Fiche n° 4 : ARISTOTE (385/384-322 è~ 63 ans) · 1 CPGE-Culture générale-philosophie Fiche n°4...

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1 CPGE-Culture générale-philosophie Fiche n°4 - ARISTOTE (385/384 - 322 ) Introduction : a. Eléments biographiques La vie d’Aristote est largement rattachée au destin de la Macédoine. Il est né à Stagire, ville de Macédoine, au bord de la mer d’où son nom « le stagirite » Son père est le médecin du roi Amyntas II de Macédoine, le père de Philippe de Macédoine. Autour de 367-366, Aristote va faire ses études à Athènes et devient à l’Académie l’un des plus brillants disciple de Platon. En 343-342, il vient à la cour de Philippe de Macédoine et ce dernier lui confie l’éducation de son fils Alexandre. Lorsqu’à la mort de Philippe (335-334), Alexandre monte sur le trône, Aristote revient à Athènes et fonde le Lycée. A la mort d’Alexandre (323), une réaction anti-macédonienne pousse Aristote à fuir Athènes. Il se réfugie dans l’île d’Eubée (grande île à l’est d’Athènes, dans la mer Egée), pays d’origine de sa mère, et y mourra l’année suivante (322). b. L’œuvre d’Aristote : L’œuvre d’Aristote est absolument considérable et de nature encyclopédique. Aristote a étudié presque tous les domaines de la connaissance et de la pensée humaine. Elle connaîtra de ce fait un destin fabuleux et constituera l’armature de toute la philosophie médiévale qu’elle soit musulmane, juive ou chrétienne. Les œuvres d’Aristote peuvent être divisées en deux groupes : o 1-celles publiées par Aristote mais perdues dès les premiers siècles de l’ère chrétienne, dont on en connaît que les titres et un peu de contenu par les citations et les imitations faites par les anciens o 2-les œuvres non destinées à la publication mais recueillies et conservées –ces œuvres étaient les notes dont Aristote se servait pour ses cours. On doit à Andronicos de Rhodes, dernier scolarque de l’école, la 1 ère édition des œuvres acroamatiques (c’est-à-dire destinées à l’enseignement oral) d’Aristote vers 60 av. J.C, soit trois siècles plus tard. Andronicos a voulu adopter un ordre logique (logique, physique, métaphysique, morale et politique) qui, ne respectant pas l’évolution de la pensée du philosophe, pose un certain nombre de problèmes de cohérence interne. Il faudra attendre le 20 ème siècle et les travaux de Werner JEAGER (1912-1923) pour voir proposer une interprétation de l’évolution de la pensée d’Aristote. Jaeger est parti de l’hypothèse de travail suivante : il est impossible qu’Aristote ait affirmé en même temps des thèses contradictoires ; il faut donc supposer qu’elles ont été successives et dans cet ordre chronologique, il est logique de supposer que les thèses les plus platonisantes ont été les plus anciennes et celles les moins platonisantes les plus récentes. c. Aristote et Platon : Aristote est resté fidèle à la tradition dualiste inaugurée par Platon avec l’idée d’un monde de réalités stables et donc objectivables dans le discours et un monde de réalités mouvantes, réfractaires à toute fixation dans le langage et dans le discours. Mais il déplace cette distinction et la ramène au seul monde qui existe, l’Univers c’est - à-dire le monde sensible. Il distingue alors le monde céleste avec le mouvement

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CPGE-Culture générale-philosophie

Fiche n°4 - ARISTOTE (385/384 - 322 )

Introduction :

a. Eléments biographiques

• La vie d’Aristote est largement rattachée au destin de la Macédoine.

• Il est né à Stagire, ville de Macédoine, au bord de la mer d’où son nom « le stagirite »

• Son père est le médecin du roi Amyntas II de Macédoine, le père de Philippe de

Macédoine.

• Autour de 367-366, Aristote va faire ses études à Athènes et devient à l’Académie l’un

des plus brillants disciple de Platon.

• En 343-342, il vient à la cour de Philippe de Macédoine et ce dernier lui confie

l’éducation de son fils Alexandre.

• Lorsqu’à la mort de Philippe (335-334), Alexandre monte sur le trône, Aristote revient

à Athènes et fonde le Lycée.

• A la mort d’Alexandre (323), une réaction anti-macédonienne pousse Aristote à fuir

Athènes. Il se réfugie dans l’île d’Eubée (grande île à l’est d’Athènes, dans la mer

Egée), pays d’origine de sa mère, et y mourra l’année suivante (322).

b. L’œuvre d’Aristote :

• L’œuvre d’Aristote est absolument considérable et de nature encyclopédique. Aristote

a étudié presque tous les domaines de la connaissance et de la pensée humaine.

• Elle connaîtra de ce fait un destin fabuleux et constituera l’armature de toute la

philosophie médiévale qu’elle soit musulmane, juive ou chrétienne.

• Les œuvres d’Aristote peuvent être divisées en deux groupes :

o 1-celles publiées par Aristote mais perdues dès les premiers siècles de l’ère

chrétienne, dont on en connaît que les titres et un peu de contenu par les

citations et les imitations faites par les anciens

o 2-les œuvres non destinées à la publication mais recueillies et conservées –ces

œuvres étaient les notes dont Aristote se servait pour ses cours.

• On doit à Andronicos de Rhodes, dernier scolarque de l’école, la 1ère édition des

œuvres acroamatiques (c’est-à-dire destinées à l’enseignement oral) d’Aristote vers 60

av. J.C, soit trois siècles plus tard. Andronicos a voulu adopter un ordre logique

(logique, physique, métaphysique, morale et politique) qui, ne respectant pas

l’évolution de la pensée du philosophe, pose un certain nombre de problèmes de

cohérence interne.

• Il faudra attendre le 20ème siècle et les travaux de Werner JEAGER (1912-1923) pour

voir proposer une interprétation de l’évolution de la pensée d’Aristote. Jaeger est parti

de l’hypothèse de travail suivante : il est impossible qu’Aristote ait affirmé en même

temps des thèses contradictoires ; il faut donc supposer qu’elles ont été successives et

dans cet ordre chronologique, il est logique de supposer que les thèses les plus

platonisantes ont été les plus anciennes et celles les moins platonisantes les plus

récentes.

c. Aristote et Platon :

• Aristote est resté fidèle à la tradition dualiste inaugurée par Platon avec l’idée d’un

monde de réalités stables et donc objectivables dans le discours et un monde de

réalités mouvantes, réfractaires à toute fixation dans le langage et dans le discours.

• Mais il déplace cette distinction et la ramène au seul monde qui existe, l’Univers c’est-

à-dire le monde sensible. Il distingue alors le monde céleste avec le mouvement

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régulier des astres et des planètes et le monde sublunaire, domaine des « choses qui

naissent et qui périssent » et qui sont soumises au hasard et à la contingence.

Par ce déplacement, Aristote a pu faire l’économie de la théorie platonicienne des

Idées.

(Raphaël, L’Ecole d’Athènes, Vatican, 1509-1511)

d. La division du savoir :

• Les platoniciens divisaient le savoir en trois catégories (reprises également par les

stoïciens et les épicuriens : 1-éthique 2-physique 3-logique). Aristote adopte une autre

classification distinguant :

o 1-les activités théorétiques : la théologie-les mathématiques-la physique

o 2-les activités pratiques : la morale- la politique

o 3-les activités poïétiques : la technique - l’art

• A cette classification, il faut ajouter la logique (et la rhétorique) qui constitue un

simple organon, c’est-à-dire un instrument du savoir et non un savoir en tant que tel, la

métaphysique qui recoupe en la dépassant la théologie, la biologie et la psychologie

qui prennent place dans la physique définie comme science de la nature (physis) en

général, c’est-à-dire science des corps inertes et des corps vivants.

• Nous allons suivre dans notre présentation cet ordre, en ne développant que ce

qu’Aristote a apporté d’essentiel et de nouveau dans ces différents domaines.

1. La logique et la rhétorique :

a. Les prédicats :

• Aristote n’est pas d’abord parti d’une logique mais il a voulu fonder une véritable

science de la rhétorique définie comme art de parler devant à la fois s’adapter à

l’auditoire et à la temporalité de la chose à juger. C’est pourquoi Aristote distingue

trois genres de rhétorique : le genre judiciaire où l’on juge d’une chose passée, le

genre épidictique où l’on juge d’une chose présente, en en faisant l’éloge ou le blâme,

et le genre délibératif portant sur une décision à adopter dans le futur.

• Mais ces jugements supposent d’adopter différents points de vue sur les choses :

certains vont porter sur leur existence ou leur non-existence, d’autres sur leur nature,

d’autres sur leur possibilité etc… C’est cela qui conduit Aristote à élaborer une

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logique dont la première tâche est de trouver tous les points de vue adoptables sur une

chose, c’est-à-dire tous les topoï, ou encore toutes les catégories logiques de la pensée.

Aristote est donc l’inventeur des catégories de la logique et de la pensée occidentale et

son ouvrage logique le plus ancien est donc les Topiques.

• Les différents topoï vont correspondre aux différents degrés de l’attribution ou de la

prédication c’est-à-dire qu’il s’agit toujours de déterminer de quel point de vue on se

place pour affirmer quelque chose sur un sujet, ce qu’on en dit et comment. Or la

prédication sera à la base de la logique propositionnelle et des raisonnements logiques.

C’est ce qu’il s’agit de voir.

• Le prédicat peut, selon Aristote, se dire de quatre façons :

o soit il est réciproquable avec le sujet c’est-à-dire que l’un peut être l’autre et

cela

▪ soit parce qu’il en fixe le caractère essentiel, c’est-à-dire la définition

(« l’homme est un animal raisonnable »)

▪ soit parce qu’il en fixe le caractère propre mais non essentiel, il en est

alors le propre (« le rire est le propre de l’homme »)

o soit il n’est pas réciproquable et cela :

▪ soit parce qu’il désigne un genre dont le sujet n’est qu’un élément

particulier (« l’homme est un animal »)

▪ soit parce qu’il n’est qu’un accident (« Socrate a un nez camus »)

• Ainsi, la définition, le propre, le genre et l’accident constituent tous les prédicats

possibles.

b. Les règles de la logique propositionnelle :

• Aristote élabore alors une logique propositionnelle basée sur quatre types de

propositions –chaque proposition comprenant toujours quatre éléments : le sujet, le

prédicat, la copule (le lien affirmé ou nié entre le prédicat et le sujet) et le

quantificateur (le lien affirmé pour un élément ou pour tous les éléments)

• Au Moyen-Age, ces propositions seront symbolisées par quatre lettres : A,E,I,O (des

deux verbes latins: AffIrmo et nEgO)

o A : proposition universelle affirmative « tout homme est mortel »

o E : proposition universelle négative « aucun homme n’est mortel »

o I : proposition particulière affirmative « quelque homme est mortel »

o O : proposition particulière négative « quelque homme n’est pas mortel »

• A partir de là, l’inférence va désigner l’action qui consiste à tirer d’une ou plusieurs

propositions données, les prémisses, d’autres propositions nouvelles. De manière

générale, on peut voir que ces propositions seront vraies à deux conditions :

o 1-la première étant qu’elles soient tirées de propositions vraies mais cette vérité

n’est pas d’ordre logique mais plutôt réel (est vrai ce qui est conforme à la

réalité ; or la logique ne s’intéresse pas à la réalité donc cette vérité n’est pas

logique mais la logique en dépend; elle n’est donc pas parfaitement autonome -

ce sur quoi nous reviendrons plus loin). Par exemple : tous les cercles sont des

triangles, donc les cercles ont trois côtés.

o 2-la seconde étant que la relation établie soit bonne, d’où la nécessité de

rechercher les règles d’inférence. Si je pose les énoncés suivants : Socrate est

le maître de Platon donc Platon est le maître de Socrate, ma déduction est

fausse car je ne respecte pas la non symétrie des propositions. En revanche si je

dis : Socrate est le concitoyen de Platon donc Platon est le concitoyen de

Socrate, mon inférence est vraie car le prédicat est symétrique.

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o Pourtant, Aristote va faire une nette distinction entre ces deux conditions,

posant la différence entre la vérité factuelle et la validité formelle et ne

s’intéressant qu’aux règles de la validité formelle ou logique qu’il énonce dans

ce qu’il appelle le carré logique.

o On nomme :

▪ Propositions contradictoires celles qui sont opposées du point de vue

quantitatif et qualitatif elles ne peuvent ni vraies ni fausses en même

temps

• A : « Tout homme est mortel » est contradictoire avec O:« Quelque

homme n’est pas mortel »: c’est-à-dire que s’il est vrai que tout

homme est mortel, il est faux que quelque homme ne l’est pas. Et si

c’est faux, le fait que quelque homme ne le soit pas ne peut être

faux.

▪ Propositions contraires : propositions universelles opposées du point de

vue de la qualité elles ne peuvent être vraies en même temps mais elles

peuvent être fausses en même temps.

• A : « tout homme est mortel » est contraire à E : « aucun homme

n’est mortel ». Si A est vraie, E est fausse mais il se peut qu’il soit

faux que tout homme est mortel et qu’aucun homme n’est mortel.

▪ Propositions subcontraires : propositions particulières qui sont opposées

qualitativement elles ne peuvent être fausses en même temps; donc si

l’une est fausse, l’autre est nécessairement vraie.

• S’il est faux que quelque homme est mortel, il est vrai que quelque

homme n’est pas mortel

▪ Propositions subalternes : celles dont le rapport s’établit en fonction de la

quantité selon les règles suivantes :

• si l’universelle est vraie, la particulière est varie

A (tout homme

est mortel)

E (aucun homme

n’est mortel) Contraires

I (quelque

homme est

mortel)

O (quelque homme

n’est pas mortel)

Subcontraires

contradictoires Subalternes

subalternes

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• si l’universelle est fausse, la particulière peut être varie ou fausse

• si la particulière est vraie, l’universelle peut être vraie ou fausse

• si la particulière est fausse, l’universelle est fausse

c. La théorie du syllogisme :

• A partir de là, Aristote peut énoncer sa théorie du syllogisme. Elle est présentée dans

les 1ères Analytiques. Le syllogisme est une inférence complexe qui consiste à tirer

une proposition de deux propositions précédentes au moyen d’un moyen terme présent

dans les deux prémisses.

• La première proposition comprend toujours un grand terme et un moyen terme, chacun

prédicat ou sujet. La seconde proposition dite mineure comprend le moyen terme et le

petit terme. La conclusion peut donc relier le petit terme et le grand terme.

o Prenons l’exemple type :

▪ Majeure : tous les hommes sont mortels (grand terme : les mortels-

moyen terme : les hommes)

▪ Mineure : Socrate est un homme (moyen terme : les homes, petit terme:

Socrate)

▪ Conclusion : Socrate est mortel (grand terme : les mortels, petit terme:

Socrate)

• On peut donc en déduire formellement quatre figures du syllogisme puisque la

majeure ne peut contenir que le grand terme et le moyen terme mais qu’ils peuvent

être sujet ou prédicat de même que la mineure ne peut contenir que le moyen terme et

le petit terme qui peuvent être sujet ou prédicat - ce qui donne deux types de majeure

et deux types de mineure et quatre figures de syllogisme :

figures du

syllogisme

Sujet Prédicat

1ère figure M

P

G

M

majeure

mineure

2ème figure

G

P

M

M

majeure

mineure

3ème figure M

M

G

P

majeure

mineure

4ème figure G

M

M

P

majeure

mineure

1ère figure :

Tous les hommes sont mortels

Socrate est un homme

Socrate est mortel.

2ème figure :

Tous les mortels sont hommes

Socrate est un homme

Donc Socrate est un mortel

3ème figure :

Tous les hommes sont mortels

Un homme est Socrate

Donc Socrate est mortel

4ème figure :

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Tous les mortels sont hommes

Un homme est Socrate

Donc Socrate est mortel.

• Toujours d’un point de vue formel, on peut donc recenser 256 types de syllogismes

puisqu’il y a quatre types de propositions chacune devant être combinées par trois

(AAA-AAE-AAI-AAO-AEA-AEE...) et donnant lieu à chaque fois à quatre sortes de

syllogismes -ce qui fait 4 x4 x4 x4 =256.

Pourtant, Aristote n’en retiendra que 14 concluants auxquels les scolastiques ont donné un

nom mnémotechnique. Cela donne le tableau suivant :

Figures Modalité Désignation

traditionnelle

1ère figure AAA

EAE

AII

EIO

Barbara

Celarent

Darii

Ferio

2ème figure EAE

AEE

EIO

AOO

Cesare

Camestres

Festino

Baroco

3ème figure AAI

IAI

AII

EAO

OAO

EIO

Darapti

Disamis

Datisi

Felapton

Bocardo

Ferison

• Les règles d’Aristote sont des règles intuitives de bon sens :

1-une prémisse, au moins doit, être affirmative.

2-si une prémisse est négative, la conclusion est négative

3-une conclusion négative implique la négativité d’une des prémisses au moins.

4-si les deux prémisses sont affirmatives, l’une des deux au moins doit être universelle

5-si l’une ou l’autre des prémisses est particulière, la conclusion dot être particulière.

• Ce rapide aperçu de la logique aristotélicienne est au moins riche de deux

enseignements essentiels :

o D’une part, Aristote est donc l’inventeur de la logique formelle qui apporte la

preuve que l’on peut s’intéresser à la forme de la pensée, à la manière dont elle

se construit et se déroule sans se préoccuper de son contenu, qui fait

nécessairement référence à la réalité des faits, donc à la réalité empirique. La

logique n’est donc qu’une science purement intelligible, un art de former et de

gouverner ses idées, sans aucun rapport avec la réalité sensible et concrète.

Mais en énonçant les règles du bon déroulement des pensées, du bon

enchaînement des propositions, Aristote apporte clairement la preuve que des

propositions vraies peuvent conduire à des propositions fausses si les règles qui

commandent à leur enchaînement ne sont pas respectées ou sont elles-mêmes

fausses. La démonstration devient donc l’art d’enchaîner correctement des

propositions et ainsi d’aboutir à de nouvelles propositions dont on peut dire

qu’elles sont logiquement vraies. Ainsi, cette logique formelle apporte aussi la

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preuve qu’une vérité peut être découverte avant même que les faits la

confirment. La science nous apporte nombre d’exemples de cette démarche

déductive (le tableau de Mendeleïev, la relativité générale...).

o Mais, et c’est là le second enseignement de cette logique, il n’en demeure pas

moins que la logique reste dépendante de la métaphysique et que, là encore, on

retrouve cette constante d’une science antique soumise, voire esclave des

présupposés métaphysiques. En effet, la formation des propositions ne peut

s’opérer n’importe comment. La copule ne peut être que le verbe être. Ainsi,

s’il s’agit d’exprimer une action, il faudra la transformer en état : on ne dira

pas : « tous les hommes mangent » mais « tous les hommes sont mangeants ».

Aristote ramène donc tout à l’opposition traditionnelle de l’être et du non-être,

mais aussi à ses deux concepts métaphysiques-clés : la substance, ici exprimée

par le sujet et l’attribut, ici exprimé par le prédicat. L’Univers n’est rien d’autre

qu’un ensemble de substances modifiées plus ou moins essentiellement par des

attributs.

2. La métaphysique, l’ontologie et la théologie :

• Aristote n’a pas écrit un ouvrage intitulé La Métaphysique mais ce sont ses éditeurs

postérieurs qui ont regroupé différents ouvrages sous le titre de Métaphysique. Or ils

ont confondu deux projets et deux réflexions différentes sur l’Etre et deux définitions

de la métaphysique.

Cette ambiguïté est déjà présente dans le premier livre, le livre A (ch. 1-2) où Aristote

définit à la fois la Métaphysique comme « science du Tout » (c’est-à-dire de

l’universel permettant d’expliquer le particulier) et comme « science du Premier »

(premier principe ou première cause).

• Ainsi, la métaphysique peut être d’abord définie comme une science de l’être en tant

qu’être, s’opposant alors aux sciences particulières qui étudient un genre particulier de

l’être. Elle s’interroge alors sur la question de savoir par où l’être est être et elle se

définit comme ontologie.

o Mais elle est à ce titre extrêmement problématique et doit d’abord résoudre la

question essentielle de savoir si une science unique de l’être est possible, c’est-

à-dire résoudre le problème de l’unité de l’être. Car Aristote constate que

« être se dit en une pluralité de sens » (livre grand delta, ch2-1033a33).

Ainsi, on peut dire tout à la fois que Socrate est homme (essence), qu’il est

juste (qualité), qu’il est grand de trois coudées (quantité) qu’il est plus âgé que

Coriscos (relation)…

o On retrouve ici le problème des catégories, c’est-à-dire des modes de

signification par lesquels la copule lie le sujet au prédicat, mais aux quatre

catégories initiales, Aristote en substitue dix : essence, qualité, quantité,

relation, temps, lieu, situation, action, passion, avoir.

▪ Ces catégories constituent encore ce qu’Aristote nomme les genres de

l’être car elles sont très générales et au delà d’elles il n’y a plus que

l’être.

▪ Ces significations multiples de l’être bien qu’irréductibles, comportent

toutefois une certaine unité dans la mesure où elles se posent par

rapport à un principe unique qui est l’essence. La question « qu’est-ce

que l’être ?» se ramène à la question « qu’est-ce que l’essence ? ». Mais

l’être conserve cette pluralité de sens à une exception près : le divin.

Car l’être divin est univoque n’ayant ni quantité ni qualité ni lieu ni

temps… La métaphysique se fait alors théologie.

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• Mais, en posant l’univocité de Dieu, Aristote met déjà en question la possibilité d’une

théologie c’est-à-dire d’un discours de l’homme sur Dieu puisque rien sinon l’essence

ne peut être dit ni attribuable à Dieu.

o Pourtant, pour Aristote, on ne peut pas douter de l’existence de cette région de

l’être divin car on en saisit une manifestation dans l’observation astronomique

des mouvements réguliers et éternels des astres –des astres qui se meuvent

d’eux-mêmes comme s’ils étaient animés par une âme motrice.

o Au contraire les êtres sublunaires ont des mouvements irréguliers et

discontinus qui fait dire à Aristote qu’ils ne contiennent pas en eux-mêmes le

principe de leur mouvement mais qu’ils le reçoivent nécessairement d’un

moteur. Il faut donc faire l’hypothèse d’un Premier Moteur qui meut sans être

mû. Dieu est alors défini comme Premier moteur immobile.

3. La physique :

• La physique aristotélicienne est paradoxalement faite de classicisme, et de nouveauté

radicale.

o D’un côté, elle prend place dans les cadres généraux de la représentation

classique que les grecs se faisaient de l’Univers et obéit donc à des

présupposés métaphysiques précis. D’une part, l’univers est clos et hiérarchisé

selon le haut et le bas. D’autre part, toute chose, tout corps a sa place dans ce

tout que constitue l’Univers et ne se réalise qu’à la condition de trouver et de

rester à sa place.

o Mais, d’un autre côté, elle rompt avec le platonisme et la cosmologie

platonicienne. La métaphysique platonicienne reposait sur une opposition entre

l’être et le devenir assimilé au néant. Or, cette opposition empêchait de penser

le mouvement qui est par définition changement de quelque chose donc

devenir. La chose en mouvement est en devenir et donc n’est pas et donc n’est

pas digne de science puisqu’il n’y a de science que de l’Etre. Or Aristote va

intégrer le devenir dans l’Etre.

o Le concept premier de cette physique c’est donc celui de mouvement sur lequel

viendront se greffer ceux de temps et d’espace.

• La théorie aristotélicienne du mouvement, comme beaucoup d’autres d’ailleurs,

dominera toute l’histoire des sciences jusqu’au 17ème siècle et il faudra attendre

Galilée pour la voir véritablement remise en question et dépassée.

o Nous avons déjà vu qu’Aristote distinguait deux grands genres de

mouvements : le mouvement parfait des corps célestes et le mouvement

imparfait des corps sublunaires.

▪ Les premiers sont parfaits car perpétuels, et perpétuels car circulaires

sans commencement ni fin et donc aussi sans changement : ce sont des

mouvements parfaitement uniformes et réguliers.

▪ Au contraire, les mouvements sublunaires sont rectilignes et donc

discontinus. Ils sont assimilables à des changements.

o Considérons-les d’un peu plus près. Pour comprendre ce type de mouvement,

Aristote va élaborer deux couples de concepts dont il va se servir comme

d’instruments qu’il étendra d’ailleurs à tous les autres champs du savoir : le

couple matière/forme et le couple acte/ puissance.

▪ Le mouvement rectiligne, à la différence du mouvement circulaire, a

donc un début et une fin relié par le substrat même du corps. Aristote

voit là trois principes : le point d’arrivée du mouvement étant la forme

(c’est-à-dire ce que la chose est devenue grâce au mouvement), le point

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de départ étant la privation (la privation de cette forme) et le troisième

principe assurant la continuité du mouvement étant le substrat ou la

matière.

• De là, il en résulte 1-que c’est la forme qui est le principe du

mouvement 2-que tout mouvement est le passage d’une

privation à une possession 3-que toutes les catégories de l’être

sujettes à avoir des contraires sont susceptibles d’être à la base

d’une espèce de mouvement ou de changement.

• Aristote reconnaîtra alors trois types de mouvement ou de

changement : l’altération, l’augmentation ou la diminution, et le

mouvement local.

▪ Le second couple de concept pouvait alors être mis en place : si le

mouvement nous fait passer d’une privation à une possession, c’est

qu’il permet de réaliser ce qui ne l’était pas dans la chose, qu’il permet

d’actualiser une potentialité. Il peut alors se définir comme le passage

de la puissance à l’acte, ou comme l’actualisation d’une puissance.

• C’est sur cette théorie du mouvement qu’Aristote greffera sa fameuse théorie des

quatre causes. Car à la question de savoir ce qui explique que telle chose acquiert telle

forme, on peut donner quatre réponses :

o 1-elle peut devenir ce qu’elle est grâce à la matière qui la constitue : c’est la

cause matérielle (ainsi, par exemple, la statue peut devenir cette statue grâce à

l’airain qui la constitue).

o 2-elle devient ce qu’elle est aussi grâce à sa forme, c’est-à-dire à l’idée qui la

définit : c’est la cause formelle (ainsi, l’airain devient cette statue grâce à

l’idée élaborée par le sculpteur).

o 3-elle devient ce qu’elle est grâce à l’acte qui va la réaliser, et à l’énergie qu’il

va déployer : c’est la cause motrice (pour que l’airain devienne statue, il ne

suffit pas au sculpteur d’avoir une idée de son œuvre : il faut qu’il travaille

pour la réaliser)

o 4-enfin, elle devient ce qu’elle grâce au but qui a présidé à sa réalisation : c’est

la cause finale (ainsi l’airain devient statue parce que le sculpteur élabore le

projet de faire une statue).

• Mais la notion de mouvement implique celles de temps et d’espace.

o Les anciens ne parlent pas encore d’espace mais plutôt de lieu, car ils n’ont pas

encore clairement distingué la réalité (avec son contenu) et le simple réseau

formel de relations. Ils pensent donc ce que nous appelons aujourd’hui l’espace

en termes de contenant et de contenu.

o Aristote veut éviter deux écueils dans lesquels sont tombés ses prédécesseurs et

en particulier Platon.

▪ D’un côté, comme Platon, on fait du lieu un simple réceptacle des

corps, pouvant donc recevoir n’importe quel corps, on ne peut plus

penser le lieu en termes de substance définie ; il n’est plus quelque

chose de défini, une réalité permanente -ce qui d’une part est

impensable (car l’univers n’est qu’un ensemble de choses, de

substances) et d’autre ce qui est contradictoire avec le fait que l’espace

est aussi rattaché aux corps, que les corps ont une étendue…

▪ D’un autre côté, si l’on rattache chaque lieu à chaque corps qui

l’occupe, si l’on fait du lieu un attribut du corps, alors cela entraîne soit

que les corps ne peuvent pas changer de lieu et donc se déplacer, soit

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que les lieux se déplacent avec les corps –ce qui est, dans les deux cas,

absurde.

▪ Aristote tente alors de concilier les deux thèses en faisant du lieu la

délimitation extérieure de la chose contenant le corps. Il y a donc deux

types de réalités physiques, les choses-contenants et les choses

contenues.

▪ Par là même Aristote peut poser une de ses thèses les plus connues :

« la nature a horreur du vide ». Le vide est la remise en cause de tous

les principes métaphysiques de l’univers : l’idée que le principe

premier est l’être et que toute chose possède un être premier qui la

définit comme substance ; mais aussi l’idée que l’univers est

hiérarchisé et qu’il y a donc des directions qui disparaissent dans un

espace vide.

o De la conception aristotélicienne du temps, on retiendra cette formule célèbre :

« le temps est le nombre du mouvement selon l’antérieur-postérieur » -

formule qui contient trois idées nouvelles principales :

▪ 1-On ne peut séparer le temps du mouvement dont il est une des

mesures

▪ 2-Le temps introduit la notion de succession, c’est-à-dire l’idée d’un

avant et celle d’un après distingué par la perception d’une rupture.

C’est pourquoi Aristote explique que dans le sommeil on ne voit pas le

temps qui passe parce qu’on ne perçoit aucun changement.

▪ 3-Le temps n’est pas comme pour Platon un « nombre nombrant », une

unité de mesure servant à mesurer de la durée mais il est la durée elle-

même, son écoulement il est donc « nombre nombré ».

4. la biologie et la psychologie :

• Aristote est un des premiers à consacrer autant de temps et de textes à l’observation du

vivant. De sa théorie du vivant, on peut noter :

1-une volonté de ne pas mécaniser le vivant mais de le saisir dans sa spécificité,

c’est-à-dire de comprendre le principe vital

2-un début de méthode reposant sur quelques grands principes là encore utilisés

pendant des siècles.

o 1-c’est l’âme qui constitue pour Aristote le principe vital. Tout être vivant possède

une âme qui est la forme de son corps, qui est le principe de ses mouvements et qui

actualise le potentiel vital du corps. Mais Aristote distingue une âme matérielle

propre à tout vivant et une âme immatérielle spécifique à l’homme (le noùs). C’est

aussi pourquoi sa biologie est étroitement liée à sa psychologie, sa théorie du

vivant implique sa théorie de l’âme.

o 2-Parmi les principes de méthode les plus connus, on doit à Aristote d’une part la

première utilisation de l’analogie : c’est lui par exemple qui reconnaîtra le premier

l’analogie fonctionnelle entre les poumons et les branchies. ; d’autre part, un

principe général d’explication, celui du finalisme : c’est la fonction qui détermine

l’organe et non l’organe qui détermine la fonction d’où cette formule mémorable :

« l’homme a des mains parce qu’il est intelligent et non intelligent parce qu’il a

des mains » (Parties des animaux-IV,10,687a7)

• Pour en revenir à la théorie de l’âme et aux aspects marquants de la psychologie

aristotélicienne, on rappellera tout d’abord que l’âme remplit différentes fonctions

qu’Aristote hiérarchise selon leur capacité à se détacher du sensible –une hiérarchie des

fonctions qui se transforme donc en une hiérarchie des formes d’âme et en une hiérarchie

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des êtres vivants (qui comme on l’a vu avec Claude Bernard dominera les sciences

naturelles jusqu’au 19ème siècle).

Règne des plantes Règne des animaux Règne humain

Ame végétative Ame sensitive Ame intellective

Fonction de nutrition et de

reproduction

Fonction de sensation Fonction de pensée

• A noter enfin deux aspects importants de l’analyse psychologique d’Aristote :

o 1-son analyse de l’imagination dont il montre qu’elle possède l’avantage

considérable de ne pas requérir la présence actuelle de l’objet pour se le

représenter et qui est la condition de la mémoire d’où cette fameuse formule :

« il n’y a pas de pensée sans image » (De l’âme-III, 7, 431a17)

o 2-son analyse de l’intellect :

▪ C’est l’intellect qui nous fait passer dans une autre dimension : celle de

l’universel.

▪ Aristote définit l’intellection (c’est-à-dire le fait de penser) comme

« l’acte commun de l’intelligence et de l’intelligible » (Traité de

l’âme-III). De la même façon que la vue d’un objet suppose d’un côté

la capacité de voir du sujet et la capacité à être vu de l’objet, la

médiation étant rendu possible par la lumière, de la même façon, il faut

un intermédiaire pour que coïncide l’acte de penser du sujet et la

possibilité d’être pensé de l’objet, un intermédiaire donc pour permettre

l’actualisation de l’intelligence et l’actualisation de l’intelligible. Cet

intermédiaire doit donc être en acte et lui-même intelligible. Aristote

n’a pas clairement résolu ce problème qui deviendra un des problèmes

essentiels de la scolastique arabe et latine. Les penseurs du Moyen-âge

distingueront ainsi un intellect patient (en puissance, celui de l’homme

qui pense) et un intellect agent (en acte, actualisant l’intelligence et

l’intelligible).

• Chez Saint Thomas d’Aquin, cet intellect agent sera défini

comme l’intellect humain individuel dans ce qu’il a de

transcendant

• Chez Alexandre d’Aphrodise, il sera Dieu lui-même

• Chez Averroès, il deviendra l’unité de la raison également

répandue tous chez les hommes

5. La morale et la politique :

• Par morale, il faut entendre chez Aristote et chez les philosophes de l’Antiquité en

général, la recherche de la fin dernière permettant d’ordonner toutes les autres fins des

autres activités humaines. Cette fin, Aristote la définit encore par le terme de bonheur

ou de Souverain Bien. La morale, c’est donc la recherche du bonheur.

o A la différence de Platon, Aristote ne reconnaît pas l’existence d’un Bien en soi

mais il pense que le bien ne peut se réaliser que sous des formes particulières et

concrètes. Toutefois, Aristote reconnaît au Souverain Bien un caractère

permanent, celui de l’autarcie. Est donc heureux celui qui n’a besoin de rien

mais cette condition est quasi impossible à remplir car elle suppose d’une part

une vie parfaitement accomplie, d’autre part la possession de tous les biens.

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o Mais ces biens ne sont rien si l’homme ne sait pas les utiliser. Le bien le plus

important, c’est donc la vertu qui permet à l’homme de mettre à profit les

différents biens dont il dispose.

• Le concept de vertu (arétè) est donc le concept essentiel de la morale d’Aristote. « La

vertu est une disposition acquise de la volonté consistant dans un juste milieu relatif

à nous, lequel est déterminé par la droite règle telle que la déterminerait l’homme

prudent ». (Ethique à Nicomaque)

o Plusieurs points sont à noter dans cette définition :

1-la vertu relève autant de la volonté que de la raison. C’est une disposition acquise

c’est-à-dire une habitude. Il ne suffit donc pas de connaître le bien pour le faire car la passion

peut s’immiscer entre le savoir du bien et sa réalisation. Le raisonnable passe par la

domestication de l’affectif.

2-En cela, la vertu s’oppose toujours aux excès et aux extrêmes et se définit par le

juste milieu (c’est le concept de médiété). Toute vertu est un milieu entre deux vices

(exemples : générosité au sens de libéralité entre l’avarice et la prodigalité).

3-Mais la vertu est aussi rationnelle et pas seulement raisonnable car puisqu’elle se

réfère à la droite règle énoncée par la raison.

4-Mais cette droite règle suppose aussi une intervention de la prudence (phronésis)

qui sert à l’ajuster et à la modifier en fonction des situations. L’homme prudent est celui qui

est capable d’adapter le bien à toutes les situations particulières.

• La politique est la science des fins les plus hautes dans la mesure même où la finalité

de la Cité ou société politique n’est pas la survie mais le bien-vivre, c’est-à-dire le

bonheur. La politique est ce qui doit permettre donc d’organiser la vie heureuse et

vertueuse. C’est la thèse du zoon politikon.

o On doit à Aristote une analyse des différents types de domination et de pouvoir

dans l’ordre privé (l’ordre domestique et familial) comme dans l’ordre public.

Dans l’ordre privé, Aristote distingue trois types de pouvoir : celui du maitre

sur ses esclaves, celui du père sur ses enfants, celui du mari sur sa femme.

Mais Aristote s’intéresse surtout à l’esclavage qu’il justifie de manière

philosophique. L’esclave permet la réalisation de la nature rationnelle du

maître, pouvant grâce à lui ne pas travailler et se consacrer aux activités

spéculatives. L’esclavage est donc un rapport naturel et vertueux. Mais cela

permet aussi à Aristote de dénoncer un esclavage contre-nature : celui issu du

droit de la guerre. Il reconnaît aussi qu’il y a parfois des anomalies de la nature

et qu’un esclave peut avoir un esprit libre et un homme libre un esprit

d’esclave.

o L’ouvrage dans lequel Aristote développe ses conceptions politiques, traduit

autrefois par la Politique et aujourd’hui par Les Politiques, présente à la fois un

regard descriptif et normatif. Aristote, à la différence de Platon dont le regard

n’est que normatif a bien conscience qu’il faut distinguer la meilleure

constitution en soi, dans l’absolu et la meilleure constitution compte tenu des

circonstances géographiques et historiques et que l’une ne correspond pas

nécessairement à l’autre.

▪ Il en résulte que tous les régimes peuvent être bons (à l’exception

toutefois de la tyrannie qui ne s’adresse pas à des hommes libres)

comme tous peuvent être mauvais selon les circonstances même si,

idéalement, certains sont meilleurs que d’autres.

▪ De même, Aristote conçoit pour les trois types de constitution possibles,

trois formes normales et trois formes perverties. Dans les formes

normales, le pouvoir vise à la recherche de l’intérêt commun. Dans les

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formes perverties, le pouvoir ne poursuit plus que des intérêts

particuliers, d’individus ou de groupes. Lorsque le pouvoir est celui

d’un seul, la forme bonne est la monarchie et la forme pervertie la

tyrannie. Lorsque le pouvoir est donné à quelques uns, la forme bonne

est appelée l’aristocratie et la forme pervertie l’oligarchie (intérêt des

riches). Lorsque le pouvoir est donné à tous, la forme bonne est la

démocratie ou aujourd’hui traduite la politie et la forme mauvaise est la

démagogie aujourd’hui traduite la démocratie (intérêt des pauvres).

▪ Dans l’absolu, c’est la monarchie (pouvoir d’un seul sur tous les autres)

qui est la meilleure constitution car calquée sur le commandement

naturel de l’ordre domestique, le rapport de commandement du père sur

ses enfants. Le monarque peut mieux que la loi trop générale s’il

possède les qualités de justice, de prudence et de sagesse.

▪ La démocratie, quant à elle, est le moins bon des gouvernements mais

aussi le moins pire des pires : car l’homme du peuple pris

individuellement est inférieur à l’homme compétent censé commander

la monarchie mais, pris ensemble, les individus forment un peuple qui

additionne plus de compétences qu’un homme seul. De plus, plus

d’hommes sont plus difficilement corruptibles. Enfin, étant usagers de

l’Etat, ils en perçoivent mieux l’intérêt général.