exposition du 19 septembre au 21 novembre 2020

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#photographieetabstraction exposition du 19 septembre au 21 novembre 2020 Commissariat Nathalie Giraudeau, Audrey Illouz et Véronique Souben En collaboration avec le Frac Normandie Rouen et le Centre Photographique d’Île-de-France

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#photographieetabstraction

exposition du 19 septembre au 21 novembre 2020

Commissariat Nathalie Giraudeau,

Audrey Illouz et Véronique Souben

En collaboration avec le Frac Normandie Rouen

et le Centre Photographique d’Île-de-France

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La photographie à l’épreuve de l’abstraction

Réalisée conjointement par le Frac Normandie Rouen, le Centre Photographique d’Île-de-France et le centre d’art Micro Onde, l’exposition La Photographie à l’épreuve de l’abstraction dresse un panorama des relations entre photographie et abstraction dans la création contemporaine. Elle est conçue en trois volets simultanés dans chacun des trois lieux. Cet enjeu majeur et actuel dans le domaine de la photographie n’avait jusqu’à présent bénéficié d’aucune exposition d’importance en France. Liée à l’évolution du statut de l’image comme à l’essor des nouvelles technologies mais aussi à de véritables tendances qui parcourent aujourd’hui la photographie, la pluralité des démarches sera révélée au sein des trois expositions complé-mentaires. Ce projet d’envergure qui constitue une opportunité unique de s’interroger sur la possibilité d’une photographie contemporaine abstraite, s’articule autour de quatre axes.

À Micro Onde, l’axe développé relève d’une approche réso- lument expérimentale et matériologique de la photographie. L’exposition prend pour ancrage l’activité photographique du célèbre dramaturge suédois August Strindberg – qui s’est livré dès la fin du XIXe siècle à l’étude de cristaux et de ciels nocturnes donnant lieu à ses célèbres Cristallographies et Celestographies ou photogrammes de cristaux et de ciels. Il s’agit, à l’appui de ces premières expériences historiques, de sonder des pratiques artistiques contemporaines qui investiguent la matérialité de l’image, l’imagerie scientifique tout autant qu’un autre rapport au paysage. L’accrochage joue précisément sur différentes perceptions du monde physique en photographie allant du paysage à la matière de l’image. Dans la galerie principale, une première section est dédiée au paysage. Elle est caractérisée par une dominante noir et blanc et par un accrochage en tapisserie rappelant les grandes Ga-leris de peinture des musées du XVIIIe et XIXe siècle. Néanmoins, derrière ce classicisme apparent, les paysages qui y sont présentés s’offrent sous un jour inédit. Plus les artistes scrutent le monde physique, plus la représentation s’efface et cède la place à l’abstraction : des pho-tographies de sta-lagmites de Dove Allouche (Pétrographies) aux photographies sous-marines de Nicolas Floch (Paysages Productifs) en passant par la recréation de phénomènes physiques en laboratoire de Marina Gadonneix (Phénomènes) ou optiques de Sarah Ritter (L’Ombre de la Terre).

Elle fait face à une seconde section où à l’inverse, plus les artistes scrutent les propriétés physiques de l’image, plus des formes abstraites mais connotées renvoient au paysage. L’installation sérigraphique Puit de Francisco Tropa part d’un geste manuel : l’artiste a appliqué de la peinture sur une dia-positive sur laquelle il a apposé une trace de doigt créant une trouée dans les différentes couches de matière (film diapositive, peinture) et non dans un paysage réel. Urgency VI de Wolfgang Tillmans qui semble nous plonger dans un fluide est pourtant une photographie produite unique-ment par le jeu de la lumière et de la chimie. Cette section se prolonge dans la Rue Traversante avec la série conséquente Aluminium Foils de James Welling. Cet ensemble prend pour point de départ une prise de vues de feuilles d’aluminium froissées qui évoque un paysage lunaire dont l’échelle est difficilement perceptible.

Une troisième section porte sur le déplacement physique, la locomotion comme Untilted (Etienne Jules Marey #11) de Liz Deschenes en référence aux expérimentations chrono- photographiques de Marey ou À la lumière de Bosnie #1 de Thu Van Tran, captation du paysage en mouvement au cours d’un road-trip. Ces photogrammes, comme l’étaient ceux de Strindberg, enregistrent un lien direct au monde physique.

La vidéo Film Proyección d’Ignasi Aballí clôt le parcours de l’exposition à Micro Onde. Cette dernière image montre la projection de lumière pure émise par un projecteur de cinéma. Elle renvoie à l’expérience sensorielle et visuelle de l’éblouis sement, dans le sillage des expérimentations sensorielles particulièrement fécondes pour dépasser la vision classique du monde aux origines de l’abstraction picturale. Ce motif, quasi « fondamental », se retrouve d’ailleurs dans les Sun photographs de Zoe Leonard exposées au Frac ainsi que dans le Soleil# 04-28-F08 de Sébastien Reuzé présenté au CIPF, tel un trait d’union entre les trois expositions.

Au Frac Normandie Rouen, deux axes bien distincts sont privilégiés. Un premier temps amorce l’apparition d’une sorte d’archéologie de la photographie, d’une quête de l’image originelle, de ses épreuves scientifiques jusqu’à l’apparition d’une iconographie propre à la photographie argentique que

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ce soit à travers les first successfull Permanent Photographs de Pauline Beaudemont ou les plaques Daguerréotypes réutilisées par Hanako Murakami. Cette recherche se prolonge au travers de développements purement formels (les papiers froissés de Walead Beshty, les plaques translucides de Barbara Kasten) qui trouvent leur pleine expression dans les espaces du CPIF.

Par opposition, un deuxième mouvement rassemble – toujours au Frac – des artistes dont la quête d’abstraction passe par des approches avant tout liées aux procédés technologiques. Si, dans la lignée du photographe américain Alfred Stieglitz et des peintres impressionnistes, une référence à la nature et au paysage abstrait se fait encore sentir chez Shannon Guerrico et Taysir Batniji, une nouvelle esthétique voit le jour davantage motivée par les plus récentes possibilités technologiques que donnent à voir les pixels d’Adrian Sauer (Schwarze Quadrate) ou les diagrammes algorithmiques de Thomas Ruff (Zycles). Les techniques liées à l’impression chez Wade Gyton, Evariste Richer et Pierre-Olivier Arnaud comme la création de programmes informatiques des plus performants et détournés pour Stan Douglas et Xavier Antin permettent aux photographes de développer un nouveau langage, sans plus de référent apparent au monde matériel. La photographie semble alors avoir acté son basculement définitif dans le « purement abstrait ».

Enfin au CPIF, des approches résolument formalistes sont proposées. L’accrochage prend notamment comme matrice le spectre lumineux, qui a animé les chantres de l’Abstraction picturale au début du XXe siècle, confrontant tout autant les techniques issues de l’ère numérique que les manipulations argentiques des plus anciennes.

Des piézographies de David Coste aux gommes bichromatées de Mustapha Azeroual, des photogrammes de James Welling aux expérimentations chromogéniques de Philippe Durant et Laure Tiberghien en passant par les cyanotypes de Megahnn Riepenhoff jusqu’aux impressions sur latex d’images internet d’Anouck Kruithof, les artistes rivalisent d’inventivité protocolaire pour développer un nouveau vocabulaire.

Ainsi surfaces, volumes, espaces et couleurs captés deviennent les sujets, souvent ambigus, de compositions aux rendus abstraits, bien que certaines photographies restent descriptives avec Jesús Alberto Benítez ou renvoient au documentaire chez Karim Kal et Broomberg&Chanarin. D’autres restituent le seul jeu de la lumière, de la chimie et de la matière du support, allant jusqu’à prendre des formes sculpturales ou installatives comme chez Anne Camille Allueva et Sébastien Reuzé. Si dès l’origine de la photographie, le motif non figuratif, l’objet méconnaissable, les espaces dépourvus de tout repère sont présents dans la production d’image, les propositions artistiques actuelles manifestent un regain d’intérêt pour ces esthétiques abstraites, mais ambivalentes, ouvrant des perspectives susceptibles de renouveler le genre. À travers tout un vocabulaire de formes, mis ici en valeur par une présentation reprenant le cercle chromatique, les artistes développent une réflexion autant sur la notion de réel que sur les mécanismes de production d’image, sur son éventuelle redéfinition, voire sur sa potentielle « sortie ».

Nathalie Giraudeau, Centre Photographique d’Île-de-France Audrey Illouz, Micro Onde Véronique Souben, Frac Normandie Rouen — Co-commissaires de l’exposition

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Ignasi Aballi À travers son travail, l’artiste catalan Ignasi Aballi explore une diversité de formats et de médiums. Ainsi, par la photographie, la peinture, la sculpture ou encore des installations vidéo, le langage de l’artiste s’exprime de manière éclectique et variée, tout en manipulant ces éléments de manière qu’il parvient à les faire résonner ensemble. Son œuvre est parcourue par la notion de confrontation, moyen par lequel l’artiste s’amuse à révéler l’absence et la présence ou bien l’invisible et le visible, la vitesse et la lenteur, sans pour autant que ces relations d’oppositions soient interchangeables mais plutôt bel et bien complémentaires. Par l’effet d’une lecture ralentie, et particuliè-rement dans la vidéo présentée pour cette exposition, l’artiste porte un message à travers ses créations sur l’abondance iconographique de cette époque contemporaine, par lesquelles il questionne la vacuité du contenu et le sens attribué aux images qui nous entourent constamment. Il prend comme sienne la maxime moderniste « faire plus avec moins » / « less is more ».

Film Proyección, 2012 (capture vidéo) Vidéo 16 mm numérisée, 11 min 59 s Courtesy de la galerie Thomas Bernard, Paris, © Adagp, Paris, © Ignasi Aballi

Dove Allouche Dove Allouche vit et travaille à Paris, il est représenté en France par la galerie gb agency. Son travail est internationalement reconnu à travers une diversité de médiums tels que la photo-graphie, la gravure, le dessin ou encore le verre. Néanmoins, des convergences résident dans sa réflexion telle que la notion du temps régulièrement abordée dans ses créations. Sa pratique artistique sollicite fréquemment la science en s’ins-crivant dans des démarches documentaires et expérimentales. En effet, la matière organique occupe dans sa poésie une place majeure par laquelle il parvient à révéler dans cet invisible ce qui peut être présent et absent à la fois. L’extrait de la série des Fumeurs noirs, présenté ici est constitué à partir d’anciennes photographies, révélant un paysage découvert en 1977 par des scientifiques et représentant des vues d’une activité géothermique dans les zones abyssales de la dorsale des Galápagos. A partir de ces images d’archives scientifiques, Dove Allouche réalise des tirages sur papier gélatino-argentique et inverse les noirs et blancs. Le négatif donne alors l’impression que les abysses marins sont en fait des montagnes terrestres.

Pétrographie_RSM3, 2015 Tirage argentique, 180 × 120 × 6 cm Courtesy de la galerie gb agency, © Dove Allouche

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Liz Deschenes Le travail de Liz Deschenes semble s’ancrer autour d’un para-doxe : celui de faire de la photographie sans appareil photo. En effet, elle s’intéresse à l’image d’un point de vue philosophique, scientifique et expérimental. Pour l’artiste, l’abandon de la figuration par la peinture, et par extension de la représentation du réel, a entraîné le report de cet impératif pour la photographie. Les œuvres de Liz Deschenes, par un travail de manipulation sur la lumière, la matière et l’espace, s’inscrivent dans des réfé-rences pivots à l’histoire de la photographie (Nicéphore Niepce, William Henry Fox Talbot), mais interrogent et s’ancrent égale-ment dans des préoccupations très actuelles, comme le débat opposant la pratique de la photographie argentique au numé-rique. Le temps d’exposition de ses photogrammes contraste fortement avec l’instantanéité de la production de l’image digitale ; cette démarche met l’accent sur les erreurs occasion-nelles – et peut-être peut-on dire « humaines » – que la pratique du photogramme peut induire.

Untitled (Étienne Jules Marey #11), 2017 Photogramme sur gélatine argentée, 21 × 170,5 × 9 cm et 21 × 155,3 × 7,9 cmCampoli Presti, London/Paris, Courtesy de l’artiste et Campoli Presti, London/Paris ©Liz Deschenes

Pierre-Olivier Arnaud Pierre-Olivier Arnaud, représenté par la galerie Art : concept à Paris, engage une réflexion autour de l’image et sa nature. Il se caractérise comme un artiste qui réfléchit le monde qui l’entoure par le moyen de la photographie. Cependant, c’est aussi par une forme de distance avec ce médium qu’il travaille, notamment en réalisant des images qui s’inscrivent dans une forme d’absence de représentation.Ses photographies, sont le plus souvent issues de déambulations dans des espaces architecturaux : en empruntant au réel des détails à des espaces urbains, il produit des images aux spectres fantomatiques dont le sujet n’est jamais clairement indentifiable grâce à certaines manipulations effectuées pendant la prise de vue (cadrage) et après celle-ci (tramage, désaturation, etc.). Dans cette démarche, sa pratique s’est beaucoup reposée sur une couleur particulière qu’il qualifie de « gris optique, indifférencié ». Défiant les limites de la dispa-rition de l’image à travers ces opérations techniques, l’artiste impose une réflexion sur la nature de l’image, sa production ainsi que son mode de diffusion en ravivant la pensée de Walter Benjamin sur la perte de l’aura d’une œuvre, du fait de sa reproductibilité technique.Dans le cas de ces deux œuvres, l’artiste a photographié des pompons agités par des pom-pom girls (cheerleaders, en anglais). Le gros plan fait entièrement disparaître le référent au profit d’une explosion de couleurs brillantes, renforcées par les teintes saturées des films polaroïds ici utilisés.

Sans Titre (Cheerleader II), 2014Polaroïd couleur, 33 × 27 × 4 cm Collection Frac Normandie Rouen, © Adagp, Paris, © Pierre-Olivier Arnaud

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Nicolas Floc’h L’artiste Nicolas Floc’h (représenté par la galerie Maubert à Paris) s’approprie une diversité de champs artistiques allant des installations à la photographie en passant par la perfor-mance. Au-delà de la matérialité de ses créations, les œuvres de l’artiste reposent sur un processus de recherche docu-mentaire et scientifique approfondi. À travers cette approche transversale entre art et science, Nicolas Floc’h invite le public à appréhender le monde du vivant : l’utilisation du phytoplancton pour composer sa couleur « glaz » à la croisée du bleu et du vert porte cette dimension scientifique au service de sa poésie. Artiste engagé autour de constats sociétaux, économiques et environnementaux, la thématique des fonds marins constitue un point majeur dans son travail. Il va consacrer une dizaine d’années à documenter les habitats et le milieu des fonds marins : réalisées en Bretagne, les photographies de cette flore sous-marine livrent un paysage sauvage de ce milieu naturel autant marqué par son dépeuplement que par sa grandeur. Le dialogue entrepris avec cet espace peu exploré tend à questionner les changements globaux bouleversant cette biodiversité entre disparition et régénération.

Marina Gadonneix La pratique artistique de Marina Gadonneix s’inscrit au croise-ment de la réalité et de la fiction. Mêlant la photographie de paysages extérieurs et intérieurs et la photographie à vocation scientifique, ses œuvres simulent l’impression du résultat d’une découverte. Utilisant une méthodologie précise et rigoureuse, l’artiste s’intéresse à des lieux momentanément vidés de toute existence. Les images résultant de ses prises de vue transcrivent la puissance évocatrice du paysage et la manière dont le spec-tateur, en y apposant ses propres références et son imaginaire, s’approprie l’image. Pour la série des Phénomènes, Marina Gadonneix a pris comme point de départ une photographie du physicien Kristan Birkeland : au début du XXe siècle, ce dernier a cherché à reproduire une auréole boréale dans son laboratoire. Les œuvres de l’artiste interrogent les processus de re-création des phénomènes, manifestations à la fois scientifiques mais aussi mystérieuses dans leur conception. Ici, les phénomènes naturels (tornades, chute de météorites…) semblent pouvoir être manipulés par la main humaine, contrôlés, voire réduits au simple niveau de documents.

Paysage productif, Initium Maris, Le Pommier, 6M Plouha, 201980 × 110 cmCourtesy de la Galerie Maubert, Paris, © Nicolas Floc’h

Untitled (Gravity) de la série Phénomènes, 2019Digital C-print, 50 × 62 cm Production Micro Onde© Marina Gadonneix

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Ryan Gander Représenté par la galerie française gb agency, Ryan Gander entretient un rapport complexe avec la réalité et la fiction. Dans l’optique de « rendre visible l’invisible », ses travaux, consti- tués d’une multitude de médiums (photographies, installations…), engagent une réflexion sur le potentiel discursif de l’œuvre d’art. D’un aspect formel simple qui sous-tend un sens plus complexe et conceptuel, ses œuvres se composent d’éléments au premier abord disparates, que l’artiste articule pour activer ses propres processus de narration. Les travaux de Ryan Gander interrogent les systèmes de représentation, tels que le langage, et leurs signes, que l’artiste détourne et transforme pour en faire émerger de nouvelles possibilités de lecture. Pure Oxidised Silver on Paper est une photographie issue d’une création scientifique : le Laboratoire National de Physique à Teddington, en Grande-Bretagne, a inventé un super noir, le plus sombre au monde. Développée pour l’industrie aéro-spatiale, cette peinture est appliquée à l’intérieur du télescope Hubble pour améliorer la vision de l’homme et est le résultat d’une longue suite de processus chimiques. La photographie de Gander montre que ce noir absolu est, en soi, composé d’une multitude de nuances de gris.

Chris McCaw La pratique de l’artiste Chris McCaw, photographe depuis l’âge de treize ans, a considérablement évolué. Manipulant divers procédés anciens tels que le tirage platine-palladium, son travail de photographie est aujourd’hui essentiellement argentique et imprégné par les travaux de photographes pionniers tels que Henri Fox Talbot ou Nicéphore Niepce. Les créations contem-poraines de McCaw sont caractérisées par un processus par- ticulier qui consiste à forcer la surexposition du négatif de l’appareil à l’intense lumière du soleil afin de provoquer simul-tanément une combustion ainsi qu’un effet de solarisation. C’est grâce à un accident survenu en 2003 que le photographe découvre cet effet bien particulier : voulant photographier le ciel étoilé avant le lever du soleil, il manqua de fermer l’obturateur de son appareil. Outre le travail technique conséquent et les ma-nipulations nécessaires à la production de ses images, l’artiste – à travers cette démarche – confronte singulièrement son rapport à la photographie et à son sujet. Le soleil en devient le point central mais s’impose à de multiples niveaux : au-delà de la représentation, celui-ci fait également partie intégrante du processus de création et de destruction. La série des Sunburned illustre parfaitement son approche où figure cette collaboration entre l’artiste et son sujet. La notion de combustion y joue un rôle pivot en tant que moyen et sujet mais également facteur de l’expérience sensorielle de l’artiste dans laquelle se retrouve cristallisée la temporalité unique de l’œuvre.

Pure Oxidised Silver on Paper, 2008Tirage photographique encadré, 38 × 31 × 2 cmCollection Frac Normandie Rouen, © Ryan Gander

Sunburned GSP#642, 2012 Gelatine d’argent sur négatif papier, 60,7 × 50,8 cmCollection privée Sonia Perrin, © Chris McCaw

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Lisa Oppenheim Le travail de Lisa Oppenheim induit de multiples questionne-ments sur l’image, à la fois en tant que concept mais aussi à travers son processus de production ou bien de son usage final. Remettant régulièrement en jeu la notion de représentation mais également les limites du médium photographique, l’artisteopère un travail sur la matérialité de l’image par le biais de détournements physiques et conceptuels. Lisa Oppenheim interroge la démarche de création de l’image : à son sens, celle-ci a tout autant de conséquences sur sa signification que les interprétations que l’on peut en faire en tant que spectateur. Le polyptique Landscape portraits (Apple) (Version IV) est un photogramme : l’artiste a utilisé de fines lamelles de bois de pommier directement appliquées sur une surface photosensible et ensuite utilisées pour réaliser les cadres des photogrammes. En résultent des sortes de portraits intérieurs des morceaux de bois, les motifs qui en ressortent nous évoquent les célèbres tests de Rorschach.

Landscape portraits (Apple) (Version IV), 2016Série de quatre photogrammes sur gélatine argentée, cadre en bois de pommier61,9 × 61,9 cm pour chaque photogrammeCourtesy de la galerie The Approach, Londres, © Lisa Oppenheim

Silvana Reggiardo Représentée par la galerie spécialisée dans la photographie émergente melanie Rio Nantes, Silvana Reggiardo a favorisé au sein de sa pratique artistique la capture d’espaces urbains tels que des vitres, des faces de verres avec leurs variations de lumières. C’est le cas dans la série présentée ici : pour réaliser ces images, l’artiste photographie des fenêtres – sans que celles-ci apparaissent dans le champ – prises dans les architectures de verre des zones de bureaux. L’identification d’un lieu, d’une temporalité, d’un contexte y est impossible et renvoie alors le spectateur à faire l’expérience de l’image. Ces formats réduits d’oscillation de la lumière donnent tant l’impression de peintures monochromes que d’esquisses de nuages et de poussières : une abstraction au service d’images mentales énigmatiques.

L’air ou L’optique : N° 6, 2011-2012Photographies couleur, tirage lambda contrecollé sous plexiglass brillant 4 mm, châssis aluminium affleurant, 28,5 × 43 cm, © Silvana Reggiardo

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Adrian Sauer Les œuvres d’Adrian Sauer proposent une présentation de l’image photographique comme une simple construction, examinant et décomposant les modes de représentation. Le travail de l’artiste explore les fondements d’un médium en constante évolution depuis sa création (il y a une centaine d’années). L’arrivée de la photographie numérique, et son empiétement sur l’argentique, a signé pour beaucoup la fin de la photographie elle-même. Adrian Sauer prend le contrepied de cette conception en utilisant la photographie numérique comme un médium à part entière. Débutée en 2014, la série Farbe und Form (couleur et forme) présente des photographies de nuages. L’artiste a développé un logiciel informatique permettant de créer simultanément le négatif et le positif d’une même image ; il retravaille ensuite ces derniers dans un souci d’équilibre. De cette démarche naissent des paires d’images jumelles qui nous évoquent les vues stéréoscopiques du XIXe siècle.

22.03.2014 (a), de la série Farbe & Form, 2014Digital c-print, 121,7 cm × 162,2 cmCourtesy de la galerie KLEMM’S Berlin, © Adrian Sauer

Sarah Ritter Diplômée de l’École nationale supérieure de photographie d’Arles et d’une maitrise en philosophie dirigée par Jean-Luc Nancy, l’artiste Sarah Ritter publie en 2019, sa première monographie aux éditions Loco, La nuit craque sous nos doigts, dont les images, au fil des pages, sont accompagnées d’une pièce de théâtre inédite écrite par Christophe Fiat.De photographies figuratives aux photo-reportages à forte dimension sociologique, elle présente dans le cadre de cette exposition à Micro Onde de nombreuses héliogravures abstraites, dont les sujets ont des échelles incertaines, où l’on distingue des lieux étranges et à travers lesquelles une atmosphère narrative suspendue se distingue. Le fruit de ce processus entamé il y a deux ans s’inscrit dans la continuité et l’évolution de son travail et fait surgir l’idée d’un ensemble où la relation entre toutes ses photographies s’élève au rang de sujet. Les écrits littéraires et philosophiques font partie intégrante de son travail, nourrissent sa réflexion et prennent forment dans son expression. Sarah Ritter passe peu à peu d’un jeu avec le hors-champ à un jeu avec la lumière et son contraire : le noir, le sombre, à la recherche d’un point aveugle de la photographie se situant à la lisière du visible et de l’invisible.

L’ombre de la terre, 2020Tirage jet d’encre sur papier fine art, encadrement caisse américaine, 60 × 90 cm (hors cadre)Production Micro Onde, © Sarah Ritter

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Wolfgang Tillmans Wolfgang Tillmans s’est d’abord fait connaître dans les années 1990 par ses portraits de la jeune génération, capturant l’esprit d’une époque. Son travail s’est ensuite davantage tourné vers la photographie abstraite, réalisée directement dans la chambre noire et la plupart du temps sans appareil, apportant de nouvelles propositions dans la manière de voir. Cette évolution du travail de l’artiste vers l’abstraction s’ancre également dans une réflexion sociale quant à l’abondance croissante des images dans le quotidien. Réinterprétant les genres traditionnels (portrait, paysage…), les œuvres de Tillmans, outre des préoccupations sociales, transcrivent aussi ses recherches et ses expérimentations sur le medium photographique lui-même.

Urgency VI, 2006FNAC 2011-0200Centre national des arts plastiquesCourtesy de l’artiste, Galerie Buchholz, Cologne et Galerie Chantal Crousel, Paris

Thu Van Tran L’œuvre de Thu Van Tran est intrinsèquement liée à la notion de mémoire collective et au principe de recollection. Entre absence et présence, souvenir et disparition, ses travaux sont l’occasion de nouvelles expériences de la mémoire. Lors d’un voyage en Bosnie, Thu Van Tran a posé deux caissons en plexiglas sur sa voiture, dans lesquels elle a placé du papier photosensible recouvert de pochoirs. Ces derniers représentent, de manière schématique, son itinéraire. Ces photogrammes ont ensuite été rephotographiés par l’artiste puis encadrés. De façon poétique, pour créer ces images, Thu Van Tran utilise la lumière d’un pays resté dans l’ombre pendant un grand laps de temps. L’œuvre évoque également une dissociation tempo-relle, entre la révélation graduelle du photogramme et la vitesse du véhicule.

À la lumière de Bosnie #1, 2013Tirage Ilfochrome reproduisant des photogrammes non fixés sur papier Fuji, 66,7 × 51,5 cm (encadré)Courtesy de la galerie Meessen de Clercq, Bruxelles, © Thu Van Tran

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James Welling James Welling vit et travaille aux États-Unis. Photographe, l’artiste explore une diversité de techniques aux représentations variables telles que des images abstraites ou figuratives. Produites en série, les photographies font partie d’un ensemble qui participe à désacraliser l’image comme un événement unique et à questionner les modes de production de cet objet. C’est le cas de la série Aluminium foils – composée de 38 images – qui est une prise de vue de feuilles d’aluminium froissées. Tel un paysage lunaire, le regard ne permet pas d’identifier le matériel ou l’échelle de reproduction ce qui permet d’engager l’imagination du spectateur et son interpré-tation sensible.

Aluminium Foils, 1980-1981(détail)Série de 38 images, photographies noir et blanc, 36 × 28.5 cm chacuneCollection Frac Grand Large © James Welling

Francisco Tropa Le travail de Francisco Tropa révèle un univers singulier et com- plexe ; par ses œuvres, l’artiste construit une mythologie indivi-duelle où se développe un ambitieux projet narratif nourri de multiples références, explorant les notions de représentation et de perception. Sa réflexion artistique s’articule et puise dans la notion de sculpture ; le mélange des médiums employés par l’artiste (installations, photographies, sérigraphies) soulève des interrogations autour des thèmes essentiels et piliers de la sculpture : le corps, la nature, mais aussi la mémoire ou le temps. La pratique de Francisco Tropa est également inspirée de nombreuses occurrences à l’histoire de l’art, témoignant d’une démarche intellectuelle et philosophique imprégnée par l’intérêt de l’artiste pour l’histoire et l’archéologie.

Puits n°12, 2014 (détail)Série de 12 éléments, sérigraphie sur papier, 112 × 77 cm chaque élémentCourtesy de la galerie Jocelyn Wolff, Paris/Romainville, © Francisco TropaCrédit photo : © Jean-Christophe Lett

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Liste des œuvres présentéesIgnasi AballiFilm Proyección, 2012Vidéo 16 mm numérisée, 11 min 59 s, Courtesy de la galerie Thomas Bernard, Paris © Adagp, Paris, © Ignasi Aballi

Dove AlloucheFumeurs noirs 4, Fumeurs noirs 7, Fumeurs noirs 9, Fumeurs noirs 10, Fumeurs noirs 11, 2010 Négatif sur papier gélatino-argentique viré à l’or, 53 × 62,5 × 3 cm Pétrographie_RSM3, 2015 Tirage argentique, 180 × 120 × 6 cm (encadré)Courtesy de la galerie gb agency, © Dove Allouche

Pierre-Olivier ArnaudSans Titre (Cheerleader II) et Sans titre (Cheerleader V), 2014Polaroïds encadrés, 33 × 27 × 4 cmCollection Frac Normandie Rouen, © Adagp, Paris, © Pierre-Olivier Arnaud

Liz DeschenesUntitled (Etienne Jules Marey #11), 2017 Photogramme sur gélatine argentée, 21 × 170,5 × 9 cm et 21 × 155,3 × 7,9 cmCampoli Presti, London/ParisCourtesy de l’artiste et Campoli Presti, London/Paris© Liz Deschenes

Nicolas Floc’hPaysage productif, Invisible, Surface, Bec de l’Aigle (La Ciotat), 2019, 110 × 155 cmPaysage productif, Initium Maris, Le Pommier, 6M Plouha, 2019, 80 × 110 cmCourtesy de la Galerie Maubert, Paris, © Nicolas Floc’h

Marina GadonneixUntitled (Northern Light)#6 de la série Phénomènes, 2016Impressions pigmentaires sur papier Hahnemühle Silk Baryta, contrecollées sur aluminum, encadrées avec rehausse de verre, 60 × 50 cm, Courtesy de la galerie Christophe Gaillard © Marina GadonneixUntitled (Northern Light)#8 de la série Phénomènes, 2016Impressions pigmentaires sur papier Hahnemühle Silk Baryta, contrecollées sur aluminum, encadrées avec rehausse de verre, 126 × 151 cm, Courtesy de la galerie Christophe Gaillard © Marina GadonneixUntitled (Gravity) de la série Phénomènes, 2019Digital C-print, 50 × 62 cm Production Micro Onde, ©Adagp, Paris © Marina GadonneixUntitled (Tornado)#3 de la série Phénomènes, 2016Impression pigmentaire sur papier Hahnemüle Silk Baryta, contrecollée sur Dibond, 155 × 130 × 5 cmCollection Frac Normandie Rouen, © Marina GadonneixUntitled (Meteorite impact) de la série Phénomènes, 2016Impression pigmentaire sur papier, contrecollée sur aluminium, 155 × 130 × 5 cm (encadrée) Collection Frac Normandie Rouen, © Marina Gadonneix

Ryan GanderPure Oxidised Silver on Paper, 2008Tirage photographique encadré, 38 × 31 × 2 cmCollection Frac Normandie Rouen, © Ryan Gander

Chris McCawSunburned GSP#642, 2012Gelatine d’argent sur négatif papier, 60,7 × 50,8 cmCollection privée Sonia Perrin, © Chris McCaw

Lisa OppenheimLandscape portraits (Apple) (Version IV), 2016Série de quatre photogrammes sur gélatine argentée, cadre en bois de pommier, 61,9 × 61,9 cm chaque photogrammeCourtesy de la galerie The Approach, Londres, © Lisa Oppenheim

Silvana ReggiardoL’air ou L’optique : N° 6, 2011-2012Photographies couleur, tirage lambda contrecollé sous plexiglass brillant 4 mm, châssis aluminium affleurant, 28,5 × 43 cm© Silvana Reggiardo

Sarah RitterLa Nuit craque sous nos doigts, 2017Série de six héliogravures encadrées, 17 × 19 cm© Sarah RitterL’ombre de la terre, 2020Tirage jet d’encre sur papier fine art, encadrement caisse américaine, 60 × 90 cm (hors cadre)Production Micro Onde, © Sarah Ritter

Adrian Sauer22.03.2014 (a) et 22.03.2014 (b) de la série Farbe und Form, 2014Digital C-print, 121,7 cm × 162,2 cmCourtesy de la galerie KLEMM’S Berlin, © Adrian Sauer

Wolfgang TillmansUrgency VI, 2006FNAC 2011-0200Centre national des arts plastiques, Courtesy de l’artiste, Galerie Buchholz, Cologne et Galerie Chantal Crousel, Paris

Thu Van TranÀ la lumière de Bosnie #1 et À la lumière de Bosnie #2, 2013 Tirage Ilfochrome reproduisant des photogrammes non fixés sur papier Fuji, 66,7 × 51,5 cm (encadrée)Courtesy de la galerie Meessen de Clercq, Bruxelles, © Thu Van Tran

Francisco TropaPuits, 2014 Série de 12 éléments, sérigraphie sur papier, 112 × 77 cm chaque élémentCourtesy de la galerie Jocelyn Wolff, Paris/Romainville, © Francisco Tropa

James WellingAluminium Foils, 1980-1981 Série de 38 images, photographies noir et blanc, 36 × 28.5 cm chacuneCollection Frac Grand Large, © James Welling

Page 13: exposition du 19 septembre au 21 novembre 2020

Autour de la programmation Pendant toute la durée de l’exposition retrouvez des moments de partage, de débats et de discussions avec des professionnels du monde de l’art— plus d’information à venir sur londe.fr Ateliers-GoûtersMercredi 21 octobre à 15 hJeudi 22 octobre à 15 hPendant les vacances d’octobre, des ateliers-goûters autour de l’exposition sont proposés aux enfants (entre 6 et 12 ans). Au programme : une visite de l’exposition, un temps de pratique artistique, un moment de partage autour d’un goûter.

Réservation à la billetterie de l’Onde, au 01 78 74 38 60 et sur londe.frGratuit sur réservation

Entrée libre mardi — vendredi : 13 h – 18 h 30samedi : 11 h – 16 hLe centre d’art est également ouvert les soirs de spectacle, une heure avant les représentations. Pendant les vacances scolaires, les expositions sont accessibles seulement sur rendez-vous.

PartenairesMicro Onde, Centre d’art de l’Onde, reçoit le soutien de la Ville de Vélizy-Villacoublay, de la Région Île-de-France et de la Direction Régionale des Affaires Culturelles d’Île-de-France — Ministère de la Culture

Suivez-nous :

Textes : Clara Bondis, Audrey Illouz, Cyril Le Boulaire, Lucie Liabeuf, Rozenn Renault

Micro Onde, Centre d’art de l’Onde remercie l’ensemble des artistes et des prêteurs : le Frac Normandie Rouen, le Frac Grand Large, le Centre national des arts plastiques, galerie Thomas Bernard, gb agency, Campoli Presti, galerie Maubert, galerie Christophe Gaillard, The Approach, KLEMM’S, Meessen de Clercq, galerie Jocelyn Wolff, Sonia Perrin, et les artistes.Ainsi que Véronique Souben, directrice du Frac Normandie Rouen et Nathalie Giraudeau, directrice du Centre Photographique d’Île-de-France pour leur précieuse collaboration.

Micro Onde, Centre d’art de l’Onde

L’Onde Théâtre Centre d’artScène conventionnée d’intérêt national – art et création pour la danse

8 bis, avenue Louis Breguet78140 Vélizy-Villacoublay01 78 74 38 60microonde @ londe.fr / londe.fr

Autour del’exposition

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