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Collection dirigée

par Benoît Melançon

et Florence Noyer

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canad

Le Blanc, CharlesProfession, sinologue(Profession)Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 978-2-7606-2027-8

1. Sinologues. 2. Chine - Étude et enseignement - Aspect social.I. Titre. II. Collection : Profession (Montréal, Québec).

DS734-95.L42 2007 951.0072 02006-941512-9

Dépôt légal : 1er trimestre 2007Bibliothèque et Archives nationales du Québec© Les Presses de l'Université de Montréal, 2007

Les Presses de l'Université de Montréal remercient de leur soutienfinancier le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil des Artsdu Canada et la Société de développement des entreprises culturellesdu Québec (SODEC).

IMPRIMÉ AU CANADA EN FÉVRIER 20O7

ProfessionP

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C H A R L E S LE B L A N C

Professionsinologue

Les Presses de l'Université de Montréal

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Note

Symboles et abréviations

r. règne~ avant Jésus-Christ+ après Jésus-Christenv..

Transcription phonétique des mots chinois

Nous employons le système établi par la Chine en1956, dit pinyin (prononciation correcte).

Chronologie

Pour des fins de cohérence, nous utilisons partoutla chronologie traditionnelle dite «longue». Pour lestrois premières dynasties, de nouvelles dates, baséessur l'archéologie, ont été proposées (chronologiecourte), mais elles ne font pas l'unanimité. Voici lesdates longues / courtes des trois premières dynasties:Xia (-2207—1766 / -2207—1570); Shang (-1765—1122-1570—1045) et Zhou (-1121—222 / -1045—256). Àpartir de -841, les deux systèmes convergent.

environ

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Avant-propos

s'occupe un sinologue? Comment le devient-on?»Presque toutes les pages de cet ouvrage serviront

de réponse à la première question. Quant à la seconde,elle exige un point de vue plus personnel.

Je suis devenu sinologue parce que j'ai éprouvétrès jeune le goût de découvrir des paysages lointains,inconnus, différents de mon environnement immé-diat. Ce goût, sans doute issu du paysage maritime demon enfance (Cap-Pelé, Ponte-Sapin, Petit Rocher),ne m'a jamais quitté: encore aujourd'hui, je ne puisregarder la mer sans que montent dans ma mémoirele monde de mon enfance, ses joies et ses peines.Beaucoup plus tard, la Chine m'est apparue commele pays de la différence et du dépaysement, mais ausside la découverte et de l'appropriation de l'autre ver-sant de l'humanité.

Mes études en philosophie occidentale, quej'ai aimée passionnément, induisaient en moi unmalaise. Les penseurs grecs et latins que j'ai surtoutfréquentés, Platon, Aristote, Thomas d'Aquin, appar-tenaient à des époques et des cultures bien limitéesdans le temps et l'espace, mais ils parlaient toujoursen termes universels, comme si leur pensée était

''autre jour, on m'a posé deux questions: «À quoiL

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fondée sur une expérience illimitée, hors du tempset de l'espace. Le peu que je connaissais alors de laculture et de la philosophie chinoises me laissaitcroire qu'en les étudiant en profondeur elles apporte-raient un correctif nécessaire aux prétentions univer-salistes de la philosophie occidentale et qu'elles meconduiraient à une synthèse équilibrée, favorisantle dialogue, l'échange et la compréhension, entre lesdeux pôles «radiaux» de la planète, le monde indo-européen et le monde chinois.

Des lectures de collège (Malraux, Claudel, TiborMende) m'avaient laissé entrevoir que la Chineétait destinée à devenir la première puissance de laplanète, non seulement sur le plan géopolitique etéconomique, mais aussi sur le plan culturel et philoso-phique. Je voulais être partie prenante de ce renou-veau, surtout sur le plan des idées et des valeurs.Étudier la Chine, c'était en même temps étudierl'avenir de notre planète.

Un certain goût pour l'aventure, une exigencephilosophique, un besoin de participer aux grandsenjeux de notre monde: voilà trois des mobiles quidéclenchèrent ma décision de devenir sinologue.

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Introduction

The East is East and thé West is WestAnd never thé twain shall meet.

(L'Est est l'Est et l'Ouest est l'OuestEt jamais les deux ne se rencontreront.)

RUDYARD KIPLING

Orient und OccidentSind nicht mehr zu trennen

(L'Orient et l'OccidentNe sauraient désormais être tenus séparés)

JOHANN WOLFGANG VON GOETHE

L'écart Chine-Occident

La Chine est souvent perçue comme l'autre de l'Occi-dent et du monde indo-européen. Sur des thèmesfondateurs de la société et de la culture, elle sembleoffrir un modèle diamétralement opposé à celuiqui nous est familier et qui nous apparaît naturel etnormal. Pratiquer une langue sans flexions, une écri-ture sans alphabet? Adhérer à trois religions plutôtqu'à une seule? Préférer les rites plutôt que les loisafin de régler les rapports sociaux? Manger avec desbaguettes plutôt qu'avec un couteau et une four-chette ? Faire du blanc plutôt que du noir la couleur dudeuil ? Concevoir le changement comme fondementdu réel plutôt que l'être, la substance et l'essence?Expliquer le changement par la résonance plutôtque par la causalité? Utiliser l'image et l'expérienceet non l'idée générale comme nerf de la logique?

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Penser en termes de simultanéité et de correspon-dance plutôt que de déduction linéaire? On pour-rait allonger indéfiniment la liste des exemples decontrastes, d'oppositions et même de contradictionsdans les domaines de l'imaginaire, de la pensée, despratiques sociales et des techniques. L'autre fascine etattire, oui, mais, en même temps, il désempare et ilmenace. La Chine, ayant formé une grande civilisa-tion dans l'isolement presque total du monde indo-européen, a servi tantôt de repoussoir et de groupetémoin «en creux», tantôt de norme et de modèlede substitution, pour rehausser ou pour critiquerl'Occident. Même au xxe siècle, la Chine fut aduléecomme le pays révolutionnaire de l'homme nouveauou vilipendée comme un goulag totalitaire mons-trueux. Elle laisse rarement indifférent, inclinant lesuns à la sinophilie, les autres à la sinophobie. «Selonle versant où penche ton cœur...» disait Pascal.

L'objet de la sinologie

La sinologie n'est pourtant pas aussi mystérieusequ'on pourrait le penser de prime abord. Le mot estplutôt récent, datant du xixe siècle: «sino» vient deSina, le nom latin de la Chine, modifié pour formerdes mots composés (sinologie, sinophilie, sinopho-bie, sinocentrisme, sino-japonais, etc.); «logie» vientdu grec logos, «discours», «théorie», employé commesuffixe pour désigner plusieurs sciences et discipli-nes. Le mot sinologie signifie donc «discours théo-rique ou scientifique sur la Chine», comme le motanthropologie signifie «discours théorique ou scien-tifique sur l'être humain».

La sinologie fut une invention de l'Occident.L'approche des savants chinois sur leur culture et leurcivilisation est très différente, car elle ne comporte

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pas de dimension comparative inhérente. Or l'étudede la Chine par les Occidentaux est toujours, au moinsimplicitement, comparative. Le point de départ dusinologue est toujours, consciemment ou inconsciem-ment, comparatif: un regard occidental posé sur uneréalité chinoise. Ce regard n'est pas nécessairementsubjectif ou biaisé; il peut même révéler des aspectsde l'expérience sociale, religieuse et intellectuelleque les Chinois n'ont jamais aperçus. Il peut toutautant mettre en lumière, par rétroaction, des côtésde l'expérience passés inaperçus chez les penseurs quiont formulé et codifié la vision du monde et le sys-tème de valeurs du monde occidental. Si la Chine estpour nous l'Extrême-Orient, nous sommes, pour lesChinois, l'Extrême-Occident.

La sinologie ambitionne de relever deux défis:comprendre la Chine en elle-même et faire compren-dre la Chine en Occident. Ce sont là deux démarchesdistinctes mais inséparables. On peut les rappro-cher des concepts complémentaires émique/étiqueformulés par Kenneth Pike, Ward Goodenough etRobert Feleppa pour rendre compte de l'épistémolo-gie anthropologique. L'anthropologue doit s'insérerprofondément dans le groupe de ceux qu'il étudie,apprenant à comprendre et à justifier leur culturevivante dans le cadre de leur propre système de réfé-rence (approche émique). Dans un deuxième temps,il doit «traduire» la connaissance émique acquisedans un langage théorique compréhensible aux gensde sa propre culture ou profession, afin qu'elle serve àl'avancement de la science (approche étique).

Il y a bien chez le sinologue quelque chose del'anthropologue. Il cherche à comprendre un groupehumain qui a créé, dans une durée très longue et unespace très étendu, une culture et une civilisationà nulle autre pareille. L'expérience de la société

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chinoise, basée sur la connaissance d'individus decette société, semble être un préalable à une connais-sance authentique de cette culture et de cette civi-lisation, même si de grands sinologues n'ont jamaisfoulé le sol chinois: l'exception confirme la règle. Lesinologue Yves Raguin a ainsi écrit: «II faut, pourcomprendre la Chine, savoir communier à l'âmesecrète de ceux qui l'habitent.»

Pour saisir la Chine dans son devenir historiqueet dans son processus civilisateur, on doit se tournervers et se concentrer sur l'immense littérature qu'ellea produite et accumulée sur une durée non pas de siè-cles mais de millénaires. C'est dans ce langage poéti-que, littéraire, philosophique, ritualiste et historiquequ'on trouve exprimés de manière réflexive et struc-turée les idéaux, les valeurs, les concepts qui sous-tendent la vision du monde des Chinois et, tout aussibien, leur imagination, leur sensibilité, leur sens dubeau, leur goût artistique et esthétique. Comprendrela Chine, c'est comprendre les textes où elle a cristal-lisé dans un prisme aux multiples facettes la quintes-sence de son expérience créatrice.

Née dans le climat optimiste du Siècle des lumiè-res, dont elle fut d'ailleurs un protagoniste impor-tant mais souvent méconnu, la sinologie prend pourpostulat de base que, malgré l'abîme linguistique etcosmologique séparant la Chine et l'Occident, il estpossible pour les deux extrémités du continent eura-sien de communiquer et de se comprendre dans leplein respect de la spécificité de chacun. Les mots«Chine», «comprendre» et «faire comprendre»cachent, il est vrai, tout un programme - mieux, unengagement à très long terme, un métier qu'on n'ajamais fini d'acquérir, une profession qui nous inter-pelle vers un idéal jamais atteint. On entre en sinolo-gie comme on entre en religion.

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Cette discipline reflète en même temps les grandsenjeux de l'époque où elle se constituait commescience, soit les xvme et xixe siècles. Elle critiqueimplicitement certains des aspects les plus négatifsdu colonialisme et des missions chrétiennes, et leuroppose une autre façon de faire et de penser. Cesdeux entreprises supposaient, chacune à sa façon,que l'Occident était supérieur aux autres partiesdu monde et qu'il avait pour destin providentiel deconvertir les autres peuples à la foi chrétienne et detransformer, par la conquête, si nécessaire, leurs ins-titutions sociales, politiques et économiques sur lemodèle ou, du moins, sous la gouverne des puissancesoccidentales. Les premiers sinologues pensaient, sansdoute naïvement, qu'ils pouvaient établir une scienceobjective et désintéressée de la Chine basée sur lavaleur intrinsèque de la civilisation et de la culturechinoises et sur l'égalité des Chinois avec les autrespeuples, notamment avec les Occidentaux. Il est déjàsi difficile de traiter comme égaux ceux qui nous sonttout proches, comment peut-on espérer le faire pourceux qui sont si éloignés ?

Sinologie et écriture

«La mémoire la plus vive est plus faible que l'encre laplus pâle.» Ce proverbe chinois pourrait être affichéà la porte de tout sinologue. Car, depuis les débuts dela sinologie, l'écriture a été la grande porte d'entrée,la seule à bien des égards, pour connaître et compren-dre la Chine. Quel que soit le champ de son étude -l'histoire, la philosophie, la littérature, la religion, oudes sujets plus techniques comme la politique, l'éco-nomie, l'art, les sciences appliquées, etc. -, l'accès auxsources primaires en chinois est toujours le premierpassage obligé pour un sinologue. Travailler à partir

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d'ouvrages secondaires en traduction est un pis-allerdont se garde tout sinologue digne de ce titre. Si laphilosophie est l'amour de la sagesse, la sinologie estl'amour des sources écrites.

Un ancien mythe raconte que, «lorsque Gang Jieinventa les caractères au temps de l'empereur Jaune[~2697—2599], les dieux pleurèrent toute la nuit»,car la connaissance et la puissance ainsi acquises parl'homme l'étaient au prix de son innocence et de sacandeur. La tradition taoïste, si attentive à la puretédes origines, au silence et au non-agir, a repris cethème en critiquant toute innovation technologique;mais elle s'est trouvée dans la situation inconforta-ble et même paradoxale de devoir utiliser l'écriturepour démolir l'écriture. Les confucéens, pour leurpart, valorisèrent l'écriture comme leur science etleur art de prédilection pour représenter et propagerla Voie. L'écriture est recréation du monde : elle révèlesa vérité et sa valeur à l'être humain.

Les sinologues campèrent allègrement à l'ensei-gne de la tradition confucéenne, faisant de l'écri-ture le premier objet de leur science et la porte verstous les autres savoirs sur la Chine. Cette orienta-tion, que certains pourraient appeler «livresque»,repose cependant sur un fait avéré : la Chine est laseule civilisation à avoir perpétué sans interruptionla même écriture des débuts de son histoire écriteau ~xnie siècle jusqu'à aujourd'hui. En outre, elle apréservé d'une manière incomparable, de siècle ensiècle, son immense patrimoine littéraire, malgré descatastrophes qui auraient pu lui porter un coup fatal:l'incendie des livres par le Premier empereur en -213;le sac de la capitale de Hangzhou par les Mongols en1276; la destruction du Palais d'été et de la bibliothè-que impériale par les Européens en 1900.

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Comment a-t-on pu éviter cette perte? L'une destâches principales de chaque nouvelle dynastie étaitd'écrire une histoire complète de la dynastie précé-dente sur la base des archives et des monographiesrégionales qu'elle avait laissées. Des centaines delettrés éminents participaient à ce projet impérial.Ainsi, 25 histoires dynastiques, couvrant l'ensemblede l'ère impériale, ont été publiées et sont disponi-bles pour les chercheurs. L'an 1409 vit la publicationà Pékin du Yongle dadian (Dictionnaire universel del'ère impériale Yongle, 1403-1425) en 22 877 fascicules,imprimé à partir de planches. En 1729 était publiée àPékin la plus grande encyclopédie connue, le Gujintushujicheng (Encyclopédie illustrée de l'Antiquité etdes Temps modernes), en 1000 volumes, imprimée encaractères mobiles. Or moins de 10% des 25 histoiresdynastiques et des encyclopédies ont été traduits enlangues occidentales.

Les caractères utilisés dans ces collections immen-ses, citant des œuvres de l'histoire chinoise remon-tant jusqu'au ~xe siècle, sont ceux que nous utilisonsencore. On doit cependant noter deux changementsrécents. Le premier est la simplification d'un certainnombre de caractères d'usage courant; cette réformese fit en deux temps, en 1956 et en 1964. En tout,2238 caractères complexes furent simplifiés, mais, àquelques exceptions près, gardèrent la même struc-ture qu'ils avaient à l'origine. On visait par là à faci-liter la lecture des médias et des ouvrages populaireset l'apprentissage des caractères, surtout dans lesmilieux ruraux. En revanche, les travaux de recher-che dans le domaine des humanités continuèrent àutiliser les caractères complexes traditionnels. Laseconde réforme, datant de 1956, portait sur la trans-cription phonétique de la langue parlée et des caractè-res. Depuis le xvme siècle, pratiquement chaque pays

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occidental avait son propre système de transcriptionphonétique du chinois, souvent incompatible avecles autres. Les Chinois créèrent un nouveau système,basé en partie sur l'alphabet international. Le gouver.nement chinois demanda à la presse internationaleet à tous les pays d'utiliser seulement ce système,appelé pinyin (prononciation correcte), ce qui se fitgraduellement. Cette réforme ne touchait en rien auxcaractères, mais seulement à leur transcription pho-nétique à l'usage des étrangers. Très peu de Chinoisconnaissent ou utilisent ce système de transcription.C'est celui que nous utilisons dans cet ouvrage.

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Les trois phases de la sinologie

O

n peut distinguer trois étapes dans le dévelop-pement de la sinologie en Occident: la sinologie

imaginaire, la sinologie religieuse et la sinologiescientifique.

La sinologie imaginaire

Cette phase est celle de l'époque du Vénitien MarcoPolo (1254-1324), de son récit de voyage aller-retour etde son long séjour en Chine sous la dynastie mongoledes Yuan (1279-1368). Accompagnant son père Niccooet son oncle Matteo, Marco vécut en Chine de 1275 à1292 et, en raison de sa connaissance de quatre lan-gues (mongol, persan, turc et arabe), devint conseilleret interprète du Grand Khan Qubilai (r. 1260-1294);celui-ci l'envoya à deux reprises faire de vastes toursde reconnaissance dans toute la Chine, et même enAsie du Sud-Est, et il le nomma intendant de la grandeville commerçante de Yangzhou, près de Shanghai,de 1282 à 1284. Marco Polo mentionne avoir pris desnotes pendant son long séjour dans l'empire mongol.

Six ans après son retour à Venise, Marco participaen 1298 à une grande bataille navale entre Venise etGênes sur la côte dalmatienne; la flotte vénitiennefut décimée et Marco fait prisonnier et incarcéré àGênes. Son compagnon de cellule, le Pisan Rusticello,

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était un romancier écrivant en vieux français. Marcolui dicta le récit de son voyage terrestre vers la Chine,de son séjour dans l'empire du Grand Khan et de sonvoyage de retour par mer jusqu'à Venise. L'ouvrageparut en 1307 sous le titre Le devisement du monde.Le livre des merveilles; il est connu en italien sous letitre de // Milione. Les renseignements détaillés qu'ildonnait sur la Chine et les autres pays visités émer-veillèrent l'Europe. C'était le premier ouvrage à offrirune image globale et détaillée de ce pays fabuleux,obscurément connu, à l'autre bout du monde. Laprésentation qu'en faisait Marco était principalementpositive, même idyllique. Marco Polo, on l'a noté, vitla Chine à travers les yeux mongols et n'apprit pas lechinois. Mais cela ne diminua en rien l'intérêt de sonrécit. La vie qu'il décrit est celle des villes chinoises,qui étaient là bien avant la conquête mongole et quiétaient demeurées foncièrement chinoises.

Les cent quarante-trois éditions en français, ita-lien et latin que connut cet ouvrage aux xive etxve siècles témoignent de l'engouement extraordi-naire qu'il suscita chez les lecteurs. Dans la mesureoù la première impression est toujours durable, onpeut supposer que le livre de Marco Polo joua le rôlede praeparatio poliana aux récits et aux traités mis-sionnaires qui allaient pleuvoir sur l'Europe à partirdu xvie siècle, notamment ceux de Juan Gonzales deMendoza (1585), de Matteo Ricci (1615) et, plus tard,de Louis Lecomte (1696). De plus, l'ouvrage fut loind'être indifférent aux développements remarquablesde la sinologie du xvme au xxe siècle. Marco Poloavait semé; d'autres récoltèrent.

On ne peut quitter Marco Polo, «le plus grandvoyageur du monde», d'après Michael Yamashita,sans évoquer son ascendance sur Christophe Colomb(i45i?-i5o6). Celui-ci possédait son propre exemplaire

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de 17 Milione, traduit en latin. On peut encore voirl'exemplaire, abondamment et soigneusementannoté de la main de Colomb, au Musée Columbianode Séville. Le navigateur génois avait pris avec luil'ouvrage de l'explorateur vénitien - juste retour deschoses, diraient les tenants de la justice immanente lors de sa première traversée de l'Atlantique en 1492.Jusqu'à sa mort, il croyait avoir atteint les Indesorientales, c'est-à-dire la Chine de Marco Polo, l'objetde son rêve. Il se pensait dans le plus ancien empirede l'histoire, alors qu'il foulait et créait un nouveaumonde. Lorsqu'il appela les autochtones d'Amériquedes Indiens, il voulait dire des Chinois.

La sinologie religieuse

Du xvie à la fin du xvme siècle, la sinologie futessentiellement l'œuvre de missionnaires catholi-ques, notamment jésuites. Pour ces missionnaires,la connaissance de la Chine, de sa langue, de sonécriture, de ses mœurs et de ses institutions, étaitun moyen de faciliter l'évangélisation et la conver-sion du peuple chinois, surtout de son élite. Plusieurscommunautés religieuses rivalisèrent de zèle dansl'apostolat missionnaire et dans l'étude de la Chine:les Franciscains, les Dominicains, les Augustiniens,les Jésuites et les missions étrangères de Paris.

Le jésuite Matteo Ricci (1552-1610) domine cettepériode par son rôle de pionnier et de chef de file dansles études sur la langue, l'écriture, la philosophie etl'histoire chinoises. À ce titre, on peut le considérercomme le père de la sinologie occidentale. Ayantreçu une formation très poussée dans les scienceshumaines (langues, lettres, philosophie, théologie,droit) et dans les sciences exactes (mathématiques,astronomie, géographie, cartographie) à Macerata,sa ville natale, à Rome, à Coïmbre et à Goa, il était

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Table des matières

Note 7

Avant-propos 9

Introduction 11

Les trois phases de la sinologie 19

Thèmes et enjeux 35

Conclusion 65

Lectures complémentaires 69

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M E M B R E O U G R O U P E S C A B R I N !

Québec, Canada2007

MARQ.UIS

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