Evaluation Des Risques Professionnels en Milieu de Soins

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E ´ valuation a priori des risques professionnels en milieu de soins : mise au point d’une matrice emploi–exposition Occupational risk assessment in hospitals: A specific job–exposure matrix C. Verdun-Esquer 1 *, C. Naudet 1 , M. Druet-Cabanac 1 , P. Brochard 1 , les membres du re ´seau inter-CHU d’e ´change et de mutualisation des informations en me ´decine du travail des personnels des e ´tablissements de sante ´ 2 1 Service de me ´decine du travail et pathologie professionnelle, CHU de Bordeaux, 33076 Bordeaux cedex, France 2 Re ´seau inter-CHU d’e ´change et de mutualisation des informations en me ´decine du travail des personnels des e ´tablissements de sante ´, France Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Introduction Les ho ˆpitaux, comme les autres entreprises franc ¸aises, sont soumis a ` l’obligation de mener une e ´valuation a priori des risques professionnels en application de la loi du 31 de ´cembre Summary Occupational risk assessment is an obligation for all French companies, including hospitals. In the network of occupational medicine services of hospitals, we wanted to create a specific job–exposure matrix for the hospital workers. This matrix could be the first step for risk assessment in theses establishments. We made this matrix in two steps: Firstly, the writing the first version of the matrix, with hazard sheets, job sheets and risk assessment algorithm, then the validation of the matrix by occupational doctors who did not write the first version of the matrix, by Delphi method. At the end of 2007, 45 hazards were evaluated in the matrix, in more than 1000 job sheets. These job sheets concern 57 occupations in more than 80 services. This matrix is a first level of information for the hospitals, including prevention priorities. But each establish- ment has to complete the matrix with its own evaluation, which has to take into account its local specificities. ß 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Health care workers, Job–exposure matrix, Occupational risk assessment Re ´sume ´ L’e ´valuation a priori des risques professionnels est une obligation qui concerne l’ensemble des entreprises franc ¸aises, et a ` laquelle n’e ´chappe pas le milieu de soins. Dans le cadre du re ´seau des services de me ´ decine du travail des CHU, il est apparu opportun de mettre au point une matrice emploi–exposition spe ´ cifique du milieu de soins, qui permette aux e ´tablissements de be ´ne ´ficier d’une premie `re hie ´rarchisation des risques. La mise au point de cette matrice s’est de ´roule ´e en deux e ´tapes : d’abord la re ´daction de la version initiale de la matrice, avec re ´ daction de fiches nuisances, de fiches de poste et mise au point d’un algorithme d’e ´valuation du risque, et ensuite la validation de cette matrice par des me ´decins du travail n’ayant pas participe ´a ` la re ´ daction de la premie ` re phase, par me ´thode Delphi. Fin 2007, la matrice a e ´value ´ 45 nuisances affecte ´es a ` plus de 1000 fiches de poste. Ces fiches de poste concernent 57 me ´tiers re ´partis dans plus de 80 disciplines. Cette matrice constitue pour les e ´ tablissements un premier niveau d’infor- mation, en termes de priorite ´ d’actions de pre ´vention a ` mener. Elle doit e ˆtre comple ´te ´e dans chaque e ´tablissement par une e ´valuation des risques sur le terrain, prenant en compte les spe ´cificite ´s locales. ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. Mots cle ´s : E ´ valuation des risques professionnels, Matrice emploi– exposition, Personnels de sante ´ * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] Rec ¸u le : 16 septembre 2008 Accepte ´ le : 20 octobre 2008 Me ´moire 48 1775-8785/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re ´serve ´s. 10.1016/j.admp.2008.10.018 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2009;70:48-54

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Evaluation a priori des risques professionnelsen milieu de soins : mise au point d’unematrice emploi–exposition

Occupational risk assessment in hospitals: A specificjob–exposure matrix

C. Verdun-Esquer1*, C. Naudet1, M. Druet-Cabanac1, P. Brochard1, les membresdu reseau inter-CHU d’echange et de mutualisation des informations enmedecine du travail des personnels des etablissements de sante2

1 Service de medecine du travail et pathologie professionnelle, CHU de Bordeaux,33076 Bordeaux cedex, France2 Reseau inter-CHU d’echange et de mutualisation des informations en medecine du travaildes personnels des etablissements de sante, France

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

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Recu le :16 septembre 2008Accepte le :20 octobre 2008

Memoire

Mots cles : Evaluation des risques professionnels, Matrice emploi–exposition, Personnels de sante

* Auteur correspondant.e-mail : [email protected]

481775-8785/$ - see front matter � 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.10.1016/j.admp.2008.10.018 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2009;70

Introduction

Les hopitaux, comme les autres entreprises francaises, sontsoumis a l’obligation de mener une evaluation a priori desrisques professionnels en application de la loi du 31 decembre

SummaryOccupational risk assessment is an obligation for all French

companies, including hospitals. In the network of occupational

medicine services of hospitals, we wanted to create a specific

job–exposure matrix for the hospital workers. This matrix could

be the first step for risk assessment in theses establishments. We

made this matrix in two steps: Firstly, the writing the first version of

the matrix, with hazard sheets, job sheets and risk assessment

algorithm, then the validation of the matrix by occupational doctors

who did not write the first version of the matrix, by Delphi method.

At the end of 2007, 45 hazards were evaluated in the matrix, in more

than 1000 job sheets. These job sheets concern 57 occupations in

more than 80 services. This matrix is a first level of information for

the hospitals, including prevention priorities. But each establish-

ment has to complete the matrix with its own evaluation, which has

to take into account its local specificities.

� 2008 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Health care workers, Job–exposure matrix, Occupationalrisk assessment

ResumeL’evaluation a priori des risques professionnels est une obligation

qui concerne l’ensemble des entreprises francaises, et a laquelle

n’echappe pas le milieu de soins. Dans le cadre du reseau des

services de medecine du travail des CHU, il est apparu opportun de

mettre au point une matrice emploi–exposition specifique du milieu

de soins, qui permette aux etablissements de beneficier d’une

premiere hierarchisation des risques. La mise au point de cette

matrice s’est deroulee en deux etapes : d’abord la redaction de la

version initiale de la matrice, avec redaction de fiches nuisances, de

fiches de poste et mise au point d’un algorithme d’evaluation du

risque, et ensuite la validation de cette matrice par des medecins du

travail n’ayant pas participe a la redaction de la premiere phase, par

methode Delphi. Fin 2007, la matrice a evalue 45 nuisances

affectees a plus de 1000 fiches de poste. Ces fiches de poste

concernent 57 metiers repartis dans plus de 80 disciplines. Cette

matrice constitue pour les etablissements un premier niveau d’infor-

mation, en termes de priorite d’actions de prevention a mener. Elle

doit etre completee dans chaque etablissement par une evaluation

des risques sur le terrain, prenant en compte les specificites locales.

� 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

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Matrice emploi–exposition en milieu de soins

1991 (Art L 230-2 du Code du travail) et du decret no 2001-1016du 5 novembre 2001 [1]. Cette evaluation doit se traduire parla redaction du document unique, mis a jour annuellementou apres tout amenagement du procede de travail modifiantles conditions d’hygiene, de securite ou les conditions detravail. Cette obligation concerne toutes les structures quelleque soit leur taille [2–6].Dans le cadre du reseau inter-CHU d’echange et de mutualisa-tion des informations en medecine du travail des personnelsdes etablissements de sante, finance par la Caisse nationale deretraites des agents des collectivites locales (CNRACL), il a etepropose de developper une base d’evaluation a priori desrisques professionnels commune a toutes les structures desoins et de mettre au point une matrice emploi–exposition,donnant des profils d’exposition a priori aux differents risques,par metier, presents en milieu hospitalier.

Methodes

Mise au point de la matrice emploi–exposition

L’elaboration de la matrice a ete realisee en deux temps. Unepremiere version a ete redigee par l’equipe des medecins dutravail du CHU de Bordeaux, puis une relecture et unevalidation a ete effectuee par les medecins du travail desept CHU participants (Bordeaux, Brest, Caen, Limoges, Lyon,Nancy et Strasbourg).

Elaboration de la version initiale de la matriceemploi–exposition

Le choix des thesaurus (nuisances, metiers et pathologies) anecessite de s’assurer de la compatibilite avec les bases dedonnees deja existantes et de permettre une gestion infor-matique ulterieure de la matrice. Il a donc ete decide dechoisir le thesaurus de la Caisse nationale de l’assurancemaladie (CNAM) (donnees non publiees) pour les nuisances,la Classification internationale des maladies dixieme edition(CIM10) pour les dommages et le Repertoire des metiers de lafonction publique hospitaliere [7,8]. Pour les disciplines,aucune nomenclature existante ne repondait aux besoins.Tous les secteurs d’activite presents a l’hopital (medicaux ounon) ont ete repertories et declines jusqu’au niveau deprecision necessaire (par exemple pour les disciplines clini-ques, distinction entre les unites de soins, les consultationsexternes, les hopitaux de jour).

Fiches de nuisances

Des fiches de nuisances ont ete elaborees a partir desdonnees de la litterature (definitions des nuisances, dom-

mages en lien avec les differentes nuisances) et des connais-sances des situations de travail en milieu hospitalier(approche dite « expert »). Elles permettent, pour chaquetype de nuisance, d’etablir une base de connaissancescommune, pour la comprehension ulterieure des fiches deposte. Ces fiches avaient pour vocation de definir precise-ment les nuisances ou dangers presents, de lister les dom-mages que pouvaient occasionner la nuisance, de definirl’intensite de l’exposition a ces nuisances d’une facon homo-gene sur l’hopital (« niveau d’exposition »), et d’evaluer leniveau de gravite. Toutes les fiches ont ete realisees sur unmodele identique et comportaient quatre parties.

Premiere partieElle permettait de definir precisement la nuisance identifieea partir du thesaurus de la CNAM ainsi que les modalitesd’exposition a cette nuisance dans un contexte hospitalier.

Deuxieme partieElle identifiait les dommages. Il s’agissait essentiellement dedonnees generales concernant les consequences potentiellessur la sante de l’exposition chronique ou aigue a la nuisanceconsideree, sans tenir compte du niveau d’exposition a cettenuisance (maladies susceptibles d’etre generees par cetteexposition).

Troisieme partieElle permettait d’apprecier le niveau d’expositioncorrespondant a l’intensite de l’exposition d’un salarie a lanuisance en tenant compte du niveau quantitatif del’exposition et de la frequence d’exposition. A chaqueniveau d’exposition etait associe un type d’activite, enfonction des caracteristiques de la nuisance a l’hopital etdes modalites d’exposition. Pour les produits chimiques, il aete tenu compte egalement des valeurs limites d’expositionprofessionnelle (VLEP) lorsqu’elles existaient. Ainsi, quatreniveaux d’exposition ont pu etre definis : « Potentiel »(existence d’une exposition potentielle malgre l’existencede moyens de protection adaptes) ; « Faible » (niveaud’exposition considere comme faible ou inferieur a la VLEPlorsqu’elle existait) ; « Moyen » (niveau d’exposition voisin dela VLEP lorsqu’elle existait) ; « Intense » (niveau d’expositioneleve ou superieur a la VLEP lorsqu’elle existait).

Quatrieme partieElle permettait d’apprecier le niveau de gravite du dommage.Une echelle de gravite etait cotee de 1 a 4 (tableau I). Un seulniveau de gravite a ete attribue par nuisance. Si une nuisancepouvait entraıner plusieurs dommages, la cotation retenueconcernait le dommage le plus grave. La gravite evaluee etait

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Tableau IEchelle de gravite des dommages utilisee dans la matriceemploi–exposition.

Niveau de gravite Libelle4 Deces immediat ou differe suite a un

accident ou maladie invalidanteentraınant habituellement le deces

3 Blessure avec arret de travail � 3 moisou maladie n’entraınant habituellementpas le deces, avec sequelles invalidantes(gene pour les actes de la vie courante)

2 Blessure ou maladie moderee :Blessure avec arret de travail > 8 jourset � 3 mois.Maladie dont l’evolution est engeneral < 1 an, et sans sequelles

1 Blessure ou maladie benigne, pasd’arret de travail ou � 8 jours

Tableau IIIListe des nuisances pour lesquelles une fiche nuisance a eteredigee dans la matrice emploi–exposition specifique dumilieu de soins.

NuisancesNuisances biologiques Nuisances chimiquesSang et liquide contenant du sangExcretaPrions, agents non conventionnelsMycobacterium tuberculosisMeningocoqueLegionellesCMVRubivirusVZVAgent de la gale

AmianteSilice cristalline etautres (prothesedentaire)AntineoplasiquesAnesthesiques volatilsFormaldehydeAcide peracetiqueGlutaraldehydeLatex d’heveaAgents de blanchiment(eau de javel)DesinfectantLessives, detergentsPoussieres de bois

Nuisances physiques Conditions de travailGenerateur de rayons XRadiations mixtes (sources scellees)Sources non scelleesLaserOndes magnetiques (RMN)Pression superieure a la pression

atmospheriqueBruitVibrations transmises aux

membres (machines outils)Vibrations corps entier (vehicules)Posture deboutPosture assisAutres postures (postures

inconfortables)Manutention manuelleMouvements repetitifsFroidChaud

Aliments et produitspour l’alimentationTravail sur ecranSurcharge mentaleFacteurs de stresspsychologiqueTravail de nuitTravail de gardeTravail poste

celle du dommage moyen escomptable et non du dommagemaximal possible. Le niveau de gravite attribue a unenuisance donnee tenait compte de l’evolution habituelledes pathologies dans la population des agents hospitaliersen activite (personnes non debilitees, immunocompetentes).Ainsi, par exemple, l’asthme a ete cote en gravite 3 car aucundeces n’avait ete observe pour cette maladie dans lapopulation de salaries, la tuberculose etait cotee engravite 2, car il n’y a habituellement pas de tuberculoseavec sequelles invalidantes observee dans la populationde salaries.

Fiches de poste

Des fiches de poste ont ete elaborees en proposant des profilsd’exposition a priori a une cinquantaine de nuisances entenant compte des specificites du secteur d’activite (couplemetier–discipline). Ces fiches ont ete redigees par une appro-che « expert », a partir des connaissances des medecins dutravail (statistiques accidents du travail/maladies profession-nelles, observation des situations de travail et etudes de poste,donnees recueillies au cours des visites medicales. . .).

Tableau IIAlgorithme d’evaluation du risque utilise dans la matriceemploi–exposition.Gravite du dommage

Niveau d’exposition a la nuisancePotentiel Faible Moyen Intense

1 R1 R1 R2 R22 R1 R2 R3 R33 R2 R3 R3 R44 R2 R3 R4 R4

R : niveau de risque.

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Algorithme d’evaluation du risque

Un algorithme d’evaluation du risque, applicable al’ensemble des nuisances presentes dans les fiches de poste,a ete developpe. Cet algorithme permet de proposer unniveau de risque a priori, par nuisance et pour chaque fichede poste. Ce niveau de risque prend en compte deuxcomposantes : la probabilite d’occurrence du dommage etla gravite du dommage [2].Concernant la probabilite d’occurrence du dommage, elle estdirectement liee au niveau d’exposition pour les dommagesde type « maladie », ou des relations dose–effet entreintensite de l’exposition et prevalence de la maladie peuventetre retrouvees. Les elements a prendre en compte pour

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Matrice emploi–exposition en milieu de soins

l’evaluation de la probabilite de survenue du dommage sontdetailles dans les definitions des niveaux d’exposition dechaque fiche de nuisance. Pour la gravite du dommage, c’estle niveau de gravite note dans la fiche nuisance qui estretenu.Le risque est obtenu en croisant le niveau d’exposition a lanuisance et la gravite du dommage dans une matrice adouble entree (tableau II). Il comporte quatre niveaux :« R1 » ou risque potentiel (le risque est maıtrise [pas dedommage sauf situation exceptionnelle] ou risque emergent[pas de donnees actuelles dans la litterature] ; « R2 » ourisque faible ; « R3 » ou risque moyen ; « R4 » ou risque eleve.Pour la definition des niveaux d’exposition aux differentesnuisances (fiches nuisances), l’existence de protections col-lectives ou le port d’equipements de protection individuelle(EPI) a ete pris en compte. Dans les fiches de poste, le niveaud’exposition a une nuisance donnee ne tenait pas compte duport d’EPI (cette information devra etre ajustee au niveauindividuel au cas par cas) ni des protections collectives, saufsi ce type de protection etait habituellement utilise en milieude soins. A charge de chaque etablissement de corrigereventuellement le niveau d’exposition en fonction de sasituation propre.

Figure 1. Exemple de fiche nuisance de la matrice emploi–exposition : Mycobac

Validation de la matrice emploi–exposition

Un certain nombre d’elements constitutifs de la matriceemploi–exposition ont ete elabores par une approche dite« d’expert », necessitant une validation par des expertsexterieurs au CHU de Bordeaux. Des medecins du travaildes CHU de Brest, Caen, Limoges, Lyon, Nancy et Strasbourgont ete sollicites pour etre « lecteurs–validateurs ». Leurexpertise a permis de donner un avis sur la pertinence descriteres choisis pour evaluer les niveaux d’exposition auxdifferentes nuisances specifiques au milieu hospitalier et lesniveaux de risque qui en decoulent, de valider l’echelle degravite et les niveaux de gravite affectes a chaque nuisance,de se prononcer pour chaque fiche de poste sur le profild’exposition aux nuisances propose, compte tenu de larepresentativite de cette situation de travail en milieu hos-pitalier et de valider l’algorithme d’evaluation des risques. Lamethode Delphi couplee a une methode de reunion deconsensus a ete utilisee. Cette methode avait pour but demettre en evidence des convergences d’opinion et de dega-ger certains consensus sur ces sujets precis, grace a l’inter-rogation des experts et a l’aide de questionnaires successifs[9]. Une methode allegee, avec seulement deux tours de

terium tuberculosis.

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Tableau IVExemple de fiche de poste de la matrice emploi–exposition :infirmiere de pneumologie en unites de soin.

Nuisances Niveaud’expositiona

Risqueb

Nuisances biologiquesSang et liquides biologiques M RIIIExcreta P RIMycobacterium tuberculosis RIIIAgent de la gale P RIMeningocoque P RIICMV (femmes en age de procreer

et personnes immunodeprimees)P RII

Rubivirus (femmes en age deprocreer et non protegees)

P RII

VZV (femmes en age de procreer,non protegees et personnesimmunodeprimee)

P RII

Nuisances chimiquesDesinfectants M RIIICytostatiques F RIIILatex M RIII

Conditions de travailTravail sur ecran P RISurcharge mentale M RIIIFacteurs de stress psychologique F RII

Nuisances physiquesSources non scellees P RIIPosture debout I RIIPosture inconfortable M RIIIManutentions manuelles M RIII

a Niveau d’exposition : P : potentiel ; F : faible ; M : moyen ; I : intense.b Niveau de risque : RI : risque potentiel ; RII : risque faible ; RIII : risque moyen ; RIV :risque eleve.

relecture, a ete utilisee. Les dernieres divergences ont etediscutees en reunion et ont permis de confronter les diffe-rents points de vue et d’aboutir a un consensus final.La validation de la matrice emploi–exposition a implique dixmedecins du travail des CHU sus-cites participant au projet,l’organisation du consensus etant faite par Bordeaux.L’echelle de gravite a ete validee lors de la reunion delancement initial du projet en decembre 2005. La validationdes fiches nuisances s’est deroulee entre decembre 2005 etjuin 2006. Elle a porte sur le niveau de gravite et chacun descouples definition de l’exposition/niveau d’exposition dechaque fiche nuisance. La validation des fiches de postes’est deroulee entre septembre 2006 et mai 2007. Elle aporte sur la presence ou non d’une nuisance a un postedonne, et sur le niveau d’exposition a cette nuisance. Lavalidation de l’algorithme a ete faite en meme temps que lavalidation des fiches de poste et par la meme methode.

Resultats

Depuis fin 2007, une premiere version de la matrice emploi–exposition specifique du milieu de soins est disponible. Ellecomporte 45 fiches « nuisances » – la liste est presentee dansle tableau III et un exemple de fiche sur la figure 1 – et 1000fiches de poste, concernant 57 metiers et 83 disciplines. Unexemple de fiche est presente dans le tableau IV. Lestableaux V et VI montrent un extrait de la matrice aveccertains risques identifies classes par niveau.

Discussion

Cette matrice emploi–exposition se veut etre un outil prag-matique d’aide a l’evaluation a priori des risques profession-nels dans les etablissements de soins. Son objectif est depermettre une premiere hierarchisation des risques parmetier, pour cibler les priorites en termes de prevention.Compte tenu de cet objectif tres operationnel, c’est l’appro-che « expert » qui a ete retenue pour la mise au point de cettematrice. Elle ne donne, aux etablissements de soins, que desorientations. Chaque etablissement doit affiner son evalua-tion a priori des risques professionnels, par une approcheterrain, prenant en compte la realite du travail des opera-teurs. Une telle approche complementaire est en cours auCHU de Bordeaux.Pour les medecins du travail, les fiches de poste permettent dereperer les principales expositions professionnelles et de met-tre en place un suivi medical adapte. Un des objectifs futurs dureseau de medecine du travail des CHU pourrait etre de validerce suivi medical (quel suivi pour quelle nuisance et a partir de

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quel niveau d’exposition ?) afin d’harmoniser les pratiques desequipes de sante au travail.Cette premiere version de la matrice emploi–exposition seracompletee en 2009–2011 par les fiches de poste des metiersmedicaux. Cette matrice devra evoluer en fonction desconnaissances et des elements apportes par les autres travauxdu reseau de medecine du travail des CHU. Certains groupestravaillent ainsi a la mise au point d’outils d’evaluation a prioride risques professionnels specifiques. Par exemple, la matricene prend pas en compte dans sa version actuelle les risqueschimiques rencontres dans les laboratoires d’analyse medicalepresents dans les etablissements hospitaliers. Ce theme esttraite de facon specifique dans le reseau inter-CHU et lesinformations les plus pertinentes seront secondairementincluses dans la matrice (substances les plus preoccupantespour la sante et/ou les plus utilisees. . .) [10].L’utilisation en pratique de la matrice passe par sa mise enforme informatique permettant une diffusion facilitee auxetablissements interesses, une mise a jour en temps reel, et

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Matrice emploi–exposition en milieu de soins

Tableau VIExemple d’evaluation du risque a partir de la matrice emploi–exposition specifique du milieu de soins : risque cote comme moyen(risque 3).

Nuisance Metier Discipline Service Niveaud’exposition

Gravite Risque

Acide peracetique IDE ORL Consultation I 2 R3Acide peracetique IDE Hepato et

GastroenterologieEndoscopies M 2 R3

Acide peracetique AS Hepato etgastroenterologie

Endoscopies M 2 R3

Acide peracetique AS Pneumologie Endoscopies M 2 R3Agent de blanchiment ASH M 2 R3M. tuberculosis Technicien de laboratoire Laboratoire Bacteriologie M 2 R3M. tuberculosis Puericultrice Urgences Enfants M 2 R3M. tuberculosis Kinesitherapeute Pneumologie Unite soins I 2 R3M. tuberculosis IDE Pneumologie I 2 R3M. tuberculosis IDE Urgences Adultes M 2 R3M. tuberculosis AS Maladies infectieuses Consultation,

Unite soinsI 2 R3

M. tuberculosis AS Pneumologie I 2 R3Bruit Menuisier M 3 R3CMV Sage-femme F 4 R3Cytostatiques Preparateur en pharmacie Pharmacie hospitaliere Pharmacie F 4 R3Cytostatiques IDE Medecine interne Unite soins F 4 R3Desinfectant Puericultrice M 3 R3Desinfectant Manip radio M 3 R3Desinfectant IDE M 3 R3Desinfectant Cuisinier M 3 R3Desinfectant Brancardier F 3 R3Desinfectant Auxiliaire puericultrice M 3 R3Desinfectant ASH M 3 R3Desinfectant AS M 3 R3Desinfectant Ambulancier F 3 R3

IDE : infirmiere ; AS : aide-soignante ; ASH : agent de service hospitalier.

Tableau VExemple d’evaluation du risque a partir de la matrice emploi–exposition specifique du milieu de soins : risque cote comme eleve (risque 4).

Nuisance Metier Discipline Service Niveaud’exposition

Gravite Risque

Amiante Plombier M 4 R4CMV Puericultrice Creche M 4 R4Cytostatiques IDE Hematologie Hopital de jour, unite soins M 4 R4Desinfectant Agent de service

hospitalierBloc operatoire I 3 R4

Generateur rayon X Manipulateur radio Imagerie medicale Radiologie interventionnelle M 4 R4Generateur rayon X IDE Cardiologie Hemodynamique M 4 R4Latex IBODE I 3 R4Manutention de patient IDE Geriatrie Tous sauf consultations

externesI 3 R4

Manutention de patient Brancardier I 3 R4Mouvements repetitifs Agent de blanchisserie I 3 R4Port de charge Magasinier cariste I 3 R4Poussieres de bois Menuisier I 4 R4Prions Technicien de laboratoire Laboratoire Anatomie pathologique M 4 R4Prions IBODE Neurochirurgie Bloc operatoire M 4 R4Radioelement Manip radio Medecine nucleaire Explorations, TPE-scan M 4 R4Sang Technicien de laboratoire Laboratoire Virologie I 3 R4Sang IDE Urgences I 3 R4

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de faire le lien avec le dossier medical informatise despersonnels. Une version informatique devrait etre disponibleau cours de l’annee 2009.

RemerciementsLes auteurs remercient le Fonds de prevention de la CNRACL pour sonsoutien financier, ainsi que Pr A. Bergeret, CHU de Lyon ; Dr BergmanC., CHU de Lyon ; Dr Bourgeois-Martin C., CHU de Nancy ; Dr BroesselN., CHU de Strasbourg ; Dr Buisson-Valles I., CHU de Bordeaux ;Pr Cantineau A., CHU de Strasbourg ; Dr Chamouard V., CHU deStrasbourg ; Dr Clin-Godard B., CHU de Caen ; Dr Denis M.A., CHU deLyon ; Pr Dewitte J.D., CHU de Brest ; Pr Dumont D., CHU de Limoges ;Dr Eniafe M., CHU de Brest ; Dr Fernet F., CHU de Bordeaux ;Dr Fossoux H., CHU de Bordeaux ; Dr Gabinski P., CHU deBordeaux ; Dr Laplace V., CHU de Bordeaux ; Dr Laplaud J., CHUde Limoges ; Pr Letourneux M., CHU de Caen, Dr Ollivier S., CHU deBordeaux ; Pr Paris C., CHU de Nancy ; Dr Partarrieu I., CHU deBordeaux ; Dr Sawicki B., CHU de Brest ; Dr Vignaud M.C., CHU deNancy, et l’ensemble des medecins du travail des CHU participants.

References

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