Folie des grandeurs à Crozon (Finistère) Les dérapages incontrôlés d'un maire trop fastueux

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International Planète Politique Société Education Carnet Economie Médias Sport Technologies Culture Webdocus Cantonales 2011 Bienvenue M. BRENDAN TROADEC Brest 8 ºC Quitter Archives Recherchez depuis 1 mois 0 8 21 » Vos préférences » Aide Folie des grandeurs à Crozon (Finistère) Les dérapages incontrôlés d'un maire trop fastueux Article paru dans l'édition du 20.06.89 'est l'histoire de quelques amis qui avaient des projets grandioses et la note de frais facile. C'est l'histoire d'un beau rêve de développement breton qui s'égare chez Maxim's. C'est l'histoire d'un employé de banque, d'un marin-pêcheur (en retraite) et d'une femme d'officier de marine qui laissent une ardoise de quelque 3,5 millions de francs à la modeste commune de Crozon-Morgat, au bout du Finistère. C'est l'histoire, en un mot, d'un jeune maire RPR qui décide de lancer sa station à la conquête de la renommée touristique. A peine élu, en 1983, Jean-Jacques Fabien diagnostique que "l'urgence est criante". "Les hôtels étaient fermées ou crasseux, il fallait faire quelque chose." Et comme M. le maire a retenu, des idées du moment, "qu'une mairie ça se gère comme une entreprise", il décide d'étudier la possibilité de créer un grand "complexe de thalassothérapie". Dans ce but, la mairie pourrait créer une société d'économie mixte. M. Fabien s'y refuse : trop rigide. On préfère donc susciter une société entièrement privée, la SEUACM, à laquelle la ville de Crozon accorde sa garantie pour un emprunt de 2 millions de francs au Crédit agricole, et dont le maire s'institue le "censeur", un titre créé pour la circonstance. Tout au long de l'année 1985, la SEUACM va déployer une intense activité. Non pas tant pour faire progresser le projet de thalassothérapie que pour dévorer son propre budget. D'abord, comme on n'est jamais si bien servi que par soi-même, les trois dirigeants, choisis par M. Fabien, s'attribuent des indemnités. Au total, l'employé de banque parisien, M. Christian Chevreux, touchera 404 000 F, Mme Michèle Fèvre, conseillère municipale, 233 500 F, et M. Robert Boulineau, pêcheur en retraite et adjoint au maire, sera le plus mal servi avec 45 000 F. Pour donner un cadre juridique digne d'elle à une société si efficace, on recourt aux services d'un avocat parisien, Me Demarigny, à qui l'on versera au total 450 000 F d'honoraires. Ce n'est pas tout. Pour meubler le siège parisien de la société, M. Chevreux achète pour 50 000 F de meubles. Heureuse coincidence : cette société est domiciliée dans son propre appartement. Avec une conscience qui lui fait honneur, M. Chevreux multiplie les " missions " en Bretagne à des périodes qui correspondent en général à de grands week-ends ou aux vacances scolaires. Le tout est facturé à la société, qui paie sans rechigner. " C'est vrai, il est venu du 28 décembre au 1er janvier, reconnait aujourd'hui M. Fabien. Et alors ? C'est la période où était signé le protocole. Vous ne travaillez pas, à cette époque, vous ? " Quant aux honoraire, généreusement dispensés aux dirigeants de la société, M. Fabien estime que, " quand on veut la fin, on en prend les moyens ". " On ne peut pas avoir des types qui crapahutent, qui sont sans arrêt sur le terrain, et ne pas les rémunérer. " Les comptes tardifs de la SEUACM Il faut dire qu'entretemps cette société, sur laquelle son " maire-censeur " maintient un savant mystère, a éveillé la curiosité de l'opposition socialiste au conseil municipal. Six conseillers portent plainte contre le maire pour escroquerie et ingérence. Après une bataille de tranchées judiciaire, le président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes confie l'enquête à la police judiciaire, qui se plonge dans les comptes de la société et, facture après facture, reconstitue le train de vie des " crapahuteurs " de la SEUACM. " Il est tout à fait possible qu'il y ait eu des dérapages, reconnait aujourd'hui pudiquement M. Fabien. Mais mon rôle n'était pas d'être toujours derrière leur dos. Ils ne m'ont rendu des comptes que tardivement. "Le train de vie de Christian Chevreux, lors de ses fréquents déplacements à Crozon, où il arrivait souvent au volant de voitures de location de grosse cylindrée, n'a-t-il pas éveillé ses soupçons ? " C'est vrai, il m'est arrivé de me fâcher tout rouge, de lui dire que j'aurais pu aller le chercher à l'aéroport. Mais il ne me prévenait pas toujours de ses horaires d'arrivée. " Toujours est-il que ces frais imposants ont été engagés en vain. Les contestations simultanées des opposants socialistes et des écologistes locaux ont tôt fait de décourager les partenaires éventuels, comme le groupe hôtelier Accor, qui avaient commencé par donner un accord prudent. Le grand projet est aujourd'hui enterré. Et ce ne sont pas les quelques apparitions publiques du navigateur Eric Tabarly sur le port de Crozon _ la SEUACM le rétribuait 150 000 F par an pour une visite bimestrielle à Crozon _ qui ont pu le sauver. Un malheur n'arrivant jamais seul, le PS reconquiert la mairie en mars dernier à la faveur d'une triangulaire _ le premier adjoint de M. Fabien ayant présenté une liste contre lui. Et le premier geste de la nouvelle municipalité est de se porter partie civile contre l'ancien maire, ce qui devrait contribuer à accélérer le rythme, jusqu'alors bien lent, de la procédure engagée par la chambre d'accusation de Rennes. M. Fabien, qui considère que " le bouc-émissarisme existe même à Crozon ", n'en revient pas de tant d'acharnement contre lui. Il peut toujours se consoler en se disant que les journaux nationaux ou régionaux, qui relatent ses Vous êtes abonnés Classez cette archive, vous pourrez ainsi la consulter facilement pendant toute la durée de votre abonnement. 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'est l'histoire de quelques amis qui avaient des projets grandioses et la note de frais facile. C'est l'histoire d'un

beau rêve de développement breton qui s'égare chez Maxim's. C'est l'histoire d'un employé de banque, d'un

marin-pêcheur (en retraite) et d'une femme d'officier de marine qui laissent une ardoise de quelque 3,5 millions de

francs à la modeste commune de Crozon-Morgat, au bout du Finistère. C'est l'histoire, en un mot, d'un jeune maire

RPR qui décide de lancer sa station à la conquête de la renommée touristique.

A peine élu, en 1983, Jean-Jacques Fabien diagnostique que "l'urgence est criante". "Les hôtels étaient fermées ou

crasseux, il fallait faire quelque chose." Et comme M. le maire a retenu, des idées du moment, "qu'une mairie ça se

gère comme une entreprise", il décide d'étudier la possibilité de créer un grand "complexe de thalassothérapie". Dans

ce but, la mairie pourrait créer une société d'économie mixte. M. Fabien s'y refuse : trop rigide. On préfère donc

susciter une société entièrement privée, la SEUACM, à laquelle la ville de Crozon accorde sa garantie pour un

emprunt de 2 millions de francs au Crédit agricole, et dont le maire s'institue le "censeur", un titre créé pour la

circonstance.

Tout au long de l'année 1985, la SEUACM va déployer une intense activité. Non pas tant pour faire progresser le

projet de thalassothérapie que pour dévorer son propre budget. D'abord, comme on n'est jamais si bien servi que par

soi-même, les trois dirigeants, choisis par M. Fabien, s'attribuent des indemnités. Au total, l'employé de banque

parisien, M. Christian Chevreux, touchera 404 000 F, Mme Michèle Fèvre, conseillère municipale, 233 500 F, et M.

Robert Boulineau, pêcheur en retraite et adjoint au maire, sera le plus mal servi avec 45 000 F. Pour donner un

cadre juridique digne d'elle à une société si efficace, on recourt aux services d'un avocat parisien, Me Demarigny, à

qui l'on versera au total 450 000 F d'honoraires.

Ce n'est pas tout. Pour meubler le siège parisien de la société, M. Chevreux achète pour 50 000 F de meubles.

Heureuse coincidence : cette société est domiciliée dans son propre appartement. Avec une conscience qui lui fait

honneur, M. Chevreux multiplie les " missions " en Bretagne à des périodes qui correspondent en général à de

grands week-ends ou aux vacances scolaires. Le tout est facturé à la société, qui paie sans rechigner. " C'est vrai, il est

venu du 28 décembre au 1er janvier, reconnait aujourd'hui M. Fabien. Et alors ? C'est la période où était signé le

protocole. Vous ne travaillez pas, à cette époque, vous ? " Quant aux honoraire, généreusement dispensés aux

dirigeants de la société, M. Fabien estime que, " quand on veut la fin, on en prend les moyens ". " On ne peut pas

avoir des types qui crapahutent, qui sont sans arrêt sur le terrain, et ne pas les rémunérer. "

Les comptes tardifs de la SEUACM

Il faut dire qu'entretemps cette société, sur laquelle son " maire-censeur " maintient un savant mystère, a éveillé la

curiosité de l'opposition socialiste au conseil municipal. Six conseillers portent plainte contre le maire pour

escroquerie et ingérence. Après une bataille de tranchées judiciaire, le président de la chambre d'accusation de la

cour d'appel de Rennes confie l'enquête à la police judiciaire, qui se plonge dans les comptes de la société et, facture

après facture, reconstitue le train de vie des " crapahuteurs " de la SEUACM. " Il est tout à fait possible qu'il y ait eu

des dérapages, reconnait aujourd'hui pudiquement M. Fabien. Mais mon rôle n'était pas d'être toujours derrière leur

dos. Ils ne m'ont rendu des comptes que tardivement. "Le train de vie de Christian Chevreux, lors de ses fréquents

déplacements à Crozon, où il arrivait souvent au volant de voitures de location de grosse cylindrée, n'a-t-il pas éveillé

ses soupçons ? " C'est vrai, il m'est arrivé de me fâcher tout rouge, de lui dire que j'aurais pu aller le chercher à

l'aéroport. Mais il ne me prévenait pas toujours de ses horaires d'arrivée. "

Toujours est-il que ces frais imposants ont été engagés en vain. Les contestations simultanées des opposants

socialistes et des écologistes locaux ont tôt fait de décourager les partenaires éventuels, comme le groupe hôtelier

Accor, qui avaient commencé par donner un accord prudent. Le grand projet est aujourd'hui enterré. Et ce ne sont

pas les quelques apparitions publiques du navigateur Eric Tabarly sur le port de Crozon _ la SEUACM le rétribuait

150 000 F par an pour une visite bimestrielle à Crozon _ qui ont pu le sauver.

Un malheur n'arrivant jamais seul, le PS reconquiert la mairie en mars dernier à la faveur d'une triangulaire _ le

premier adjoint de M. Fabien ayant présenté une liste contre lui. Et le premier geste de la nouvelle municipalité est

de se porter partie civile contre l'ancien maire, ce qui devrait contribuer à accélérer le rythme, jusqu'alors bien lent,

de la procédure engagée par la chambre d'accusation de Rennes.

M. Fabien, qui considère que " le bouc-émissarisme existe même à Crozon ", n'en revient pas de tant d'acharnement

contre lui. Il peut toujours se consoler en se disant que les journaux nationaux ou régionaux, qui relatent ses

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malheurs, ne sont jamais en vente à la maison de la presse de Crozon. Il est vrai que la gérante n'est autre que sa

mère.

SCHNEIDERMANN DANIEL

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