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LIVRET DES PROPOSITIONS

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LIVRET DES PROPOSITIONS

AUBERT DU-PETIT-THOUARS, EléonoreDe l'avantage de se désengager d'une polémique   : le cas de James Hogg

Dans le cadre des LERMAsteriales 2015, le thème de l'engagement a été retenu comme sujet commun. L'histoire de la littérature montre qu'à travers les âges, les écrivains se sont souvent engagés pour défendre des causes en lesquelles ils croyaient. Néanmoins, si certains auteurs ont écrit de manière à créer un lien de confiance, d’honnêteté et de transparence avec le lecteur en établissant un rapport direct avec ce dernier, d'autres écrivains ont employé des méthodes d'expressions différentes pour véhiculer un questionnement ou une problématique. Certaines structures narratives, par exemple, peuvent permettre un désengagement de l'auteur et susciter à la place un engagement du lecteur. Grâce aux outils d'analyse que fournit Gérard Genette dans Figures III, il est possible d'identifier le degré d'intervention de l'auteur, la nature et le rôle d'un narrateur ou l'effet produit par les discours rapportés dans un récit.

Dans son roman Confessions of a Justified Sinner James Hogg utilise plusieurs voix narratives et illustre les croyances et convictions de différents personnages, représentants d'une fresque historique et sociale. Il propose ainsi un kaléidoscope de diverses perceptions qui ne met pas en lumière sa position personnelle sur les propos qu'il rapporte mais force le lecteur, lui, à s'engager. Confessions of a Justified Sinner raconte l'histoire d'un jeune fanatique protestant qui, se croyant élu de Dieu, prédestiné au paradis, pense pouvoir commettre toute action impunément et commet des meurtres atroces. Cette histoire aux aspects populaires et fantastiques aurait eu lieu en Écosse au XVIIème siècle. James Hogg dénonce les travers et les abus de la religion presbytérienne à travers son roman, mais son engagement contre cette doctrine religieuse n'est pas affirmé clairement à ses lecteurs. Il ne livre pas le résultat de ses réflexions, s'abstient de commenter son récit. Il préfère rédiger une démonstration qui prouve les dangers de la croyance en la prédestination divine en juxtaposant les différentes versions des faits de ses personnages.

Ainsi James Hogg s'engage de manière dissimulée, il se « désengage » d'une polémique sur la religion, il se cache derrière un jeu de masques. L'histoire est racontée plusieurs fois par différentes voix, ce qui confère un caractère ludique au texte ; le lecteur doit s'engager dans un jeu de pistes où il doit lui-même tirer ses conclusions.

Je vais tâcher de démontrer qu'il ne s'agit pas ici d'un non-engagement de la part de l'auteur puisque le désengagement de James Hogg vis-à-vis des polémiques sociales de cette époque permet au texte d’être plus efficace, d'avoir davantage d'effet sur le lecteur que si l'auteur s'était engagé en s'exprimant de manière didactique. Les procédés qu'il utilise pour conter cette histoire lui permettent de ne pas s'engager publiquement contre une religion ou un parti politique, mais il propose néanmoins aux lecteurs une réflexion éclairée sur ceux-ci en illustrant leurs fonctionnements et leurs natures.

BEVALOT, SibylleL'engagement des humoristes britanniques sur la question du sexisme

S'engager c'est, avant tout, faire le choix de l'investissement. La personne qui s'engage décide de donner de son temps et de sa personne pour une cause ou un projet. À cet engagement, on peut lier plusieurs notions : celle d'une projection dans l'avenir, qu'elle soit à court ou long terme ; celle du choix d'un camp, car, parfois, s'engager pour une idée, c'est en dénigrer une autre ;

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et, par conséquent, celle de la responsabilité, plus ou moins importante suivant l'ampleur de l'engagement et de la cause.

Nous proposons pour cette communication d'analyser l'engagement des humoristes britanniques vis-à-vis de la question du sexisme.

En premier lieu, nous étudierons la forme de cet engagement. Comment l'humour, qui semble voué à divertir, à faire passer du bon temps au public, peut-il être un vecteur d'engagement idéologique ? Selon Peter Ustinov, « comedy is simply a funny way of being serious » ; en effet, nous démontrerons par plusieurs exemples que l'humour est bien souvent plus sérieux qu'il n'en a l'air. Nous verrons par exemple Coluche qui, en France, utilisait son personnage clownesque pour transmettre son message politique et social. Utiliser l'humour pour transmettre son engagement présente beaucoup d'atouts : cela permet de vulgariser le message, de le rendre plus accessible au public ; la très grande portée de l'humour permet également de toucher un public très vaste. On est loin des discours au vocabulaire si spécifique qu'ils en deviennent difficiles d'accès et au rythme lent et monotone qui les rendent ennuyeux.

La seconde partie de la présentation sera consacrée aux différents messages transmis par les humoristes. Si certains s'engagent clairement en tant que féministes, en attaquant directement le sexisme et ses conséquences, d'autres abordent le sujet de façon plus subtile, plus ambiguë peut-être, laissant au public le choix d’interpréter le message sous-jacent, l'impliquant ainsi à l'intérieur même du processus d'engagement. Ironiser sur un sujet sérieux ne revient-il pas à dire au public : « Interprète mon discours comme tu l'entends, mon engagement sera le tien » ? Quand on dit d'un artiste qu'il est engagé, c'est la critique et non l'artiste lui-même qui est à l'origine de l’appellation. Dans le cas des humoristes aussi, l'engagement est un processus qui nécessite deux parties. C'est un jeu de questions/réponses entre le comédien et son audience qui permet à chacun de se positionner, de choisir son camp, ou tout simplement de s'engager sur un sujet sérieux, ici, la question du sexisme.

BOUAFIF, SalmaNowt Else to Tell Thee Lad!   : une variété linguistique engageante

Individuel et unique, l’accent dénote d’une identité sociale et peut révéler une appartenance ou non à une communauté. La société britannique, progressivement exposée à diverses variétés lin-guistiques grâce aux médias et à la mobilité, est certainement plus tolérante de nos jours. Cepen-dant, des études ont prouvé que les accents demeurent arbitrairement associés à des stéréotypes communément reconnus et à des qualités humaines personnelles propres à chaque région. Selon l’individu, une variété peut être perçue, par exemple, comme accessible, voire attirante, ou rurale, voire inappropriée. Par conséquent, conserver son accent régional est un geste engagé, puisqu’il ex-prime une décision orientée, un refus catégorique, une indifférence à opter pour une variété neutre, standard ou marquée.

Dans une campagne publicitaire radiodiffusée ou télévisée, la décision de sélectionner des acteurs possédant un accent associé au nord de l’Angleterre est un signe d’engagement de la part des publicitaires pour renforcer l’identité de la marque d’un produit. Un locuteur d’une variété ré-gionale a tendance à évaluer plus positivement un représentant de produit qui s’exprime dans la même variété intelligible que lui que dans un accent standard. Par ailleurs, les caractéristiques dé-notées par l’accent régional, comme l’intégrité personnelle, l’attrait social et le degré d’identifica-tion du prospect à la variété du représentant, sont des stimuli potentiels à l’incitation commerciale.

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Dans un spot publicitaire, la retranscription d’une variété authentique et attrayante, donc enga-geante, adaptée à un public ciblé, est une stratégie marketing de persuasion émotionnelle.

Prenant appui sur des travaux concernant les perceptions des accents et sur les résultats d’un sondage, cette communication vise à examiner si les variétés anglaises du nord sont uniquement engageantes pour les locuteurs de ces dernières. Cette contribution se propose ainsi d’observer la corrélation actuelle entre les perceptions individuelles des variétés régionales et la légitimation ap-parente de celles-ci.

BOUCHER, SaloméL’engagement d’une écriture fictionnelle biographique dans The Habit of Art de Alan Bennett

Dans l'introduction de sa pièce The Habit of Art, Alan Bennett regrette de ne pas avoir assez développé les qualités de biographe et le caractère du personnage de Humphrey Carpenter, auteur des biographies de JRR Tolkien et WH Auden, et s’en excuse auprès de sa veuve. Il pose ainsi un problème essentiel lié au genre de la fiction biographique et à l’engagement de l’auteur envers ses personnages lorsqu’il s’agit de personnes réelles et reconnues. Cette pièce met en scène des artistes célèbres de la culture britannique : le poète WH Auden, le compositeur Benjamin Britten et Humphrey Carpenter ; en outre, elle s’inspire des biographies écrites par ce dernier. Cette comédie fait entrer le public dans l’intimité de ces personnalités respectées et en dévoile des aspects longtemps ignorés ou considérés comme tabou par le public, comme l’homosexualité de Auden et de Britten, ou même leur attirance pour de jeunes garçons et le recours de Auden à des prostitués.

L’engagement est ici une responsabilité envers les personnages qui sont pris en charge et envers la vérité, les faits, car Bennett affirme vouloir informer le public d’éléments sur la vie de ses personnages. Ainsi, plusieurs formes d’engagement se superposent : celle du biographe Carpenter envers ses sujets, celle de l’auteur Bennett envers ses personnages et l’engagement idéologique de Bennett qui transparaît à travers ses personnages. Comment Alan Bennett concilie-t-il ces diverses formes d’engagement, à la fois au sens de responsabilité envers des personnes et de défense de ses propres idées, sans que la dimension biographique ne devienne qu’un prétexte à s’exprimer ?

Le premier objectif de Bennett était d’écrire la relation entre Auden et Britten en restant proche de la réalité et en apportant au public des informations méconnues sur la vie des deux artistes. Cependant, par ce choix, Bennett réengage Auden dans des aspects de sa vie dont ce dernier s’était désengagé. En plus de son homosexualité, jamais reconnue publiquement (« So no "coming out" », comme son personnage explique dans la pièce), Bennett lui attribue un poème que Auden n’a jamais publié, ni même signé, et qui circulait dans le cercle fermé du poète : Platonic Blow. Bennett engage également Auden sur un plan idéologique afin de s’exprimer à travers la voix de ce dernier. Il dénonce la décriminalisation tardive de l’homosexualité (« Chester is my partner. Is that the word you use? […] You can't be arrested for using it? ») ou l’hypocrisie de certains ecclésiastiques, qui ont des relations avec des hommes qu’ils condamnent ensuite publiquement : « You want me to talk dirty? […] Because I can do that. I go to a vicar in North Oxford. I do that for him ». Certains passages ne relèvent que de la fiction et l’argument informatif ne devient alors qu’un prétexte à s’exprimer.

L’objectif de cette présentation sera d’aborder l’affrontement entre ces différentes formes d’engagement qui ont lieu dans une fiction biographique et en font l’intérêt. La partie fictionnelle permet à l’auteur de se désengager de la réalité, des simples faits, afin de laisser une part à

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l’imagination et à l’engagement personnel.

BOUKAYA, DamienL’engagement dans la littérature. La représentation du réel dans l’écriture joycienne et ses réécritures   : l’exemple de A Mother , par Elske Rahill

Avant toute chose et pour poser des bases claires et précises à notre propos, il convient de donner une définition de la notion d’engagement telle que nous la jugeons utile dans le cadre des études anglicistes. Pour citer l’essayiste « yougoslave » Predrag Matvejević, nous dirons qu’« une "pensée engagée" est, d'une part, celle qui prend au sérieux les conséquences morales et sociales qu'elle implique, de l'autre celle qui reconnaît l'obligation d'être fidèle à un projet (le plus souvent collectif) dont elle a précédemment adopté le principe ». Cette formulation est doublement intéres-sante pour nous en ce sens que nous nous pencherons d’abord sur l’écriture joycienne, si riche en termes d’implications (entendons par là les conséquences directes de l’engagement de Joyce) so-ciales, morales et politiques, puis sur la façon dont les autres écrivains s’approprient ou non ces mêmes notions dans leur écriture contemporaine.

Pour ce faire, il paraît judicieux de mettre en regard Dubliners, l’œuvre de Joyce publiée en 1914, avec sa réécriture parue cent ans plus tard, Dubliners 100: Fifteen New Stories inspired by the Original. Nous nous concentrerons tout spécialement sur une nouvelle, A Mother, écrite par l’écrivaine Elske Rahill. Nous parlerons des idées générales qui ont constitué la raison d’être de l’œuvre originale de Joyce, mais nous retiendrons surtout la manière dont Joyce et ceux qui se ré -clament de son influence (en l’occurrence Elske Rahill) s’engagent à faire transparaître leur vision du réel dans leur littérature. L’engagement à représenter le réel est en effet la pierre angulaire des deux œuvres étudiées (Joyce ne voyait-il pas Dubliners comme « a nicely polished looking-glass » des habitants de Dublin ?), et c’est pourquoi nous montrerons à quel point Joyce et Rahill s’y sont attachés, particulièrement en ce qui concerne la condition féminine.

Le concept d’engagement « en tant qu'expression forte de valeurs et d'intentions » sera ex-ploré dans la production de Joyce, puis nous réfléchirons sur la façon dont Rahill a (ou peut-être, dans une certaine mesure, n’a pas) choisi de s’engager à « redéployer les événements que […] le texte n’[a] pas choisi d’enfermer mais de transporter ».

En définitive, il s’agit ici de poser l’engagement, quelle que soit la forme choisie, en tant que notion inévitablement liée à la littérature et, ce faisant, de comprendre comment, cent ans plus tard, des auteurs analysent l’engagement de leur maître pour y superposer le leur.

BRASEY, EdouardComplots et conspirations, ou l’engagement masqué   : l e cas du groupe Anonymous et leur choix de porter le masque de Guy Fawkes, l’un des auteurs de la Conspiration des poudres du 5 novembre 1605

L’engagement, qu’il soit politique, religieux, social ou philosophique, implique une exposition publique pouvant nuire à la sécurité ou à la liberté d’expression de celui qui s’engage. C’est pourquoi l’engagement avance parfois masqué, sous couvert d’anonymat. Les nombreux complots et conspirations qui émaillent l’Histoire – qu’ils aient ou non réussi – sont un net exemple

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de cette forme d’engagement « secrète ».

Notre projet de mémoire porte sur une fiction en cours d’écriture dont nous allons analyser l’autotraduction croisée du français vers l’anglais puis de l’anglais vers le français. Cette fiction a justement pour thème principal l’existence réelle ou supposée de complots et de conspirations politiques et religieuses, et se déroule à deux époques différentes : un proche avenir (novembre 2015), dans lequel le groupe de hackers anarchistes Anonymous est censé s’engager dans toute une série d’actions de type terroriste pour affaiblir les grandes puissances occidentales dont il conteste l’oligarchie, et le Londres de novembre 1605, qui a connu le fameux Gunpowder’s plot fomenté par Guy Fawkes et un groupe de conspirateurs catholiques : leur but était de faire sauter Chambre des Lords de Westminster et de tuer le roi Jacques Ier. Cette conspiration a été déjouée au dernier moment, mais son souvenir est resté dans la mémoire et la légende anglo-saxonnes (Guy Fawkes’s Bonfire Night), dans la bande dessinée et le cinéma (V for Vendetta), puis dans le choix du groupe Anonymous de s’affubler en public du fameux « masque de Guy Fawkes » (créé par le dessinateur Alan Moore dans les années 1980), après d’ailleurs avoir hésité avec un autre vengeur masqué, Batman.

La problématique que nous posons est la suivante : n’assiste-t-on pas à un glissement de la notion de conspiration, par définition anonyme et masquée pour des raisons évidentes de prudence et de sécurité, à une sorte de revendication qui s’affiche clairement et prône un engagement sans visage et sans personnalités identifiées, tirant justement sa force d’un concept fédérateur commun : un masque (celui de Guy Fawkes), un nom (Anonymous), une profession de foi (« Nous sommes Anonymous / Nous sommes légion / Nous n’oublions pas / Nous ne pardonnons pas / Redoutez-nous »).

Pour être efficace, l’engagement moderne doit-il prendre des formes collectives, arborant ainsi masques et anonymat comme les conspirateurs de jadis ? Le fameux slogan blanc sur fond noir « Je suis Charlie », derrière lequel des millions de personnes dans le monde se sont fédérées pour manifester contre les attentats du 7 janvier, est-il un épiphénomène ou une illustration emblématique de cette « conspiration des justes » ? À travers quelques exemples illustrés d’images, nous tenterons de répondre à ces questions.

CARLES, RémiL'engagement, initiateur de processus

Au moment de définir le terme d'engagement, on se retrouve souvent tenté de présenter les différents aspects qu'évoque ce dernier. Il semble opportun de chercher des éléments communs à toutes les formes d'engagement au lieu de se contenter de les nuancer. Ceci nous permettrait d'appréhender cette notion sous un angle nouveau. Il apparaît en effet qu'un engagement est toujours le résultat d'un choix. Qu'il s'agisse de répondre « oui » ou « non » devant l'élu municipal lors d'un mariage ou de défendre telle ou telle conception économique, l'engagement (ou le non-engagement) s'illustre par des décisions qui résultent d'autres décisions et qui en créent de nouvelles. Le concept ainsi qualifié peut aussi s'appliquer à la création littéraire ou à la traduction ; s'appuyer sur l'exemple des notes de James Joyce pour la rédaction de Finnegans Wake et de leur traduction semble alors parfaitement approprié.

En effet, associer l'engagement à un processus nous amène à réfléchir sur la création littéraire, et constater l'évolution d'un chapitre de Finnegans Wake au travers des notes évoquées

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plus haut nous montre comment l'auteur s'engage, dans l'écriture de cette œuvre, à produire « le langage et l'écriture de la nuit ». Il établit des références à de nombreuses cultures différentes, entre autres, par le biais d'orthographes inspirées de diverses langues ou par la création de « mots-valises ». Dans chacun de ces cas, l'engagement s'inscrit dans un processus où il est à la fois cause et conséquence.

Il est alors temps de réfléchir à l'activité de traduction, non seulement dans le cadre de Finnegans Wake mais aussi de la traduction en général. C'est alors qu'il faut mentionner le cas du non-engagement car traduire ne permet généralement pas de retranscrire toutes les particularités d'un texte. Ainsi, le traducteur qui se sentirait plutôt « sourcier » se désengagerait d'un processus « cibliste », et cette décision serait alors génératrice d'une série d'autres décisions qui, à terme, donnerait le résultat de la traduction.

Il peut donc être conclu que l'engagement et le non-engagement sont les deux faces d'une même médaille et que ces termes semblent décrire à la fois une décision à un instant précis mais aussi le respect d'une cohérence entre plusieurs choix formant ainsi un ensemble, un processus.

DALLINGES, JulieLe positionnement langagier et la neutralité des Canadiens

Afin de définir l’engagement en linguistique, il semble nécessaire de rappeler que tout acte de parole qu’il soit écrit ou parlé relève d’un choix linguistique. En effet, il semble primordial de se pencher sur les différentes notions que ce terme englobe. S’engager est l’acte ou l’attitude de celui qui prend parti et qui participe activement à une cause. En ce sens, l’engagement semble signifier un accord ou bien un enrôlement de la part du locuteur ; on pourrait même aller plus loin en parlant d’obligation volontaire. Le locuteur est conscient de son engagement langagier quand il décide d’utiliser tel ou tel mot ou bien quand il décide de parler un anglais standard ou un dialecte.

D’autre part, on évoquera en opposition, la notion de non-engagement, qui reflète la neutralité du locuteur, son non-alignement et sa non-participation à une variété linguistique par exemple. Ne pas s’engager peut être vu comme un refus ou un reniement mais aussi comme un respect ou une certaine neutralité.

On retiendra ainsi que l’engagement est une prise de responsabilité, et l’on soulignera le lien très étroit entre la langue et la culture. Ainsi, la langue serait un vecteur d’identité. La langue serait le miroir d’un processus d’identification et d’intégration. En ce sens, les Canadiens sont fiers de parler une variété d’anglais qui leur est propre. Les caractéristiques de l’anglais canadien les distinguent des autres variétés d’anglais. Ils aspirent à ne plus être pris pour des Américains. Ainsi, il existe une volonté canadienne de se positionner en faveur de l’anglais canadien afin d’en permettre la reconnaissance.

Dans certaines localités du Canada, le dialecte parlé est considéré comme une richesse culturelle. En effet, il permet de mettre en avant une tradition langagière ; il est donc le reflet d’une identité sociale en lien avec un positionnement géographique. À Terre-Neuve, la population et les linguistes mettent tout en œuvre pour préserver leurs différences dialectales, soulignant ainsi une volonté de différenciation et de défense de leur langue.

Néanmoins, les Canadiens sont connus pour être les personnes les plus tolérantes du monde

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du fait de leur neutralité par rapport à certaines caractéristiques de leur langage. Il est vrai que concernant l’orthographe, ils refusent de choisir entre l’orthographe américaine et l’orthographe britannique. En conséquence, les guides d’usage proposent aux Canadiens d’adapter leur orthographe.

Cette communication sera donc l’occasion de s’interroger sur l’engagement identitaire des Canadiens à travers leur langue propre, mais également de mettre en avant leur tolérance face aux autres variétés d’anglais.

DELLA MONICA, MylèneAllégeance et foi   : une vision de l’engagement au XVII ème siècle en Angleterre

On peut tout d’abord se demander ce que l’engagement représentait pour les sujets européens du XVIIème. Le mot anglais « commitment » n’existait même pas aux XVIème-XVIIème

siècles. La notion d’engagement est encore très abstraite de nos jours, mais nous savons la décliner sous différentes formes. A l’époque, la prise d’engagement dans la sphère publique ne posait que très peu le problème de l’engagement politique. Au XVIIème siècle, les sujets européens étaient tous sujets d’un monarque, et personne ne s’était encore permis de questionner ce système. On ne s’engageait que très rarement pour ou contre son souverain quand on faisait partie du peuple. Pourtant, les sujets anglais du XVIIème siècle étaient engagés : de tous les aspects de leurs vies, l’aspect religieux était certainement celui qui avait le plus de poids, et tous devaient prendre un engagement de ce point de vue. Qu’est-ce que cet engagement religieux signifiait ? Il pouvait être synonyme de foi, de croyance, de pratique, de contrat mais aussi plus tard d’allégeance, de choix ou d’obligation.

En effet, l’engagement religieux prenait tout son sens dans la vie des contemporains qui risquaient leur âme et un éternel châtiment s’ils ne respectaient pas cet engagement. C’était avant tout un engagement vis-à-vis de Dieu, comme une sorte de contrat tacite passé entre le croyant et Dieu. Plus tard, le protestantisme en particulier souligna cet aspect contractuel de l’engagement entre le croyant et Dieu en accentuant l’importance du « convenant » passé entre les deux partis.

C’est à la fin du XVIème siècle que cet engagement, qui était jusqu’alors purement un engagement individuel, une sorte de contrat passé avec Dieu qui assurait la vie éternelle au croyant s’il était respecté, prit des proportions plus politiques en un sens. L’engagement requit une prise de position et devint synonyme d’allégeance pour les sujets anglais. Avec la Réforme d’Henri VIII et la rupture avec Rome, les catholiques anglais se trouvèrent dans une situation de double allégeance et devant un choix difficile : s’ils reconnaissaient leur monarque comme chef de l’Eglise, ils trahissaient leur foi, et inversement, en restant fidèles au Pape, représentant de Dieu, ils trahissaient leur monarchie.

Est-ce que la notion de choix personnel était encore présente dans cet engagement religieux ? Ou est-ce la Réforme et la politique de l’État qui ont poussé les Anglais à s’engager contre ce qu’ils considéraient de l’hérésie ? L’identité même « anglais catholique » semble souligner le paradoxe identitaire que la Réforme a créé. Alors pour quoi s’engageaient-ils ? Leur foi, avant tout, car ils craignaient moins les punitions légales que celles de Dieu.

Cette communication cherche à explorer les différentes formes que l’engagement religieux a pu prendre pour les sujets anglais du XVIIème siècle : de l’engagement contenu dans le concept

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même de foi, de croyance religieuse ou encore de pratique, à l’allégeance au roi ou au Pape. Les sujets anglais durent s’engager religieusement car en dépendait non seulement leur vie terrestre, mais aussi la vie céleste de leur âme.

FAURE, ClémentineDe la page à l'écran   : l'engagement auteur/producteur

La notion d'engagement et la notion d'art sont souvent apparentées pour parler « d'art engagé ». Cependant, il existe une toute autre forme d'engagement liée à l'art. En effet, on peut voir l'adaptation comme une forme d'engagement : un créateur s'engage à transformer une œuvre littéraire en production cinématographique ou télévisuelle. C'est le cas du créateur de la série télévisée Justified, Graham Yost, qui a choisi comme sources d'inspiration plusieurs œuvres de l'auteur Elmore Leonard, dont la nouvelle Fire in the Hole.

Le travail de Yost a pour particularité d’être le fruit d'une collaboration directe avec Leonard. En effet, l'auteur a participé à l'écriture du script de certains épisodes et a également été listé comme producteur exécutif de la série. J'ai choisi, dans cette communication, de traiter du thème de l'engagement en illustrant l'une des définitions de ce terme selon laquelle il s'agit d'un « acte par lequel on s'engage à accomplir quelque chose ; une promesse, une convention ou un contrat par lesquels on se lie ». Ici, on ne parle donc pas d'engagement pour ou contre une cause mais entre deux personnes. On s'engage donc on fait à l'autre une promesse de respect, mais aussi la promesse de mener à bien une tâche ou une mission. L'engagement est vu comme un contrat entre l'auteur et le créateur de la série. Graham Yost lui-même témoigne de ce contrat dans une interview accordée au magazine GQ, dans laquelle il indique : « we want to satisfy Elmore », ou encore « we're paying tribute to him ».

L'adaptation cinématographique et télévisuelle est ici représentée par un contrat juridique, puisque l'auteur doit céder les droits de son œuvre au producteur pour que l'adaptation prenne vie, mais aussi par un engagement moral du producteur à respecter l'œuvre littéraire : un contrat dans lequel il s'engage notamment à respecter l'idée de base de l'auteur, le contenu de l'histoire ou encore, par exemple, la psychologie des personnages. Mais alors comment savoir si le contrat a été respecté ? En déterminant la fidélité de l'adaptation ? En se fiant à la réception des spectateurs et de l'industrie de la télévision (critiques, récompenses) ? Cela n'est pas toujours facile, mais le meilleur moyen d'en juger reste peut-être l'avis de l'auteur lui-même. Dans le cas de Justified, il ne s'agit pas d'une adaptation exacte des œuvres de Leonard : Graham Yost a choisi d'effectuer des modifications, par exemple avec des changements dans le passé du personnage principal (il n'a pas d'enfants dans la série, contrairement à ce que Leonard avait imaginé dans ses œuvres). Cependant, en s'impliquant dans la création de la série, Leonard montre qu'il approuve ces modifications et qu'il valide les choix de l'équipe de production. Mais le respect du contrat juridique est-il la même chose que le respect de l'engagement (qui est ici plutôt de nature morale) ? Et en adaptant une œuvre déjà existante, le producteur ne s'engage-t-il pas aussi envers les lecteurs ? En effet, l'opinion du lecteur, et potentiel téléspectateur, est-elle un facteur important dans la prise de décision concernant l'adaptation ?

Cette communication se propose d'illustrer une définition de l'engagement qui est peu représentée dans les différents textes de cadrage : celle qui s'apparente plus à un contrat. C'est d'ailleurs le terme juridique employé dans le milieu de l'audiovisuel, et qui engendre une certaine notion de respect mutuel entre deux parties, mais aussi de respect d'une œuvre.

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GALIANA-CAMARENA, ÉlodieDe l’engagement à l’abandon   : la Royal Society et Archibald Menzies

La notion d’engagement est extrêmement subjective. D’aucuns voient des engagements partout, d’autres nulle part. Nous l’allons voir ici sous une forme précise : l’engagement scientifique, c’est-à-dire l’engagement d’un homme ou d’un groupe d’hommes pour faire progresser une discipline et, par extension, l’humanité entière. Il y a des caractéristiques précises, qu’il s’agisse d’un seul ou de plusieurs hommes, et également des limites à un investissement de cette sorte.

Le 18ème siècle fut un tournant décisif en Europe pour la société telle que nous la connaissons aujourd’hui. Après avoir découvert l’Amérique et l’Océanie, les Européens ont multiplié les expéditions, envoyant de nombreux spécialistes de diverses disciplines. La Grande-Bretagne, par le biais de la Royal Society, ne fut pas en reste, comme le montre la pléthore d’explorations parties vers les nouveaux continents.

La Royal Society, présidée par Sir Joseph Banks à la fin du siècle, promouvait l’essor des sciences et c’était elle qui s’occupait d’engager les naturalistes et de les envoyer en exploration. Fondée en 1660, elle tendait à une réelle promotion des sciences, afin de faire progresser l’humanité et de la développer. Comme son nom l’indique, elle était liée au roi, qui la finançait et en était le grand patron. Elle payait ses hommes, se liant ainsi à eux sur les plans contractuel, financier et humain. En contrepartie, les scientifiques se devaient de tenir un journal de bord et de le remettre à leur retour. Ces journaux, dont le contenu avait été développé dans des traités, étaient ensuite publiés. Mais cet engagement avait des limites, comme nous le verrons.

Parmi les hommes envoyés au 18ème, il s’en trouve un, Archibald Menzies, botaniste écossais mais également médecin de bord méconnu et oublié, qui fit partie de l’Expédition Vancouver de 1790 à 1795. Menzies partit en tant que naturaliste surnuméraire mais par un concours de circonstances, il devint ensuite médecin de bord, ayant donc des tâches botaniques et médicales. Pour sa détermination, son enthousiasme scientifique (il se donnait sans réserve, n’hésitant pas à gravir des montagnes et décrire avec précision la myriade de plantes qu’il découvrit) et son implication médicale (aucun homme n’est mort du scorbut et seuls deux sont morts au cours du voyage), on ne peut que saluer l’engagement dont a fait preuve l’Ecossais envers sa discipline et ses hommes, une dualité scientifique et humaine qui semble à la base de ce contrat moral et physique qu’est la science.

Eu égard à cet investissement, il est difficile de ne pas regretter qu’un désengagement de la Royal Society, qui a rompu son contrat avec Menzies, ait sans doute été la cause de la non-publication de son journal, ainsi que de la perte de la paternité de nombre de ses découvertes.

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GHIGO, ColineModalité «   subjective engagée   » ou modalité «   objective désengagée   »   : vers une redéfinition du concept en question

Le fait de s’engager peut recouvrir différentes formes mais celle à laquelle nous nous intéresserons particulièrement ici touche à l’engagement langagier. En effet, une des façons les plus directes de s’engager pour un locuteur passe par la parole et la communication. S’exprimer pour faire valoir son point de vue est au cœur de la notion d’engagement.

La linguistique utilise le terme de subjectivité pour aborder le phénomène d’intervention du locuteur dans son discours. Subjectivité et engagement ont donc nécessairement partie liée. Le linguiste Michel Bréal parle en effet du « coté subjectif du langage » lorsque dans un énoncé l’on se trouve en présence de mots ou formes grammaticales capables de véhiculer un sentiment du locuteur. Un acte langagier est donc rarement neutre et certains marqueurs syntaxiques de la langue anglaise sont même prédisposés à refléter un point de vue et un engagement du locuteur.

Une majorité de linguistes appartenant au courant de l’énonciation décrivent les auxiliaires modaux (can, may, must, shall et will) en termes de jugement, de subjectivité et donc d’engagement provenant du sujet parlant ; une telle description se vérifie avec certains modaux tels que shall ou must, employés de manière radicale déontique (you must tell me the truth), où le locuteur s’engage sur la nécessité d’une validation par you de la relation prédicative. Cependant, cette subjectivité formellement établie comme inhérente à la modalité n’est qu’un leurre dans d’autres contextes. En effet, que faire des énoncés où le modal, interprété de manière radicale dynamique, renvoie à la capacité du sujet (she can speak English) ? A-t-on affaire à un quelconque engagement du locuteur dans ce cas ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une constatation objective ? Et que faire également de la modalité épistémique, modalité du doute et du non-certain, où le locuteur ne peut précisément pas s’engager sur la véracité de ses paroles (it may rain tomorrow) ? Peut-on réellement classer de tels énoncés dans la catégorie de modalité subjective, qui leur est si souvent associée ? Ne serait-il pas plus pertinent d’y voir une modalité « objective », et donc une modalité du désengagement du locuteur ? Dans cette perspective, il semblerait utile de redéfinir la notion de subjectivité dans ses rapports avec la modalité, en lien avec les notions d’engagement et de non-engagement du locuteur.

Cette communication proposera donc une tentative de redéfinition fondée sur des exemples choisis et sélectionnés à partir d’un corpus qui regroupe des extraits de romans. Dans un premier temps, nous examinerons des énoncés modalisés afin de déterminer en quoi ils permettent un engagement du locuteur, en nous penchant notamment sur la modalité radicale de type déontique. Dans un second temps, nous étudierons les cas où l’engagement du locuteur semble absent mais qui sont traditionnellement présentés comme subjectifs. Au final, ce seront donc les notions d’engagement et de subjectivité qui seront interrogées.

LAMULA, GrégoryLe cas des Amérindiens aux États-Unis   : mort de vieillesse d'une culture ou bien désengagement ?

Qu'est-ce-que l'engagement ? Quel est ce sentiment qui est à l'origine même de cette présentation ? Car c'est bel est bien cela qui nous anime dans notre choix de sujet. Tout compte fait, il n'est pas facile de donner une réponse à une question au sens aussi large tant il y a à dire et tant il

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y a de types d'engagement. Il serait cependant trop réducteur de parler de l'engagement sans parler de son opposé, le non-engagement, voire du désengagement. Il s'agit là d'une perspective qui s'intègre parfaitement à cette présentation.

Suite à la colonisation du territoire que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de continent d'Amérique du Nord, la population autochtone s'est peu à peu retrouvée oubliée, probablement de manière volontaire dans le cadre de l'établissement d'une certaine dominance des colons. Néanmoins, la société amérindienne a réussi à survivre au travers des livres lorsque ces derniers faisaient partie des seuls moyens de partage d'informations disponibles, comme au début du 20ème siècle par exemple.

Mais le contexte actuel nous permet en même temps de débattre du manque d'engagement que nous avons mentionné, ou bien devrions-nous parler de désengagement, de la perte d'intérêt dont nous pourrions avoir été témoins depuis des décennies.

Deux possibilités s'offrent à nous. Dans la première hypothèse, cette disparition serait tout simplement une conséquence naturelle du développement à l'échelle mondiale, théorie aux nombreux détracteurs dont Yotam Margalit, de l'Université de Stanford. La deuxième option serait de considérer cette perte comme un désintérêt délibéré de la part de la société, comme l'affirmerait Sherry Salway Black, membre important du comité de soutien aux Indiens d'Amérique.Ce sera la clé de voûte de cette présentation, la question derrière son développement. La disparition de cette société, perte décriée par beaucoup, est-elle le résultat d'un phénomène naturel ou d'une volonté humaine ?

LIM, Jean-BaptisteTraduire une œuvre   : s'engager à préserver la culture d'une civilisation ?

Qu'est-ce qu'un engagement ? Généralement, il s'agit d'un choix, une décision que l'on fait au détriment d'autres. Cette problématique revient souvent dans la traduction, discipline aux choix omniprésents, ou il conviendra toujours de se demander si utiliser un terme donné n'altérerait pas le sens original de la phrase. En effet, la traduction est une discipline à l'engagement constant, et les engagements qui y résident sont aussi nombreux que les traducteurs.

L'histoire de l'humanité est une constante : au fil des siècles, des civilisations furent bâties puis détruites, leurs traditions et culture disparaissant aussi vite qu'elles n'apparurent. Cela dit, il arrive que certaines survivent de façons différentes : grâce à la littérature, par exemple. Le Mabinogion est un exemple de cette volonté de préserver la culture médiévale galloise. Il s'agit d'un recueil de contes celtes traditionnellement transmis à l'oral, avant d'être rédigés en Gaélique à partir du XIIème siècle puis traduits en anglais. Ce recueil est d'ailleurs séparé en quatre branches, bien que plusieurs contes s'y ajoutent.

Ouvrage phare de la celtomanie, idéologie espérant redonner ses lettres de noblesse à la culture celte, cette rédaction du Mabinogion est avant tout un moyen de faire perdurer une culture et une langue disparaissant progressivement. A ce titre, pouvons-nous considérer que la rédaction des contes était un engagement de la part des anciens pour que leur histoire perdure ? L'adaptation par la traduction de ces contes dans d'autres langues est-elle également un engagement à préserver cette culture ?

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L'ouvrage a été initialement traduit dans son intégralité par Lady Charlotte Guest (de 1838 à 1845) en anglais, traduction qui servira par ailleurs de référence en la matière. Bon nombre de traducteurs se sont attaqués à la retraduction de l'ouvrage, à l'instar de Sioned Davies (parue en 2007, aux éditions Oxford World's Classics). L'intérêt est de savoir si, au vu des nombreuses traductions, Davies ne pouvait que se différencier, se désengager de la traduction de Guest, surtout si on observe les traductions précédentes : celle de Jones and Jones (1948), par exemple, qui se voulait être une traduction très précise mais très littérale. Un autre exemple dans la différenciation est que le début et titre officieux de la seconde branche était « Bendigeidfran son of Llyr », alors que Guest nommait cette partie « Branwen daughter of Llyr », choisissant donc de changer la focalisation sur un autre personnage du conte.

Ainsi, cette communication a donc pour but d'étudier à quel point l'acte de traduire un ouvrage culturel est un engagement pour la préservation de ladite culture, s'il est possible de se désengager des traductions des prédécesseurs, et enfin ce que ce désengagement implique.

MELCHIONNE, FloraDéconstruction du mythe de Raymond Carver comme écrivain non-engagé

Les notions de littérature engagée ou, à l’inverse, non-engagée, traversent le champ des études littéraires. La place de l’auteur, ainsi que le message communiqué à travers son œuvre ont toujours été des thèmes abordés par la critique littéraire. Les nouvelles de Raymond Carver ont souvent été qualifiées de « minimalistes » par des critiques, non-engagées et dépourvues de toute émotion. Cependant, un des buts de l’écrivain du 20e siècle, issu de la « working-class » américaine, était de rendre hommage aux « survivants du quotidien ». Comme Gustave Flaubert l’avait déclaré pour Madame Bovary, Raymond Carver a su montrer que dans les histoires les plus quotidiennes se trouvaient la vraie signification de la vie. En ce sens, l’écrivain n’était-il pas un homme engagé, soucieux d’immortaliser les situations les plus banales de son époque et les personnages les plus triviaux ?

J’ai choisi pour cette communication d’aborder trois nouvelles de Raymond Carver, tirées de son ouvrage Where I’m Calling From, paru en 1989, intitulées « Cathedral », « Fever » et « Where I’m Calling From ». Ces trois nouvelles me semblent pouvoir illustrer d’une part le concept de texte scriptible, inventé par Roland Barthes, posant le lecteur comme engagé dans le processus d’interprétation et de signification du texte. De plus, comme Wolfgang Iser l’avait décrit dans L’Acte de lecture en 1976, le texte est un dialogue entre auteur et lecteur. Je m’intéresserai donc à la dimension performative de ces nouvelles sur le lecteur qui doit être pleinement engagé dans son contrat – ou pacte – de lecture, c’est-à-dire concentré, attentif, sensible et ouvert à ce que le texte peut potentiellement lui offrir, afin d’y déchiffrer les non-dits et, a posteriori, d’en comprendre le message laissé par l’auteur.

Cette communication se propose également d’apporter un angle nouveau à la recherche sur Raymond Carver, sous la thématique de l’engagement, étudiant le concept d’éthique littéraire, grâce à des auteurs tels que Jacques Bouveresse ou Sandra Laugier, qui ont démontré que la littérature était une forme d’éducation pour le lecteur. Le concept d’éthique littéraire se donne pour objectif de trouver dans la littérature des réponses à certaines questions longtemps posées par la philosophie. Le rôle de Raymond Carver comme passeur de tranches de vie le rend, (malgré lui ?), un écrivain engagé.

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Souvent, les textes de Raymond Carver ont été analysés pour leur neutralité, et leurs fins déstabilisantes, c’est pour cette raison que je souhaite aborder une partie de son œuvre sous un autre regard. En m’éloignant de la narratologie et en me centrant sur les relations des personnages entre eux et de la portée des textes sur leur lectorat, en tant que lectrice alerte et engagée, je tenterai de démontrer que ces trois nouvelles remettent en question le statut d’écrivain non-engagé longtemps attribué à Raymond Carver.

MENICUCCI, NoraL’œuvre d'Ernest Hemingway   : entre trauma et engagement

Il s'agit ici d'aborder la littérature d'Ernest Hemingway, illustre auteur américain des années 1920-1940 (Lost Generation), à partir d'une approche que l'on pourrait qualifier de dichotomique entre l' « engagement » et le « trauma ». La formule de « littérature engagée », datant du XXème siècle, renvoie à la démarche de l'auteur qui va, à travers l’œuvre littéraire, défendre une cause, qu'elle soit éthique, politique, sociale ou religieuse. Mais, que présuppose une « littérature engagée » pour l'auteur ? Son engagement prend-il racine dans une expérience traumatique ? Si oui, celle-ci est-elle individuelle ou collective ? Dans le cas d'Hemingway, est-ce son engagement au front italien durant la Première Guerre Mondiale qui l'influence à écrire sur la thématique de la guerre où est-ce celle-ci, en tant qu'expérience collective traumatique, qui inspire une littérature engagée chez Hemingway ? Par ailleurs, la littérature dite engagée, somme toute militante, doit-elle naître d’une initiative émotionnelle ?

Le verbe « engager » ne veut pas seulement dire se lier moralement par une promesse à autrui, mais également à soi-même. L' « engagement », c'est aussi s'entraîner ou être entraîné dans une situation dont un retour semble difficile. Ainsi, la littérature aurait-elle un caractère inaltérable.

Individuel et collectif sont deux notions qui représentent elles-mêmes deux formes d'engagement chez Hemingway. En 1922, après l'expérience traumatique de la Première Guerre mondiale et sur les conseils de Sherwood Anderson, Hemingway s'exile à Paris en compagnie de sa femme, Hadley Richardson, où il évoluera avec certains de ses contemporains dont Gertrude Stein, Ezra Pound ou encore Francis Scott Fitzgerald (A Moveable Feast traite de cette expérience). Hemingway s'installe ensuite à Cuba afin de s'isoler du contexte sociopolitique de l'époque et s’engage dans une démarche individualiste afin de panser ses blessures. Mais, rapidement, l'expérience collective du fascisme l'incite à reprendre part au monde et à s'engager dans la guerre civile espagnole, durant laquelle il écrira son roman From Whom The Bell Tolls, un engagement qui inspire d'autres écrivains tels que Georges Orwell dans Homage to Catalonia ou encore Claude Simon dans Le Palace.

De surcroît, ses nouvelles telles que Hills Like White Elephants, The Sea Change ou encore ses romans comme A Farewell to Arms ou The Garden of Eden témoignent d'une exploitation quasi récurrente de la thématique de la femme, des féminités voire de la bisexualité et du lesbianisme. Pour autant peut-on parler de littérature engagée envers les causes militantes corollaires à ces thématiques ou, est-ce encore ici une façon d’exorciser une expérience traumatique de l'auteur face à l'avortement de sa mère, figure castratrice, et d'une masculinité anxieuse et mise en question ?

Chez Hemingway, la littérature n'est-elle pas finalement une dialectique entre lieu de résilience et de catharsis et lieu d'engagement, de revendication et de dénonciation ?

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OLIVIERO, ValentineL’engagement de l’explorateur   : fiction et influence

Pourquoi « s’engager » ? Ce verbe, venant du grec « krinein » qui signifie choisir, fait référence à une décision personnelle, née de nos convictions. Nous pouvons décider, par exemple, d’emprunter telle ou telle voie, en toute connaissance de cause. En faisant appel à nos capacités de raisonnement, nous faisons un choix à un moment donné de notre existence, nous prenons position pour des questions politiques, sociales ou encore économiques, même s’il peut également s’agir d’un acte imposé par des instances supérieures. S’engager peut aussi évoquer une idée d’opposition, lorsque par exemple, nous choisissons d’aller à l’encontre d’un courant de pensée répandu. Mais le terme peut également faire référence à l’établissement d’un contrat entre un individu et une institution, ou encore entre deux hommes, sous-entendant une idée d’obligation, mais également de création d’un lien tacite.

Ce sont toutes ces définitions à la fois qui décrivent l’engagement d’Henry Morton Stanley (de son vrai nom John Rowlands). Journaliste, écrivain et explorateur britannique, il était un homme « engagé » ayant choisi de répondre aux demandes de ceux qui l’employaient. Il a joué un rôle majeur dans la découverte du continent africain au XIXème siècle, apportant ses connaissances du terrain à ceux qui en exprimaient le besoin. Stanley s’était engagé dans la voie du colonialisme, par sa fonction tout autant que par ses croyances et ses envies. Célèbre figure de son époque, ses ouvrages bénéficiaient d’un écho favorable, moyen efficace d’instruire les populations européennes sur la réalité des colonies. Les journaux et récits d’aventures de Stanley décrivaient un exotisme africain auquel les métropoles adhéraient, donnant finalement à leur auteur un rôle, celui d’enseigner et d’offrir une forme de divertissement culturel à ses contemporains.

Toutefois, c’est avec My Kalulu : Prince, King and Slave, A Story of Central Africa (1871) que toute la complexité de ce personnage se révèle, nous montrant un homme engagé contre l’esclavagisme, au sens cette fois où il s’opposait à une idéologie pourtant répandue à son époque. C’est au travers de son unique œuvre de fiction, clairement adressée aux jeunes hommes victoriens, qu’il questionne les rapports de domination existants. Faisant usage d’un support très apprécié à l’époque où les récits tels que les Mille et Une Nuits étaient encore à la mode, Stanley fait preuve de clairvoyance en mettant à profit l’importance du livre et de son pouvoir cathartique. Dès lors, nous sommes en droit de nous demander quelle était réellement la portée du discours d’Henry Morton Stanley à une époque de conquête et d’hégémonie culturelle auxquelles il avait pourtant lui-même participé.

Définir clairement l’homme afin de mieux comprendre son influence éventuelle consistera notre premier temps d’analyse. Il nous faudra néanmoins par la suite évoquer les raisons poussant Stanley à « s’engager » dans cette voie, une forme d’ambiguïté semblant s’échapper de son écriture. In fine, il s’agit pour le chercheur de voir comment et dans quelle mesure les engagements politiques, sociaux ou artistiques ont pu évoluer, influencés par une forme de sexualité.

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ROSELIER, FloraPhyllis Schlafly ou cinquante ans dans l’engagement antiféministe

L’engagement est une notion complexe qui contient de nombreuses facettes. Elle fait référence à une prise de position que ce soit pour ou contre, à des actions entreprises, à des accords visant à une sorte de contrat, ou encore à des combats. La polyvalence rattachée à cette notion, lui donne la possibilité d’être examinée dans de nombreux contextes très divergents.

Dans les années 1970 aux Etats-Unis, le mouvement féministe prend une importance croissante. Certaines figures émergent pour dénoncer ce mouvement comme Phyllis Schafly. Avocate conservatrice attachée aux valeurs traditionnelles et chrétiennes des Etats-Unis, elle se fait remarquer par la véhémence de son discours et sa persévérance. Le combat pour la préservation de ces valeurs qu’elle a mené depuis plus de cinquante ans a fait de Phyllis Schlafly la figure de proue de l’antiféminisme. L’engagement de Phyllis Schlafly est multiple. Il est défini par sa lutte et son activisme contre le féminisme, ainsi que par la défense sans relâche des mêmes idées pendant plus d’un demi-siècle. Un autre aspect contradictoire de l’engagement de Phyllis Schlafly consiste en son propre désengagement dans son idéal féminin. Phyllis Schlafly apparait comme une figure militante et opiniâtre, tout en étant détachée elle-même de sa propre cause.

La lutte est une notion qui demeure au cœur de l’engagement. Parvenir à rallier une partie des compatriotes à une cause, à travers diverses actions permet d’obtenir une dimension globale. Ainsi, une lutte individuelle devient un combat collectif. L’engagement se reflète dans la capacité à convaincre et dans le pouvoir d’inspirer.

La persistance constitue un autre aspect de l’engagement. Les convictions profondes permettent de poursuivre de longs combats centrés sur des buts identiques, et ce, sur des années. Employer constamment une même rhétorique et un même discours apporte de la force et une sorte de légitimité aux idées défendues. Cette persévérance donne tout son poids à l’activisme.

Il n’est pas impossible que certains individus adoptent des positions personnelles paradoxales vis-à-vis d’un mouvement de groupe. La personne ne s’engage pas à incarner un rôle modèle, mais adhère à un idéal qui n’est pas appliqué à soi. Phyllis Schlafly promeut une vision féminine domestique tandis qu’elle-même investit la sphère publique. Elle caractérise ainsi l’antithèse de sa définition du rôle traditionnel féminin.

Malgré son paradoxe, Phyllis Schlafly, par l’opiniâtreté de son combat mené avec constance sur plus d’un demi-siècle, peut être considérée comme une figure représentative de l’engagement.

SALLES, JessicaLa photographie   : un acte d’engagement pour la vérité ou d’une vérité

Une photographie n’est pas innée, elle est dûe à un processus de création car « you don’t take a photograph, you make it » (Ansel Adam). Lorsqu’une photographie est réalisée, elle dépend forcément de son photographe. Le rôle du photographe est alors de représenter ce qu’il se passe, il s’engage à refléter la réalité à travers cette photographie. Néanmoins, cette représentation est le résultat d’un point de vue particulier. Le photographe choisit-il la subjectivité ? Le clic de l’appareil capture un instant d’un moment en mouvement, mais devient le résumé de cet évènement, comme

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l’explique Roland Barthes : « ce que la photographie reproduit à l'infini n'a lieu qu'une fois ». La photographie prend-elle en charge de raconter ce qui s’est passé, ou est-ce que l’œil du photographe, mais aussi de celui qui regarde, compromet et change le sens d’origine de la photographie. Est-ce que prendre une photographie revient à s’engager à dire la vérité ? Peut-on avoir confiance en ce que l’on voit, en ce qui nous est montré, ou avons-nous besoin de plus de retrait ?

Une photographie engage la participation d’un observateur : il y a une sorte de contrat entre l’objet vu et le sujet qui voit car, comme le dit Ansel Adams, « il y a deux personnes dans une image : le photographe et le spectateur ». Selon Berenice Abbott, une photographie « helps people to see » ; regarder une photographie demande à une personne d’exercer un de ses sens, sa capacité visuelle. Dès lors, une photographie présume l’engagement intellectuel de son observateur, mais tout le monde n’est pas forcément inclus dans ce processus.Une photographie soulève donc un engagement plus profond que la simple pratique d’une compétence visuelle. Regarder une photographie, c’est rendre compte de son existence. Peut-on se désengager d’une photographie après l’avoir vu ? Est-ce que ne pas regarder une photographie traduit un non-engagement ? Une photographie peut-elle être une expérience personnelle ou collective ? Peut-on se désengager d’une participation à une photographie ?Bien que la photographie soit un matériel figé à partir du moment où elle a été prise, son utilisation est malléable. Par conséquent, l’engagement de la photographie, sa nature, son but est détourné. D’après Arnold Newman, « it is not real at all. It is an illusion of reality with which we create our own private world ». La photographie est manipulée lorsqu’elle est reproduite mais aussi lorsqu’elle devient source d’inspiration et que le spectateur est redirigé. Il se crée alors des vérités pour une photographie. Quand la photographie ne s’engage plus à montrer mais à dire, alors silencieusement le « whole point of taking pictures is so that you don’t have to explain things with words ».

Cette contribution a pour but de rappeler que voir n’engage pas nécessairement à croire. Ainsi, voir n’est pas savoir. Une photographie ne montre pas tout et surtout n’équivaut pas à la vérité car, comme le déclare Diane Arbus, « a photograph is a secret about a secret. The more it tells you the less you know ». On remettra en cause l’utilisation de photographies comme miroir de la réalité, comme un engagement pour dire ce qui est.

SANTOS-SILVA, Ana-CatharinaErasure and the Commitment of Writers and Readers as a Means of Interpreting the Role of Readerly and Writerly Texts

Commitment is about a compromise between people or institutions based upon agreement and feedback. This notion finds a perfect field for its roots in literature: although a novel is a document whose words may not change throughout time, the understanding of its meaning is a process which depends on those who may read it. Not only is the multiplicity of approaches to be unveiled in a story infinite, but it is also profoundly connected to the commitment of the reader in taking part in this process of interpretation.

A commitment does not only take place as a sort of contract between the reader and the published text, but also between the reader and the author during the composition of this text. The construction of a novel, for example, is conditioned by what the author thinks the reader's position will be before it is even concluded. Hence, commitment is an essential cornerstone in the essence

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of a text: it is taken into consideration before, during and after a piece of literary work is created. It is important to assert that this commitment between reader and writer, and between reader and text, keeps its importance throughout time, confronted to the countless possible readers of a piece of literary work.

How far should one become committed in the reading of the novel so as to analyze its different layers in all their depth? In Percival Everett's Erasure, commitment is an issue in both Monk's conflict - commitment to a rather readerly or writerly creation - and in the proposal transferred to the reader. In the novel, the reader - according to a Barthesian interpretation that gives foundation to the novel - gains as much importance as the writer due to the importance of the commitment between him/her and the interpretation of the text.

Because of the several possibilities of interpretation of Erasure, other matters such as racial determination have been discussed by researchers such as Michel Feith and Brian Yost. Although the initial goal is to discuss the importance of commitment between reader and writer, race is an important part of the novel that illustrates very well the importance of commitment in conventions that are adopted in our society - as it is this same commitment between citizens that allows the existence of common references such as those related to ethnicity. Therefore, commitment functions as a social contract that allows citizens and readers to reconsider pre-established ideas through the same kind of discussion offered by Erasure.

SERVINO, MarineLes formes d’engagement dans le processus de codification de la langue anglaise   : les cas du dictionnaire de Dr Johnson et de l’Oxford English Dictionary

Le thème retenu pour le prochain Congrès de la SAES qui se tiendra à l’Université de Toulon est l’Engagement. Cette présentation se donne pour objectif d’explorer la nature et l’expression de l’engagement dans l’entreprise d’un projet visant à codifier la langue anglaise. William Hutchinson Murray, auteur et alpiniste écossais, affirmait en 1951, « Until one is committed, there is hesitancy, the chance to draw back, always ineffectiveness. Concerning all acts of initiative and creation, there is one elementary truth the ignorance of which kills countless ideas and splendid plans: that the moment one definitely commits oneself, then providence moves too ». L’engagement semble donc être un élément essentiel dans l’accomplissement d’un projet. Néanmoins, cette notion se décline sous de multiples facettes ; « s’engager » peut être synonyme d’entreprendre, de promettre ou bien de se lier par contrat. On peut alors se demander si la réussite d’un projet nécessite d’être contractuellement lié, en d’autres termes de se savoir dans l’obligation d’honorer ses engagements, ou bien alors si les facteurs de motivation et d’intérêt suffisent à mener à terme un projet. Mais le fait de contracter un engagement est-il un antidote contre le renoncement, contre le désir d’abandonner l’initiative dans laquelle on s’était impliqués ? Enfin, on s’intéressera aux notions d’engagement individuel et collectif afin d’interroger leur effectivité et leurs impacts dans la mise à bien d’un projet.

On tentera de répondre à ces questions en prenant pour appui des projets menés dans le cadre du processus de codification de la langue anglaise. Nous pourrons nous intéresser plus particulièrement au cas de Samuel Johnson, qui en rédigeant à lui seul The Dictionary of the English Language, l'équivalent, pour la langue anglaise, du Dictionnaire de l'Académie française, a réalisé l’un des plus grands exploits individuels. Son parcours nous permettra d’illustrer certaines notions au cœur de celle de l’engagement telles que la prise en charge d’un projet, la prise de

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décisions, la subjectivité, l’obligation ou encore le désir de désengagement. Enfin, on s’attachera à montrer que les projets élaborés afin de codifier la langue anglaise peuvent aussi bien relever d’un engagement collectif et nous démontrerons ceci en abordant certains points de la création de l’Oxford English Dictionary.

SIMON, NathalieFéminisme et émancipation ouvrière   : l'engagement social des militantes de Lowell

La notion d'engagement renvoie à de multiples significations telles que l’acte ou l’action d’engager quelque chose, ou de s’engager à accomplir quelque chose. C’est également le résultat de cette action. Dans la vie de la société, l’engagement d’un individu est l’attitude qui consiste à prendre parti par son action et ses discours sur des questions politiques, culturelles ou sociales. De plus, l’engagement peut prendre des formes de revendication sous forme écrite ou orale. Dans le domaine de la civilisation américaine, il sera intéressant d'explorer ce thème à travers une étude sur les femmes et les mouvements ouvriers qui ont frappé la Nouvelle-Angleterre au XIXe siècle. Pour quoi (ou contre quoi) les ouvrières s'engagent-elles ? Comment leur volonté d'engagement est-elle née ? En quoi la dynamique communautaire participe-t-elle à l'émergence de cet engagement ? Sous quelles formes l’engagement se traduit-il pour éveiller les consciences ? Quels en sont les enjeux ?

À Lowell, et ailleurs, la dégradation de leurs conditions de travail, engendrée par la course au profit menée par leurs employeurs et la baisse de leurs salaires, ont motivé certaines ouvrières à s'engager dans la lutte contre l'exploitation des travailleurs. L’engagement précoce de certaines a permis d’encourager et donner l’envie à d’autres de faire valoir leurs droits en tant que femmes. Cependant, il est important de noter le non-engagement de la plupart des mères travaillant dans ces usines, qui ne souhaitaient pas risquer de perdre leurs emplois afin de pouvoir continuer à subvenir aux besoins de leurs familles.

Cet engagement social, notamment lors de leur long combat pour la journée de dix heures, doit son essor à ce lien étroit, fraternel, qui existe entre ces femmes. Leur volonté de tenter de renverser l'organisation de la société et d'imposer leurs idéaux est combinée à une dynamique communautaire. Ce sentiment d'appartenance à une communauté a contribué à l'émergence du premier syndicat des ouvrières, the Lowell Female Labor Reform Association en 1844. Les syndicats ont permis non seulement aux ouvriers de faire face à leurs employeurs, mais ont également favorisé la communication entres les ouvriers de différentes origines, les poussant à s’engager main dans la main pour les mêmes causes.

N'a pas tardé à s’engager un combat en faveur de l'amélioration de leur situation socio-économique comme par exemple pour la liberté d'expression, l'égalité des sexes, les effets des conditions de travail sur la santé, la répartition des revenus et du niveau de vie…leur but étant d'accéder à des conditions de travail plus dignes ainsi qu'à une rémunération décente.

Cette communication se propose de revenir sur les différentes formes d’engagement de ces femmes. On trouve de multiples références à ces mouvements dans les journaux intimes et les correspondances des premières ouvrières. Pour répondre aux questions énumérées, on s’inspirera notamment de traces écrites qui nous sont parvenues dans The Lowell Offering ou dans The Voice of Industry.

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STRICOF, MichaelDe la théorie à la réalisation   : les États-Unis ne s’engagent pas pour la paix

Comment un pays s’engage-t-il dans un projet politique quand il n’y a pas de crise ? L’idée de l’engagement évoque une cohérence d’action, un dévouement à un idéal qui n’est possible pour une grande entité politique que face à une crise spécifique. Un individu peut s’engager pour un seul but et se dédier à sa réalisation même en période de calme, mais la direction d’un gouvernement démocratique consiste à trouver l’équilibre entre le compromis et la concurrence de l’ensemble des intérêts. Cette communication s’intéresse à la transformation d’une promesse politique et une proposition pour laquelle certains acteurs militèrent, dont la réalisation fut pitoyable.

La période immédiatement après la fin de la Guerre Froide était définie par l’absence de direction évidente. L’opportunité de réinventer la position des États-Unis dans le monde fut accompagnée par l’inquiétude de ne pas avoir un projet politique ou un ennemi qui guidait les décisions comme auparavant : un groupe de chercheurs en fit la base d’une nouvelle version de l’économie américaine et de ses relations avec le monde. Un engagement politique fut demandé et ensuite promis par Bill Clinton pour reconvertir une partie du complexe militaro-industriel américain afin de parvenir à un nouvel ordre qui répondrait à la paix nouvellement retrouvée. Cependant, la reconversion ne fut réalisée que de manière minuscule et d’autres priorités remplacèrent la promesse du dividende de la paix.

La faillite de la reconversion n’est pas un exemple de non-engagement dans le sens de neutralité. Elle est l’histoire du passage de l’idée à sa réalisation dans une démocratie. Créer un dividende de la paix par la reconversion avait suscité un intérêt : des promesses politiques furent faites, et les chercheurs et les communautés locales apportèrent leur soutien. Mais cette opportunité importante à transformer le complexe militaro-industriel des États-Unis fut perdue puisque le gouvernement ne put pas s’engager ou se dédier totalement à cet objectif. Cette histoire révèle la complexité de la réalité politique et pose la question de la possibilité de l’engagement dans les périodes de paix.

THIRRIARD, MaryamLe désengagement comme prérequis à la créativité   : le cas de Virginia Woolf

Nous proposons d’exposer les vertus créatrices du désengagement. Se désengager revient à se libérer d’un engagement ; se dégager. Ici, nous entendrons par ‘désengagement’ la décision, à un moment donné, de quitter les voies toutes tracées par un discours culturel dominant pour explorer des nouvelles pistes et des approches innovantes. Nous voulons démontrer que la libération issue du désengagement ouvre la voie à de nouvelles visions et pratiques inédites. Pour cela, nous proposons d’étudier le parcours de Virginia Woolf. C’est un écrivain qui est traditionnellement considéré comme engagé (engagement féministe, pacifiste, littéraire et intellectuel). Cependant, nous pouvons également partir du constat que Virginia Woolf a fait preuve du désengagement le plus total en décidant de mettre fin à ses jours en 1941. Cette considération est le point de départ à une réflexion qui nous invitera à considérer Virginia Woolf, cette fois-ci, comme figure de désengagement.

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Virginia Woolf a vécu en retrait, évoluant dans le cercle fermé du Bloomsbury Group, à l’abri des pressions inhibitrices de la société victorienne et non soumise au diktat des éditeurs puisqu’elle possédait sa propre maison d’édition, The Hogarth Press. Ce retrait a permis la liberté nécessaire à la créativité, au foisonnement artistique et intellectuel connu à ce groupe moderniste.Le cas spécifique de ses écrits (auto-)biographiques illustre bien cette capacité que Virginia Woolf a eue à se dégager de l’obligation de respecter les normes et schémas érigés par ses prédécesseurs, en l’occurrence par son père et éducateur, le grand biographe Leslie Stephen, éditeur du Dictionary of National Biography. Nous étudierons les retombées de ce choix en termes de création théorique mais également artistique en faisant référence à son essai The New Biography, ainsi qu’à son roman Orlando : A Biography.

Orlando peut, lui-même, être étudié du point de vue du désengagement depuis sa conception jusqu’à sa narration. Ce roman s’inspire de la relation amoureuse que Virginia Woolf entretient avec Vita Sackville-West et dont il se veut la biographie. Pour vivre cette relation, il a pourtant fallu savoir se dégager du cercle de Bloomsbury qui rejetait Sackville-West et qui désapprouvait leur relation. A présent, nous reconnaissons le caractère créatif des échanges littéraires de cette relation qui inspirait aussi bien Woolf que Sackville-West. Le retrait est un thème récurrent dans cet œuvre, jouant un rôle moteur dans l’évolution du personnage principal. Par ailleurs, Orlando rompt avec la forme traditionnelle du roman et son genre est indéfinissable. Au final, il en a résulté une créativité littéraire exceptionnelle.

Ceci peut nous amener à réfléchir à notre propre créativité et à la nécessité de savoir se dégager, épisodiquement, des discours dominants pour pouvoir, à notre tour, penser des concepts innovants et faire avancer notre recherche.

TRACOL, JulianeForce et limites de l’engagement à travers une structure non-canonique   : les inversions

La notion d’engagement peut se traduire par différents moyens d’expression, qu’ils soient physiques ou verbaux, eux-mêmes déclinables en plusieurs sous-catégories. Les études linguistiques ont maintes fois démontré par le passé que l’acte de parole ou d’écriture n’est pas anodin et qu’à travers un choix de mots et de constructions, le locuteur essaie de transmettre un message précis, et ainsi donc toujours teinté d’une certaine forme d’implication. L’on notera que l’acte de non-parole peut également être porteur d’engagement, comme peut l’illustrer le proverbe « silence means consent ». Mais nous nous intéresserons ici au discours, et plus particulièrement à sa partie syntaxique.

La syntaxe anglaise n’est pas figée et laisse donc la place à une toute une série de réorganisations de l’énoncé, qui peuvent ainsi véhiculer différents degrés d’implication et d’engagement de la part du locuteur. Ces réorganisations peuvent être de différentes natures et impliquer divers composants de la phrase. Nous nous focaliserons ici sur les inversions et évoquerons donc à la fois les inversions lexicales et les inversions grammaticales, déterminerons le poids de l’engagement qu’elles portent en elles et si l’on peut parler d’un continuum de l’engagement, qui varierait en fonction de la nature de l’inversion.

Nous accorderons une attention toute particulière aux inversions sujet-auxiliaire, principalement utilisées dans les propositions à visée interrogative comme les questions et les tags. En effet, dans ces cas-là, l’acte d’engagement n’est plus lié qu’au locuteur, mais englobe également

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la sphère de l’interlocuteur qui, non seulement par la forme de sa réponse, mais aussi par le simple fait de répondre, s’implique personnellement.

Nous nous attacherons aussi à démontrer que l’inversion peut être également contrainte par le fonctionnement de la langue, ou du moins résulter d’un choix antérieur dans le discours d’utiliser telle ou telle structure, et ainsi, par souci de cohésion, l’inversion se retrouve donc d’une certaine manière contrainte et dépendante d’un engagement préalable du locuteur, ce qui limite grandement la force de son implication à ce moment-là de son discours.

Nous verrons donc à travers quelques exemples choisis et précis comment la syntaxe anglaise peut rendre compte, par l’utilisation d’un agencement non-canonique, d’une certaine forme et d’un certain degré d’engagement du locuteur, ainsi que des limites auxquelles il est soumis, et comment ce dernier peut pousser son interlocuteur à s’engager aussi.

WALSH, BenjaminLe sport et la première Guerre Mondiale : entre engagement sans faille et désengagement salvateur

L’engagement est communément définit comme une action émanant d’un individu, mais l’engagement a aussi une connotation collective, martiale et sportive. En effet, un parallèle peut être établi entre les deux parties. L’athlète s’engage pour son pays et pour triompher de ses adversaires ; le soldat s’engage lui aussi pour sa patrie afin de donner la victoire à son pays. De manière intéressante, le terme « engagement » est utilisé pour nommer le début d’une partie dans la plupart des sports. Le lien étroit qui lie donc le sport et la guerre est intéressant à développer. Ainsi, quel a été l’engagement du sport et des sportifs dans la première Guerre mondiale ? Et ne peut-on pas parler aussi du sport comme valeur de désengagement dans ce conflit ?

Dans les années précédant le conflit, le sport avait pris de plus en plus de place dans la société victorienne. L’idée de masculinité était intimement liée au sport et à toutes les valeurs que celui-ci véhiculait. S’engager dans un sport permettait d’être considéré comme un homme à part entière, fort et viril. C’est donc sans surprise, que lors de la déclaration de guerre des milliers de sportifs s’engagèrent dans l’armée pour aller combattre l’ennemi, preuve de leur virilité. Comme certains aimaient à le répéter, la guerre était une sorte de prolongement suprême de leurs pratiques sportives, « the greater game ». On ne saurait limiter l’apport des forces armées aux seuls sportifs, mais ces derniers ont joué un rôle prépondérant dans les batailles, mettant en pratique les valeurs acquises dans leurs sports respectifs. Ainsi, des clubs entiers ont été décimés pendant le conflit, de grands champions sont tombés au combat. De plus, au-delà de l’engagement individuel, les états-majors de l’armée ont utilisé le sport comme moyen de lutte contre le déclin physique et moral. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la pratique du sport fut introduite dans le conflit par les troupes anglophones, ayant une culture sportive plus développée. On a ainsi l’exemple de la YMCA essayant d’imposer ses valeurs ; les sports entraient en compétition pour savoir lequel serait le plus influant à la fois sur le front, dans l’effort de guerre et à la maison. Néanmoins, on trouve aussi des exemples d’utilisation du sport en tant que désengagement dans le conflit, car, au niveau individuel, le soldat pratiquait le sport plus pour combattre l’ennui et échapper aux horreurs de la guerre que pour rester en forme.

Cette communication s’attache à analyser le lien fort et étroit entre le sport et l’engagement en prenant l’exemple de la première Guerre mondiale. Durant ce conflit la similitude entre le sport

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et l’engagement fut à son paroxysme. Les différents exemples cités vont démontrer cet attachement, mais aussi le désengagement de certains soldats qui considéraient le sport comme un moyen de s’évader, d’oublier l’horreur des tranchées.

Livret des propositions réalisé par le comité d'organisation des LERMAstériales 2015, DALLINGES Julie et SALLES Jessica.

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