Evolution de la diversité génétique des populations ...

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Depuis le début des années 80, les populations bovines allaitantes françai- ses ont connu de fortes évolutions, concernant tant leur démographie que l’organisation de leurs schémas de sélection, qui sont susceptibles d’avoir influencé leur niveau de diversité géné- tique. Initialement, les différentes structures impliquées dans le dispositif d’amélioration génétique ont été défi- nies par la Loi sur l’Elevage votée en 1966. Cette loi avait pour but de faire progresser le niveau sanitaire et géné- tique des élevages français afin de res- ter compétitif face aux autres grands pays d’élevage. Si la collecte et le trai- tement des informations ont été organi- sés à l’échelle nationale et multiraciale, une structuration raciale forte s’est mise en place autour des herd-books et des Unions de Promotion de la Race (UPRA) (CSAGAD 2006). Les herd- books, qui rassemblaient les éleveurs sélectionneurs, avaient pour rôle la tenue des livres généalogiques. Les UPRA, qui fédéraient herd-books, uni- tés de sélection et groupements d’éle- veurs, avaient pour but de promouvoir leur race auprès des éleveurs et des consommateurs, de définir les objectifs de sélection et les critères à contrôler, de coordonner les différents acteurs pour la création et la diffusion du pro- grès génétique et d’apporter des conseils techniques aux éleveurs adhé- rents pour l’amélioration génétique de leur troupeau (Bougler 1992). Des schémas collectifs de sélection des taureaux d’Insémination Animale (IA) ont été mis en place dans les années 60-70 pour proposer aux éle- veurs une offre de taureaux génétique- ment supérieurs. La procréation et la diffusion des taureaux d’IA étaient assurées respectivement par les unités de sélection et les Centres de Production de Semence (CPS). Initialement ces taureaux étaient princi- palement destinés au croisement termi- nal sur races laitières, mixtes et rus- tiques. Le principal objectif de ces schémas concernait alors les Aptitudes Bouchères (AB), c’est-à-dire l’aug- mentation de la quantité et de la qualité de viande commercialisable de la car- casse à moindres coûts de production (Ménissier et Bouix 1992). Face à la diminution du nombre d’inséminations de croisement dans les années 70 et 80, ces programmes de sélection ont évo- lué vers une offre de reproducteurs des- tinés à une production en race pure. Dans ce contexte, les objectifs de sélec- tion ont dû intégrer à la fois les Qualités Maternelles (QM) des vaches allaitan- tes, pour améliorer la production de veaux sevrés par le naisseur, et les AB pour améliorer le revenu des engrais- seurs. Pour être diffusés par IA, les tau- reaux issus de ces schémas collectifs et testés favorablement sur les AB et les QM de leurs descendants devaient recevoir un agrément délivré par le Ministère de l’Agriculture. Cet agré- ment n’était attribué qu’aux taureaux présentant des niveaux minimaux d’in- dex et de précision d’index et sous cou- vert de garanties sanitaires de la semen- ce. Jusqu’en 2006, deux agréments principaux distinguaient les taureaux utilisés en race pure pour assurer le renouvellement du troupeau (agrément QM) ou pour produire des veaux à engraisser (agrément AB). Un agré- ment existait également pour les tau- reaux à muscularité précoce, utilisés essentiellement en croisement sur vaches laitières, pour la production de veaux de boucherie (agrément VB). Afin d’assurer une pérennité aux unités de sélection et aux CPS et de proposer un service universel à tous les éleveurs français, une zone d’exclusivité territo- riale pour la mise en place des semen- ces avait été définie pour chaque CPS dans la loi de 1966. Il faut noter qu’à côté de ces taureaux agréés à l’IA existaient des taureaux autorisés à l’IA, détenus par des pro- priétaires privés. Ces taureaux prove- naient généralement de lignées fami- liales prestigieuses issues de sélection- tionneurs de taureaux de Monte Naturelle (MN) et reconnues pour leurs performances de croissance et de morphologie. Ces taureaux n’étaient pas testés sur descendance dans le cadre d’un schéma collectif et rece- vaient une autorisation pour la diffu- sion d’un nombre limité de doses de leur semence. Bien que l’ancien dispositif d’amé- lioration génétique ait porté ses fruits en terme de progrès génétique réalisé dans les populations bovines allaitan- tes, notamment sur les caractères de croissance et de morphologie (Boulesteix et al 2008), celui-ci a été réformé par la Loi d’Orientation Agricole (LOA) votée en décembre Inra Productions Animales, 2009, numéro 4 Inra Prod. Anim., 2009, 22 (4), 317-330 A. BOUQUET 1,2 , G. RENAND 1 , F. PHOCAS 1 1 INRA, UMR1313 Génétique Animale et Biologie Intégrative, F-78352 Jouy-en-Josas, France 2 AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris, France Courriel : [email protected] Evolution de la diversité génétique des populations françaises de bovins allaitants spécialisés de 1979 à 2008 En France, la préservation de la variabilité génétique des populations d'animaux d'élevage est une des priorités de la nouvelle loi d'orientation agricole votée en décembre 2006. Cette varia- bilité peut être estimée à partir des généalogies enregistrées pour réaliser les évaluations géné- tiques des reproducteurs. Un bilan de la situation dans les trois principales races allaitantes spécialisées est dressé à partir d'analyses de pedigrees.

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Depuis le début des années 80, lespopulations bovines allaitantes françai-ses ont connu de fortes évolutions,concernant tant leur démographie quel’organisation de leurs schémas desélection, qui sont susceptibles d’avoirinfluencé leur niveau de diversité géné-tique. Initialement, les différentesstructures impliquées dans le dispositifd’amélioration génétique ont été défi-nies par la Loi sur l’Elevage votée en1966. Cette loi avait pour but de faireprogresser le niveau sanitaire et géné-tique des élevages français afin de res-ter compétitif face aux autres grandspays d’élevage. Si la collecte et le trai-tement des informations ont été organi-sés à l’échelle nationale et multiraciale,une structuration raciale forte s’estmise en place autour des herd-books etdes Unions de Promotion de la Race(UPRA) (CSAGAD 2006). Les herd-books, qui rassemblaient les éleveurssélectionneurs, avaient pour rôle latenue des livres généalogiques. LesUPRA, qui fédéraient herd-books, uni-tés de sélection et groupements d’éle-veurs, avaient pour but de promouvoirleur race auprès des éleveurs et desconsommateurs, de définir les objectifsde sélection et les critères à contrôler,de coordonner les différents acteurspour la création et la diffusion du pro-grès génétique et d’apporter desconseils techniques aux éleveurs adhé-rents pour l’amélioration génétique deleur troupeau (Bougler 1992).

Des schémas collectifs de sélectiondes taureaux d’Insémination Animale(IA) ont été mis en place dans les

années 60-70 pour proposer aux éle-veurs une offre de taureaux génétique-ment supérieurs. La procréation et ladiffusion des taureaux d’IA étaientassurées respectivement par les unitésde sélection et les Centres deProduction de Semence (CPS).Initialement ces taureaux étaient princi-palement destinés au croisement termi-nal sur races laitières, mixtes et rus-tiques. Le principal objectif de cesschémas concernait alors les AptitudesBouchères (AB), c’est-à-dire l’aug-mentation de la quantité et de la qualitéde viande commercialisable de la car-casse à moindres coûts de production(Ménissier et Bouix 1992). Face à ladiminution du nombre d’inséminationsde croisement dans les années 70 et 80,ces programmes de sélection ont évo-lué vers une offre de reproducteurs des-tinés à une production en race pure.Dans ce contexte, les objectifs de sélec-tion ont dû intégrer à la fois les QualitésMaternelles (QM) des vaches allaitan-tes, pour améliorer la production deveaux sevrés par le naisseur, et les ABpour améliorer le revenu des engrais-seurs. Pour être diffusés par IA, les tau-reaux issus de ces schémas collectifs ettestés favorablement sur les AB et lesQM de leurs descendants devaientrecevoir un agrément délivré par leMinistère de l’Agriculture. Cet agré-ment n’était attribué qu’aux taureauxprésentant des niveaux minimaux d’in-dex et de précision d’index et sous cou-vert de garanties sanitaires de la semen-ce. Jusqu’en 2006, deux agrémentsprincipaux distinguaient les taureauxutilisés en race pure pour assurer le

renouvellement du troupeau (agrémentQM) ou pour produire des veaux àengraisser (agrément AB). Un agré-ment existait également pour les tau-reaux à muscularité précoce, utilisésessentiellement en croisement survaches laitières, pour la production deveaux de boucherie (agrément VB).Afin d’assurer une pérennité aux unitésde sélection et aux CPS et de proposerun service universel à tous les éleveursfrançais, une zone d’exclusivité territo-riale pour la mise en place des semen-ces avait été définie pour chaque CPSdans la loi de 1966.

Il faut noter qu’à côté de ces taureauxagréés à l’IA existaient des taureauxautorisés à l’IA, détenus par des pro-priétaires privés. Ces taureaux prove-naient généralement de lignées fami-liales prestigieuses issues de sélection-tionneurs de taureaux de MonteNaturelle (MN) et reconnues pour leursperformances de croissance et demorphologie. Ces taureaux n’étaientpas testés sur descendance dans lecadre d’un schéma collectif et rece-vaient une autorisation pour la diffu-sion d’un nombre limité de doses deleur semence.

Bien que l’ancien dispositif d’amé-lioration génétique ait porté ses fruitsen terme de progrès génétique réalisédans les populations bovines allaitan-tes, notamment sur les caractères decroissance et de morphologie(Boulesteix et al 2008), celui-ci a étéréformé par la Loi d’OrientationAgricole (LOA) votée en décembre

Inra Productions Animales, 2009, numéro 4

Inra Prod. Anim., 2009,22 (4), 317-330

A. BOUQUET1,2, G. RENAND1, F. PHOCAS1

1 INRA, UMR1313 Génétique Animale et Biologie Intégrative, F-78352 Jouy-en-Josas, France2 AgroParisTech, 16 rue Claude Bernard, F-75231 Paris, France

Courriel : [email protected]

Evolution de la diversité génétiquedes populations françaises de bovinsallaitants spécialisés de 1979 à 2008

En France, la préservation de la variabilité génétique des populations d'animaux d'élevage estune des priorités de la nouvelle loi d'orientation agricole votée en décembre 2006. Cette varia-bilité peut être estimée à partir des généalogies enregistrées pour réaliser les évaluations géné-tiques des reproducteurs. Un bilan de la situation dans les trois principales races allaitantesspécialisées est dressé à partir d'analyses de pedigrees.

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2006. Dans le nouveau dispositif, laplupart des structures ont été conser-vées pour maintenir un service d’intérêtgénéral pour l’enregistrement des iden-tifiants et des performances, la réalisa-tion des évaluations génétiques et ladiffusion du progrès génétique. Lesorganismes de sélection, agréés par leMinistère de l’Agriculture pour unedurée de six ans, reprennent en chargeles anciennes missions des UPRA etherd-books tout en veillant au maintiende la variabilité génétique de la popula-tion sélectionnée. Tous les acteurs de lasélection sont dorénavant représentésau sein d’une interprofession appelée«France Génétique Elevage» (FGE).Les principaux objectifs de la LOA sontd’assurer une plus grande autonomiefinancière et décisionnelle du dispositifd’amélioration génétique vis-à-vis del’Etat et de se conformer à la législationeuropéenne, notamment en libéralisantle marché des semences animales et ensupprimant les zones d’exclusivité ter-ritoriale des CPS, au nom du principede libre concurrence. Cette libéralisa-tion du marché de la sélection animaleréclamée par la législation européennea nécessité l’abolition des agréments etdes normes de diffusion des semencesde taureaux d’IA. Aujourd’hui, touttaureau possédant un index de valeurgénétique prédit avec «une méthoded’évaluation sans biais» peut être utili-sé par IA sous couvert de certainesgaranties sanitaires de la semence.

L’évaluation génétique des reproduc-teurs, en ferme et en station, reste unoutil essentiel contribuant à l’efficacitédes schémas de sélection bovins allai-tants parce qu’elle permet de rationali-ser le choix des meilleurs reproducteurspour la MN ou l’IA. Exploitant les rela-tions de parenté entre animaux et lesperformances enregistrées en ferme ouen stations, elle a permis de mettre envaleur certaines familles présentant desqualités pour l’amélioration des AB etdes QM. Toutefois, si le choix desreproducteurs sur index s’effectue dansune base de sélection trop restreinte, ilpeut conduire à un appauvrissement dela variabilité génétique de l’ensemblede la population. Cet appauvrissementréduit les marges de progrès génétiquedans les générations futures etimplique, à l’extrême, une diminutiondes performances zootechniques deproduction et de reproduction des ani-maux, phénomène appelé dépression deconsanguinité.

Conscients de ces enjeux, les autori-tés de la FAO ont lancé un programmede surveillance des différentes popula-

tions animales recensées dans lemonde, dont les résultats sont disponi-bles en ligne dans la base de donnéesDAD-IS (Domestic Animal DiversityInformation System, http://dad.fao.org/). De la même façon, la gestion et lapréservation des ressources génétiquesanimales en France font partie inté-grante des priorités de la nouvelleLOA.

Cet article présente un état des lieuxde la structure génétique des popula-tions au contrôle de performances destrois principales populations bovinesallaitantes françaises. L’objectif estd’évaluer à l’aide d’analyses de pedi-grees la variabilité génétique encoredisponible dans ces populations après40 années de sélection organisée col-lectivement et nationalement grâceà l’ancienne loi sur l’Elevage. L’iden-tification de pratiques de sélectionaffectant la variabilité génétique per-mettra de détecter des voies d’amélio-ration pour la préservation des ressour-ces génétiques de ces populations.

1 / Démographie et sélec-tion des trois principalesraces allaitantes spéciali-sées en France

L’étude repose sur l’analyse desgénéalogies des animaux des élevagesinscrits au protocole VA4 du contrôlede performances. Ce protocole est leplus complet qui soit proposé par l’or-ganisme de contrôle de performances.Il inclut la certification des généalogiesdes animaux et l’enregistrement en

ferme, par un technicien habilité, desperformances de croissance et demorphologie des veaux entre la nais-sance et le sevrage. Les données sontextraites de la base de données servantaux évaluations génétiques nationales.Elles concernent les veaux de racepure nés entre les campagnes 1979 (du1er août 1978 au 31 juillet 1979) et2008 dans un cheptel comportant aumoins 5 veaux contrôlés au sevrage parcampagne.

1 / Dynamique d’expansion desraces allaitantes spécialiséesdepuis 1979

Au cours des trente dernières années,le nombre de vaches allaitantes a forte-ment augmenté en France. Au débutdes années 80, le cheptel allaitant s’éle-vait à près de 3 millions de vachesnourrices et les trois principales racesbovines allaitantes spécialisées pour laproduction de viande : la Blonded’Aquitaine, la Charolaise et laLimousine représentaient 60% de cecheptel (Jarrige et Auriol 1992). En2007, le nombre de vaches allaitantes adépassé les 4 millions de têtes, dont77% étaient de races Blonded’Aquitaine, Charolaise ou Limousineavec 499 000, 1 673 000 et 983 000vaches, respectivement (FGE 2009).Toutefois, il faut signaler que seule-ment 12, 13 et 14% des vaches de racesBlonde d’Aquitaine, Charolaise etLimousine furent contrôlées en 2007selon le protocole VA4 du contrôle deperformances (Guerrier 2007). Le nom-bre de vaches contrôlées et le nombred’élevages inscrits au VA4 ont évoluéde façon similaire dans les trois racesétudiées (figure 1). Avant 1983, la loca-

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Figure 1. Evolution du nombre de vaches contrôlées (trait continu) et du nombre detroupeaux (pointillés) réalisant un contrôle de performances au sevrage (VA4) entre1979 et 2008 pour les races Blonde d’Aquitaine ( ), Charolaise ( ) et Limousine ( ).

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lisation géographique de ces trois popu-lations allaitantes était limitée à leur ber-ceau d’origine. L’instauration des quotaslaitiers en 1983 a favorisé leur dévelop-pement et leur extension hors de leurberceau de race. Cette croissance soute-nue a été principalement due à la recon-version de systèmes de production lai-tiers en systèmes allaitants dans lesrégions du Centre (Auvergne, Berry), duNord-Est (Lorraine, Ardennes, Picardie)et de l'Ouest de la France (Bretagne,Normandie, Perche et Poitou). Depuisune dizaine d’années, le nombre de trou-peaux allaitants adhérents au protocoleVA4 est stable ou a légèrement déclinémais le nombre de vaches contrôléess’est maintenu en raison de l’accroisse-ment de la taille des élevages.

1.2 / Structuration des popula-tions entre élevages de sélectionet de production

L’organisation générale de la sélec-tion est similaire dans les trois races etest illustrée par le diagramme de lafigure 2. Les élevages adhérents auVA4 ont des animaux aux généalogieset performances bien connues. Ils cons-

tituent donc la base de sélection pourfournir en reproducteurs l’ensembledes élevages de la population maisaussi les schémas collectifs d’améliora-tion génétique. Bien que la populationcontrôlée ne représente en moyenneque 13% de la population totale, la dif-fusion des élevages de la base de sélec-tion dans l’ensemble de la populationest relativement importante par la ventede taureaux de MN ou la sélection desmâles évalués dans le cadre des pro-grammes de sélection des taureauxd’IA. En effet, sur les campagnes 2007-2008, 55% des veaux nés dans l’ensem-ble des populations bovines allaitantesétaient issus d’un taureau né dans labase de sélection, 27% étaient de pèresinconnus et 18% étaient de pères néshors base de sélection (Havy et al2009).

Les élevages de la base de sélectionsont eux-mêmes structurés entre éleva-ges de sélection et élevages de produc-tion. Le but premier des élevages desélection est de fournir les reproduc-teurs de monte naturelle (MN) et d’IApour assurer le renouvellement de labase de sélection, c'est-à-dire la popula-

tion de vaches au VA4. Dans les troisraces, les objectifs de sélection de cesélevages sont orientés vers la croissan-ce, la morphologie et les qualités d’éle-vage des animaux. Sachant que lamonte naturelle reste le mode de repro-duction prépondérant dans les popula-tions bovines allaitantes (UNCEIA2009), ces élevages de sélection sontplus ou moins spécialisés dans la ventede taureaux de MN et/ou de taureauxdestinés à l’IA. Les éleveurs sélection-neurs qui se sont spécialisés dans lavente de taureaux de MN constituent lenoyau de sélection pour l’approvision-nement de la base de sélection en tau-reaux de monte naturelle (dit «NoyauMN»). Pour classer un élevage dans lenoyau MN, celui-ci doit avoir venduaux autres élevages de la base de sé-lection un minimum de 18 mâles enrace Blonde d’Aquitaine, 25 en raceCharolaise et 20 en race Limousine.Les mâles reproducteurs issus de cesélevages sont vendus soit directementaprès le sevrage, soit après une étape decontrôle de leurs performances indivi-duelles de croissance et de morpholo-gie en Station d’Evaluation (SE). Leséleveurs du «Noyau IA» sont ceux quialimentent le programme de sélectiondes taureaux d’IA pour l’obtention desagréments AB et QM. Pour chacunedes trois races, ce programme compor-te trois étapes successives de sélection :1/ la sélection en ferme des veauxrépondant au mieux aux objectifs desélection des schémas selon leur ascen-dance et leurs index calculés sur leursperformances au sevrage, 2/ l’évalua-tion des performances individuelles decroissance, de morphologie et d’effica-cité alimentaire de ces mâles dans lesstations de Contrôle Individuel (CI),puis 3/ le testage sur descendance desmeilleurs taureaux choisis sur index CIpour évaluer les aptitudes bouchères etmaternelles de leurs produits dans lesstations de Contrôle sur Descendance(CD). Pour être classé dans le «NoyauIA», un élevage doit avoir fourni aumoins 5 mâles en station CI depuis1980. Un tel élevage peut égalementfournir des taureaux de MN à la base desélection et donc appartenir au NoyauMN. Dans les races Blonded’Aquitaine et Charolaise, les deuxnoyaux sont relativement dissociéspuisque respectivement 47 et 35%des élevages du noyau IA n’appartien-nent pas au noyau MN. Par contre, enrace Limousine, 92% des élevages dunoyau IA appartiennent au noyau MNparce que les mâles recrutés pour le schéma d’IA sont tous issus d’une station (SE) mise en place pourl’évaluation des taureaux de MN. Les

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Figure 2. Organisation de la sélection en France et principaux flux de taureaux demonte naturelle (flèche continue) et d’IA (flèche pointillée) au sein d’une populationbovine allaitante spécialisée.

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élevages qui contribuent à alimenter leschéma d’IA fournissent donc réguliè-rement des mâles à la station raciale,dont la plupart sont ensuite utilisés pourla monte naturelle.

Les autres élevages de production dela base de sélection recherchent avanttout un appui technique auprès ducontrôle de performances et sont peuimpliqués dans la sélection de repro-ducteurs destinés au renouvellement dela base de sélection. Ils peuvent toute-fois vendre occasionnellement desreproducteurs aux producteurs de vian-de non adhérents au VA4. Ces élevagesfournissent d’ailleurs une grande partiedes mâles entrant en stations d’évalua-tion (SE) des taureaux destinés à la pro-duction de viande. Les taureaux éva-lués dans ces stations sont ensuiteutilisés dans ces élevages producteursou sont vendus à des élevages hors basede sélection. Leurs objectifs de sélec-tion sont essentiellement tournés versla croissance et la conformation bou-chère des animaux pour produire desbroutards ou des animaux à engraisser.

Le tableau 1 présente les effectifsd’élevages de production et de sélec-tion recensés pour chaque race entre1979 et 2008 ainsi que les nombres d’animaux contrôlés correspondantssur cette même période. Les élevagesdédiés à la production sont largementmajoritaires, alors que les élevagessélectionneurs des noyaux MN et IAreprésentent selon les races respective-ment de 4 à 9% et de 1 à 3% de l’en-semble des élevages de la base desélection.

1.3 / Sélection des taureaux deMN et d’IA

L’achat des taureaux de MN génèredes flux importants entre élevages de labase de sélection et entre régions.Chaque année, environ un tiers de lapopulation de taureaux de MN estrenouvelé, ce qui représente la sélec-tion d’environ 750, 3000 et 1600 mâlesde races Blonde d’Aquitaine, Charo-laise et Limousine respectivement. Lesélevages des noyaux MN assurent laproduction d’environ 70% des taureauxutilisés pour la monte naturelle dans lesélevages producteurs des bases desélection Charolaise et Limousine. Ladiffusion des élevages du noyau MNest plus faible (51%) dans la base desélection Blonde d’Aquitaine. Dans les

élevages des noyaux MN et IA, l’ap-provisionnement en taureaux de MNest réalisé préférentiellement auprèsd’autres sélectionneurs du noyau MN, àhauteur de 75% en race Blonded’Aquitaine et de 85% en racesCharolaise et Limousine. La gestiondes ressources génétiques des élevagesdu noyau MN est donc importante pourle maintien de la variabilité génétiquede l’ensemble de la base de sélection.

Dans les trois races, l’approvisionne-ment des stations de CI en taureaux des-tinés à l’IA est relativement ouvert surl’ensemble des élevages de la base desélection. En effet, sur les cinq dernièresannées, si 44, 55 et 55% des mâles deraces Blonde d’Aquitaine, Charolaise etLimousine provenaient d’élevages dunoyau IA, plus de 35% provenaient d’élevages adhérents au VA4 mais nonsélectionneurs spécialisés.

Le tableau 2 présente le nombre demâles entrés en station de CI en 1987,1997 et 2007 et décrit leur originepaternelle. Le nombre de mâles recru-tés pour les stations de CI dans le cadredes programmes de sélection d’IA estresté stable au cours des 10 dernièresannées pour les races Blonded’Aquitaine et Limousine et a sensible-ment diminué en race Charolaise. Lesorigines des mâles recrutés pour cesprogrammes sont différentes entreraces et ont fortement évolué au coursdes trois dernières décennies. Le recru-tement des mâles de races Charolaiseet Limousine, principalement réaliséparmi des lignées de MN dans lesannées 80, s’est élargi dans les années90 et 2000 aux lignées paternellesagréées à l’IA ou autorisées à l’IA. Au

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Tableau 1. Effectifs d'élevages et de veaux contrôlés entre 1979 et 2008 dans lesbases de sélection Blonde d'Aquitaine, Charolaise et Limousine et chacune de leurssous-populations de producteurs et de sélectionneurs de taureaux de monte naturelle(noyau MN) et d'insémination animale (noyau IA).

Tableau 2. Nombre de mâles entrés en station de Contrôle Individuel pour les sériesnées en 1987, 1997 et 2007 et caractéristiques concernant leurs origines paternelles.

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contraire, le schéma de sélection de raceBlonde d’Aquitaine, qui s’appuyaitessentiellement sur des souches agrééesà l’IA dans les années 80 et 90, a élargile recrutement aux lignées de MN ouautorisées à l’IA depuis la fin des années90. Un nombre important de pères diffé-rents est utilisé pour procréer la nouvel-le génération de mâles entrés en stationde CI contrairement à ce qui se fait en races bovines laitières (Moureaux etal 2000). Toutefois, chaque année,quelques pères agréés à l’IA sont utilisésde façon plus intensive pour procréerplus de la moitié des mâles recrutés dansune série. Cette stratégie a été utiliséedès les années 80 en race Blonded’Aquitaine et est apparue plus tardive-ment en races Charolaise et Limousine.Elle correspond à une volonté de cumu-ler le progrès génétique réalisé dans lesschémas de sélection par la procréationde mâles issus d’accouplements raison-nés entre lignées d’IA dont les qualitéssont bien connues.

A l’issue de l’évaluation en station deCI, 10, 19 et 12 taureaux respective-ment de races Blonde d’Aquitaine, Charolaise et Limousine sont testéschaque année sur descendance en sta-tions de contrôle sur descendance. Enrace Charolaise, le testage sur descen-dance en station est progressivementremplacé par un protocole de testage enferme qui sera totalement opérationnelà partir de 2010-2011.

1.4 / Utilisation de la montenaturelle et de l’inséminationanimale

L’utilisation relative de la MN et del’IA influence fortement la structuregénétique des populations car elleinfluence le ratio entre reproducteursmâles et femelles. Le tableau 3 présen-te le taux de veaux nés d’IA en 1979,1993 et 2008 dans l’ensemble des éle-vages de la base de sélection, les éleva-ges de production et les élevages desnoyaux MN et IA des trois races étu-diées. Ce taux englobe les insémina-tions réalisées avec les taureaux agrééset les taureaux autorisés à l’IA.

Dans les bases de sélectionCharolaise et Limousine, le taux deveaux nés d’IA était historiquementtrès faible (< 10% en 1979). En effet,dans les années 70, ces élevages étaientrelativement réfractaires à l’utilisationde taureaux d’IA en raison de contrain-tes techniques (détection des chaleurset contention des animaux), d’objectifsde sélection privilégiant trop les aptitu-des bouchères au détriment des qualitésmaternelles des femelles mais égale-ment en raison de l’influence des éleva-ges sélectionneurs de taureaux de MNsur le marché de la sélection animale(Vissac 2002). Le taux de veaux nésd’IA en base de sélection a augmentéprogressivement à partir des années 80pour atteindre respectivement 34 et22% en 2008. A titre de comparaison,en 1981, 10 et 29% des vaches de l’en-semble des populations Charolaise etLimousine ont été inséminées en racepure (UNCEIA 1982) contre respecti-vement 15 et 11% en 2008 (UNCEIA2009). Jusque dans les années 90, letaux de veaux nés d’IA dans les éleva-ges des noyaux IA de races Charolaiseet Limousine était plus élevé que celuide l’ensemble de la base de sélection.En 2008, ce taux est proche de celui del’ensemble de la base de sélection(tableau 3).

Dans les années 70, l’utilisation del’IA était largement répandue (> 70%)en race Blonde d’Aquitaine en raisonde la taille plus réduite des élevages(Vissac 2002). Toutefois, le taux deveaux nés d’IA a fortement diminuéentre 1979 et 2008 dans l’ensemble dela base de sélection comme dans lesélevages des noyaux de sélection MNet IA. En 2008, ce taux est hétérogèneentre producteurs (39%) et sélection-neurs des noyaux MN (26%) et IA(48%). En race Blonde d’Aquitaine,l’évolution de l’utilisation de l’IA dansla base de sélection est représentativede celle observée dans l’ensemble de lapopulation. En effet, en 1981, 72% del’ensemble des vaches françaises derace Blonde d’Aquitaine ont été insé-minées en race pure (UNCEIA 1982)contre 17% en 2008 (UNCEIA 2009).

Le niveau d’utilisation de l’IA estégalement très contrasté entre élevagesd’une même race. En effet, respective-ment 18, 20 et 23% des élevages desbases de sélection Blonde d’Aquitaine,Charolaise et Limousine n’avaient pasde veaux nés d’IA en 2008. Cette frac-tion d’élevages diminue depuis 1979mais reste non négligeable. De même,en 2008, la proportion d’élevages avecplus de 70% de veaux nés d’IA est nonnégligeable en races Charolaise (25%)et Blonde d’Aquitaine (30%) mais restefaible en race Limousine (10%).L’utilisation de taureaux autorisés àl’IA s’est développée principalement àla fin des années 90. Elle est faible dansles élevages producteurs et est pluscourante dans les élevages sélection-neurs des noyaux MN et IA. En 2008,le taux de veaux de races Blonded’Aquitaine, Charolaise et Limousinenés de taureaux autorisés à l’IA étaitrespectivement de 5, 2 et 4% dans lesélevages producteurs et de 10, 6 et 6%dans les élevages sélectionneurs.

1.5 / Intervalles de générationL’intervalle de génération se définit

comme l’âge moyen des parents à lanaissance de leurs descendants. Ildépend de l’âge de mise à la reproduc-tion et de la durée moyenne d’utilisa-tion des reproducteurs. L’intervalle degénération moyen d’une populationcorrespond à la moyenne des interval-les obtenus sur chaque voie de trans-mission des gènes : père-fils, mère-fils, père-fille et mère-fille. Letableau 4 présente les intervalles degénérations sur chaque voie de trans-mission pour les animaux reproduc-teurs utilisés dans les élevages de labase de sélection et nés en 1980, 1990et 2000. Entre 1980 et 2000, l’inter-valle de génération moyen a augmen-té dans les populations de racesCharolaise et Limousine. Cette tendan-ce est liée principalement à l’augmen-tation de l’intervalle père-descendantsdue à l’allongement de la carrière destaureaux de MN entre les années 80 et 90 et surtout au développement de l’utilisation de l’IA depuis les

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Tableau 3. Evolution du taux (%) de veaux nés d'IA dans l'ensemble de la base de sélection, dans les élevages de production et lesélevages sélectionneurs des noyaux Monte Naturelle (MN) et Insémination Animale (IA).

Page 6: Evolution de la diversité génétique des populations ...

années 80. En effet, l’âge moyen destaureaux d’IA à la naissance de leursdescendants est plus élevé que celuides taureaux de MN en raison de leurpériode de testage comprise entre 4 et5 ans. Au contraire, l’intervalle degénération moyen a légèrement dimi-nué en race Blonde d’Aquitaine en rai-son de la diminution du taux d’IA dansla population.

Contrairement aux populations laitiè-res dans lesquelles l’intervalle de géné-ration mère-fils s’est considérablementréduit (Moureaux et al 2000), l’âgemoyen des mères des taureaux est élevédans ces trois populations. En effet, lesvaches les plus souvent plébiscitéespour la production de taureaux sont cel-les ayant reçu une qualification raciale.Les qualifications les plus élevées sont

décernées aux vaches adultes ayant uncertain niveau d’index et au moinstrois veaux contrôlés au sevrage.L’intervalle de génération mère-fille adiminué dans les trois races entre 1990et 2000. Cette tendance résulte à la foisd’un léger avancement de l’âge au pre-mier vêlage depuis les années 90 et duraccourcissement de la carrière desvaches en partie lié à l’apparition dedébouchés commerciaux de type«label» pour la production de viande dejeunes vaches.

1.6 / Nombre de descendantsLe tableau 5 présente le nombre de

descendants contrôlés au sevrage pourles divers types de taureaux de MN etd’IA nés sur les périodes 81-85 et 91-95.Le nombre moyen de descendants a aug-menté entre les cohortes de taureauxd’IA nés entre 1981 et 1985 et entre1991 et 1995. En effet, le nombre dereproducteurs agréés est resté globale-ment constant alors que le nombre d’in-séminations a fortement augmenté. Ladiffusion des taureaux agréés à l’IAdans la base de sélection dépend forte-ment de l’agrément reçu après testagesur descendance. Les taureaux avec

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Tableau 4. Evolution de l'intervalle de génération sur chaque voie de transmission desgènes dans l'ensemble des élevages au VA4 des trois races étudiées.

Tableau 5. Evolution du nombre de descendants contrôlés au sevrage et de campagnes d'utilisation en base de sélection des tau-reaux de monte naturelle (MN) et d'insémination animale (IA) (selon leur agrément AB1, QM2 ou VB3) nés sur les périodes 1981-1985 et 1991-1995 dans les trois races allaitantes spécialisées.

1 AB : Aptitudes Bouchères 2 QM : Qualités Maternelles3 VB : Veaux de boucherie

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l’agrément Qualités Maternelles (QM)ont les descendances les plus nombreu-ses et sont utilisés sur un nombre moyende campagnes plus élevé. Le renouvelle-ment des gammes de taureaux d’IA avecl’agrément «Aptitudes Bouchères» (AB)et «Veaux de Boucherie» (VB) est doncplus rapide que celui des taureaux agréés«Qualités Maternelles» (QM). Enfin, lenombre moyen de descendants et ladurée d’utilisation des taureaux autori-sés à l’IA sont comparables à ceux destaureaux agréés à l’IA.

2 / La consanguinité et sonévolution récente

2.1 / Mesure de la consanguinité Le coefficient de consanguinité (F)

et surtout le taux d’accroissement deconsanguinité (∆F) sont classiquementanalysés pour caractériser la structuregénétique des populations. En effet,l’augmentation du niveau de consan-guinité dans une population se traduitpar une diminution du taux moyend’hétérozygotes en un locus donné. Letaux d’accroissement de la consangui-nité permet donc de quantifier l’impor-tance des pertes d’allèles qui survien-nent au fil des générations par le biaisde la sélection et de la dérive génétique.Les principaux concepts concernant ladéfinition de la consanguinité et le cal-cul des coefficients de consanguinitéont été extensivement exposés dans lalittérature (Boichard et al 1996, 1997,Falconer et Mackay 1996). Les coeffi-cients de consanguinité ont été calculésà l’aide de l’algorithme développé parMeuwissen et Luo (1992). Cet algorith-me a été utilisé car c’est le plus effica-

ce pour analyser de grandes popula-tions aux généalogies très longues.Toutefois, il suppose que les animauxfondateurs d’une population ne sontpas apparentés.

Le niveau de consanguinité d’unepopulation doit être interprété avec pré-caution car il dépend étroitement dunombre de générations de généalogiesprises en compte. Dans une populationde taille constante et caractérisée par unrégime de reproduction stable, F aug-mente inéluctablement au cours dutemps alors que ∆F atteint une valeurd’équilibre asymptotique au bout dequelques générations. Dans une popu-lation à l’équilibre, ∆F est donc théori-quement un meilleur indicateur de ladiversité génétique d’une populationque F parce qu’il est moins affecté parle degré de connaissance des généalo-gies (Falconer et Mackay 1996).

L’effectif génétique Ne est un indica-teur fréquemment utilisé pour caracté-riser la structure génétique d’une popu-lation car il permet d’apprécier demanière plus concrète les effets despertes d’allèles au cours des géné-rations. Il correspond à la taille d’une population idéale qui présente-rait le même taux d’accroissement de consanguinité (∆F) par générationque celui observé dans la populationréelle. L’effectif génétique Ne d’unepopulation se calcule directement àpartir du taux asymptotique d’accrois-sement de consanguinité par géné-ration selon la formule : Ne = 1/2∆F(Falconer et Mackay 1996). En notantFi le coefficient de consanguinité d’unindividu i, la régression de log(1-Fi) sur l’année de naissance des veaux

a permis de calculer un taux annueld’accroissement de consanguinité ∆Fa .En effet, la pente de cette droite derégression est égale à log (1- ∆Fa)

- ∆Fa (Perez-Enciso 1995). Le tauxd’accroissement de la consanguinitépar génération a été obtenu par multi-plication de ∆Fa avec l’intervalle degénération. Pour chaque race, la régres-sion a été effectuée en considérant tousles veaux de la population nés entre1999 et 2008. Toutes les analyses depedigrees ont été réalisées à l’aide dulogiciel Pedig (Boichard 2002) et neconcernent que les animaux dont lesdeux parents sont connus.

2.2 / Connaissance des généa-logies

La connaissance des généalogies estbonne dans les trois races. Les différen-ces de connaissance des généalogiesentre races sont quantifiables par lenombre d’Equivalents Générations(EG) connues dans le pedigree desveaux. Cet équivalent est une mesuresynthétique de la quantité d’informa-tion connue dans un pedigree(Boichard et al 1996). L’équivalent de8,7 générations complètes est connudans la population des veaux de raceCharolaise nés entre 2004 et 2008 dansla base de sélection, soit 2,7 et 1,5générations de plus que pour les veauxde races Blonde d’Aquitaine etLimousine (tableau 6). Au sein dechaque population, la connaissance desgénéalogies est hétérogène entre éleva-ges producteurs et sélectionneurs. Surla période 2004-2008, indépendam-ment de la race, les généalogies desveaux des élevages des noyaux MN etIA sont connues au moins sur une géné-

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Tableau 6. Nombre d'équivalent génération (EG) et consanguinité (F) des veaux nés entre 2004 et 2008 dans l'ensemble de la basede sélection, dans les élevages du noyau Monte Naturelle (MN) et les élevages du noyau Insémination Animale (IA) de chaque race.

Page 8: Evolution de la diversité génétique des populations ...

ration de plus que celles des veaux desélevages producteurs (résultats nonprésentés).

Les différences de connaissance desgénéalogies dépendent de trois causesmajeures. La première concerne l’absence de déclaration des parents oul’invalidation des filiations (figure 3).Le taux de mères non déclarées ouinvalidées est faible et homogène entreélevages producteurs et sélectionneursdans les races Charolaise et Limousine(< 2%). Il est légèrement plus élevé enrace Blonde d’Aquitaine (< 4%).L’absence de déclaration ou l’invalida-tion est plus fréquente pour les pèresque pour les mères (figure 3). Le tauxde pères invalidés était très faible jus-qu’en 1983 et a cru lentement pendantla période d’expansion de la race pouratteindre environ 6, 2 et 4% en 1997respectivement dans les populationsBlonde d’Aquitaine, Charolaise etLimousine au VA4. Entre 1998 et 2000,la mise en place du systèmed’Identification Pérenne Généralisée(IPG) et de nouvelles procédures devalidation des généalogies a provoquéune hausse du taux de pères invalidés,principalement dans les élevages pro-ducteurs. En effet, ces nouvelles règlesutilisent les informations concernantles événements de reproduction (datede saillie ou d’insémination desvaches) pour valider le père déclaré à lanaissance d’un veau. L’absence d’enre-gistrements concernant ces événementsest à l’origine d’environ 70% des casd’invalidation des pères (Journaux et al2006). La hausse du taux de pères

inconnus est plus importante en raceBlonde d’Aquitaine dans laquelle cetaux a dépassé 10% entre 2001 et 2003.Entre 2004 et 2008, le taux de pèresinvalidés semble s’être stabilisé auxalentours de 5% en races Charolaise etLimousine et de 8-9% en race Blonded’Aquitaine. Le taux de pères invalidésest hétérogène entre sélectionneurs etproducteurs. En effet, les sélection-neurs veillent à ce que les généalogiesde leurs animaux soient certifiées pourpouvoir les inscrire au herd-book etvendre des reproducteurs.

La deuxième cause d’absence degénéalogies touche essentiellement lesélevages producteurs nouvellemententrés au contrôle de performances,dans lesquels les généalogies des ani-maux nés avant l’adhésion sontinconnues. La connaissance des généa-logies des vaches généralement nées etutilisées dans ces élevages est donc trèspartielle. En 2008, le taux de grands-pères maternels inconnus dans l’en-semble des élevages de production deraces Blonde d’Aquitaine, Charolaiseet Limousine inscrits au VA4 étaitrespectivement de 20, 18 et 17% alorsqu’il était inférieur à 2% chez les sélec-tionneurs de races Blonde d’Aquitaine,Charolaise et Limousine (résultats nonprésentés).

La figure 4 présente le pourcentaged’ancêtres connus selon le rang d’as-cendance des veaux de races Blonded’Aquitaine, Charolaise et Limousinenés entre 2004 et 2008. Le pourcentaged’ancêtres connus est identique sur lessix premières générations en racesLimousine et Charolaise. En raceBlonde d’Aquitaine, le pourcentaged’ancêtres connus est plus faible sur cessix premières générations en raison dutaux de parents inconnus plus élevéobservé dans cette race. Au-delà de lasixième génération, le pourcentaged’ancêtres connus diminue brutalementen races Limousine et Blonded’Aquitaine. La troisième cause d’hété-rogénéité de connaissance des généalo-gies, cette fois-ci entre races, concernela reprise très partielle dans la base dedonnées nationale des archives de

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Figure 3. Taux de pères (trait continu) et de mères (pointillés) inconnus dans les popu-lations au contrôle de performances VA4 Blonde d’Aquitaine ( ), Charolaise ( ) etLimousine ( ).

Figure 4. Pourcentage d'ancêtres connus par génération pour les veaux de racesBlonde d’Aquitaine, Charolaise et Limousine nés sur la période 2004-2008 ayant pèreset mères connus en première génération.

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généalogies antérieures à la Loi surl’Elevage. Ainsi, la généalogie desveaux de race Charolaise nés en 1972était connue sur l’équivalent de 4,7générations contre 1,8 pour les veauxde races Blonde d’Aquitaine etLimousine.

2.3 / Niveau de consanguinité etson évolution dans les troispopulations

En raison des différences de connais-sance des généalogies observées, lesrésultats de consanguinité ne sont pascomparables entre races et entre éleva-ges d’une même race. Le tableau 6 pré-sente les statistiques concernant leniveau de consanguinité dans les popu-lations de veaux nés entre 2004 et 2008dans l’ensemble des élevages de la basede sélection et les élevages des noyauxMN et IA de chaque race. Le niveau deconsanguinité dans les bases de sélec-tion Charolaise (0,56%) et Limousine(0,72%) est faible. Celui de la popula-tion Blonde d’Aquitaine est plus élevé(1,34%). Dans les trois populations, laproportion d’animaux avec un coeffi-cient de consanguinité non nul est éle-vée en raison du bon niveau de connais-sance des généalogies. Cependant, cesniveaux de consanguinité sont sansdoute sous-estimés en raison de laconnaissance hétérogène des généalo-gies au sein des populations. En effet,les animaux des élevages sélection-

neurs, dont les généalogies sontconnues sur de nombreuses généra-tions, côtoient des animaux dont lesgrands-parents maternels sont inconnus(environ 20% de la population des pro-ducteurs). La très bonne connaissancedes généalogies des veaux des élevagessélectionneurs permet d’expliquer laforte proportion d’animaux consan-guins et leur niveau moyen de consan-guinité plus élevé que dans l’ensemblede la population (tableau 6). Dans lesélevages des noyaux IA des racesBlonde d’Aquitaine et Charolaise, lecoefficient moyen de consanguinité desveaux consanguins nés entre 2004 et2008 est plus élevé que celui des éleva-ges des noyaux MN pour un niveaucomparable de connaissance des généa-logies. Dans ces élevages qui utilisentplus l’IA, l’accumulation de la consan-guinité est donc plus importante.

Les animaux aux coefficients deconsanguinité supérieurs à 6,25%,coefficient équivalent à un accouple-ment entre cousins germains, sont raresdans la population Charolaise au VA4alors qu’ils représentent de 2,4 à 3%des animaux consanguins dans lesbases de sélection de races Blonded’Aquitaine et Limousine (tableau 6).Même si elle ne correspond pas à unepolitique délibérée d’accouplementsconsanguins, la proportion d’individusfortement consanguins dans les éleva-ges de races Blonde d’Aquitaine et

Limousine souligne une pratique d’ac-couplement entre individus proches. Eneffet, les éleveurs de races Blonded’Aquitaine et Limousine des noyauxMN utilisent régulièrement des tau-reaux nés dans leurs élevages pourassurer une partie de la reproduction deleur troupeau. Entre 1999 et 2008, 14%des veaux de race Limousine et 15%des veaux de race Blonde d’Aquitainede ces élevages sont nés de taureauxeux-mêmes nés sur l’élevage. Les pro-duits de ces accouplements ont enmoyenne un niveau de consanguinitésupérieur à 2,5%. Cette pratique estbeaucoup moins répandue en raceCharolaise où seulement 8% des veauxnés depuis 1999 sont issus de taureauxnés et utilisés dans le même élevage.

Le tableau 7 présente les statistiquesconcernant le niveau de consanguinitédes veaux mâles nés entre 1999 et 2003et des différents types de taureaux néssur cette même période et utilisés pourla reproduction dans les élevages de labase de sélection. En races Charolaiseet Limousine, les taureaux de MN et lesmâles entrés dans les stations de CI ontun coefficient moyen de consanguinitéinférieur ou égal à celui des veauxmâles consanguins de la population auVA4 alors que la connaissance de leurgénéalogie est meilleure. Dans cesdeux races, les taureaux conservés pourla reproduction sont donc choisis parmiles meilleurs mâles de la population en

Tableau 7. Nombre d'équivalents génération (EG) et consanguinité (F) de l'ensemble des veaux mâles, des taureaux de monte natu-relle (MN) utilisés dans les élevages au VA4, des taureaux contrôlés en station sur performances individuelles (CI) et sur descen-dance (CD) nés entre 1999 et 2003 pour chaque race.

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évitant ceux trop consanguins. Parcontre, les taureaux retenus pour l’éta-pe de testage sur descendance sontgénéralement plus consanguins que lesmâles entrant en CI dont ils sont issus (tableau 7). En race Blonded’Aquitaine, si les taureaux de MN ontun coefficient de consanguinité infé-rieur à celui des animaux consanguinsde la base de sélection, les taureauxévalués dans le cadre du programme desélection des taureaux d’IA sont enmoyenne plus consanguins que les ani-maux des élevages de la base de sélec-tion et ont un niveau de consanguinitééquivalent à celui des élevages dunoyau IA.

Le tableau 8 présente les taux d’ac-croissement de consanguinité par géné-ration et les effectifs génétiques cor-respondants calculés pour les veaux nésentre 1999 et 2008. Les taux d’accrois-sement de la consanguinité sont géné-ralement plus élevés dans les popula-tions de sélectionneurs que dans le restede la population, particulièrement pourles élevages sélectionneurs du noyauIA Charolais. Les taux d’accroissementde consanguinité estimés pour les basesde sélection Charolaise et Blonded’Aquitaine sont faibles. Les effectifsgénétiques estimés pour ces deux popu-lations sont donc élevés par rapport àceux des races bovines laitières pourlesquelles Ne est généralement infé-rieur à 100 (Mattalia et al 2006). Aconnaissance des pedigrees comparable(environ 7 équivalents générations),Sorensen et al (2005) ont estimé destaux d’accroissement de la consangui-nité d’environ 1% par génération pourles populations danoises Holstein etJersey, ce qui correspond à des effectifsgénétiques d’environ 50 reproducteurs.Les taux d’accroissement de consan-guinité estimés dans l’ensemble de labase de sélection Limousine et chacunede ses sous-populations sont quasi nuls.Les effectifs génétiques calculés danscette population sont donc très élevés.Ces résultats sont cohérents avec lesestimations de Boichard et al (1997) etde McParland et al (2007) pour la raceLimousine respectivement en France eten Irlande. Dans la pratique, le calculdu taux d’accroissement de consan-guinité dépend fortement du degréde connaissance des généalogies(Boichard et al 1997, Cervantes et al2008) et peut conduire à l’estimation detaux d’accroissement très faibles voirenuls dans des populations très ouvertes.Boichard et al (1997) ont montré parsimulation qu’un taux de pères et demères inconnus de 10% par génération,maintenu sur 6 générations, implique

une sous-estimation de ∆F et une sures-timation de Ne d’environ 100%. Or, lestaux de parents inconnus dans les basesde sélection allaitantes sont comprisentre 5 et 13%. Le risque de surestima-tion de Ne n’est pas plus important enrace Limousine que dans les deux au-tres populations étudiées. Par ailleurs,les Ne estimés dans les noyaux MN etIA sont également très élevés en raceLimousine alors que la connaissancedes généalogies est homogène etpresque exhaustive sur plusieurs géné-rations.

3 / Mise en évidence de lastructure génétique despopulations par les proba-bilités d’origine des gènes

3.1/ Mesure des contributionsgénétiques et structure géné-tique d’une population

Une autre approche, moins sensibleau degré de connaissance des généalo-gies, permet de caractériser la structu-re génétique des populations à partird’analyses de pedigrees. La remontéedes généalogies d’une population per-met de recenser tous les ancêtres jus-qu’aux fondateurs, ancêtres dont lesdeux parents sont inconnus. Les fon-dateurs constituent un pool originel degènes qui se transmet de générationsen générations. Sous l’effet de la déri-ve génétique et de la sélection, uneproportion des différents variants allé-liques est perdue à chaque génération.A partir des généalogies, on peut cal-

culer les contributions génétiques(également appelées probabilités d’o-rigine des gènes) de chaque ancêtre oufondateur au génome des individus dela population étudiée. A partir des pro-babilités d’origine des gènes, trois cri-tères décrits par Boichard et al (1996,1997) permettent de quantifier l’am-pleur de ces pertes d’allèles : le nom-bre de fondateurs efficaces (Fe), lenombre d’ancêtres efficaces (Fa) et lenombre de génomes efficaces (Ng).

Le nombre de fondateurs efficaces Fecorrespond au nombre de fondateursnécessaires pour expliquer l’origine desgènes présents dans la population sitous avaient des contributions géné-tiques égales (Boichard et al 1997).Plus les contributions des fondateurssont déséquilibrées et plus le nombre defondateurs efficaces est faible par rap-port au nombre réel de fondateurs.Toutefois, le nombre de fondateurs effi-caces tend à surestimer la variabilitégénétique d’une population lorsque desgoulets d’étranglement sont apparusrécemment dans la population(Sorensen et al 2005).

Le nombre d’ancêtres efficaces Facorrespond au nombre d’ancêtresnécessaires pour expliquer la variabili-té génétique de la population étudiée sitous les ancêtres avaient des contribu-tions génétiques égales. A la différencede Fe, Fa prend en compte les contribu-tions génétiques marginales de tous lesancêtres de la population et pas seule-ment celles des fondateurs. La contri-bution génétique marginale d’un ancê-tre correspond à sa contributiongénétique corrigée pour éliminer lesredondances qui existent entre la

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Tableau 8. Taux d'accroissement de la consanguinité par génération (∆F) estimé pourles veaux nés entre 1999 et 2008 et effectif génétique (Ne) des bases de sélection dechaque race et de leurs sous-populations d'élevages sélectionneurs des noyaux MonteNaturelle (MN) et Insémination Animale (IA).

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contribution d’un ancêtre et celle de sesascendants. Dans une situation sansgoulet d’étranglement, Fe et Fa sontégaux.

Le nombre d’ancêtres efficaces Fa neprend pas en compte les effets de la déri-ve génétique. Ces effets, importantsdans des populations de petite taille, sontdifficiles à modéliser à l’aide d’expres-sions analytiques pour des populationsanimales à structure complexe. Par con-tre, l’utilisation d’une simulation sto-chastique permet de mimer les effets dela dérive génétique. Comme suggéré parBoichard et al (1996), la probabilitéqu’un allèle présent chez les fondateurssoit toujours présent dans la populationactuelle peut être estimée par ce type desimulation en utilisant la structure desgénéalogies. De cette probabilité estdérivé le nombre de génomes fonda-teurs Ng. Il correspond au nombre defondateurs nécessaires pour expliquer lavariabilité génétique observée dans lapopu-lation en supposant que tous lesfondateurs ont des contributions égaleset en intégrant l’effet des pertes d’allèlesliées aux goulets d’étranglement et à ladérive génétique.

Ces statistiques dérivées des probabi-lités d’origine des gènes ne peuvent pas

être comparées entre populations carelles dépendent du niveau de connais-sance des généalogies. Par contre, lesratios entre ces trois statistiques et leurévolution relative permettent d’appré-cier les effets des goulets d’étrangle-ment et de la dérive génétique au seinde la population étudiée.

3.2 / Analyse des contributionsdes fondateurs et ancêtres

Le tableau 9 présente les nombres defondateurs efficaces, d’ancêtres effica-ces, et de génomes efficaces ainsi queles contributions des ancêtres principauxdes veaux de la base de sélection nés surles périodes 1994-1998, 1999-2003 et2004-2008. Le nombre total de fonda-teurs est toujours très élevé du fait de laconnaissance incomplète des généalo-gies. Cependant, ce nombre ne représen-te pas la variabilité génétique totale despopulations parce que tous les fonda-teurs ne sont pas indépendants et parceque leurs contributions génétiques sontdéséquilibrées. Le nombre de fondateursefficaces Fe est ainsi plus de 100 foisplus faible que le nombre total de fonda-teurs dans les trois populations étudiées.

A partir des effectifs Fa et Ng rappor-tés dans le tableau 9, les effets de la

dérive génétique peuvent être appréciéspar l’évolution du rapport Ng/Fa aucours du temps. Pour chacune des troisraces allaitantes spécialisées, ce rapportest resté constant depuis les années 80,ce qui signifie que les effets de la déri-ve génétique sont négligeables dans cesgrandes populations.

A partir des effectifs Fa et Fe(tableau 9), les rapports Fa/Fe peuventêtre calculés pour mesurer l’existencede goulets d’étranglement dans chacu-ne des races. Le faible rapport Fa/Fe,compris entre 28% pour les veaux derace Limousine nés entre 2004 et 2008et 48% pour leurs contemporains derace Charolaise, montre que des gouletsd’étranglement existent dans les troisraces. Toutefois, les structures géné-tiques des populations Charolaise etLimousine, d’une part, et Blonded’Aquitaine, d’autre part, ont évoluédifféremment. Dans les racesCharolaise et Limousine, Fa a diminuésuccessivement d’environ 20 à 25%entre les périodes 1994-1998, 1999-2003 et 2004-2008 alors que Fe a dimi-nué d’environ 8 à 14%. Les gouletsd’étranglements semblent donc s’ac-centuer depuis le début des années 90 etimpliquent une réduction importante dela variabilité génétique. Sur la période

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Tableau 9. Nombre de fondateurs, de fondateurs efficaces (Fe), d'ancêtres efficaces (Fa), de génomes efficaces (Ng) et contribu-tions génétiques marginales des principaux ancêtres des populations de veaux de la base de sélection nés sur les périodes 1994-1998, 1999-2003 et 2004-2008 pour les trois races allaitantes spécialisées.

1 Ng a été calculé à partir de 5000 réplications. L'écart-type d'erreur pour les Ng est respectivement de 6, 12 et 11 pour les bases de sélection Blonded'Aquitaine, Charolaise et Limousine sur les trois périodes étudiées, et de 4, 8 et 7 pour les élevages sélectionneurs des noyaux MN et IA en racesBlonde d'Aquitaine Charolaise et Limousine sur la période 2004-2008.2 Contribution génétique marginale de l'ancêtre principal.3 Contributions génétiques marginales cumulées des 10 principaux ancêtres.4 Nombre d'ancêtres expliquant 50% de l'origine des gènes.

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1994-1998, le ratio Fa/Fe est bien plusimportant (63%) en race Charolaisequ’en races Blonde d’Aquitaine etLimousine (39%), montrant que lesgoulets d’étranglement sont beaucoupplus récents en race Charolaise. Dans lapopulation Blonde d’Aquitaine, le rap-port Fa/Fe est faible dès la période1979-1983 (résultat non présenté) et letaux de diminution de Fa entre chaquepériode étudiée (de 10 à 12%) est pro-che de celui observé pour Fe (de 8 à9%). Des goulets d’étranglement sontdonc apparus dès les années 70 en rai-son de la forte utilisation de l’IA maisleurs effets ne se sont pas accentués aucours du temps. La réduction de varia-bilité causée par les goulets d’étrangle-ment créés dans les années 70-80 estirréversible malgré une ouverture de lapopulation pendant la période d’expan-sion nationale et la diminution du tauxd’utilisation de l’IA dans cette popula-tion.

Les conséquences des goulets d’étranglement qui affectent les troispopulations sont également illustréesdans le tableau 9. Elles se traduisent parune augmentation des contributionsgénétiques marginales des principauxancêtres ayant diffusé dans la popula-tion. Dans les populations Charolaise etLimousine, la contribution génétiquemarginale cumulée des 10 premiersancêtres augmente progressivement aucours du temps pour atteindre respecti-vement 19,8 et 14,4%. Parallèlement, lenombre d’ancêtres expliquant 50% desgènes de la population a constammentdiminué. Les ancêtres principaux sontprincipalement des taureaux d’IA forte-ment utilisés (Blason, Till, Concile etJumper en race Charolaise ouHighlander, Dauphin et Ulysse en raceLimousine) ou de vieux taureaux nésdans les années 60. En race Blonded’Aquitaine, quatre taureaux d’IA(Furet, Baricaut, Nestor et Hutin) expli-quent plus de 20% de l’origine desgènes de la population depuis le débutdes années 80.

Le tableau 9 présente également lesstatistiques dérivées des probabilitésd’origine des gènes calculées pour lespopulations de veaux nés entre 2004 et2008 dans les élevages des noyaux MNet IA de races Blonde d’Aquitaine,Charolaise et Limousine. Dans lesnoyaux de sélection, les mêmes évolu-tions relatives de Fe, Fa et Ng sont ob-servées que dans l’ensemble des basesde sélection. Toutefois, le rapport Fa/Feplus élevé suggère que les goulets d’étranglement sont moins marquésdans ces populations de sélectionneurs.

Les ancêtres principaux des popula-tions de producteurs et de sélection-neurs ne sont pas strictement iden-tiques. Les ancêtres principaux desveaux des noyaux MN Charolais etLimousins sont principalement de trèsvieux taureaux de MN ou des taureauxautorisés à l’IA alors que ceux desveaux nés dans les élevages de produc-tion sont des taureaux agréés à l’IA dif-fusés parfois très récemment. Ainsi,seulement 4 ancêtres figurent à la foisparmi les 10 ancêtres ayant les contri-butions génétiques les plus élevéesdans les populations de veaux de raceCharolaise nés dans les élevages deproduction et les élevages du noyauMN entre 2004 et 2008. Ce résultatmontre que les élevages sélectionneursde race Charolaise du noyau MN cons-tituent un réservoir génétique intéres-sant pour alimenter en reproducteursles élevages de production de la base desélection. Ce phénomène est moinsmarqué dans les populations Limousineet Blonde d’Aquitaine dans lesquelles6 ancêtres sont communs parmi les10 ancêtres principaux des populationsde veaux des élevages de production etdu noyau de sélection MN.

4 / Discussion et conclusion

L’ensemble de ces résultats permetde caractériser la structure et la diver-sité génétique des trois principalesraces allaitantes françaises en lienavec l’organisation de leur schéma desélection. L’approche fondée sur l’analyse des pedigrees est à la foissimple et peu coûteuse car elle valori-se des généalogies enregistrées en rou-tine. Elle permet de caractériser leniveau de variabilité génétique desraces sur l’ensemble de leur génome àcondition d’avoir des informationscomplètes et fiables. Cette étude pour-rait être complétée par une analyse desvariations de fréquences alléliquespour différents marqueurs moléculai-res. Les marqueurs nucléotidiques (ou SNP pour Single NucleotidePolymorphism), présents en quantitéimportante sur tout le génome, sontdes sources d’information précieusespour caractériser la structure géné-tique des populations. Avec la publica-tion de la séquence complète du géno-me bovin en avril 2009 (Gibbs et al2009) et la disponibilité de puces àADN haute densité (puce Illumina à54 000 SNP répartis sur tout le géno-me), des premières analyses de diver-sité basées sur l’information molécu-laire des génomes ont caractériséfinement la structure génétique des

populations et leur évolution, despopulations ancestrales jusqu’auxpopulations actuelles très sélection-nées (Zenger et al 2006, Elsik et al2009, Gibbs et al 2009).

Le dispositif d’enregistrement desgénéalogies et des performances, déve-loppé grâce à la loi sur l’Elevage de1966, a permis de collecter une quanti-té importante d’informations. L’en-semble des outils utilisés pour la sélec-tion des reproducteurs a permis deréaliser un progrès génétique certaindans les trois populations sur les carac-tères de croissance, de morphologie etde qualités d’élevage (Boulesteix et al2008) sans trop affecter leur variabilitégénétique. Cette variabilité génétiqueest avant tout nécessaire pour poursui-vre l’amélioration génétique des per-formances des animaux. Par exemple,Goddard et Smith (1990) ont estiméqu’un effectif génétique de 40 repro-ducteurs était nécessaire pour préserverl’efficacité de la sélection dans despopulations de bovins laitiers. D’autrepart, selon les recommandations de laFAO (1998), le taux d’accroissementde la consanguinité doit être inférieur à1% par génération pour éviter tout phé-nomène de dépression de consanguini-té, ce qui correspond à un effectif géné-tique de 50 reproducteurs pour unepopulation dont l’intervalle de généra-tion est de 5 ans. Ainsi, l’effectif géné-tique nécessaire pour éviter la dépres-sion de consanguinité est plusimportant que celui requis pour ne pasdétériorer l’efficacité de la sélection(Meuwissen et Woolliams 1994). Dansles trois populations étudiées, les effec-tifs génétiques estimés sont élevés etbien supérieurs à ces recommandations.Cela suggère que le niveau de variabili-té génétique disponible dans les popu-lations Blonde d’Aquitaine, Charolaiseet Limousine est encore largement suf-fisant pour éviter le phénomène dedépression de consanguinité et préser-ver des marges de progrès génétiquedans les générations futures.

Toutefois, les résultats concernant lesprobabilités d’origine des gènes met-tent en évidence des changements rapi-des dans la structure génétique despopulations Charolaise et Limousine.Les effets des goulets d’étranglementse sont accentués depuis le début desannées 1990 et sont liés à l’augmenta-tion de l’utilisation de l’IA ciblée sur unnombre réduit de reproducteurs. Enrace Blonde d’Aquitaine, les gouletsd’étranglement existent depuis unequarantaine d’années ; leurs effets nes’amplifient pas mais ils ont tout de

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même entraîné une réduction notable etirréversible de la variabilité génétiquede toute la base de sélection.

Les effectifs génétiques estimés pourles populations des élevages desnoyaux MN et IA sont plus faibles queceux estimés pour l’ensemble de labase de sélection, plus particulièrementpour le noyau IA Charolais. Bien que leniveau de diversité génétique estimédans les noyaux de sélection soit tou-jours relativement élevé, ces résultatsindiquent qu’il convient de gérer cettevariabilité génétique dès à présent afinde la maintenir à son niveau actuel.

En races allaitantes spécialisées, lesprogrammes de sélection des taureauxd’IA sont de taille modérée en compa-raison des schémas laitiers. Le recrute-ment des taureaux s’est concentré surdes mâles issus de pères agréés à l’IA.Cette pratique peut être néfaste enterme de maintien de la variabilitégénétique car elle réduit le nombre

d’origines familiales des mâles, quiseront plus largement diffusés par lasuite, vers des lignées déjà fortementutilisées dans la population. Elle favori-se également la propagation d’éven-tuelles anomalies génétiques dans lapopulation. Ainsi, dans la populationHolstein, la prévalence de certainesmaladies ou anomalies génétiquesrécessives, telles que le BLAD, le syn-drome Bull-dog ou encore le CVM, afortement augmenté suite à l’utilisationimportante de taureaux porteurs de lamaladie (Moureaux et al 2000). Unerecommandation pour éviter un renfor-cement des goulets d’étranglementserait de maintenir un nombre minimalde pères à taureaux pour procréer lanouvelle génération des taureaux d’IAen veillant à ce que chaque père à tau-reaux ait un nombre équilibré de mâlesentrant en stations de CI. Des méthodesd’optimisation des taux d’utilisationdes reproducteurs et des accouplementsentre pères et mères à taureaux pour-raient également être mises en œuvre

pour concilier réalisation de progrèsgénétique et préservation de la variabi-lité génétique sur un plus long terme(Sonesson et Meuwissen 2000). De tel-les méthodes ont été appliquées avecsuccès pour la gestion des accouple-ments des programmes de sélection desbovins laitiers et des porcs (Colleau etal 2006, Colleau et Tribout 2006).

Les nouvelles évolutions du disposi-tif d’amélioration génétique vont cer-tainement influencer la structure géné-tique des populations allaitantes.L’ouverture du marché des semencesanimales à de nouveaux opérateurs,autorisée depuis 2006 par la loi d’orien-tation agricole, va probablement aug-menter le nombre de taureaux diffusantdans les populations allaitantes françai-ses. Cette ouverture devrait être béné-fique pour la préservation de la diversi-té génétique des populations de bovinsallaitants spécialisés.

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Cet article présente un bilan de la variabilité génétique des trois principales populations bovines allaitantes françaises en contrôle de per-formances (CP). Des noyaux de sélection diffusent largement des taureaux de monte naturelle (MN) ou d’insémination animale (IA) uti-lisés dans le reste des élevages de production au CP. La connaissance des généalogies est bonne dans les trois races mais est hétérogèneentre élevages de sélection et de production. Les taux d’accroissement de consanguinité estimés sont faibles à modérés dans les popula-tions Limousine, Charolaise et Blonde d’Aquitaine (environ 0,01%, 0,1% et 0,2% par génération, respectivement) et correspondent à deseffectifs génétiques relativement élevés (> 1000, 601 et 247). Les effectifs génétiques estimés sont plus faibles dans les noyaux de sélectiondes reproducteurs de MN et d’IA que dans l’ensemble des élevages en CP mais ils restent importants. L’évolution des statistiques dérivéesdes probabilités d’origine des gènes montre l’existence de goulets d’étranglement anciens dans la population Blonde d’Aquitaine et plusrécents dans les populations Charolaise et Limousine. Ces goulets résultent de l’utilisation de l’IA historiquement forte dans la popula-tion Blonde d’Aquitaine et plus modérée mais en constante augmentation dans les populations Charolaise et Limousine. Pour préserverla variabilité génétique toujours disponible dans ces populations, il conviendrait de recruter dans les programmes de sélection des tau-reaux d’IA une proportion suffisante de mâles issus de taureaux de MN et de veiller à équilibrer les contributions des pères à taureauxaux différentes séries de testage.

Résumé

Evolution of the genetic diversity of French beef cattle populations from 1979 to 2008

This paper presents an analysis of the genetic variability of the three main beef cattle breeds in France using pedigree analyses. In thethree breeds, two breeder nuclei are influent on other herds of the population with on-farm performance recording because they providenumerous natural service bulls or young males for artificial insemination (AI) in breeding programs. The degree of pedigree knowledgeis good but heterogeneous between breeders and producers. Estimated levels and rates of inbreeding are low to moderate (0.01%, 0.1%and 0.20% per generation for the Limousin, Charolais and Blonde d'Aquitaine populations, respectively). They correspond to large gene-tic effective sizes (>1000, 601 and 247 in the Limousin, Charolais and Blonde d'Aquitaine breeds, respectively) and therefore to importantgenetic variability. Effective sizes estimated for breeder nuclei are lower than those estimated for other production herds with perfor-mance recording but are nevertheless large. The evolution of the statistics derived from probabilities of gene origin shows occurrence ofold bottlenecks in the Blonde d'Aquitaine population resulting from a large AI use in the past. In the Charolais and Limousin breeds, bottlenecks are more recent and result from a low but increasing AI use. To preserve genetic variability, it would be advisable to balancecontributions of each bull to the cohort of males recruited for the breeding program for insemination bulls and to maintain a minimalproportion of natural service sires of son.

BOUQUET A., RENAND G., PHOCAS F., 2009. Evolution de la diversité génétique des populations françaises de bovinsallaitants spécialisés de 1979 à 2008. Inra Prod. Anim., 22, 317-330.

Abstract