Extrait de la publication...terais de porter l'uniforme allemand, quitte à ce que l'on me montre du...
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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous pays, y compris l'U.R.S.S.
@ 1962, Editions Gallimard.
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PRÉFACE
Lorsque France-Soir et l'Air du Temps m'ont demandéde prendre contact avec Sylvie Paul, pour ses Mémoires,je ne l'avais jamais vue. Tout ce que j'imaginais d'elle,c'était ce regard profond, dur comme l'acier, essentielle-ment tragique, qui arrivait à vous pénétrer même à tra-vers les mauvaises photos des journaux. C'était sansdoute à cause de ce regard que le banal f ait divers dusordide Hôtel de la rue Neuve du Théâtre, la mort de
Jeanne Péron, était devenu une des plus retentissantesaffaires d'Assises de notre temps. A cause de ce regard,
Sylvie Paul, poussée dans la misère, convertie à la révoltedans les bagnes d'enfants, nageant à pleines brassées
dans la chaudière bouillante de la guerre, des camps deconcentration, de Berlin en ruine, fascinait tous ceux
qui l'approchaient. A cause de ce regard, Sylvie Paulavait inspiré trois ou quatre romanciers.
Après un échange de correspondance, elle me donnarendez-vous à Sète.
Au début d'un après-midi de printemps, je me rendis à
l'adresse indiquée. Un peu étonné, je trouvai un temple
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protestant. Le temple était fermé, la concierge incapablede me renseigner. Il n'y avait que des garçons et des jeu-nes filles d'un patronage, qui venaient se réunir dans unedépendance du temple. Je m'assis sur l'unique banc de lacour et j'attendis en me chauffant au soleil. Le journa-lisme, c'est, surtout, être capable d'attendre.
Puis il y eut un émissaire un peu mystérieux, me priantde patienter. Enfin, au bout d'une heure, une voiture dé-posa une petite f emme insignifiante. C'était Sylvie Paul.Elle avait très peur d'être reconnue. Elle prenait, et prendencore, toutes sortes de précautions pour préserver sonincognito. Mais je voyais une silhouette grise, à talonsplats, une vieille serviette de cuir à la main.
Il y avait quelque chose d'étrange dans sa toilette. Jeme rendis compte, au bout d'un moment, de ce que
c'était. Elle était vêtue à la mode d'il y a dix ans. Elle
portait les vêtements qu'elle avait dû laisser au greffe, en
entrant en prison un tailleur gris bleu aux épaules car-rées, exagérément pincé à la taille.
Nous sommes allés dans un café. Nous nous sommes
assis tout au fond. Sylvie Paul a commencé à parler. Elleavait ouvert sa serviette qui était bourrée de cahiers ma-
nuscrits, de vieilles lettres, de photos, de paperasses admi-
nistratives et judiciaires, de listes de déportés. Etaient-cedes preuves, de simples souvenirs ? Plutôt des épaves de
papier, incompréhensibles pour qui serait tombé dessussans connaître toute l'histoire.
Sylvie Paul parlait. Elle parlait en f umant des cigaret-tes, sans même toucher au verre qui lui avait été servi.
Préface
Oit aura peut-être de la peine à me croire, mais j'affirmequ'elle a parlé pendant trois heures, avant que je puisselui dire à mon tour ce que nous souhaitions d'elle et
pourquoi j'étais venu la voir, de si loin.
Pendant ces trois heures, elle a parlé de ses enfants, dusupplice qu'on lui in fligeait en les lui arrachant. Et puis,sans que je le lui demande je le répète, je n'arrivaispas à placer un mot, elle s'est mise à raconter la mortde Jeanne Péron. Lentement, sans que le moindre détailf ût omis, se déroulait ce cauchemar que je ne me permet-trai pas de qualifier: crime, geste de colère, accident. Toutdé filait comme si la mémoire était un disque implacable:
le coup, la chute de Jeanne Péron, l'effroi, les allées etvenues ramenant toujours à la chambre où gisait le corpsdont on attend l'impossible résurrection. Et puis la cave,et ce sarcophage dans lequel lut emmurée la victime.
Une voix lente, monotone, un peu blanche, infatigable,donnait à ce récit une implacable nécessité, comme sic'était le fil même du destin qui se déroulait. Le café était
f roid depuis longtemps dans la tasse et nous n'avionsplus de cigarettes.
Cette première rencontre me fit penser que le meilleurmoyen de recueillir les souvenirs de Sylvie Paul était delui demander de parler devant un magnétophone. C'estdonc ainsi que nous avons travaillé.
Nous avons enregistré pendant des jours et des jours.A mesure, je découvrais Sylvie Paul. Je ne me mêleraipas de f aire son portrait. Mais je veux dire quand mêmeque, pas une seconde, on ne peut croire que cette femme
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soit mauvaise. Au contraire, elle me semble caractérisée
par un besoin un peu désordonné d'altruisme, de dévoue-ment, de foi, qui l'a jetée dans la plupart de ses aven-tures. Une vitalité que n'ont pas brisée des années deprisons et de camps, une imagination toujours prête às'enflammer, mais souvent naïve. Un peu plus de discer-nement, une meilleure direction au départ, et sa vie n'eût
pas été gâchée. Mais son histoire est exemplaire, juste.ment parce qu'elle montre qu'avec toutes ces qualités,si le milieu n'est pas favorable, on est perdu. Le destinde Sylvie Paul s'est forgé à jamais dans son enfance, chezsa mère qui la battait et l'envoyait voler, dans les bagnesd'en f ants où elle a été poussée à la révolte.
Devant le magnétophone, je l'ai vue revivre sa vie, etdécouvrir peut-être les raisons de ses malheurs. Parfois,
les larmes l'interrompaient. Elle oubliait l'appareil avecsa petite lampe allumée, le micro. Elle parlait pour elle.Et quand la bande était arrivée au bout, elle continuait
à parler.
Nous avons fini par arriver ainsi à vingt heures d'en-registrement. Une f ois transcrites ces vingt heures debande, nous nous sommes trouvés devant une pile de sixcents f euillets dactylographiés 15.000 lignes, 900.000signes Ensemble, nous avons coupé pour arriver à celivre-ci, aux dimensions raisonnables. Ce n'est pas une
œuvre littéraire. Mais j'ai l'impression que la voix deSylvie Paul, telle que je l'ai entendue, des jours et desjours, est passée dans ces pages.
On n'a qu'une vie. Voici ce que les circonstances et la
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Préface
société ont f ait d'une de ces vies, unique, ineffaçable,impossible à recommencer un désastre complet. Etpourtant, Sylvie Paul est encore capable d'espoir, de foi,et même d'une certaine joie. En quoi, très sincèrement,
je l'admire.Roger Grenier
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Une famille alsacienne
Mes grands-parents paternels étaient de souche alsa-cienne. Issus d'une famille bourgeoise, ils appartenaientà cette élite alsacienne qui, sans ostentation, sans ce chau-vinisme qui n'est, au fond, qu'une forme de racisme,avait en elle l'amour de la patrie.
Mes grands-parents étaient des gens extrêmementvivants. Ils s'intéressaient à tous les problèmes. Ils res-pectaient les convictions de tous. Ils avaient un grandrespect de la vie d'autrui. Ils croyaient en l'homme.
Après la défaite de 1870, mes grands-parents décidè-rent de rester en Alsace. A ce moment, ils n'étaient quefiancés; ils se marièrent et eurent deux fils Frédéric et
Sylvestre, qui devait être mon père.Comme tous les Alsaciens, mes grands-parents avaient
cru que l'occupation serait de courte durée. Ils nesavaient trop comment, mais avaient cet espoir en eux.
Et les ans s'ajoutèrent aux ans. Presque arrivés' en find'année, on se disait « Ce sera pour l'année pro-chaine. » Les années passèrent ainsi et mon oncle fut
en âge d'être soldat allemand. Il ne voulait pas. Non
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parce qu'il avait une haine de l'Allemagne, mais parcequ'il avait été élevé dans un état d'esprit où prédomi-naient la culture française et un grand amour de laFrance.
Ma grand-mère avait pensé que c'était peut-être parorgueil qu'il refusait de porter l'uniforme allemand;
peut-être parce qu'il craignait qu'on dise « Ah Frédé-ric Paul, qui parle si bien, lorsque le moment est venu,il fait comme d'autres, il est lâche. »
Mon oncle Frédéric avait répondu à ma grand-mèreNon, ce n'est pas ça, il n'y a pas de vanité en moi.
Si cela devait être utile à des jeunes de mon âge, j'accep-terais de porter l'uniforme allemand, quitte à ce que l'onme montre du doigt. Peu importe ce que l'on pense, dèsl'instant où j'obéis à ma conscience.
Mais il envisageait qu'il pouvait y avoir une guerre etqu'en ce cas, il aurait été contraint de lutter contre lesFrançais. Alors, il refusa de se rendre à la caserne lors-
qu'il reçut la sommation. Il écrivit au commandant de
la place en lui énonçant les motifs de son refus, puis il seréfugia chez des amis de mes grands-parents. Il avait
tenté de passer la frontière, mais comme beaucoup depasseurs avaient été dénoncés, ils étaient devenus trèsméfiants et n'avaient pas voulu le faire traverser.
Un jour enfin, mon oncle fut dénoncé et arrêté par unofficier de gendarmerie allemand. Des Alsaciennes sui-
virent à distance pour dire à mes grands-parents où l'onavait emmené leur fils.
En franchissant un pont, mon oncle qui savait ce qu'ilallait subir, a attrapé l'Allemand à bras le corps et l'a
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Une famille alsacienne
précipité par-dessus le pont. L'Allemand ne savait pasnager; il s'est noyé. Un Alsacien, des Alsaciennes, se
sont groupés pour faire obstacle à ceux qui se lançaientà la poursuite de mon oncle, tandis que d'autresessayaient de repêcher le gendarme. Ils ont emmené mon
oncle chez des amis, qui l'ont hébergé, passé de maison enmaison, de main en main, car il y avait beaucoup devisites domiciliaires.
Blessé, laissant des traces de sang dans la neige, Fré-déric réussit à franchir la frontière. Il s'écroula dans la
neige et y resta des heures, sans connaissance. Quand ila été trouvé, on l'a emmené à l'hôpital. La blessure
n'était rien, mais il avait contracté une pneumonie dou-ble. Il devait d'ailleurs mourir tuberculeux quelquesannées plus tard des suites de cette pneumonie.
Lorsqu'il est arrivé en France,il était un fils de
famille bourgeoise, l'intellectuel, le musicien, qui s'ap-prête à exercer une profession libérale. On le fêtaitcomme un héros. On lui offrait des bouquets tricolores.
Selon qu'on se trouve d'un côté de la barricade ou del'autre, pour les uns, on est un meurtrier, pour les autres,un héros. Ceci le déroutait un peu, parce que c'était unhomme qui ne recherchait pas la gloriole. Les premierstemps, il avait accepté ces hommages en pensant qu'àtravers lui, ils s'adressaient à l'Alsace. Mais quand il acompris que c'était l'homme qu'on adulait et qu'onessayait de l'exhiber comme un singe savant, ce fut untrès gros choc pour lui. Ensuite, il connut les difficultés
que rencontraient les Alsaciens, et principalement ceuxqui arrivaient avec des diplômes. Ceux qui exerçaient
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des métiers manuels trouvaient plus facilement à secaser, mais dans le cas de mon oncle, c'était très difficile,parce que les diplômes obtenus en Alsace, à l'Universitéde Strasbourg, étaient considérés comme diplômes alle-mands. Et pour pouvoir exercer une profession, selon sesaspirations, il lui aurait fallu recommencer des étudesen France. Or, étant donné la façon dont il avait réussi
à franchir la frontière, il avait naturellement peu d'ar-gent. Les communications n'étaient pas ce qu'elles sontmaintenant, et mes grands-parents ne pouvaient lui faireparvenir d'argent. Pour ne pas risquer que mes grands-parents soient arrêtés ou aient des difficultés si l'ontrouvait une lettre qui prouve qu'ils étaient au courant
et qu'ils restaient en relation avec leur fils, il n'avait pasvoulu dire où il se trouvait.
Plus tard, mes grands-parents ont rejoint mon oncle.Ils ont acheté une petite usine où mon oncle faisait descasquettes, qu'il livrait à des magasins, des casquettes etdes passe-montagne. Je me souviens de cela parce qu'ilsavaient gardé des échantillons qu'ils m'ont fait voir, dumoins, que mon oncle et ma grand-mère avaient gardés.
Mon grand-père est mort en 1910, après les inonda-tions pendant lesquelles il fut ruiné. Mon oncle est mortà trente ans. Quant à mon père, venu en France tout
jeune avec ses parents, il ne put poursuivre ses études.Les gens le considéraient comme un raté. Ce n'était pascela c'était l'homme qui n'était pas préparé pour lalutte.
Ma mère, elle, n'était pas du même milieu que mon
père. Elle était issue d'une famille de fermiers, de ces
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Une f amille alsacienne
terriens âpres au gain, qui font se lever les enfants trèstôt, à quatre heures et demie, cinq heures du matin, enété, et l'hiver, dès le jour. Il faut que les enfants aillenttraire les vaches, qu'ils participent à la moisson. Lestracteurs n'existaient pas, le travail était fait à la char-rue pour arracher, il fallait se baisser.
Ma mère avait été élevée très durement, et je me sou-viens qu'elle m'expliquait qu'étant enfant, lorsque magrand-mère maternelle trouvait qu'elle n'avait pas assezfait de travail, elle allait chercher une poignée d'orties etla frappait. C'est peut-être ce qui explique le caractèretrès dur de ma mère. Elle n'était pas une mauvaise mère,elle était toujours prête à se priver pour que nous ayionsle nécessaire. Mais elle n'a pas eu la réaction que j'ai euemoi-même devant mes gosses. Pour avoir été trop frap-pée dans mon enfance, je n'ai jamais frappé mes petits.Je me l'étais promis dès le plus jeune âge « Si un jourj'ai des enfants, je ne leur ferai jamais ce qu'on m'afait. »
Mon père et ma mère se sont connus d'une assez drôle
de façon, et lorsque je l'ai appris, cela m'a profondémentmarquée. Cela m'a peut-être marquée parce que j'étaisune fille et que je ne vivais que parmi des garçons.J'avais quatre frères. Ils avaient quelqu'un pour s'épau-ler, ils se reposaient l'un sur l'autre, tandis que moi, jeme trouvais seule.
Ma mère était mariée avec un M. Roure. Elle l'avait
connu alors qu'elle était employée dans un château. Elleétait femme de chambre de la fille du marquis et de lamarquise de R. Elle se trouvait au château d'Andelot et
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Ne me jugez pas
ces personnes s'étaient énormément attachées à elle parce
qu'elle était intelligente et très jolie. Un jour, un invitél'a remarquée, l'a demandée en mariage, l'a épousée.C'était M. Roure. Une fille est née de cette union, Hen-
riette. Je ne l'ai jamais vue. M. Roure et ma mère ache-tèrent un café, rue Linné, à Paris. Mon père, qui étaitveuf, et avait deux enfants d'un premier lit, venait detemps à autre, dans ce café, avec des camarades. Il s'estépris de ma mère, a commencé à lui écrire des lettres. Ilfut convenu, entre ma mère et lui, qu'il adresserait ses
billets, sous double enveloppe, à la bonne de l'établisse-ment, Alice. Celle-ci, un jour, remit une de ces lettres àM. Roure. Alors, cet homme a vitriolé ma mère.
Ma mère fut hospitalisée. Mon père allait la voir et
lorsqu'elle sortit de l'hôpital, elle se mit en ménage aveclui. Ils ne pouvaient se marier puisqu'ils n'étaient pasdivorcés. Elle avait demandé le divorce. Jusqu'à ce mo-
ment elle l'a toujours affirmé elle ne s'était pas
encore donnée à mon père. C'était un amour qui restait
pur.
Mon père et ma mère n'étaient pas faits l'un pourl'autre. Mon père avait reçu une éducation totalementdifférente de celle de maman. Je ne dis pas qu'il était
meilleur qu'elle; je crois que le meilleur des deux sur leplan humain, était maman, en ce sens qu'elle aurait tou-jours été prête à se sacrifier pour nous, tandis que papa,qui avait été tellement choyé dans sa famille, estimaitque tout lui était dû. Les heurts qui ont surgi entre eux,puis devinrent plus fréquents, furent dus au fait qu'ilsn'avaient aucune affinité. Mes frères et moi, assistions à
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des disputes. C'était très pénible. Mon père nous disait« Vous préférez votre mère », quand nous essayionsde dire « Mais papa, maman est gentille. Comprendsqu'elle soit énervée, elle a beaucoup de travail. » Ma
mère se mettait en colère lorsque nous lui disions« Mais maman, qu'est-ce que tu veux, papa est aussi un
enfant; il n'a pas été élevé comme toi, il ne comprendpas les choses comme toi. »
Mon père jouait excellemment du violon, et il avaitdécidé de donner des leçons de violon en dehors de son
travail, le seul qu'il avait trouvé un travail de charre-
tier. Parfois, à la maison, pour se détendre un peu, il
prenait son violon. Nous, les gosses, étions autour delui, ravis; et alors maman venait
Tu crois que je ne suis pas assez énervée par ma
journée de travail; on voit bien que toi, tu n'es pas sur-
mené comme moi. Au lieu de jouer du violon aux
enfants, ça ne leur apprendra rien, tu ferais mieux de temettre à la vaisselle et de dire aux gosses de t'aider; tu
vas en faire des paresseux comme toi
Mon père et ma mère finirent par se séparer. Noussommes restés avec maman. Nous habitions rue de Cré>
teil, à Maisons-Alfort, une maison délabrée. Comme ma
mère était très fière, elle ne voulait pas recevoir d'argent
de mon père qui était prêt à l'aider. Elle a voulu subve-nir seule à tous nos besoins, et naturellement, la tâche
était au-dessus de ses forces. A la maison, nous n'avions
pas le nécessaire, et ma mère devenait de plus en plusrévoltée, de plus en plus brutale. C'était vraiment inte.
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Ne me jugez pas
nable, une vie d'enfer. Elle prenait un nerf de bœufpour me taper dessus.
Je ne sais pas si c'est le fait que je lui rappelais cettepremière fille que son mari l'a toujours empêchée devoir, c'est possible. J'y ai pensé plus tard, en tentant dem'expliquer le caractère de ma mère, car, étant gosse,j'étais sans indulgence. Quand on vieillit, on a forcément
une autre optique, on essaye de comprendre, et j'ai penséque le fait que ma mère me détestait car par mo-ments, elle me détestait venait peut-être de ce qu'elle
ne pouvait jamais voir sa fille Henriette. Sa propre
famille ne lui donnait plus de nouvelles d'elle, et lui
disait « Ne viensjamais. Nous te ficherons à la
porte »
Je n'avais qu'une hâte c'était d'être grande, d'échap-per à ce milieu.
Je devais avoir huit ans, je me cachai dans une cave;
j'avais emporté un peu de nourriture, et dans ma naïvetéd'enfant, je pensais rester là quatre ou cinq ans, le temps
d'être assez grande pour gagner ma vie. Naturellement,
j'ai été très vite délogée, et cela m'a valu une correction
supplémentaire.
A l'école, j'étais très dissipée. Cela tenait au fait
qu'étant toujours frappée, toujours brimée à la maison,j'étais un peu comme un jeune poulain qui a été gardédans un enclos et qui a besoin de se détendre. Je faisaismes devoirs très rapidement, pour courir m'amuser. Jefaisais des bêtises, comme tous les enfants, mais lorsqueje fus jugée plus tard, aux Assises, ces bêtises enfan-
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