FOLKLORE ET PATOIS DE BEAUNOTTE - Dijon CACO/1832-2001...SIÏANC.K DU 16 NOVEMBRE 1.941 247...

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246 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1041 dénasalisée. Encore cette dernière forme n'y a-t-elle trouvé asile que dans l'Auxois. Le président fait observer que puîné sert encore en Bourgogne à distinguer le plus jeune de deux frères homonyme.., tandis que inouné désigne exclusivement le plus jeune des enfants d'une même famille- Enfin M. Lebel commente les expressions Combe aux larrons, Voie aux larrons, le Maupas « mauvais passage » que l'on trouve dans la toponymie ou les récits historiques 1 (v. Annexe). A la suite de cet exposé, le président rappelle que la Combe aux larrons de Val-Suzon avait déjà une sinistre réputation dès le vi" s., puisque la Vie de sainl Baudri y fait allusion. Dans les papiers de la justice ducale, elle apparaît souvent comme un endroit dangereux. Même, de nos jours, constate encore M. L. Sirdey, on y a commis des assassinats à coup de fusil. * * ANNEXE FOLKLORE ET PATOIS DE BEAUNOTTE (Notes recueillies par M. A. Colombet, bibliothécaire, auprès de M. Charles Sullerot) Le grain de sel. — II était d'usage d'offrir à un enfant, qui entrait pour In première fois dans une maison, quelque menu cadeau (gâteau, morceau de sucre, pièce de monnaie) qu'on appelait grain de sel. On croyait qu'il portait bonheur à la personne qui le donnait et à l'enfant qui le recevait. L'enfant pouvait être un bébé amené par sa mère, un enfant de cultivateurs ou d'artisans nouvellement installés, un enfant venu en vacances. Il n'allait pas spécialement dans les maisons du village pour recevoir ce cadeau. Les vieilles personnes n'ont jamais vu donner un grain de sel, comme le laisse supposer l'expression employée aujourd'hui. C'est cependant fort probable puisque l'oiîrande d'un peu de sel a toujours été considérée comme un porte- bonheur ou une marque de cordiale hospitalité. Cadeaux de noces. A la lin du XVIII C et au début du xix c s., il était d'usage d'oiïrir aux jeunes mariés un pain de sucre et un sac de sel, denrées particuliè- rement rares et chères. Au milieu du xix c s., la famille donnait encore à la jeune mariée un pain de sucre de cinq livres. Chez quelques gens, on rangeait les pains de sucre sur la tablette de la cheminée : c'était un signe de richesse que l'on montrait avec fierté. Le « micheû ». Jadis chaque famille de cultivateurs faisait elle-même son pain. La pâte servait à confectionner un certain nombre de miches d'environ trois kilogs et le résidu un petit pain appelé micheû. H était enfourné le dernier et retiré le premier. Les enfants l'appréciaient particulièrement, parce qu'on leur faisait croire qu'en raison de sa taille, de sa cuisson rapide, il était meilleur que le reste de la fournée. Us se faisaient fête d'en avoir une tranche lorsqu'il sortait tout chaud et tout croustillant. S'il n'y avait pas d'enfants, on le mangeait en premier lieu. Aucune vertu prophylactique n'était attachée à cette pratique. A une époque plus récente et dans certaines familles (comme l'usage avait cours dans d'autres régions) la ménagère ajoutait un peu de sucre et de lait, un oeuf ou du beurre à la pâte du micheû qui devenait alors un véritable gâteau. 1. Par exemple chemin aux Larrons ou voie larrenasse à Poncey-sur-1'Ignon (v. Mém. Cnmm. Anliq. C.-d'Or, t. XXI, p. 508).

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Page 1: FOLKLORE ET PATOIS DE BEAUNOTTE - Dijon CACO/1832-2001...SIÏANC.K DU 16 NOVEMBRE 1.941 247 Aujourd'hui les cultivateurs sont rares qui font eux-mêmes leur pain. Aussi ce micheû

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dénasalisée. Encore cette dernière forme n'y a-t-elle trouvé asileque dans l'Auxois.

Le président fait observer que puîné sert encore en Bourgogne àdistinguer le plus jeune de deux frères homonyme.., tandis que inounédésigne exclusivement le plus jeune des enfants d'une même famille-

Enfin M. Lebel commente les expressions Combe aux larrons,Voie aux larrons, le Maupas « mauvais passage » que l'on trouve dansla toponymie ou les récits historiques 1 (v. Annexe).

A la suite de cet exposé, le président rappelle que la Combe auxlarrons de Val-Suzon avait déjà une sinistre réputation dès le vi" s.,puisque la Vie de sainl Baudri y fait allusion. Dans les papiers de lajustice ducale, elle apparaît souvent comme un endroit dangereux.Même, de nos jours, constate encore M. L. Sirdey, on y a commis desassassinats à coup de fusil.

* *

ANNEXE

FOLKLORE ET PATOIS DE BEAUNOTTE(Notes recueillies par M. A. Colombet, bibliothécaire,

auprès de M. Charles Sullerot)

Le grain de sel. — II était d'usage d'offrir à un enfant, qui entrait pour Inpremière fois dans une maison, quelque menu cadeau (gâteau, morceau de sucre,pièce de monnaie) qu'on appelait grain de sel. On croyait qu'il portait bonheurà la personne qui le donnait et à l'enfant qui le recevait.

L'enfant pouvait être un bébé amené par sa mère, un enfant de cultivateursou d'artisans nouvellement installés, un enfant venu en vacances. Il n'allait passpécialement dans les maisons du village pour recevoir ce cadeau.• Les vieilles personnes n'ont jamais vu donner un grain de sel, comme le laissesupposer l'expression employée aujourd'hui. C'est cependant fort probablepuisque l'oiîrande d'un peu de sel a toujours été considérée comme un porte-bonheur ou une marque de cordiale hospitalité.

Cadeaux de noces. — A la lin du XVIIIC et au début du xixc s., il était d'usaged'oiïrir aux jeunes mariés un pain de sucre et un sac de sel, denrées particuliè-rement rares et chères. Au milieu du xixc s., la famille donnait encore à la jeunemariée un pain de sucre de cinq livres. Chez quelques gens, on rangeait lespains de sucre sur la tablette de la cheminée : c'était un signe de richesse quel'on montrait avec fierté.

Le « micheû ». — Jadis chaque famille de cultivateurs faisait elle-même sonpain. La pâte servait à confectionner un certain nombre de miches d'environtrois kilogs et le résidu un petit pain appelé micheû. H était enfourné le dernieret retiré le premier. Les enfants l'appréciaient particulièrement, parce qu'onleur faisait croire qu'en raison de sa taille, de sa cuisson rapide, il était meilleurque le reste de la fournée. Us se faisaient fête d'en avoir une tranche lorsqu'ilsortait tout chaud et tout croustillant. S'il n'y avait pas d'enfants, on le mangeaiten premier lieu. Aucune vertu prophylactique n'était attachée à cette pratique.

A une époque plus récente et dans certaines familles (comme l'usage avaitcours dans d'autres régions) la ménagère ajoutait un peu de sucre et de lait,un œuf ou du beurre à la pâte du micheû qui devenait alors un véritable gâteau.

1. Par exemple chemin aux Larrons ou voie larrenasse à Poncey-sur-1'Ignon(v. Mém. Cnmm. Anliq. C.-d'Or, t. XXI, p. 508).

Page 2: FOLKLORE ET PATOIS DE BEAUNOTTE - Dijon CACO/1832-2001...SIÏANC.K DU 16 NOVEMBRE 1.941 247 Aujourd'hui les cultivateurs sont rares qui font eux-mêmes leur pain. Aussi ce micheû

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Aujourd'hui les cultivateurs sont rares qui font eux-mêmes leur pain. Aussice micheû n'existe plus guère que dans le souvenir des anciens habitants.

Les labours et le « chàsavun- ». Dans la région de Beaunotte les labourss'effectuent avec deux chevaux tirant côte à côte. Les terrains étant légers,caillouteux ou sablonneux, de plus la terre arable n'ayant pas une bien grandeépaisseur, et enfin les champs étant souvent situés à flanc de coteau, un attelageà quatre chevaux disposés en flèche serait inutile et encombrant. Le laboureurqui tient les mancherons de la charrue est seul. Il n'a pas avec lui un conducteurcomme dans les pays de plaine. Dans ces conditions, il ne se sert pas du fouetordinaire, la chèsor' (a. fr. chassoire), qui serait trop court, mais d'un fouet àlong manche et à grande lanière qu'on appelle le chèsavan-. Ce mot existe enmoyen français, sous la forme chasse avant et avec le sens d'« excitateur,' sti-mulant ».

Deux mois patois : kôn'teû et pleun-. — Le premier sert à exprimer une décon-venue : on reçoit un kôn'teù quand un espoir est déçu, quand un service estpayé d'une méchanceté, quand on ne vient pas à un rendez-vous ou qu'on voust'ait une farce de mauvais goût. Dans son Blason populaire de la Haute-Marne,p. 44, A. Daguin signale l'expression langroise on lui a donné son cogneu et endonne l'explication suivante. « On appelle cogneu à Langres et dans beaucoupd'autres lieux de la Champagne, de la Bourgogne et de la Lorraine, une espècede gâteau que l'on donne aux enfants, soit la veille de Noël, soit le jour desSaints Innocents. Autrefois, on accompagnait ce présent du fouet ou de quelqueautre châtiment ; suivant les uns, pour mieux graver dans les jeunes mémoiresla date et le mystère de la naissance du Christ ; pour d'autres, il y avait là unressouvenir du massacre des Saints Innocents ; d'autres enfin opinent que l'onvoulait apprendre ainsi qu'il n'y a pas de plaisir sans peine ». Et Daguin ajoutequ'il a connu, dans la région langroise, des personnes qui, au début du xixe s.,ont reçu successivement le gâteau et son adjuvant.

Le second mot s'emploie toujours au pluriel et désigne des objets à mettre aurebut (pierres retirées d'un champ, ronces, broussailles provenant d'une haie,déblais, plâtras, restes de démolition, tas d'ordures, fumier, e t c . ) . On ditmettre aux pet uns, dépelugner comme nous disons « mettre aux déblais, décom-brer, faire place nette ». Pteun- semble être une prononciation particulière dumot betiins attesté en ancien bourguignon au sens de « saletés » (qui ont misaucuns /limiers, terres et autres beltins ez place de la ville de Dijon 1389, d'aprèsles Preuves de Y Histoire de Bourgogne, III, 132b).

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LA « COMBE AUX LARRONS » PRÈS VAL-SUZON(par M. Paul Lebel)

Dans le Voyage de la Terre Sainte, composé par maître Possot et achevé parmessire Charles Philippe en 1532, on lit que «le val de Suzon... est lieu fortdangereux de brigands ». La Guide des Chemins de France de 1553 fait observerque, sur la route de Troyes à Dijon, deux endroits sont particulièrement péril-leux : (e Goulet d'Augustine, lieu jadis dangereux de brigands (c'est aujourd'huile Goulot, lieu-dit de Courteron) et le Val-Suzon passage pi'rilleux (p. 84 et 85).Dans un vieil itinéraire des pèlerins de Sainte-Reine l , les environs de Val-Suzonsont notés comme des points dangereux où l'on risque de rencontrer des banditsde grand chemin : D'Argillu à Dijon, laisse Talanl à gauche, passe près du chêned*Autreservc et prends garde à la bourse et puis au Val de Suson... Du Val deSuzon jusqu'à S. Seine, il faut passer les bois de Sestres, fâcheux chemin pour ceuxqui ont beaucoup d'argent...

1. Abbé TRIWON, l.e pèlerin de Sainte-Reine, p. 90.