements, se cache presque toujours celle qui est du domaine de l'écoute ou du soutien, de l'échange.

Quelles sont les personnes intéressées ? De nombreuses personnes isolées :

- une jeune maman, mère au foyer (les mères au foyer représentent 50 % des femmes fréquentant la Maison des Parents) ;

- une personne récemment arrivée dans le quartier ;

- une mère célibataire, ou veuve, ou divorcée élevant seule son (ou ses) enfant(s) (les familles monoparentales représentent 20 % des familles) ;

- des personnes confrontées à une situation de crise avec l'enfant : « Il ne parle pas », ou encore : « Elle a fugué », « Il ou elle a des difficultés scolaires » ;

- une grand-mère qui, ayant élevé son petit-fils, ne comprend pas qu'il soit placé en institution, après le divorce et le remariage de sa fille. Le beau-père ne supporte pas l'enfant... .

Je les accueille, les écoute, me présente et les situe dans le quartier « Depuis quand habitez-vous ce quartier ? » Le dialogue s'instaure. Nous parlons des frères et sœurs, de la maîtresse, de l’école, du collège ou du lycée. Dans ce dialogue d'écoute, progressivement, la personne parvient à formuler avec plus de précision sa difficulté ou sa demande. C'est

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ainsi que je leur permets une réflexion intérieure sans intrusion de ma part dans leur intimité.

- Une maman vient me parler de son plus jeune fils et découvre que c'est le plus âgé qui, en réalité, lui pose problème.

- La grand-mère dont je viens de parler décide de rétablir le dialogue avec sa fille et de se renseigner auprès du juge.

- Un père divorcé ira voir les professeurs de sa fille. ..

. Au-delà de l'écoute, pointe un réel besoin de rencontre et d'échange, un désir de faire appel à une solidarité de voisinage pour faire garder occasionnellement son enfant, pour rompre son isolement, créer un réseau d'aide, peut-être une mini-crèche parentale, ou une crèche d'appartement. La demande est d'autant plus forte que l'enfant est d'âge préscolaire. Naturellement, ces personnes se renseignent sur notre autre activité, les tables rondes. Environ 40 % y participent. Parmi celles qui n'y viennent pas, un grand nombre reviennent me voir individuellement plusieurs fois, servent de relais et conseillent à d'autres parents de nous contacter. Certains téléphonent ou écrivent pour parler d'eux, ou s'informent des différentes possibilités offertes.

Les tables rondes

Tous les premiers lundis de chaque mois, à partir de 20 h 30 excepté pendant les vacances scolaires, une animation-débat a lieu sur un thème. En voici quelques-uns :

- la sensibilité du bébé ;

- les livres qui font peur ;

- le sommeil ;

- la drogue et les adolescents ;

- la projection d'un film sur le cerveau (Guigoz Nestlé) ;

- l’autorité, de quelle autorité les enfants ont-ils besoin ?

- la projection d'un film : « Pour endormir Lakshmi » (3) d'Hélène Stork, auteur de l'ouvrage « Enfances Indiennes » ;

- l'autonomie ; - la séparation ;

- les contes de fées ;

- la réussite scolaire (participation de René Lourau) ;

- l'agressivité, la violence ;

- la santé et les maladies répétitives, avec la participation du Dr Martine Capelle pédiatre ;

- la santé énergétique des bébés, animés par le psychiatre Federico Navarro ;

- la télévision ;

- la projection d'un film : « Pérantal », l'éducation du nourrisson au Sénégal, de Samba Félix N'Diaye.

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Les thèmes sont choisis conjointement par les parents et les praticiens, un thème en entraînant un autre ; parfois un thème est choisi à la demande plus précise d'une ou de plusieurs familles. Après sa présentation, chacun explique l'intérêt qu'il porte à la discussion, le pourquoi éventuel de sa présence et parle de son expérience. Le débat s'instaure. Lors de ces tables rondes, un psychothérapeute, une pédiatre et moi-même sommes là pour recentrer le débat à partir des besoins de l'enfant et donner des informations plus précises, scientifiques quelquefois. Mais il s'agit toujours d'informations réflexives reposant sur le savoir parental qui émerge lors de ces échanges.

A la suite d'une table ronde, certains parents ressentent le besoin d’échanger avec les permanents de la Maison ou avec d'autres parents, de reprendre un point précis, chacun trouvant sa propre solution face à son interrogation et sa façon d'être parent.

Quels sont les parents présents ? Une majorité de femmes, les pères pour un tiers :

- des parents qui fréquentent assez régulièrement ces animations, par souci d'échanges et d’informations ;

- des parents qui ont des difficultés avec leur enfant ;

- des professionnels du quartier, dont une association d'assistantes maternelles ;

- des médecins, infirmières, assistantes sociales, enseignants.

En dehors de la Maison des Parents, nous avons également animé des tables rondes. Ainsi dans une crèche du quartier, sur le thème « La sensibilité du nourrisson ». Dans une école, un débat s'est instauré à partir de la projection d'un film sur la naissance du cerveau ; Au rythme d'une fois par mois, nous assurons une animation dans un atelier d'éveil qui accueille les enfants dès leurs premiers pas et jusqu’à trois ans, « La Maison des tout-petits ».

Les thèmes abordés ont été les suivants : la propreté, l'entrée à l'école maternelle, l'agressivité d'un enfant lors d'une grossesse de sa maman, le sommeil.

Nous collaborons également avec des associations pour l'animation et l'amélioration du cadre de vie, avec différentes associations de parents d'élèves ; sans engagement politique partisan, nous répondons à des invitations de discussions avec des groupes des communautés religieuses du quartier.

La Maison des Parents est un lieu de rencontre où chacun vient quand il veut, où chacun peut exprimer son avis et apprendre, découvrir ou se voir confirmer des impressions qui peuvent l'aider à mieux se comprendre, qu'il soit professionnel ou parent.

(La présentation de cette « maison » devait se faire par un parent, cela symbolise la part d’influence prépondérante que les parents exercent « face » aux professionnels).

L'ISOLEMENT SOCIAL

« L'isolement social est de toute évidence le facteur prépondérant qui déclenche la demande de rencontres et d'échanges. La culture urbaine entraîne une pathologie socio-relationnelle qui n'est pas reconnue comme telle. Elle se caractérise très souvent par

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l'absence de reconnaissance sociale : c'est la peur du voisin, l'anonymat. L'anonymat peut être un gain de liberté comme la plus grande des aliénations. Le besoin de communication n'est pas vital si l’on observe la vie cellulaire derrière un microscope ! Mais qu'adviendrait-il si l'on élevait les enfants sans leur parler ? Nous connaissons la réponse par l'intermédiaire de l'expérience de Frédéric II, roi de Prusse ! Cet isolement touche les parents d'autant plus durement qu'ils ont dû s'expatrier ou se séparer de leur famille d'origine. Le soutien de la famille élargie ne remplit plus sa fonction.

Le rôle régulateur des grands-parents, oncles, parrains, du voisinage, a partiellement disparu. Du même coup, les enfants deviennent le centre de l'angoisse familiale, l'exutoire des tensions du couple. Du fait du noyau familial restreint, cela est encore plus évident auprès d'enfants élevés par des mères ou pères célibataires isolés, la problématique œdipienne devient difficile à maîtriser si un membre ou l'autre présente des caractéristiques pathogènes.

Même sans pareil déficit, une telle promiscuité exclusive rend la famille étouffante. Nous pensons aux parents trop proches, trop exclusifs, trop « attachants », trop omniprésents affectivement. Avec cette analyse, nous comprenons l'objectif d'ouverture de la sphère parentale suscitée par la Maison des Parents dans une perspective de prévention ».

LE RÔLE DES PRATICIENS

« Les praticiens sont donc pour l'instant une pédiatre et moi-même. La pédiatre, ancienne interne, a été chef de clinique dans les hôpitaux. Elle a cessé cette activité voici 15 ans et s'est installée en libéral. Elle a une très bonne formation médicale et occupe une fonction rassurante vis-à-vis des parents. Je suis connu en tant que psychothérapeute d'enfants. Lorsque nous intervenons, nous faisons valoir notre savoir technique. Mais, étant donné que les tables rondes portent toutes sur les besoins de l'enfant, nous intervenons en émettant plusieurs hypothèses. (Une seule risquerait de figer la réflexion.) »

QUI SONT LES PARENTS ?

« Les parents attirés sont de classe moyenne. Mais il y aurait tout de même une nuance à apporter. Ce sont des parents de classe moyenne à quatre-vingt pour cent, assez favorisés culturellement, assez critiques à l'égard de l'ordre culturel, urbain, parisien. Certains militent dans les associations de parents d'élèves, d'autres dans des associations de cadre de vie ou des associations confessionnelles. Certains sont conservateurs tout en étant actifs, d'autres progressistes.

Comment s’explique le fait que la Maison des Parents ait interpellé une catégorie sociale bien spécifique, la classe moyenne ? D'une part, les fondateurs sont issus de la classe moyenne ; donc par le jeu du phénomène des affinités et des sympathies, il est tout à fait normal que les personnes de classe moyenne aiment à retrouver des personnes de classe moyenne. D'autre part, en plus de ce phénomène sociologique connu, il était dans notre stratégie de structurer la Maison des Parents autour de professionnels et de parents solides. Il est évident qu'une personne qui a de la difficulté à boucler ses fins de mois n'ira pas nécessairement à la Maison des Parents, en tout cas dans sa forme actuelle. Ceci dit, c'est une expérimentation, elle évoluera. On pense que dans quelques années, des institutions de l'enfance du quartier s'ouvriront. Elles nous inviteront à animer des tables rondes en tant qu'animateurs de la Maison des Parents. Donc, par l'intermédiaire d'une décentralisation des

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activités dans les institutions environnantes, on touchera des parents qui auraient un réflexe de rejet de la Maison des Parents parce que cette maison aurait été structurée par des personnes étrangères à leur classe ».

ÉVALUATION ET ÉTHIQUE DE LA PRATIQUE

« Evaluer son travail et les conséquences de ses actes doit être une préoccupation constante chez ceux qui œuvrent dans le social car, dans ce domaine, bien des dérapages sont possibles. Au nom du « bien », on peut contribuer inconsciemment (il faut l'espérer) à renforcer une domination, occulter une information, enfermer des pensées dans des dogmes, déstabiliser des croyances qui peuvent pourtant aider...

Nous avons donc pensé aux questions d'éthique que pose notre innovation pour ne pas être nous-mêmes, animateurs de la Maison, victimes de nos illusions ou de nos désirs d'influence. L'évaluation (5) des pratiques devrait donc porter sur trois niveaux :

- sociologique,

- psychologique,

- biologique.

Concernant la dimension spirituelle ou religieuse, un principe de base était d'emblée annoncé et appliqué : « le respect des croyances et des différences ».

L'évaluation de l'influence de nos échanges sur la vie psychologique et biologique nécessiterait des protocoles d'expérimentation très sophistiqués, que nous ne pouvons mettre en place pour deux raisons :

- pour des questions d'éthique : nous ne voulons pas médicaliser et psychologiser cette structure ;

- ils seraient beaucoup trop coûteux à mettre en place.

Nous évaluons ponctuellement, à chaque fin de table ronde, les résultats de ces échanges.

Cette Maison devient un espace de régulation qui permet des échanges différents entre parents et professionnels de l'enfance qui peuvent avoir, par déduction, par répercussion, avec la remontée de l'inconscient, la remontée des éléments mémorisés, le relâchement de positions inhibantes ou de complexes, un effet d'entraînement positif sur la vie et le développement. C'est une soupape de régulation, de prise de conscience de la part des parents et des praticiens d'un certain nombre de données de base sur le développement des enfants, qui permet un regard de distanciation par rapport à sa propre perception de parent ou de professionnel de l'enfance ».

----------------------------------------------

Autre Référence : Conférence lors du "5ème Congrès international sur les Enfants Maltraités et

Négligés", Montréal le 19 novembre 1984. : Paulus. F, (1985), "La maison des parents et des praticiens

de l'enfance", (entretien avec Léonel Bernard), in "Intervention", Revue de la corporation

professionnelle des travailleurs sociaux du Québec, n° 71, pages 93 à 99.

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Annexe 3 : Postface de Georgina Dufoix

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POSTFACE

à l’ouvrage : Paulus. F, (2007), L’éducation fondée sur les sensations, Le Printemps, Maurice.

Entretien avec Madame Georgina DUFOlX

Juin 1986

Frédéric Paulus : Je vous remercie, Madame, pour cet échange et vos commentaires.

Georgina Dufoix : C'est un plaisir pour moi de contribuer à vous aider, mais ne craignez-vous pas qu'on associe votre ouvrage et votre œuvre sur le terrain à ce que je représente ?

F.P : Votre remarque me permet de préciser ce que je souhaite. Les options politiques contenues dans ce livre et surtout le dernier chapitre ont besoin d'être reprises, soutenues et traduites dans la réalité par un pouvoir politique décidé. Il est vrai que j'ai été très souvent satisfait des circulaires, des mesures concrètes, ou des décrets que vous avez présentés durant vos responsabilités ministérielles. Nous avons été aidés financièrement par votre équipe. Mais si d'autres responsables, quel que soit leur bord, œuvrent dans le sens des options que je propose, j'en serai heureux.

J'aimerais maintenant que vous vous prononciez sur ce que cet ouvrage a suscité en vous et sur vos propres conceptions d'une politique en faveur de l'enfance, j'aurais envie de dire, en faveur de l'être humain !

Georgina Dufoix : Ce qui est remarquable, ce que j'ai senti dans votre livre, c'est qu'en approchant une certaine vérité des besoins essentiels des enfants, on peut puiser en soi-même une force intérieure pour changer leur environnement immédiat.

Je crois profondément que le nouveau-né, le bébé, est un facteur de changement, non seulement parce qu'il est notre avenir, mais aussi parce qu'il nous interroge sur nos rythmes de vie, sur notre façon de vivre, sur notre cadre de travail. Il bouscule en permanence les idées reçues et les savoir-faire, quand rien ne change plus vite que « l'art d'accommoder les bébés ». Jetons un regard en arrière, sur les vingt dernières années : combien d'approches différentes nous ont été présentées comme des « credos », indiscutables, à prendre ou à laisser ? Entre le premier et le dernier de mes enfants, il y a dix ans d'écart. Le premier est né en 1964. A cette époque, on s'y prenait « à l'ancienne » avec les bébés ; les relations quotidiennes avec l'enfant étaient très codifiées, organisées, précises. Au fur et à mesure que les autres sont nés, la façon de vivre, les conceptions de l'éducation, se sont modifiées sensiblement. Alors, je me suis fait une certaine philosophie : chaque approche a ses forces et ses faiblesses, mais où est la vérité ? Pour moi, cette question demeure ouverte. J'ai constaté avec plaisir que votre livre a su éviter ce travers de la mode. J'insiste sur ce regard historique : ce que nous savons aujourd'hui n'est qu'une étape vers ce que nous connaîtrons mieux demain.

Parmi les faits cliniques que vous présentez, l'exemple de Douce m'a semblé particulièrement troublant. Il est vrai que souvent, les parents ont une image idéalisée de leur enfant et le marquent de cette empreinte contraignante. J'ajouterai que cet « enfant

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imaginaire » n'est pas seulement modelé par les parents, mais aussi par le cadre sociologique. Un enfant actif, bien vivant, qui participe pleinement à son développement, ne correspond pas forcément à l'enfant idéal - calme, propre très tôt, appliqué, …, tel qu'il a tendance à se profiler collectivement au moins auprès des classes moyennes et bour-geoises.

En présentant des notions de neurobiologie du comportement, puis les influences culturelles qui se greffent sur la biologie, vous ouvrez l'esprit, vous suscitez des interrogations, merci ! Les découvertes psychanalytiques, neurobiologiques et neurophysiologiques renversent les cloisonnements entre les professions médicales et pédagogiques. Avec ces découvertes, la pluridisciplinarité dans l'abord de l'enfant devient un impératif, c'est clair !

Dès sa conception, le bébé est en relation avec le monde. On parle trop souvent du bébé comme d'un tube digestif, d'un petit animal fragile, d'un petit être encore dans les limbes ou d'une sorte de machine à téter et à crier. Or, dès sa conception, le bébé est en relation avec le monde. Il existe au sens propre du terme. Il n'est plus cette monade sans échange avec le monde extérieur, indifférent, sourd, aveugle.

Le nourrisson est un être qui fait partie de notre tissu social, de notre monde, la psychanalyse l'a montré. La neurobiologie renforce certaines de ces déductions. Ces approches psychanalytiques et neurobiologiques complémentaires sont au cœur même de ce qui est une des révélations, une des révolutions majeures de ce siècle. L'homme est dès son origine, de par son origine même, un être social. Dès avant la naissance, il ressent, il communique intensément. Il vit non seulement du lait de sa mère mais aussi de ses phantasmes, des paroles de son entourage et tout d'abord de celles de ses parents. Et je crois que l'un des objectifs qui devrait être poursuivi est précisément d'approfondir cette manière de percevoir et de ressentir le petit enfant. . .

Je suis particulièrement sensible aux recherches sur l'interaction père-mère-enfant, aux anticipations créatrices de la mère, à l'accordage des émotions, aux possibilités précoces du nouveau-né. Je me mets à l'écoute de toutes ces découvertes, elles me passionnent : la relation in-utero, l'éveil de la sensorialité et, bien entendu, la sensibilité sensualiste...

Autrefois, nous avions une connaissance intuitive de l'éveil du nouveau-né, mais l'intuition n'avait pas bonne presse. Aujourd'hui, les découvertes scientifiques lui donnent raison, l'intuition reprend ses droits.

Je souhaite qu'avec votre ouvrage le sensualisme retrouve une seconde jeunesse. Les recherches des nombreux auteurs que vous citez nous aident à mieux comprendre comment nous sommes construits et donc, qui nous sommes. Quel gain pour une meilleure connaissance de soi !

De plus, votre propos me renforce dans mes projets, pour prévenir les handicaps et les difficultés individuelles psychosomatiques ou psychiques, mais aussi pour lutter contre les grandes inégalités socioculturelles d'aujourd'hui.

J'apprécie beaucoup votre conception du bébé comme une personne à part entière, encore dépendante et déjà en recherche d'autonomie, poussée par des pulsions qui l'amènent à goûter au plaisir. Cette conception, j'essaierai pour ma part de la promouvoir dans mes propositions futures. .

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Axes d'une politique en faveur de l'enfant

Premier domaine d'intervention : la maternité

J’attache personnellement de l'importance aux tout premiers instants de la vie, et donc, aux conditions de l'accouchement et de la naissance en France, aujourd'hui (1986). On a réalisé des progrès considérables en matière de surveillance de la grossesse et de l'accouchement, et cependant, de nombreuses femmes demeurent insatisfaites sur ce chapitre. Non seulement il en résulte des conséquences néfastes pour elles-mêmes, mais la qualité de leur relation avec l'enfant en pâtit également.

Je suis persuadée que la grossesse et la naissance sont des moments essentiels de la vie d'un être humain, tout comme la mort. Or, notre civilisation, pour de multiples raisons, occulte l'un et l'autre. Je souhaiterais que progressivement et sans drame, nous puissions aborder ces deux moments de la vie, non plus comme des épisodes avant tout médicaux, mais d'abord comme des événements humains et sociaux. Nous avons du travail dans ce domaine-là. Nous devrons attirer l'attention des Français sur la naissance et la mort. Alors, nous serons amenés à considérer ce qu'est l'homme et quel sens a notre présence sur cette terre, mais ceci est un autre débat.

Deuxième domaine : le cadre urbain et la dénatalité

Le nombre d'enfants désirés par les couples français est très largement supérieur au nombre d'enfants nés effectivement. Le désir d'enfant dans la France d'aujourd'hui est donc plus important que la réalisation de ce désir. Par ailleurs, la contraception permet de plus en plus que les enfants qui naissent soient désirés. Nous souhaiterions que tous les enfants désirés puissent naître et à l'inverse que tous les enfants qui naissent soient désirés ; du moins était-ce ainsi que j'entendais mon rôle de responsable des pouvoirs publics.

Comment agir ? Tout d'abord sur les conditions matérielles de vie quotidienne. Je pense notamment aux conditions de logement et au temps de travail. Nous avions mis en place, durant mes responsabilités ministérielles, des «contrats familles ». Ils permettent aux municipalités qui souhaitent réaménager l'espace et le logement en faveur des familles de jeunes enfants de pouvoir le faire.

On devra aussi faire appel de plus en plus aux solidarités de voisinage, les susciter et les encourager par une action sociale différente plus responsabilisante. Les modalités devront être découvertes localement.

Il me paraît extrêmement important que les centres des villes retrouvent leur vocation initiale de brassage social en accueillant des familles avec de jeunes enfants. En effet, depuis des années le centre-ville a été déserté au profit de la périphérie.

Le mouvement de diminution des naissances n'a pas de raison de s'inverser. Il concerne et interroge les pouvoirs publics sur la qualité des actions à entreprendre. Dans une France

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qui se décentralise, les équipes municipales devraient se sentir concernées par des initiatives telles que « La Maison des Parents et des Praticiens de l'Enfance ». Votre expérience et vos conseils éclaireront utilement les politiques locales. Enrichir le tissu urbain, en favorisant des relations de voisinage, c'est indirectement et implicitement contribuer à influencer positivement le désir de mettre un enfant dans ce monde.

Troisième domaine : les enfants victimes

Les sévices à l'égard des enfants sont en augmentation considérable. Cette situation est préoccupante. Au-delà de l'émotion première qu'elle suscite, elle m'amène à poser une question : ces enfants ne sont-ils pas d'abord victimes d'une mauvaise liaison avec le parent, avec la mère ? Actuellement les statistiques nous apprennent que la plupart appartiennent à des familles dont les parents ont été eux-mêmes des enfants maltraités. Cette constatation confirme votre conception de l'empreinte indélébile qui résulte de l'emprise familiale sur l'enfant. Nous constatons aussi que ces mauvais traitements concernent toutes les couches de la société. On a cru longtemps que les sévices étaient l'apanage de milieux en grande difficulté sociale, mais on s'aperçoit que les difficultés d'ordre affectif ou psychologique sont tout aussi importantes. Il faudra certainement créer une approche déculpabilisante à l'égard de ces parents sans négliger pour autant la protection de l'enfant bien entendu.

Quatrième domaine : former les professionnels à ouvrir leurs institutions

- L'amélioration des modes d'accueil est liée à la formation et à l'ouverture des professionnels à l'égard des familles.

Les personnels doivent être mieux qualifiés et mieux considérés. Le bébé ne doit pas être gardé, il doit être accueilli par des personnes formées à le connaître et à l'éveiller.

- II existe un clivage traditionnel entre le sanitaire, le social et l'éducatif. Ce clivage se traduit par des cloisonnements corporatistes et par des formations parfois divergentes. Il doit être dépassé pour faire place à une conception plus globale de ce qu'est l'enfant.

Une bio-anthropologie de la santé et du développement de l'enfant doit être promue au niveau de la recherche et des universités. De même la formation continue des professionnels de terrain devra être amplifiée et structurée en fonction de cette approche globale.

- II me paraît aussi fondamental de lutter contre tout ce qui risque de séparer le nouveau-né et le tout-petit de ses parents.

Durant mes responsabilités ministérielles, nous avons diffusé une circulaire sur l'hospitalisation du petit enfant. Elle incitait les établissements à maintenir au maximum les liens entre parents et enfants, non seulement en facilitant les visites et l'hospitalisation des enfants mais aussi en facilitant la présence des parents lorsqu'un enfant est hospitalisé même pour une durée brève. Je rappelle cette action parmi bien d'autres, car elle a pour moi valeur de symbole. Il est très important que l'administration française prenne en compte ce

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lien essentiel entre la mère et l'enfant, particulièrement lorsque l'enfant est en mauvaise passe. Rien n'est plus détestable pour un enfant hospitalisé, et qui souffre, que de voir partir ses parents lorsque sonne la fin de l'heure des visites. Je souhaite que dans l'avenir la relation parent-enfant soit prise en compte aussi pour sa valeur thérapeutique.

On ne peut plus envisager de soigner l'enfant indépendamment de sa famille. Par sa dynamique, par ses malaises, par ses maladies réactionnelles, le bébé conteste ses parents d'une certaine façon. De même, il bouleverse les attitudes des professionnels. Le bébé met aussi à l'ordre du jour les fonctionnements des institutions. L'hôpital, la pouponnière peuvent-ils encore fonctionner de la même façon depuis un siècle ? Je ne le pense pas et leurs responsables ne le pensent pas non plus. Il appartient à chaque citoyen de faire évoluer cette situation. Je note que vous avez dû faire appel à l'observation d'une hospitalisation en Grèce pour nous faire ressentir l'emprise des règlements et du pouvoir interdicteur, négatif des institutions.

Frédéric Paulus : En connaissant et en comprenant mieux le bébé, les certitudes nous viendront et dès lors les réformes deviendront évidentes.

Georgina Dufoix : Certainement, un des cadeaux que fait le jeune enfant n'est-il pas qu'il révèle les familles à elles-mêmes ?

F.P : Les professionnels sont susceptibles eux aussi de tenir compte de ces cadeaux !

Georgina Dufoix : Valoriser le parent, sans culpabiliser ceux qui sont partiellement déficients, voici une perspective politique, certes délicate, mais essentielle. Avec une certaine humilité, les professionnels pourraient transmettre leurs connaissances et leurs expériences. Ils feront ainsi preuve de générosité. Ils devront être socialement soutenus. Lors d'un colloque en 1983 intitulé « Recherches et Familles », François Mitterrand, président de la République, a parlé des « savoirs enfouis des familles ». Je crois profondément que les parents ont effectivement une compétence qui leur permet d'être responsables.

F. P : à condition qu'ils soient critiques à l'égard des conditionnements éducatifs qu'ils ont reçus ! Que leurs compétences viennent de leur propre sensibilité et d'un relativisme pédagogique qu'ils auront développé malgré leurs conditionnements.

Georgina Dufoix : Votre « Maison des Parents et des Praticiens de l'Enfance » ne consiste-t-elle pas à favoriser chez les parents l'émergence de cette compétence à l'heure où ils se sentent de plus en plus dépossédés et souvent insuffisants et inefficaces ? Je pense que la qualité des travaux scientifiques nous permettra de retrouver les savoirs qui existent dans les familles, enfouis et latents, mais que pour de multiples raisons, on a oubliés depuis quelques années.

J'entends trop souvent des responsables de problèmes familiaux, des hommes, des femmes me dire : « Madame, je ne sais pas ce que veut dire être parent aujourd'hui. J'ai peur de mon rôle, j'ai peur de ne pas savoir m'y prendre. » Des parents qui placent leur enfant en crèche disent : « Je sens que la puéricultrice est plus forte que moi, ça me fait peur. » Ceux qui conduisent leur enfant chez le médecin diront quelquefois : « Le médecin connaît mieux mon enfant que je ne le connais moi-même, cela me fait peur. »

Dépasser ces contradictions sera un grand défi pour les années à venir. Il est important de construire une société d'hommes et de femmes responsables. Or, les parents sont les premiers symboles de cette société. Cette évolution va donc se faire lorsqu’ils sentiront les compétences et les possibilités qu'ils ont en eux-mêmes. Dans ce domaine nous avons un

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grand travail à accomplir, car il y a loin du souhait à la réalité. Votre expérimentation tout à fait originale nous donne des enseignements qui devraient servir à guider les prises de décisions pour harmoniser les relations entre parents et professionnels de l'enfance au profit de la santé et de l'équilibre des jeunes générations.

F.P : A mon sens s'il est un domaine où un consensus peut s'établir par-delà les clivages politiques, c'est bien celui de la santé des enfants. Il faudra que les orientations de promotion de la santé soient guidées par un souci d'objectivité, surtout pas par l'idéologie ou des intérêts corporatistes.

Georgina Dufoix : Les enfants ont des difficultés à se situer dans notre société occidentale. Productiviste, elle est d'abord orientée vers la production et la capacité à produire. C'est absolument nécessaire, je ne le remets pas en cause. Mais nous sommes allés si loin dans cette orientation que nous avons exclu ceux qui n'ont pas encore (ou ceux qui n'ont plus) cette capacité de produire. Je pense particulièrement aux jeunes enfants qui, c'est clair, n'ont pas leur place dans la ville. Je ne suis pas à la recherche d'un statut d'enfant-roi, je souhaite simplement que l'enfant ait réellement sa place dans la cité.

J'encouragerai et j'aiderai toutes les initiatives qui permettront à l'enfant de vivre mieux, de vivre plus responsable.

Aujourd'hui, je ne suis plus en charge des problèmes de l'Etat, mais l'action continue ».

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Annexe 4 : Action en Collège

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ATELIER : L’IMPORTANCE DE L’EDUCATION

A l’ATTENTION DE PARENTS D’ENFANTS ET D’ADOLESCENTS

Cette session s'adresse : Aux personnes inscrites à la C.L.I. bénéficiares du R.M.I, concernées du fait de leurs responsabilités de parents d’enfants ou d’adolescents.

OBJECTIFS

De mieux comprendre l’importance de l’éducation dans le développement de l’enfant.

Prendre du recul sur son rôle et comparer les différentes attitudes éducatives d’autres parents et rechercher celles qui conviennent le mieux aux enfants compte - tenu de la morale, de la société…aux travers d’expériences concrètes.

S’inscrire dans une dynamique prise de confiance en soi préalable à une démarche d’insertion par une activité professionnelle.

METHODE PEDAGOGIQUE :

Elle est basée sur :

L'expérience et le vécu des participants et l’analyse des différentes attitudes parentales,

La réflexion du groupe après l’analyse des situations familiales et d’apports sur le développement de l’enfant.

DUREE : 10 jours Nombre de participants 15 personnes (Les conjoints peuvent être associés)

LIEU : Collège de la Bretagne à Saint-Denis

INTERVENANTS : Mme Marie-Claude GONTHIER, Parent - Relais en formation (*) et M. Frédéric PAULUS , Psychothérapeute, Docteur en sociologie et en psychologie, auteur d’un ouvrage sur la santé des enfants et des adolescents (en cours de réédition aux Editions Azalées).

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CONTENU PARTIEL DE LA FORMATION

Evaluation des attentes des participants :

• Sur le plan personnel. • Présentation des stagiaires • De leur conception d’être parents • Différenciation… discussion (phase de création d’une ambiance, un « climat »

émotionnel propices aux échanges conviviaux).

Elaboration des axes de réflexion :

Du nourrisson au pré – adolescent, apport en biologie, psychologie, et sociologie sous formes de discussions.

Le désir d’enfant, comment l’enfant a-t-il été conçu ?

Le développement de l’enfant, les grandes étapes du développement de l’enfant.

Comment s’établit la confiance en soi ? Dès le plus jeune âge ?

Apports d’informations documents et film vidéos.

Spécificité des conduites « normales » en période a dolescente.

La sexualité, l’attitude de défi… Les performances scolaires et le complexes générant l’échec scolaire. Les stimulations familiales et extra familiales

L’adolescent a un passé, une histoire : éléments théoriques et points de repère par rapport au développement de l’enfant afin de situer la spécificité de cette période de vie.

L’attitude de l’enfant et de l’adolescent face à l’école. L’attitude de l’enfant et ensuite de l’adolescent face à l’autorité, paternelle, maternelle, et face à la société.

Spécificité des conduites pathologiques en période adolescente.

Liaison entre la dynamique propre de l'adolescent (les différentes façons de vivre cette période de vie) et l'apparition des conduites suicidaires, des toxicomanies, de l'alcoolisme, le désœuvrement... La valeur ou la signification d'une tentative de suicide, les motivations conscientes et inconscientes.

Les comportements de défi... d'inhibition, de refuge dans l'imaginaire, de provocation etc. L’appel à l’aide. La consommation de cannabis…l’alcoolisme..

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L’ENFANT ET L’ADOLESCENT ENTREPRENANTS, qui ont confiance en eux.

Réflexion fondamentale sur la confiance en soi.

Evaluation subjective. On propose de se situer par rapport à des questions « subjectives ». La notion de bien et de mal. Le système de récompense et de punition. Comment se justifie-t-il ? Qu’est-ce que respecter un enfant ?

Un exemple : l’enfant est-il intelligent dès la naissance ? Cette question est abordée très rapidement lors de la formation.

BILAN DE DE L’ATELIER (1 journée)

- Evaluation de l'apport de l’atelier : influence sur soi-même.

Les changement de points de vue ? Les quels ? Dans quels sens ? Pourquoi ?

- Propositions éventuelles d'interventions nouvelles.

- Cet atelier vous a-t-il donné confiance en vous ? Serriez-vous désireux de poursuivre le travail accomplis bénévolement ? (cf voir N.B) Votre intérêt pourrait également toucher les parents et les enfants de votre voisinage. Qu’en pensez-vous ?

- La présence d’un responsable est souhaitable.

N.B : Il existe un statut qui pourrait convenir à ces perspectives d’interventions, celui de « parent –relais ». L’équipe du CEVOI peut vous renseigner (les parents) sur ce sujet.

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Annexe 5 : Action à la DPJJ

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GROUPE DE PARENTS

d’adolescents sous contrôle judiciaire - DPJJ

PREAMBULE

Sur le département, ce projet se veut novateur, en associant dans une démarche commune les acteurs publics et associatifs pour la prise en compte de la globalité des familles dans les difficultés qu’elles rencontrent à propos de l’éducation de leurs enfants et plus spécifiquement lorsque ces derniers font l’objet de diverses mesures – tant administratives que judiciaires.

Leur prise en charge par les institutions – surtout en placement - opère de fait une séparation (qui n’est pas uniquement physique), entre d’un côté l’enfant, qui est pris en charge par l’institution, d’un autre les parents, trop souvent plus « spectateurs » qu’acteurs dans ce qui pourtant les concerne en premier.

Ainsi, s’instaurent deux mondes séparés : l’éducatif et le familial.

Ce projet a l’ambition de vouloir remettre les parents au centre de l’éducation en général.

Il est né de la rencontre entre deux psychologues :

L’un exerçant en foyer éducatif à la PJJ,

L’autre intervenant en institutions dans la dynamisation d’équipes éducatives et la recherche en sciences humaines.

Les échanges, les confrontations de leurs réflexions et de leurs pratiques, leurs observations du milieu environnant les ont conduits à mettre en synergie leur expérience pour proposer le présent dispositif qui s’inscrit dans le sens de l’appui, du soutien, de l’accompagnement des familles ; rejoignant ainsi l’esprit des circulaires ministérielles : 99/153 du 09 mars 1999 et 2001/150 du 20 mars 2001 dites « REAAP » - et en partenariat recherché entre les institutions à caractère social, les collectivités publiques locales et les familles en demande de soutien.

GROUPE DE PARENTS

Constitution d’un Groupe d’échanges, de réflexion et de soutien ouvert à tout parent éprouvant des difficultés (ou demandant aide) dans l’éducation de leur(s) enfant(s) faisant l’objet de mesures soit administratives, soit judiciaires. Cette action

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peut intervenir préventivement face aux phénomènes de déscolarisation, désœuvrement, difficultés d’adaptation…

La rencontre, l’adhésion ; l’inscription des pères seront systématiquement recherchées. Dans les hypothèses où ces rencontres ne seraient pas possible, un travail sur le rôle du père sera privilégié.

Outre un travail en commun avec les autres services de la PJJ du département, un travail partenarial sera envisagé avec le Conseil Général, le secteur associatif habilité, les professionnels qui ont contact avec les familles …

Objectifs :

Permettre à tout parent :

� D’évoquer sa situation, ses possibilités ou impossibilités, ses désirs, ses blocages, son enthousiasme ou son désarroi, son implication ou ses craintes… dans ses manières d’être et de faire avec son (ses) enfant(s),

� D’offrir les conditions d’une prise de conscience de leur capacité, aptitude au changement dans l’acte éducatif,

� De réfléchir au rôle, à la place, à la fonction qu’il remplit dans la dimension éducative et structurante pour le mineur,

� D’appréhender les étapes du développement de l’enfance, � De mesurer le poids de leurs idées, conceptions, représentations, éducation et

l’impact du vécu sur leur façon d’être face à leur propre enfant, � De faire ressortir leurs références, différences… selon leur propre vécu d’enfant, � De mettre en relief leurs différents savoirs et de les comparer, � Approcher les processus bio psycho-sociologiques en jeu lors de l’adolescence,

(énoncés en termes simples) après que le savoir parental ait pu s’exprimer.

L’objectif général est axé sur l’ACCOMPAGNEMENT du parent pour l’aider à prendre conscience de ses capacités à être parent.

Il touche son savoir être, sollicite sa réflexion, met en valeur ses aptitudes à accompagner son enfant afin de créer (ou de recréer) un mode relationnel nouveau entre lui-même et l’adolescent. Il devrait pouvoir émerger un processus de ré appropriation d’autorité parentale.

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Modalités de fonctionnement :

1) constitution et mise en place du groupe � repérage des différents besoins et attente du parent en fonction des

difficultés de leur (s) enfant (s), évaluation des demandes, � réflexion sur la mise en place des séances, leur contenu, leur conduite…, � démarches diverses, institutionnelles, organisationnelles.

2) l’animation est conçue comme une « animation partagée », qui se réalise en groupe de 8 à 10 parents. � Elle nécessite un savoir-faire relationnel, � Elle est assurée par deux co-animateurs, tous deux psychologues, � Si nécessité, les animateurs peuvent s’entourer de personnes

compétentes sur un sujet précis.

Cette animation fait appel à un savoir-faire spécifique pour éviter tous risques de culpabilisation, de jugement et autres transgressions de règles déontologiques, de non-respect de confidentialité et de la vie intime des participants.

Animation : André LAFONT : Psychologue clinicien PJJ

Frédéric PAULUS : Directeur du CEVOI

Docteur en sociologie et en psychologie –

psychothérapeute

Evaluation

1 individuelle

Au terme de chaque module, un bilan d’évaluation est remis au parent qui en dispose selon sa volonté. Aucune évaluation ne peut être transmise à des tiers extérieurs préservant ainsi toute confidentialité.

Un suivi peut s’envisager, sous des formes appropriées selon le contexte parental, si une demande est exprimée à la fin de la session.

2 collective

Elle porte sur la créativité du groupe, sa dynamique, les interactions susceptibles d’engendrer des solidarités de voisinage, des conflits et leurs résolutions.

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Lieux : Au Port

Dans un souci de décloisonnement des institutions et afin de favoriser le travail en réseaux, il est souhaitable que les rencontres se tiennent dans des lieux hors ceux des services sociaux ou d’administrations (tribunaux, ASE, GUT, PJJ…) des contacts seront pris avec les collectivités locales pour une mise à disposition de locaux.

Prenant en compte la difficulté des familles à se déplacer, les intervenants prévoient d’atténuer celle-ci en se rendant dans les endroits (N/E/O/S) où un groupe sera constitué. La recherche d’une salle sera effectuée.

Durée : totale de 60 heures

20 interventions de 3 heures de temps chacune (soit une demi-journée), à raison d’une fois par semaine.

3 Evaluation du dispositif :

Elle se fera avec l’intervention de « cadres » - dont l’un au moins sera un(e) praticien(ne) psychologue clinicien(ne) – désignés par les partenaires,

et les deux animateurs du groupe ).

Elle portera sur :

� La pratique, les orientations, le sens du travail effectué, l’évolution…, � Les critères institutionnels, � L’action entreprise et son ouverture … pour les familles ; avec retour didactique

vers les institutions � Elle donnera lieu à la rédaction d’un bilan annuel. Ses objectifs déterminants sont

une capitalisation de l’expérimentation des pratiques professionnelles, une formalisation permettant une communication de l’action et sa transmission.

Comité de pilotage :

Il est constitué d’un représentant de chacun des partenaires parties prenantes du dispositif et des animateurs du groupe,

Il se réunit tous les quatre mois, pour :

� Etre informé du déroulement de la session, des difficultés rencontrées, des modifications à apporter…

� Echanger des connaissances,

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� Emettre des propositions… � Evoquer la suite, « l’après » groupe = si des demandes sont émises ou une

nécessité se fait sentir chez les parents.

Ce projet est conçu et soutenu en partenariat entre la PJJ et le CEVOI, par convention de collaboration et tout autre partenaire potentiel.

Il fait appel à la mobilisation et à la participation de tous les acteurs approchant de près ou de loin l’acte éducatif et préventif.

Ce groupe est ouvert à tous les partenaires Conseil Général, PJJ, – secteur habilité, Conseil Général, PJJ, et autres.

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Annexe 6 : Collaboration REAAP– CAF de La Réunion

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R.E.A.A.P.

Réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement des parents

FICHE ACTION C.E.V.O.I.

RAPPORT D’ACTIVITES ANNEE 2002 ET PERSPECTIVES 2003

1. Intitulé de l'action :

SOUTIEN DES PARENTS DANS LEURS TACHES ET FONCTIONS EDUCATIVES Financement assuré par la C.A.F de La Réunion 2. Dénomination et adresse de l'association et / ou de l'organisme porteur de l'action :

CENTRE D'ETUDES DU VIVANT DE L'OCEAN INDIEN (C.E.V.O.I)

OBJECTIF STATUTAIRE DE l’ASSOCIATION (Crée en Octobre 2000) :

Promouvoir une réflexion sur l’interdisciplinarité au sein du développement des sciences du vivant et diffuser des connaissances favorisant le développement humain.

3. Date de démarrage et origine de l'action :

Le démarrage de l’action, sur l’île de la Réunion remonte à l’année 2001. L’expérience mobilisée dans l’approche des parents profite des travaux de Frédéric Paulus qui a contribué à créer avec une pédiatre, Martine Capelle, et une mère de famille, Claude Viard, une « Maison des Parents et des Praticiens de l’enfance » qui serait considérée de nos jours comme un « lieu de parentalité ». L’expérimentation liée à cette initiative de « prévention psycho-sociale-primaire », a fait l’objet d’une étude de 1981 à 86 sanctionnée par un doctorat en sociologie clinique (1984), sous la direction de Claude Veil (E.H.E.S.S.) et Marie-Josée Chombart de Lauwe (C.N.R.S.). La valorisation de cette action, en son temps, a été possible par de nombreuses conférences nationales et internationales et de nombreux articles publiés dans des revues à comité de lecture. L’expérimentation n’a cependant pas été soutenue par les administrations parisiennes de l’époque (Ville et Département de Paris). Les mentalités ne devaient pas être ouvertes aux enjeux véhiculés par cette innovation. Les animateurs durent mettre un terme, en 1986, à cette expérimentation. Notre équipe était en relation avec le Laboratoire du changement social dirigé par Vincent de GAULEJAC Paris VII Denis DIDEROT.

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Ce travail poursuit sa validation par la création d’une association loi 1901 ayant pour titre « La MAISON DES PARENTS et des Praticiens de l’enfanc e du TAMPON », dont il est question plus bas Publication le 19 juillet 2003 au JO, qui a dû interrompre ses activités comme indiquée ci-dessous.

Objet :

- valoriser le savoir éducatif parental, de favoriser l’initiative parentale pour l’amélioration de la vie des enfants au sein des familles, des institutions de l’enfance et du cadre urbain.

- promouvoir une culture parentale plus « éclairée » sur les besoins des enfants afin de favoriser le développement de l’enfant.

- développer des réseaux de parents susceptibles d’entraîner des solidarités de voisinage et d’accompagnement des parents dans leurs fonctions parentales sur la ville du Tampon.

- organiser des séminaires et des formations relatives au développement de l’être humain et toutes actions favorisant la parentalité.

Siège social :

Chez Madame EVENO-CHANE-KY

8, chemin des Bengalis, 97430 La pointe TAMPON

COMITE DIRECTEUR

EVENO-CHANE-KY Sophie

Présidente née le 28/07/70 de nationalité française , éducatrice

PAULUS Frédéric

Secrétaire née le 29/11/49 de nationalité française , Psychologue

DENOYELLE Marie-Louise

Trésorière née le 11/10/55 de nationalité française , Commerçante

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4. Objectifs de l'action :

Avec les dispositions dites « REAAP » (Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents), ce travail inauguré entre 1981 et 86 se trouve réactualisé avec cette création au TAMPON. Le CEVOI se présente, dans cette filiation, comme « tuteur » de cette initiative qui pourrait générer d’autres initiatives semblables sur l’île.

De nouveaux objectifs peuvent désormais s’affirmer :

. Organiser les conditions culturelles de l’émergence d’initiatives parentales pour la création de réseaux d ‘échanges, d’appui et d’accompagnement de parents.

Explicitation de l’objectif : Cet objectif nécessite d’expliciter l’importance de la fonction parentale dans le développement de l’enfant et dans l’établissement de sa santé. L’éducation et la santé sont les valeurs essentielles et devraient être mobilisatrice de changement. De nos jours nous pouvons même argumenter scientifiquement la promotion du « bonheur des enfants ». (voir N.B les travaux d’Antonio DAMASIO mentionnés plus bas que le CEVOI contribue à valoriser sur l’île de la Réunion).

. Identifier des parents susceptibles de dynamiser d’ autres parents poursuivant les objectifs des circulaires ci-dessus (des réunions d’information, animations d’émissions locales et articles dans la presse locale sur les enjeux de ces perspectives sont prévues).

Explicitation de l’objectif : Ces parents « dynamiseurs » sont appelés « parents relais ». La constitution d’un groupe de 20 parents relais sur la commune du Tampon est notre ambition durant l’année 2003-2004 (septembre 03 à septembre 04), l’idéal étant de constituer deux groupes : un groupe de parents ayant des enfants en bas âge, l’autre groupe de parents ayant des enfants adolescents).

. Rechercher les solutions les plus appropriées pour organiser la création de ces réseaux , leurs soutiens réflexif, technique, logistique, éthique et pratique. ----------------------------------------- N.B : La publication récente du dernier ouvrage d’A ntonio DAMASIO, Spinoza avait raison, Joie et tristesse, le cerveau des émotions , Odile Jacob, 2003, renforce nos orientations. Ce t ouvrage s’inscrit (selon nous), dans le droit fil des travaux d’Henri Laborit. Nous sommes assurés que de nombreux éléments d’innovation en faveur de la pro motion de la santé par les parents se révéleront dans les pro chaines années (*). Le parent devrait devenir un ac teur RECONNU PUBLIQUEMENT.

(*) Cela est d’autant plus évident que notre sociét é souffre d’un mal de son système de santé, peut-êt re bien français : Voir l’article : « Les dépenses de santé ont doublé depuis 1990 » titré à la une du « Monde » du 25 juillet 2003. Sur un budget de 138,7 milliards d’€. Commentaire : « la part consacrée à la prévention paraît être le parent pauvre soit 3 milliard », article disponible au CEVOI, 79, rue Labourdonnais 97400 Saint-Denis.

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Explicitation de l’objectif : Cette orientation est en rapport avec l ’objectif de présenter dans les années à venir d’un guide théorique et méthodologique d’innovation autour de la parentalité susceptible de pouvoir guider et dynamiser d’autres initiatives sur le territoire réunionnais et métropolitain. Ce guide se présentera comme un ouvrage à l’usage de parents et de travailleurs sociaux désirant s’investir sur le terrain de la promotion de la parentalité. . Œuvrer avec ces parents au niveau des pouvoirs publ ics pour la reconnaissance et l’institutionnalisation de Maison des Parents et des praticiens de l’enfance ou toutes autres appellations.

Explicitation de l’objectif : Le contexte de la commune du Tampon semble favorable compte-tenu des contacts déjà établis avec Monsieur le Maire. Il s’est avéré que le Maire souhaitait que sa conjointe devienne la présidente de l’association, ce qui ne fut pas envisageable. Rajout à ce rapport, le 14/04/2013. L’association ne fonctionne plus à ce jour.

5. Destinataires de l’action : Public visé - Pub lic atteint

Public : Parents potentiellement aptes à encadrer d’une manière informelle d’autres parents considérés comme des PARENTS RELAIS ;

Un parent a été repéré : Madame Marie-Claude GONTHIER qui devrait devenir l’animatrice de la Maison des Tampon. Celle-ci a participé à une action en faveur de parents « RMIstes » sur le thème « L’importance de l’éducation » animée par Selvy Bala et Frédéric Paulus au sein du collège Emile HUGO (action présentée plus haut). Cette action se poursuit en quelque sorte dans la mise en place d’un « ESPACE PARENTS » dans cet établissement. Le bilan qualitatif des activités peut vous être transmis si besoin était.

6. Partenaires privilégiés dans le cadre de l'actio n :

Les parents. Le contrat de Ville de la Possession.

Le CEVOI intervient depuis novembre dans le soutien de l’initiative du « Maillon dynamique » de Bras-Panon. Il diffuse régulièrement des articles dans la presse locale sur des thèmes susceptibles d’élargir la conscience collective sur les thèmes d’éducation et de santé par l’intermédiaire du courrier des lecteurs pour structurer en quelque sorte cette mouvance innovante en faveur des parents.

Le collège Emile HUGO à la Bretagne semble vouloir poursuivre son innovation en un projet de « coin parents ».

.

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7. Contenu et déroulement de l'action :

Trois terrains d’investigation et d’action sont donc recensés soit : La commune du Tampon, La commune de la Possession. D’autres contacts ont été établis avec des citoyens de « petites » communes. La récente médiatisation de l’action « Réseau de Parents » à la possession qui nous a valu un temps d’Antenne aux matinales d’R.F.O. a révélé une forte demande de débats à propos de l’éducation et de la santé des enfants. En effet de nombreuses personnes demandaient de tels débats dans leur commune (une quarantaine). Il semble que le contexte culturel soit propice au renforcement de la démarche REAAP.

Suite à l ‘émission de RFO deux personnes ont manifesté leur « enthousiasme » pour œuvrer dans le sens du REAAP…

8. Intervenants éventuels (profil et nombre) :

Docteur Boris CYRULNIK , qui devait animer une journée de Formation pour les parents et les travailleurs sociaux, invité par le CEVOI et l’université pour tous. Cette invitation est repoussée le 8 Avril 2004 La prestation de Monsieur CYRULNIK portera sur le thème de « ARCHEOLOGIE DU COMPORTEMENT PARENTAL ». Ce thème nous permettra de mieux situer le niveau d’influence du REAAP et plus particulièrement des groupes de réflexions sur les besoins des enfants et leur éducation. Le psychologue éthologue devrait établir une filiation entre l’animalité en général et l’humanisation de cette humanité que les éthologues et psychologues évolutionnistes nomment : « hominisation ».

Notre approche peut être considérée comme « nouvelle » compte tenu du développement d’une nouvelle l’orientation de la psychologie dite évolutionniste et qui pour l’instant n’est pas organisée en un corpus formalisé. Notre liaison avec M. CYRULNIK est liée à cette filiation. Notre critique de l’univers de la psychologie consiste à présenter ce schéma : il serait dominé par deux courants qui ont tendance à s’ignorer. La psychologie clinique serait dominée par le modèle freudien, la psychologie cognitiviste serait dominée par la pensée piagétienne. Le CEVOI s’efforce d’être ouvert à toutes références pertinente et novatrice dans le champ des connaissances dans l’approche du vivant et donc de l’Homme.

Le comportement parental est lui même pris par cette logique de « double face », il civilise et socialise l’enfant en risquant d’occulter la dimension d’éducation de cette animalité. Cette « occultation » est d’ailleurs relevée par le Professeur Michel MAFESSOLI avec qui nous sommes en dialogue depuis notre invitation en 1999 lors d’un colloque du que nous avons organisé intitulé : « La question de la violence ».Les actes du colloque (photocopiés) sont disponibles dans nos locaux.

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Personnes ressources :

Marc POUMADERE , directeur de l’Institut SYMPLOG, psychosociologue et Professeur à l’E.N.S de Cachan (Val de Marne). Il est également membre du CA du CEVOI. Il envisage d’intervenir sur l’étude implicite des valeurs qui sous-tendent les comportements.

Laurence VAIVRE DOURET , Professeur de Psychologie, Directeur de recherche à l’INSERM, qui devait intervenir deux journées en 2003. Contacts entrepris en septembre 2002, pour une intervention sur le thème du développement de l’enfant « De la vie fœtale à l’enfant de trois ans ». Elle est également membre du CA du CEVOI.

9. Mode de participation des parents :

PARENTS A L’INTERIEUR DES INSTITUTIONS DE L’ENFANCE : Il serait opportun de promouvoir, (dans l’idéal), aux seins des institutions de l’enfance des lieux de parentalité autonomes réglementairement et financièrement, des lieux d’écoute et d’échange dans le respect des croyances et des différences, des lieux de confrontation d’idées et de conceptions sur les besoins des enfants. Il s’agit de se rapprocher les parents entre eux (*). Il s’agirait de médiatiser ces échanges, d’animer ces lieux d’entraide favorisant les solidarités afin de contribuer notamment à réduire chez certaines familles les difficultés de la vie de tous les jours et d’engendrer bien d’autres conséquences positives concernant la santé, l’éducation des enfants et le maintien d’un lien social.

(*) Ce travail se fait actuellement à la crèche des « Petits Pandas » sur la commune du Port.

ACTION POLITIQUE SUR UNE ECHELLE NATIONALE : Toutes réflexions et collaborations à ces propositions ci-dessus seront les bienvenues. De nombreuses questions se posent dont il faudrait débattre avec les responsables des collectivités publiques et les associations de parents notamment. On peut imaginer ensuite de solliciter l’appui des organisations nationales (C.N.A.F, (*), U.N.A.F., Syndicat des familles, Fédérations des parents d ‘élèves, Fédération des Ecoles des Parents et des Educateurs…) pour soutenir ce dossier au niveau de l’Etat.

(*) Nous avons le projet d’informer la CNAF de nos travaux de 1981 à 1986 et ceux liés à la Réunion. Nous envisageons également des contacts au niveau des instances de l’U.N.A.F et le Conseil de l’Europe (Envoi d’un dossier de presse). Notre interlocuteur était à l’époque M. Jean-Michel BELORGEY, Conseiller d’Etat, chef de la section européenne dont nous présageons toujours de son soutien (en 2013).

Il serait essentiel de contribuer à ce que les parents deviennent plus sûrs d’eux-mêmes comme parent. Une véritable culture parentale éclairée sur les besoins des enfants est à développer, majorant les ressources intuitives et disponibles des parents.

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Ce programme ambitieux est possible. Il semble effectivement s’inaugurer avec le « REAAP ».

10. Résultats (constatés et/ou attendus) de l'actio n :

Au niveau des parents : Les parents mobilisés devraient devenir de véritables « défenseurs » du REAAP , c ‘est ce que nous escomptons sur la commune du Tampon.

Le CEVOI diffuse des informations et c’est sa raison d’être, il montre que la politique d’aide à la parentalité nécessite une réflexion fondamentale qui pourrait être promue d’une manière plus formelle et plus volontariste de la part des pouvoirs publics.

11. Freins et difficultés à surmonter :

Les partenaires du REAAP devraient considérer qu’il ne s’agit pas « d’aider les parents » mais de créer les conditions culturelles dans la perspective que les parents s’entraident mutuellement avec la participation de spécialistes sollicités par les parents.

Avant les circulaires qui « réglementent » actuellement le REAAP ne soient promulguées, on pouvait concevoir de créer des associations permettant aux parents une certaine organisation hors des institutions de l’enfance. Depuis 1999, le contexte institutionnel semble avoir pris conscience que les institutions d e l’enfance pourrait s’ouvrir aux parents d’une manière « volontariste » . C’est une action sociale politique que nous ne maîtrisons pas.

Les professionnels de l’enfance pourraient contribuer à émanciper les parents à l’égard des savoirs sur l’enfant dont ils ont eux-mêmes accès. C’est pourquoi nous préconisons par exemple la promotion de « Maisons des Parents et des praticiens de l’enfance » . Ces « espaces » devraient devenir des lieux de « passages de frontières » entre ces deux groupes selon l’expression de Marc VANDEWYCKELE qui est devenu une personne ressource.

12. Perspectives : Le cadre institutionnel de ce no uveau service, pérenniser la démarche REAAP.

Il s’agirait de réfléchir à une éthique de l’accompagnement parental et à des principes organisateur des réseaux que nous pensons « incontournables » ainsi qu’un dispositif institutionnel stabilisant la démarche du REAAP en la « chevillant » aux institutions de l’enfance., de la maternité au collège en passant par les associations et les écoles...

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13. Coût et mode de financement :

Subvention CAF.

14. Personne(s) référente(s) : REAAP : Sabine CARLES (CAF), Josiane BRETON (DRASS), Marie-Claude BENARD (DRASS).,

CEVOI : Frédéric PAULUS (CEVOI), Docteur en psychologie (2000) et Docteur en sociologie (1985), Marie-Claude GONTHIER (Parent) Marc VANDEWYCKELE (Sociologue).

PUBLICATIONS DISPONIBLES ET PERSPECTIVES

(Ces documents peuvent être transmis sur simple demande ou disponible sur place)

Article sur l’expérimentation « Maison des Parents et des Praticiens de l’enfance » in « Interventions », Revue de la corporation des travailleurs sociaux du Québec, N° 71, mai 1985, pp 93-99 disponible au CEVOI 79, rue Labourdonnais, 97400 Saint-Denis.

Intervention du CEVOI à La Possession, correspondance de M. Le Maire. Début de la création d’un réseau de parents à la Possession sous l’impulsion du Contrat de Ville.

Atelier sur « l’importance de l’éducation » et compte rendu des 10 journées d’atelier au Collège Emile Hugo, réalisé par Mme Marie-Claude GONTHIER et Frédéric PAULUS.

Début d’intervention du CEVOI à Bras-Panon avec un collectif « LE MAILLON DYNAMIQUE ».

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Siège : 79, rue Labourdonnais, 97400 Saint-Denis de la Réunion

Tel : 02.62.20.11.16 Port : 06.92.29.65.69. Siret 434 892 527 00012 – APE : 804C

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