AMARIS . INSPIRES . MANAGEMENT. solutions

Par les étudiants de la chaire del´innovation managériale.

EUDAIMONIAMACHINE

Simon Dautheville

Camille Buisson

* « Capacité à faire des découvertes, alors qu’on ne les cherchait pas particulièrement »

– Les 3 principes de Serendip.

Que nous dit l’histoire sur les lieux où les inventions ont été réalisées ?Comment fonctionnaient-ils ?

Avaient-ils quelque chose de spécial pour que leurs utilisateurs soient si créatifs ?

Où a été créé le transistor ?

Plongeons en 1947 dans les laboratoires Bell aux Etats-Unis.

Ce lieu a marqué l’histoire par la quantité d’inventions réalisées dans une courte période

de temps. Mervin Kelly, président des laboratoires Bell, avait rejeté l’idée de séparer les

disciplines en différents départements et a rassemblé scientifiques et ingénieurs au sein

d’une même structure reliée par de longs couloirs.

“Cette stratégie, conjuguée au recrutement agressif de certains des meilleurs cerveaux

du monde, a donné lieu à certaines des innovations les plus concentrées de l’histoire

de la civilisation moderne. Dans les décennies qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale,

le laboratoire a produit, entre autres : la première cellule solaire, un laser, un satellite de

communication, un système de communication cellulaire et un réseau de fibres optiques”

Deep Work - Cal Newport

Ces exemples illustrent parfaitement le fait que nous devrions travailler dans des

espaces ouverts où la sérendipenté a plus de chances de se produire.

Si les rencontres fortuites entre experts de divers domaines ont sans aucun doute été

importantes pour les percées mentionnées ci-dessus, les périodes de travail isolées

et ciblées, qui sont emblématiques de la recherche scientifique, l’ont certainement

été aussi.

Cal Newport se penche sur cette question dans Deep Work

Le Deep Work, ou travail en profondeur :“Activités professionnelles exécutées dans

un état de concentration sans distraction qui

pousse vos capacités cognitives à leurs limites.

Ces efforts créent une nouvelle valeur, améliorent

vos compétences et sont difficiles à reproduire. “

Cal Newport est arrivé à l’automne 2004 à la tête du bâtiment 20*. Il nous

le fait visiter :

“ Frank Gehry, avons-nous appris, a organisé les bureaux

autour d’espaces communs et a introduit des cages d’escalier

ouvertes entre les étages adjacents, le tout dans un effort

pour soutenir le type de rencontres fortuites qui avaient

défini son prédécesseur. Mais ce qui m’a frappé à l’époque,

c’est une caractéristique qui n’était pas venue à l’esprit

de Gehry, mais qui avait été ajoutée récemment à

l’insistance de la faculté : des joints spéciaux installés

dans les montants des portes du bureau pour améliorer

l’isolation acoustique. Les professeurs du MIT - certains

des technologues les plus innovateurs au monde - ne

voulaient rien avoir à faire avec un espace de travail

de type bureau ouvert. Au lieu de cela, ils ont exigé

de pouvoir s’isoler totalement.”

Cette combinaison de bureaux insonorisés reliés à de grands espaces communs donne

naissance à une architecture d’innovation en étoile dans laquelle la rencontre fortuite et

la pensée profonde isolée sont soutenues.

C’est une configuration qui chevauche un spectre où, d’un côté, nous trouvons le

penseur solitaire, isolé de l’inspiration mais sans distraction, et de l’autre, le penseur

collaboratif dans un bureau ouvert, plein d’inspiration mais luttant pour soutenir la

pensée profonde nécessaire pour créer.

‘’Un travail en profondeur est nécessaire pour extraire jusqu’à la dernière goutte de valeur

de votre capacité intellectuelle. Nous savons maintenant, grâce à des décennies de recherche

en psychologie et en neurosciences, que l’état de tension mentale qui accompagne le travail

en profondeur est également nécessaire pour améliorer vos capacités. En d’autres termes, le

travail en profondeur était exactement le type d’effort nécessaire pour se démarquer dans

des domaines aussi exigeants cognitivement que ceux du Bell’s lab.”

* Centre ponctuel du MIT pendant la Seconde Guerre mondiale, à Cambridge.

Le lien avec les entreprises actuelles devient de plus en

plus évident…

Nul ne doute aujourd’hui que l’espace de travail

détermine en grande partie le bien-être et la

performance des salariés. Moles et Rohmer (1972 ;

1992) prouvent qu’il conditionne le rapport aux autres,

mais aussi à son propre travail (Montjaret 1996), ou à

l’activité collective (Oldham et Brass 1979)...

L´espace de travail joue un rôle majeur sur

la concentration, la créativité et l’humeur

des salariés, déterminant elles-mêmes les

performances de l’entreprise.

Dans cette optique de productivité, les open spaces

se répandent à une vitesse folle, dans les petites

entreprises comme dans les grandes  : favoriser la

collaboration, fluidifier la circulation de l’information,

casser la hiérarchie verticale… Pour espérer stimuler la

performance. Les bienfaits annoncés sont nombreux.

La triste vérité, cependant, est que l’open space

s’est imposé sans prendre en compte la valeur

du travail profond et la nécessité de protéger

la concentration.

E. Maclouf « Les open spaces incarnent (...) la lutte contre

l’immobilisme du cloisonnement rendant l’organisation

plus agile. (...) Or au contraire, le partage des sphères

visuelles et sonores crée de nouvelles cristallisations. (…)

Il s’ensuit des conflits, des stratégies de contournements

et, surtout, le blocage des transformations recherchées. »

Manque d’intimité, bruit, distraction… Et si les

openspaces bridaient votre potentiel de travail au lieu

de l’encourager ?

Nous aimerions vous présenter un autre espace, un exemple inspiré du design en étoile

dont nous parlions plus haut, avec quelques autres éléments. Nous ne prétendons pas

qu’il soit la solution à tout problème, mais il nous semble intéressant de l’analyser et d’en

comprendre les principaux ressorts.

Il serait :

Eudaimonia Machine

Un espace permettant la collaboration et l’intelligence collective…

Tout en permettant de s’isoler si besoin

Un espace encourageant la créativité grâce aux sources extérieures...

Tout en favorisant la concentration profonde en se tournant vers l’intérieur

Un espace sans distraction technologique...

Tout en restant fonctionnel et équipé

Un espace design et épuré...

Où l’on se sent aussi chez soi

Un espace de de détente…

Où l’on peut cependant atteindre son plein potentiel de travail.

Son objectif principal est de permettre aux gens de se réunir dans un lieu

commun, puis de disparaître dans leurs quartiers et ainsi de suite, pour

optimiser la concentration et la collaboration.

Nous parlons de…

Les participants devront traverser les différentes pièces de la machine Eudamonia, chacune représentant une étape du travail.II n’existe aucun raccourci possible pour arriver à la fin du parcours.

Entrée

GALERIE SALON BIBLIOTHÈQUE BUREAU CHAMBRE

inspiration échange travail de faibleintensité

travail intenserecherche

Ce concept a été imaginé par l’architecte David Dewane dans le but de créer un espace

favorisant la « concentration profonde » (Deep Work) afin d’atteindre le degré optimal

de ses capacités cognitives.

L’Eudaimonia Machine se fonde sur l’hypothèse suivante : « la capacité à travailler en

profondeur devient à la fois de plus en plus rare et de plus en plus précieuse dans notre

économie. Par conséquent, les quelques personnes qui ont cette compétence et qui en font

le coeur de leur vie professionnelle seront amenés à réussir »

Un léger souvenir d’Aristote, Epicure, Spinoza… ? Oui ! Il s’agit bien de la racine

grecque d’eudémonisme, cette doctrine philosophique posant comme principe que

le bonheur et l’épanouissement sont le but de la vie humaine.

Imaginez un rectangle étroit divisé en cinq pièces, alignées les unes derrière

les autres, sans aucun couloir. Il serait impossible de passer de la pièce 1 à

la pièce 3 sans passer par la 2, n’est-ce pas ? C’est le but. Chaque pièce est

dédiée à un objectif particulier, et il faut passer par chacune d’entre elles

pour atteindre l’efficacité optimale.

« Vous plongez dans une concentration de plus en plus intense, puis vous sortez de la

pièce pour vous détendre. Ces temps entre les espaces vous permettent de réinitialiser

votre esprit pour vous préparer à ce que vous allez faire. »

Cet espace de travail a été mis en place au concept-store « STORY », à New York, pendant

un an. Nous vous proposons de découvrir les différentes pièces de plus près…

Salle 1 : La GalerieL’entrée se fait par la rue. Elle contient des exemples de travaux réalisés dans les

«  chambres de travail profond » et vise à inspirer les utilisateurs de la machine en

créant une « culture de stress sain et de pression des pairs ». Cela permet de donner

une forme positive de motivation sociale.

Elle a donc pour but de susciter l’inspiration, d’aider les utilisateurs à trouver leur

objectif et leur identité dans un environnement encourageant et motivant

Salle 2 : Le SalonCanapés, café de haute qualité, bar complet, tables rondes, wifi... Le salon propose

une ambiance conviviale favorisant la curiosité et l’échange. C’est un lieu de débat

et de réflexion conçu pour favoriser l’intelligence collective et élaborer des idées

tout en restant dans un espace clos pour ne pas déranger les autres travailleurs.

Nous passons à un degré supérieur d’intimité, de calme et... de concentration.

Salle 3 : Le bureauLa pièce suivante ressemble aux traditionnels openspaces que nous connaissons.

Bureaux, tables de réunion, tableaux tactiles, installations technologiques... Elle

contient aussi une salle de conférences standard avec un tableau blanc et quelques

cabines. Elle est destinée à accomplir des tâches de faible intensité, les phases

superficielles du projet.

Un administrateur est présent pour aider les utilisateurs à améliorer leurs habitudes

de travail en vue d’optimiser leur efficacité.

Salle 4 : La bibliothèqueElle stocke un enregistrement permanent de toutes les œuvres produites dans la

machine, ainsi que les autres ressources utilisées pour les oeuvres précédentes. Il

existe des photocopieurs et des scanners pour recueillir l’information dont les

utilisateurs ont besoin pour leur projet.

Dewane l’appelle le “le disque dur de la machine”.

Mais cet espace est-il transposable aux entreprises ?

A toutes les entreprises ?

Pourrait-on reproduire ce modèle plusieurs fois au sein d’un même espace ?

Ou permettre à plusieurs projets de circuler en même temps dans la machine ?

Nous avons interrogé des professionnels de toutes les générations

Salle 5 : La chambre Enfin, les chambres de travail en profondeur. C’est ce qui permettra de terminer le

travail, dans un contexte de concentration optimale.

Chaque chambre mesure deux mètres sur trois et est protégée par d’épaisses

parois insonorisées. L’objectif est de permettre une concentration totale et un flux

de travail ininterrompu.

Le processus imaginé par Dewane est de passer 90 minutes à l’intérieur, faire une

pause de 90 minutes, puis répéter le cycle deux ou trois fois par jour - jusqu’à ce que

votre cerveau atteigne ses limites.

Nous avons rencontré

• Nathalie Rossat et Matthieu Varlet, consultants chez Amaris .

• Laurent Ferrazzano, chef de projet chez Adecco qui a récemment

remplacé ses anciens bureaux par un openspace.

• Marine Bonnell, Community Builder chez Nextdoor, spécialiste des

coworkings et espaces collaboratifs qui rassemblent freelances, PME, ETI

et grands comptes à Paris et à Lyon.

Nous retenons de ces rencontres qu’en matière d’espace de travail, la problématique

principale pour les chefs de projet et consultants externes réside dans l’alliance de trois

éléments :

• La fluidité de la communication pour partager les informations et avancer sur

les projets

‘’L’Openspace est très adapté pour travailler en équipe sur des projets car l’information

circule vite. Par exemple, quelqu’un appel et propose ses services. Et bien là c’est très simple

de transmettre l’information à la bonne personne en temps réel” - Matthieu Varlet

• Le plaisir de se rendre au bureau et d’y passer des moments agréables avec ses

collègues

“Pour moi, l’ambiance est le plus important. Quand je me lève, je suis content de venir au

bureau et ça, ça me motive” - Laurent Ferrazzano

• La possibilité de s’isoler (mentalement et/ou physiquement) pour se concentrer

sur des tâches complexes (reporting, analyse de document …) ou passer ses appels.

“Lorsque je dois analyser des documents et que je suis dans l’open space, mettre de la musique

dans mes écouteurs ne suffit pas. Dans ces cas-là je m’isole dans un espace de travail adapté”

- Nathalie Rossat

Marine Bonnell « En fait on a deux types de coworking. On a le coworking animé, ou il y a

du café, du bruit, les gens peuvent manger et on le sait, et on a le coworking studieux, qui a

plus un aspect de bibliothèque et là les gens sont silencieux ».

Dès lors, l’Eudaimonia machine a suscité l’intérêt de nos interviewés de par la promesse

de réussir à atteindre son plein potentiel, tout en conservant la fluidité de communication

et les lieux de rencontres et de détente.

Marine Bonnell « C’est très logique, les entreprises fonctionnent de plus en plus en mode

projet, et puis ça correspond aussi au mode de management. Nous on a conçus les espaces

justement sur cette symbolique de la maison. On est dans sa chambre, après dans son salon,

après c’est l’heure de manger on va dans la cuisine, puis il faut un endroit pour se concentrer,

et puis en fin de journée on est un peu fatigué on retourne dans le salon… donc oui on a pensé

les espaces en termes d’usage quotidien dans une journée ».

En effet, l’utilité du bureau individuel est surtout perçue lorsqu’il est nécessaire de

s’isoler et d’être performant. En vertu de ce principe, de tels espaces sont spécialement

conçus pour permettre de produire le meilleur travail dont l’individu est capable, dans

un minimum de temps.

L’isolation acoustique totale, leur design épuré et la présence de coach dans l’Eudaimonia

Machine répondent à cette nécessité ponctuelle. En outre, le salon et l’Open Space sont

les espaces désignés pour accueillir les moments de brainstorming, élaboration d’idées

et de travail collaboratif.