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1 Fiche de visite enseignant La villa Savoye, 1928/1931 Architecte Le Corbusier (1887-1965) Introduction à la visite du monument La Villa Savoye baptisée « les Heures Claires » et construite entre 1928 et 1931 achève magistralement le cycle des « maisons blanches » ou villas « puristes » que l’architecte Le Corbusier a fait édifier à Paris et dans les environs dans les années 1920. Champ d’étude pour son architecte qui doit en même temps répondre aux exigences des commanditaires, les Savoye, parisiens fortunés, la villa perd rapidement sa vocation première de « machine à habiter » ; dès 1940, elle est abandonnée, sert de grange à fourrage, puis abrite les occupants allemands, fait office de maison des jeunes… jusqu’en 1958 où elle est acquise par l’Etat, classée monument historique en 1964 par André Malraux (du vivant de son auteur) et restaurée à plusieurs reprises. Aujourd’hui l’édifice est toujours en restauration afin de retrouver l’état originel. - Une situation avantageuse Pierre Savoye, administrateur d’une compagnie d’assurance fait appel en 1928 à l’atelier parisien de Le Corbusier ; il souhaite faire construire une villa secondaire pour recevoir des amis et se reposer en famille le week-end. C’est à Poissy, à 30 kilomètres dans l’ouest de Paris, que la famille Savoye possède un parc de 7ha ; situé en pleine campagne alors, entouré de forêts, il jouit d’une vue magnifique sur la vallée de la Seine. Le Corbusier écrit à propos de la propriété des Savoye : « la vue est très belle, l’herbe est une belle chose, la forêt aussi : on y touchera le moins possible. » Nichée aujourd’hui encore dans son écrin de verdure certes en grande partie amputé par la construction au début des années 60 d’un lycée, la villa est toujours selon la vision du Corbusier en 1928 « posée sur l’herbe comme un objet sans rien déranger ». - Une œuvre dans l’air de son temps ? Depuis la fin du XIXème siècle, les arts et en particulier l’architecture ont été marqués par les innovations techniques nées de la révolution industrielle. Les progrès et les découvertes dans le domaine des techniques de construction et des normes de confort font évoluer les styles; les architectes prônent le rejet des normes classiques. L’Art nouveau qui avait laissé s’épanouir ses lignes végétales partout en Europe autour de 1900 (école de Nancy en France, Gaudi en Espagne, Jugendstil en Allemagne…) avait marqué un premier refus de l’académisme. Après la Grande Guerre, les avant-gardes artistiques se radicalisent dans l’épuration des formes et la recherche d’une esthétique rigoureuse, où le rationalisme et le fonctionnalisme tiennent la première place et refusent toutes les fioritures. C’est « l’esprit nouveau » dont Le Corbusier construit le pavillon lors de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs en 1925. La Villa Savoye est un parfait exemple de cet esprit nouveau qui s’épanouit dans les années 30.

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Fiche de visite enseignant

La villa Savoye, 1928/1931 Architecte Le Corbusier (1887-1965)

Introduction à la visite du monument

La Villa Savoye baptisée « les Heures Claires » et construite entre 1928 et

1931 achève magistralement le cycle des « maisons blanches » ou villas « puristes » que l’architecte Le Corbusier a fait édifier à Paris et dans les environs dans les années 1920. Champ d’étude pour son architecte qui doit en même temps répondre aux exigences des commanditaires, les Savoye, parisiens fortunés, la villa perd rapidement sa vocation première de « machine à habiter » ; dès 1940, elle est abandonnée, sert de grange à fourrage, puis abrite les occupants allemands, fait office de maison des jeunes… jusqu’en 1958 où elle est acquise par l’Etat, classée monument historique en 1964 par André Malraux (du vivant de son auteur) et restaurée à plusieurs reprises. Aujourd’hui l’édifice est toujours en restauration afin de retrouver l’état originel.

- Une situation avantageuse Pierre Savoye, administrateur d’une compagnie d’assurance fait appel en

1928 à l’atelier parisien de Le Corbusier ; il souhaite faire construire une villa secondaire pour recevoir des amis et se reposer en famille le week-end. C’est à Poissy, à 30 kilomètres dans l’ouest de Paris, que la famille Savoye possède un parc de 7ha ; situé en pleine campagne alors, entouré de forêts, il jouit d’une vue magnifique sur la vallée de la Seine. Le Corbusier écrit à propos de la propriété des Savoye : « la vue est très belle, l’herbe est une belle chose, la forêt aussi : on y touchera le moins possible. » Nichée aujourd’hui encore dans son écrin de verdure certes en grande partie amputé par la construction au début des années 60 d’un lycée, la villa est toujours selon la vision du Corbusier en 1928 « posée sur l’herbe comme un objet sans rien déranger ».

- Une œuvre dans l’air de son temps ?

Depuis la fin du XIXème siècle, les arts et en particulier l’architecture ont été marqués par les innovations techniques nées de la révolution industrielle. Les progrès et les découvertes dans le domaine des techniques de construction et des normes de confort font évoluer les styles; les architectes prônent le rejet des normes classiques. L’Art nouveau qui avait laissé s’épanouir ses lignes végétales partout en Europe autour de 1900 (école de Nancy en France, Gaudi en Espagne, Jugendstil en Allemagne…) avait marqué un premier refus de l’académisme. Après la Grande Guerre, les avant-gardes artistiques se radicalisent dans l’épuration des formes et la recherche d’une esthétique rigoureuse, où le rationalisme et le fonctionnalisme tiennent la première place et refusent toutes les fioritures. C’est « l’esprit nouveau » dont Le Corbusier construit le pavillon lors de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs en 1925. La Villa Savoye est un parfait exemple de cet esprit nouveau qui s’épanouit dans les années 30.

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-Un architecte novateur et innovant : Charles-Edouard Jeanneret (1887-1965), dit Le Corbusier, est âgé de

quarante ans en septembre 1928 et bénéficie déjà d’une certaine notoriété. De nationalité suisse, il appartient à l’avant-garde artistique, en tant qu’architecte, peintre et écrivain. Son œuvre s’insère dans un courant qui a émergé dans la République allemande de Weimar, où des architectes tels Walter Gropius ou Ludwig Mies van der Rohe prônaient l’apport industriel dans la création artistique, cherchaient à utiliser de nouveaux matériaux comme le verre ou le béton.

Si Le Corbusier n’est pas le premier architecte français à travailler sur des formes nouvelles, il est assurément le plus actif dans le domaine des idées ; il contribue, entre autres, en 1928 à la fondation des Congrès internationaux d’architecture moderne, les Ciam qui édicteront pendant 30 ans les dogmes en matière de construction et de planification : toit plat, dépouillement des façades, recours à des modes de construction nouveaux (ossature en métal), prise en compte des modes de vie modernes.

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Plan du monument avec stations incontournables 1 – Une « boîte en l’air » 2 – Un temple grec 3 – Jeux de volumes, jeux de lumières, jeux d’espaces 4 – La « promenade architecturale » 5 – « Machine à habiter » ou « machine à émouvoir » 6 – Une maison en harmonie avec la nature

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Une « boîte en l’air »2

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Un temple grec

Jeux de volumes, jeux de lumières, jeux d’espaces

« Machine à habiter » ou « machine à La « promenade architecturale »

Une maison en harmonie avec la nature

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Les thèmes et notions à aborder 1 – Une « boîte en l’air » - Situation : Après avoir passé le portail et laissé la maison du gardien à

droite, on chemine sous de grands arbres et on débouche sur l’allée bordée de rosiers qui donne au visiteur une première vue sur la Villa. On peut s’arrêter un moment ici avec les élèves et les interroger sur une formule de Le Corbusier qui compare son œuvre à « une boîte en l’air » ou qui écrit aussi au moment des travaux préparatoires : « la maison reposera sur l’herbe sans rien déranger. »

- Activités : Interroger les élèves (Pourquoi la Villa apparaît-elle comme une boîte en l’air ? Le Corbusier a-t-il réussi à donner l’impression que la maison « repose sur l’herbe sans rien déranger ? Qu’est ce qui donne cette impression ? Quelles sont les techniques utilisées ?)

- Contenu : Les élèves doivent trouver la forme carrée/ géométrique de la maison, son décollement par rapport au sol grâce à l’utilisation des pilotis. Le professeur peut alors revenir sur plusieurs points, dans les domaines de l’architecture et des techniques et de l’histoire.

o Architecture : La partie supérieure de la Villa est posée sur une trame régulière de pilotis, et le socle est légèrement en retrait. L’utilisation des pilotis est récurrente dans l’œuvre de Le Corbusier; c’est un des cinq principes, des « Cinq points de l’architecture moderne » formulés par l’architecte en 1927 comme une théorie d’architecture classique. Il utilise cette « colonne moderne » dès 1915 comme élément d’urbanisme. Puis la transpose dans l’architecture en invoquant entre autres arguments la salubrité. Leur présence ici permet à la Villa de prendre de la hauteur pour lui donner une vue au-dessus des arbres qui l’entourent et permet de libérer un espace de circulation autour de la maison.

o Technique : L’aspect est ici celle de colonnes épurées, brutes et presque grêles. L’utilisation du pilotis est subordonnée à la découverte du béton armé, innovation technique qui permet sa construction. C’est en 1848 que le béton armé est inventé, mélange de ciment, gravier, eau, armé de barres de fer. Il devient un matériau de prédilection pour les pionniers de l’architecture moderne.

o Histoire : Le resserrement du socle de la villa permet de laisser de la place sous la maison pour la circulation d’une automobile, qui peut faire le tour de la maison, déposer les passagers devant la porte et repartir sans faire de manœuvre superflue. A la fin des années 20 au moment où les Savoye passent commande à l’architecte, le concept d’une résidence secondaire de week-end lié à l’utilisation de l’automobile est nouveau.

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Ce moyen de transport est encore réservé à une clientèle aisée et est considéré comme un produit de luxe avant sa démocratisation dans les années 50. Le Corbusier a saisi cette originalité dans la symbolique de son projet.

2 – Un temple grec - Situation : Toujours à l’extérieur. 5 minutes d’autonomie puis arrêt devant la

porte d’entrée. - Activités : Le professeur peut ensuite laisser les élèves faire le tour de la Villa

en autonomie, pour observer les façades et noter quelles sont les ressemblances et les différences, observer la répartition et la forme des fenêtres, la couleur…

- Contenu : Les élèves doivent être capables de relever la blancheur et l’uniformité des façades, le dépouillement des formes, le caractère rigide ou géométrique, la forme en bandeau ou en longueur des fenêtres. Ils peuvent aussi relever la forme arrondie sur le toit (logement de l’escalier en colimaçon) ; on peut leur demander alors d’imaginer ce qu’est cet élément d’architecture.

o Le professeur peut d’abord insister sur la modernité de cette architecture à la limite de l’abstraction, avec ses quatre façades blanches presque identiques percées par une baie vitrée horizontale et ininterrompue. Il faut replacer le travail de Le Corbusier dans le contexte des avant-gardes artistiques de l’entre-deux-guerres. Il élabore avec le peintre Amédée Ozenfant une doctrine esthétique, qu’ils nomment le « purisme » et dont ils font connaître le programme dans un petit manifeste intitulé Après le cubisme, publié en 1918. Ils considèrent qu’il s’agit du prolongement du cubisme qui a commencé à « nettoyer la langue plastique des termes parasites » mais qui est resté « art décoratif, ornemental et romantique ». Ils pensent que l’art doit rester aux prises avec les réalités de son temps et en particulier de la science. Cette pensée aboutit à l’idéal de l’« esprit moderne » ou « esprit nouveau », « un esprit de synthèse et de construction guidé par une conception claire. » La raison devait ordonner l’œuvre, permettre au spectateur une lecture limpide, directe, simple car « toutes les libertés sont acquises à l’art sauf celle de n’être pas clair ». En réalité la théorie puriste donne une définition très classique de l’art ; elle met en avant son caractère conscient et réfléchi ; rien n’est laissé au hasard, à l’improvisation, au pittoresque, à l’accidentel. Le purisme est un retour à l’ordre, à un art « ordonné » et « construit ».

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o Le professeur peut alors interpeller les élèves sur la comparaison avec un temple grec, ce qui doit les inviter à réfléchir aux contrastes entre une modernité originale qui bouleverse les codes traditionnels de l’architecture et les inspirations classiques qui évoquent un bâtiment antique. L’épuration des formes, l’équilibre et l’utilisation des colonnes « modernes » donnent un côté classique au bâtiment. Le Corbusier a, de plus, situé la Villa au centre de la parcelle (contrevenant d’ailleurs aux règles d’urbanisme de la ville de Poissy), comme pour faire rayonner l’espace autour d’elle, à l’image des villas palladiennes dans la région de Venise (maisons de maître carrées au milieu d’un vaste espace géométrique). Il dit à propos du Parthénon : « On a dressé sur l’Acropole des temples qui sont d’une seule pensée et qui ont ramassé autour d’eux le paysage désolé et l’ont assujetti à la composition. Alors de tous les bords de l’horizon, la pensée est unique. » La Villa est construite ainsi comme le centre unique et homogène de la composition architecturale dont la nature fait partie.

3 – Jeux de volumes, jeux de lumières, jeux d’espaces - Situation : Hall d’entrée ; 60 mètres carrés - Activités :

o Le professeur peut demander aux élèves d’observer le lieu et de noter quels sont les éléments classiques d’un hall d’entrée (escalier pour monter à l’étage, espace ouvert qui dessert plusieurs espaces, grandes portes d’entrée) et ce qu’il a d’étrange pour un hall d’entrée (grande baie vitrée en hauteur, forme arrondie, taille de l’espace, deux accès à l’étage).

o Ou les interroger sur le sens d’une citation de Le Corbusier : « Les visiteurs jusqu’ici se tournent et se retournent à l’intérieur, se demandant comment tout cela se passe, comprenant difficilement les raisons de ce qu’ils voient et ressentent ; ils ne retrouvent plus rien de ce qu’on appelle une maison. Ils se sentent dans autre chose de tout nouveau. Et… ils ne s’ennuient pas, je crois. »

o Autres activités possibles : noter les figures géométriques, le rapport entre formes et lumières, dire l’impression ressentie (espace, pureté, lumière, apaisement, froid…), avant d’entrer imaginer l’intérieur, le vestibule.

o Proposer aux élèves de rechercher dans la villa des associations, des rencontres de lignes droites et courbes, et de comprendre comment les formes sont mises en valeur (peinture, lumière naturelle ou artificielle)

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- Contenu : La Villa Savoye est l’aboutissement du cycle des villas puristes de Le Corbusier. Elle frappe par sa radicalité et sa recherche d’une perfection formelle et spatiale, où rien n’est laissé au hasard.

o On peut déjà noter le contraste entre le volume unitaire de la maison vue de l’extérieur et la multiplicité des volumes et des formes à l’intérieur, la combinaison de l’horizontal et du vertical qui permet d’opposer la nature statique de la boîte au parcours dynamique qui conduit le visiteur depuis le parc jusqu’au solarium, la mise en perspective dans le projet architectural de la ligne droite qui saisit d’abord le spectateur aux lignes courbes. Le spectateur est désorienté, perdu dans un schéma architectural qu’il ne reconnaît pas. On peut expliquer que c’est le propre des avant-gardes de déranger le spectateur, de perturber son horizon d’attente, c’est-à-dire ce qu’il imagine.

o Le « vestibule » quant à lui n’a en effet rien de classique ; on est loin du décor douillet, chaud et accueillant de ce type d’espace dans l’architecture bourgeoise. Très dépouillé, il semble pensé comme un simple point de passage, une promesse vers les espaces habités de l’étage. Derrière ce dépouillement se cache cependant un des lieux-clés de l’architecture de la Villa Savoye : on y retrouve les éléments fondamentaux de l’architecture : un escalier, une rampe, des parois, des poteaux… Mais composés de façon savante et inattendue. On peut noter aussi la symétrie de l’espace et la dissymétrie en même temps dans la répartition des éléments d’architecture, renforcée par la provenance des sources lumineuses (lumière diffuse de la large baie vitrée au nord-ouest, lumière solaire, zénithale qui descend par l’escalier en spirale et des hauteurs de la rampe). Le blanc renforce ces effets de volumes et de lumières ; l’absence de couleurs évite de perturber l’œil qui se concentre sur le jeu des formes et des lumières. La seule dynamique verticale est amenée par l’escalier en colimaçon comme une « vis, organe vertical pur (qui) s’insère librement dans la composition horizontale ». La verticalité unique de cet escalier qui dessert tous les niveaux de la cave au 2e étage est rappelée à l’extérieur par son logement courbe, comme la cheminée d’un bateau.

o On peut aussi insister sur le caractère industriel des matériaux, référence de l’artiste à son époque et au développement d’une industrie que ce soit celle des matériaux ou de l’automobile qu’il veut intégrer dans sa création : Baie haute avec des châssis métalliques qui rappellent l’espace d’une usine, les carreaux blancs 14*14 cm, revêtement en caoutchouc gris de la rampe, poteaux carrés, tablette en béton.

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Et la rampe évoque le prolongement du chemin destiné à l’automobile comme si le conducteur pouvait parvenir jusqu’au toit sans descendre de voiture…

o Citations de Le Corbusier : « L’architecture est le jeu savant, correct et magnifique des volumes assemblés dans la lumière… Les ombres et les lumières révèlent les formes ». « La lumière, dans un espace inférieur, est ce qui pénètre de la nature, ce qui nous situe un tant soit peu dans le cosmos. »

4 – La « promenade architecturale » - Situation : Salon, 1er étage. Puis cheminement sur la rampe vers le toit-

terrasse pour terminer la promenade avec le cadre qui s’ouvre dans le mur vers la Seine.

- Activités : Le professeur peut proposer aux élèves de créer leur « promenade architecturale », en les laissant libre un quart d’heure avec un plan, sur lequel ils traceront le chemin qu’ils ont emprunté, et les impressions ressenties (commentaires sur la taille des salles, la lumière, la vue par les fenêtres, les perspectives, les couleurs etc). Puis élèves et professeurs se retrouvent dans le salon. Ou le professeur peut inviter les élèves à réfléchir à la citation de Le Corbusier : « Dans cette maison-ci, il s’agit d’une véritable promenade architecturale, offrant des aspects constamment variés, inattendus, parfois étonnants. »

- Contenu : L’idée de la « promenade architecturale », qui constitue pour Le Corbusier un des principes de l’architecture moderne a été appliquée à la Villa Savoye. Il s’inspire de l’architecture arabe qui « s’apprécie à la marche, au pied ; c’est en marchant, en se déplaçant que l’on voit se développer les ordonnances de l’architecture. C’est un principe contraire à l’architecture baroque qui est conçue sur le papier autour d’un point fixe théorique. » Malgré la rigidité du plan, un carré sur un « schéma de poutres et de poteaux d’une rigueur absolue », le visiteur a plusieurs choix de parcours. En effet le plan libre, un des « Cinq piliers de l’architecture moderne », repose sur un système porteur constitué de poutres et de poteaux qui soutiennent une dalle en béton, libérant les murs de leur destination traditionnelle et permettant de poser librement les façades et les cloisons. Cette liberté nouvelle permet à l’architecte de jouer sur l’ouverture des espaces sur d’autres espaces intérieurs mais aussi sur l’extérieur. Trois éléments, la rampe, l’escalier et les terrasses accentuent la liberté de parcours, en multipliant les combinaisons de circulation possible, les échanges entre les espaces, les ouvertures. Le parcours est ainsi aléatoire et permet de multiplier les perceptions visuelles : « On marche, on circule, on ne cesse de bouger, de se retourner »

5 – « Machine à habiter » ou « machine à émouvoir » - Situation : 1er étage, espaces collectifs (salon et cuisine) et espaces intimes

(chambres, boudoir jusqu’à la terrasse)

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- Activités : o Le professeur peut demander à un groupe d’élèves de relever/

dessiner les éléments intégrés qui rendent l’espace habité fonctionnel, les éléments utiles ; tandis qu’un autre groupe d’élèves relèvera les éléments « inutiles », ceux qui ne servent à rien (les inciter à lever le nez, observer les couloirs, les murs…). En groupe, on pourra les interroger sur le sens de ces éléments « utiles » et « inutiles ».

o Le professeur peut proposer un jeu sur les couleurs et les formes ; un groupe dessine les éléments de rangements, un autre relève les couleurs utilisées dans la Villa.

- Contenu : Malgré le caractère épuré de la Villa Savoye, Le Corbusier l’a pensé comme une « machine à habiter ». L’espace doit être ordonné, agencé pour permettre à l’homme d’y vivre : « Prendre possession de l’espace est le geste premier des vivants, des hommes et des bêtes, des plantes et des nuages, manifestation fondamentale d’équilibre et de durée. La première preuve d’existence, c’est d’occuper l’espace. » Aussi l’agencement des pièces, leur enchaînement et l’importance des éléments intégrés doivent participer de cette occupation existentielle de l’espace. La cuisine est conçue comme une pièce-maîtresse de la maison : elle « n’est pas précisément le sanctuaire de la maison, mais c’est certainement l’un des lieux les plus importants. Cuisine ou salon, l’un et l’autre sont des pièces où l’on vit. » C’est une grande pièce éclairée par deux grandes baies vitrées, fonctionnelle et technique, qui était pourvue d’équipements ménagers modernes aujourd’hui disparus. On peut rappeler que c’est une période où se développe la société de consommation et où les appareils électroménagers envahissent les foyers. On peut aussi noter l’esthétique fonctionnelle, presque industrielle de la cuisine, dépourvue d’éléments décoratifs. La chambre du fils, à l’angle de la maison bénéficie de vues panoramiques dans deux directions grâce aux fenêtres en bandeau. Elle possède une salle de bain avec baignoire. Un meuble de rangement sépare le lit du coin bureau encastré, avec étagères et une tablette qui court sous la fenêtre. Des rangements bas aux cloisons coulissantes en aluminium brut ont été aménagés sous la baie. La chambre des maîtres est un vaste espace découpé en plusieurs sous-espaces, la chambre à coucher, la salle de bain, la garde-robe et le boudoir. On retrouve une grande baie vitrée, des rangements bas et une tablette sous la fenêtre, ainsi qu’un élément de mobilier intégré, un grand placard de 2,13 m de haut qui sépare la garde-robe de la salle de bain. Sur la terrasse, la table encastrée dans le mur témoigne encore de la volonté de s’approprier l’espace et de faire de la villa, une maison prête à habiter. Mais la villa est plus que le simple résultat d’un programme architectural. Elle est aussi le fruit des recherches picturales de l’artiste, dans la mouvance puriste qu’il a contribué à définir. Ainsi la villa qui apparaît pourtant très blanche au premier coup d’œil n’échappe pas à la question de la polychromie, qui est au centre des recherches de Le Corbusier à partir de la fin des années 20.

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La couleur est un élément indispensable de l’architecture selon Le Corbusier, car elle apporte de l’espace, crée du volume : « La polychromie architecturale s’empare du mur entier et le qualifie avec la puissance du sang, ou la fraîcheur de la prairie, ou l’éclat du soleil, ou la profondeur du ciel et de la mer » ou « la polychromie architecturale ne tue pas les murs, mais elle peut les déplacer en profondeur et les classer en importance », ou encore « la polychromie appartient à la grande architecture vivante de toujours et de demain. » Mais la couleur n’est en aucun cas un élément de décoration ; elle doit être utilisée pour ses qualités génératrices d’espace. Elle n’est jamais appliquée sur deux faces contigües d’une même pièce ou d’un même volume. Le blanc est la dominante générale ; le noir est réservé à la peinture des portes et des châssis. Puis apparaît une palette de tons pastels, qualifiée de « puriste » (rose, ocre clair, bleu outremer, gris clair, gris soutenu…) Le vert foncé des murs extérieurs latéraux agit comme un miroir à la pelouse. Les couleurs claires, comme le bleu du salon ouvrent l’espace (« si tel mur est bleu, il fuit. ») ; les couleurs foncées, comme l’ocre de la chambre du fils, renforcent la présence du mur (« S’il est rouge, il tient le plan, ou brun ; je peux le peindre noir, ou jaune »). On remarque aussi des formes « : inutiles »la courbe du mur mitoyen de la chambre du fils avec la salle de bain qui suit la courbure de la baignoire et qui est renforcé par la peinture ocre. Ainsi si Le Corbusier a cherché à faire de cette villa à l’architecture minimaliste et fonctionnelle l’image de la perfection de la « machine à habiter », la recherche sur les formes et les couleurs, la richesse spatiale en font aussi bien une « machine à émouvoir » ; l’architecture devient support à l’art, devient sculpture et donc œuvre d’art elle-même.

6 – Une maison en harmonie avec la nature - Situation : Terrasse-jardin ou « jardin suspendu » et solarium - Activités : On peut interroger les élèves sur les éléments d’architecture qui

révèlent la volonté chez l’architecte de laisser la nature entrer dans la maison, d’intégrer la villa à son environnement. On peut les faire réfléchir à la maîtrise de la nature. On peut leur demander de dessiner des scènes associant un détail de la maison/ de l’architecture de la villa et la nature.

- Contenu : La Villa Savoye, point d’orgue des villas puristes des années 20, est aussi la réalisation d’un idéal de réconciliation de la nature et de l’homme. Ce souci de l’harmonie de la maison avec son environnement se lit depuis les premiers plans jusqu'au dernier détail de la « promenade architecturale », la fenêtre qui s’ouvre sur la vallée de la Seine. Le Corbusier affirme au moment des plans que « la maison reposera sur l’herbe comme un objet sans rien déranger ». L’utilisation des pilotis, la peinture verte des murs extérieurs renforce l’impression que le jardin est intact sous la maison. L’importance de la lumière naturelle que l’architecte laisse largement entrer par les fenêtres en bandeau, par les puits de lumière, montre le souci d’adapter la maison à la course du soleil.

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Pour Le Corbusier, « les matériaux de l’urbanisme sont le soleil, les arbres, le ciel, l’acier, le ciment, dans cet ordre hiérarchique et indissolublement. », c’est-à-dire que les éléments naturels sont les premiers pris en compte. Les grandes baies vitrées, notamment celles du salon qui s’ouvrent sur la terrasse donnent une sensation de perméabilité dedans/dehors, d’ouverture de la maison sur l’extérieur, de communion des espaces intérieurs avec la nature. Mais on lit l’ambiguïté de Le Corbusier qui cherche à maîtriser cette nature; il veut surélever par rapport au sol les espaces de vie, veut pouvoir contempler la nature « comme dans un rêve virgilien », se méfie de l’humidité et de l’insalubrité du sol. Ainsi le « véritable » jardin est transposé sur le toit : « ce sera le jardin suspendu dont le sol est sec et salubre, et c’est de ce sol qu’on verra bien tout le paysage, beaucoup mieux que si l’on était resté en bas. » Cette terrasse-jardin est l’espace le plus prestigieux de la villa ; il donne son sens au projet. Il joue le rôle de distributeur de lumière dans la maison : « C’est le jardin suspendu sur lequel s’ouvrent en toute liberté les murs de glaces coulissants du salon et plusieurs pièces de la maison : ainsi le soleil entre partout, au cœur même de la maison. » Les jardinières, l’ouverture en bandeau dans le prolongement du boudoir évoquent cette nature maîtrisée, comme un jardin d’Eden parfait. Enfin, la rampe mène le visiteur jusqu’au solarium, où la fenêtre aménagée dans la paroi juste dans l’axe de la rampe permet au visiteur de contempler une dernière fois au loin le paysage.

La Villa Savoye et les programmes scolaires :

Depuis 2008, l’histoire des arts figure à l’ensemble des programmes scolaires, du primaire à la fin du secondaire et a été découpée en 6 grands domaines artistiques, parmi lesquels les « arts de l’espace » et les « arts du quotidien » peuvent s’appuyer sur l’étude de la Villa Savoye.

Ces programmes invitent à mettre en œuvre des « situations pédagogiques

pluridisciplinaires et partenariales », c’est-à-dire que l’étude d’une œuvre doit s’inscrire dans le temps long, être préparée autant que possible en partenariat avec des « institutions artistiques et culturelles de l’Etat », des « ensembles patrimoniaux »… et en associant plusieurs disciplines pour permettre à l’élève de faire une « rencontre sensible et réfléchie » ; ainsi la découverte de l’œuvre favorise les « liens entre la connaissance et la sensibilité », permet de créer un « dialogue » entre les arts et « d’autres champs de savoir, tels que la culture scientifique et technique ».

La visite de la Villa Savoye se prête bien à cette démarche transdisciplinaire ;

elle permet d’associer professeurs d’arts plastiques (notion de mouvement ou d’avant-garde artistique, fait architectural), d’histoire-géographie (mouvement moderne, architecture des années trente, contexte de l’entre-deux-guerres), de mathématiques (géométrie, calcul de volume, proportionnalité…), de physique-chimie (matériaux)…

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Enfin pour des élèves, cette visite permet de remplir plusieurs des objectifs imposés par le programme d’enseignement d’histoire des arts : découvrir une œuvre relevant d’un domaine artistique et d’une époque particulières, découvrir un architecte qui a marqué de façon majeure son domaine, découvrir le métier d’architecte, enrichir leur « vocabulaire technique », mais aussi « sensible », « fréquenter un lieu de création, de conservation et de diffusion de l’art et de la culture, relevant du patrimoine de proximité ».

Chronologie 1900 Guimard : entrées du Métro, Paris. Gaudi : parc Güell 1917 Installation définitive de Charles-Edouard Jeanneret à Paris. 1919 Gropius fonde le Bauhaus, Weimar Mies van der Rohe : projets de gratte-ciel de verre 1922 Création d'une agence d'architecture avec son frère Pierre Jeanneret. Prend le pseudonyme de Le Corbusier 1922-1927 : Activité architecturale intense de l’atelier du Corbusier 1925 Pavillon de l'Esprit nouveau à l'Exposition internationale des Arts décoratifs 1926 Mallet-Stevens construit à Paris un ensemble de maisons cubistes (rue Mallet-Stevens) et à Saint-Jean-de- Luz le Casino. André Lurçat : maison Guggenbühl, Paris 1928 Fondation des Congrès Internationaux d'Architecture Moderne (Ciam) à La Sarraz (Suisse). Fernand Léger fait une conférence sur Le Corbusier. 1931 Villa Savoye, Poissy (Yvelines). Le pamphlet d'Alexandre de Sengers Le cheval de Troie du bolchévisme devient un des textes de base de la campagne nazie contre l'architecture moderne 1933 Rédaction de la charte d'Athènes codifiant les idées de zoning et d'espace vert, à l'origine des grands ensembles des Trente Glorieuses. Cité-refuge de l'armée du Salut 1937-1950 Activité de peintre, d'écrivain et d'urbaniste ; peu de commandes architecturales 1946 Musée Guggenheim, New York par Frank Lloyd 1951-1962 Nombreux projets et réalisations en Inde, à Ahmedabad et, surtout à Chandigarh (Pendjab) 1952 Unité d'habitation de Marseille. Autres réalisations de ce nouveau concept d'immeuble collectif 1956 Plan de Brasilia par L. Costa 1959 Éclatement des Congrès Internationaux d'Architecture Moderne au XIe congrès 1965 Mort de Le Corbusier à Cap-Martin (Alpes-Maritimes). Classement de la Villa Savoye comme monument historique

Glossaire Les cinq points d’une architecture moderne : Les pilotis En utilisant les pilotis, Le Corbusier fait de sa construction une « boite en l’air » dont le soubassement se fond dans l’herbe environnante.

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Le toit-jardin La toiture plate devient terrasse accessible et peut être plantée. Le bâtiment se détache nettement sur le ciel par sa ligne horizontale. Le plan libre Grâce au béton armé, la maison est libérée des murs porteurs et séparatifs. Les poteaux portent les planchers et l’agencement du plan libre. Des cloisons légères suffisent à séparer les espaces. La façade libre Les façades étant indépendantes de la structure porteuse, elles se posent librement sur les pilotis. Leur composition est dictée par les vues depuis l’intérieur. La fenêtre en longueur Non porteuses, les façades peuvent-être percées largement par de longues fenêtres qui apportent lumière et transparence, deux qualités chères au Mouvement moderne. Bibliographie sélective Itinéraires, La villa Savoye Edition du patrimoine, 2008 Ile de France Edition du patrimoine, 1998 Sbriglio Jacques, Le Corbusier, la villa Savoye Birkhauser, Fondation Le Corbusier, 2008 Sbriglio Jacques, Habiter : de la villa Savoye à l’unité d’habitation de Marseille Cité de l’architecture et du patrimoine - Acte Sud, 2008 Monnier Gerard, L’architecture du XXeme siècle Paris, PUF, collection « Que sais je ? », 1997 Jenger Jean, Le Corbusier, l’architecture pour émouvoir Paris, Gallimard, collection « découvertes », 1993

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La visite Réservation obligatoire 01 39 65 01 06 [email protected] Droits d’entrée Visite libre : 30€/ tarif ZEP 20€ Visite-conférence : 72€/ tarif ZEP 50€, durée 1h30 Ateliers du patrimoine : 110€/tarif ZEP 61€, durée 2h30 Horaires d’ouvertures 1er mars au 30 avril et 1er septembre au 31 octobre 10h à 17h 2 mai au 31 aout 10h à 18h 2 novembre au 28 février 10h à 13h et 14h à 17h Accès RER ligne A gare de Poissy puis bus 50 direction La Coudraie, arrêt villa Savoye ; A13, A14 sortie Poissy centre Ressources pédagogiques en ligne http://action-educative.monuments-nationaux.fr/fr/accueil/bdd/monument/45 Dossier enseignant PDF à télécharger http://www.fondationlecorbusier.fr Offres d’activités http://action-educative.monuments-nationaux.fr/fr/accueil/bdd/monument/45 Contacts Professeur relais/ permanence téléphonique le mercredi après-midi [email protected] Chargée de l’action éducative/ permanence téléphonique le vendredi matin [email protected]