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Sous la direction de Laurent Gayer et ChristopheJaffrelot

Milices armées d'Asie du Sud

2008

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PrésentationLe nombre de victimes de guerres civiles, guérillas ou

répressions militaires ne cesse d'augmenter dans le sous-continent indien, malgré l’absence de guerres interétatiquesdepuis dix ans. Ces conflits impliquent des milices au styleparamilitaire, dont cet ouvrage dévoile l’idéologie, lasociologie et les stratégies. Très influentes en Inde et auNépal, les organisations maoïstes se disent révolutionnaires.Mais le peuple qu’elles aspirent à libérer se compose souventde basses castes et de tribus, si bien que leur guérilla apparaîtplus ethnique qu’universaliste. Elles rejoignent en cela lesmouvements d’émancipation nationale dont la vocation estd’obtenir l’indépendance politique de communautéslinguistiques, religieuses ou tribales. Mais, au Sri Lanka, auCachemire ou en Birmanie, ces groupes sont aussi desmouvements d’oppression nationale. C’est encore le cas desmouvements nationalistes ou religieux en Inde, au Pakistan etau Bangladesh, où les milices islamistes, nationalisteshindoues ou sikhes exercent un contrôle brutal sur leurcommunauté au moyen d’une véritable police culturelle.Milices et États entretiennent des relations complexes. Parfoisen passe de devenir de véritables États dans l’État, les milicessont également instrumentalisées par les puissances publiquespour relayer leur autorité au niveau local.

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TableListe des siglesIntroduction (Laurent Gayer et Christophe Jaffrelot)

État des lieux : l'essor de la violenceEssai de typologieLes ressorts psychosociaux du phénomène milicienQuel rapport à L'État ?Des terrains difficiles

I - Le phénomène maoïsteChapitre 1 : Les naxalistes du Bihar, entre les armes et lesurnes (Nicolas JAOUL)

Naxalbari et le communisme indienL’enracinement du naxalisme au BiharUne répression étatique biaisée et contre-productiveNaxalistes vs. propriétaires : la spirale de la violenceLa violence intra-naxaliste et ses enseignementsQuel radicalisme de masse dans un contexte violent ?Conclusion

Chapitre 2 : Maoïsme et fait ethnique dans la guerre dupeuple népalaise (Gilles Boquérat)

Ramifications et analogies transfrontalièresLa montée en puissance du fait ethniqueLe discours et la pratique maoïstesL’implication des organisations ethniquesConclusion

II - Des mouvements de libération nationale ?Chapitre 3 : Les LTTE, mouvement de libération etd'oppression nationale (Chris SMITH)

Les politiques de l’État postcolonial et la réponse des Tamouls

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Escalade militaire et internationalisation du conflitL’accord de cessez-le-feuLa reprise des hostilitésLa stratégie des LTTEUn État dans l’ÉtatLe réseau transnational d’approvisionnement en armes des LTTE

Chapitre 4 : Les milices de Birmanie, entre insurrections etmaintien de l'ordre (Renaud Egreteau)

Les mouvements ethniques insurgés, dernières oppositionsarmées à la junte birmaneLes milices ethniques signataires de cessez-le-feu, entrevassalisation et formation de contre-ÉtatsLes milices progouvernementales, instruments politiques etsociaux du régime militaire birmanConclusion

III - Les mouvements politico-religieux, relais du pouvoird'Etat ?Chapitre 5 : Le hizb-ul-mujahidin du Cachemire, imaginairesmiliciens et clientélisme (Amélie Blom)

L’enfant illégitime du « mouvement islamique » et de l’arméepakistanaiseUne force auxiliaireLes forces vives : profil sociologiqueL’univers de sens du Hizb ul-MujahidinL’hypothèse clientélisteConclusion

Chapitre 6 : Le SSP, héraut du sunnisme militant au Pakistan(Mariam Abou Zahab)

La genèse du SSPLe SSP et le processus électoralLa base sociale du SSP à JhangLe financement

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La violence et le Lashkar-e JhangviL’instrumentalisation par l’ÉtatConclusion

Chapitre 7 : Les milices islamistes du Bangladesh, symptômesd'un Etat faible ? (Jérémie CODRON)

L’islamisme radical : un nouveau type de violence politique ?Du mouvement étudiant aux groupes jihadistesLe gouvernement et les partis, entre laisser-faire etinstrumentalisationConclusion

Chapitre 8 : Les brigades de l'Hindutva et la police culturelle(Christophe Jaffrelot)

La démonstration de force et la persuasion, stratégies privilégiéesdu RSSLe Bajrang Dal ou la violence sous-traitéeConclusion

Chapitre 9 : Les milices du Khalistan, serviteurs et usagersde l'Etat (Laurent Gayer)

Les « transactions collusives » entre les milices religieuses sikheset l’État indienDes collusions diplomatiques : les relations entre l’Étatpakistanais et le mouvement insurgé sikhAprès la collusion : resectorisation et reconversions des insurgéssikhsConclusion

Conclusion (Laurent Gayer et Christophe Jaffrelot)Table des cartes

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Liste des sigles

ABPS Akhil Bharatiya Pratinidhi Sabha (Comité pan-indien desreprésentants du RSS)ABSDF All Burma Student Democratic FrontABVP Akhil Bharatiya Vidyarthi Parishad (Association des étudiantsindiens)AHAB Ahl-e-Hadith Andolon Bangladesh (Mouvement Ahl-e-Hadithdu Bangladesh)AISSF All India Sikh Students FederationAJK Azad Jammu and KashmirAL Awami League (Ligne du peuple)ALA Arakan Liberation ArmyALP Arakan Liberation PartyANNA All Nepal Nationalities AssociationAPHC All Parties Hurriyat Conference (Conférence de tous les partispour la liberté)ARIF Arakan Rohingya Islamic FrontARNO Arakan Rohingya National OrganisationBJP Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien)BPKS Bihar Pradesh Kisan Sabha (Association des paysans de laprovince du Bihar)BNP Bangladesh Nationalist PartyBSF Border Security ForceCCOMPOSA Coordination Committee of Maoist Parties andOrganizations of South AsiaCFA Cease-Fire AgreementCIA Chin Independance ArmyCID Central Investigation Department

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CNA Chin National ArmyCNF Chin National FrontCPB Communist Party of BurmaDAB Democratic Alliance of BurmaDKBA Democratic Karen Buddhist ArmyERFCC Ethnic and Regional Fronts Coordination CommitteeHM Hizb ul-Mujahidin (Parti des mujahidin)HUJI Harkat-ul-Jihad al-Islami (Armée de la guerre sainte de l’islam)ICG International Crisis GoupISGA Interim Self-Governing AuthorityIJT Islami Jamiat-i-Tulaba (Association des étudiants islamiques)IOJ Islami Oikyo Jote (Alliance pour l’unité islamique)IPF Indian People’s FrontIPKF Indian Peace Keeping ForceISI Inter-Services IntelligenceJD-U Janata Dal (U) (Parti du peuple [unifié])JHU Jathika Hela Urumaya (Parti du patrimoine national)JI Jamaat-i-islami (L’Organisation islamique)JMB Jama’at-ul Mujahidin Bangladesh (Organisation des mujahidindu Bangladesh)JMJB Jagrata Muslim Janata Bangladesh (Peuple des musulmanséveillés du Bangladesh)JTA Jamiat-i-Tulaba-i-Arabiya (Association des étudiants en arabe)JUH Jamiat-e Ulama-e Hind (Association des oulémas de l’Inde)JUI Jamiat-e Ulama-e Islam (Association des oulémas de l’islam)JVP Janatha Vimukhti Peramuna (Front de libération populaire)KCF Khalistan Commando ForceKIA Kachin Independence ArmyKIO Kachin Independence OrganisationKNDA Karenni National Defence ArmyKNF Khambuwan National FrontKNLA Karen National Liberation Army

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KNO Karenni National OrganisationKNPP Karenni National Progressive PartyKNU Karen National UnionLeJ Lashkar-e Jhangvi (Armée de Jhangvi)LLF Limbuwan Liberation FrontLTTE Liberation Tigers of Tamil EalamMCC Maoist Communist CentreMILF Moro Islamic Liberation FrontMIP Millat-e Islamia Pakistan (La nation islamique du Pakistan)MIS Military Intelligence ServicesMKSS Mazdur Kisan Sangram Samiti (Comité de lutte de lapaysannerie prolétaire)MLO Muslim Liberation OrganisationMMA Muttahida Majlis-e Amal (Conseil national unifié)MNDAA Myanmar National Democratic Alliance ArmyMPRF Madhesi People’s Rights ForumMQM Mohajir Qaumi Movement (Mouvement national mohajir)devenu Muttahida Qaumi Movement (Mouvement national unifié) en1997MTA Mong Tai ArmyNAP National Awami Party (Parti national du peuple)NCGUB National Coalition Government of the Union of BurmaNDA New Democratic ArmyNDAA National Democratic Alliance ArmyNDF National Democratic FrontNEFEN Nepal Federation of Nationalities (Nepal Janajati Mahasangh– Grande Association des nationalités du Népal)NEFIN Nepal Federation of Indigenous NationalitiesNMSP New Mon State PartyNRC Nepal Rashtriya Congress (Congrès national du Népal)NSCN National Socialist Council of NagalandNUFA National United Front of Arakan

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NUPA National United Party of ArakanNWFP North West Frontier ProvinceOBC Other Backward ClassesPCI Parti communiste de l’IndePCI-M Parti communiste de l’Inde-marxistePCI-ML Parti communiste de l’Inde-marxiste léninistePCN Parti communiste du NépalPCN-M Parti communiste du Népal-marxistePCN-UML Parti communiste du Népal-uni marxiste léninistePLOTE People’s Liberation Organisation of Tamil EelamPML Pakistan Muslim LeaguePOLSAN Political Science Association of NepalPOTA Prevention of Terrorist Activities ActPPP Parti du peuple pakistanaisPSLO/A Palaung State Liberation Organisation ArmyPWG People’s War GroupRAW Research and Analysis WingRIF Rohingya Independent ForceRJD Rashtriya Janata Dal (Parti populaire national)RPF Rohingya Patriotic FrontRSO Rohingya Solidarity OrganisationRSS Rashtriya Swayamsevak Sangh (Association des volontairesnationaux)SAD Shiromani Akali Dal (Parti central des fidèles de l’Intemporel)SGPC Shiromani Gurduwara Prabandhak Committee (Comité centralde gestion des gurudwaras [temples sikhs])SLORC State Law and Order Restoration CouncilSNA Shan National ArmySNUF Shan National United FrontSPDC State Peace and Development CouncilSSA Shan State ArmySSIA Shan State Independance Army

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SSP Sipah-e Sahaba Pakistan (Armée des compagnons du prophèteMahomet)SUA Shan Unity ArmySURA Shan United Revolutionary ArmyTELO Tamil Eelam Liberation OrganisationTJP Tehrik-e Jaafriya Pakistan (Mouvement jafarite du Pakistan)TNA Tamil National ArmyTNFJ Tehrik-e Nifaz-e Fiqh-e Jaafriya (Mouvement pourl’application de la jurisprudence jafarite)TULF Tamil United Liberation FrontULFA United Liberation Front of AssamUNP United National PartyUPFN United People’s Front of NepalURPC United Revolutionary People’s CouncilUSDA Union Solidarity and Development AssociationUWSA United Wa State ArmyVKA Vanavasi Kalyan Ashram (Centre pour la promotion de lacondition tribale)Carte 1 - L’Asie du Sud

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Carte 2 - L’Inde

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Introduction

Laurent GAYER

Christophe JAFFRELOT

« Ethnic and religious conflicts threaten to tearapart more societies today than any other issue.These conflicts rise out of identity movementsthat construct an enemy ?other? and characterisethemselves as nationalists even though they arebased on exclusionist agendas. Since thesemovements do not adhere to democratic normsthey seek to achieve their goals through privatearmies or militias [...] Militias compriseunemployed youth who are given a purpose byvirtue of arms and a free mandate, and theyfunction as an underground sword arm for politicalparties or movements [...] The intention is tomilitarise civil society by militarising religion,culture and people through the creation ofmilitias. » Anuradha M. Chenoy, « Militia Mentality », TheTimes of India, 17 septembre 2002.

Sans qu?Anuradha M. Chenoy ne le précise jamais dans les lignesqui précèdent, les sociétés dont elle traite sont celles de l'Asie du Sud.Dans cette région, la prolifération des milices est, en effet, l'un desfacteurs de la montée des violences observées depuis vingt ans.Partout on assiste à des batailles rangées entre groupes armés, à desémeutes mettant aux prises des forces paramilitaires, avant-gardesauto-proclamées de communautés ethniques, ainsi qu?à des formes

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de répression culturelle ou de pressions sociales visant à contraindreles « déviants » ? car la violence avant d?être physique peut aussi êtresymbolique et s?exercer sur les esprits autant que sur les corps.Les ressorts du phénomène varient toutefois suivant les pays et, ausein d?un même pays, suivant les objectifs poursuivis. Contrairementà ce que notre épigraphe pourrait donner à penser, les mouvementsnationalistes ne sont pas les seuls responsables du processus quinous occupe ici. Après avoir pris la mesure du phénomène, nousconsacrerons donc la deuxième partie de cette introduction à un essaide typologie visant à clarifier les termes du débat.Mais le c?ur du problème est ailleurs ? et même doublement ailleurs.Il concerne tout d?abord la capacité des mouvements en question àrecruter des jeunes en nombre croissant. Certes, le dés?uvrement etla quête d?un statut évoqués par A.-M. Chenoy constituent unfacteur important pour les lumpen elements dont les milices sontpeuplées. Mais il faut conduire une analyse sociologique plus pousséepour comprendre l'attrait des carrières miliciennes auprès de cesjeunes. La réflexion doit également s?accompagner d?un travail surles perceptions de cette jeunesse et de ses pratiques violentes dans lasociété.Ensuite, s?en tenir à l'idée de privatisation de la violence est un peucourt. Cela suggère que les milices opèrent sans lien aucun avec lasphère publique officielle. Or elles entretiennent des relations avecdes forces politiques institutionnalisées et même avec l'État ? pardéfaut ou à dessein suivant les cas de figure. Mieux, ces milicespeuvent participer, à leur manière, à la formation de l'État et ce, encontexte autoritaire comme en contexte démocratique[1].

État des lieux : l'essor de la violence

Le nombre des victimes est un premier indice de l'essor des groupesmiliciens en Asie du Sud : près de soixante-dix mille morts au SriLanka après vingt-cinq ans d?une guerre mettant aux prises unmouvement sécessionniste hypermilitarisé, les Liberation Tigers ofTamil Ealam (Tigres de libération de l'Ealam tamoul ? LTTE) etl'armée ; au moins quarante mille morts au Cachemire après quinzeans d?un conflit comparable, où interviennent en outre des groupes

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jihadistes basés au Pakistan ; environ trente mille morts au Pendjabdans le conflit entre les groupes sécessionnistes sikhs et les forces desécurité indiennes ; environ dix mille morts en dix ans de guerre civileau Népal (1996-2006) ; et un nombre équivalent de victimes dans lesémeutes entre hindous et musulmans en Inde depuis l'essor dumouvement d?Ayodhya au début des années 1980, moment où lesnationalistes hindous ont commencé à revendiquer la restitution d?unsite de cette ville d?Uttar Pradesh sur lequel le premier des GrandsMoghols avait fait construire une mosquée, mais qu?ils considéraientcomme le lieu de naissance du Dieu Ram. À partir de 1989, lamobilisation nationaliste hindoue prend un tour particulièrementagressif et dégénère en provocations antimusulmanes qui seront àl'origine de violences récurrentes et massives. Les seules émeutes deBhagalpur en 1989 et du Gujarat en 2002 ont fait, respectivement,mille et deux mille victimes. Les violences entre sunnites et chiitesont pour leur part été responsables de la mort de quatre millepersonnes au Pakistan depuis 1990, tandis que les conflits urbains deKarachi ont fait près de dix mille morts depuis 1985, un nombreéquivalent à celui des victimes de la junte birmane depuisl'écrasement du mouvement démocratique de 1988. Les violencesislamistes du Bangladesh qui ont fait moins d?une centaine de mortsdepuis le début de la campagne terroriste des organisations jihadistesen 1999 sont, par comparaison, beaucoup moins meurtrières. L?insurrection maoïste que connaît l'Inde depuis la fin des années 1960était elle aussi, jusqu?à une date récente, relativement peu meurtrière,mais cette situation est en passe de changer, en particulier auChhattisgarh suite à la création d?une milice antinaxaliste, le SalwaJudum (le Chemin de la paix) en 2005. Le nombre de victimesannuelles de ce conflit approche désormais du millier, et l'insurrectionmaoïste est devenue la plus meurtrière de l'Inde après celle duCachemire, dont le nombre de victimes est en revanche en baisseconstante depuis 2001[2].En dépit de la résolution de certains conflits (Pendjab depuis 1995 ;Népal depuis 2006, même si la paix demeure ici très fragile) et de ladécrue d?intensité de quelques autres (Nagaland, Birmanie,Cachemire) au cours des dernières années, c?est à une haussegénérale du niveau de violence que l'on assiste depuis les années1990, qui se double d?une extension géographique. En Inde,l'intensification des violences intercommunautaires a contribué à

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l'émergence d?un mouvement jihadiste indigène pour lequel c?est lepays tout entier qui est devenu terre de jihad. Et cette mouvancejihadiste a essaimé bien au-delà des fiefs traditionnels de l'islamradical indien (Cachemire, Uttar Pradesh), en particulier dans le Suddu pays (Maharashtra, Andhra Pradesh, Karnataka, Tamil Nadu),comme l'ont montré les attentats les plus meurtriers des dernièresannées, qui à trois reprises ont frappé Bombay (257 victimes en1993, 53 en 2003 et 228 en 2006), mais aussi Coimbatore au TamilNadu (46 morts en 1998) ainsi que New Delhi (62 morts en 2005). Àces attentats contre des centres urbains se sont ajoutées des attaquescontre des lieux de culte hindous, au Gujarat en 2002 (37 morts) et àVaranasi en 2006 (21 morts). L?attentat qui a visé le « train del'amitié » reliant New Delhi à la frontière pakistanaise, en février 2007(68 morts), s?inscrivait dans la même logique, visant à provoquer desviolences intercommunautaires sur une large échelle afin de polariserla société indienne. Toujours en Inde, on assiste actuellement à uneextension du champ d?action des insurgés maoïstes, désormaisprésents dans douze des vingt-huit États que compte le pays[3]. AuBangladesh, la vague d?attentats du 17 août 2005 (quatre centsbombes ont explosé quasi simultanément à travers le pays) a, pour sapart, témoigné des ambitions nationales des organisations jihadistes,qui après s?être longtemps concentrées sur leur base locale ontdécidé de s?attaquer à la société et au système politique sur une pluslarge échelle. Au Pakistan, si un calme précaire prévaut de nouveau àKarachi, après vingt ans de violences urbaines [4], deux nouveauxconflits mettant aux prises miliciens et forces de sécurité ont éclos aucours des dernières années, dans le pays pachtoune et auBaloutchistan. Dans ces régions, l'autorité du gouvernement centraln?est plus que nominale et, en zones tribales comme dans la Provincede la frontière du Nord-Ouest (NWFP), on assiste actuellement àl'émergence d?un pouvoir parallèle autour des talibans locaux. Au SriLanka, enfin, les LTTE et le gouvernement central ont repris leshostilités.

Essai de typologie

Les mouvements miliciens d?Asie du Sud relèvent de logiques très

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variées. Mais le critère discriminant permettant d?établir unetypologie est moins facile à identifier qu?il n?y paraît. En premièreapproximation, il semble possible de distinguer les groupesparamilitaires porteurs d?une idéologie ethnonationaliste desmouvements révolutionnaires d?obédience maoïste. Cettedifférenciation recèle une certaine pertinence, mais n?est en riensystématique. En effet, à l'examen, les maobadis du Népal s?avèrentsurtout représentatifs de certaines tribus ? à l'exclusion d?autres,comme le montre bien Gilles Boquérat dans ce volume. Quant auxnaxalistes indiens, ils sont travaillés par des considérations de caste,leurs troupes ? et parfois même leurs cadres ? se recrutantprincipalement parmi les intouchables, ainsi que Nicolas Jaoul enapporte la preuve dans le chapitre qu?il consacre aux naxalistes duBihar, un des bastions indiens du maoïsme sud-asiatique. Si castes etclasses (et tribus et classes) coïncident largement dans le mondeindo-népalais, le fait est qu?au-delà de l'idéologie révolutionnaire, le« sous-texte » est bien identitaire dans le cas des maobadis commedes naxalistes.Une autre « clé de tri » qui s?offre à l'analyse oppose lesmouvements d?émancipation à ceux destinés, au contraire, à exercerun contrôle social. Bien des conflits d?Asie du Sud trouvent de faitleur origine dans la répression par l'État d?une aspiration des peuplesà disposer d?eux-mêmes, qu?il s?agisse des Tamouls du Sri Lanka,des sikhs et des Cachemiris indiens ou des tribus périphériques de laBirmanie. Mais nombre de mouvements de libération nationale sontaussi des mouvements d?oppression nationale. Les LTTE entémoignent, eux qui s?efforcent d?enrégimenter leur communauté enrecourant à la contrainte sous sa forme la plus brutale pour mener laguerre au gouvernement du Sri Lanka, ainsi que Chris Smith lesouligne dans son chapitre. Quant à l'insurrection cachemirie, elle estaujourd?hui conduite par des mouvements islamistes, comme le Hizbul-Mujahidin (HM) étudié ici par Amélie Blom, dont l'agenda ne visepas l'indépendance du Cachemire, mais le rattachement de sa partieindienne au Pakistan au nom d?un islam militant. Comme le montreLaurent Gayer, les groupes armés sikhs qui ont fait leur apparition auPendjab indien dans la seconde moitié des années 1980 étaient, pourleur part, des émanations des milices religieuses qui avaient émergédans la province à la fin des années 1970. Et si ces groupes armésavaient vocation à libérer le Pendjab du joug indien, une partie d?entre

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