Fenêtres sur la justice

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BORéAL JEAN-CLAUDE HÉBERT FENÊTRES SUR LA JUSTICE Extrait de la publication

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Avocat pénaliste de renom, Jean-Claude Hébert propose ici une réflexion inspirée par cinq thèmes reliés à la justice. Chacun des cinq chapitres correspond à un angle d’analyse précis. Ils portent respectivement sur la vérité judiciaire, le poids politique des juges, l’opinion publique, le gardien des juges et l’institution du jury.

Loin d’être un manuel de droit ou un recueil d’anecdotes judiciaires, ce livre et un essai au sens fort du terme. Tout en s’inspirant de sa pratique et en citant de nombreux exemples concrets, l’auteur prend le recul nécessaire pour proposer une réflexion en profondeur sur notre système judiciaire et sur la notion de Justice même. Quelle est l’importance de la recherche de la vérité dans le travail des tribunaux ? Notre système judiciaire est-il vraiment indépendant du politique, surtout en cette ère de Charte des droits et de contrôle judiciaire ? Les médias exercent-ils une influence sur le travail des tribunaux ? Jusqu’à quel point peut-on faire confiance à la compétence d’un jury dans des causes complexes ? Un juge a-t-il le droit de se prononcer hors cour sur une question d’intérêt public ? Le principe de l’indépendance judiciaire permet-il aux juges d’exprimer des opinions hors cours ou sont-ils restreints à le faire uniquement dans leurs jugements ?

Trop rarement les praticiens du droit nous proposent une réflexion de cette envergure sur la justice, réflexion qui s’adresse à nous tous, car l’adminis-tration de la justice est indissociable de l’exercice de la démocratie.

Jean-Claude Hébert est criminaliste. Il est l’auteur de livres de référence sur la justice.

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Les Éditions du Boréal, rue Saint-Denis

Montréal (Québec) HJ L

www.editionsboreal.qc.ca

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Fenêtressur la justice

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DU MÊME AUTEUR

Droit pénal des affaires, Éditions Yvon Blais, .

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Jean-Claude Hébert

Fenêtressur la justice

Boréal

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Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour ses activités d’édition et remercient le Conseil des Arts du Canada pour son soutien financier.

Les Éditions du Boréal sont inscrites au Programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.

Illustration de la couverture : Pierre Blanchette, peinture no , .

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Dépôt légal : e trimestre

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Diffusion au Canada : DimediaDiffusion et distribution en Europe : Volumen

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada

Hébert, Jean-Claude

Fenêtres sur la justice

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. Justice. . Indépendance judiciaire. . Juges. . Tribunaux. . Justice – Administration – Qué-bec (Province). I. Titre.

. ’. --

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Avant-propos

En rédigeant cet essai sur la justice, je n’ai pas cherché à dis-courir doctement sur un si vaste sujet. Fenêtres sur la justice se veutplutôt une modeste réflexion, inspirée par cinq thèmes liés à lajustice. Malgré l’arbitraire du procédé, le découpage en chapitrescorrespond à divers angles d’analyse. À dire vrai, il s’agit de quatrefenêtres et d’un hublot sur la justice. Tour à tour, sans ordre appa-rent, sont abordés les thèmes du poids politique des juges, de l’opi-nion publique, de la vérité judiciaire et du gardien des juges, quiferont office de fenêtres. L’institution du jury, brièvement évo-quée, sera le hublot. Le lecteur est par conséquent convié à péné-trer un mystérieux univers que j’ai pu longuement sillonner entant qu’avocat pénaliste.L’équilibre des pouvoirs est une affaire de dosages subtils et

délicats, les proportions pouvant varier d’une époque à l’autre. Àla lumière du passé et du présent, nous pourrions certes chercherà deviner l’avenir des rapports qui se jouent entre les pouvoirsconstitués : après la primauté du législatif au XIXe siècle, après cellede l’exécutif au XXe siècle, le XXIe connaîtra-t-il celle du judi-ciaire ? Le pronostic est difficile. En ouvrant le rideau sur une pre-mière fenêtre de justice, intitulée « Le poids politique des juges »,nous tenterons d’y voir clair dans cet aggiornamento.Avec le recul de l’histoire, nul doute que l’avènement des

chartes a consacré la montée en puissance des juges. Arguant de l’intérêt des justiciables de se doter d’un pouvoir judiciaire

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indépendant, à même de neutraliser les abus de l’État, les juges onteux-mêmes défini les limites de leur indépendance. Pour ce faire,au passage, ils n’ont pas manqué d’imposer aux élus un mécanismegarantissant leur sécurité financière.À certains égards, le juge est un acteur politique puisque la

justice a notamment pour fonction de réaliser et de défendre lesvaleurs fondamentales de la société, ce qui relève de la missionplus générale de la promotion du bien-être humain incombantaux institutions politiques. Dans ces conditions, la culture du par-tage et du dialogue, plus que celle du conflit, caractérise notre tra-dition du principe de la séparation des pouvoirs.Les différentes figures de l’organisation des pouvoirs de l’État

ne sont pas exclusives l’une par rapport aux autres. Aussi, le regardd’aujourd’hui sur les sociétés démocratiques donne à penser queles rapports de la justice et des forces du pouvoir ne sauraient êtrelimités aux seules relations entre les différentes branches de l’État.Pensons à l’influence exercée par d’autres pouvoirs bien réels : lesmédias ou l’opinion publique, par exemple. Ici, en écartant lerideau d’une seconde fenêtre de justice, intitulée « L’opinionpublique », nous verrons comment se noue l’interaction (parfois lacrispation) entre le milieu judiciaire et la classe journalistique.En levant le rideau sur une troisième fenêtre nommée, elle, « La

vérité judiciaire », nous comprendrons que la vérité est toujours unpari sur l’incertitude. Autrement dit, la vraisemblance ne se confondpas avec la vérité, pas plus que le réel avec sa représentation.Comme un fromage gruyère, la vérité judiciaire est parsemée detrous. L’intérêt public et le respect de certaines valeurs fondamen-tales obligent les juges à fermer les yeux sur des preuves pertinenteset probantes. C’est tout le débat entourant l’exclusion de certainespreuves. Contrairement au poison, la vérité administrée à troppetites doses peut devenir dangereuse et s’éloigner de la justice.Souvent dérangeante, elle devient relative, voire trafiquée. Que diredes témoins ? Certains d’entre eux sont à ce point portés à l’exagé-ration qu’ils en deviennent incapables de dire le vrai sans mentir.Quant aux délateurs, il est impossible de savoir s’ils sont sincères etcrédibles lorsqu’ils jurent avoir déjà menti à propos de la vérité.Blaise Pascal (De l’esprit géométrique) voyait trois principaux

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objets dans l’étude de la vérité : « l’un, de la découvrir quand on lacherche ; l’autre, de la démontrer quand on la possède ; le dernier,de la discerner d’avec le faux quand on l’examine ». Cette visionnous rapproche de la vérité judiciaire. Dans un système de justiceinquisitoire, le juge d’instruction se trouve investi du lourd fardeaude chercher, de démontrer et de filtrer la vérité. Trop souvent, leprocès n’est qu’une simple formalité. Au contraire, dans un sys-tème de justice accusatoire, fondé sur la contradiction des preuves,le juge du procès se contente de discerner le vrai du faux et deconclure sur la culpabilité de l’inculpé.Quel que soit le mode de justice pénale, une inquiétante

résurgence d’erreurs judiciaires avérées confirme ce mot de Pascal(Pensées sur la religion) : « ni la contradiction n’est marque de faus-seté, ni l’incontradiction n’est marque de vérité ». La vérité jaillirade l’apparente injustice, disait Albert Camus, dans La Peste. Pour-tant, n’est-ce pas l’apparence de justice qui est censée rasséréner lepublic et lui redonner confiance dans l’administration de la jus-tice ? Le capharnaüm de la vérité judiciaire mérite une pause.Qui juge les juges ? S’agissant d’éthique, de déontologie ou de

discipline, ils se jugent entre eux. Telle est la volonté du législateur.Ce n’est donc pas le choix de la magistrature. Contre-pied de l’in-dépendance judiciaire, la justice interne des juges garantit leurimputabilité. En ouvrant le rideau sur cette nouvelle fenêtre dejustice, « Le gardien des juges », nous constatons que l’objectif n’estpas de faire de la chair à pâté avec les juges en brouille avec leurgardien. Bien au contraire, l’examen de certains dossiers fait voirque l’esprit de coterie conserve de solides assises. Rien ne prouvedavantage la constance de ce modèle de justice que la fidélité àl’inconstance dans le traitement des cas gênants.Nommé à vie, un juge peut-il remplir sa délicate fonction et

toujours mériter l’entière confiance de la collectivité ? Cette exi-gence suppose que l’élévation d’un avocat à la magistrature soitancrée sur le mérite d’une candidature, c’est-à-dire sur l’aptitudeet la compétence. Impossible de faire l’économie d’une brèveréflexion sur la délicate question des nominations judiciaires.Au terme d’une véritable galopade dans notre univers de jus-

tice, à la dérobée, nous jetterons un regard par un hublot intitulé

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« Le jury ». Nous y verrons quelques caractéristiques fondamen-tales propres à ce mode de procès. Cette vénérable institution nefait pas de volume, mais agissant en profondeur, elle a du poids.Accusant quelques rides, cette icône démocratique a plutôt bienvieilli. Quoi qu’on en pense, la Constitution garantit le droitimmuable au procès par jury. Aussi bien s’y faire.

Ni vraiment acteur, ni vraiment spectateur, l’auteur d’un essaisur la justice joue un double jeu. Il se glisse entre deux postures etdéveloppe une réflexion critique, au prix, bien entendu, du soup-çon de complicité et du risque de trahison. Dans cet entre-deux,la voie est étroite et semée d’embûches. Nous avons simplementvoulu proposer l’une ou l’autre idée qui vaille la peine qu’on s’yattache.Une certaine mise à plat s’impose. Puisque la discussion favo-

rise la correction, nous signalons des dysfonctionnements du sys-tème judiciaire. Souvent critique, notre point de vue n’a toutefoispas l’ambition du réformateur. Notre démarche n’est qu’unemodeste contribution dans une matière qui, par sa récurrence,colore l’actualité.Notre essai convie le lecteur à découvrir des recoins obscurs

de la justice, une institution souvent mal aimée, toujours malconnue. Plus intéressant que la technique juridique, il y a la com-préhension des principes. Un assemblage de faits, d’informationset d’impressions vécues ne suffit pas pour pénétrer les arcanes de lajustice. Puisque les idées fortes fédèrent les ensembles, il a fallus’aventurer hors de la citadelle des conventions pour les dépister,parfois dans le non-dit.

À celles et à ceux qui, ayant lu des extraits du manuscrit, m’ontproposé des corrections et des modifications de forme ou de sub-stance, j’exprime toute ma gratitude.Enfin, réalisé dans des moments de loisir, ce projet a forcément

poussé ma conjointe Clo Richer à puiser dans son intarissableréserve de patience. Ma reconnaissance lui étant acquise… je luicède mes droits d’auteur !

Outremont, le 5 janvier 2006

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Le poids politique des juges

Idéalement, les organes de l’État devraient être indépendantsles uns des autres, de façon à s’équilibrer afin de garantir les droitset libertés du citoyen. L’indépendance absolue des grands pouvoirsétatiques n’existe toutefois pas et l’équilibre des pouvoirs restedélicat. Les XIXe et XXe siècles ont respectivement privilégié lespouvoirs législatif et exécutif, le XXIe siècle favorisera-t-il, lui, le pouvoir judiciaire ? Les rapports de la justice avec le pouvoir nesauraient se limiter aux seules relations entre les organes du pou-voir constitués au sein de l’État. D’autres formes de pouvoir, exté-rieurs à la sphère étatique, se manifestent : l’argent, les médias, lemarché et l’économie, pour ne mentionner que ceux-là.S’il n’était que la bouche de la loi, le juge ne pourrait agir

comme contre-pouvoir, et l’exercice de ce rôle suppose une cer-taine autonomie, voire même un poids politique. Les organes del’État ne peuvent s’équilibrer que s’ils ont prise sur les mêmesdomaines. En somme, en termes de responsabilités, les trois grandspouvoirs exercent différemment une fonction politique. Soucieuxd’éviter l’épreuve de la confrontation brutale avec les pouvoirslégislatif et exécutif, le plus haut tribunal canadien a choisi la voiede la coopération et de la déférence envers les représentants dupeuple. Juge en chef du Canada, Beverly McLachlin dit préférerune relation harmonieuse entre les juges et les élus, ce qui ame-nuise évidemment les risques de conflit. Cette approche pragma-tique, fondée sur le respect mutuel, prend la forme allégorique

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d’un dialogue entre le juge et l’élu. Il est essentiel qu’aucune desbranches du gouvernement démocratique n’outrepasse ses limiteset que chacune respecte le domaine légitime de la compétence del’autre.Les différends entre le pouvoir judiciaire et les gouverne-

ments sont un phénomène courant aux États-Unis et c’est ainsiqu’en 2005, pour donner un exemple, le sort d’une jeune femme,réduite à un état végétatif, remua profondément l’Amérique. Sur fond de débat éthique à propos de l’euthanasie, l’affaire TerriSchiavo dissimulait une audacieuse tentative des élus américains demettre les juges en tutelle. Rappelons les faits. En l’an 2000, leconjoint de Terri Schiavo, jeune femme plongée dans un profondcoma depuis plusieurs années, avait obtenu d’un tribunal de l’Étatde la Floride une ordonnance autorisant le débranchement dutube d’alimentation qui maintenait la jeune femme en vie. Alorsque le débat judiciaire allait bon train, le législateur de la Florideadopta en 2003 une loi spéciale autorisant le gouverneur JebbBush à forcer le personnel médical à alimenter la patiente.La Cour suprême de la Floride se rebiffa et la loi d’exception

fut invalidée. Sous l’impulsion de la droite religieuse, le Congrèsaméricain, à son tour, adopta une loi spéciale (Compromise Bill) quipermettait aux parents de Terri Schiavo d’exercer un recoursdevant un tribunal fédéral, sans être liés par les décisions anté-rieures émanant de la justice de l’État de Floride. En promulguantcette loi insolite, le président George W. Bush déclara que « notresociété, nos lois et nos tribunaux devraient faire preuve d’une pré-somption en faveur de la vie ». Il s’agissait d’une intolérableimmixtion du pouvoir politique dans l’administration de la justiced’un État de la fédération américaine.Entre-temps, toutes les voies de recours exercées par les

parents Schiavo devant les tribunaux fédéraux de première ins-tance et d’appel, y compris la Cour suprême du pays, échouèrent.Bref, resserrant les rangs, les juges refusèrent que les pouvoirs exé-cutif et législatif les instrumentalisent. La droite républicaine a naï-vement cru que les juges fédéraux se laisseraient manipulercomme des pantins. À cette méprise des élus américains, s’enajoute une autre : une société démocratique ne peut être gouver-

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née à coup de lois spéciales, au mépris de l’ordre constitutionnelétabli. Devant ce coup de force, les juges se sont braqués et ont agicomme un véritable contre-pouvoir. Par ailleurs, un sondage arévélé que 70 % des gens désapprouvaient l’ingérence des élusdans une chasse gardée du pouvoir judiciaire.Après le décès de Terri Schiavo, la tempête s’est toutefois apai-

sée. Malgré tout, un malaise persiste chez nos voisins du Sud ausujet de l’indépendance judiciaire. François Mitterrand, de soncôté, avait affirmé qu’il fallait « faire en sorte que, dans la succes-sion des actes quotidiens, la justice remplisse sa fonction à l’abri detout empiétement illégitime, de toute intimidation d’où qu’ellevienne, de toute subordination envers des intérêts particuliers,qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux ».La puissance de la robe est-elle plus mythique que réelle ?

Sporadiquement au Canada, comme dans plusieurs sociétésdémocratiques, la métaphore du « gouvernement des juges » cir-cule, et on peut se demander quelle part de vérité dissimule cetteraillerie. Des esprits chagrins voient le juge comme un touche-à-tout politique qui amoindrit le pouvoir de la volonté populaireincarnée par les élus. Titrant une chronique « Les non-élus mènentle bal », Lysiane Gagnon (La Presse, 26 août 2004) affirmait que« les neuf juges de la Cour suprême [pouvaient] imposer leursvues, sur mille et un sujets controversés, y compris sur des ques-tions qui engagent le budget de l’État, à tous les élus du pays ».Selon elle, depuis l’adoption d’une charte des droits, la haute cour« a plus souvent qu’autrement débordé dans le champ de la gestionpolitique ».Perçus par d’autres observateurs comme les champions de la

liberté, les juges seraient plutôt les gardiens des droits et libertésfondamentaux. Cette mission protectrice permettrait notammentau citoyen de contenir l’arrogance des subordonnés de l’État et deneutraliser les coups de tête d’une majorité parlementaire transi-toire. Au-delà des élans de rhétorique des uns et des autres, quesignifie au quotidien ce débat d’initiés ?

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Un brin d’histoire

En 1982, sans véritable consultation de la population, les gou-vernements du pays — à l’exception de celui du Québec — ontenchâssé dans la Constitution canadienne une charte des droits etlibertés. Depuis lors, le Canada est régi par un système de souve-raineté constitutionnelle. Autrefois, l’institution parlementaireétait souveraine et les juges se contentaient d’interpréter la loi etd’arbitrer les conflits entre les gouvernements provinciaux et fédé-ral. L’hégémonie parlementaire est désormais chose du passé. LaCour suprême (Renvoi à la Motor Vehicule Act B. C.) récuse l’idéeque le contrôle de la constitutionnalité des lois manquerait delégitimité. La décision historique de doter le pays d’une charteconstitutionnelle fut prise par les représentants élus de la popula-tion canadienne. Ce ne sont donc pas les juges, dit la Cour, qui seseraient attribué une nouvelle responsabilité, les autorités gouver-nementales (fédérale, provinciales et territoriales) tenant leur auto-rité et leurs pouvoirs de la Constitution. Quant au pouvoir judi-ciaire, il agit en gardien.La paternité de ce projet de charte revient indubitablement

à Pierre Elliott Trudeau dont la démarche, longue et laborieuse, a débuté en 1968, alors qu’il était ministre de la Justice. Il aura fallu plusieurs conférences constitutionnelles, la contribution degroupes de travail, l’apport de comités parlementaires, d’intensesnégociations politiques et un renvoi à la Cour suprême (Renvoi :résolution pour modifier la Constitution) avant que la reine Élisabeth IIn’appose sa signature sur la nouvelle Constitution du Canada. Enlangage vernaculaire, les politiciens parlaient du rapatriement de laConstitution. En réalité, la Loi constitutionnelle de 1982 consacreun état de fait, soit la pleine souveraineté du Canada vis-à-vis duRoyaume-Uni. Elle détermine la procédure de modification de laConstitution du Canada et, surtout, enchâsse dans celle-ci unecharte des droits et libertés. Appelés à juger de la conformité deslois et des actes gouvernementaux avec la Constitution, les juges,grâce à cette charte, ont vu leur poids politique s’affermir face àl’institution parlementaire et au pouvoir exécutif.Comme toute réforme politique, celle-ci porte la marque de

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son temps. Rappelons pour mémoire que la question nationaleoccupait massivement l’avant-scène de la politique québécoise,tandis que l’unité du pays était une source d’angoisse obsession-nelle pour le gouvernement fédéral. Au jeu politique, fort de l’ap-pui des provinces anglophones, le gouvernement fédéral remportala mise. À ce propos, le journaliste Michel David fit l’observationsuivante (Le Devoir, 27 avril 2004) : « Que ce soit par duplicité ougrâce à la maladresse de son adversaire, il est […] indéniable queTrudeau s’est joué de Lévesque lors des négociations sur le rapa-triement de la Constitution. »Désormais, la nouvelle mouture du constitutionnalisme cana-

dien permet au pouvoir judiciaire d’exercer une influence signifi-cative sur bon nombre de questions politiques, sociales et écono-miques. Et, ce qui n’est pas rien, la désignation du chef arbitre (laCour suprême) reste une prérogative absolue du premier ministrefédéral. En soi, la Charte canadienne des droits et libertés a un effetd’uniformisation. Les valeurs fondamentales qui sous-tendent undocument constitutionnel sont forcément d’application générale,quels que soient l’origine ethnique ou culturelle, la croyance reli-gieuse, l’orientation sexuelle ou un autre trait distinctif descitoyens du pays. Les tribunaux imposent aux provinces et aux ter-ritoires des normes qui les limitent dans l’exercice de leurs com-pétences constitutionnelles.Une opinion maintes fois entendue veut que l’adoption d’une

charte constitutionnelle ait eu pour objectif de consolider l’identitécanadienne et de renforcer le pouvoir central. Effectivement, unedynamique centripète accroît la puissance du gouvernement centralau détriment de celle des entités fédérées. L’unité nationale, pensait-on alors, serait garantie par les dispositions portant sur la liberté decirculation et sur les droits linguistiques. Un quart de siècle plus tard,force est d’admettre que les gains ont été plutôt minces à ce cha-pitre. Quant à l’objectif d’une protection accrue des droits et liber-tés des Canadiens, le bilan semble positif ou modeste selon les pointsde vue. Après une étape d’effervescence où il faisait bon interprétergénéreusement les droits et libertés énoncés dans la Charte cana-dienne, nous connaissons à présent une époque d’ajustements et defines nuances où les juges s’évertuent à jouer les équilibristes.

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Nul doute que l’avènement d’une charte constitutionnellechamboulait la culture politique établie et nous pouvons expli-quer en partie l’opposition du gouvernement québécois par l’ap-préhension qu’il avait de voir les tribunaux utiliser cet instrumentjuridique pour protéger les minorités linguistiques et culturelles.De fait, certaines dispositions de la Charte de la langue françaisedu Québec furent invalidées pour cause d’incompatibilité avec laCharte canadienne. À des degrés variables et pour différentsmotifs, plusieurs gouvernements provinciaux étaient réfractaires àl’idée d’un instrument supralégislatif qui affaiblirait la suprématieparlementaire. Pour neutraliser la méfiance des uns et l’oppositiondes autres, les concepteurs du projet de charte constitutionnelles’activèrent à concevoir un texte susceptible de faciliter le com-promis politique.Ce nouveau contrat social n’a pas vocation de réparer toutes

les injustices ni tous les préjudices subis par les citoyens. Plusmodeste, son objectif est de garantir et de protéger, dans deslimites raisonnables, la jouissance des droits et libertés s’y trouvantenchâssés. La Charte canadienne porte ainsi l’empreinte du positi-visme, c’est-à-dire qu’elle énonce des normes de droit positif, paropposition à des concepts indéfinis de droit naturel. Les droits etlibertés étant formellement décrits, les juges ne sont par consé-quent pas conviés à recourir à de vagues principes philosophiquespour interpréter la Charte, non plus qu’à postuler l’existenced’une obligation générale de bonne conduite de l’État. Bienqu’elle soit appréciable, la marge de manœuvre du pouvoir judi-ciaire reste de fait circonscrite.Il est désormais acquis que la Charte canadienne sert à proté-

ger ceux qui sont le plus vulnérables face à la majorité. Selon laCour suprême (Renvoi relatif à la sécession du Québec), la Constitu-tion donne une protection supplémentaire aux droits et libertésfondamentaux. Cherchant à atteindre des objectifs collectifs, unemajorité d’élus peuvent être tentés de restreindre des droits etlibertés fondamentaux. Les décisions majoritaires correspondentparfois au souhait de l’heure, mais n’assurent pas toujours l’inté-rêt collectif à long terme. D’ailleurs, au terme d’un débat, il arriveque l’opinion minoritaire devienne majoritaire. La Constitution

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peut également favoriser les institutions et les droits des groupesminoritaires vulnérables afin de préserver et de promouvoir leuridentité face aux tendances assimilatrices de la majorité. Enfin, le partage constitutionnel des compétences entre deux ordres de gouvernement (fédéral et provincial/territorial) empêche unéche lon de gouvernement d’usurper les pouvoirs de l’autre.Tirant profit de la longue expérience américaine à propos du

Bill of Rights, nos élus se sont également inspirés de la Conven-tion européenne des droits de l’homme. Le principe de propor-tionnalité est la clé de voûte de la Charte canadienne. En effet,l’article premier décrète que les droits et libertés protégés ne peu-vent être restreints que par une règle de droit et uniquement dansdes limites raisonnables dont la justification peut être démontréedans le cadre d’une société libre et démocratique. Autrement dit,dans l’intérêt public, les gouvernements peuvent adopter des loisqui empiéteraient sur les droits et libertés constitutionnelles. Cefaisant, ils écopent du fardeau de la preuve.Un processus d’équilibration contraint le pouvoir judiciaire à

envisager les véritables questions de principe mises en cause dansune affaire et les intérêts auxquels la société attache une grandevaleur, sans pour autant oublier les droits individuels. À cette fin,les tribunaux doivent tenir compte de la nature du droit restreintet des valeurs spécifiques que l’État invoque pour en justifier l’at-teinte. Cette délicate fonction relève parfois de la casuistique. LaCour suprême (arrêt Oakes) a établi un mode d’emploi, à plu-sieurs clés, destiné à l’élite judiciaire. C’est tout le contraire de lasimplicité.Une restriction raisonnable et justifiée des droits et libertés

fondamentaux, dit la Cour, doit remplir deux critères, soit l’im-portance et l’urgence de l’objectif révélé par la mesure contestéeet un critère de proportionnalité à trois volets qui se décomposecomme suit : premièrement, la mesure doit être soigneusementconçue pour atteindre l’objectif recherché et avoir un lien ration-nel avec celui-ci ; deuxièmement, le moyen choisi doit avoir uneportée minimale quant à l’atteinte d’un droit ou d’une liberté ;troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre les effets pré-judiciables des mesures restreignant un droit ou une liberté et

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l’objectif poursuivi ; il doit également y avoir proportionnalitéentre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets béné-fiques. Comprenne qui pourra ! Pour le plus grand malheur deshumbles citoyens, les juges de haute juridiction ont un goûtimmodéré pour la technicité jargonneuse.À l’échelle mondiale, il n’est pas rare de constater l’existence

d’un consensus à propos de certaines valeurs et la discorde quant àleur application dans des situations précises. C’est pourquoi la pro-motion des valeurs passe généralement par la médiation du droit.Dans notre pays, la Cour suprême a statué que les valeurs d’unesociété libre et démocratique comprennent notamment le respectde la dignité des gens, la promotion de la justice et de l’égalitésociales, l’acceptation d’une pluralité de croyances, le respect descultures et des groupes, et la foi dans les institutions sociales etpolitiques favorisant la participation des particuliers et des com-munautés dans la société. S’il s’agit de faire une analyse de l’articlepremier de la Charte canadienne, le contexte factuel et socialdevient déterminant dans la mesure des valeurs conflictuelles.Rarement utilisée, une autre disposition constitutionnelle

permet aux élus, à certaines conditions, de soustraire une loi àl’application de plusieurs garanties de la Charte canadienne. Cemécanisme constitue l’ultime concession politique qu’a faite legouvernement fédéral aux provinces récalcitrantes. Entraînée dansle débat politique, la plus haute cour du pays (Renvoi : résolutionpour modifier la Constitution) rédigea un avis juridique digne deSalomon : juridiquement légal, le rapatriement de notre Constitu-tion de Grande-Bretagne était néanmoins illégitime. Selon laCour, la pratique constitutionnelle du Canada ne permettait pasl’unilatéralisme du processus.Baissant les yeux quant à la question de la légitimité, le gou-

vernement central, maître d’œuvre du projet, convoqua uneconférence des premiers ministres en novembre 1981. La déléga-tion québécoise qualifia cette rencontre de « nuit des longs cou-teaux ». Au terme de ce mémorable rendez-vous politique, leQuébec s’est retrouvé isolé et sans appui. Pour rallier les provincesrécalcitrantes, le gouvernement fédéral avait dû sérieusementédulcorer son projet initial en acceptant l’inclusion d’un méca-

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nisme dérogatoire. Ainsi, sous réserve d’une déclaration expresse àcet effet, les législateurs fédéral, provinciaux et territoriaux peu-vent soustraire une loi à l’application de certaines dispositions dela Charte canadienne. À moins d’être renouvelée, une dérogationprend fin après cinq ans.Chef de file de la troupe provinciale (avec le premier ministre

ontarien William G. Davis), le premier ministre albertain PeterLougheed admit plus tard que son vis-à-vis fédéral, Pierre ElliottTrudeau, troqua l’acceptation d’une charte constitutionnelle parles provinces en retour de l’insertion d’une disposition déroga-toire. Deux visions politiques diamétralement opposées furentainsi réconciliées. Certaines provinces craignaient une américani-sation de la Constitution canadienne et l’ombre que le pouvoirjudiciaire pouvait porter aux représentants du peuple. Par ailleurs,s’agissant de contrer la ferveur nationaliste du Québec, une nou-velle conception du patriotisme attisait la braise du nationalismecanadien.L’emploi de la disposition dérogatoire peut certes comporter

un coût politique. Ce fut le cas du gouvernement québécois, aprèsl’adoption en 1988 d’une loi sur l’affichage commercial. L’an-cien ministre de la Justice, Gil Rémillard (Le Devoir, 10 dé -cembre 2003), raconte qu’au cours d’une réunion d’urgence aubunker du gouvernement, on démontra au premier ministreRobert Bourassa qu’il était impossible d’empêcher l’affichage enanglais à l’extérieur d’un commerce sans recourir à la dispositiondérogatoire. Espérant que la loi pourrait être sauvegardée par l’ar-ticle premier de la Charte canadienne (permettant la limitationd’un droit fondamental), Robert Bourassa écarta ce compromislorsque le sous-ministre de la Justice, Jacques Chamberland (main-tenant juge à la Cour d’appel), lui démontra que la loi, plutôt quede limiter un droit fondamental, le niait totalement. À la seule fin d’éviter des contestations judiciaires susceptibles de troubler la paix sociale, Robert Bourassa, la mort dans l’âme, eut recours àla disposition dérogatoire.Le gouvernement a « dû payer un prix politique important

non seulement en ce qui regarde [l’accord constitutionnel du lac]Meech mais aussi quant à l’image internationale du Québec »,

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selon Gil Rémillard qui raconte que, au mois de juin 1990, le pre-mier ministre fédéral Brian Mulroney avait convoqué ses homo-logues provinciaux à une ultime rencontre pour sauver l’ententepolitique négociée au lac Meech en vue de modifier la Constitu-tion. L’ancien ministre de la Justice impute en partie l’âpreté desdiscussions au fait que certains opposants de l’entente évoquèrent,« d’une façon tout à fait démagogique », la loi québécoise restrei-gnant l’affichage commercial en langue anglaise. Gil Rémillardestime que, « [s]ans en être la cause principale, la loi 178 a certai-nement été pour quelque chose dans [le] revirement de l’opinionpublique et dans l’échec du lac Meech, avec toutes les consé-quences que l’on connaît, dont le référendum de 1995 sur la sou-veraineté du Québec qui n’a été gagné par les fédéralistes que parquelques milliers de voix ». À propos de l’image internationale duQuébec, il rappelle qu’en 1993 le Comité des droits de l’hommedes Nations Unies statua que la loi 178 violait le Pacte internatio-nal relatif aux droits civils et politiques.Rétrospectivement, la modification de la Constitution cana-

dienne en 1982 aura été l’affaire d’une poignée de politiciens.Certes, des sondages d’opinion indiquaient que le projet du gou-vernement fédéral jouissait de la faveur populaire. Il n’empêcheque cette page de l’histoire politique du Canada ne fut jamais sou-mise à l’approbation de la population dans le cadre d’une électionou d’une consultation référendaire. À l’époque pertinente, sousl’angle de la légitimité politique, la thèse provinciale favorisant laprimauté des élus sur celle des juges était certes aussi valable quecelle du gouvernement fédéral prônant le contraire.

Le modèle canadien

La solution pragmatique et consensuelle des conflits semblefaire partie de la culture canadienne. La convergence de plusieursfacteurs explique ce phénomène : l’étendue géographique dupays, l’importance économique des régions, la dualité ethnique etlinguistique des peuples fondateurs, doublée d’une dimensionmulticulturelle. En matière de fédéralisme, la jurisprudence de la

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Table des matières

Avant-propos

Le poids politique des juges

L’opinion publique

La vérité judiciaire

Le gardien des juges

Le jury

Documentation consultée

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Page 22: Fenêtres sur la justice

MISE EN PAGES ETTYPOGRAPHIE :LES ÉDITIONS DU BORÉAL

ACHEVÉ D,IMPRIMER EN AVRIL

SUR LES PRESSES DE MARQUIS IMPRIMEUR

À CAP-SAINT-IGNACE (QUÉBEC).

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Avocat pénaliste de renom, Jean-Claude Hébert propose ici une réflexion inspirée par cinq thèmes reliés à la justice. Chacun des cinq chapitres correspond à un angle d’analyse précis. Ils portent respectivement sur la vérité judiciaire, le poids politique des juges, l’opinion publique, le gardien des juges et l’institution du jury.

Loin d’être un manuel de droit ou un recueil d’anecdotes judiciaires, ce livre et un essai au sens fort du terme. Tout en s’inspirant de sa pratique et en citant de nombreux exemples concrets, l’auteur prend le recul nécessaire pour proposer une réflexion en profondeur sur notre système judiciaire et sur la notion de Justice même. Quelle est l’importance de la recherche de la vérité dans le travail des tribunaux ? Notre système judiciaire est-il vraiment indépendant du politique, surtout en cette ère de Charte des droits et de contrôle judiciaire ? Les médias exercent-ils une influence sur le travail des tribunaux ? Jusqu’à quel point peut-on faire confiance à la compétence d’un jury dans des causes complexes ? Un juge a-t-il le droit de se prononcer hors cour sur une question d’intérêt public ? Le principe de l’indépendance judiciaire permet-il aux juges d’exprimer des opinions hors cours ou sont-ils restreints à le faire uniquement dans leurs jugements ?

Trop rarement les praticiens du droit nous proposent une réflexion de cette envergure sur la justice, réflexion qui s’adresse à nous tous, car l’adminis-tration de la justice est indissociable de l’exercice de la démocratie.

Jean-Claude Hébert est criminaliste. Il est l’auteur de livres de référence sur la justice.

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