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EN ALLIER FEMMES DANS LA RÉSISTANCE Femmes Exposition réalisée sur la base du mémoire de maîtrise « Les Bourbonnaises dans la Résistance » de Julie Chantelot, enseignante d’histoire-géographie, par l’Association des maires et des présidents de communautés, le Service départemental de l’Office national des anciens combattants et la Délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité, dans le but de faire connaître le rôle des femmes de l’Allier dans la guerre (1939-1945). 1

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RÉSISTANCEFemmes

Exposition réalisée sur labase du mémoire de maîtrise« Les Bourbonnaises dans laRésistance » de Julie Chantelot,enseignante d’histoire-géographie,par l’Association des maires etdes présidents de communautés,le Service départemental del’Office national des ancienscombattants et la Délégationdépartementale aux droits desfemmes et à l’égalité, dans le butde faire connaître le rôle desfemmes de l’Allier dans laguerre (1939-1945).

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L a faible proportion de femmes dans la vie publique du départe-ment pourrait nous conduire à penser qu’il y a, dans cetterépartition des rôles entre hommes et femmes, un penchant

naturel ou une fatalité. L’étude du passé nous montre cependant qu’àcertaines occasions, dans certains contextes, les femmes ont participéactivement à la vie publique du département et ont même contribué àl’écriture des pages les plus nobles de son histoire.

La période 1939-1945, pendant laquelle les femmes s’engagèrent dansdes actions de résistance, est l’un des plus beaux exemples de ce phéno-mène. La plupart de ces actions, bien que stratégiques, furent discrèteset diffuses (panneaux 3 à 8), mais certaines Bourbonnaises apparaissentaujourd’hui comme des figures d’exception et c’est à ce titre qu’ellessont présentées dans l’exposition (panneaux 9 à 13). Méconnu ou passésous silence, le rôle des femmes dans cette période de l’histoire devaitêtre porté à la connaissance de tous, dans un souci de justesse histo-rique, mais aussi dans un souci de justice à l’égard de celles qui (trop ?)modestement donnèrent leur tribut à la libération de la France. Queces femmes puissent donc retrouver la place qui leur revient dans lamémoire collective et que leurs parcours inspirent à l’avenir lesfemmes de l’Allier et d’ailleurs !

Un enjeupour la mémoirecollective

Le contexte de l’engagementdes femmes dans la Résistance

La condition de la femme sous legouvernement du maréchal Pétain

Résistanteset résistances

La Résistancedans la sphère privée

Résistance politiqueet manifestations

Des activitéstypiquement féminines

Des figures d’exception :Simone Léveillé

Des figures d’exception :Alice Arteil

Des figures d’exception :Fernande Valignat

Des figures d’exception :Jacqueline Penot

Des figures d’exception :Marie-Jeanne Bouteille

Les Bourbonnaisesà la Libération

Les résistantes dans la viepublique d’après-guerre

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LES SOURCESDE L’EXPOSITIONSOURCES ÉCRITES : Chantelot Julie, 2004, LesBourbonnaises dans la Résistance, mémoire demaîtrise, Université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand, 276 p. • Archives du service départementalde l’ONAC de l’Allier • Archives départementales del’Allier et de la Lozère • Archives de la Directioninterdépartementale chargée des AnciensCombattants • Recherches des Amis de la Fondationpour la Mémoire de la Déportation de l’Allier.

SOURCES ORALES : Témoignages de MesdamesMarguerite Livernais, Irène Cordat, SuzanneCluzel, Emilienne Bidet, Jeanine Dufour,Huguette Favier, Augustine Chicois, JacquelinePenot, Jeanine Depresles, Yvette Burlaud, AmélieBrancher, Simone Garnier, Geneviève Laurent,Suzanne Bidault, Angelita Bettini, Arlette Baena.

FONDS ICONOGRAPHIQUES : Collection de la Sociétéd’émulation du Bourbonnais • Fonds Jean-GabrielSéruzier - collection musée Yves-Machelon, Gannat• Photographies de Marie-Élisabeth Rat/ONAC •Collections privées de Mme Lelong-Léger, de M. etMme Bidault, de Mme Laurent, de Marc Saint-Deniset de Mme Bettini • Collection AGMG (Associationdes mutilés, réformés et anciens combattantsréunis) • Archives départementales de l’Allier.

SITES INTERNET :• Site du ministère de la Défense http://www.defense.gouv.fr et http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/• Sur les camps de Brens et Rieucros :http://membres.lycos.fr/apsicbr/divers.htmet http://www.rieucros.org/femmescamp/femmes_camp

BIBLIOGRAPHIE : Georges Rougeron, Le Départementde l’Allier sous l’État Français (1940-1944),Imprimerie Typocentre, Montluçon, 1969 •Sérézat André, Et les Bourbonnais se levèrent,Editions Créer, collection Forum – MassifCentral, Nonette, 1985 • Fallut Robert, Faitsdivers 1939-1945 dans le canton de Bourbonl’Archambault, Imp. Guériaud, Lapalisse, 2003 •Moncorgé Raymond, Montagne Bourbonnaise1939-1945, recueil et témoignages, Imp.Nouvelle, Saint Pourçain sur Sioule, 2004 •Touret André, Montluçon 1940-1944, la mémoireretrouvée, Editions Créer, Nonette, 2001 •ANACR, ARAC, FNDIRP – Loire, Puy de Dôme,Allier, Les années noires 1940-1942-1943 Lesinternés du château de Mons Arlanc. •Bourbonnais Hebdo, Supplément au n°786 -Organe de la fédération de l’Allier duPCF,1994 • Amis de la Fondation pour laMémoire de la Déportation Livre-Mémorial desdéportés de France arrêtés par mesure derépression et dans certains cas par mesure depersécution 1940-1945, Fondation pour laMémoire de la Déportation, Editions Tirésias,2004. • G.Chatard, Bulletin de la Sociétéd’Emulation du Bourbonnais, « Un groupe francdans la Résistance et la Libération duBourbonnais », tome 68, p. 538 et suivantes,1996. • Charles-Louis Foulon, article“Résistance” in Encyclopaedia Universalis. •Jean Carrier-Les Amis du groupe franc Alice, LeGroupe Franc Alice, dactylographié, 2003. •Marie-Madeleine Fourcade, L’Arche de NoéRéseau Alliance 1940-1945, Librairie ArthèmeFayard, 1968, réédition Librairie Plon, 1982, 1998.• Mechtild Gilzmer, Camps de femmes -Chronique d’internées Rieucros et Brens1939–1944. • Georges Rougeron, Les administra-tions départementales de l’Allier (1940-1945),s.l., 1960 • Le 15.2 - 152e Régiment d’Infanterie -Histoire des Diables Rouges, sous la directiondu colonel Rosenblatt, 1994.

SOMMAIRE

Les partenaires tiennent à remercier chaleureusement toutescelles et tous ceux qui ont permis, par leurs témoignages, leursdocuments, leur aide et leur soutien, de réaliser cette exposition.

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L a société d’avant-guerre est loin d’être une société paritaire,voire égalitaire. Du point de vue de leur statut civil, les femmessont encore soumises à l’autorité de leur père ou de leur mari :

d’après le code napoléonien de 1804, « la femme doit obéissance à sonmari ». Au plan de la vie publique, les femmes n’ont toujours pas ledroit de vote, puisque le suffrage est encore exclusivement masculin.Paradoxalement, les femmes sont éligibles et peuvent même fairepartie du gouvernement (voir ci-contre) mais elles ne peuvent pasvoter.

Le travail des femmes n’est pas généralisé, mais les femmes ont déjàmontré leurs compétences professionnelles. À l’occasion de laPremière Guerre mondiale, elles ont occupé la place laissée vacantepar les hommes dans les usines (les « munitionnettes »), avant de rega-gner leurs foyers au retour des soldats. Rappelons également qu’àcette époque l’armée est exclusivement masculine. La loi du 11 juillet1938, dite “Paul Boncour”, sur l’organisation de la nation en temps deguerre, instaure un engagement féminin, mais les premières femmesdans l’armée ont un statut civil et sont exclusivement chargées detâches annexes (cantinières, infirmières, etc.).

LA PRÉPARATIONDES FEMMES DE L’ALLIERÀ L’ENGAGEMENT DANS LA RÉSISTANCE

Malgré ce contexte peu favorable à l’émancipation des femmes et à leurengagement dans la vie publique, les femmes de l’Allier vont se mobiliserpendant la guerre et certaines vont s’engager dans la Résistance. Plusieursévénements internationaux ayant eu des retombées locales ont pupréparer leurs esprits.

La Guerre d’Espagne amène, de 1936 à 1939, un afflux de réfugiés répu-blicains, opposants au général Franco, en France et notamment dansl’Allier. Certaines communes sont sollicitées et réquisitionnent des bâti-ments pour loger les exilés. C’est le cas de beaucoup de communes et même de petites communescomme Teillet-Argenty, près de Montluçon, qui héberge deux familles(femmes et enfants) d’Algésiras. Outre l’accueil des réfugiés, lescommunes de l’Allier soutiennent les Républicains espagnols en organi-sant des collectes et des ventes d’objets. Ces opérations sont souventinitiées et conduites par des femmes engagées dans des associations cari-tatives.

Les accords de Munich, le 30 septembre 1938, permettent à Hitler d’an-nexer le territoire des Sudètes. Sous l’influence du parti communiste, àl’époque très établi dans le département, les Bourbonnais s’opposentplus nettement que la moyenne des Français à ces accords.

La guerre est déclarée le 3 septembre 1939. Des Bourbonnais sont mobi-lisés et laissent derrière eux autant de sœurs, filles, amies, mères etépouses. Le 10 mai 1940, les Allemands attaquent et, en deux mois,l’armée française est vaincue. Des hommes sont faits prisonniers et lesfemmes doivent attendre leur retour.

Le contextede l’engagementdes femmesdans la Résistance

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LA CONQUÊTEDES DROITS DES FEMMESEN QUELQUES DATES

1792Instauration du mariage civil et autorisationdu divorce par consentement mutuel

1836Organisation de l’enseignement primairepour les filles

1861Première femme autorisée à se présenterau baccalauréat, qu’elle obtienten l’ayant préparé seule

1876Hubertine Auclert, journaliste et premièresuffragette, fonde l’association “Le droit desfemmes” et se bat pour l’égalité politique

1900Jeanne Chauvin devient la première avocate

1907La loi du 13 juillet accorde aux femmesmariées la libre disposition de leur salaire

1909La loi institue un congé de maternitéde huit semaines, sans rupture de contratde travail mais sans traitement

1924Les programmes de l’enseignement secondaireainsi que le baccalauréat deviennentidentiques pour les filles et les garçons

1936Cécile Brunschvicg, Suzanne Lacore et IrèneJoliot-Curie sont nommées sous-secrétairesd’État (à l’Éducation nationale, la Protectionde l’enfance et la Recherche scientifique)dans le gouvernement de Léon Blum

1938Suppression de l’incapacité civile :les femmes peuvent s’inscrire à l’universitésans l’autorisation de leur mari

1944Par ordonnance du 21 avril, signéedu général de Gaulle, « les femmes sontélectrices et éligibles dans les mêmesconditions que les hommes »

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L e gouvernement du maréchal Pétain donne de véritables leçons desexisme éducatif. Trop fragile, trop naïve, trop maternelle, lafemme est trop féminine pour subir l’école. Trop arriviste, agres-

sive ou calculatrice, elle ne l’est pas assez pour la mériter. Les stéréotypessexistes sont développés et radicalisés avec l’aide d’idéologues virulents.Citons pour mémoire quelques extraits portant sur l’éducation des filles.

René Benjamin, contradicteur de l’école républicaine, qui écrit en 1941 : « Ilfaut y regarder deux fois avant d’instruire les filles. Leur donner toutes lessciences sans la règle pour les contenir, c’est les charger d’explosifs. Je n’offenseraipersonne en disant que ce sont des créatures fragiles : on ferait mieux depréserver leurs nerfs. C’est grâce à leurs nerfs qu’elles comprennent si vite,qu’elles s’assimilent si bien, qu’elles devancent si merveilleusement les garçons. »

Abel Bonnard, dans son Éloge de l’ignorance, écrit en 1926 : « La façon dontcertaines sont attirées par le vocabulaire des sciences ne laisse pas de rappelerl’avidité avec laquelle les filles des tribus sauvages se jettent sur la pacotillequ’un marchand étranger déballe sous leurs yeux. » Propos d’importance, carAbel Bonnard sera ministre de l’Éducation nationale d’avril 1942 à 1944…

Alexis Carrel, Prix Nobel de médecine de 1912, qui sera le “régent” de laFondation française pour l’étude des problèmes humains créée par la loi du 17novembre 1941, énonce dans L’homme cet inconnu la répartition des rôles entrehommes et femmes : « Les sexes doivent de nouveau être nettement définis. Ilimporte que chaque individu soit, sans équivoque, mâle ou femelle. Que sonéducation lui interdise de manifester les tendances sexuelles, les caractèresmentaux et les ambitions du sexe opposé.... N’est-il pas étrange qu’une grandepartie du temps des jeunes filles ne soit pas consacrée à l’étude physiologique etmentale des enfants ? La femme doit être rétablie dans sa fonction naturelle, quiest non seulement de faire des enfants mais de les élever. »

À lire également ces propos extraits du journal Le Temps : « Des journaux, cematin, s’emplissent des bacheliers d’octobre. Au long de ces listes, beaucoup denoms de jeunes filles... Un jour se lèvera peut-être où le nom des femmes serapublié dans les journaux parce qu’elles auront donné un quatrième enfant à leurépoux et à la Patrie, parce que, de l’aveu unanime, leurs enfants seront les mieuxélevés ou parce que la maison sera la mieux tenue dans le village. »

La conditionde la femmesous le gouvernementdu maréchal Pétain

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CE DISCOURS VA SE DONNER LES MOYENSDE DEVENIR UNE POLITIQUE

• Le 11 octobre 1940, l’acte relatif au travail féminin interdit l’embauche desfemmes dans la fonction publique, met en congé sans solde les mères detrois enfants dont le mari travaille et à la retraite les femmes de plus de 50 ans.

• Le 2 avril 1941, une loi sur le divorce réaffirme la domination du marisur la femme et une autre précise les droits et devoirs des conjoints enrenforçant la puissance maritale et paternelle.

• La loi du 18 mars 1942 rend l’enseignement ménager familial obligatoirepour les jeunes filles.

• En 1942, l’avortement est considéré comme un crime d’État passible dela peine de mort. Une femme, reconnue comme avorteuse, est guillotinéeen 1943.

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L a Résistance est un phénomène difficile à saisir. Il n’y a pas unemais des résistances. Pour la plupart d’entre nous, la résistance sedéfinit par des actions armées. Mais cette définition exclut les

femmes. Il faut en réalité distinguer deux sortes de résistance :

• UNE RÉSISTANCE MILITAIRE ET ARMÉE

(les maquisards, les combattants de la France libre, etc.)

• UNE RÉSISTANCE CIVILE

Elle rassemble tous ceux et celles qui ont mené des actions individuellesou collectives et dont les actes de solidarité ont été essentiels à laRésistance organisée.

Et, si cette résistance civile est difficile à saisir, elle est aussi difficile àcomptabiliser : ainsi, dans l’Allier, les demandes de carte de Combattantvolontaire de la Résistance (CVR) ont été principalement déposées pardes hommes (245 femmes seulement sur 4.000 dossiers) ce qui ne reflètepeut-être que partiellement le rôle des femmes à cette période.

LA DATE D’ENTRÉEDES FEMMES EN RÉSISTANCEL’entrée des femmes dans la Résistance est très différente de l’entrée enrésistance masculine qui se concentre à partir de 1943 et se prolonge aprèsle débarquement. On peut penser que les femmes qui sont entrées dans laRésistance dès le début de la guerre étaient déjà des militantes.

LA PART DES FEMMESDANS LES MOUVEMENTS RÉSISTANTSLa répartition des femmes dans les mouvements résistants est à peu prèssimilaire à celle des hommes. Comme eux, elles rejoignent majoritaire-ment le Front national de lutte pour l’indépendance de la France créé enmai 1941 par le Parti communiste clandestin dissous en septembre 1939 etles Francs-Tireurs Partisans français, créés en avril 1942 et qui sont labranche armée du Front national. C’est là une caractéristique départe-mentale qui tient à la place importante du Parti communiste dans ledépartement à cette époque.

L’ÂGE DES RÉSISTANTES La Résistance a recruté des femmes de tous âges alors que les hommesétaient principalement des jeunes gens. Cela s’explique par le poids relatifde l’absence des hommes d’âge moyen (prisonniers de guerre enAllemagne) et le refus de ces jeunes hommes de partir travailler outre-Rhinpour le STO, ce qui les contraint à la clandestinité.

LA PROFESSION DES RÉSISTANTESDe même, alors que les résistants masculins sont surtout des travailleurs dumonde agricole (l’Allier est alors un département essentiellement rural), desouvriers et des étudiants (métiers et classes d’âge touchés par le STO etayant une pratique de l’organisation), les femmes avaient des professionsplus variées.

Résistanteset résistances

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LES ÉTAPES DE L’ENTRÉEDES FEMMES EN RÉSISTANCE

Sur les 245 femmes titulaires de la cartede Combattant volontaire de la Résistance :

14% sont entrées en résistance avant le 22 juin 1941(invasion de l’URSS par l’Allemagne)

24% sont entrées en résistance entre le 23 juin 1941et le 11 novembre 1942 (invasion de la zone librepar les Allemands : l’Allier est entièrement occupé)

17 % sont entrées en résistance entre le 12novembre 1942 et février 1943 (création du STO)

44 % sont entrées entre mars 1943 et le 6 juin 1944(débarquement allié en Normandie).

Brassard de combattant FFIArchives du Service départemental de l’ONAC

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L a résistance féminine commence dans la sphère privée, le domaineréservé des femmes. Ainsi, premières touchées par les restrictionsalimentaires, les Bourbonnaises manifestent leur opposition et

leur mécontentement face aux problèmes de nourriture.

LE PROBLÈME DU RATIONNEMENTDès le 1er août 1940, le pain est rationné. Il est suivi par le sucre, le café,l’huile, la viande, etc. Le rationnement est différencié selon l’âge et la fonc-tion. Ainsi, six catégories sont établies : enfants de moins de 3 ans, jeunes,adultes (de 21 à 70 ans), vieillards, travailleurs de force, cultivateurs. À titred’exemple, en juin 1941, un adulte a droit à :

275 g de pain par jour70 g de fromage par semaine

100 g d’huile par mois

L’approvisionnement est plus aisé à la campagne, où les agriculteurs élèventlapins, volailles et ont leur jardin. En ville, le marché noir se développe.Les femmes doivent faire la queue devant les magasins pour avoir de lanourriture. Mme B., de Vichy, témoigne : « À Vichy on avait plus facilementdu poisson mais il fallait faire la queue. Le marché ouvrait à 6h et il fallaity être à l’ouverture. Comme je commençais à travailler à 8h, j’y allais à 6het ma sœur me relayait à partir de 8h. Elle était servie vers 10h. Enfin, onavait du poisson ! »

LE GÎTE ET LE COUVERTLes femmes aident directement la Résistance en nourrissant et en hébergeantles alliés parachutés, les résistants et les maquisards. Elles appartiennent defait à la Résistance civile. Lorsqu’elles sont découvertes par la Gestapo, lasévère répression qui les frappe alors les conduit des prisons françaisesjusqu’aux camps de concentration nazis. Les maisons sont des lieux de résis-tance : elles servent de lieu de réunion, d’écoute ou de transmission radio.Elles ont aussi pu servir à cacher des documents ou du matériel. Les femmespermettaient alors l’organisation de la base logistique de la Résistance.

La Résistancedans la sphère privée

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430 g de matières grasses par mois500 g de sucre par mois250 g de pâtes par mois.

Maison de Zélie Laurand, sur la communede Châtel-Montagne. C’est dans cettemaison que Mélanie Mandart accueillaitles résistants rejoignant le maquis del’Armée secrète formé dans les Bois Noirs.Arrêtée en juillet 1944 dans les bois duMazotin, elle est emprisonnée dans lescaves du Petit casino à Vichy et torturée parles miliciens. Transférée au château desBrosses, à Bellerive-sur-Allier, elle échappeà la déportation grâce à la Libération.

À Bourbon-l’Archambault, emplacement dela maison des époux Quillier, qui apparte-naient au réseau de résistance polonaise en

France. Dès novembre 1943, AugustineQuillier (nom de code : Monica) était agentde liaison entre les dirigeants et différentssecteurs du réseau sur le territoire national.Le 19 juin 1944, alors qu’elle héberge deuxrésistants polonais et anglais qui assurent lesliaisons avec Londres par l’intermédiaire depostes émetteurs cachés dans son hôtel, laMilice effectue une descente et découvre lematériel. Les nazis sont appelés en renfort etla maison est pillée et détruite par desgrenades incendiaires. Une plaque “Icis’élevait la villa Marie-Joseph incendiée le19 juin 1944 par les Hitlériens” en portedésormais le témoignage.

LIEUX DE MÉMOIRE

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Tickets de rationnement.Collection de la Société d’émulation du Bourbonnais

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E n mai 1942, l’Allemagne décide de réquisitionner la maind’œuvre civile dans les territoires occupés pour faire face à l’in-tensification de son effort de guerre. Pierre Laval propose alors la

“Relève”. Faisant appel au volontariat des travailleurs des deux zones, leprincipe promettait le retour d’un prisonnier de guerre contre le départpour les usines allemandes de trois ouvriers qualifiés. Devant son échec,la loi du 14 septembre 1942 institue « le recensement et l’affectation de lamain d’œuvre à des travaux déterminés par le gouvernement » touchantles hommes de 18 à 50 ans et les femmes célibataires de 21 à 35 ans, plusparticulièrement les ouvriers qualifiés et les manœuvres spécialisés ;puis, en février 1943, est imposé le Service du travail obligatoire (STO),permettant la réquisition de classes d’âge entières. Des femmes rédigentdes tracts virulents : elles contestent le régime de l’État français et sapolitique et le manifestent publiquement. Peu de traces ont été conser-vées de ces mouvements de femmes, mais deux manifestations impor-tantes par le nombre de participants ou leur valeur symbolique méritentd’être signalées.

MANIFESTATIONS DE FEMMES À VICHYDans de nombreuses villes de France ont lieu des manifestations de ména-gères qui protestent contre les difficultés du ravitaillement. Ainsi, le 11novembre 1942, les femmes de la zone sud sont appelées à manifester etseize d’entre elles, malgré l’invasion de la zone non occupée, marchent surle siège du gouvernement pour lui présenter leurs revendications (exiger duravitaillement). Elle portent lettres et pétitions au maréchal Pétain, qui neles reçoit pas. En juin 1943, près de huit cents femmes expriment leurmécontentement durant la matinée avant d’aller se saisir de force desmarchandises du marché couvert.

MANIFESTATION DU 6 JANVIER 1943 À MONTLUÇON À Montluçon, un premier départ de travailleurs désignés avait eu lieu le 29décembre 1942 sans réaction de la population. Mais, au début de 1943, lanouvelle selon laquelle des ordres de réquisitions avaient été envoyés pour le6 janvier avait circulé, fortement relayée par la diffusion de nombreux tractsappelant à manifester et à empêcher ce nouveau départ de travailleurs forcés.Ainsi, Cécile et Léone Barbat témoignent : « On a commencé à faire destracts : “Ne partez pas. Résistez. Restez chez vous. Partez au maquis…” Ongravait à l’envers le texte des tracts sur du linoléum pour que ce soit à l’endroit.On attachait avec des punaises notre petit morceau de linoléum. On avait destampons-buvards imprégnés d’encre qu’on achetait dans le commerce et onmarchait ainsi en utilisant pour le tirage du papier d’emballage. »Le départ est fixé à 13h30. À partir de midi, 2.000 à 3.000 personnes serassemblent devant la gare. À l’arrivée de la locomotive, la foule envahit lesquais et les voies. Les groupements mobiles de réserve (GMR) appelés enrenfort sont repoussés à coups de gravillons pris sur le ballast. Des femmes,des enfants, de jeunes gens se couchent alors devant le train pour empêchertout départ. C’est l’intervention des soldats de la Wehrmacht, baïonnettes aucanon et grenades à la main, qui disperse les manifestants et permet au trainde partir, mais il ne contient que quelques dizaines d’hommes sur les 143requis. Trois femmes sont arrêtées suite à la manifestation par la police fran-çaise et emprisonnées au camp Bignet. Elles sont condamnées à des peinesde prison mais font l’objet d’un arrêté d’internement administratif qui lesenvoie dans les camps de Rieucros (Lozère) et de Brens (Tarn), destinésexclusivement aux femmes. Libérées de ces camps, elles doivent, à leurretour, effectuer leurs peines à la prison du Vieux Château de Montluçon.

Résistance politiqueet manifestations

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Monumentdédié à la manifestation

de 1943 : « Le 6 janvier 1943, à l’appel de laRésistance, les Montluçonnais s’opposèrentau départ d’un train de requis pour letravail obligatoire vers l’Allemagne nazie. »

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Photographie de Marie-Élisabeth Rat (ONAC)

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L a Résistance recrute en fonction de ses besoins et des personnesqui peuvent lui être utiles : dans les mairies pour des faux papierset des tickets de ravitaillement, dans les bureaux pour des rensei-

gnements, dans les hôpitaux et les associations de secours pour pouvoirsoigner ses blessés… De là découle une typologie d’activités plus spécifi-quement exercées par les femmes.

L’INFIRMIÈREPrendre soin des blessés : un rôle souvent dévolu aux femmes et endossé, dansla Résistance, par de nombreuses infirmières diplômées mais aussi par celles quiont appris sur le terrain. Mais ce travail ne s’arrête parfois pas aux soins : en1940, Mlle G., infirmière à l’hôpital militaire temporaire d’Yzeure, permet l’éva-sion de soldats et d’officiers blessés et leur fait passer la ligne de démarcation.

L’AGENT DE RENSEIGNEMENTCette activité de recherche et de transmission d’informations est liée aucontexte socio-professionnel de l’agent. Cette fonction est ainsi très présenteà tous les niveaux de l’administration. Les agents copient tous types de docu-ments qui circulent entre leurs mains : cartes, ordres de mission, informationséconomiques, militaires, industrielles et politiques, état de l’opinion…Mme Favier, une Alsacienne repliée dans l’Allier et réquisitionnée d’office à laKommandantur de Dompierre-sur-Besbre comme interprète, raconte : « Ilarrivait à la Kommandantur des lettres anonymes de dénonciation, j’ai pu ensupprimer, parfois. J’ai même fabriqué des faux papiers : les imprimés avaientle tampon de la Kommandantur, je n’avais plus qu’à les compléter à mamanière et à les faire signer par le chef. Je prévenais aussi les passeurs que jeconnaissais. Ceux-ci, des braconniers, connaissaient parfaitement le secteur etles horaires des douaniers pour passer prisonniers de guerre, juifs et résistants. »Sur un plan militaire sont notés mouvements de troupe (trains, routes, etc.),matériels (véhicules, armements, etc.), exercices effectués, unités stationnéesou de passage… Mlle L., employée à la Préfecture et membre du réseau Jade-Amicol, lié à l’Intelligence Service, relève ainsi « les marques distinctives desunités allemandes ».

L’AGENT DE LIAISONL’agent de liaison sert de relais entre les divers groupements résistants locaux,départementaux, etc. C’est un maillon indispensable à toute organisation. Desfemmes, généralement jeunes, transportent à pied, à vélo ou en train, tracts,journaux clandestins et documents divers. Elles portent également les ordresaux différents groupes, font passer les messages de Londres en cas de para-chutage, mènent les résistants au maquis, collectent vivres, fonds, médica-ments et matériel médical et n’hésitent pas à convoyer des armes.… Mlle D.Marcelle, ouvrière à Dunlop, arrêtée le 23 juillet 1941, témoigne du rôled’agent de liaison : « Au début de décembre 1940, mon père m’a remis deuxpaquets assez volumineux que j’ai portés selon ses indications chez M B.[…] Jesavais que mon père tenait ces paquets d’un homme dont je ne connaissais pasle nom. Par la suite, cet homme est venu me voir deux fois en décembre 1940et une fois en janvier 1941. À chacune de ces visites, il me remettait deuxpaquets que je portais le lendemain à T. où je rencontrais derrière l’église, àl’heure qui m’était indiquée par cet homme, un jeune homme que je neconnaissais pas et auquel je remettais les paquets. » (extrait du procès verbal deMlle D. Marcelle, Archives départementales de l’Allier, 788W10). Cette impli-cation d’un membre de la famille explique l’engagement des femmes qui, géné-ralement, suivent l’exemple d’un mari, d’un fils ou d’un père. Quant au cloi-sonnement, c’est un moyen de défense lors d’une éventuelle arrestation.

Des activitéstypiquement féminines

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Le Domaine Neuf, à Cressanges : la ferme de lafamille Tantot, dont tous les membres sont engagésdans la Résistance, sert de lieu de réunion, d’accueilet d’hébergement pour les résistants recherchés. Lafille de la maison, Marguerite, est, dès novembre1942, agent de liaison pour les responsables desgroupes locaux puis départementaux. Son activités’intensifie avec l’installation, dans le secteur, dumaquis Danielle-Casanova. Après l’attaque du 18juillet 1944 menée par la Milice et les GMR, ellecontribue à rassembler les maquisards dispersés età reconstituer la compagnie.

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Accident du lieutenant Cornet dans la région deDornes au cours des combats de la Libération.

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DES FIGURESD’EXCEPTION

Simone Léveillé est née le 11 septembre 1919 dans une vieille famille decommerçants moulinois. Le 10 mai 1940, étant guide de France, elle apporte,nuit et jour, son aide aux réfugiés du nord de la France qui affluent en gare

de Moulins. Possédant une propriété à Neuilly-le-Réal, elle obtient facilementun laissez-passer pour traverser la ligne de démarcation à Toulon-sur-Allier etcommence à transporter des paquets de lettres. Elle fait ses débuts dans la luttecontre l’occupant en donnant des renseignements sur les troupes nazies station-nées à Moulins à l’aspirant Walter appartenant au 152e Régiment d’infanterie (RI)détaché au Poste des Gris à Toulon-sur-Allier puis à son remplaçant, l’adjudantLéonard du 92e RI.

Ce dernier la présente à des officiers du Service de renseignements (SR). Elle estalors mise en liaison avec le lieutenant Henri Ximenes dont le bureau est à laMadeleine, au quartier Villars. Elle appartient officiellement au réseau « SRKléber » des Forces françaises combattantes à partir du 1er mai 1941 (ce réseauest issu des services spéciaux de la Défense nationale). Son action consiste àsignaler toutes les activités des troupes allemandes avec le plus de précisionspossible (nombre, type d’armes et d’exercices pratiqués, etc.), à transporterd’une zone à l’autre des documents volés aux nazis et en particulier le TCO(document indiquant l’horaire, la provenance et la destination de tous les trainspassant en gare) pris dans les bureaux de la gare.

En 1942, le lieutenant Ximenes est remplacé par le lieutenant Schneider puis cedernier par Monsieur Boss. Fin 1942, elle s’active plus particulièrement auxpassages clandestins des agents du SR, de personnes traquées, à la diffusion detracts divers et de la presse clandestine, en particulier des Cahiers du TémoignageChrétien, émanant du mouvement de résistance du même nom qu’elle a rejointdepuis le 1er mars. Souhaitant participer plus activement à l’organisation de larésistance armée, elle devient, en 1943, sous le pseudonyme de “Claire”, agent deliaison de maître Maurice Tinland, responsable du mouvement Combat surMoulins. À ses activités précédentes s’ajoutent alors le transport d’armes et d’ex-plosifs ainsi que l’organisation du service social du mouvement.

En janvier 1944, son chef, M. Tinland est arrêté. Elle reprend alors ses liaisonset ses activités de renseignements avec le lieutenant Schneider, qu’elle aretrouvé à Montluçon, où il est interprète à la gare, créant un réseau couvrantMoulins, Montluçon, Bourges, Châteauroux, Limoges, Ussel et Brive. En juin1944, recherchée par la Gestapo, elle se consacre plus particulièrement à laCorrèze et à la Haute-Vienne laissant le secteur de Moulins entre les mainsd’“Alain” et “Aline”.

Pour son action dans la résistance, la croix de guerre avec étoile d’argent et lamédaille de la Résistance lui furent décernées. En mars 1947, elle se présente auxélections municipales de Moulins mais elle n’est pas élue. En mars 1953, ellerejoint la liste du maire sortant maître Maurice Tinland, son ancien chef demouvement, et devient conseillère municipale. Elle occupe plusieurs mandatssuccessifs sur différentes listes jusqu’en 1971 où elle décide de ne plus se présenter.

SimoneLéveillé

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En haut : maître Maurice Tinland, son ancien chef dans la Résistance,lui remet ses décorations à Moulins.

En bas : Simone Léveillé entourée de ses compagnons de résistance.De gauche à droite, Henri Charpin, Henri Ducros et JeanMathonnière.

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DES FIGURESD’EXCEPTION

Alice Poyet est née le 16 juin 1912, à Saint-Romain-d’Urfé (Loire). En1936, elle épouse Raymond Arteil, commerçant de tissus à Saint-Just-en-Chevalet. Le couple a une petite fille en 1940, année où Raymond,

mobilisé, participe à la campagne de France avec son régiment d’artillerie.D’abord sans nouvelles de son mari, porté disparu au cours des combats, elleapprend finalement en 1941 qu’il est prisonnier. Elle se lance alors dans la luttecontre les nazis en diffusant tracts et journaux clandestins. Personne ne lacontactant, elle met sur pied seule de petits groupes de résistants. Résistantefranc-tireur en 1942, elle entre dans la clandestinité et prend la tête du maquis deLavoine, fort d’une cinquantaine d’hommes. Elle parcourt infatigablement laLoire et l’Allier durant tout l’hiver 1943, tant pour échapper à la Gestapo quepour nouer des contacts pour l’organisation du maquis. Fin novembre 1943, sasection fusionne avec les Francs-Tireurs Partisans français (FTPF).

À la demande des Mouvements unis de résistance (MUR), elle organise legroupe franc Alice devant être mis à la disposition du groupement Roussel(ORA). En janvier 1944, elle dispose de sept volontaires : Jean Carrier, LouisPers, Louis Groslier, Louis Brandon (qui deviendra colonel), Jean-Marie Carrierpuis René Ehrard et Joannès Bardet. Joseph Ronckar et Joseph Besch les rejoi-gnent plus tard. Lucien Rideau assure le ravitaillement et les liaisons entre lesgroupes disséminés dans la Montagne bourbonnaise. Le 17 mars 1944, Jean-Marie Carrier et René Ehrard, hébergés à l’hôtel Monin des Biefs, sont capturéslors d’une descente de police allemande et déportés à Neuengamme. L’hôtel estdétruit et Mme Monin déportée à Ravensbrück.

Effectuant d’abord de nombreuses missions de liaison entre Clermont-Ferrand, Roanne et Moulins, le groupe est de toutes les actions du groupementRoussel à partir d’août 1944, sabotant lignes téléphoniques et voies de cheminsde fer (déraillement du train Roanne-Lapalisse dans le tunnel du Crozet) etparticipant aux combats de la Libération. Le groupe se distingue en particulierlors de l’attaque du train blindé entre Moulins et Paray-le-Monial et auxcombats de Digoin et de Decize aux côtés du second groupe franc mené par lesous-lieutenant Jean Dearbridge, qui sera par la suite élevé au rang de généralde division. Promue au rang de lieutenant, Alice Arteil combat aux côtés de seshommes jusqu’à ce qu’un ordre strict de l’état-major interdise aux femmesl’action armée. Versée alors à l’état-major du 15-2 (le 152e régiment d’infan-terie), elle suit son groupe jusqu’à Singen, où elle est démobilisée. Son époux,libéré par les Russes, la retrouve avec leur fille à Saint-Just-en Chevalet, où elles’éteint en octobre 1995.

Alice Arteil est chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la croix ducombattant volontaire de la Résistance, de la croix de guerre avec palme, de lacroix du combattant volontaire 39-45, de la croix d’honneur franco-britanniqueavec rosette, de la médaille de la Résistance du Luxembourg et de la croix ducommandeur de l’étoile de la résistance franco-belge.

Alice Arteil

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En haut : au PC de Montaiguët-en-Forez, les sous-lieutenants JeanDearbrige et Alice Arteil, chefs des deux groupes francs rattachés au grou-pement Roussel, préparent une nouvelle mission contre l’occupant. À l’ar-rière-plan, Louis Groslier (“Pierrot”) de Luzillat (Puy-de-Dôme), membrede l’armée de l’air, appartenant au groupe franc Alice depuis sa création.

En bas : février 1945, Alice Arteil et quatre hommes de son groupe dansles rues de Colmar libérée. L’un d’eux est devenu le colonel Brandon.

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Fernande Germaine Gilberte Justine Cognet, née le 23 janvier 1906 àMontluçon, est institutrice. Mariée à Pierre Valignat, instituteur et mili-tant communiste, candidat aux élections cantonales de Montluçon-est en

1936, elle parle, pour la première fois au nom du Parti communiste, àMontmarault, le 26 février 1938. Secrétaire du Comité mondial des femmescontre la guerre et le fascisme, elle travaille à la réalisation et au développementd’œuvres, fêtes, affiches et brochures.

Suite à la dissolution du Parti communiste en septembre 1939, nombre de mili-tants, surveillés et exclus de la vie publique, entrent dans la clandestinité. Le 1er

septembre 1940, Fernande Valignat, enseignante à Montluçon, est révoquée puis, le8 octobre 1940, en vertu de la loi du 3 septembre 1940 « relative aux mesures àprendre sur instruction du Gouvernement à l’égard des individus dangereux pour ladéfense nationale ou la sécurité publique », elle est internée administrativement.Avec son époux et d’autres membres du parti, elle est détenue au Centre de séjoursurveillé (CSS) au château de Mons, à Arlanc (Puy-de-Dôme). Jacques Guillauminindique dans une lettre à sa famille : « Mons, mercredi 16 octobre 40, 9e jour de capti-vité.[…] Le courage des femmes de nos amis donne à tous un cran nouveau… »

En 1941, Mme Valignat est envoyée au camp de Rieucros, près de Mende. Les réfu-giées étrangères fuyant le totalitarisme et les prisonnières politiques y sont internées.Les Françaises recréent une organisation clandestine et gèrent la vie quotidienne.Elles connaissent la faim et le froid. Nourries de châtaignes, elles ramassent du boispour se chauffer. Fernande s’occupe du cours d’histoire, sans renoncer à sesopinions : « Quelques internées françaises donnent actuellement, dans leurcorrespondance, libre cours à l’expression de leurs idées politiques. Mmes ValignatGermaine ; Capion Odette ; Destruhaut Charlotte ; Deschambre Yvonne etTaurinya Pauline, plus particulièrement retiennent l’attention du service de censure,surtout depuis les événements qui se déroulent en Russie. La surveillance spécialedont elles sont l’objet n’a pu relever au cours de leurs entretiens, soit entre elles, soitavec d’autres internées, des propos pouvant tomber sous le coup de la loi. J’estime queces Françaises devraient être isolées des autres qui dans l’ensemble ont une attitudeplus réservée. » (rapport du Commissariat spécial du camp de mai 1941)

Rieucros, insalubre, est fermé en février 1942 et les internées transférées auCSS de Brens (Tarn). Fernande Valignat enseigne le français aux étrangères et lalittérature et la poésie aux Françaises, une façon détournée de parler de politique.Militante convaincue, elle est ouvertement hostile au régime de Pétain : « Nousétions entrées dans la Résistance pour lutter ; le fait d’être au camp, ce n’était paspour s’installer. » Selon les rapports du commandant, elle est à l’origine d’actionscontre les conditions d’internement. Après un mouvement de protestation lorsde la première déportation massive de femmes juives, le 26 août 1942, le tribunalmilitaire de Toulouse la juge, avec d’autres, pour rébellion. Acquittées, elles réin-tègrent le camp. Un rapport du 17 décembre 1943 cerne son état d’esprit : « Si 34mois n’ont pas fléchi ses opinions déterminées, ils ont du moins marqué profon-dément un tempérament fortement trempé et diminué sensiblement cettepersonne […]. Son attitude au camp de Brens où elle s’occupe de l’instruction desenfants n’est pas faite de révolte mais d’une fierté marquée d’une empreinteportée au plus haut degré. En résumé, Mme Valignat n’extériorise pas ses senti-ments mais il semblerait qu’elle n’aurait pas abandonné ses idées. »

Le 14 mai 1944, Fernande Valignat et deux autres internées s’évadent et trouventrefuge à Gaillac. Après s’être rétablie, elle revient dans l’Allier, où elle est cachéepar la famille Poncet de Créchy, puis reprend contact avec les communisteslocaux. À la Libération, elle travaille à l’organisation de l’Union des femmesfrançaises (UFF) qui publie le périodique Espérance. En novembre et décembre1944, elle représente cette organisation au sein du Comité départemental de libé-ration. Par la suite, elle continue son action à Paris au comité central du Particommuniste français.

FernandeValignat

DES FIGURESD’EXCEPTION

En haut : Fernande Valignat prononce un discours aunom de l’Union des femmes de France lors de la fêtede la Liberté, le 2 octobre 1944 à Moulins.

Au milieu : à Rieucros, en 1941, de gauche à droite,Mmes Freydeire, Andréa, Fernande Valignat, uneinternée (non identifiée) et Odette Capion.

En bas : départ d’un camion de Montluçon convoyantdu ravitaillement et des vêtements pour les soldatsdémunis. De gauche à droite, Fernande Valignat,Héloïse Daumin, Malou Michard, France Veau,Lucienne Laprairie et, sur le marchepied du camion,Suzanne Bidault.

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Jacqueline, Marie, Louise Hugotte est née le 13 février 1928 à Limeil-Bévrannes, en Seine-et-Oise. Dès 1942, la maison familiale , à Ygrande, estun centre actif de la Résistance. « Comme papa était maçon, le mot de passe

était “Est-ce que le ciment est arrivé ?” Au début, je trouvais ça drôle. Et puis,alors, j’ai compris. » Sa mère accueille ces “visiteurs” pendant toute la guerre :« Elle a reçu beaucoup de monde. Il y avait des armes et des papiers partout, elleen cachait autour de la maison… Des Anglais, des Espagnols, des Allemands sontpassés. » De nouvelles missions sont confiées à Jacqueline Hugotte : « Mon pèrem’a dit : tu peux passer dans les pharmacies. Je suis allée jusqu’à Cérilly pourchercher du coton, de l’éther, de l’alcool, et puis après, ça a été des papiers, desplis… ». À partir d’avril 1943, sous le pseudonyme de Paulette, elle transporte etdistribue tracts et journaux clandestins.

Ses qualités la font remarquer par Jean Dagouret, capitaine Gaby, comman-dant du 201e bataillon Francs-Tireurs et Partisans : « Il était à peu près tous lesjours à la maison et m’a choisie pour être son agent de liaison. » À partir dejanvier 1944, Jacqueline (âgée de 16 ans !) relie différents mouvements deRésistance et participe aux parachutages. « J’étais chargée d’écouter RadioLondres pour les parachutages. Il fallait faire attention car la radio était brouillée.Et il ne fallait pas se faire prendre. Le message devait passer trois fois, il fallaitécouter tous les jours. Quand je n’étais pas là, c’était maman qui devait l’écouter.Il passait un message tous les jours, et deux le lendemain. S’il y en avait deux,c’était pour la nuit […] J’ai prévenu le camp de maquisards et on y est allé la nuit,à minuit ou une heure du matin […] Ils étaient bien faits, ces parachutages. Onallumait trois feux en triangle et le parachute tombait juste au milieu. On avaitd’abord une lettre en morse – je m’en souviens, c’était la lettre E – l’avion répon-dait, puis il lâchait la cargaison […] Lors de ce parachutage, en particulier, jegardais les armes pour que les hommes puissent ramasser les containers. J’en avaisplein les bras et les épaules. J’avais des grenades dans les poches. Je m’en souviens,j’ai dit : “S’il arrive quelque chose, vous pouvez partir en courant, mais moi, je nepeux plus bouger”. Et un gars me dit : “Eh bien, tu dégoupilles une grenade !” ».

En mai 1944, Jacqueline Penot devient l’agent de liaison personnel du capitaineGaby : affectée aux camps “14 juillet” et “des Espagnols”, elle les relie à l’état-majorrégional et aux mouvements de résistance de Montluçon, Villefranche-d’Allier etBuxières-les-Mines. Elle dirige vers le camp “14 juillet” des résistants, filtrés par sonpère, mais aussi de hauts responsables militaires. Prenant l’initiative, elle conduitseule les maquisards des Quatre-As venus déposer des vêtements en échange d’armes :« J’ai même emmené des camions qui venaient de la Creuse, trois camions de résis-tants. Papa était parti, mon chef n’était pas là, donc j’ai pris sur moi de les emmener. »

Le 16 juillet 1944, le camp Danielle-Casanova est attaqué par les Groupesmobiles de réserve (GMR) et les miliciens. « Les maquisards passaient presquetous chez mes parents pour qu’on les soigne. On n’avait presque plus rien à mangeret plus de place pour les coucher. Je me souviens que j’ai couché dans les foins parcequ’ils arrivaient dans un tel état, épuisés, affamés. C’est pour ça que, dès qu’onpouvait, on les ramenait au camp 14 juillet et c’est moi qui les conduisais. » Le 8août 1944, en mission dans ce camp, elle prend les armes lors de l’assaut destroupes allemandes à Bouillole, près d’Ygrande. Fin août, elle participe auxcombats de la libération de Montluçon. Enfin, elle vient à Moulins, « à laMadeleine, c’était une des dernières liaisons. Je devais porter un pli. J’y suis alléeen moto. Mon chef n’était pas là. Un gars m’a dit : “En moto, ça irait mieux qu’envélo”. Et je suis partie en moto mais il y avait des arbres abattus sur cette route. Ilfallait passer dans le fossé ou par-dessus les troncs. Quand je suis revenue, mon chefétait là, mais pas les compliments ! C’est vrai que c’était imprudent. »Après guerre, la résistante retourne à la vie normale d’une adolescente, vie qu’elle n’ad’ailleurs pas délaissée pendant la guerre : « Pour mes copines de l’époque, j’ai vécunormalement. Quand je n’étais pas occupée, j’étais avec elles. Les dimanches, onsortait, on allait se promener, on se réunissait…»

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DES FIGURESD’EXCEPTION

Jacqueline Penot au milieu de résistants acteurs descombats de Bouillole (Ygrande) à l’occasion du 60e anni-versaire, le 8 août 2004.

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Née le 17 octobre 1921 à Sancerre (Cher), elle sort de l’École normale deMoulins en 1938. À la déclaration de guerre, elle occupe un posted’institutrice à Peyrolles, près de Gannat. Sous les pseudonymes de

Mouflonne et de Marie, elle rentre dans la Résistance au sein du réseau de rensei-gnements Alliance. Tout d’abord agent de liaison, elle héberge également denombreux agents des forces françaises combattantes.

Le 17 mars 1943, vers 23h30, Paul Guillebaud, alias Mouflon, de retour d’unemission à Vichy, est abattu par Gessler, le chef de la Gestapo de Vichy, dans lasalle des pas perdus de la gare de Gannat. Son épouse, Rachel, est arrêtée etdéportée. Une série d’arrestations menée par la Gestapo décime alors le réseauimplanté sur le secteur de Vichy. Jean Ferlot, Claude et Armand Gobert, AbelRoyal, Claude Randier, Gaston et Hélène Regnier, Pierre Boubet, Jean Ducos,Eugène Tachon et Andrée Pequet sont victimes de cette répression. Le 22 avril1943, Marie-Jeanne Bouteille est arrêtée avec son père Jean (alias V. 410), à leurdomicile 36, rue du Sénateur-Gacon à Vichy. Elle est incarcérée à la Mal-Coifféeà Moulins, à la prison de Fresnes puis au fort de Romainville. Quant à JeanBouteille, il sera fusillé au Mont-Valérien le 4 octobre 1943.

Transférée au camp d’internement de Compiègne, Marie-Jeanne Bouteille estdéportée sous le nom de Marie Vanura, en compagnie d’Andrée Pequet, le 31 janvier1944, dans le même convoi que Geneviève de Gaulle. Arrivée le 3 février au KLRavensbrück (Konzentration Lager, camp de concentration), elle porte le matricule27073. Les déportées sont tout d’abord placées en quarantaine avant d’être affectéesà des travaux à l’intérieur ou à l’extérieur du camp. 134 femmes du convoi du 31janvier, dont Marie-Jeanne Bouteille, sont envoyées le 13 avril 1944 au kommandod’Holleischen, dépendant du KL Flossenbürg, dans la forêt des Sudètes. Là ellesdoivent travailler à la fabrication de munitions anti-aériennes dans la poudrerie desusines Skoda. Elle est libérée le 5 mai 1945 et rapatriée le 24 mai en France. En 1946,elle relate les conditions de sa déportation dans le livre Infernal rébus (éditionsCrépin-Leblond, Moulins). En 1948, elle achève son témoignage en exposant lescirconstances de sa libération des camps de concentration dans Carrefour enBohême (imprimerie Wallon, Vichy).

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DES FIGURESD’EXCEPTION

Marie-Jeanne Bouteille en 1947 (et, en surim-pression, dessinée par Janine Grell durantleur captivité au camp de Compiègne).

LE RÉSEAU ALLIANCE

Ce réseau de renseignements est créé à l’automne1940 par le commandant Georges Loustaunau-Lacau

et Marie-Madeleine Méric, née Bridou, à l’hôtel desSports à Vichy. Grâce à ses deux animateurs qui recru-tent sans relâche de nouveaux agents, Alliance estimplanté sur tout le territoire dès le début de l’année1941. Rattaché à l’Intelligence Service, il compte jusqu’à3.000 agents.Marie-Madeleine Méric (alias Hérisson) devient sonresponsable pour la zone non occupée. Le réseau estbaptisé Arche de Noé par les nazis car ses membresportent pour pseudonymes des noms d’animaux (telleJeanne Berthommier, qui travaille au ministère desTravaux publics, surnommée Mouette). Mais, à partir demars 1943, les membres d’Alliance sont l’objet d’actives

recherches par la Gestapo et quatre cent trente-huitagents sont alors victimes de la répression nazie, abattusau cours de leur arrestation, exécutés en France ou dansles prisons allemandes, déportés dans les camps deconcentration. Après l’arrestation de Loustaunau-Lacau, Marie-Madeleine Méric, parvenant à échapper aux nazis,assure la direction générale du réseau jusqu’à la fin dela guerre. Alliance a fourni aux Alliés des renseigne-ments aussi précieux que l’existence d’armes secrètes etl’emplacement de leurs rampes de lancement, lemouvement des escadrilles fascistes et des ravitailleursallemands pendant la bataille du désert, celui des U-Boot dans l’Atlantique, ou encore la carte complète desinstallations allemandes sur les plages de Normandie.

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L es femmes, et notamment les résistantes, s’engagent pour lalibération de l’Allier, au travers des Milices patriotiques ou desassociations telles que l’Union des femmes françaises. Les femmes

engagées dans les mouvements de libération portent des revendicationspropres à la guerre : retour des déportés et prisonniers, ravitaillement,etc. Mais elles pensent aussi à revendiquer leur émancipation et certainsdroits, en premier lieu le droit de vote.

DES RÉUNIONS DE FEMMESÀ la naissance, en 1944, de l’Union des femmes françaises, une section secrée à Moulins. Ainsi, le 19 novembre 1944, 200 femmes se réunissentsalle Darmangeat à Moulins. On peut découvrir sur la photo le slogan del’UFF : « Devenir amies du front, c’est aider à finir la guerre » ou cetteautre affiche au fond de la salle : « Ménagères, paysannes, commerçantes,toutes réunies ». On peut également souligner que toutes leurs réunions étaient placéessous deux icônes : le drapeau français assorti du slogan : « Les femmesau service de la France » et le portrait de Danielle Casanova, résistantecommuniste fondatrice des premiers comités de femmes, arrêtée enfévrier 1942 et déportée le 24 février 1943 à Auschwitz, où elle meurt enmai 1943. Parmi les résistantes membres de l’UFF, citons Mme Valignat ; Melle Depresle ;Melle Bidault ; Melle Martin, conseillère municipale et présidente de la sectionde l’UFF de Moulins ; Mme Freydère, ancienne internée et présidente ducomité départemental ; Mme Bidault, présidente du comité de Montluçon.

UN JOURNAL POUR LES FEMMESFin août 1944, les femmes de l’Allierpublient leur journal, intitulé Espérance.On y retrouve quelques mots d’ordreet notamment :

• l’appel à l’unionde toutes les Bourbonnaises

• la confiance dans le Gouvernementprovisoire de la République françaisedirigé par Charles de Gaulle

• le respect des consignes du Comitédépartemental de Libération

• l’engagement dans les Milicespatriotiques.

UNE ACTION FÉMININELe but premier de l’UFF est de reconstruire laFrance. À cette fin, diverses actions sont menées. Hiver 1944-1945 :alors que la guerre continue notamment sur la façade atlantique et sur lefront de l’Est, les femmes organisent des convois pour approvisionner lescombattants.L’UFF secourt aussi les victimes de guerre à travers l’Assistance Française,intégrée en février 1944 au Comité des œuvres sociales de la Résistance. Àpartir de 1946, les œuvres sociales de l’UFF semblent prendre le pas surl’aide aux victimes de guerre. Ainsi, mercredi 26 juin 1946, l’UFF ouvre unecolonie de vacances à Bellenaves.

Les Bourbonnaisesà la Libération

14

EN ALLIER

DANS LA

RÉSISTANCEFemmes

Défilé de la fête de la liberté, Moulins, 2 octobre 1944.

19 novembre 1944 : 200 femmes se réunissentsalle Darmangeat, à Moulins.

Camion des “Amies du Front” convoyant du ravitaille-ment et des vêtements pour les soldats, devant le 10,cours Anatole-France à Moulins.

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Page 15: FEMMES - onac-vg.fr · L a faible proportion de femmes dans la vie publique du départe-ment pourrait nous conduire à penser qu’il y a, dans cette répartition des rôles entre

Les résistantesdans la vie politiqued’après-guerre

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Après maintes discussions au sein de l’Assemblée consultatived’Alger, l’ordonnance du 21 avril 1944, par son article 17, accorde

aux femmes le droit d’être électrices et éligibles dans les mêmes condi-tions que les hommes.

UN DROIT MAIS AUSSI UNE ÉPREUVEComme le montre, ci-contre, l’article du journal Valmy écrit par une femmequi veut rassurer celles qui sont appelées aux urnes, certaines peuvent êtreeffrayées par ce nouveau droit. Sa rédactrice insiste sur l’importance de l’élec-torat féminin (62% des électeurs). Un argument longtemps utilisé par leshommes, car accorder le vote aux femmes – qui représentaient une majoritéélectorale – pouvait remettre en cause la vie politique. Même si le choix peuts’avérer difficile, la femme doit voter. Sa voix représente aussi celle de tous leshommes disparus ou qui ne sont pas encore revenus de la déportation, descamps de prisonniers ou des fronts. En plus du droit de vote, les femmes ontcelui de présenter leur candidature. Ainsi, des Bourbonnaises, résistantesparfois, s’engagent en politique, au sein des structures nées de la Libération.Certaines se présentent même dès les premières municipales (avril 1945).

DES CANDIDATES SOUVENT RÉSISTANTES Lors des municipales d’avril 1945 et d’octobre 1947, les femmes représen-tent de 10 à 15 % de l’ensemble des candidats ; elles sont généralement plusreprésentées sur les listes de gauche (20% pour les listes PCF et SFIOcontre 10 % pour celles du centre et de droite) ; les résistantes sont ellesaussi plus présentes sur les listes électorales de gauche. Elles constituent lapart la plus importante des candidates sur les listes communistes deMoulins en 1945 (deux femmes sur trois) et de Montluçon en 1945 et 1947(respectivement 62 % et 57%). Cependant, au fil du temps, les femmes etles résistantes sont de moins en moins présentes. Les candidates, même sielles sont peu nombreuses, sont souvent élues, mais il y a de moins enmoins d’élues : la vie politique se déféminise.

L’EXEMPLE DE MONTLUÇON EST SIGNIFICATIFC’est dans cette ville que l’on trouve le plus de résistantes candidates aux muni-cipales d’avril 1945. Les femmes sont toutes en début ou milieu de liste. Lesrésistantes sont mieux placées que les autres : sur la liste socialiste, Mme

Charvéron est en 11e position, devançant les trois autres. Les partis insistent surl’action résistante des femmes représentées. C’est particulièrement vrai pour laliste communiste, les huit femmes présentes ayant résisté ou ayant été internéesou déportées. Leur légitimité semble donc reposer davantage sur leur statut defemme victime du régime vichyste que sur leur statut personnel. Au premiertour, les femmes, même si elles se trouvent en début de liste, sont renvoyées enfin de liste et les résistantes n’échappent pas à cette règle : Mme Charvéron arriveen 31e position après le premier tour. Seule Mme Valignat reste en tête de la listecommuniste, grâce sans doute à sa popularité, à son engagement et à celui deson époux. Au second tour, seules les listes communiste et socialiste se main-tiennent. Celle du PCF n’obtient aucun élu et les quatre femmes socialistes,dont la résistante Mme Charvéron, siègent au conseil municipal de Montluçon.La part des femmes, contrairement à ce qu’on aurait pu penser, n’augmentedonc pas avec le temps, bien au contraire. Il faudra attendre l’entrée envigueur de la loi sur la parité de 2001 pour voir la place des femmes et leurrôle évoluer significativement dans les assemblées municipales. À ce jour,cette disposition ne concerne que les communes de plus de 3.500 habitantsmais, déjà, les mentalités semblent évoluer. Beaucoup de partenaires accom-pagnent cette évolution et parmi eux les initiateurs de cette exposition…

VICHY MOULINS MONTLUÇON

1945 37,5 % 30,77 % 28,57 % *

1947 6,67 % 20 % 18,75 % *

Part des résistantes parmi les femmes élues

VICHY MOULINS MONTLUÇON

1945 33,33 % 50 % 25 %

1947 0 % 66,67 % 33,33 %

Les élues par rapport aux candidates aux électionsmunicipales d’avril-mai 1945 et d’octobre 1947

VICHY

7,69 %(1 FEMME)

11,11 %(3 FEMMES)

3,70 %(1 FEMME)

MOULINS

7,41 % 2

(2 FEMMES)

14,81 %(4 FEMMES)

11,11 %(3 FEMMES)

MONTLUÇON

3,33 % 3

(4 FEMMES)

12,05 %(4 FEMMES)

9,09 %(3 FEMMES)

Les femmes dans les conseils municipaux

Municipalitésprovisoires 1

1945

1947

1. Les municipalités provisoires sont installéesde la Libération aux premières élections municipales d’avril 1945.2. À partir de novembre 1944.3. À partir de février 1945.

EN ALLIER

DANS LA

RÉSISTANCEFemmes

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Journal Valmy n°186 du vendredi 20 avril 1945.