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D u m ê m e a u t e u r

À la découverte du Belœil d’autrefois. Une randonnée à bicyclette à travers le passé,Belœil, Comité des Fêtes de la Miaou, 1981, 28 p.

Les origines de Belœil, Montréal, Éditions du Méridien, 1991, 401 p.

Contes et nouvelles de Belœil et du mont Saint-Hilaire, Saint-Bruno, Au fil de l’eau,1992, 169 p.

Guide de Belœil et de Saint-Mathieu-de-Belœil/Guide de Mont-Saint-Hilaire et deOtterburn Park, Société d’histoire de Belœil/Mont-Saint-Hilaire, 1994, 48 p.+ 48 p. disposées tête-bêche.

Les Patriotes de Belœil. Le mouvement patriote, les insurrections de 1837-1838 et lesparoissiens de Belœil, Québec, Septentrion, Les Cahiers du Septentrion, no 1,1994, 189 p.

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Pierre Lambert

septentrion

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Maquette de la couverture : Gianni Caccia

Mise en pages : Folio infographie

© Les Éditions du Septentrion Diffusion Dimedia1300, avenue Maguire 539, boul. LebeauSillery (Québec) Saint-Laurent (Québec)G1T 1Z3 H4N 1S2

Diffusion en Europe :Diffusion de l’édition québécoiseLibrairie du Québec30, rue Gay-Lussac75005 ParisFrance

Dépôt légal – 4e trimestre 1998Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-112-8

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vous pouvez nous écrire au1300, avenue Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

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A V A N T - P R O P O S

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A v a n t - p r o p o s

Tout à coup, derrière, quatre cavaliers appa-raissent et gagnent rapidement du terrain.Le conducteur les a vus et fouette ses

chevaux pour augmenter la vitesse de la voiture.C’est peine perdue. Les hors-la-loi arrivent auniveau de la diligence, tirent quelques coups desemonce, pointent leur arme sur le conducteur.C’est un hold-up… Quel cinéphile n’a pas eu lesyeux rivés sur l’écran en suivant les péripéties despoursuites auxquelles les westerns nous onthabitués ? Quel lecteur ou quelle lectrice n’a pasaccompagné Casanova ou d’autres séducteurs dansleurs voyages en diligence sur les routes de Franceou d’Italie ?

Comme ces pays étrangers, le Québec aconnu, à une échelle plus modeste évidemment,son époque des diligences, une époque qui s’estétendue sur plus d’un siècle. Pour un pays jeunecomme le nôtre, ce n’est pas rien, surtout quandon se rend compte que l’étude du transport envoiture publique autrefois a attiré l’attention depeu d’historiens. Pourtant, les déplacements endiligence au Québec ne se sont pas réalisés sansaventures comparables à ce qui s’est passéailleurs : vols de courrier, hold-up, accidents,pertes de vie. De plus, comme nos hivers sontsouvent très rudes, les passagers de ces voituresont expérimenté toutes sortes de misères : tem-pêtes, conducteurs gelés à mort, voitures dispa-rues sous la glace des rivières… La vie quoti-dienne des voyageurs en diligence n’était pas desplus faciles.

Reconstituer l’univers du transport en voiturepublique au xixe siècle n’aurait pas été possiblesans l’encouragement et l’appui de plusieursarchivistes et chercheurs.

Aux Archives nationales du Canada, MarcLebel nous a fait profiter de ses connaissances surles voyages au début du siècle dernier en com-mentant les premiers chapitres du manuscrit.Cimon Morin nous a introduit aux archivespostales. Les observations de Patricia Kennedyont été précieuses. Au Musée national de la poste,John Willis et Bianca Gendreau nous ont com-muniqué des documents utiles. À Lennoxville,Sylvie Côté, du Centre de recherche des Cantons-de-l’Est, a trouvé dans ses archives quelques pho-tographies précieuses. C’est aussi le cas d’Anne-Marie Cauvier, du Centre d’archives de laGaspésie.

David Monahan, du Musée des sciences et dela technologie, a attiré notre attention sur une desrares diligences conservées jusqu’à ce jour. Onil etClaude Corriveau, du Musée des voitures àchevaux de Bellechasse, de même que PaulBienvenu, collectionneur, ont partagé leurs con-naissances des voitures anciennes.

Plusieurs historiens et historiennes nous ontaidé dans le domaine des transports : à Québec,Serge Goudreau et Alain Roy ; à Ottawa, DouglasB. Campbell ; à Georgeville, Katherine Mac-kenzie ; au Vermont, Sylvia J. Bugbee et JerryFox ; au New Hampshire, Bruce NewellMacWilliams.

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L’appui des sociétés d’histoire, surtout cellesdes Cantons-de-l’Est, fut capital. MarionL. Phelps, de la Société historique du comté deBrome, Betty Brock, de la Société historique deStanstead, et Judy A. Antie, de la Sociétéd’histoire de Missisquoi, furent d’un très précieuxconcours. Un grand nombre d’officiers d’autressociétés d’histoire ont collaboré à cette recherche,notamment celles de Sorel, de Louiseville, desQuatre-Lieux, de Chambly, de Sherbrooke, deShefford, de Longueuil, du Saguenay, de l’Ou-taouais, de même que de l’Ontario HistoricalSociety. Nous les en remercions.

Nous avons pu profiter de l’aide technique deDenise Lafrance et de Sylvie Lemay, du Centre deressources didactiques du Cégep Édouard-Montpetit. Lorne Huston, du même collège, nousa communiqué un manuscrit rare. Merci éga-lement à Patrice Pitre, du Laboratoire de carto-graphie de l’UQAM, qui a réussi à représenter leséléments pas toujours très clairs que nous luiavons soumis.

La recherche, étalée sur plusieurs années, abeaucoup bénéficié des commentaires et del’appui de ma conjointe Lise Charbonneau. Nouslui en sommes très reconnaissant.

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A u début de la colonie établie parles Français sur les bords du Saint-Laurent, la population était si peu nom-

breuse et si préoccupée de sa survie matérielle quela notion même de transport public n’existait pas.Les routes étaient à peu près inexistantes, lesvéhicules, avant tout utilitaires et les chevaux pourles tirer, peu nombreux. Il faudra plusieurs décen-nies de lentes transformations avant que lespaysans puissent profiter de chemins encore pri-mitifs sur lesquels ils feront rouler leurs premiersvéhicules. Quand des voyageurs monteront dansla première diligence québécoise vers 1792, leséléments essentiels du système de transport publicauront été mis en place progressivement : des che-mins entre les villes, des voitures pour y circuleret des chevaux pour tirer ces véhicules.

À l’origine, c’est en empruntant le fleuve etses affluents que l’on voyage dans ce pays boisé :l’été, on navigue sur les rivières en utilisant lavoile, la rame ou l’aviron, et l’hiver on enfile sesbottes ou ses mocassins pour longer la berge et sedéplacer dans la neige vers sa destination. Lescolons s’établissent en bordure du fleuve puis deses affluents, et les chemins de grève sont donc lespremiers qu’on utilise pour le transport, uneordonnance de 1665 fixant à deux perches (12mètres) la largeur à laisser entre la ligne des plus

hautes eaux et les clôtures, « pour la comodité descharrois1 ». L’occupation de toutes les concessionsle long des cours d’eau entraîne la constructiondes premières routes à l’intérieur des terres etl’élaboration progressive du réseau routier, calquésur le système fluvial du Saint-Laurent.

L e r é s e a u r o u t i e rLe réseau routier canadien commence autour deQuébec et, en 1663, alors que la Nouvelle-Francecompte 3000 habitants, la colonie possède uneroute de 40 kilomètres entre Cap-Rouge et le capTourmente. D’autres noyaux se forment en mêmetemps que la capitale : la plaine de Montréal estoccupée progressivement, les colonies des Mari-times prennent lentement de l’expansion ; il fautassurer un lien entre ces petits centres dispersés.

De 1709 à 1713, on ébauche un chemin deLévis à la seigneurie de Rivière-du-Loup. Plustard, la route de Québec vers Baie-Saint-Paul estouverte en 1745 au prix de beaucoup de travaux etil faudra même en changer le tracé en 18062. Ausud, la plaine du Saint-Laurent commence à êtredéboisée. On complète les tronçons de routes déjàétablis entre certaines paroisses afin de créerd’abord un lien continu entre Québec et Montréalpuis vers les endroits les plus importants. La routeMontréal-Québec sur la rive nord est établie au

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cours des années 1730. Le long de la rive sud, lechemin ne sera pas complété avant la fin durégime français. Dans la vallée du Richelieu, lechemin Longueuil-Chambly remonte à 1665 dansson état initial3 et celui qui mène de La Prairie àSaint-Jean est ouvert4 en 1748.

On distingue5 alors trois catégories de che-mins : les chemins royaux et de poste, évidem-ment les plus importants, à l’entretien desquelstous les paroissiens doivent contribuer, leschemins de communication, qui sont des cheminsde montée permettant la desserte des différentsrangs à l’intérieur des paroisses, et les chemins demoulin, construits sur les ordres du seigneur pourpermettre l’accès au moulin banal construit pourmoudre les grains des habitants. C’est sur les che-mins royaux et de poste qu’est établi le premiersystème de transport public après l’ouverturecomplète de la route Québec-Montréal en 1737.

Auparavant, les déplacements s’effectuentavant tout pendant l’hiver, sur la glace, et les raresvoyageurs changent de cheval, mangent et selogent chez les habitants installés le long du fleuvedont quelques-uns se sont équipés pour prêter desbêtes et offrir la nourriture.

L e s v é h i c u l e sL’hiver, plus froid, plus enneigé, plus long qu’enEurope restreint l’utilisation des véhiculesroulants ; il faut se servir de véhicules de tractionsur la neige ou la glace.

On utilise d’abord des traînes qui glissentfacilement sur la neige et, jusqu’au milieu desannées 1660, elles sont tirées par des bœufs : leschevaux sont très rares dans la colonie et ce n’estqu’avec le xviiie siècle qu’ils s’imposent commebêtes de trait. De même, ce n’est qu’au bout deplusieurs années qu’on ajoute une bande de fersous les patins pour faciliter le transport.

Mais quand il quitte la maison, qu’il va àl’église ou en visite, le citadin ou l’habitant utilisesa carriole. Posséder sa carriole, c’est question defierté. C’est un moyen de transport qui apparaît àla ville au début du XVIIIe siècle et qui se répand sirapidement dans les campagnes qu’en quelquesdizaines d’années presque tout le monde a lasienne. Le véhicule, observent les voyageurs de

passage en Nouvelle-France, ressemble à unecalèche ou un cabriolet dont le devant est plusélevé pour se protéger des éclaboussures. Lescarrioles les plus simples ont des patins semblablesà ceux des traîneaux domestiques mais les famillesà l’aise se font fabriquer par le charron desvoitures portées par de superbes patins ouvragés.

Vers 1720, le voyageur Bacqueville de LaPotherie écrit :

Une carriole est une espece de petit carossecoupe par le milieu, & posee au lieu de roues surdeux pieces de bois, dont les bouts sont recour-bez pour glisser plus aisement sur la nege & surles glaces. Ces sortes de Voitures sont trescommode, on les embellit de Peinture &d’Armoiries6.

En fait, il existe toutes sortes de carrioles etcertaines sont conçues pour deux passagers et unconducteur. On trouve parfois en ville des car-rioles vitrées, voitures couvertes qui ressemblent àdes chaises de poste ; on ne s’en sert que lors desvoyages par temps très froid car le plaisir de lacarriole, nous confie John Lambert en 1808,c’est avant tout de voir et d’être bien vu… Legrand avantage de cette voiture, c’est qu’elle peutcirculer aussi bien sur les premiers cheminsprimitifs que sur la neige ou les rivières geléesdont la surface est moins raboteuse que celle desroutes.

En été, le Canadien utilise deux véhicules depromenade, la calèche et le cabriolet. Celui-ci estun véhicule très simple, où l’unique siège, sansdossier, est posé directement sur un essieu et unepaire de roues ; on ne l’utilise donc que pour lescourtes sorties. Il se répand à travers la colonie aumilieu du XVIIIe siècle, tout en demeurant plus rareque la calèche, mais il lui ressemble beaucoup, ditMontcalm7. La calèche québécoise est l’équivalentde la chaise de poste, un véhicule très légerinventé en Angleterre au milieu du siècle précé-dent et qui se répand très rapidement en Europe ;c’est le terme qu’utilise Lanouillier de Boisclercen 1735, quand il relate son premier voyage entreMontréal et Québec.

Mentionnée pour la première fois en 1699,lors de la revue des troupes par Callière, la

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calèche, commune dans les villes à la fin durégime français, gagne rapidement toutes lescampagnes. C’est un véhicule léger, conduit parun seul cheval, qui peut parcourir des distancesimportantes ; il est résistant et circule sur à peuprès n’importe quelle route. C’est quelque chosed’important à cette époque où les cheminsprimitifs ressemblent parfois plus à des sen-tiers qu’à des routes. Sa banquette surélevéeinstallée sur des ressorts accueille deux passagerstandis que le conducteur se place à l’arrièredu cheval qu’il peut diriger aisément. Mais,lorsque le postillon est trop lourd, la calèches’incline vers l’avant ; c’est désagréable pour levoyageur, mais ce n’est rien, en termes d’inconvé-nient, comme le soleil, le vent, la pluie et la boueprojetée par les sabots du cheval : la calèche est unvéhicule ouvert, sans protection contre lesintempéries.

Le visiteur Isaac Weld est celui qui décrit lemieux la calèche de la fin du XVIIIe siècle, « uneespèce de chaise, contenant deux personnes. Elleest attelée d’un seul cheval, et conduite par uncocher, dont le siège est une espèce de coffre,placé sur le brancard. La caisse de la voiture estsuspendue par de larges courroies de cuir, dont lesextrémités sont attachées à des rouleaux de fer,fixés derrière, et qui servent à allonger ou à rac-courcir ces mêmes courroies. La voiture possèdesur chaque côté une petite porte d’environ deuxpieds de haut8 ».

Les chevaux sont encore rares à l’époque deCallière. La première bête est amenée à Québecen 1647 et les arrivées sont à l’origine peu nom-breuses ; en 1685, on ne compte que 156 bêtes. Àla fin du régime français, il existe environ 14 000chevaux et les véhicules hippomobiles sontrépandus depuis trois quarts de siècle.

Une calèche, ou « Marche donc », à la fin du xviiie siècle (Source : Isaac Weld, Travels through the States of NorthAmerica and the Province of Upper and Lower Canada during the years 1795, 1796 and 1797. ANC, nég. C-9673).

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L e s p r e m i e r st r a n s p o r t s p u b l i c sLes premières tentatives d’organiser le transportpublic au Québec remontent au xviiie siècle,lorsqu’un monopole du transport du courrieret des voyageurs est octroyé à Jean-EustacheLanoullier de Boisclerc. L’intendant Bégonestime, dans une ordonnance datée de 1721,« qu’il serait avantageux qu’il fût établi […] desbureaux de postes comme aussi des messageries etautres voitures publiques ». Malheureusement, leroi n’accorde pas sa confirmation, le monopolen’est jamais exercé et le transport des voyageursdans des voitures publiques doit attendre encorequelques années.

Le courrier était toutefois déjà transportédepuis plusieurs années, les origines du serviceparaissant remonter à 1693, lorsque Pedro Dasilvadit Le Portugais reçoit 20 sols pour transporter unpaquet de lettres entre Québec et Montréal9.Après quelques années de bons services, Dasilvadevient, par l’ordonnance de l’intendant Raudotde décembre 1705, « messager ordinaire pourporter les lettres de M. le gouverneur général etles nôtres pour le service du roi dans l’étendue decette colonie, lui permettant de se charger decelles des particuliers pour les rendre à leuradresse et en rapporter les réponses ». Le gendrede Dasilva, Jean Morand, exerce ensuite le mêmemétier et devient messager royal en 1727. Letransport du courrier ne peut alors se faire sur degrandes distances que par canot ou bateau l’été etcarriole l’hiver.

C’est avec l’ouverture de la route Québec-Montréal, utilisable dès 1734 mais complètementterminée en 173710, que le transport publicterrestre sur de longues distances pourra vraimentêtre organisé. Lanoullier de Boisclerc, peut-être lepremier à avoir roulé entre les deux villes, écrit :« J’ai descendu au mois d’août dernier [1734] enchaise, en quatre jours et demi de Montréal àQuébec11 ». L’intendant Hocquart rapporte au roiqu’il a fait lui-même le voyage Québec-Montréalen quatre jours.

On établit bientôt un système de postes derelais installés dans les villages tous les quinzekilomètres environ, dirigés par des maîtres de

poste, dont la fonction est de faciliter les voyagesentre Québec et Montréal ainsi séparées en 24relais ou postes. Le maître de poste, nomméd’office, a le privilège exclusif de transporter lesvoyageurs de son poste au suivant. Ses bêtes et sescalèches doivent être toujours prêtes à 15 minutesd’avis pendant le jour et 30 durant la nuit12. Pourguider les voyageurs dans l’obscurité, la porte desa demeure sera toujours éclairée la nuit par unechandelle. Ces postes n’ont donc rien à voir avecle service postal, pour lequel on utilise alors lestermes de messageries, de courriers, de malle.

L’hiver, certains, sinon plusieurs des premiersrelais, sont carrément installés sur le glace où lesmaîtres de poste préparent les chevaux pour lesvoyageurs. Certains d’entre eux possèdent déjàtout ce qu’une bonne auberge doit avoir, encommençant évidemment par l’alcool qui estingurgité en grande quantité. En 1759, Bourla-maque observe que les chevaux attendent sur laglace du fleuve pour le relais lors du passage dedeux administrateurs13.

Le service estival fonctionne également bienpuisqu’en 1756 Montcalm relate dans son journalque

le chemin de la Petite-Ferme à Québec estbeau ; on le fait dans la belle saison en sixheures, on change à chaque paroisse de voiture,

Petite carriole avec sa fourrure(Source : Musée des voitures à chevauxde Bellechasse ; photo : Pierre Lambert).

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ce qui retarde, à moins qu’on n’en ait faitprévenir. On paye ces voitures et un cheval àraison de vingt sols par lieue14.

L’année suivante, Bougainville indique quepresque tout le monde voyage en poste15.

Après la cession de la Nouvelle-France àl’Angleterre, les transports publics par calèche sedétériorent rapidement, faute de réglementationprécise des nouvelles autorités coloniales. Au toutdébut du régime militaire, le public voyageur sevoit même privé de l’utilisation des calèches et deschevaux des maisons de poste, réservés aux per-sonnes qui possèdent une autorisation spéciale dugouverneur16. Le rétablissement de la circulationamène les autorités à prendre conscience du piètreétat du réseau routier. On veut élargir les routesparce qu’elles sont trop étroites et retardent lesvoyageurs dont les voitures ne peuvent se ren-contrer. On ordonne même que les voyageurs quiutilisent la route Québec-Montréal circulent à lamanière anglaise, c’est-à-dire que ceux qui se diri-gent vers Montréal soient tenus de circuler sur lagauche, du côté du fleuve !

La réouverture des chemins de poste aupublic voyageur s’accompagne d’une désorga-nisation des services. Les maîtres de poste devien-nent de plus en plus négligents dans l’accomplis-sement de leurs obligations envers les voyageurset ces derniers sont de plus en plus insatisfaitsd’avoir à payer pour des services médiocres. Lasituation en est au point où des voyageurs trom-pent les maîtres de poste, les menacent et mêmeles maltraitent.

Le gouvernement réagit en février 1767 enaccordant une plus grande importance aux mai-sons de poste du Québec qu’il place dorénavantsous la loi des maisons de poste de Grande-Bretagne, avec tous les avantages et obligationsqui en découlent17.

Les maîtres de poste obtiennent le monopolede la fourniture de chevaux et de véhicules auxvoyageurs circulant sur les chemins de poste àcause « des fraix considérables pour entretenirun nombre convenable de domeftiques et de che-vaux » ; ils recevront désormais trois pence (envi-ron 5¢) pour chaque mille parcouru parun cheval et quatre pence à chaque poste pour

le cocher. Les prix sont affichés à l’intérieur dela maison de poste pour que les voyageurs nesoient pas exploités. Les courriers transportant« la Malle de lettres » sont exemptés des péages.

Cette importante ordonnance est la premièredu nouveau régime à préciser les modalités dutransport public dans la province. Ainsi, à partirde 1767, les voyageurs peuvent à nouveau utiliserles services des maîtres de poste, qui, de leur côté,commencent à faire savoir qu’ils mettent à ladisposition du public, « à une minute d’avis », lescalèches et les chevaux nécessaires à un voyageentre Montréal et Saint-Jean ou Montréal et Qué-bec. À cette époque, les voyages deviennent ainsiplus faciles entre Montréal et la frontière amé-ricaine. Un bac assure la traversée du fleuve versLa Prairie, la calèche prend le relais jusqu’à Saint-Jean et le voyage se poursuit sur une embarcationqui remonte le Richelieu vers le lac Champlain etles États-Unis.

Mais les plaintes se font vite nombreusescontre le service offert par les maîtres de poste.Ces derniers n’arrivent pas à faire leurs frais,abandonnent leur fonction ou esssayent de fairequelques sous en louant eux-mêmes des véhicules.Plusieurs voyageurs se plaignent du mauvais étatdes calèches, des chevaux beaucoup trop lents etdes attentes aux relais qui se prolongent18.

À compter de 1780, on adopte plusieurs loispour réglementer la tenue des relais sur la routeQuébec-Montréal et permettre l’acheminementrapide du courrier et des voyageurs. Les soixantelieues (233 kilomètres) à parcourir sont divisées en24, puis 29 relais où les maîtres de poste sontdésormais obligés de tenir à quinze minutes d’avisquatre calèches ou quatre carrioles à la dispositiondes voyageurs19, une situation assez comparable àcelle qui prévalait sous le régime français. On pré-sume que c’est vers cette époque que sont plantéesà toutes les lieues des bornes servant à indiquer lesdistances entre Québec et Montréal20. En 1799, levoyage en calèche entre Québec et Montréalrevient à près de £4, ou environ 16 $. En 1811, ilen coûte 12 $ pour une personne transportée dansune calèche attelée d’un seul cheval21.

Jusqu’alors, la route Québec-Montréal, aveccelle de Montréal à Saint-Jean, est la seule à

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posséder un réseau de relais de poste, d’ailleursvraiment nécessaire aussi bien pour des raisonsadministratives que commerciales. En 1786, laroute Lévis–Rivière-du-Loup deviendra à sontour un chemin de poste principal dans la pro-vince car cette route est le premier segment quimène au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse par le lac Témiscouata. Ouverte pour desraisons politiques, nécessaire au maintien constantdes communications entre les colonies britan-niques, la route Québec-Halifax n’est parfoisqu’un simple sentier, sauf le long du fleuve Saint-Laurent où elle unit des paroisses déjà anciennes.Hugh Finlay observe que les voyageurs sontencore peu nombreux sur cette route. Ils ne pour-ront pas exiger que les chevaux les attendent àl’écurie ; les bêtes seront dans des pacages parfoiséloignés durant l’été. Il faudra donc être patient etne pas décourager les nouveaux maîtres de posteen les brutalisant…

À la fin du siècle, Isaac Weld effectue unvoyage au cours duquel ses observations aiguiséessont irremplaçables :

On ne trouve point dans toute l’Amériqueseptentrionale de route aussi commode et aussibien servie que celle qui conduit de Québec àMontréal. Des postes sont établis à des distancesréglées. Là, des chevaux, des calèches ou descarrioles, suivant la saison, paraissent attendre levoyageur. Chaque maître de poste est tenud’avoir chez lui quatre calèches et autant decarrioles ; il y a en outre à chaque relais, ce quel’on appelle dans le pays un aide-de-poste, quiest tenu d’avoir un nombre égal de ces voitures,et de les fournir au maître de poste, lorsquecelui-ci les requiert. Au privilège exclusif defournir des chevaux et des voitures, il n’y ad’attaché que l’obligation de servir les voyageursdans un quart d’heure, si c’est pendant le jour, etune demi-heure si c’est la nuit. Les postillonssont obligés de courir à raison de deux lieues parheure. Le prix d’une calèche attelée d’un seulcheval est d’un shilling […].

Quoique les calèches de poste soient lourdes etgrossièrement construites, elles ne cahotent pasle voyageur et elles sont en tout point préfé-

rables aux diligences américaines dans lesquelles,si l’on n’a pas eu la précaution de se pourvoir decoussins, on est sûr d’avoir les côtés et les brasmeurtris avant d’arriver au terme de sonvoyage22.

Les louanges qu’adresse Isaac Weld autransport en calèche n’empêchent pas JohnLambert de trouver celles-ci « abominables »,surtout lorsque le conducteur est lourd : il faitpencher le véhicule vers l’avant et il est difficile dese tenir sur son siège. Lorsque le voyage est long,le passager se fait tellement brasser que sesépaules et ses hanches sont rapidement endolo-ries23. Les récriminations deviennent fréquentesavec les années. Vers 1810, le voyageur pressé doitprendre son mal en patience car il faut souventattendre une bonne demi-heure à chaque relais, cequi peut représenter une demi-journée d’attentepour un voyage de deux jours et demi. Il n’existeencore aucun service d’hôtellerie digne de ce nomle long de la route Québec-Montréal, de sorte quechacun doit apporter ce dont il a besoin24.

Ce mauvais service contribuera à la désaffec-tion pour les calèches et à la mise sur pied desservices de diligences en 1811. Cependant, avantmême l’apparition des premières lignes de dili-gences commerciales, d’autres voitures publiquesavaient commencé à circuler : les diligencespostales.

L e s b e s o i n s p o s t a u xL’acheminement du courrier entre Québec etMontréal puis de cette ville vers les États-Unispréoccupe alors les autorités de plus en plus. Il ya bien un courrier express qui part une fois parsemaine, abattant ses 60 lieues en 30 heures, maisc’est loin d’être suffisant25.

En août 1774, le service régulier entre lesdeux grandes villes passe à deux courriers parsemaine26, qui partent de la capitale les lundi etjeudi pour atteindre Montréal les mercredi etsamedi, avec des arrivées à Québec les mêmesjours. À son passage au relais, le messager a besoind’une monture qui lui est louée 6 deniers la lieue(environ 2 ¢ du kilomètre), la moitié du prix exigédes voyageurs, et il prend le bac sans payer. Les

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capitaines de bateau peuvent aussi transporter lecourrier et reçoivent un sou la lettre.

Les lettres expédiées entre Québec, Montréalet les États-Unis sont toujours de plus en plusnombreuses et nécessitent de plus en plus decourriers. Après une interruption de 1775 à 1783causée par l’invasion américaine, la signature enmars 1792 d’une convention postale27 sur l’ache-minement de la malle vers les États-Unis etl’Angleterre facilite dorénavant le service postal.Mais le courrier est maintenant trop abondant etsurtout trop lourd ; il faut dorénavant transporterles sacs postaux en voiture, dans des malles-poste,des véhicules où des voyageurs pourront prendreplace. Ces voitures postales qui commencent àrouler dès 1792 sont les première diligencesquébécoises.

N o t e s1. Arrêts et règlements du Conseil supérieur du Québec et

Ordonnances et jugements des intendants du Canada, p. 24-25.2. Edwin Clarence Guillet, The Story of Canadian

Roads, p. 16.3. Marcel Trudel, « La folle aventure du gouverneur

Courcelle contre l’Iroquoisie et l’ouverture du chemin deChambly », Soc. d’hist. de Longueuil, cahier no 19, 1989,p. 36.4. Réal Fortin, « Un chemin plein d’histoires », Soc.

histor. de la vallée du Richelieu, cahier no 9, 1977, p. 55. François-Joseph Cugnet, Traité de la police, p. 1 à 12.6. Claude Charles LeRoy Bacqueville de la Potherie,

Histoire de l’Amérique septentrionale, vol. I, p. 278.7. É.-Z. Massicotte, « Les véhicules en la Nouvelle-

France », BRH, vol. XXXII, no 6 (juin 1926), p. 359.8. Isaac Weld, Travels through the States of North America

and the Province of Upper and Lower Canada during the years1795, 1796 and 1797, p. 175-176.9. John Willis, « Sur les traces de la modernité

postale », Cap-aux-Diamants, no 41, printemps 1995, p. 71.10. Roland Sanfaçon, « La construction du premierchemin Québec-Montréal et le problème des corvées

(1706-1737) », RHAF, vol. 12, no 1 (juin 1958), p. 27. Ilrestait alors quelques ponts à construire.11. Lettre de Lanoullier, en 1735, citée par AugusteGosselin, « Québec en 1730. Relation de ce qui s’est pas-sé à Québec, en Canada, ville capitale de la Nouvelle-France, à l’occasion de la naissance de Mgr le Dauphin »MSRC, 2e sér., vol. V, sect. I, p. 53.12. William Smith, History of the post office in British NorthAmerica, 1639-1870, p. 38 à 41.13. H.-R. Casgrain (sous la dir. de), Lettres de M. deBourlamaque au Chevalier de Lévis, p. 299.14. H.-R. Casgrain (sous la dir. de), Journal du Marquisde Montcalm durant sa campagne au Canada de 1756 à 1759,p. 61.15. Louis-Antoine, comte de Bougainville, « Mémoiresur l’état de la Nouvelle-France », RAPQ, 1923-1924,p. 63.16. William Smith, op. cit., p. 45.17. La Gazette de Québec, 16 février 1767.18. ANC, MG 21, British Museum, The HaldimandPapers, Add. Mss 21860, Finlay à Haldimand, p. 10,20 août 1778.19. Id., p. 92, Ordonnance du 9 mars 1780.20. Le transporteur Michel Gauvin fait référence à cesbornes en 1840 en disant qu’il ignore à quel endroit ellessont situées (The Quebec Mercury, 15 déc. 1840).21. D’après un rapport postal du 23 avril 1811. SergeGoudreau, « Le transport du courrier entre Québec etMontréal au début du XIXe siècle », L’Ancêtre, vol. 7, no 8,(avr. 1981), p. 228.22. Isaac Weld, op. cit., p. 246-247.23. John Lambert, Travels through Lower Canada and theUnited States of North America in the year 1806, 1807 and1808, vol. 1, p. 170.24. D’après un rapport sur le service postal entre les deuxvilles, daté du 23 avril 1811 et cité par Serge Goudreau,« Mail Conveyance between Montreal and Quebec at theBeginning of the 19th Century », Postal History Society ofCanada Journal, 28 (1981), p. 17.25. Edwin Clarence Guillet, op. cit., p. 21.26. La Gazette de Québec, 11 août 1774.27. ANC, MG 44, B, vol. 1, p. 1.

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A lors que les voyageurs qui se rendent àQuébec pestent contre le mauvais servicedes calèches de poste, des diligences par-

courent les routes américaines depuis déjàquelques décennies. En Europe, les transportspublics existent alors depuis longtemps etrésultent d’une longue évolution.

L e s t r a n s p o r t sp u b l i c s e n E u r o p eLe transport routier européen prend de l’expan-sion à compter du XVIe siècle. On développe alorsdes races de chevaux résistants et rapides sur lesroutes. Les voituriers créent des véhicules commele carrosse, la calèche, la berline. La ville hon-groise de Koszi devient célèbre pour ses voitureset donne son nom au mot français « coche » et àl’anglais coach, qui donnera plus tard stage coach,« diligence ». Le coche est un gros véhicule àquatre roues mû par deux, quatre ou six chevauxqui commencent à transporter des voyageurs dèsle début du XVIIe siècle. En 1647, ces voituresrelient près d’une cinquantaine de villes deFrance.

Les diligences sont des coches améliorés.Certains de ceux-ci, à partir du début du xviiie

siècle, seront appelés « coches de diligence », puissimplement « diligences », en raison de leur« grande » rapidité : ils réussissent à abattre 400kilomètres en moins d’une semaine, un record

pour l’époque… La diligence type aurait été crééevers 1770 par Roubo, qui la définit comme unevoiture à ressorts, rapide, et qui peut contenir huitpersonnes1.

À cette époque, le gouvernement français créeun organisme régissant le transport par diligenceset fait construire des véhicules à quatre, six ou huitplaces, les derniers attelés de six ou même de huitchevaux lorsque la charge approche deux tonnes.Grâce à des relais rapprochés, de 20 à 30 kilo-mètres et parfois moins dans les régions demontagne, les chevaux conduits par un ou deuxcochers peuvent faire 100 kilomètres par jour enallant au trot.

La vitesse alliée au confort (relatif, évidem-ment) fait considérer les diligences comme unachèvement remarquable. Au début du siècledernier, les grosses diligences françaises, géné-ralement tirées par cinq chevaux2, peuventatteindre sept tonnes et loger dix-huit personnes ;elles possèdent des compartiments en fonction duprix payé par le voyageur. Les diligences enviennent à la fin à rouler de nuit comme de jouret abaissent les temps de parcours d’une façonconsidérable, non sans que les voyages n’entraî-nent avec eux des accidents qui deviennent de plusen plus fréquents avec le désir de rouler plusrapidement. Il est difficile de croire qu’en 1827,4000 diligences françaises se renversent et causentplus de 1000 morts3 !

C H A P I T R E P R E M I E R

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En plus d’être les plus confortables, lesdiligences anglaises étaient les plus rapides : letrajet Londres-Édimbourg (600 kilomètres) esteffectué en seulement 42 heures, à une vitesse deplus de 14 kilomètres/heure. Le système de dili-gences britanniques est constitué de 3000 lignesutilisant 150 000 chevaux et l’on estimait que 300stage coaches y roulaient en permanence. L’inté-rieur de ces hautes voitures contient quatre placesréservées aux dames, tandis que huit hommespeuvent s’asseoir sur le toit et deux à côté ducocher. L’Angleterre et la France possèdent audébut du siècle dernier les meilleurs services dediligence, avec, probablement, la Russie, dont lesvoyageurs profitent de relais d’un grand confort.

L e s d i l i g e n c e s a m é r i c a i n e sLes premières voitures de transport public auxÉtats-Unis apparaissent dès le premier quart duXVIIIe siècle. Il s’agit souvent de chariots primitifsqui circulent au Massachusetts et au RhodeIsland4. Des véhicules ressemblant à des diligencescommencent à rouler entre New York et Phi-ladelphie, vers 1750 ; le voyage dure trois jours.On est toutefois unanime à considérer que c’est àpartir de 1785-1790 que le transport par diligenceprend un véritable essor aux États-Unisavec l’arrivée de Levi Pease, qui met en place laligne Boston-New York5. Dans l’espace de dixou vingt ans, tous les centres de Nouvelle-Angleterre reçoivent la visite de leurs premièresdiligences.

Les diligences américaines et canadiennesroulent à des vitesses comparables à celles des voi-tures européennes, c’est-à-dire à une lenteur quidésespérerait le voyageur d’aujourd’hui. En 1812,la distance de 625 kilomètres entre Paris etGenève est parcourue en six jours, Paris-Strasbourg (560 kilomètres) en cinq jours. En1816, aux États-Unis, on franchit les 750kilomètres entre New York et Buffalo en seu-lement quatre jours mais le voyage de Phila-delphie à Pittsburgh (500 km) prend cinq jours etdemi. Le voyageur parti de Québec arrive àMontréal en deux jours, à Boston en cinq jours età Philadelphie en une semaine6. Les diligencesquébécoises, dès leur mise sur pied, sont intégrées

au réseau américain dont elles constituent leslimites septentrionales.

L e s p r e m i è r e sd i l i g e n c e s q u é b é c o i s e sAu tournant du xixe siècle, les communicationspostales prennent un essor remarquable avec ledéveloppement du commerce. Les routes postalesMontréal-Québec et surtout Montréal-New Yorkne répondent plus aux besoins. En 1792, la con-vention postale signée entre l’Angleterre et lesÉtats-Unis règle une partie des besoins avec lamise sur pied d’un service bimensuel de transportdu courrier entre Montréal et Burlington, servicequi devient hebdomadaire cinq ans plus tard7.

Mais le courrier est beaucoup trop abondantet trop lourd pour être transporté par des messa-gers. Il faut utiliser des voitures. Ce sont lesmalles-poste, des diligences postales qui accueil-lent les voyageurs. En hiver, courrier et voyageurssont transportés en carriole jusqu’à Burlingtonmais, l’été, un navire prend la relève depuis Saint-Jean jusqu’aux États-Unis. Le voyage entre Mont-réal et New York requiert deux déplacements enmalle-poste, depuis La Prairie jusqu’à Saint-Jean,et de Whitehall (à la tête du lac Champlain) aubateau qui circule sur l’Hudson.

Les plus anciennes diligences connues8 auBas-Canada roulent entre La Prairie et Saint-Jeanen 1792 et 1793. En 1799, John C. Ogdenemprunte la malle-poste de Saint-Jean à Montréalpuis celle de Québec à Montréal, qui circule déjàune fois par semaine, et il estime que tout levoyage entre Saint-Jean et Québec est facile etrapide9.

Q u ’ e s t - c e q u ’ u n e d i l i g e n c e ?Les voitures publiques qui rouleront sur les routesdu Québec pendant plus d’un siècle ne ressem-blent pas toujours aux diligences des westernstirées par six ou huit chevaux au galop ou auxbeaux carrosses européens propices aux aventuresgalantes. Les attelages québécois sont moinsimpressionnants et les voitures plus modestes.

Dès leur apparition au Québec, en 1792, lesvoitures de transport public sont désignées par lemot anglais stage. Le terme « diligence » apparaît

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quelques années plus tard, comme on le lit en1808 dans un contrat où le conducteur doit « semunir de bonnes voitures & bons chevaux pourfaire concourrire la diligence & la Sureté desvoyageurs10 ». En 1814, ces voitures sont appelées« voitures diligentes vulgairement nommé [sic]ligne de stage11 ». Le mot wagon, utilisé assez sou-vent par les voyageurs anglophones pour désignerdes chariots servant de diligences, apparaît pour lapremière fois en français12 dans La Gazette deTrois-Rivières en 1846.

Le terme stage sera utilisé par les notaires etdans la publicité francophone presque aussisouvent que l’appellation « diligence » et per-sistera tout au long du xixe siècle, en qualifiantexactement ce que sont les diligences : des voi-tures à étapes, à relais13. Le mot passera dans lelangage populaire et désignera l’itinéraire de ladiligence, comme le « stage de Québec » ou le« stage Saint-Germain14 », à Rougemont.

L’appellation « malle-poste » (anglais : mailcoach), c’est-à-dire « diligence postale », est moinsfréquente, tant chez les notaires que dans lesjournaux15, même si la quasi-totalité des diligencestransportent en même temps courrier et voya-geurs et sont en fait des malles-poste. Ces malles-poste, on les appelle parfois des « diligencespubliques16 » mais la population, souvent, lesappelle tout simplement des « malles17 ».

Les voitures utilisées l’hiver, les diligencesd’hiver, sont parfois des diligences dont les rouesont été remplacées par des patins mais, la plupartdu temps, ce sont simplement des carrioles. C’estle mot qui apparaît dans la publicité d’époque et ilest omniprésent dans les récits de voyages ; lestermes anglais sleigh ou stage sleigh apparaissent àl’occasion dans la publicité. Mais, qu’on soit enhiver ou en été, toutes sortes de voitures sontappelées « diligences » ou stages et beaucoupd’entre elles sont petites et très éloignées de l’idéeque l’on se fait d’une diligence.

La publicité des journaux présente commediligences des voitures qui sont peut-être davan-tage des chariots, des wagons. D’ailleurs, dans lescontrats des conducteurs des malles-poste, onindique parfois que « la malle sera conduite en étédans une charrete ou chariot fermé & en cariole,

l’hiver18 ». Les voyageurs comparent parfois lesvoitures dans lesquelles ils voyagent et les malé-dictions dont ils accablent certains véhicules pri-mitifs prouvent que le terme « diligence » s’ap-plique à une grande variété de voitures.

Pour les contemporains, une diligence, oustage, est « une voiture à étapes », quels qu’ensoient la forme, le type et la vitesse. C’est cettedéfinition fonctionnelle qu’on adoptera ici, et nonpas une définition morphologique. On considé-rera comme diligence « une voiture hippomobileà quatre roues (ou à patins durant l’hiver) utiliséepour le transport public selon des étapes et unhoraire pré-établi ». L’avantage de cette définitionvolontairement générale est de s’appliquer à desvéhicules très divers, dont des voitures modestes,même pas fermées, comme certains chariots, enautant qu’il s’agisse de voitures de transportpublic. Les diligences privées que possèdent cer-tains hôtels ou des individus très riches commeHugh Patton19, le roi du transport hippomobile àMontréal dans la décennie 1880, ne nous intéres-sent évidemment pas.

Jusqu’en 1855 environ, les diligences sont desvoitures interurbaines qui, la plupart du temps,transportent les voyageurs sur de grandes dis-tances mais les itinéraires sont par contre peunombreux : pas plus d’une vingtaine au Québec.C’est l’âge d’or des diligences long-courriers et dusystème de transport steam-and-stage où l’onutilise des diligences pour contourner des rapidesque les nouveaux bateaux à vapeur ne peuvent pasencore franchir. Dans la seconde moitié du xixe

siècle, on commencera à faire la distinction avecles omnibus, véhicules de transport public dans lesgrandes villes mais dont la forme est différente.

Après l’arrivée du bateau et surtout du train àvapeur, avec l’augmentation de la population dansles villes et sur les fronts de colonisation, les lignesde diligences, plus courtes, se multiplient et enviennent à desservir des paroisses très éloignées.Leurs fonctions se diversifient : les voitures publi-ques amènent à la gare ou au quai les voyageursqui se dirigent vers la ville et en rapportent lecourrier pour les paroisses rurales. Des diligencesrurales font le lien entre les paroisses et les petitesvilles en plein essor ou amènent dans les grandes

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villes les personnes de la campagne environnante.Cette utilisation différente des voitures de trans-port public représentera vraiment une seconde viepour les diligences.

Ces voitures se modifient avec l’extension duréseau de transport public, au point qu’elles neseront plus reconnaissables dans la deuxièmemoitié du xixe siècle. Les omnibus, véhicules detransport public de forme tout à fait différente,apparaissent alors dans les villes. Dans les cam-pagnes, la disparition des diligences classiquess’accompagne d’une transformation morpholo-gique et fonctionnelle des voitures. Pourtant, lescontemporains, dans les annuaires commerciaux,dans les journaux, les désignent toujours commedes diligences jusqu’au début du XXe siècle, mêmesi leurs caractéristiques sont devenues très diffé-rentes. L’appellation « diligence » disparaîtra pro-gressivement avec l’ouverture des dernièresrégions de colonisation et la pénétration desvoitures publiques à l’intérieur des Laurentides.

Les voitures hippomobiles qui nous inté-ressent furent dont utilisées pendant tout le XIXe

siècle. On distinguera dans cet ouvrage lesdiligences classiques, qui disparaissent vers 1855,et les voitures publiques à fonctions multiples, quiroulèrent jusqu’à la fin du siècle et même au-delà.

L e s t y p e s d e d i l i g e n c e sLes diligences utilisées aux États-Unis puis auCanada sont à l’origine assez primitives20. Seulesquelques rares voitures sont importées d’Europepar les Américains au milieu du xviiie siècle. Lespremiers véhicules, des stage wagons, dérivent deschariots utilisés pour le transport des marchan-dises et sont plus étroits et plus longs que lesdiligences typiques qui commencent à rouler vers1820-1830. Ils ont quatre banquettes pour rece-voir douze passagers faisant face vers l’avant. Ces« diligences » sont très ouvertes, avec un toit(beaucoup plus plat que par la suite) supporté pardes montants étroits disposés aux coins et sur lescôtés. Lorsqu’il pleut, on abaisse, en guise deprotection, un rideau de cuir sur les côtés, àl’arrière, et même à l’avant, dans certains véhi-cules, pour isoler les passagers du conducteurdont le banc est placé sous l’avant du toit.

Les premières de ces voitures ne possèdentmême pas de portières latérales, qui ne sont crééesqu’un peu avant 1800 par l’Américain Levi Peasepour les malles-poste. Les voyageurs embarquentpar l’avant et enjambent les banquettes pour sediriger vers l’arrière. En 1831, Adam Fergussonvoyage le long du Saint-Laurent dans une de cesdiligences primitives où la fenêtre sert d’entrée etde sortie21, dans le but, dit le passager, d’empêcherl’eau de pénétrer dans la voiture quand celle-citraverse un ruisseau ou une rivière. Anna Jamesonvoyage également dans « ces boîtes de bois rec-tangulaires placées sur des roues et dans lesquellesvous entrez par la fenêtre22 » et que les conduc-teurs appellent entre eux des « cages à poules23 ».

Les colis et les valises sont attachés à l’arrièredes diligences tandis que les petits objets et lessacs postaux sont poussés sous les banquettes.Lorsque les paquets sont trop nombreux, on lesplace entre les jambes des voyageurs qui finissentparfois par se retrouver les genoux sous le mentontellement l’espace devient rare. La caisse de lavoiture est en bois épais, souvent décorée de per-sonnages illustres, et suspendue à deux épaissescourroies de cuir attachées aux essieux. C’est unediligence de ce type qu’utilise Isaac Weld auxÉtats-Unis avant de poursuivre son voyage auBas-Canada. On n’a pas trouvé trace dans la pro-vince de diligences qui auraient été décorées depersonnages ou de paysages mais les diligencespostales portent le dessin des armoiries britan-niques24. C’est au cours de ces années que lespremières malles-poste de la province circulent deMontréal vers Québec et vers Saint-Jean, mais onignore tout de leur apparence.

À partir de 1800-1815, la forme des véhiculesévolue beaucoup avec les tentatives des voiturierspour améliorer le confort. Certaines diligencesprennent alors une forme tout à fait ovale25, avecun marche-pied pour le conducteur et un casier àbagages pratique soudé à un essieu. La formearrondie de ces voitures n’est pas pratique car lespassagers peu nombreux sont tassés les uns sur lesautres. Sur la route Montréal-Québec, les dili-gences utilisées à compter de 1816 sont encoredes véhicules primitifs, du type Oliver26. L’artisteAl Lang nous fait voir ce type de voiture ovale, à

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COMPOSÉ EN JANSON CORPS 10,5SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR JOSÉE LALANCETTE

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN SEPTEMBRE 1998SUR LES PRESSES DE AGMV

À CAP-SAINT-IGNACE, QUÉBEC

POUR LE COMPTE DE GASTON DESCHÊNES

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION

Extrait de la publication