FOCUS - Liban : La gestion des déchets -...

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FOCUS - Liban : La gestion des déchets L’accroissement significatif des volumes de déchets solides et leur difficile élimination, compte tenu de la nature du terrain accidenté et de la superficie limitée du pays, ont aggravé les problèmes relatifs à la gestion des déchets solides au point de provoquer une crise nationale. Quelques chiffres Total moyen de 1,6 million de tonnes générées par an Prévisions de 2,3 millions de tonnes vers 2030 (CDR) 90% sont des déchets solides municipaux (DSM) Taux moyen de production de déchets : 0,95 kg habitant/jour : 1.1 kg/c/d en zone urbaine contre 0,5 à 0,75 kg/c/d en zone rurale (MoE, 2010) Environ 51 % des DSM ont mis en décharge, 32 % sont déversés et 17 % récupérés par le tri et le compostage (SWEEP-NET, 2010). Le pays dispose de deux lieux d’enfouissement sanitaires (Naameh et Zahlé) et d’une décharge pour les matières inertes (Bsalim). 700 décharges sauvages (MoE- PNUD, 2010) Des ressources municipales limitées La collecte, le traitement et le stockage des déchets relève des compétences municipales (Article 49, loi 1977). En pratique toutefois, les retards et irrégularités des versements par l’Etat des revenus de la Caisse Autonome des Municipalités (CAM) et les restrictions à l’autonomie financière des collectivités locales limitent leur capacité à planifier et investir pour la mise en place de systèmes intégrés de gestion de déchets solides. Un plan d’urgence pour la zone de Beyrouth et du Mont-Liban (345 municipalités et 2 millions d’habitants) fut mis en place en 1997 confiant la collecte, le traitement et l’enfouissement des déchets solides à des compagnies privées sous la supervision du Conseil du Développement et de la Reconstruction (CDR). Le coût (total de 120 millions de $ en 2010, selon le CDR) est prélevé en amont dans la CAM sur la part des municipalités concernées. Dans le reste du pays les municipalités et unions assurent le service de collecte en régie ou le confient à des prestataires privés. Le soutien technique et financier apporté par des bailleurs internationaux (Union Européenne, Coopération italienne, Agence espagnole, USAID, etc.) a permis la construction et l’équipement de plusieurs installations à petite échelle. Si plusieurs municipalités ou unions telles qu’Al Fayhaa ou Zahlé ont pu développer des services opérants, voir rentables, la plupart d’entre elles manquent des compétences techniques nécessaires pour mettre en place des approches intégrées. A la recherche de solutions rapides à moindre coûts, beaucoup pratiquent le déversement ou le brûlage dans la nature. Un cadre législatif inadapté Si le Ministère de l’Environnement (MoE) est responsable de la mise en œuvre de la politique nationale en matière de gestion des déchets, d’autres institutions centrales interviennent également : Ministère de l’Intérieur et des Municipalités (qui gère l’allocation et la distribution des fonds de la CAM sous le contrôle du Ministère des Finances), Ministère de la Santé Publique (compétent pour les déchets hospitaliers), Ministère de l’Agriculture, Ministère des Travaux Publics, Bureau du ministre d’État pour la réforme administrative (en charge du programme ARLA financé par l’Union Européenne à hauteur de 14,2 M d’euros) ainsi que le CDR (en charge de la mise en œuvre du Plan d’urgence à Beyrouth et de la gestion des projets d’infrastructures financés grâce à des accords de prêts internationaux). Un projet de loi sur la gestion intégrée des déchets solides, préparé par le MoE en 2005, propose notamment la clarification du contexte Institutionnel et des responsabilités en matière de GDS. Celui-ci est toujours en attente d’approbation par le Parlement. Les outils en vigueur sont souvent dépassés, contradictoires, et parfois inopérants.

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Octobre 2013 Clémentine Laratte

FOCUS - Liban : La gestion des déchets

L’accroissement significatif des volumes de déchets solides et leur difficile élimination, compte tenu de la nature du terrain accidenté et de la superficie limitée du pays, ont aggravé les problèmes relatifs à la gestion des déchets solides au point de provoquer une crise nationale.

Quelques chiffres

Total moyen de 1,6 million de tonnes générées par an

Prévisions de 2,3 millions de tonnes vers 2030 (CDR)

90% sont des déchets solides municipaux (DSM)

Taux moyen de production de déchets : 0,95

kg habitant/jour : 1.1 kg/c/d en zone urbaine contre

0,5 à 0,75 kg/c/d en zone rurale (MoE, 2010)

Environ 51 % des DSM ont mis en décharge, 32 % sont

déversés et 17 % récupérés par le tri et le compostage

(SWEEP-NET, 2010).

Le pays dispose de deux lieux d’enfouissement

sanitaires (Naameh et Zahlé) et d’une décharge pour

les matières inertes (Bsalim).

700 décharges sauvages (MoE- PNUD, 2010)

Des ressources municipales limitées

La collecte, le traitement et le stockage des

déchets relève des compétences municipales

(Article 49, loi 1977).

En pratique toutefois, les retards et

irrégularités des versements par l’Etat des

revenus de la Caisse Autonome des

Municipalités (CAM) et les restrictions à

l’autonomie financière des collectivités locales

limitent leur capacité à planifier et investir

pour la mise en place de systèmes intégrés de

gestion de déchets solides.

Un plan d’urgence pour la zone de Beyrouth et

du Mont-Liban (345 municipalités et 2 millions

d’habitants) fut mis en place en 1997 confiant

la collecte, le traitement et l’enfouissement

des déchets solides à des compagnies privées

sous la supervision du Conseil du

Développement et de la Reconstruction (CDR).

Le coût (total de 120 millions de $ en 2010,

selon le CDR) est prélevé en amont dans la

CAM sur la part des municipalités concernées.

Dans le reste du pays les municipalités et

unions assurent le service de collecte en régie

ou le confient à des prestataires privés.

Le soutien technique et financier apporté par

des bailleurs internationaux (Union

Européenne, Coopération italienne, Agence

espagnole, USAID, etc.) a permis la

construction et l’équipement de plusieurs

installations à petite échelle.

Si plusieurs municipalités ou unions telles

qu’Al Fayhaa ou Zahlé ont pu développer des

services opérants, voir rentables, la plupart

d’entre elles manquent des compétences

techniques nécessaires pour mettre en place

des approches intégrées. A la recherche de

solutions rapides à moindre coûts, beaucoup

pratiquent le déversement ou le brûlage dans

la nature.

Un cadre législatif inadapté

Si le Ministère de l’Environnement (MoE) est responsable de

la mise en œuvre de la politique nationale en matière de

gestion des déchets, d’autres institutions centrales

interviennent également : Ministère de l’Intérieur et des

Municipalités (qui gère l’allocation et la distribution des

fonds de la CAM sous le contrôle du Ministère des Finances),

Ministère de la Santé Publique (compétent pour les déchets

hospitaliers), Ministère de l’Agriculture, Ministère des

Travaux Publics, Bureau du ministre d’État pour la réforme

administrative (en charge du programme ARLA financé par

l’Union Européenne à hauteur de 14,2 M d’euros) ainsi que

le CDR (en charge de la mise en œuvre du Plan d’urgence à

Beyrouth et de la gestion des projets d’infrastructures

financés grâce à des accords de prêts internationaux).

Un projet de loi sur la gestion intégrée des déchets solides,

préparé par le MoE en 2005, propose notamment la

clarification du contexte Institutionnel et des responsabilités

en matière de GDS. Celui-ci est toujours en attente

d’approbation par le Parlement.

Les outils en vigueur sont souvent dépassés, contradictoires,

et parfois inopérants.

Octobre 2013 Clémentine Laratte

Références

« Déchets solides », in

Etat de l’environnement

et ses tendances au

Liban, ECODIT, 2010 (38

pages)

« Déchets solides » in Lebanon

Urban profile, UN Habitat,

2011

Dossier « Déchets solides : une

poubelle à ciel ouvert », Le

Commerce du Levant,

Novembre 2010

L’absence de stratégie nationale

opérationnelle

Le plan directeur (2006-2016) pour

la gestion des déchets solides

municipaux, élaboré par le MoE et

le CDR prévoit une approche

intégrée à l’échelle régionale

incluant la collecte et le tri, le

recyclage, le compostage et

l’enfouissement dans (6 ou 7) sites

contrôlés.

Toutefois, faute de fonds publics

et de consensus sur

l’emplacement des installations, il

n’a pas été mis en œuvre.

Face à cette impasse, une décision

du conseil des ministres (2010)

plaide pour la mise à jour de la

stratégie en y intégrant les

technologies de transformation

des déchets en énergie pour les

zones urbaines.

Toutefois, les experts soulignent

qu’afin d’être viable, cette solution

requiert préalablement des

avancées législatives pour

permettre aux municipalités et/ou

aux sociétés exploitant les

installations, de produire et

vendre leur énergie à l’EDL ou à

des entreprises concessionnaires.

Des enjeux financiers, techniques et de gouvernance

Le cas du Cada de Tyr permet d’illustrer certains enjeux parmi les plus

urgents, qui nécessitent tant la mobilisation de moyens financiers que

la coordination et l’engagement des parties concernées :

La mise en œuvre d’une gestion intégrée à l’échelle inter

municipale

L’usine de tri et de compostage d’Ain Baal, construite en 2005 et

équipée grâce à des dons de USAID puis de l’UE-OMSAR dessert 33

municipalités (sur les 62 que compte l’Union), qui assurent elles-

mêmes la collecte des déchets et leur acheminement à l’usine. Les

résidus après traitement (40 tonnes/jour env.) sont jetés dans la

décharge de Ras el Ain. Les autres municipalités déversent y

directement leurs déchets ou le font dans des décharges sauvages.

La maintenance et l’amélioration du rendement des

installations existantes

L’usine est gérée par l’UoTM qui en a confié la gestion à un prestataire

privé. L’amélioration de son fonctionnement se heurte à des difficultés

d’ordre technique et de gestion, et l’arrêt de de la contribution de

l’Etat aux frais de fonctionnement et d’entretien (Engagement du

gouvernement en 2010 pour 3 ans dans le cadre du programme ARLA)

pose la question de son financement après 2013.

La fermeture et la réhabilitation des dépotoirs sauvages

La décharge à ciel ouvert de Ras El Ain qui couvre 12,23m² sur la côte

au Sud de Tyr figure parmi les 27 sites identifiés en 2005 comme

prioritaires à l’échelle nationale. Avec 183,45m³ de déchets, la

décharge, saturée, présente des risques environnementaux et

sanitaires importants. Celle de Saida, largement médiatisée, est en

cours de traitement avec l’appui du PNUD.

L’implantation de nouvelles installations de traitement et de

sites de stockage

Confrontée aux réticences des élus municipaux, l’implantation de

décharges contrôlées requiert un fort engagement politique. Le

système de gratifications financières en contrepartie de l’hébergement

d’installation sur le territoire de compétence municipale, prévu dans

un décret de 2002 (amendement du Décret n° 1917/1979) n’a jamais

été mis en œuvre, et pourrait être remise en cause (Article du 132904

dans l’Orient-le Jour).

La sensibilisation du public au tri des déchets

L’absence de séparation à la source réduit la qualité des produits

recyclables et entraîne des taux de récupération bas (moins de 10 % au

niveau national). L’UoTM a reçu en 2011-2012 l’appui de la

coopération Suisse pour préparer le lancement d’une campagne de

sensibilisation au tri auprès du grand public.

Le nombre croissant d’initiatives au sein de la société civile témoignent

d’une certaine prise de conscience (initiative à Bourj Hammoud,

mobilisation d’ONG contre un projet d’incinérateurs…)