Exposition "La saga du français"

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La saga du français EXPOSITION SEP A éditions MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES Lucas Van Valckenborgh , XVI e s., Louvre © Photo RMN-G. Blot En classe, le travail des petits (détail) par Geoffroy Henry 1853-1924, Ministère de l’Éducation nationale , Paris © Photo RMN-J. G. Berizzi Réalisation : © Éditions Sépia Téléphone : 01 43 97 22 14 Rédaction : Nadège Hervé Jean Mazenq Conception graphique : Marion Le Masurier PLM 2 © Photo Keystone

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Copyright : © 2006 Editions Sépia. Mention légale à faire figurer si reproduction partielle ou totale de panneaux.

Transcript of Exposition "La saga du français"

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En classe, le travail des petits (détail) par Geoffroy Henry 1853-1924, Ministère de l’Éducation nationale , Paris © Photo RMN-J. G. Berizzi

Réalisation :© Éditions SépiaTéléphone : 01 43 97 22 14

Rédaction :Nadège HervéJean Mazenq

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LA LANGUE FRANÇAISE : UN PATOIS DEVENU LANGUE NATIONALE

Tuile de Châteaubleau (Seine-et-Marne) en terre cuite

du II e ou du III e siècle ap.J.-C.Un supposé contrat de mariage

en langue gauloise écrit dans l’alphabet latin.

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Au berceau de la langue française, le latinComment les Gaulois ont adopté et se sont approprié le latin

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César.Général de l’armée

romaine, il prendpossession des régions

entre Alpes, Atlantique,Pyrénées et Méditerranée.

Il leur donne un nom,la Gaule, et une langue,le latin.

Tour de Babel.D’après la légende,toutes les languesseraient issues d’unelangue commune et unique, celle d’Adam et Ève. La tour de Babel,mythe biblique del’origine des langues,a longtemps servi de référence dans ce domaine, y comprispour la langue française.

Ce que les Gaulois nous ont légué.

Dans le lexique français, il resteenviron 60 mots d’origine gauloise (celtique). Ils désignentdes plantes (bruyère), des arbres(if, sapin, chêne) ou des élémentsdu domaine agraire (arpent,charrue, lieue). Mais c’est surtoutdans la toponymie (étude desnoms de lieux) qu’apparaissentle mieux les origines celtiquesdu vocabulaire français. Les lieuxsignalent les peuples qui les occupaient (les Parisii ont donnéleur nom à Paris), désignent leurfonction (Lugdunum a donnéLyon et désigne la forteresse de Lug, dieu des arts et métiers)ou leur situation (Meulan est, àl’origine, Mediolanum : le milieude la plaine).

Légionnaires romains.L’armée romaine est un creuset

où se transforme la languelatine. Les soldats romains ,

issus du peuple, parlent doncun latin… populaire influencépar les parlers de légionnaires

venus d’ailleurs comme les Germains.

II e s.ap.J.-C. , Rome, © Photo RMN-H. Lewandowski

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Les peuples indo-européens qui se

sont installés dans la future Gaule

entre 700 et 500 av. J.-C. parlent des

langues variées et n’ont pas ou peu

de système d’écriture. Jules César

envahit le territoire à partir de 58 av.J.C.

Par la suite, le latin finit par s’imposer

aux populations locales. En effet,

les Romains amènent avec eux une

administration forte ; or, tout Gaulois

qui veut devenir citoyen romain et

accéder à un poste de responsabilité

dans le grand empire doit évidemment

en apprendre la langue.

Mais celle parlée en Gaule n’a rien de

classique car le mélange des cultures

aboutit au métissage : au contact des

indigènes et des légionnaires de toutes

origines, la langue des envahisseurs

prend des formes nouvelles, dites

vulgaires (du latin vulgus : peuple).

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MINISTÈRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES

La Sorbonne.

Cette université, créée à Paris,

par Robert Sorbon en 1227,

dispense son enseignement

en latin dès le Moyen Âge.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle,

les thèses des étudiants doivent

être soutenues dans cette langue.

Un manuscrit en caroline.Sur l’initiative de Charlemagne (d’où l’adjectif caroline), les motssont séparés par des blancs et les lettres se font minuscules.Les copistes y gagnent en rapiditéet en clarté.

Charlemagne(742-814).Cet empereur franc du IXe siècle quiparlait sa langue germanique, maisqui admirait le latin des grands auteursclassiques, fit venir des puristes de la langue romaine. Il voulait retrouverla grandeur de la langue latine et ainsirendre plus prestigieux l’enseignementde l’Église.

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Voici, sur cette carte, les grandsdomaines linguistiques du territoirefrançais. Les parlers romans sontmajoritaires : oïl, oc (d’où vient le motoccitan), mais aussi catalan, corse,franco-provençal. L’alsacien,le lorrain, le flamand ne sont pas deslangues romanes mais germaniques.Le breton est une langue celtique.Le basque est la plus ancienne languede France. Non indo-européenne,elle était déjà parlée par les Aquitainsavant l’arrivée des « Gaulois ».

Domaine d’oil(oïl = oui)

Domaine d’oc(oc = oui)

Saintonge

Catalan

Domaine toscan

Domaine franco-provençal

Après les Romains, dont l’empire

s’effondre au V e siècle, divers peuples

germaniques envahissent la Gaule.

Cependant leur implantation n’est

pas régulière. Dans les territoires

conquis, la langue des populations

restera profondément marquée par

leur passage. Le nord de la Gaule, où

s’installent les Francs,est beaucoup plus

touché. Du nom de ce peuple viendra

plus tard Francia (pays des Francs) puis

France et, bien sûr, français. Au sud,

où la présence des Burgondes et

des Wisigoths est moins importante, les

langues garderont des caractéristiques

latines beaucoup plus fortes. La Gaule

va peu à peu se partager entre pays

de langue d’oïl, au nord, où oui se dit

oïl, et pays de langue d’oc, au sud,

où oui se dit oc.

LA LANGUE FRANÇAISE : UN PATOIS DEVENU LANGUE NATIONALE

Parlers germaniques,parlers latins et accents de France.

Au sud de la France, les voyellesfinales se sont longtempsconservées sur le modèle latin.Voilà pourquoi, le e final des mots se prononce dans lapartie méridionale de la Francetandis que les habitants du nord ne le font pas entendre (il devient alors « e muet »).Exemple : le mot voile qui vientdu latin vela, se prononce velaen italien, resté plus proche de la langue latine, voil-le( en deux syllabes) en françaisavec l’accent du Midi, et voil(e)à Paris.

Scène d’enseignement dans une abbaye.

Au Moyen Âge, l’enseignementest essentiellement religieux.

Or, la langue de l’Église est le latin qui restera longtemps

la langue de l’érudition.

Un chevalier et son armure.Les mots gant, heaume,éperon, blason, épieu…ont été importés enFrance par les peuplesgermaniques du Moyen Âge.Des Germains nousavons aussi hérité le vocabulaire de la guerre et de la féodalité :guetter, haïr, épargner,baron, sénéchal,marquis…

Les Germains imposent leur voixQuelques clés pour comprendreles différences de prononciation

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Les premiers textes s’écrivent au Moyen Âge L’écriture donne naissance et reconnaissance à la langue française

Petite histoire des diphtongues.

Au Moyen Âge, certainesconsonnes du latin chutent,les voyelles s’allongent et, surtout, l’accent tonique disparaît. Cela donne naissanceà des groupes vocaliques dunom de diphtongues. Plus tard,ces diphtongues disparaissentrendant l’origine latine presqueméconnaissable ; ainsi, piedvient de pedem, craie de creta,eau de aqua…

Scènes de l’amour courtois.Sentiments délicats, exaltation de la femme, passions impossibles, valeurschevaleresques…Avec le raffinement des troubadours de langue d’oc,s’annonce la littérature courtoise. Ces artistes parlent d’amour à la noblesociété, qui, jusqu’alors, se contentait des récits un peu frustes d’exploitsguerriers.

Une enluminure.Le passage à l’écrit

accompagné de l’artsubtil de décorer, orner,

illustrer les écrits a bien sûr ajouté à

la qualité et à la valeurdu travail des copistes

du Moyen Âge.

Atelier d’imprimerie.Au XV e siècle, une invention capitale voit le jour : l’imprimerie.Elle va permettre une pluslarge diffusion des textes. Mais le français n’esttoujours pas fixé et l’imprimeur se trouve dansun aussi grand embarras que le moine copiste.

Extrait des Serments de Strasbourg.Énoncé en 842, ce texte juridiqueest considéré comme le premiertémoignage écrit de ce qui allaitdevenir la langue française. Il s’agitd’un pacte d’alliance entre Charlesle Chauve et Louis le Germaniquecontre leur frère Lothaire,tous petits-fils de Charlemagne,et qui s’en partageaient l’empire.(Cité par Henriette Walter dans Le français danstous les sens, Éd. le Livre de poche ).

Au Moyen Âge, le latin est l’unique

langue de l’enseignement, mais il n’y

a guère plus que les lettrés pour

l’utiliser. Il devient donc nécessaire

d’écrire en langue française. Le passage

à l’écrit va se faire progressivement.

L’ancien français, comme on le nomme

aujourd’hui, est d’abord langue

de religion. Après le concile de Tours

en 813, les évêques demandent aux

prêtres de prêcher en langue « vulgaire »

pour se faire comprendre de leurs

fidèles.Puis il devient un outil politique,

en 842,avec les Serments de Strasbourg.

Mais il est aussi une langue littéraire.

Charlemagne est célébré dans

de grands poèmes épiques comme

la Chanson de Roland (1086).

Par les thèmes qu’ils développent, et

par leur expression pleine de subtilités,

les troubadours de langue d’oc

influencent la langue de l’époque.

Un nouveau genre littéraire apparaît :

le roman courtois. Chrétien de Troyes,

au XII e siècle, compose les légendes

de Lancelot et du roi Arthur…

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À l’image du poète Joachim du Bellay,

qui la défend et l’enrichit, le XVI e siècle

offre à la langue française ses lettres

de noblesse.

Face à la prédominance du latin dans

l’écrit,François Ier et ses contemporains

réagissent : la langue que l’on parle

doit aussi s’écrire. Pour lui donner

plus de poids, on l’enrichit de mots

nouveaux inventés ou empruntés

au latin, au grec, à l’hébreu mais

aussi aux langues vivantes étrangères

(italien, arabe, espagnol). Que ce soit

en littérature, en philosophie ou en

médecine, dans tous les domaines, on

innove. Cependant, ceux qui, comme

Ambroise Paré, choisissent la langue

française dans leurs écrits scientifiques,

font scandale, ce domaine étant,

jusque-là, réservé au latin.

Rabelais ou le goût des mots.

Amoureux des mots, Rabelaisne cesse d’emprunter,de créer… bref, de jouer avec les mots, de leur donner saveur et couleur. Il utilise le grec,l’hébreu et le latin (voir le célèbre quintessence,cinquième essence), il fabriquedes adverbes (tel mamellementformé sur le nom mamelle et complété par le suffixe mentqui permet de former des adverbes). Il emprunte à l’argot (piot est mis pour vin),aux langues régionales (badebec qui signifie idiotvient du languedocien), à l’italien (d’où nous viennent lesmots ballon, citrouille, gondole…)ou à l’arabe (le mot français cra-moisi vient de l’arabe kirmiti).

François I er.Ce souverain qui a régné sur la France de 1515 à 1547,a su reconnaître l’importancede la langue française. À samanière, il ouvre la voie à Joachim du Bellay et

à ses pairs qui, regroupés autour de la Pléiade,renforceront

la valeur et la force d’expressiondu français écrit.

Le Collège de France.

Créé en 1530 par François Ier, il fut d’abord

le Collège des trois langues. Des cours d’hébreu,

de grec, de latin y furent donnés en latin…

et en français ! Une vraie révolution en réaction

contre la Sorbonne qui ne dispensait ses cours

qu’en latin.

Le souffle de la RenaissanceFace au latin, le français est enfin reconnu :à travers l’écrit, les hommes du XVI e siècle vont le faire vivre

Extrait de l’ordonnancede Villers-Cotterêts.Avec l’ordonnance de

Villers-Cotterêts, François I er

décrète en 1539 que les textes administratifsdevront désormais être

rédigés en langue française.Le latin, mais aussi les autres

langues utilisées dans le royaume n’ont plus,

en principe, droit de citédans ce domaine.

Catherine de Médicis (1519-1589).Trois fois régente du royaume de France en

un quart de siècle, épouse du roi Henri II,dont elle eut dix enfants, Catherine de

Médicis fut un personnage singulieret redoutable de l’Histoire. D’origineitalienne, elle favorisa _ malgré les réticences de certains _

sa langue maternelle, déjà trèsprésente à la Cour. De cette époquedate l’intégration de nombreuxmots d’italien dans le vocabulairefrançais.

Tableau de la Renaissance.À cette époque, les écrivains,philosophes et artistes de la Rome et de la Grèce antiques sont pris pour modèles. Ce mouvement,venu d’Italie, a permis de retrouver les valeurs des classiques tout en les dépassant.

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Déploration du Christ mort, École française, XVIe s., musée de la Renaissance, Écouen © Photo RMN-R. G. Ojeda

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Salon parisien du XVIII e siècle.Lecture de la tragédie L’Orphelin de Chine, de Voltaire,dans le salon de Madame Geoffrin… Les salons se font philosophiques ou littéraires et fabriquent les réputations. Bons ou mauvais écrivains et théoriciens de la langue s’y côtoient souvent,établissant à la longue les régles du beau langage.

Peu à peu, à l’image de Louis XIV,

la langue française gagne en prestige.

En Allemagne, en Russie, elle

est enseignée aux enfants de la cour.

Partout, elle est exaltée, chantée.

Au XVIII e siècle, elle incarne la raison

dans l’esprit des philosophes. Un tel

engouement va provoquer des

volontés de fixation : encyclopédies,

grammaires et dictionnaires prolifèrent

et définissent les normes.

Mais il ne faut pas oublier que toutes

les langues de France ne sont pas

ainsi louées. En dehors de la cour,

des langues vivent et prospèrent…

mais l’on se moque souvent

du Provençal qui, en visite à Paris,

s’exprime dans sa langue.

Molière ou l’étude des prononciations.

Pour connaître les prononciationsde nos voyelles et consonnes,les linguistes se réfèrent aux témoignages de tous genres,en particulier aux pièces dethéâtre. Celles de Molière sontriches d’enseignements.En lisant Don Juan, on a unaperçu du langage paysan d’Île-de-France. En prêtant attentionà la leçon de philosophie dansLe Bourgeois gentilhomme,on apprend que les dse prononçaient au XVII e sièclecomme le font aujourd’huiles Anglais et que les r étaientroulés du bout de la languecomme le font les Italiens.

Le français, langue de prestigeAmbassadeurs, princes et philosophes lui font la cour

L’Académie française.

Installée quai de Conti à Paris

et créée en 1634, l’Académie

française aura la charge

de réglementer l’orthographe

et la grammaire françaises.

Car, au XVIIe siècle, celles-ci

sont encore très changeantes

et prêtent à polémique.

Aujourd’hui encore, son

dictionnaire détermine

le bon usage.

Le cardinal de Richelieu.Sous son autorité, la languefrançaise devient une affaired’État.En créant l’AcadémieFrançaise, il en renforce le prestige en Europe touten étayant le pouvoircentral.En effet, maîtriser la langue écrite facilite le contrôle de ceux quil’utilisent…

Jean Racine (1639-1699).Comme beaucoup d’auteursdu XVII e siècle, Racine resteracélèbre. Fameux pour leurbeauté et leur perfection,ses textes représentent,par excellence, la languefrançaise dans sa formeclassique.

Andreï Makine, écrivain d’originerusse, auteur du livre Le Testamentfrançais.Cet ouvrage (Éditions Mercure de Franceet Gallimard) couronné en 1995 par deuxcélèbres prix littéraires, le Goncourt et le Médicis (c’est rarissime), témoigne du prestige ancien de la langue française,notamment en Russie,et qui s’est perpétué,dans les milieux cultivés, jusqu’à nos jours.

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LA LANGUE FRANÇAISE : UN PATOIS DEVENU LANGUE NATIONALE 6

La langue française s’impose dans toutes les régionsLes langues régionales laminées par les bouleversementsde société et les séismes de l’Histoire

Famille réunie autour d’une radio.La radio, dès les années vingt,provoque une véritable révolutiondans les foyers français. Dorénavant,la voix et la façon de parler des animateurs, tels de nouveauxmembres de la famille, se répandentdans les maisons..

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L’influence de la télévision.La télévision prend le relais de la radio et impose la prononciation parisienne. On se plaint aujourd’huid’entendre les présentateurs commettre des « fautes defrançais » ou favoriser l’usage de l’anglais.

En vacances.

Avec l’exode rural

et les congés payés,

ruraux et citadins

se fréquentent enfin.

Les conversations ont

alors lieu, le plus

souvent, en français

parisien, désormais

la langue la plus

parlée en France.

Au XIX e siècle, les transports sedéveloppent. Les contacts sontfacilités entre les régions, mêmeles plus reculées. Le chemin defer a contribué à accélérer le phénomène d’uniformisationdes langues.

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1789, c’est la Révolution française.

Au nom de la démocratie, les Français

veulent une langue unique pour

la nouvelle nation : ils espèrent ainsi

balayer les différences sociales. Cette

réforme qui vise à l’égalité va pourtant

à l’encontre de la diversité linguistique.

Lorsque, un siècle plus tard, Jules

Ferry crée l’école laïque, gratuite et

obligatoire, il accélère le processus de

raréfaction des langues régionales.

Puis, la langue s’uniformise avec

la diffusion des journaux, mais

aussi la première guerre mondiale.

Les combattants, qui, venant de

diverses régions et pays, se côtoient

chaque jour et communiquent,

abandonnent leur patois ou leur langue

au profit du français puis l’introduisent,

à leur retour, dans leur foyer.

Jules Ferry (1832-1893)

De l’école de la Révolution à celle de Jules Ferry.

À partir de la Révolution, l’écoleenseigne en langue française(parisienne) exclusivement. Lesenfants qui sont pris en flagrantdélit de parler le breton, l’occitanou une autre langue maternellesont sévèrement brimés. Onremet au « coupable » un objetdistinctif (parfois appelé le « signal »). Il ne peut s’en débarrasser que s’il dénonce un autre camarade… Celui quil’a entre les mains à la fin de la classe est puni. Ces pratiquescruelles expliquent, en partie,que les langues régionales n’ontpas toujours été transmises parles parents dont les parlersquotidiens se trouvaient dévalorisés et sans avenir.

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En classe, le travail des petits (détail) par Geoffroy Henry 1853-1924, Ministère de l’Éducation nationale , Paris © Photo RMN-J. G. Berizzi

MINISTÈRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le français s’abreuveà toutes les sourcesHospitalière, la langue française a toujours accueilli des mots de toutes origines

Réception d’un

ambassadeur français

à Constantinople.

Au XVIIIe siècle, la mode est

aux « turqueries » : peintres

et écrivains s’adonnent alors,

avec la plus grande fantaisie,

aux descriptions du monde

oriental. Du turc, le français

a hérité du mot chagrin qui

désigne d’abord une peau

de chèvre (cf. La Peau de

chagrin d’Honoré de Balzac).

Si la mode est aujourd’hui à l’anglais,

les emprunts du français aux autres

langues ne sont pas un phénomène

récent. Depuis des siècles, la langue

française est terre d’accueil, toujours

enthousiaste face à la nouveauté.

Des produits exotiques aux

philosophies orientales, le français

puise à toutes les sources pour

enrichir son vocabulaire ou intégrer

les idées nouvelles. Même si les mots

gardent les traces de leur origine,

à travers leur prononciation ou

leur graphie, ils s’adaptent très bien

à la langue. Il est alors très difficile

d’affirmer qu’ils ne sont pas nés

du français.

Les mots globe-trotters.

Avant de se faire une place au sein du vocabulaire français,nombre de mots d’origineétrangère ont parcouru un longvoyage. Ainsi, le mot orangevient du sanskrit mais a transitépar l’arabe ; de même pour le mot azur qui vient du persan.Importé d’Italie, le mot caviar est,en réalité, turc (et non russe !).Douanes,sucre et tarif sont arabestandis que saga est d’originescandinave. Pour finir, les voyageurs espagnols nous ontdonné tomate et chocolat, qu’ilsavaient empruntés aux Aztèques,et patate, qui vient du taïnos,ancienne langue des Antilles.

Scène de foire au Moyen Âge.Saviez vous que le mot boulanger vient du néerlandais ?Les foires ou marchés du Moyen Âge brassent de nombreusescultures et langues. Les commerçants arrivent d’Italie, de paysarabophones ou des Pays-Bas.

Anggun.Jeune starinternationale de la chanson, ellevient d’Indonésie,le pays aux 13 000 îles.Elle écrit en anglais,pense en indonésienmais parle tous les joursen français.

Jeu d’échecs.L’expression échec et mat vient de l’arabe shâh mat, issu lui-même d’une formule persane :le roi est mort. Mais l’arabe n’a pas enrichi la langue françaiseque dans le domaine du jeu,il lui a aussi transmis le zéromathématique et de nombreuxtermes scientifiques tels qu’alambic,alcool, alchimie ou élixir.

Vestiges d’une sépultureviking de l’île de Groix.Le français a été influencé parla langue des Vikings.Leurs expéditions vers les îlesde l’Atlantique et les côtesd’Europe occidentale ontlaissé des traces dans le vocabulaire, notamment en Normandie.

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Marco Polo.Grand voyageur, Marco Poloretrace, au XIII e siècle, sesaventures dans Le Livre desMerveilles. Bien qu’il soit vénitiende naissance, il rédige son texteen français.Cette miniature, tirée du fameuxouvrage, le représente face ausouverain Kublai Khan.

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 7

MINISTÈRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES

Les langues créoles

Les créoles français parlés dansles pays francophones ne sontpas du français simplifié outransformé, mais des langues à part entière. Aux Antilles,en Guyane mais aussi à Haïti,à la Réunion, sur l’île Maurice,le créole est la langue d’usage.Ces parlers se sont, en général,formés dès le XVIIe siècle à la suite des contacts entre esclavagistes, colonisateurs et populations locales ou cellestransplantées là, après avoir été brutalement arrachées àl’Afrique. Aujourd’hui, la variétélinguistique prédomine. Il existe,en effet, dans diverses partiesdu monde, des langues créolesà base anglaise, espagnole,française,hollandaise,portugaise.

Carte du Mississippi et de la Louisiane.

Au XVIII e siècle, les gens d’Acadie (sud du Canada) refusent de prêter

serment au roi d’Angleterre.Ils sont déportés et les survivants

dispersés. Certains d’entre eux finissent par s’installer

en Louisiane. Isolés au milieu de terres anglophones,leurs descendants, les Cajuns(prononciation locale du mot

Acadien), essaient de revigorer la langue française de leurs ancêtres.

Pondichéry (Inde).Les comptoirs commerciaux que les Français ont installés en Asie au XVII e siècle ont poussé les populations locales à apprendre la langue qui leur permettait les échanges avec les Européens. Aujourd’hui,on y étudie volontiers le français afin de poursuivre des études de haut niveau.

La communication entre les cultures.L’arrivée des techniques modernes de communication permettra,grâce au partage d’une langue commune, les échanges fertiles entre cultures différentes.

Les colonisations françaises, amorcées

dès le XVIIe siècle, ont imposé la langue

française à de nombreux pays.

Utilisée pour le commerce, la politique

et l’administration, elle est alors

la seule langue de communication

entre les colons et les populations.

Après la décolonisation,deux siècles plus

tard, les nouveaux pouvoirs politiques

en place ont parfois choisi de conserver

le français comme langue nationale.

Dans les DOM-TOM (départements

et territoires d’outre-mer), la « langue

de Molière » reste bien ancrée à côté

de l’usage quotidien et affectif

des langues créoles.

En outre, par la voie des anciens

protectorats et comptoirs commerciaux,

elle a gardé une place de choix

notamment au Maroc et même

jusqu’en Asie.

Dans les pays francophones où elle est

aujourd’hui langue officielle, elle a

été façonnée, adaptée ; les gens lui

ont donné une couleur locale ajoutant

ainsi à sa richesse et à sa diversité.

Les couleurs du Maghreb.Ci-contre, les inscriptions en arabe et en français à l’entrée d’une boutiqued’artisan à Nabeul, capitalede la poterie en Tunisie.Dans les pays du Maghrebnombre d’habitants sontbilingues et le français y est toujours enseigné.

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 8

Youssou N’Dour.Cet artiste, originaire du Sénégal,

au talent international reconnu, sait avec virtuosité mêler les sons, les mots,

les rythmes, puisés à différentes sources.La langue française prend, dans ses chansons,

des couleurs profondément originales.

Le français s’étend dans le mondeC’est l’une des rares langues parlées sur les cinq continents

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MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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Diversité de la pressefrancophone.

À travers la presse (Le Soleil à Dakar, Le Journal de Montréal,

La Libre Belgique…),la télévision (TV5) et la radio

(RFI : Radio France Internationale),les médias francophones permettent

une large diffusion de la languefrançaise à travers le monde.

L’Alliance française de Paris.Les Alliances françaises des cinq continents servent la mission définie parl’Alliance française de Paris àsa création en 1883 : assurerle rayonnement de la culturefrançaise par l’enseignementde la langue.

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CANADACANADA-QUÉBECCANADANOUVEAU-BRUNSWICKSaint-Pierre-et-Miquelon (Fr.)

HAÏTIDOMINIQUESAINTE-LUCIEGuadeloupe (Fr.)Martinique (Fr.)Guyane (Fr.)

SEYCHELLESCOMORESMADAGASCAR MAURICERéunion (Fr.)

BELGIQUECOMM. FR.DE BELGIQUELUXEMBOURGSUISSEFRANCEMONACO

LITUANIE POLOGNERÉP. TCHÈQUEROUMANIEMOLDAVIESLOVÉNIEBULGARIEARY MACÉDOINEALBANIE LAOS

VIETNAMCAMBODGE

VANUATUPolynésie (Fr.)Nouvelle-Calédonie (Fr.)

CAP-VERTMAURITANIEMALI NIGERSÉNÉGALTCHADGUINÉE-BISSAUGUINÉEBURKINA FASOBÉNINCÔTE-D’IVOIRETOGOCAMEROUNCENTRAFRIQUEGUINÉEÉQUATORIALEST-THOMAS-ET-PRINCECONGOGABONRWANDABURUNDIR.D. CONGO

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Carte des pays participant au sommet de la Francophonie.Il est difficile de faire le compte du nombre desfrancophones de par le monde (environ 120millions).En effet, la langue française n’est pasforcément langue officielle comme en France,au Québec, au Niger, au Mali ou au Sénégal,elle peut aussi partager ce statut. C’est le cas en Suisse, en Belgique, à Madagascar, auxComores, en Haïti… ou être langue secondederrière les langues locales (Algérie, Maroc,Liban, Djibouti…).

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 9

La mosaïque francophoneAllons à la découverte les uns des autres

Le français au Canada.Découvert par Jacques Cartier en 1535,le Canada est cédé à l’Angleterre en 1763.Depuis, le Québec, région canadiennepeuplée par les descendants des colonsfrançais, tient une place particulière dans le paysage francophone.

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La francophonie désigne l’ensemble

des peuples qui utilisent entièrement

ou partiellement la langue française

dans leurs communications ou

leur vie quotidienne. D’abord

organisation intergouvernementale,

la Francophonie (avec une majuscule)

se décline aujourd’hui en de multiples

associations (Alliance française,

Fédération Internationale des

Professeurs de Français…)

et manifestations : Francofolies,

Jeux de la francophonie…

Les peuples découvrent de nouveaux

rythmes, dansent sur de la musique

raï, se laissent envoûter par les mots

chaleureux d’Afrique ou

les expressions joliment imagées

du Québec… Les idées se multiplient

et s’enrichissent au contact de tous,

soudés par une langue aussi variée

que les peuples qui la font vivre.

MINISTÈRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES

Variétés internationalesD’un pays à l’autre, un français en version… originale

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 10

Carnaval à la Nouvelle-Orléans.Bourbon Street (rue Bourbon) envahie par la foule

pour le Mardi gras.En Louisiane, la langue française connaît un important renouveau depuis qu’elle a acquis, en 1968,

dans cet État américain, un statut officiel.

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asKhaled.

Chanteur d’origine

algérienne, Khaled

a permis au raï de se

développer. C’est avec

bonheur que des mots

français se mêlent à ses

mélodies orientales.

Les modes de vie, les cultures, l’histoire

de chacun révèlent les variations de

la langue française partout où elle est

parlée. En Afrique, en Belgique,

au Canada, en Louisiane, au Maghreb,

en Suisse, les mêmes mots suggèrent

souvent des images différentes. Cette

diversité est, pour la langue française,

source de vitalité et d’originalité.

La mixité linguistique, elle aussi,

permet d’enrichir les modes

d’expression. Par exemple Tahar Ben

Jelloun, écrivain marocain, s’exprime

en français dans ses livres ; Nancy

Huston, originaire d’Alberta, province

anglophone du Canada, et qui vit

depuis vingt ans en France, écrit

autant en français qu’en anglais.

De plus, chaque région francophone

du monde possède sa propre mélodie :

pointue, traînante, accentuée…

Les prononciations laissent entendre

mille variétés d’une même langue.

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AmélieNothomb.Cette jeuneromancière belgeest l’un des talents

littéraires les plus en vue de

sa génération.

Francophonie belge.

La Belgique possède trois langues officielles : le français,le néerlandais et l’allemand.Depuis 1920, elle s’est dotéed’une Académie royale de littérature française. Elle compteparmi ses citoyens l’un desgrammairiens les plus reconnusdans le monde francophone :Maurice Grévisse. Les écrivains,poètes, chanteurs et autres magiciens des mots ne sont pasen reste : Françoise Mallet-Joris,Henri Michaux,Amélie Nothomb,Georges Simenon et biend’autres… Jacques Brel,Raymond Devos ou même le chanteur Arno ainsi que lasympathique cohorte des talentsde la bande dessinée dont le plus célèbre est sans douteHergé, le créateur de Tintin,portent haut et loin les couleurset saveurs de la langue française.

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Le phare de Swallow Tail sur Grand Manan Isle au Nouveau-Brunswick.Au Canada, tous les francophones ne sontpas au Québec ! Le Nouveau-Brunswick , par exemple,est la seule provincecanadienne officiellementbilingue. Elle compte ainsila plus forte proportion de francophones hors Québec.

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Les mots à effet boomerang.

Certains mots du vieux français nous sont revenus par l’intermédiaire de l’anglais.Ils ont cependant changé desens ou de forme. Interviewvient d’entrevue mais suggèreun rapport plus public queprivé. Pedigree vient de pied degrue, il s’agit alors d’une allusionà la forme des « branchages »de l’arbre généalogique. Sportvient de desport. Le mot n’estplus utilisé mais signifiait en an-cien français amusement.Test vient du même mot françaismais celui-ci désignait autrefoisle pot qui servait à l’essai de l’or. Pour finir, fleureter(conter fleurette) aurait donnéflirter, tandis que tennis vient de tenetz, ancien impératif présent du verbe tenir : tenez !

L’Eurostar, le train qui relie Paris à Londres par le tunnel sous la Manche, est le symbolecontemporain des relations franco-anglaises.

Un panneau routier avec uneindication en français… local,aux abords de la frontièrecanadienne.

Entre la langue anglaise et le français,un cousinage méconnuUne histoire qui remonte aux Vikings

Voltaire.Au XVIII e siècle, l’Angleterre est à la mode.Voltaire, comme nombre de ses contemporains,

y passe plusieurs années de sa vie. Il en revient avec une nouvelle philosophie : plus de liberté et d’humour.

Un peu plus tard, le lexique français est envahi de mots politiques anglais

(amendement, vote, minorité, législature,convention…).

Dieu et mon droit.La devise en langue française de la Grande-Bretagne nous rappelleque les puissants, il y a quelquessiècles, parlaient la même languedes deux côtés de la Manche.

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Au Moyen Âge, les Vikings s’installent

en France, sur les côtes normandes.

Ils adoptent alors la langue des

autochtones puis repartent

à la conquête de l’Angleterre, où

le français sera parlé à la cour

jusqu’au XIV e siècle et par

les juges jusqu’au XVIII e siècle.

Preuve en est l’inscription

française sur les armoiries

de Grande-Bretagne :

« Dieu et mon droit ».

Cela explique qu’une partie

du vocabulaire anglais soit

d’origine française. Ainsi,

le français, en empruntant

beaucoup à l’anglais, puise

aussi dans ses propres origines

lexicales. De son côté, l’anglais

utilise toujours le français dans

les domaines de la gastronomie,

de la danse ou de la mode.

Et il n’est pas rare de voir, en italique,

un romancier anglophone s’exprimer

en français, notamment dans le lexique

amoureux (femme fatale, beau, rendez-vous…).

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 11

MINISTÈRE DESAFFAIRES ÉTRANGÈRES

Ambroise Paré (1509-1590).Considéré comme l’un despères de la chirurgie moderne,il publie, au XVI e siècle,un ouvrage médical qui faitscandale. Rivalité aidant,ses confrères saisissentl’occasion de lui reprocherl’abandon, dans ses écrits,du latin au profit du français,langue du peuple.

Les mots savantsAnglais, français, grec ancien, latin antique…Le cache-cache linguistique des termes scientifiques

Doublets et emprunts

Notre langue s’est enrichie en puisant largement dans leslangues anciennes ou étrangères,mais ces emprunts se sont modifiés au cours du temps.Un même terme latin ou grec a souvent donné naissance,en français, à deux mots dont l’orthographe, la prononciationet le sens sont différents :les doublets. Le mot le plus récent est le plus souvent le plus proche de sa racinegrecque ou latine. L’emploi de ces termes est aujourd’huipropre au style soutenu ou aux vocabulaires technique et scientifique. Quelquesexemples de doublets : aveugleet cécité, nuit et nocturne, écouteret ausculter, pied et pédestre,semaine et hebdomadaire, maisaussi captif et chétif ou singulieret sanglier.

Denis Diderot (1713-1784).L’Encyclopédie de Diderot fut, au XVIIIe siècle,

une grosse entreprise qui mobilisagraveurs, auteurs et imprimeurs sur

plusieurs dizaines d’années.Il s’agissait de recenser notammentles métiers : les planches illustréesde l’ouvrage, largement détailléeset légendées, valorisaient ainsi le vocabulaire technique.

Le latin des botanistes.

Beaucoup plus précis

que le mot français,

le terme technique _ pour

désigner une plante _ est

souvent latin et parfois

même d’origine grecque.

Jusqu’au XVI e siècle, les écrits

scientifiques sont exclusivement

rédigés en latin. Par la suite, et même

longtemps après Ambroise Paré,

le latin demeure la seule langue jugée

suffisamment noble pour traiter de

la médecine, de l’astronomie, de

la mathématique… Les modèles grecs

sont aussi très prisés. Cela explique

les origines gréco-latines de notre

vocabulaire dans ces domaines.

Aujourd’hui, si l’anglais, du fait des

innovations américaines et des moyens

dont disposent les chercheurs

aux États-Unis, tend à être dominant,

la création de termes scientifiques

se fait encore sur le même fond

antique. Et le français n’est pas

en reste ; preuve en est l’existence

d’un certain nombre d’organismes

francophones qui veillent à conserver

au français une terminologie

de pointe.

SÉP

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 12

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Revues scientifiques.Publier est, pour un chercheur, le moyende se faire reconnaître mais aussi celui de faire avancer les recherches. Encorefaut-il pouvoir lire les articles de sesconfrères du monde entier. De plus en plus, les scientifiques utilisentdonc l’anglais…

MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

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L’avenir du français est l’objet de

controverses. Certains craignent d’en

voir disparaître les particularités face

à l’influence grandissante de l’anglais

et aux déformations de la langue parlée.

D’autres, plus optimistes, constatent

que la langue évolue comme elle l’a

toujours fait.

Si certains termes techniques

disparaissent (la technique étant

elle-même désuète),d’autres se forment

pour rendre compte de la modernité.

Les anglicismes sont francisés _ on

conjugue les verbes flasher, zapper ou

surfer _ et l’argot, le verlan et autres

jargons vont et viennent au gré de la

géographie et des générations.

La féminisation des noms de fonctions

est à l’ordre du jour en France. En

revanche, au Québec _ où le mot

écrivaine, par exemple, est couramment

employé _ cette question semble

réglée depuis longtemps.

Par ailleurs, il existe des commissions

de terminologie francophone

qui assurent la conservation et

le développement de la langue.

S’@dapter : un impératif... pour le futurLa langue française vit, donnons-lui les moyens de s’enrichir et de se développer

SÉP

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LA LANGUE FRANÇAISE AUTOUR DU MONDE 13

Rayon rap dans un grand magasin.Ce genre d’expression venu des États-Unis, tient aujourd’hui une place à part entière dans la musiquefrançaise. Le mouvement rap est devenu un foyer de création et d’inventivité dans le domaine de la langue.

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Nouveaux mots,nouveaux sens

Chaque année, de nouveauxmots sont inventés. Parmi les plus récents, on peut citergerbeur (engin de levageautonome) ou dans le vocabulaireéconomique cogriffage (alliancede marques) ou même euro, lenom de la monnaie européenne.De l’univers sportif a surgi stadiaire qui désigne l’agentd’accueil dans les stades.C’est surtout l’informatique qui suscite le plus de créations.Nous sommes familiarisés avec internaute ou extranet...On utilise aussi des mots déjàexistants mais avec un autresens comme par exemple causette ou fouineur.

Robert Charlebois.L’un des grands noms de la chansonquébécoise, Robert Charlebois jouitaujourd’hui d’une reconnaissanceinternationale. Sur fond de blues et de rock,il a su gagner le cœur du publicqui le couronne aux Victoires de la musique en 1993 dans la catégorie « Album francophone ». Qu’ils soient de langue française, anglaise ou joual(mélange d’argot québécois, de vieuxfrançais et d’anglais), ses textes sont à l’image de la culture québécoise :pleins de richesse, de vitalité et d’imagination.

Ordinateurs en réseau mondial.Même lorsqu’ils correspondent en français,les internautes (un nouveau mot...) ont tendance à tordre le cou aux règles de la langue et de la typographie.Deux exemples : les lettres accentuéesdu français — qui n’existent pas en anglais, languede l’Internet — sont, pour l’instant, inutilisables et les abréviations prennent souvent un tourfantaisiste. Avec la communication instantanée,mondiale et de masse, les signes des temps se retrouvent dans l’évolution du langage.

De la rue au dictionnaire.Dans les zones urbaines, les expressions sont en constante évolution. Tirant leur substance despratiques quotidiennes, des manies, des passionset des inventions de langage de petits groupes,on les retrouve souvent, après un temps plus ou moins long de maturation, admises par tous,puis intronisées dans les dictionnaires.

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