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La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la Conférence Ministérielle sur le respect de la Gouvernance et l’Application de la Législation Forestière en Afrique (AFLEG) YAOUNDÉ, 13 -16 OCTOBRE 2003 Edité par CED, Cameroun - Rainforest Foundation, UK & Forests Monitor, UK Octobre 2003

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La transparence, la gouvernance et la loiEtudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale

Rapport préparé pour la Conférence Ministérielle sur le respect de la Gouvernance et

l’Application de la Législation Forestière en Afrique (AFLEG) YAOUNDÉ, 13 -16 OCTOBRE 2003

Edité par CED, Cameroun - Rainforest Foundation, UK & Forests Monitor, UK Octobre 2003

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Edité par le Centre pour l’Environnement et le Dévelopement

la Rainforest Foundation & Forests Monitor Octobre 2003

Le Centre pour l’Environnement et le Développement,

la Rainforest Foundation et Forests Monitor remercient

- Traductrice : Valerie L. NTJAM

- Auteurs :

•Centre International d’Appui au Développement Durable (CIAD), CAMEROUN

•Observatoire Congolais des Droits de l’Homme (OCDH), CONGO/BZV

•Comité Consultatif des ONG de Conservation et de l’Environnement (CCOCE), CONGO/BZV

•Comité de Liaison des ONG du Congo (CLONG-CONGO), CONGO

•Réseau des Associations Autochtones Pygmées (RAPY), RDC

•Héritiers de la Justice, Association pour les Droits humains et la Résolution pacifique des conflits,

BUKAVU/RDC

•Association de Lutte contre l’exploitation non contrôlée des forêts équatoriales, BRAINFOREST,

GABON

•Fédération des Associations, GIC, Agriculteurs, Pisciculteurs, et Eleveurs du Cameroun (FAGAP),

CAMEROUN

Groupe de Travail Forêts/Conseil Provincial des ONG de Développement de Kinshasa

(GTF/CRONGO), CONGO/KIN

•Education pour la Défense de l’Environnement et la Nature (EDEN), GABON

•Projet Conservation et Utilisation Rationnelle des Ecosystemes Forestiers de Guinée Equatoriale

(CUREF), GUINEE EQUATORIALE

La transparence, la gouvernance et la loiEtudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale

Rapport préparé pour la conférence ministérielle sur le respect de la gouvernance et

l’application de la législation forestière en Afrique (AFLEG) YAOUNDÉ, 13 -16 OCTOBRE 2003

Note

Les études de cas publiées dans le rapport ont étérédigées en français par leurs auteurs. Le Centre pourl’Environnement et le Développement, la RainforestFoundation et Forests Monitor ne partagent pasnécessairement les opinions exprimées par les différentesétudes de cas.

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Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3

Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Résumé des recommandations des Ong d’Afrique centrale à AFLEG . . . . . . . . . . . . . . . . .5

Liste des acronymes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6

Première Partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

Chapitre 1. La loi forestière et la marginalisation des populations pygmées . . . . . . . . . . . .7

Chapitre 2. Accès à la propriété foncière au Cameroun : opportunités légales

et contraintes chez les pygmées Baka . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11

Chapitre 3. Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre :

cas des pygmées expulsés du parc national de Kahuzi Biega . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15

Deuxième Partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

Chapitre 4. Partenariat et quelle gouvernance : le gouvernement, les compagnies

forestières, et la construction des routes en République du Congo . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

Chapitre 5. Destruction des forêts par les guerres et leur réhabilitation:

Cas de la province du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo . . . . . . . . . . . . .27

Troisième Partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31

Chapitre 6. Recouvrement des pénalités liées au secteur forestier congolais . . . . . . . . . . .31

Chapitre 7. Exploitation forestière en République du Congo :

Cas de la société Tamann Industrie Limited dans la forêt du Mayombe . . . . . . . . . . . . . .45

Chapitre 8. Applicabilité du code forestier Congolais :

cas des dispositions relatives aux communautés locales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .51

Quatrième partie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Chapitre 9. Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts

camerounaises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

Chapitre 10. Exploitation illégale de la résine d’Okoumé au Gabon . . . . . . . . . . . . . . . .62

Notes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

Table des matières

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Cette étude a pour but de présenter quelques-unes des préoccupations des représentants de la sociétécivile d’Afrique centrale sur la législation des forêts et son application dans la région. Il présentedes sujets aussi divers que les droits fonciers, la gouvernance, la production des Produits Forestiers

Non Ligneux (PFNL) et les conflits, ainsi que la déforestation, avec des exemples venant du Cameroun, duGabon et de la République démocratique du Congo. Au centre des préoccupations évoquées, seretrouvent les questions de gouvernance et de respect des droits des communautés forestières d’Afriquecentrale. Cet appel de la société civile de cette partie de l’Afrique est complété par des recommandations,dont l’objectif est d’améliorer la gestion des forêts et la condition des populations forestières.

La première partie met l’accent sur les problèmes liés aux droits des peuples autochtones et à la gestiondurable des ressources forestières. Le Chapitre I (CED) montre comment les dispositions prévues par la loiafin d’assurer la prise en compte des droits et intérêts des communautés locales dans la gestion des forêtssont inopérantes dans le cas des populations pygmées, en raison des spécificités culturelles de cescommunautés.Le Chapitre II (CIAD) va présenter comment la question des droits fonciers est importante dans les lois et lagouvernance forestière. Le Chapitre III (RAPY) pose le problème de la gouvernance et suggère quel’exploitation des forêts du Bassin du Congo prenne en considération les droits des riverains de ces forêts.

La deuxième partie montre comment les activités illégales, la mauvaise gouvernance, et les conflitscontribuent à la dégradation de l’environnement.Le Chapitre IV (CLONG) est axé sur les accords entre les sociétés forestières et le gouvernement de laRépublique du Congo, et montre la nécessité d’encourager les gouvernements africains à ne pas accorderde telles facilités aux sociétés forestières, les exonérant de taxes. Le Chapitre V (Héritiers de la Justice) établit le lien entre les conflits et la dégradation de l’environnementpuis suggère que des lois plus strictes soient appliquées pour prévenir la dégradation des aires protégéesdurant de violents conflits.

La troisième partie met l’accent sur les problèmes de transparence et les faiblesses du code forestier. Le Chapitre VI (CCOCE) attire l’attention des Organisations internationales engagées dans le processusAFLEG sur le risque de voir les programmes d’ajustement structurels FMI/BM affaiblir les moyens desgouvernements dans leurs efforts pour appliquer les lois forestières comme c’est le cas en République duCongo, où ces programmes ont entraîné la réduction des effectifs dans l’administration des forêts. Ensuite,le Chapitre VII (OCDH) propose qu’AFLEG prenne en compte le fait que les opérations forestières doiventrespecter le code de l’emploi national aussi bien que les lois et les règlements forestiers ; des conditionsde travail exécrables ainsi que l’insuffisance des infrastructures jouent un rôle important dans la corruptionet la mauvaise gestion des ressources forestières. Le Chapitre VIII (GTF/CRONGD) met en relief lesinnovations et les faiblesses du nouveau code forestier de la République démocratique du Congo, etsouligne la problématique des lois à deux vitesses en suggérant de simplifier les mesures d’encadrementen vue de donner la chance d’une meilleure application.

La quatrième partie se concentre sur les problèmes spécifiques des communautés locales.Le Chapitre IX (CED) tente, presque 10 ans après l’adoption de la loi forestière de 1994, une évaluationrapide de son application à l’aune des exigences de la gestion transparente des ressources et des espacesforestiers. Le Chapitre X (EDEN) enfin, présente les produits forestiers non ligneux et propose qu’AFLEG sepenche sur la question de la légalité de l’exploitation des PFNL au même titre que celle des produitsligneux.En somme, cette étude fait des recommandations qui peuvent être très utiles pour les gouvernements et lesorganisations internationales participant à AFLEG.

Résumé

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Les recommandations suivantes sont tirées o Des discussions et la déclaration des ONGs de l’atelier de la

préparation d’AFLEG de Yaoundé en janvier 2003o Des études de cas préparées par la société civile d’Afrique

centrale dans le cadre du processus AFLEG

S’agissant de la transparence dans la gestion des forêts, lesONGs recommandent:

• La mise en place, dans la sous-région, d’un fichiercentral des infractions aux législations forestières des Etatsd’Afrique centrale, ouvert au public, et qui servira à assurer lesuivi des activités des sociétés forestières industrielles dansl’ensemble du Bassin du Congo, et à envisager des sanctions àl’échelle de la sous-région

• L’institution d’un observateur indépendant du contrôleforestier dans tous les Etats de la sous-région, comme mesure derenforcement du contrôle forestier, afin d’éviter les déplacementsdes sociétés les plus destructrices dans les pays moins contrôlés

• Les Etats d’Afrique centrale et leurs gouvernementspermettent aux citoyens qui en font la demande d’accéder à tousles documents non confidentiels :

o La liste des contrevenants à la loi forestière,des sanctions infligées, de même que l’étatdu contentieux, devraient être publiées

o La publication des conventions signées etautres concessions accordées aux sociétésforestières

o La publication et la diffusion de tous lestextes de lois relatifs à la forêt, notamment lecode forestier, la loi sur les forêts, etc.

S’agissant de la réforme législative et la question des droitspygmées, les ONGs recommandent :

Aux Etats d’Afrique Centrale : • La ratification des instruments juridiques

internationaux de protection de la biodiversité et des droits despopulations indigènes, et notamment de la convention 169 del’OIT

• La reconnaissance de droits fonciers coutumiers aux"pygmées", y compris dans les concessions et les aires protégées

• La mise en place d’une réglementation reconnaissantaux populations " pygmées " des droits d’usage étendus dans laforêt

• L’interdiction de l’exploitation industrielle des essencesayant une forte valeur culturelle, thérapeutique ou alimentairepour les peuples de la forêt

• La reconnaissance de l’importance du rôle de lasociété civile, et la mise en place des conditions de sonindépendance, afin de lui permettre de contribuer aurenforcement de l’état de droit dans le secteur forestier

• L’amélioration du cadre politique et juridique del’intervention des organisations de la société civile actives dans lesecteur forestier, notamment par la systématisation de l’accès à

l’information, l’amélioration de la participation publique, et desconditions et modalités de l’accès à la justice dans le butd’obtenir l’application de la loi dans les affaires relatives auxcrimes et délits liés à la gestion des forêts

• L’adaptation des droits d’usage aux modes deproduction des " pygmées ", afin de leur permettre de gagnerlégalement leur vie à partir de la vente des produits de la collecteen forêt

S’agissant de la bonne gouvernance, les ONGs recommandent:

• L’application immédiate de sanctions à l’encontre descontrevenants à la loi forestière dont les exactions sont denotoriété publique

• Le retrait immédiat des agréments des sociétésrécidivistes, dont les activités ont entraîné un appauvrissement despopulations de la forêt et des Etats d’Afrique centrale, etcontribué à établir la réputation de corruption des pays du Bassindu Congo

• L’indemnisation des populations pygmées qui ont étédépossédées de leurs terres, et la reconnaissance de droitsfonciers des populations pygmées, y compris dans les airesprotégées et dans les concessions forestières

• L’instauration d’unités de contrôle faunique, enparticulier dans les concessions forestières

• Que des lois rigoureuses soient appliquées pourl’exportation des minerais et d’autres matières premières enprovenance des zones de conflit

• Les Etats d’Afrique centrale impliquent et intègrent lesautochtones pygmées et les autres populations locales dans lesprocessus de création et dans la gestion des parcs nationaux etautres réserves naturelles et forestières

• Le renforcement des moyens humains, financiers etmatériels des personnels et agents des eaux et forêts

La conclusion, avec l’ensemble des Etats du Bassin du Congo,d’accords visant à lutter contre l’exploitation illégale de la forêt,et prévoyant des obligations pour les pays producteurs et les paysconsommateurs.

Aux Etats du G8 :• L’interdiction de l’importation du bois illégal et du bois

en provenance des zones de conflit dans les pays du G8• L’interdiction de l’accès aux fonds publics ou à toute

autre assistance publique au bénéfice de sociétés coupablesd’exploitation forestière illégale, et aux groupes auxquels ellesappartiennent.

RESUME DES RECOMMANDATIONS DES ONG D’AFRIQUE CENTRALE A LA CONFERENCE DES MINISTRES AFLEG

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Liste des Acronymes AFDL : Alliance des Forces Démocratiques pour la LibérationAFLEG : Application de la Législation Forestière et Gouvernance en AfriqueAPR : Armée Patriotique RwandaiseARB : Autorisation de Récupération de BoisCCOCE : Comité consultatif des Ong de Conservation et de l’EnvironnementCED : Centre pour l’Environnement et le DéveloppementCENAREST : Centre National de la Recherche Scientifique et TechniqueCIAD : Centre International d’Appui au Développement DurableCIB : Compagnie Congolaise Industrielle des Bois CLONG : Comité de Liaison des ONG du CongoCURE : Crédit d’Urgence et de Relance EconomiqueEDEN : Education pour la Défense de l’Environnement et de la NatureFAR : Forces Armées RwandaisesFCFA : Franc de la Communauté Financière d’AfriqueFPR : Front Patriotique du RwandaGTF: Groupe de Travail ForêtsHCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les RéfugiésICCN : Institut Congolais pour la Conservation de la NatureIPHAMETRA : Institut de Pharmacopée et de Médecine Traditionnelle MINEF : Ministère de l’Environnement et des ForêtsOCDH : Observatoire Congolais des Droits de l’HommeOHADA : Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en AfriqueOIT : Organisation Internationale du TravailONG : Organisation Non GouvernementalePFNL : Produits Forestiers Non LigneuxPNKB : Parc National Kahuzi-BiegaPNV : Parc National VirungaPSFE : Programme Sectoriel Forêt-EnvironnementRAPY : Réseau des Associations Autochtones PygméesRCD /RDC : République Démocratique du CongoSFH : Société Forestière HazimUFA : Unité Forestière d’AménagementUTA : Union Transport Africa

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Chapitre 1

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

CENTRE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT (CED) SSAAMMUUEELL NNGGUUIIFFFFOO

La loi forestière et la marginalisation despopulations pygmées

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Avec une population généralement estimée à environ 100 000 personnes auCameroun, les pygmées constituent la plus connue et la plus vulnérable despopulations forestières. Leur mode de vie est étroitement lié à la forêt, dont ils

tirent leur nourriture (gibier, fruits, écorces, racines, etc.), les produits de lapharmacopée traditionnelle dont ils sont réputés grands connaisseurs. La forêt constitueleur cadre de vie naturel, dans lequel ils continuent, pour la plupart, à s’adonner aunomadisme.

La politique forestière de 1993 prévoit une plus grande implication des communautéslocales dans la gestion des forêts. La loi forestière de 1994 et ses textes d’applicationorganisent les modalités de leur association aussi bien à la gestion des espaces (forêtscommunautaires et territoires communautaires de chasse notamment) que des ressourcesfinancières issues de l’exploitation industrielle du bois (redevances forestières).

A l’analyse, on remarque cependant que les dispositions prévues par la loi dans le butd’assurer la prise en compte des droits et intérêts des communautés locales dans lagestion des forêts sont inopérantes dans le cas des populations pygmées, en raison desspécificités culturelles de ces communautés.

1. La négation des droits coutumiers des populations indigènes

Le Cameroun connaît un système de dualité des normes juridiques, avec un droit écritd’origine coloniale, présenté comme « moderne », qui cohabite avec une multitude dedroits non écrits, dits coutumiers, d’essence pré-coloniale. Le droit moderne consacre lapropriété de l’Etat sur la terre et l’ensemble des ressources forestières (article 6 de laloi de 1994 sur les forêts, article 1er de l’ordonnance du 6 juillet 1974 fixant le régimefoncier), tandis que les différents droits coutumiers reconnaissent la propriété descommunautés. La cohabitation entre ces deux types de normes a été réglée aussi bienpar la loi que par la jurisprudence, qui consacrent la primauté du droit moderne sur lacoutume. En vertu de l’application de la notion de « territoires sans maître », inconnue des droitscoutumiers des peuples de la forêt, l’Etat s’est arrogé l’ensemble des terres surlesquelles des individus étaient incapables d’établir la preuve de droits de propriétéselon le droit moderne (titres fonciers). Les droits coutumiers « pygmées » relatifs à la gestion de l’espace et des ressourcesfigurent ainsi parmi ceux qui ont été sacrifiés à l’autel du modernisme. La fragilité deces communautés, de même que leur forte dépendance vis-à-vis de la forêt, auraientsans doute pu justifier une attention particulière de la loi à leur égard.

2. L’exploitation forestière contribue à la négation des droits des « pygmées »

Telle qu’elle est pratiquée en ce moment, l’exploitation forestière industrielle contribueà la marginalisation des populations indigènes de la gestion de cette ressource vitale. Cescommunautés sont en effet ignorées à toutes les étapes du processus. Ainsi, la définitiondes superficies ouvertes à l’exploitation ne tient aucun compte ni des aires de chasse, nides zones de migration des « pygmées ». Seuls les critères de rentabilité économiquesont pris en compte dans la détermination des forêts de production, à l’exclusion detoute considération sociale. On remarque ainsi, par exemple, que la plupart des forêts deproduction de l’est-Cameroun recouvrent des forêts primaires, vers lesquelles seréfugient les Bakas fuyant l’exploitation forestière industrielle.

1ère partie

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Ces groupes ethniques ne sont jamaisconsultés lors des principales étapes de lamise en œuvre de l’exploitation forestière:

• la définition des modalités del’exploitation (essences exploitables, «ceinture » de sécurité autour del’exploitation)

• l’attribution des concessions relèveégalement exclusivement del’administration, et la procédure excluttoutes les communautés marginales. On aainsi remarqué que les « pygmées »étaient exclus, par les bantous, des«tenues de palabres » ou des réunionsd’information prévues par la loi, et aucours desquelles l’industriel recueille lesdoléances des communautés riveraines dela zone d’exploitation.

L’exploitation industrielle du bois a uneffet négatif sur les populations«pygmées» : elle ouvre un accès à la forêt,avec toutes les conséquences quel’intrusion d’acteurs nouveaux entraînedans le système socio-écologique. De plus,elle contribue à la destruction de laculture des peuples de la forêt, et altèreles bases de leur vie.

a)- L’exploitation forestière ouvreun accès à la forêtLes pistes forestières ont permis un accèsà la forêt aux braconniers, qui peuventprocéder à des prélèvements massifs degibier, en se servant des pistes pour leurévacuation. Ce faisant, ils contribuent àaugmenter la rareté des ressourcesfauniques, ce qui a un impact direct sur laqualité de vie des « pygmées ».

b)- L’exploitation industriellealtère les bases de la vie des pygméesDe nombreuses essences à forte valeurcommerciale ont également uneimportance culturelle pour lescommunautés pygmées. Il s’agit parexemple du Moabi, du Bubinga, etc. Leprélèvement de ces essences par lesindustriels contribue à l’altération desbases de la vie des « pygmées », etcontribue à la destruction de leurscultures.

3. La foresterie communautaire Depuis la loi forestière du 20 janvier 1994,les communautés villageoises riveraines du

domaine national jouissent du droit d’yobtenir des forêts communautaires. Uneforêt communautaire est une portion deforêt du domaine national, libre de touttitre d’exploitation forestière, et ayantune superficie maximale de 5000 hectares,sur laquelle l’Etat concède une conventionde gestion à une communauté villageoise.L’Etat conserve la propriété du sol, maisconfie pour une durée de 25 ansrenouvelable la gestion des ressourcesforestières à la communauté villageoiseconcernée. La convention passée entrel’Etat et la communauté bénéficiaire estassortie d’un plan simple de gestion auqueldoivent se conformer toutes les activitésmenées dans la forêt communautaire.L’administration jouit d’un pouvoir decontrôle de la gestion de la forêtcommunautaire, et de sanction descommunautés récalcitrantes, pouvant allerjusqu’à l’exécution d’office des travauxcontenus dans le plan de gestion, aux fraisde celles-ci, ou à la résiliation de laconvention de gestion (loi, art. 38(2)). Les produits forestiers de toute naturerésultant de l’exploitation de la forêtcommunautaire appartiennent entièrementà la communauté (loi, art 37(3)et 67(2).L’exploitation peut se faire soit en régie,soit dans le cadre d’un contrat de sous-traitance (loi, art. 54).

Les communautés « pygmées » peuventdifficilement obtenir une forêtcommunautaire, pour les raisons suivantes:

• L’un des préalables à l’obtentiond’une forêt communautaire est lalégalisation d’une institutionreprésentative de la communauté. Lescommunautés « pygmées » ne disposent engénéral pas d’un niveau d’instructionsusceptible de leur permettre de sesatisfaire à cette exigence.

• Le dossier de demande d’une forêtcommunautaire est complexe, et comportede nombreux éléments techniques(cartographie et plan simple de gestion parexemple), qu’il serait difficile d’attendrede communautés « pygmées ».

• La forêt communautaire ne peut êtresollicitée que sur des espaces sur lesquelsla communauté jouit de droits foncierscoutumiers. En général, les pygméesinstallés le long des pistes n’y disposentpas de droits fonciers coutumiers, ceux-ci

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La loi forestière et la marginalisation des populations pygmées

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revenant aux Bantous qui les accueillent.Et dans le domaine forestier permanent,où sont localisés les droits coutumiers «pygmées », la loi n’autorise pasl’obtention des forêts communautaires. Ils’agit donc d’une exclusion de fait des«pygmées » du bénéfice de cetteinnovation.

• La superficie maximale des forêtscommunautaires et des territoirescommunautaires de chasse (5000 ha) estinadaptée au mode de vie des « pygmées»,dont l’itinéraire de collecte estgénéralement supérieur à cette superficie.

4. Les droits d’usage

Selon la loi forestière de 1994, “ le droitd'usage ou coutumier est [...] celuireconnu aux populations riverainesd'exploiter tous les produits forestiers,fauniques et halieutiques à l'exception desespèces protégées, en vue d'une utilisationpersonnelle”. Il est également aisé de constater que lesmodalités d’exercice du droit d’usage sontpréjudiciables aux populations «pygmées».

a.Des droits concentrés dans le domaineforestier non permanent

Bien que la loi du 20 janvier 1994garantisse les droits d'usage despopulations riveraines aussi bien dans ledomaine forestier permanent (art. 26, al.1 et art.30, al 2) que dans celui nonpermanent (art. 36 et 38, al. 2), aucuntexte d’application ne précise lesmodalités et conditions de l’exercice deces droits dans le domaine forestierpermanent. Il existe cependant denombreuses limitations des droits d’usagedes communautés dans certains portionsdu domaine forestier permanent (airesprotégées et forêts de production). Ainsipar exemple, les communautés « pygmées» vivant dans les aires protégées souffrentde restrictions importantes des droitsd’usage en matière de chasse. De plus, ilsne peuvent obtenir ni forêtcommunautaire ni territoirecommunautaire de chasse sur cesespaces.

b. Des droits limités àl’autoconsommation

Dans le cadre de l’exercice des droitsd’usage, les communautés peuventprélever les produits non spéciaux de laforêt, sans avoir besoin d’une autorisation,et à titre gratuit. Ces produits doiventtoutefois être exclusivement destinés àune utilisation personnelle non lucrative. Ilest donc interdit d’en assurer lacommercialisation. Ces dispositionsapparaissent d’autant plus irréalistes quela commercialisation de divers produitsprélevés de la forêt dans le cadre del’exercice des droits d’usage, tels que lebois de chauffage, le gibier, l'Okok(Gnetum africanus), le Njansang(Ricinodendron heudelotii), le miel, lesplantes médicinales, le rotin, le bambou,fait partie des formes les plus courantesd’activités économiques des populationsrurales de la zone forestière. Lescommunautés « pygmées » sont

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La loi forestière et la marginalisation des populations pygmées

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généralement composées de chasseurs-cueilleurs, et la vente des produits de leuractivité constitue généralement leurprincipale source de revenus. Interdire lacommercialisation des produits issus del’exercice des droits d’usage les prive doncde revenus, ou les oblige à fonctionnerdans l’illégalité.

5.Des droits précaires

Selon la loi forestière, les Ministres chargédes forêts, de la faune et de la pêchepeuvent, pour cause d'utilité publique eten concertation avec les populationsconcernées, suspendre temporairement ouà titre définitif l'exercice des droitsd'usage, lorsque la nécessité s'impose (art8 al. 2). Malgré la concertation prévueavec les populations concernées, lesmembres du gouvernement cités par la loisont en réalité les seuls juges de lanécessité de suspendre les droits d'usage.Du fait de leur vulnérabilité, lescommunautés « pygmées » seront lesprincipales victimes de mesures de cettenature. On a ainsi constaté, avec lacréation du Parc National de Campo, unerestriction sévère et subite des droitsd’usage des communautés « pygmées »dans la région, qui s’est traduite par unedégradation sensible de leurs conditions devie.

6. Conclusions et recommandations

Les communautés « pygmées »constituent une part importante etintégrale du patrimoine culturel et humaindu Bassin du Congo.

- Au Cameroun, les droits coutumiers «pygmées » ont été sacrifiés au nom dumodernisme, par l’imposition de la “loimoderne” sur la “loi coutumière”. La

fragilité de l’existence des communautés «pygmées », associée à leur grandedépendance à l’écosystème des forêts,aurait dû justifier une attentionparticulière de la loi en leur faveur.

- Les pratiques actuelles en matière degestion des forêts pourraient se traduire, àterme, par la destruction de ces peuplesséculaires. Des mesures urgentes etvigoureuses devraient être prises, afin des’assurer que les politiques d’exploitationforestière et de conservation ne sont paspréjudiciables aux peuples « pygmées »du Bassin du Congo :Il faut une reconnaissance dans le plan dezonage des forêts du Cameroun, des droitsfonciers coutumiers aux « pygmées », ycompris dans les concessions et les airesprotégées. Dans les aires protégées, lescommunautés « pygmées » devraient êtreassociées aux opérations d’application dela loi et aux autres actions de surveillance,en collaboration avec l’administration.

- L’exploitation forestière portant sur desessences ayant une forte valeur culturelle,thérapeutique ou alimentaire pour lespeuples de la forêt doit être interdite.Le gouvernement doit prendre des mesuresplus sévères contre les exploitantsillégaux.

- Les règles en matière de foresteriecommunautaire doivent être adaptées aucontexte particulier des communautés“pygmées”.

- La définition des droits d’usagecompatibles aux modes de production des« pygmées » doit être adoptée, afin deleur permettre de gagner légalement leurvie à partir de la vente des produitstraditionnellement collectés en forêt.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE10

La loi forestière et la marginalisation des populations pygmées

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1. Introduction

Les communautés dites “pygmées” sont les plus anciennes de la forêt. Elles dépendentde la forêt pour leur subsistance. Les pratiques actuelles de gestion des forêts ignorentleurs droits, mais privilégient l’exploitation forestière industrielle et la conservation àtravers le système des aires protégées. Ces activités d’exploitation et de conservationhypothèquent les intérêts des communautés « pygmées », et limitent considérablementleur accès à la terre. Ainsi, l’accès à la terre et aux autres ressources reste des pluslimités pour les « pygmées ». Dans l’intérêt d’une gestion transparente et durable dupoint de vue social, les différentes administrations forestières du Bassin du Congodevraient accorder une attention plus grande aux droits et intérêts des populationsforestières. La question de la sécurité foncière des « pygmées » est, de ce point de vue,une question cruciale.

2. Les Baka de Lomié, Cameroun

Il y a longtemps, les pygmées de la région de Lomié vivaient en pleine forêt équatoriale.Selon l’Histoire, ils seraient les premiers habitants des forêts d’Afrique centrale. AuCameroun et plus particulièrement à Lomié, ils sont connus sous l’appellation de Baka.Quelques années après son indépendance, le jeune Etat du Cameroun a adopté unepolitique d’intégration nationale dont l’une des mesures fut l’incitation des Baka às’installer aux abords des routes afin qu’ils puissent se sédentariser et se moderniser.Pour cette raison, il leur fut demandé, à travers la politique d’intégration nationale, dequitter leur milieu de vie principal, la forêt, qui, aujourd’hui, appartient au domaine del’Etat.Actuellement, cette situation cause un grave préjudice aux populations Baka dans leursrelations quotidiennes avec les Bantou (dans la localité de Lomié, les Nzimé) qui disentne reconnaître aux Baka qu’un simple droit d’asile sur leurs terres. Le fait que lesvillages Baka soient souvent considérés comme des campements, installations précaireset provisoires, constitue un mobile de plus pour les Bantou.L’avènement de la loi forestière de 1994, qui accorde quelques avantages (redevancesforestières, forêts communautaires) aux communautés riveraines des forêts, a renforcé laposition des Bantou sur le refus de reconnaître les droits des Baka sur les parcelles qu’ilsoccupent depuis plusieurs années. Il faut signaler que cela vient du fait surtout que la loin’a pas donné une définition claire à la notion de communauté. S’agit-il d’une famille ?d’un quartier du village ou du village lui-même ?Alors les termes « campement », « communauté » continuent à mettre à l’écart lesBaka dans la jouissance de leurs droits à la terre.

3. Ce que disent les textes

La section suivante présente les principaux textes juridiques en relation avec la situationdes « pygmées ».

a) La Constitution du Cameroun : loi N° 96/02 du 18 janvier 1996 portantrévision de la constitution

La constitution du Cameroun de 1996 dispose, dans son préambule : « L’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi »

Chapitre 2

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

CENTRE INTERNATIONAL D’APPUI AU DÉVELOPPEMENT DURABLE (CIAD)EELLIIAASS DDJJOOHH

Accès à la propriété foncière au Cameroun : opportunitéslégales et contraintes chez les pygmées Baka

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1ère partie

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Ceci constitue un pas important dans lavolonté de renforcer les grands principesdes droits et libertés de l’Homme. D’unemanière générale, ces principes roulent enfaveur des tous les citoyens y compris lesBaka. Il en est ainsi de la consécration del’égalité de tous les Hommes en droits eten devoirs et de la reconnaissance de leurbesoin de protection par l’Etat. Le textedit que l’Etat assure désormais laprotection des minorités et des peuplesautochtones, ce qui laisse croire que lesintérêts des Baka seront sauvegardés.Le préambule reconnaît aussi à toutHomme le droit de se fixer en tout lieu etde se déplacer librement pourvu que celane porte préjudice aux prescriptionslégales relatives à l’ordre, à la sécurité età la tranquillité publics.

La Constitution du Cameroun offre unexemple de « pluralisme ». Mais c’estsans compter avec les autres loisspécifiques.

b) La loi foncière au Cameroun :Ordonnance N°74-1 du 6 juillet1974 fixant régime foncier

Depuis 1974, la propriété foncière estrégie au Cameroun par le droit moderne etest conditionnée par l’obtention d’un titrefoncier. Mais deux points vont nous intéresser ici,à savoir :1. Dans quel domaine peut-on obtenir untitre foncier ?2. Qui peut l’obtenir ?

Selon la loi, les individus, les personnesmorales privées ne peuvent obtenir untitre foncier que sur certains terrainsfaisant partie du domaine national.Sur les terrains qui n’ont jamais été titrés,un titre foncier ne peut être délivré qu’àcertaines conditions :Que le terrain soit occupé avant le 5 août1974 ;S’il ne l’a pas été avant cette date, qu’ilsoit attribué par l’Etat par voie deconcession.Cette loi ne procure pas un grand avantageaux Baka qui ne peuvent remplir lapremière possibilité. Les terrains mis envaleur par les Baka avant cette date seretrouvant pour la grande partie dans le

domaine privé de l’Etat, lui donnant droità l’établissement d’un titre foncier en sonnom.En ce qui concerne la deuxième possibilité,la procédure est trop longue et assezcomplexe pour l’attribution d’uneconcession définitive, ce qui n’est paspossible pour toutes les communautésBaka.

A la question de savoir qui peut obtenir letitre foncier au Cameroun, la loi répondainsi qu’il suit : un village, une personneoriginaire du village, un autochtone duvillage ou toute autre personne denationalité camerounaise qui a mis envaleur le terrain avant le 5 août 1974.Cette réponse est tout aussi défavorableaux Baka, parce que leurs villages sontconsidérés, comme on l’a dit plus haut,comme des campements. En plus, il estassez difficile pour eux de prouver que leterrain a été mis en valeur car leursprincipales activités (chasse, pêche,cueillette etc.) ne laissent généralementpas de traces directes sur la Nature.L’autre difficulté pour les Baka réside dansle fait qu’ils n’ont pas, en majorité, depièces d’identification (actes de naissance,certificat de nationalité, carte d’identiténationale…), ce qui les exclut égalementdu processus électoral.En somme, le système foncier, tel quedécrit dans la loi de 1974, n’offre aucunavantages aux Baka, particulièrement enmatière d’acquisition des terres.

c) Création des chefferiestraditionnelles (Décret No. 77/245 of 15juillet 1977)

La chefferie traditionnelle est uneinstitution reconnue par la loi comme uneforme d’administration traditionnelle.Celle-ci permet de manière directe ouindirecte aux habitants d’un village dejouir de certains droits coutumiers surleurs terres. A cet effet, la loi dispose quela chefferie est créée sur la baseterritoriale. Il peut s’agir d’un quartier oud’un village en milieu rural.Dans le cas spécifique des chefferies detroisième degré, plus convenables auxcampements Baka, on peut toutsimplement regretter le fait que lesterritoires occupés par les Baka continuent

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Accès à la propriété foncière au Cameroun : opportunités légales etcontraintes chez les pygmées Baka

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à être considérés comme des campementset non comme des quartiers, encore moinsdes villages comme la loi l’énonce.

d) Protection du droit de propriétéfoncière

L’organisation judiciaire au Camerounconnaît un certain dualisme : d’une part,on retrouve les juridictions de droitmoderne qui appliquent le droit écrit (loiN° 99/157 du 28 juillet 1999) et d’autrepart, les juridictions qui appliquent lescoutumes (décret N°69/DF/544 du 19décembre 1999).Etant donné que le droit écrit est au-dessus du droit coutumier et plus fortencore en matière foncière, nous pouvonsconclure que la protection du droit depropriété foncière des Baka reste encorefragile.

4. Difficultés rencontrées par les Bakapour l’obtention d’une forêtcommunautaire. Cas spécifique de Payo

Payo est un petit village « pygmée » créédepuis 1970 par des sœurs catholiques.C’est le feu chef supérieur bantou nomméMabia qui leur avait donné cet espace versles années 70-72. Il est situé à une dizainede kilomètres de la ville de Lomié. Du faitqu’il se trouve sur l’axe routier reliantl’arrondissement de Lomié audistrict de Messok, il est de plusen plus fréquenté par les étrangerset par d’autres « pygmées ». Lapopulation, constituée d’environ200 personnes, presqueexclusivement Baka, s’accroît sivite que Payo est actuellement l’undes villages « pygmées » les pluspeuplés de la province de l’Est.Leurs décisions de la communautésont presque toujours prises aprèsconcertation, et en dernier ressortpar les femmes dont l’opinioncompte beaucoup. Les populationssont réparties entre quatregrandes familles (clans)communément appelées « yé »qui composent le village.L’organisation traditionnelleprésente, au sommet, un chef quireprésente toute la communauté. Ilest entouré par les notables qui

sont les chefs de clans et qui représententchacun sa famille « yé ».

Les activités quotidiennes sont la chasse, lacueillette, et depuis peu des activitésagricoles (cultures des plantes vivrièresprincipalement). Confrontés aux difficultésfinancières, ils sont souvent obligés detravailler chez des bantou pour satisfaireleurs besoins. Payo ne possède qu’un puits,qui a été construit par la communauté ruralede Lomié et n’a ni école primaire ni centrede santé.Comme presque toutes les autrescommunautés « pygmées », les habitantsde Payo sont confrontés à des difficultésfoncières. Du fait qu’il est situé entre deuxquartiers d’un village bantou, le villageDoumzoh, il est derechef annexé par le chefbantou qui considère Payo non pas commeun village autonome mais comme sapropriété. Plusieurs plantions et mêmecertaines habitations des pygmées seretrouvent dans le domaine privé du chefbantou.La terre est distribuée sans le moindreaccord des pygmées. Cette situationfavorise l’exploitation frauduleuse de laforêt de Payo par de petits exploitantsqui sont de connivence avec le chefbantou. Cette situation rend difficilel’engagement des Baka dans leprocessus de création de leur propre

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Accès à la propriété foncière au Cameroun : opportunités légales etcontraintes chez les pygmées Baka

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forêt communautaire. Les Bantou voisinsles considérant comme une minorité, lesjugent incapables de gérer une forêtcommunautaire et s’opposent à leursefforts d’autonomie1.

5.Recommandations

La notion de communauté ou village doitêtre juridiquement définie ;Les forêts communautaires pour les Bakadoivent être considérées comme desconcessions qui devront faire l’objet d’uneattribution de titre foncier au nom de lacommunauté ;

Les conditions de création des chefferiestraditionnelles doivent être clairementdéfinies (nombre d’habitants, superficie,etc.) par l’administration ;Des dispositions spéciales doivent êtreadoptées en faveur des Baka, notammentpour l’obtention d’un titre foncier sur uneparcelle de terrain du domaine nationalnon occupée ou non exploitée avant le 5août 1974 ;La Loi forestière doit prévoir les mesuresd’accompagnement additionnellesspéciales en faveur des Baka, de mêmeque des redevances forestières.

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Accès à la propriété foncière au Cameroun : opportunités légales etcontraintes chez les pygmées Baka

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1. Préface

Le Bassin du Congo est le deuxième plus grand massif forestier au monde aprèsl’Amazonie. Cette immense forêt, qui couvre plusieurs pays d’Afrique centrale, regorged’énormes ressources naturelles. Malgré les potentialités qu’offrent pour cette région larichesse et la diversité de la faune, de la flore ; l’exploitation des ressources du sous-solet l’exploitation du bois… les populations des pays concernés sont toujours très pauvres,surtout les populations autochtones pygmées.Où réside le problème ? Dans la gouvernance de ces forêts et la gestion des ressourcesdont elles regorgent. Les lois régissant le secteur forestier, en vigueur dans ces pays, nefavorisent pas la participation des populations locales à la gestion des ressourcesforestières et par voie de conséquence, ne prévoient pas une répartition équitable desrevenus issus de celles-ci. Dès lors, les populations locales, au premier rang desquellesles autochtones pygmées, ne peuvent se prendre en charge pour lutter contre lapauvreté. C’est le cas des pygmées de l’Est de la République démocratique du Congo.

Dans ce pays, le principe directeur de la loi foncière est que tout le sol et le sous-solappartiennent à l’Etat. L’autorité coutumière sur les terres n’est donc pas reconnue parla loi. Elle existe seulement de fait, simplement ‘tolérée’. En vertu des dispositions decette loi, l’Etat congolais n’est pas comptable auprès des communautés autochtones etlocales sur la façon dont il entend gérer les terres. Il a exproprié des communautésentières de leurs terres sans consultation ni indemnisation préalable et équitable, auprofit de projets de création des aires protégées, de l’exploitation du bois, despâturages, des plantations… en faveur de personnes ou entreprises privées ou de l’Etat. Le processus AFLEG, à cet égard, vient à point nommé : l’on souhaite qu’il viennecorriger les erreurs en matière de gouvernance forestière en favorisant l’émergence enAfrique centrale de législations tenant compte des intérêts des communautésautochtones et locales.

2. Introduction

Les pygmées sont unanimement reconnus comme étant les premiers occupants del’Afrique centrale forestière, y compris en République démocratique du Congo.Paradoxalement, ces premiers citoyens de la Rdc sont aussi les « sans terres » du pays.Leur espace vital, la forêt, a été envahi au fil des siècles par des agriculteurs, deséleveurs et des exploitants forestiers toujours plus nombreux et toujours moinsrespectueux des droits des autochtones pygmées. Malheureusement, très peu d’attentiona été consacré à leur droit à la terre, et ils n’ont bénéficié ni de la considération ni de laprotection qu’ils étaient en droit d’attendre de l’Etat congolais. Au contraire, ce derniera même contribué à aggraver l’incertitude et l’instabilité de leur situation foncière et,par voie de conséquence, la précarité de leur condition.

En effet, soit les dispositions légales successives en matière foncière ont toujours étédommageables envers les autochtones pygmées nomades et chasseurs-cueilleurs ; soit lesdispositions à même de protéger leurs droits n’ont jamais été appliquées. Tel est le casdes pygmées spoliés et expulsés irrégulièrement de leur forêt lors de la création du Parcnational de Kahuzi-Biega (PNKB), dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la Rdc.Pour n’avoir reçu aucune indemnisation lors de leur expulsion brutale du PNKB, etn’ayant plus accès à la forêt où ils vivaient, ces pygmées Batwa (ou Bambuti), déracinés,

Chapitre 3

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

RÉSEAU DES ASSOCIATIONS AUTOCHTONES PYGMÉES (RAPY)AADDOOLLPPHHIINNEE MMUULLEEYY,, AADDRRIIEENN SSIINNAAFFAASSII && PPAACCIIFFIIQQUUEE MM

Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre :cas des pygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

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1ère partie

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survivent dans des conditions infra-humaines. Ils croupissent dans une misèreinnommable, aggravée par ladiscrimination, le rejet et lamarginalisation dont ils sont l’objet de lapart des autres groupes. Dans les villagesbantous où ils se sont réfugiés lors de leurexpulsion musclée, ils n’ont pas accès à laterre qui, du reste, est déjà rare du faitde l’accroissement démographique descommunautés d’accueil.

La présente étude évoque laproblématique de l’accès des pygméesautochtones à la terre, en traitant du casspécifique des pygmées spoliés et expulséspar l’Institut congolais pour laconservation de la nature (Iccn) et lesautorités du Parc National de Kahuzi-Biega,victimes d’une mauvaise gouvernanceforestière. Nous évoquerons, dans unpremier temps, la situation des pygméesavant et après la création du PNKB, ainsique les conséquences sociales,économiques et culturelles découlant de lacréation et de l’extension du Parc.En second lieu, nous soulignerons lesmérites souvent méconnus des méthodestraditionnelles pygmées d’exploitation dela forêt, méthodes écologiques etrespectueuses de la nature.Ensuite, nous parlerons du régimejuridique foncier en Républiquedémocratique du Congo en ce qui concernenotamment les terres rurales occupées parles « communautés locales » (au nombredesquelles les pygmées), tout en relevantles dispositions pouvant constituer uneprotection juridique pour les droits des«communautés locales » (y compris lespygmées).Nous terminerons par une série derecommandations adressées aux différentsacteurs et reflétant ou exprimant lesouhait profond des communautésautochtones pygmées concernées par leproblème de l’accès à la terre autour duPNKB.

3. Situation des pygmées après lacréation du Parc

Dans le souci de protéger les grandsmammifères, en particulier les gorilles del’est de la République démocratique duCongo, l’autorité coloniale créa, en 1937,

sur une surface de 75 000 ha dans la régionde monts Kahuzi et Biega, la Réserveintégrale zoologique et forestière deKahuzi-Biega. Le statut de réserveintégrale donnait une protection absolue àla région, interdisant ainsi touteexploitation des ressources à l’exceptiondes recherches scientifiques. La réservefut érigée en parc national le 30 novembre1970, par l’Ordonnance n° 70/316 duprésident de la République. En mêmetemps, certaines limites étaient révisées,réduisant ainsi le parc à une superficie de60.000 ha. Ce changement de limites aentraîné certaines confusions persistantesjusqu’aujourd’hui, surtout dans le secteursud de l’ancienne partie du Parc.

Il est situé à l’est du Congo et se trouveentre 27°33’ et 28°40’ de longitude est,entre 1°36’ et 2°37’ de latitude sud. On ytrouve plusieurs espèces d’animaux,notamment 13 espèces de primates, 9espèces d’antilopes, plus de 400 espècesd’oiseaux et plusieurs milliers d’espècesde plantes (rapport ICCN de 1999). Lepeuple pygmée vivant jadis sur cet espacecohabitait avec la plupart de ces animauxet en dépit des croyances populaires, sepréoccupait beaucoup de leur protection.Témoin de cette cohabitation avec lafaune sauvage, la situation florissante dela flore et de la faune dans cette forêt lorsde la création du Parc en 1970, après dessiècles d’occupation et d’exploitation deladite forêt par les pygmées.Ainsi, dès cette époque de création duPNKB, le processus d’évacuation despopulations, qui s’étaient retrouvées àl’intérieur des limites définies parl’ordonnance de création, avait débuté.L’expulsion des ces autochtones survenueen 1970, bien que brutale, s’était faitesans résistance des pygmées quicraignaient des mesures coercitives.Toutefois, il convient de signaler qu’ils sesont ainsi exécutés contre leur gré sanspercevoir aucune indemnité ni unequelconque assistance leur permettant des’installer ailleurs. Abandonnés à leurpropre sort ils étaient obligés de devenirvassaux ou esclaves dans les territoiresd’accueil. Par conséquent, la plupartd’entre eux s’étaient installés dans lesvillages bantous situés à la lisière du Parcoù ils constituent une minorité. D’autres se

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Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre : cas despygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

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sont installés sur l’axe Bunyakiri-Kalongedans le territoire de Kalehe et Kabare.Enfin, d’autres parmi eux restèrent dansles parages du PNKB dans l’espoir derentrer un jour sur leurs collines.

4. L’extension du PNKB en 1975 :impact sur les pygmées

En 1950, la superficie du parc fut portée à60.000 hectares. Mais par l’ordonnance n°75/238 du 22 juillet 1975, le Parc nationalfut établi, sur une superficie de près de600 000 hectares, reliant les populationsde gorilles des forêts de montagnes et deplaines.

a. Sur le plan culturelDans la conception pygmée, la terre n’estpas uniquement un bien fonctionnel,pouvant fournir à son propriétaire desavantages économiques. La terre estsacrée, parce qu’elle est la nourricière desvivants, la demeure de ceux qui vivent etle domicile des ancêtres morts aveclesquels elle se confond. Il est essentiel deconnaître et de comprendre le lienparticulier, profondément spirituel, que lespeuples ont avec la terre, élémentfondamental de leur existence et substratde toutes leurs croyances, coutumes,traditions. Pour les pygmées, la terre n’estpas simplement un objet de possession etde production. La relation intégrale de lavie spirituelle des pygmées avec la terremère, avec leurs terres, a beaucoupd’incidences. De plus, la terre n’est pasune marchandise que l’on peuts’approprier, mais un élément naturel,dont chacun doit pouvoir jouir librement.Ils n’ont cessé de mettre en exergue leurrelation à leurs terres. Ils l’ont fait dans lesouci immédiat d’amener les non pygméeset les gouvernants à prendre conscience del’importance spirituelle, sociale, culturelle,économique et politique que leurs terresrevêtent pour la survie des sociétéspygmées et leur vitalité. Ils ont expliquéque la compréhension des liens intimesqu’ils entretiennent avec leurs terres passepar la mise au point d’un nouveau cadreconceptuel et la reconnaissance desdifférences culturelles qui existent.Obligés de quitter inconditionnellement laforêt, les pygmées ont vu dans cet actenon seulement une spoliation des terres

mais une aliénation forcée de leursvaleurs. Ainsi, ils ont éprouvé desdifficultés énormes à conserver leurculture et surtout exercer leurs rituels dansles territoires d’accueil. Une crised’identité a commencé, les pygmées nesachant pas comment s’adapter à laculture du milieu tout en préservant laleur. Ne comprenant pas facilement lesrituels pygmées, les membres des autresgroupes en ont profité pour créer unediscrimination ethnique visible sur leterrain jusqu’aujourd’hui. Résultat, lespygmées sont obligés d’abandonner petit àpetit leur propre culture.

b. Sur le plan socio-économique

A. L’après expulsion : unesituation catastrophique

En plus d’avoir perturbé leur culture, laspoliation et l’expulsion brutale (sansindemnisation) des pygmées de leur espacevital ont complètement bouleversé leursituation socio-économique. Aprèsl’expropriation, Ils ont dû oublier chasse etcueillette, et le nomadisme y afférent,pour s’adapter à un nouveau mode de vie.On estime à environ 980 (soit plus de 6.000personnes) le nombre de familles pygméesexpulsées jusqu’à 1975 dans la seule partieest du Parc, qui est la région de forêts enaltitude. N’ayant plus de forêt pourchasser, cueillir et ramasser, les pygméesspoliés et expulsés du PNKB ont été forcésde se sédentariser et se transformer enagriculteurs pour survivre. Qui ditagriculteur dit « terres à cultiver », or cespygmées chassés sans indemnisation n’ontpas de terres, ni accès aux terres déjàsurpeuplées sur lesquelles ils se sontréfugiés. Sans accès à la forêt, ni à la terrecultivable, on comprend aisément que cespygmées riverains du PNKB sont voués àune vie misérable d’errance et demendicité.

En conséquence :- Les pygmées sans terres ont le sentimentd’avoir perdu le statut d’hommes à partentière, en ce qu’ils n’ont plus rien àdonner à leurs voisins comme jadis, dansles échanges et le troc. Ils doivent vivreseulement aux dépens de leurs voisins,

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Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre : cas despygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

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comme des parasites.- Ils sont plus discriminés que jamais etexploités par leurs voisins qui lesconsidèrent comme une main d’œuvre bonmarché destinée à des tâches avilissantes.- Leurs enfants ne peuvent pas étudiercomme les autres, faute de moyens. Lajeunesse pygmée et partant l’avenir despygmées sont ainsi compromis.- Les pygmées spoliés riverains du PNKB nesont pas en mesure de se faire soignerlorsqu’ils tombent malades (ce qui estfréquent), car non seulement ils n’ont pasd’argent pour accéder aux soins primaires,mais ils n’ont plus accès à la plupart desplantes médicinales intervenant dans leurmédecine traditionnelle qui maintenantdécline, d’où un taux de mortalité plusélevé chez eux que chez les autres groupesethniques.- Ils sont mal vêtus et ils ont des difficultésà maintenir un bon niveau de propreté etd’hygiène, faute de produits nécessaires(savons, lotion, etc.).- Ils mangent médiocrement, quand ilstrouvent à manger. Beaucoup d’enfantspygmées (et même des adultes) souffrentactuellement de malnutrition, phénomènejadis quasi introuvable chez ce peuple.- Ils sont logés dans des conditionsmisérables.

Economiquement, le préjudice a étéénorme : les pygmées ont perdu leursterres, considérées comme premièrerichesse dans la conception africaine, etcontinuent à en subir les conséquences carles villages d’accueil ne reconnaissentaucun droit sur les terres octroyées enlocation à ceux qui ont la chance d’enavoir. A tout moment on assiste à desexpulsions inconditionnelles et nonmotivées. En plus, le peuple pygmée estdevenu plus pauvre car il vivait des petitesressources provenant des produits de lachasse, cueillette et des objets d’art. Orles pygmées n’ont plus la possibilitéd’accéder à des matières provenantuniquement de la forêt devenue Parcnational de Kahuzi-Biega.Il ressort de ceci que le peuple pygmée setrouvant d’un coup dans un milieu auclimat tout à fait différent, où l’exercicede ses activités principales (chasse,cueillette) est pratiquement impossible,dans un milieu où il n’y a pas ses plantes

médicamenteuses habituelles, est exposé àun gros risque qui a entraîné de grandespertes en vies humaines. Le risque de ladisparition du peuple pygmée resteénorme.

B. L’expropriation des pygmées

L’expropriation intervenue suite à lacréation et à l’extension du PNKB s’estfaite visiblement en violation flagrantedes règles juridiques en la matière. Enl’espèce, l’expropriation intervenue suite àl’extension du Parc en 1975 mérite uneattention particulière. La phaseadministrative de la procédured’expropriation exige que l’autoritépublique procède à des enquêtes et entreen contact avec les concernés parl’expropriation envisagée. Dans le cas sousexamen, les pygmées habitant lesterritoires frappés par cette extension duParc n’avaient non seulement pas étécontactés oralement comme l’exige la loi,mais en plus aucune enquête préalablen’avait été effectuée. En somme, touts’était passé à leur insu et ils n’ontbénéficié d’aucune indemnité ; pourtantla loi insiste beaucoup sur ce point.L’indemnité, dit l’article 21 de l’ActeConstitutionnel de la Transition, doit êtrejuste et équitable, c’est-à-dire à même decouvrir tous les préjudices subis en casd’expropriation. Et dans le cas d’espèce,pour le peuple autochtone pygmée, denature nomade, vivant de chasse et decueillette qui nécessitent une vasteétendue de terre, de forêt,l’indemnisation juste et équitableconsisterait à lui octroyer une autre forêtou un espace capable de répondre à leursbesoins fondamentaux, et surtout luipermettant de conserver ses valeurstraditionnelles et culturelles basées sur laforêt. Il découle de ce qui précède que lenon-respect des instruments juridiquesgarantissant les droits des pygmées sur lesterres frappées par les mesuresd’expropriation leur a causé des préjudicesénormes aux plans démographique,culturel, social, économique…L’impératif de maintenir les communautéslocales sur les terres qu’elles occupent,compte tenu des liens sacrés qui lesunissent à cette terre, est clair. Dans la

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Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre : cas despygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

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mesure où le déplacement s’impose(expropriation pour cause d’utilitépublique), leur octroyer une indemnité, depréférence en nature, fait déjà l’objetd’une préoccupation au niveau de lacommunauté internationale. Cela estreconnu dans les article 15 et 16 de laConvention 169 de l’OIT concernant lespeuples indigènes et tribaux, adoptée en1989. La convention dit que :

Article 15 Les droits des peuples intéressés

sur les ressources naturelles dont sontdotées leurs terres doivent êtrespécialement sauvegardés. Ces droitscomprennent celui, pour ces peuples, departiciper à l’utilisation, à la gestion et àla conservation de ces ressources.

Article 16Sous réserve des paragraphes

suivants du présent article, les peuplesintéressés ne doivent pas être déplacés desterres qu’ils occupent.

1- Lorsque le déplacement et laréinstallation desdits peuples sont jugésnécessaires à titre exceptionnel, ils nedoivent avoir lieu qu’avec leurconsentement, donné librement et entoute connaissance de cause. Lorsque ceconsentement ne peut être obtenu, ils nedoivent avoir lieu qu’à l’issue deprocédures appropriées établies par lalégislation nationale et comprenant, s’il ya lieu, des enquêtes publiques où lespeuples intéressés ont la possibilité d’êtrereprésentés de façon efficace.

2- Chaque fois que possible, cespeuples doivent avoir le droit de retournersur leurs terres traditionnelles, dès que lesraisons qui ont motivé leur déplacement etleur réinstallation cessent d’exister.

3- Dans le cas où un tel retourn’est pas possible, ainsi que déterminé parun accord, ou en l’absence d’un telaccord, au moyen de procéduresappropriées, ces peuples doivent recevoir,dans toute la mesure possible, des terresde qualité et de statut juridique au moinségaux à ceux des terres qu’ils occupaientantérieurement et leur permettant desubvenir à leurs besoins du moment etd’assurer leur développement futur.Lorsque les peuples intéressés exprimentune préférence pour une indemnisation en

espèces ou en nature, ils doivent être ainsiindemnisés, sous réserve des garantiesappropriées.

4- Les personnes ainsi déplacées etréinstallées doivent être entièrementindemnisées de toute perte ou de toutdommage subis par elles de ce fait.

5.Conclusion et Recommandations

La loi foncière et l’autorité forestière de laRDC est faible et défectueuse en matièrede protection des droits des communautéslocales et autochtones. Les pygmées ont ledroit de préserver et de consolider larelation spéciale, spirituelle et matériellequi les lie à leurs terres, les territoires etles autres ressources qu’ils ont, utilisés ouexploité traditionnellement. Ils sont enmesure de s’assurer que ces ressources etla terre sont préservés pour les générationsfutures. Pour parvenir à la gestion durablede l’environnement et des forêts, il estnécessaire d’associer les peuplesautochtones pour qui les forêts constituentl’habitat naturel.Les auteurs croient que:- Etant donné le statut de premiersoccupants de la Rdc reconnu aux pygmées;- Considérant que la spoliation et

l’expulsion des pygmées du PNKB n’ontpas été dignes, encore moins équitables(comme le reconnaissent d’ailleurs lesresponsables de l’Iccn/PNKB) ;

- Notant qu’à l’égard des pygméesvictimes, les dispositions légales lesprotégeant n’ont pas été appliquées ence que la procédure légaled’expropriation n’a pas été suivie ;

Sachant que le cas du PNKB n’est pas leseul cas d’expropriation irrégulière despygmées en Afrique centrale ;- Dans le souci de voir réhabiliter

moralement, matériellement etpsychologiquement ces pygmées victimesd’expulsion irrégulière ;

Au nom des pygmées d’Afrique centrale ;- Recommandent ce qui suit :

a. A l’Etat congolais et aux autres Etatsd’Afrique centraleQue l’Etat congolais indemnise de façonjuste et équitable les pygmées expulsés du PNKB en leur octroyant d’autres terres.Que le gouvernement du Congo

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 19

Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre : cas despygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

Page 20: Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale · La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la

Démocratique prenne en charge, en guisede dédommagement, des pygmées pour lespréjudices subis suite à leur spoliation etleur déracinement, en vue de leur garantirun développement adéquat.Que la RDC et les autres Etats d’Afriquecentrale impliquent et intègrent lespeuples pygmées dans les processus decréation et dans la gestion des parcsnationaux et autres réserves naturelles etforestières.Que l’Etat congolais et les autres Etatsd’Afrique centrale tiennent compte desaspirations et des intérêts des populationsautochtones pygmées dans toute révisionet élaboration des lois nationales(forestières et foncières) et garantissentl’application de ces lois en faveur despopulations pygmées.Que l’Etat congolais et les autres Etatsd’Afrique centrale ratifient les instrumentsjuridiques internationaux relatifs auxdroits des populations autochtones, quisont toujours victimes de l’ambiguïté etde l’imprécision des lois ; suggèrent quedans le cas de l’expropriation des terrespour l’usage public, l’Etat devrait, outredes compensations justes et équitables,prendre en considération la relationspéciale qui lie les pygmées à leur terreainsi que la nécessiter de préserver leurculture, en plus des bénéficeséconomiques qu’ils en tirent.

b. Aux Ong et InstitutionsinternationalesQu’elles soutiennent l’action desassociations autochtones pygmées enAfrique centrale pour la défense des droitsdes ces derniers en vue de leurréhabilitation, de leur auto promotion etde leur intégration harmonieuse.Qu’elles encouragent les Etats d’Afriquecentrale concernés à ratifier lesinstruments juridiques internationaux et àen appliquer les dispositions protégeantles droits des autochtones pygmées touten respectant celles contenues déjà dansles législations nationales des Etats.

c. Aux organisations autochtones- Qu’elles sensibilisent et éduquent

davantage les autochtones pygmées sur leslois foncières et forestières en vigueurdans leurs pays respectifs ;Qu’elles travaillent en synergie au niveau

de toute l’Afrique centrale pour être plusfortes et efficaces.

d. Recommandations pour AFLEGDu fait que la plupart des forêts du Bassindu Congo sont habitées, et plusieurscommunautés dépendent des ressourcesforestières pour leur subsistance, laproblématique de l’exploitation de cesforêts doit prendre en considération lesdroits de ces habitants. AFLEG doit doncs’assurer que la “légalité” de lagouvernance forestière reflète aussi lesstandards internationaux et nationaux desdroits de l’Homme et des peuples.

Particulièrement, AFLEG doit demander àtous les gouvernements africains deratifier les instruments légauxinternationaux relatifs aux droits despeuples autochtones, y compris laConvention 169 de l’OrganisationInternationale du Travail.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE20

Gouvernance forestière et accès des pygmées à la terre : cas despygmées expulsés du parc national de Kahuzi-Biega

Page 21: Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale · La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la

1. Introduction

Dans le cadre du développement des infrastructures routières des régions septentrionalesdu pays, le gouvernement de la République du Congo a signé une convention departenariat avec un groupement d’exploitants forestiers opérant dans cette zone. Si lepartenariat est le fait de s’associer pour mener à bien une entreprise d’intérêtscommuns, le cas spécifique de la convention de partenariat entre le gouvernement duCongo et les sociétés forestières signataires suscite des interrogations. La (bonne)gouvernance étant la « gestion rigoureuse de l’Etat », une ignorance volontaire destextes nationaux par ceux-là même qui ont la responsabilité de leur mise en applicationrelève de la mauvaise gouvernance. Cette convention de partenariat était signée le 8 septembre 2001 par cinq (5) ministreset neuf (9) exploitants forestiers qui sont :Pour le Gouvernement (mandat 2001) :

- Le ministre de l’Economie, des finances et du budget - Le ministre de l’Aménagement du territoire et du développement régional- Le ministre de l’Equipement, des travaux publics, de la construction, de

l’urbanisme et de l’habitat chargé de la Réforme foncière- Le ministre de l’Intérieur, de la sécurité et de l’administration du territoire- Le ministre de l’Economie forestière chargé de la pêche et des ressources

halieutiques.

Pour les sociétés forestières- Congolaise industrielle des bois (CIB)- Industrie forestière de Oueso (IFO) - Société arabe libyenne (Socalib)- Industrielle de transformation des bois de la Likouala (ITBL)- Mokabi SA- Thanry – Congo- Cristal- Likouala timber- Bois et placages de Lopola (BPL)

La présente étude de cas s’intéresse particulièrement à ladite convention de partenariatdans son manque d’harmonie avec les textes nationaux en vigueur, et aux retombéesrelatives à sa mise en œuvre.

2. Analyse des textes juridiques

Dispositions de la convention de partenariat

a) De l’esprit originel de la convention

La convention de partenariat signée entre le gouvernement du Congo et les exploitantsforestiers opérant dans la zone Nord de ce pays est, à l’origine, une démarche duprésident de la République du Congo à vouloir associer plus qu’avant les opérateurséconomiques au développement de cette partie du pays.

Chapitre 4

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

COMITÉ DE LIAISON DES ONG DU CONGO (CLONG)CCYYRRIIAAQQUUEE YYAABBOOUUNNAA

Partenariat et quelle gouvernance :le gouvernement, les compagnies forestières, et laconstruction des routes en République du Congo

21

2e partie

Page 22: Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale · La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la

Pour la concrétisation de cette ambition,la convention de partenariat a étéimaginée comme cadre juridique devantdéfinir les niveaux de contributions desparties prenantes à la mise en œuvre descertains projets routiers sélectionnés.

b) De la lettre pratique de laconvention

Dans le texte de la convention departenariat, il apparaît plusieursdistorsions, d’une part internes à laconvention, et d’autre part, entre laconvention et la réglementation forestièreen vigueur au Congo (voir tableau 1) :

- Le texte requiert dugouvernement qu’il prenne tout actejuridique conforme aux lois et règlementen vigueur, mais en son chapitre sur lafiscalité applicable, le texte se détournede la loi et annonce des exonérations.

- En préambule, le groupement desforestiers donne son accord pour participeractivement au partenariat, plus loin, ilrepousse tout le financement à l’entièrecharge du Gouvernement.Les projets de routes à réaliser le serontselon les normes des routes forestièresalors que dans la nomenclature desinfrastructures routières au ministère en

charge des Travaux publics, ce genre deroutes n’est classé dans aucune descatégories reconnues.

- En cas de litige, il est faitexclusivement recours dans le document àl’Acte de l’Organisation pourl’Harmonisation en Afrique du Droit desAffaires (OHADA), alors que les sociétésforestières sont établies selon des loisnationales.

Dispositions de la loi portant codeforestier

La loi portant code forestier est le cadrejuridique par excellence de gestion desressources forestières en République duCongo.Adoptée par le Conseil National deTransition, organe législateur avant la miseen place des instances dirigeantesactuelles, et après avis de la Coursuprême, elle a été promulguée par leprésident de la République le 20 novembre2000 sous le n° 16-2000.Cette loi prévoit entre autres dispositions,le niveau des revenus que le gouvernementdu Congo est en droit d’attendre desressources forestières exploitées sur toutel’étendue de son territoire.La privatisation dans le secteur forestierétant un acquis (Article 80 du codeforestier), la loi en objet trace le cadrelégal d’exercice de l’exploitationforestière et fixe les limites au-delàdesquelles toute activité devient illégale.

Disposition des textes connexes à la loi

Au moment de la signature de laconvention, la loi portant code forestier,promulguée en novembre 2000, a renducaducs les autres textes disponibles enmatière de gestion des ressourcesforestières. Les aspects spécifiques degestion courante étaient réglés par descirculaires ministérielles. Les principauxtextes d’application de cette nouvelle loi(16 décrets et arrêtés) n’ont été publiésque le 31 décembre 2002.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE22

Partenariat et quelle gouvernance : le gouvernement, les compagniesforestières, et la construction des routes en République du Congo

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3- Dispositions des conventionsd’aménagement des sociétés

Dans toutes les conventionsd’aménagement signées entre legouvernement et les sociétés forestières,ces dernières s’engagent à financer laréalisation d’actions spécifiques au profitde l’administration des eaux et forêts, despopulations et des collectivitésterritoriales ou locales des régions danslesquelles elles opèrent.

La plupart des conventionsd’aménagement et de transformation ontété réactualisées et d’autres sont en voiede l’être, spécialement en raison de lapublication depuis le 31 décembre 2002,des nouveaux textes d’application de la loiportant code forestier, et par lesquels il ya justement de nouvelles dispositionsfiscales. La Compagnie CongolaiseIndustrielle des Bois (CIB) par exemple, aréactualisé sa convention d’aménagementen fin novembre 2001.

A ce titre, les sociétés prennent le partide contribuer, notamment financièrement,à tous travaux de développement que legouvernement viendrait à initier parl’entremise de leur ministère de tutelle.Le texte de la convention d’aménagementet de transformation prédispose donc lessociétés à une perspective de partenariatbien comprise, pour peu que cela soit biennégocié par les autoritésgouvernementales.

La lecture des contradictions existantesentre la loi portant code forestier et laconvention objet de cette étude (tel querésumé dans le tableau 1), montre desécarts importants, qui laissent de subtilesintelligences s’insinuer aux travers des «mailles » de la Loi et de ses protocolesd’application.Le principe des compagnies forestièresétant de faire du profit, le texte de laconvention, amendé par ceux-ci, acceptéet signé par les autorités, sert davantageleurs intérêts que ceux du gouvernement.De la manière dont elle a été négociée etsignée, la convention de partenariatreprésente pour le gouvernement duCongo un motif d’inquiétude, en

considération notamment de son article 7qui laisse libre cours à tous les abus.

La raison qui est évoquée par legouvernement pour justifier l’initiation etla signature de cette convention, est qu’ilfallait désenclaver les régions nord dupays par la construction desinfrastructures routières. Les « maigres »ressources de l’Etat ne permettant pas deconcrétiser cette ambition, les exploitantsforestiers opérant dans cette zone ont étésollicités en renfort dans le cadre d’unpartenariat dit « Etat - secteur privé ».(Voir point 1,a dans l’étude).

Mais cet argument est difficilementdéfendable, car il est du devoir de l’Etatd’initier la construction des routes, c’estd’ailleurs l’un de ses devoirs primordiaux.Il faut ensuite préciser que les routesconstruites par le ministère des Travauxpublics et celles des sociétés forestièresn’ont pas les mêmes caractéristiques etdans le texte de la convention, il estmême clairement écrit qu’il s’agit de «routes aux normes forestières ». Sur leplan de la nomenclature des routes, cegenre de routes ne peut pas être reconnuepar l’administration routière. Cetteanormalité pose un autre problèmetechnique de mise en oeuvre.

Les compagnies forestières ne s’installentpas dans un pays pour construire desroutes. Pour le besoin de leurs activités,ces sociétés ouvrent des routestemporaires en vue d’évacuer leursproduits. (Ces routes peuvent, il est vrai,servir d’autres causes par la suite, maisleur but primordial est l’évacuation desproduits forestiers, c’est tout). Il est clairque dans le cadre d’un partenariat biencompris et par le biais de textes,conventions et protocoles bien négociés,ces sociétés peuvent en effetaccompagner l’action du gouvernement,comme le prévoient d’ailleurs les cahiersde charges particuliers compris dans lesconventions d’aménagement et detransformation. Mais les sociétésforestières ne peuvent pas se substituer augouvernement.

Enfin, financièrement parlant, rien nepermet d’envisager qu’il y aurait

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE24

Partenariat et quelle gouvernance : le gouvernement, les compagniesforestières, et la construction des routes en République du Congo

Page 25: Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale · La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la

réellement un équilibre entre ce que coûterait une route de qualité, et le montant destaxes que devraient verser au gouvernement une dizaine de compagnies forestièrespendant les deux ans que couvre la convention.

4. Pertes ou profits

L’économie du Congo est essentiellement fiscale. Le secteur forestier est celui quiparticipe au plus haut niveau, après le pétrole, à cette économie. Il est donc crucial quele gouvernement concentre ses efforts vers un encaissement effectif de toutes de taxesprévues par les textes.A titre d’exemple, les redevances encaissées par le gouvernement au cours des troisdernières années se présentent comme suit dans le tableau 2 :

Tableau 2 : Moyenne annuelle nette des ressources fiscales perçues par le Congo lestrois dernières années (en FCFA)

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(*A la date de l’étude, le rapport 2002 du ministèreen charge des forêts n’est pas encore disponible.)

La réalité avec le texte de la convention de partenariatest tout autre.En effet, au titre de l’article 7 de la convention, lesforestiers sont exemptés du paiement de plus de septtaxes, dues à l’administration forestière, et cela nereprésente qu’une partie d’une liste non limitative.

5. Conclusion

Le gouvernement de la République du Congo adélibérément signé une convention et des protocolesqui ne lui profitent pas. Non seulement ces documentsmettent à mal la réglementation forestière nationaleen vigueur, et créent, somme toute, des précédentshautement préjudiciables, mais aussi et surtout, ils fontperdre au Trésor public congolais des ressourcesfinancières énormes.De même, en raison des exigences techniquesspécifiques en matière de normes de constructionroutière, le gouvernement du Congo y perd à appliquerdes faibles normes forestières sur un des tronçons deroute faisant partie du tracé de la Transafricaine, telleque décidée d’accord parties par l’ensemble des paysde la sous-région Afrique centrale. Le moment venu, ilsera nécessaire de refaire des études et des travauxsupplémentaires onéreux afin de mettre cette routeaux normes nationales et/ou internationales. Condamnéau respect de l’engagement pris, le gouvernementcongolais ne peut renier la signature des cinq ministresayant approuvé le document de la convention departenariat.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 25

Partenariat et quelle gouvernance : le gouvernement, les compagniesforestières, et la construction des routes en République du Congo

Page 26: Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale · La transparence, la gouvernance et la loi Etudes de cas du secteur forestier en Afrique centrale Rapport préparé pour la

Par ce geste, le secteur forestier du Congoet l’économie congolaise dans sonensemble se trouvent pénalisés pour lapériode des deux ans que va durer laréalisation des travaux des projets routiersprévus.

6. Recommandations pour AFLEG

L’un des objectifs du processus AFLEG estde faire en sorte que les pays africainstirent le maximum de revenus possible del’exploitation de leurs forêts. Quel en estl’intérêt si les gouvernements, malgrétout, accordent des facilités aux sociétésforestières, les exonérant de contribueraux revenus de l’Etat ? AFLEG devraitfermement encourager les gouvernementsafricains à ne pas passer ce type d’accordavec les compagnies forestières.Malgré la sourde oreille manifeste desgouvernants, il est plus que nécessaire decontinuer à repréciser cette notion,notamment à travers des mécanismescomme le processus AFLEG ou d’autres

institutions.Dans le cas particulier de la conventionobjet de cette étude, en cas dereconduction de cet outil de partenariatpour non achèvement des projets routiersspécifiés, il conviendrait de renégocier lestermes dudit instrument dans le sensd’une observation des textes forestiers envigueur.Une revue de la légalité de cetteconvention doit être effectuée en cas deconventions futures. Pour tirer le meilleurprofit du produit de ses ressources etd’une action partenariale avec les sociétésforestières ou tout autre opérateuréconomique, et éviter toute contradictionentre les textes législatifs etréglementaires en vigueur et les accordspostérieurs avec des tiers, legouvernement du Congo devraitrésolument s’engager dans une voie demeilleure gouvernance.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE26

Partenariat et quelle gouvernance : le gouvernement, les compagniesforestières, et la construction des routes en République du Congo

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1. Introduction

Les conséquences de la guerre et des conflits armés qui sévissent dans la région desGrands Lacs depuis une décennie n’ont pas seulement atteint la vie et l’intégritéphysique de l’homme mais aussi son environnement. La République Démocratique duCongo en a payé le lourd prix par la destruction de sa faune et flore à telle enseignequ’aujourd’hui on parle de l’Ecocide comme étant l’extermination de l’écosystème. L’Estde la République démocratique du Congo est plus touché, particulièrement les provincesdu Nord et du Sud-Kivu considérées comme la porte d’entrée de toutes les guerres quiont coûté si cher à ce pays. Ce travail porte sur le contexte des guerres, l’impact de cesguerres sur la conservation de la nature, des zones touchées et les graves conséquences,l’établissement des responsabilités. Enfin, il propose des voies de réhabilitation de cetteriche biodiversité détruite et la possibilité de réparation de l’ensemble des injusticescausées.

2. Contexte

Après la mort président du Rwanda, Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, et la prise dupouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR), 4 millions de Rwandais se réfugient surle sol congolais, notamment dans les Nord et Sud-Kivu. Avec l’intervention de laCommunauté internationale, plusieurs camps de réfugiés sont créés sous les auspices duHaut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR). Malheureusement certainscamps ont été érigés dans la périphérie des aires protégées. Comme si cela ne suffisaitpas, en 1996, le Rwanda envahit la République démocratique du Congo en commençantpar le Sud-Kivu. Une rébellion du mouvement AFDL (Alliance des forces démocratiquespour la libération) se crée avec l’appui des mêmes agresseurs. Entre autres cibles desassaillants, les camps des réfugiés. Cette même guerre qui a commencé à l’Est aprogressé militairement jusqu’à l’Ouest parcourant ainsi presque toutes les réservesnaturelles dont regorge la République démocratique du Congo. Soulignons que certainsréfugiés sont restés dans ces réserves naturelles jusqu’en 1998. Entre-temps, les réfugiésrwandais, les milices Interahamwe et les militaires de l’ex-FAR (Forces arméesrwandaises), sont toujours réfugiées dans les forêts. Selon les sources du HCR, ils seraienten tout 48 000 personnes.

3. Impact de ces guerres sur les forêts

Il s’agit ici de présenter les sites qui ont été gravement touchés par les effets de laguerre susmentionnée :

Le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB)

Le PNKB fut créé par la loi n° 70-316 du 30 novembre 1970. Déjà en 1934, il fut reconnupar la colonie belge comme étant une réserve forestière, intégrale et zoologique. Enraison de sa biodiversité riche et rare, en 1980, il entre dans les sites du Patrimoinemondial. Il est entièrement sous la gestion de l’Institut Congolais pour la Conservation dela Nature (ICCN). Avant son aggrandissement, sa superficie était de 75 000 ha. En 1996,le Parc est tombé sous occupation des belligérants et réfugiés rwandais à tel pointqu’aujourd’hui l’ICCN affirme contrôler moins de 10 % de ce patrimoine devenupatrimoine Patrimoine mondial en péril. Plus de 90 % du parc est occupé par des bandes

Chapitre 5

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

HÉRITIERS DE LA JUSTICE

FFAATTUUMMAA NNGGOONNGGOO KKIILLOONNGGOO && RROOGGEERR MMUUCCHHUUBBAA BBUUHHEERREEKKOO

Destruction des forêts par les guerres et leurréhabilitation : cas de la province du Sud-Kivuen République Démocratique du Congo

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2e partie

L’Est de laRépubliqueDémocratique duCongo est plustouché,particulièrementles provinces duNord et du Sud-Kivu considéréescomme la ported’entrée detoutes lesguerres qui ontcoûté si cher àce pays.

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armées dont les Maï-maï, les ex-combattants rwandais et les forces de larébellion (RCD) et leurs alliés de l’Arméepatriotique rwandaise (APR).Toute la partie du PNKB, élargie en 1975par le régime du président Mobutu à prèsde 600 000 hectares, a été totalementréoccupée par la population qui a érigé 64villages dans ce Parc en violation flagrantede la loi. Mais il est important de lesouligner. Rappelons que lors del’élargissement du PNKB, cette populationn’a pas reçu d’indemnisation (voir chapitre3), avec les guerres, elle a profité del’absence d’une autorité pour récupérerles terres dont elle a été expropriée.Le Parc National de Kahuzie-Biega couvreles territoires des communautés Shabunga,Mwenga et Walikale dans le Nord-Kivu.C’est aux environs de Walikale que desOugandais ont pratiqué l’exploitationextensive du bois. Entre l’altitude nord etl’altitude sud, il existait un couloirpermettant aux animaux d’accéder à laforêt dense. Cette zone stratégique a aussiété occupée par des gangs armés.En mai 20002, l’ancien gouverneur deprovince du Sud-Kivu, monsieur M. NorbertBashengezi Katintima, avait annulé pararrêté n° 01/029/CAB/GP-SK/2000 du 18mai 2000 certains contrats d’occupationprovisoire du Parc, mais cette annulationn’a pas eu d’effet, les occupants estimantque le gouverneur n’avait pas qualité. à Ace jour le dossier est en cours au Tribunalde grande instance de Bukavu.

Le Parc National de Virunga (PNV)Le Parc National de Virunga a connu lemême sort que celui de PNKB, surtout avecla présence des camps de réfugiés près decette aire protégée tels Rumangabo,880.000 réfugiés, Sake : 210.000,Kibumba : 250.000, Kahindo : 100.000,Katale : 220.000. Les organismeshumanitaires donnaient de juste lanourriture aux réfugiés, mais sans bois dechauffage et les réfugiés prétendaient eux-mêmes que le HCR avait acheté pour euxles terres du Parc. En quelques semaines,ils ont rasé plus de 7 kilomètres enprofondeur du Parc.Une bonne partie de ces réfugiés sontrentrés au Rwanda avec la guerre de 1996tandis que d’autres sont entrés enprofondeur dans le Parc. Des bandes

armées y ont aussi élu domicile,notamment les Maï-maï, les ex-combattants rwandais, les Interahamwe,les militaires du RCD Rdc et les forcesougandaises.

Plantations de particuliersConcessions individuellesAu Sud-Kivu, les concessions foncières desparticuliers sont souvent dotées deplusieurs hectares de boisement, l’arbreétant un symbole de richesse. Avec lesguerres ci-haut citées, plusieursconcessions appartenant aux particuliersont été sérieusement touchées. Citons àtitre d’exemple :

- la concession des frères maristesde Nyangezi dans le territoire deWalungu

- la concession de Mushera àNgweshe à plus ou moins 22kilomètres de la ville de Bukavutoujours dans ce même territoire

- les concessions de différentschefs coutumiers

- etc.

Les Réserves forestièresLe Sud-Kivu regorge de réservesforestières dont : la réserve de Ulindi(Walungu) les réserves de Lolemba, Ngomaet Kifumbwe à Fizi, celles de Mokanga,Kasombe, Mikelo et Itula à Shabunda. Laréserve de Mushwere à Kabare, celle deKawiwira à Uvira, de Nyamusisi à Idjwi,celles de Numbi et Mulagiza,. cCelles deKasirusiru, d’Ikonzi se trouvant à Kalehe, ycompris les îlots de chumes localisés dansle Lac Kivu.Ces réserves n’ont pas été épargnées parla guerre ; certaines d’entre elles ont étédéclassées par certaines les autoritéspolitiques et coutumières qui les ontdistribuées à leurs proches et amis. Lesplus menacées sont : Nyamusisi et Idjwi,aujourd’hui occupées par une populationn’ayant reçu aucune autorisation pourcela. La plus grande victime de cettedestruction est l’Etat congolais et surtoutles populations du Sud-Kivu.

Appauvrissement de la populationLe programme de développement entreprispar l’Institut congolais pour laConservation de la Nature (ICCN) en faveurdes populations riveraines des aires

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

Une bonnepartie de cesréfugiés sontrentrés auRwanda avec laguerre de 1996tandis qued’autres sontentrés enprofondeur dansle Parc.Desbandes armées yont aussi éludomicile,notamment lesMaï-maï, les ex-combattantsrwandais, lesInterahamwe, lesmilitaires duRCD Rdc et lesforcesougandaises.

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Destruction des forêts par les guerres et leur réhabilitation : cas de laprovince du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo

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protégées a aujourd’hui régresséplongeant ainsi des milliers de personnes,qui vivaient de ce programme, dans unemisère indescriptible. Les sociétésforestières qui employaient la populationenvironnante ont fermé et ont été pilléesde fond en comble par les bandes armées,mettant au chômage leurs anciensemployés. Le manque à gagner dutourisme qui est évalué à des milliers dedollars (combien en moyenne ?) a eu desrépercussions sur la populationenvironnante qui profitait énormément decette activité.

Délogement des PygméesLa population pygmée dont la vie étaitintimement liée à la forêt et qui avaitdéjà maîtrisé la culture de la conservationde la nature, était contrainte de quitterles abords du parc et la forêt à cause desaffrontements entre les bandes armées(voir chapitre 3).

Massacre des espèces protégéesLe massacre des espèces de faune et deflore est hallucinant. En 2003, l’on estimeà 130 le nombre des gorilles dont 86 quisont remarquables et suivis chaque jourpar l’ICCN alors qu’il s’observeuniquement 3 traces d’éléphants. L’ICCN afait des crânes des éléphants et gorillesramassés dans le parc un musée del’écocide (lieu où sont entassés les crânesd’éléphants et gorilles massacrés). Cemassacre a atteint d’autres espècesanimales. Plusieurs autres animaux nesont plus visibles, et l’on craint qu’ilssoient déjà exterminés, ou qu’ils aient fuidans d’autres forêts plus accueillantes.Bon nombre de ces animaux ont étéexportés illégalement au Rwanda, auBurundi et en Ouganda et d’autresenfermés dans des parcelles privées àBukavu et ses alentours.

Espèces de floreParmi les espèces les plus attaquées, onpeut citer les bambous dont la variété duPNKB est l’Arundinaria aAlpina. Elleoccupe 37 % de la superficie du PNKB dansles hautes altitudes. Ces bambousconstituent l’aliment le plus appréciéimportant des par lesgorilles. Avant 1996,on estimait à 6 % par an la superficiedévastée par la population avoisinante

mais avec les guerres à répétition lasituation s’est fortement aggravée.

4. Responsabilités / Conclusions

La responsabilité de cette destruction desforêts est partagée à plusieurs niveaux.On peut citer les acteurs qui agissent auplan national et international. Lespréjudices injustices subies étant réelleset les responsables bien identifiés, uneréparation juste et équitable s’imposent :les préjudices injustices étant matérielleset moralesux, chaque fautif doit assumersa part de responsabilité.

Sur le plan nationalLa province du SSud-Kivu est sousl’administration d’un mouvement rebelledénommé le Rassemblement congolaispour la démocratie (RCD) qui est soutenupar le Rwanda sur le plan militaire etdécisionnel et en retour ce Mmouvementouvre la voie à son ses parrains pourexploiter illégalement les richesses de laRépublique démocratique du Congo. Sonadministration est caractérisée par lacorruption et l’impunité Les bandesarmées qui ont choisi les parcs et lesforêts comme zones d’opération se livrentà l’exploitation abusive, à laconsommation anarchique des espèces defaune et de flore. Les exploitants miniers et les braconniersont ouvert des carrières de mines dans leParc et autres réserves forestières etn’hésitent pas à abattre les arbres pourles besoins de l’extraction minière. Ilstravaillent en complicité avec les bandesarmées, les fermiers, les commerçants, etcertains passagersquelques voyageursitinérants. Des mesures doivent être prisespour sanctionner sévèrement tous lesexploitants et braconniers ; on doit lesdésarmer et fermer tous les marchés devente de pointes d’ivoire et de viandeboucanée.

Sur le plan internationalLes pays agresseurs de la Rdc, le Rwanda,l’Ouganda et le Burundi, sont à la base dela destruction des forêts du fait de leurprésence et de l’appui militaires qu’ilsaccordent aux rebelles. Une bonne partiedu bois de Walikale a pris la route del’Ouganda par l’exploitation illégale de la

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

Le manque àgagner dutourisme qui estévalué à desmilliers dedollars(combien enmoyenne ?) a eudesrépercussionssur la populationenvironnante quiprofitaiténormément decette activité.

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Destruction des forêts par les guerres et leur réhabilitation : cas de laprovince du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo

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société forestière ougando-thailandaiseappelée Dara-Forest. Ces pays doivents’engager à indemniser tous les préjudicescausés à la population congolaise. et àrestituer toutes les espèces menacéesd’extinction qui se retrouvent dans leurspays tant dans leurs parcs que entre lesmains des particuliers. Outre lareconnaissance des faits, un engagementde ne plus rééditer les mêmes exploitsmalheureux doit être demandé au peuplecongolais.

5. Recommandations pour AFLEG

- Il faut impliquer la population dansl’action de réhabilitation, tant dans laconception que dans l’exécution.

- Le gouvernement issu du Dialogue de

réconciliation nationale doit faire detoute urgence un état des lieux desforêts du Sud-Kivu et procéder à uneréforme légale dans le sens de renforcerles mécanismes institutionnels existantsen tenant compte de l’exigence de laréhabilitation.

- Plus d’attention devrait être accordée aurapport existant entre les camps desréfugiés et la destruction des airesprotégées.

- Des lois rigoureuses doivent êtreappliquées pour l’exportation desminerais en provenance des zones deconflits.

- Les pays occidentaux doivent se sentirégalement responsables de l’importationdes minerais et d’autres matièrespremières en provenance des zones deconflit.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE30

Destruction des forêts par les guerres et leur réhabilitation : cas de laprovince du Sud-Kivu en République Démocratique du Congo

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1. Introduction

Problématique :

La mauvaise gouvernance constatée dans le secteur forestier est caractérisée par :- la pratique d’activités illégales, en particulier le non respect des clauses contractuellescontenues dans les cahiers de charges particuliers, et les droits des communautés localeset autochtones riveraines ;- l’application mitigée voire louvoyée des législations forestières en matière de constatd’infractions et de recouvrement des pénalités forestières par les agents publics.

De plus, la corruption et l’impunité occasionnent un gâchis des ressources forestières,une perte de revenus pour l’Etat, et exacerbent pauvreté et précarité parmi lescommunautés locales et autochtones riveraines.Pour assurer la pérennité des forêts, la législation forestière de la République du Congo,la loi 16- 2000 du 20 novembre 2000, stipule dans une de ses dispositions quel’administration des eaux et forêts doit veiller à l’élaboration des plans d’aménagementnational, régional et local et à leur mise en œuvre. De sorte que les activités autoriséesdans le domaine forestier national se fassent de manière à éviter la destruction de laforêt et à assurer sa pérennité et son exploitation durable (art. 45).Le Code forestier institue un corps d’agents des eaux et forêts qui traquent lesinfractions à la loi et aux règlements dans l’étendue de leur ressort (art. 111) ; lesagents dudit corps ainsi que ceux d’autres corps, particulièrement les officiers de Policejudiciaire, constatent par procès-verbaux les infractions commises dans le domaineforestier national. Ces agents doivent prêter serment avant d’entrer en fonction et ont ledroit de requérir la force publique. Ils peuvent s’introduire dans un domicile avant 5h etaprès 19h (art. 114 et 113), saisir les produits forestiers détenus ou circulantdélictueusement (art.122). Certaines catégories d’agents assermentés investis de fonctionde Directeur régional sont autorisés à transiger et infliger des pénalités aux auteursd’infraction à la loi (art. 134 et 135). La loi autorise aussi aux corps précités de déférerdevant le ministère public tout suspect lorsque la nécessité de transaction n’est pasressentie en raison de la gravité des faits ou lorsque la pénalité acceptée lors del’établissement de l’acte de transaction n’est pas payée dans les délais prescrits.Le résultat recherché dans la présente étude est d’identifier les atouts et les faiblesses,et d’examiner l’objectivité et la transparence des opérations de recouvrement pour aiderau renforcement des capacités opérationnelles des services de répression et derecouvrement de l’autorité judiciaire.

2. Les pénalités :

a. Les pénalités en général : La loi sur la faune prévoit deux catégories d’infractions : les contraventions et les délits.Les contraventions aux termes de cette loi sont, comme le stipule le code pénal, desinfractions que la loi punit d’une petite amende et d’un emprisonnement d’une courtedurée (2 mois au plus).Selon cette même loi, les délits constituent des infractions qu’elle sanctionne par unepeine correctionnelle, c’est-à-dire une amende plus substantielle et un emprisonnement,ou l’une de ces deux peines variant de 10.000 à 5.000.000 F CFA.

Le Code forestier par contre ne fait pas cette distinction et considère l’ensemble des

Chapitre 6

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE

COMITÉ CONSULTATIF DES ONG DE CONSERVATION ET DE L’ ENVIRONNEMENT (CCOCE)DDOOMMIINNIIQQUUEE NNSSOOSSSSOO

Recouvrement des pénalités liéesau secteur forestier congolais

31

3e partie

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infractions comme étant des délits dontles amendes et les emprisonnements ontété répertoriés ci-dessus.

b. Les pénalités sanctionnant un éventailde comportements délictueuxLa loi 16-2000 dresse un éventaild’agissements susceptibles de porteranormalement atteinte à la forêt et sesressources. Les agissements constituantune atteinte sont recensés et sont assortisde pénalités (voir chapitre Infractions etpénalités) allant du pâturage (assortid’amende de 3.000 à 5.000 FCFA par têtede bétail) au non respect du pland’aménagement (assorti d’une amende de5 à 20 millions FCFA et de 20 à 50 millionsFCFA pour la non exécution du programmed’investissement au terme d’une année).Pour en assurer la bonne exécution, undélai de prescription de 5 ans est prescritpour les actions civiles (art. 132).

c. L’ exécution des condamnations :

- Les mesures garantissant l’exécutiondes condamnations :• Les dispositions suivantes du codeforestier congolais sont à même defavoriser l’exécution des condamnations. Ils’agit notamment : • l’usage de la voie de contrainte parcorps (art. 171) ; • la condamnation civile des pères etmères, des tuteurs pour lesquels lesenfants mineurs ou pupilles demeurantavec eux et non mariés. Les maîtres et lescommettants sont également responsablesde leurs préposés (art. 168) ;• l’attribution aux agents del’administration des eaux et forêts et àtoute personne ayant participé auxactivités de répression, 30% du montantdes amendes, transactions, restitutions,dommages et intérêts, ventes auxenchères publiques ou de gré à gré des produits et des objets divers saisis,prononcés au profit de l’administrationdes eaux et forêts et produits des affairescontentieuses.

- Les dispositifs de contrôle, suivi etévaluation :Pour assurer son contrôle et/ou sonautocontrôle, son suivi et son évaluation,l’administration des eaux et forêts a mis

en place une Inspection générale des eauxet forêts. Cette institution est subdiviséeen 3 inspections divisionnaires (inspectiondes forêts, inspection de la faune et desaires protégées, inspection juridique decontrôle financier et d’audit). Tel qu’on va s’en apercevoir dans lesdonnées collectées sur les pénalités, cetteinstitution a joué un rôle moteur etdéterminant dans la répression desinfractions en matière forestière ;

3. L’efficacité relative du dispositif derecouvrement des pénalités en matièreforestièreLes informations obtenues pour laréalisation de cette étude auprès de ladirection des forêts à Brazzaville et à ladirection régionale des eaux et forêts duKouilou, à Pointe-Noire montrent quel’application du dispositif répressifantérieur (ancienne loi n° 32/82 du7/7/82 portant code forestier) etactuellement en vigueur (loi n° 16-2000 du20/11/2000) est d’une efficacité mitigée.

a. Les données• L’analyse des données issues desentretiens et de l’exploitation :• Des registres du contentieux de ladirection des forêts et de la directionrégionale des eaux et forêts du Kouilou ;• Des rapports d’activités annuels des

différentes directions ;De l’Inspection générale des eaux et

forêts ;• Du ministère chargé des eaux et forêtsindiquent la situation suivante :22 catégories d’infractions forestières ontété constatées en 2002 (tableau 1) et ontfait l’objet de 22 actes de transactions.Ces infractions sont, notamment, la coupedans le domaine (2 infractions), le retarddans l’exécution des clauses contractuelles(6), la non transmission du biland’exercice 2001 (24 infractions), la coupede bois au delà du quota autorisé (3infractions), le non entretien des layonslimitrophes aux UFA (1), la coupe de boisdans une aire protégée (1 infraction), letrafic des marques et de numéros (1), lanon transmission des feuilles de route etde chantier à la direction régionale (6), lamauvaise tenue des documents dechantier (2), l’obstruction au contrôle desagents des eaux et forêts (2 infractions),

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE32

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

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la sous-traitance du permis avec des tiers (1).

Les transactions consenties par l’administration des eaux et forêts se sont élevées à 317300.000 F CFA et le recouvrement des pénalités réalisé est d’ un montant de 99.350.000F CFA, soit 31,31, %.Au niveau de la direction régionale des eaux et forêts du Kouilou, à Pointe-Noire, lestransactions consenties ont été de 203.596.738 F CFA et le recouvrement de 40.896.733.F CFA, ce qui représente des impayés de 162.000.005 F CFA. Soit un taux derecouvrement de 20 %.A noter que les pénalités présentées sont celles de 2002. Les exercices antérieurs nelaissent apparaître que de très faibles données non exploitables, exception faite del’année 2001, dont les données ont été établies à l’issue de l’exploitation du rapport del’Inspection générale des eaux et forêts. Pour ce qui concerne la direction régionale deseaux et forêts du Kouilou, certaines données indiquées apparaissent dans le tableau 3,c’est par exemple le cas de la pénalité de 150 millions FCFA (coupe de bois dans une aireprotégée).

Tableau 1 : Infractions forestières, Congo-Brazzaville, 2002

SOURCE : Registre du contentieux de la Direction des forêts (année 2002)

CIB : infraction commise à une fréquence 4SOCALIB : infraction commise à une fréquence de 2FORALAC : infraction commise à une fréquence de 2

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 33

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

N° Catégorie l’infraction Fréquence Sociétés Forestières Situation de la zone d’infractiond’ordre fautives01 Coupe dans le domaine 2 E.F.G.C, STCPA, Bois UFE Doumanga02 Coupe de bois hors limite de coupe 1 STPCPA, BOIS, IFO UFE Igoumina (UFA Sud 11)03 Coupe sous diamètre 1 IFO UFE Igoumina04 Retard dans l’exécution des clauses 6 IFO, LT, SOCALIB, THANRY

contractuelles CONGO, SOBODI COFIBOIS05 Fausse déclaration sur l’importance 1 SOCALIB UFA Ouest

du siège Social06 Absence de case de passage 2 MOKABI, BPL UFA Mokabi et UFA Lopola07 Outrage aux agents des eaux et forêts 1 LT, ITBL, CRISTAL, COFIBOIS UFA Sud, UFA08 Non transmission du bilan d’exercice 2001 24 MUKABI, BPL, THANRY ?

QUATOR Congo STCPA BOIS UF, Sud UFA UFA Enyellé, UFATRABEC MOUNGONDO, BISSON et Cie, FORALAC, MAN

09 NON élaboration du plan d’aménagement 1 CRISRTAL UFA Ouest, UFA Sud, UFA Sud 1,10 Non installation de l’usine industrielle 1 CRISTAL UFA Centre, UFA

de transformation11 Coupe de bois au-delà du quota 3 CIB UFA Pokola12 Coupe de bois non autorisé dans le VMA 1 CIB UFA Kabp13 Non entretien de layon limitrophe 1 CIB UFA Kabo- Pokola14 Coupe de bois (464 pieds) dans 1 MAN FAI TAI UFA

une aire protégée15 Coupe de bois en dépassement du quota 2 FORALAC UFA

autorisé dans le VMA16 Non exécution des clauses contractuelles 7 MOKABI, CIBN, BPL, CIB, UFA Centre, UFA Sud 1

TMAN INDUSTRIE, ESBO, IFO17 Manque de carte d’explication 2 FORALAC, KIMBAKALA UFA Sud 2, UFA Sud 118 Non transmission de feuilles de route 6 QUATOR, KIMBAKALA, FORALAC UFA Sud 2, UFA Sud 1, UFA Sud 2

à la Direction Régionale MAN FATAI, COFIBOIS, SFGC19 Trafic des marques et des numéros 1 FORALAC UFA Sud 220 Mauvaise tenue des documents de chantier 2 KIMBAKALA, COFIBOIS UFA Sud 1, UFA Sud 221 Obstruction au contrôle des agents 2 COFIBOIS UFA, Sud 2

des eaux et forêts22 Sous-traitance du permis avec des tiers 1 COFIBOIS UFA Sud 2

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b. Les atouts des agents derecouvrement

Les atouts dans le recouvrement despénalitésLe chapitre 3 met en place le dispositifdans le recouvrement des pénalités etpermet aux différents corps, notammentcelui des agents des eaux et forêts,d’œuvrer efficacement pour la gestiondurable des forêts. En théorie, cesdispositifs devraient être suffisammentdissuasifs et permettre l’amélioration desrecettes de l’Etat, nécessaires à laréalisation d’investissements dans leszones forestières, au profit descommunautés rurales et autochtones.Malheureusement, la situation sur leterrain présente de nombreuses faiblesses.

La faiblesse des agents des eaux etforêts dans la répression des infractionset dans le recouvrement des pénalitésLa faiblesse dans la répression desinfractions et le recouvrement despénalités se caractérise d’abord parl’insuffisance de l’activité de répression(26 infractions constatées en 2001 et 70autres seulement en 2002), ensuite par lessommes très limitées recouvrées au coursde l’exercice annuel (99 350 000 FCFA surles 317.300.000 FCFA seulement en 2002.

La faiblesse du nombre de procéduresjudiciaires et le nombre limité desaffaires transmises aux tribunauxLe volume du contentieux relatif à larépression des infractions commises enmatière forestière est nul. En effet,l’examen des registres du contentieuxlaisse apparaître qu’aucune affaire n’a ététransmise aux tribunaux.Tous les acteurs compétents notammentl’Inspecteur général des eaux et forêts,l’Inspecteur des forêts et le Directeur desforêts, s’accordent au contraire àreconnaître qu’il y a une recrudescenced’infractions forestières.

- L’insuffisance de l’activité desadministrations compétentes

La consultation des documentsadministratifs, notamment, les rapportsannuels 2000 et 2001 du ministère desforêts et les registres du contentieux, faitnoter ce qui suit : Le nombre limité de missions de contrôleet de surveillance effectuées dans leschantiers forestiers. La plupart desmissions réalisées l’ont été par l’Inspectiongénérale des eaux et forêts et la Directiongénérale des eaux et forêts qui ont dresséla majorité des procès-verbaux ;Le nombre limité des procès-verbauxdressés par les agents assermentés enservice au sein des administrationscompétentes de contrôle et de gestion dudomaine forestier national, notamment,l’Inspection générale des eaux et forêts(24 procès-verbaux) ;La Direction générale des eaux et forêts(44 procès-verbaux) et la Directionrégionale des eaux et forêts du Kouilou (42procès-verbaux) qui ont donné lieu à 67actes de transaction, et dont les pénalitésencourues ont été de 317.300.000 FCFA(registre du contentieux de la Directiondes forêts à Brazzaville) et à un peu moinsde 203.596.738 F CFA (registre ducontentieux de la Direction régionale deseaux et forêts du Kouilou) en 2002.

Dans le rapport annuel 2001 del’Inspection générale des eaux et forêts,on peut lire : « Son action a étécaractérisée par une insuffisance notoiredes missions de terrain, clé de voûte desactivités de l’institution. Malgré cet étatde chose, quelques missions de terrain ontpris soigneusement en compte le voletrépressif et plus d’une vingtaine de fichesde constat d’infractions et de procès-verbaux pour des pénalitéscorrespondantes de 20.000.000 F CFA ontété établies à l’encontre des entreprisescoupables d’actes répréhensibles ». Selonce même rapport, ces missions ontégalement relevé quelques imperfectionsdans la gestion durable du domaineforestier, notamment :

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE34

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 35

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE36

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais00

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 37

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais28

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE38

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

La mauvaise application des lois etrèglements en matière de gestion desressources forestières et fauniques,notamment, dans les brigades et postes decontrôle ;La non maîtrise des principalesdispositions des textes législatifs etréglementaires en vigueur, non passeulement par les opérateurs économiquesdu secteur mais aussi par l’administrationdes eaux et forêts, dans la délivranceincontrôlée des permis de bois d’œuvre etdes permis spéciaux, la perception destaxes non prévues par la loi ;L’insuffisance du sérieux dans les enquêtesde terrain ;le manque de rigueur et de discipline dansla procédure relative au bois saisi déclarépropriété de l’Etat.

- La non transmission des dossiers desaffaires contentieuses aux tribunauxDans l’ensemble des registres ducontentieux examiné, il a été notéqu’aucun dossier de non paiement despénalités à terme de temps échu n’a ététransmis au tribunal, ce qui est apparucomme une négligence par rapport auxdispositions de la loi. Ce faisant, lespénalités consenties (217.950.000 FCFA)non recouvrées au 31 décembre 2002,pourraient tomber, occasionnant une perteconsidérable pour l’Etat.

4. Les raisons de l’absence de collectedes pénalités forestières

On pourrait retenir principalementcertaines entraves sociales et pesanteursadministratives, la négligence voirel’insuffisance de personnel, de moyensfinanciers et matériels. Maisprobablement aussi l’utilisation abusive dela transaction.

a. Les entraves socialesCes entraves sociales touchentparticulièrement la vie des agents deseaux et forêts chargés de la répression etdu recouvrement des pénalités. Il s’agitprincipalement des salaires très basperçus et des arriérés de salairesimportants. Le salaire moyen d’un préposé

forestier est de l’ordre de 30.000 FCFApar mois et celui-ci n’a pas connud’évolution depuis dix ans3.Les remises forestières (10%) des affairescontentieuses instituées par l’ancien codeforestier ( loi n° 32/82 du 7/07/82) etreprises par le nouveau (30%) n’ étaientplus versées aux agents du corps depuisprès de 11 ans et cela constitue encoreune cause de démobilisation générale dansle recouvrement des pénalités forestières.Cela se manifeste souvent par descomportements rétrogrades que les uns etles autres appellent « les remises sur leterrain ».L’un des paragraphes du rapport annuel2000 du ministère des Forêts (page 15) del’administration des eaux et forêts révèle,concernant les remises forestières, ce quisuit : un projet d’arrêté portantrépartition du produit des affairescontentieuses des forêts et de chasse pourl’année 1991 est en cours de finalisation.

b. Les pesanteurs administrativesElles se caractérisent par des pressions etinfluences exercées par certainespersonnalités de la sphère administrativevoire politique. Ces pressions affaiblissentl’application des dispositions législativeset réglementaires, mais aussi l’éthiquedes agents dans la répression et lerecouvrement des pénalités forestières. Ilsconduisent à la fraude et à une pertesensible de revenus transactionnels par lebiais de ce que nous avons appelé « lesremises forestières sur le terrain ».Lors des entretiens avec les agents ducorps des eaux et forêts, des aspectsrelevant des pesanteurs administrativesont été notés, notamment :le conflit actuel existant entre leministère de l’économie, des finances etdu budget et le ministère chargé des eauxet forêts. Celui naît d’une lecturelouvoyée des textes du Code forestier. Eneffet, les services des finances veulents’investir dans le recouvrement des taxeset pénalités forestières en lieu et placedes agents du corps des eaux et forêts.Des actes inter ministériels ont même étépris, notamment celui du 27 décembre2002, qui fixe le plafond des remises

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forestières à ristourner aux agents deseaux et forêts à 30 millions FCFA, au titrede l’année 2002. Cet acte fait naître denombreuses controverses et s’il étaitappliqué, il est à craindre que des écueilssoient enregistrés en 2003, dans ledomaine du recouvrement des pénalités.Le cas relevé dans le rapport annuel 2001,concernant une coupe frauduleuse de boisdans deux aires protégées, cautionné parun cadre des eaux et forêts ayant desaccointances avec la partie fautive.

c. L’insuffisance de personnelLe domaine forestier national est évalué à20.323.406 hectares. Pour sa gestion, lesdirections régionales et les brigadesforestières ont été instituées oucontinuent à l’être. Ce domaine nécessiteun équivalent en personnel suffisant etqualifié pour assurer les tâches de gestion,de répression et de recouvrement despénalités. Il ressort malheureusement qu’àl’issue de l’exploitation des documents àla Direction des affaires administratives etfinancières relatifs aux ressourceshumaines actuelles, il a été noté uneinsuffisance notoire d’effectifs. Il existeenviron 319 agents des eaux et forêtscontre 310 agents de l’administrationgénérale et 48 autres personnels relevantnotamment d’autres administrationscomme l’enseignement, l’agriculture etl’informatique, soit des effectifs de 677agents. Le ratio entre le nombre d’agents deseaux et forêts et celui d’autresadministrations laisse percevoir unesituation quelque peu anachronique. Enconsidérant l’étendue des forêts à gérer, ilest absurde de parler d’une efficacité desservices de répression et de recouvrementdes pénalités. Cet état de chose est dû aufait qu’aucun recrutement n’est opérédepuis 1986 (la République du Congo étantsous embargo du programme d’AjustementStructurel Renforcé). En effet et chaqueannée les effectifs s’amenuisent suite auxdécès et aux départs à la retraite.

d. L’insuffisance de finances et dematériel Pour faire face à l’insuffisance des moyens

financiers et matériels, l’administrationdes eaux et forêts s’était dotée en 1974d’un mécanisme financier (le Fondsd’aménagement des ressources naturelles:FARN). Aux termes du nouveau codeforestier, le FARN a mué en Fonds forestierexécutoire en 2003. Malgré l’existence de ce fonds, il est notéque la plupart des missions dévolues ausecteur des eaux et forêts ne s’exécutepas comme souhaité, parce que l’apportattendu du budget Etat reste très mitigé. Le rapport annuel 2001 de l’Inspection deseaux et forêts arrive à propos affirme que:«L’action de l’Inspection générale deseaux et forêts au cours de cette année2001 a été caractérisée par l’insuffisancenotoire des missions de terrain, clé devoûte des activités de l’institution, fautede n’avoir obtenu l’appui nécessairesollicité à leur réalisation, etc.».

e. La transaction et son utilisationL’article 134 de la loi n° 16-2000 instituel’usage de la transaction et autorise lesautorités compétentes (le ministre deseaux et forêts, le directeur général deseaux et forêts et le directeur régional deseaux et forêts) à en faire usage chaquefois que de besoin.L’examen des registres du contentieux dela Direction des forêts et de la Directionrégionale des eaux et forêts du Kouiloumontre qu’aucune affaire n’a ététransmise au tribunal quand bien même ily a eu à un moment donné récidive et desinfractions graves, notammentl’exploitation forestière dans une aireprotégée.L’on déduit qu’un recours systématique àla transaction est flagrant et ne permetpas au corps judiciaire appelé à intervenirdans le domaine des eaux et forêts defaire des exploits. Aussi, le niveau relativement bas despénalités infligées aux sociétés fautivesn’a pas été dissuasif.

5. L’amélioration du recouvrement despénalités liées au secteur forestier L’auteur de cette étude estime qu’il estnécessaire d’assurer l’objectivité et uneplus grande transparence des opérations

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Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

Le domaineforestiernational estévalué à20.323.406hectares. Poursa gestion, lesdirectionsrégionales et lesbrigadesforestières ontété instituées oucontinuent àl’être.

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Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

de recouvrement des pénalités liées ausecteur forestier congolais. Il est aussinécessaire de renforcer les capacitésopérationnelles des services de répressionet de recouvrement de la direction desforêts grâce à l’application et àl’amélioration des procédures derecouvrement, de suivi et de contrôle del’activité de recouvrement.Pour y parvenir, des actions doivent êtreentreprises au niveau des servicescompétents mais aussi au niveau desacteurs impliqués en envisageant desactivités de formation et autres pouvantaméliorer l’activité de recouvrement.

a. L’amélioration durecouvrement des pénalités par laréforme des servicesLa nécessité d’une amélioration desservices et des mécanismes derecouvrement des pénalités liées ausecteur forestier congolais est justifiéepar les faiblesses identifiées, en ce quiconcerne aussi bien l’action des serviceshabilités que d’autres corps impliqués. Ci-dessous, des suggestions spécifiques sur lamanière dont c’est arrivé.L’amélioration du recouvrement estperçue selon deux directions à savoir, lerenforcement des capacités et moyens dela direction des forêts et autresappendices (directions régionales et leursbrigades) et l’implication d’autres acteursreconnus par les textes de loi (loi n°16-2000, loi n°48- 83, loi n°003/91).

Les solutions envisagées sont :- Le renforcement des capacitésopérationnelles de la direction des forêtsdes directions régionales et autresrelevant du corps des eaux et forêts. Ils’agira d’apporter au niveau ducontentieux, une réforme structurelle. Encréant : Un service du contentieux qui devracomprendre deux bureaux au niveaucentral (direction des forêts et direction de la faune et desaires protégées) et au niveau régional(directions régionales). Les bureaux prendraient la dénominationsuivante :bureau de répression des infractions ;

bureau de recouvrement, de suivi despénalités et des affaires contentieuseschargé des relations avec les servicesjudiciaires et autres corps habilités.

Les attributions et l’organisation duservice seraient, notamment :

Des attributions :

Suivre le mouvement des procès-verbauxdressés par les administrations habilitéesnotamment les services des eaux et forêtset autres ;collecter, traiter, analyser, actualiser,archiver les données relatives aucontentieux ;modéliser et structurer les donnéesrelatives au contentieux ;générer une base des données ducontentieux ;assister les services du contentieux et lesbureaux du contentieux régionaux ;exploiter les rapports et les dossiersrelevant du contentieux et mettre à jourles registres;réaliser toute autre tâche relevant de sacompétence ;

Attribution des bureaux :

i.Bureau de répression des infractions:

collecter, traiter, analyser, actualiser etarchiver les informations relatives auxdonnées des procès-verbaux ; exploiterles rapports annuels du ministère encharge des eaux et forêts, des différentesdirections centrales, régionales et del’inspection générale des eaux et forêts;mettre en place les registres de suivi desprocès-verbaux, de vente de gré à gré,des objets saisis et confisqués par lestribunaux tout en assurant leur gestion ; générer une base des données ; réalisertoute autre tâche relevant de sacompétence ;

ii.Bureau de recouvrement, de suivides pénalités et des affairescontentieuses chargé des relationsavec les services judiciaires et autrescorps habilités.

La nécessitéd’uneamélioration desservices et desmécanismes derecouvrementdes pénalitésliées au secteurforestiercongolais estjustifiée par lesfaiblessesidentifiées, ence qui concerneaussi bienl’action desserviceshabilités qued’autres corpsimpliqués.

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Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

collecter, traiter, analyser, actualiser, etarchiver les informations relatives auxpénalités forestières et/ou de chasse ;exploiter les rapports du ministère deseaux et forêt, des directions des forêts etde la faune, des directions régionales deseaux et forêts ;mettre en place les registres ducontentieux, des procès-verbaux ettransactions, des jugements en matièredes forêts et de la faune rendus par lestribunaux, des bons à percevoir et detransmission des transactions non libéréesavant date échue au parquet et suivre lesjugements rendus ;modéliser et structurer les données enmatière de transaction ;générer une base des données ;proposer des mécanismes nécessaires àl’amélioration de la gestion ducontentieux.

b. Le renforcement des moyensdes directions centrales desforêts, de la faune, desdirections régionales et desbrigades

Les moyens tant humains, financiers quematériels mis à la disposition des servicesde répression et de recouvrement despénalités sont, comme déjà mentionnéprécédemment, très insuffisants. Cettesituation constitue une contrainte majeureen matière d’action de terrain et rend parconséquent moins efficace lerecouvrement des pénalités forestières etde chasse.

Un renforcement des moyens d’actions desdifférentes entités chargées durecouvrement des pénalités devrait doncavoir pour conséquence l’amélioration desperformances. Cela voudrait donc direqu’au plan matériel et financier, ilfaudrait:

- l’affectation des moyens roulants etfinanciers (2 véhicules par directionrégionale et un véhicule par brigade tousles deux ans) ; à ces moyens, seraientadjoints des vélos tout terrain, sansomettre des moyens financiers suffisants.

- l’habilitation du personnel recruté parles projets de conservation et lesconcessions forestières dans le cadre desUnités de Surveillance et de Lutte antibraconnage (USLAB). L’étude de casréalisée par MM. Venant Tchoukomakouaet Grégoire Jiogue dans le cadre deECOFAC et les négociations engagées parle Gouvernement avec la Banquemondiale et le FMI dans le cadre duCrédit d’Urgence et de RelanceEconomique (CURE) sont des optionsalternatives tangibles dans la solution auproblème.

c. L’implication des ONG etAssociations de conservation etde l’environnement

On a noté que le recouvrement despénalités forestières ne semble pas jusquelà retenir l’attention des agents du corpsdes eaux et forêts, ce qui explique leurfaible niveau de recouvrement. Lanécessité de mener des actions desensibilisation à l’égard des sociétésd’exploitation forestière, pour unemeilleure prise en compte de cettepréoccupation, apparaît comme une bouéede sauvetage. Cette idée est soutenue parle ministre de l’Economie forestière et del’environnement, avec qui l’auteur a euentretien le 6 février 2003.Le ministre a exprimé son désir voir lesONG et les associations concourir à l’actiondu gouvernement, dans le cadre de sonprogramme de conservation des forêts etdes aires protégées. Pour matérialiser sespropos, 16 textes réglementaires portantapplication du Code forestier ont été misà la disposition de l’auteur et d’autresONG.

d. L’implication desCommunautés locales etautochtones.

La sensibilisation et l’éducation descommunautés locales et autochtones, dugrand public aux questions des pénalitésforestières et de leur recouvrementpourraient également être envisagées aumoyen de séminaires et ateliers deformation, projection de films, d’images etd’affiches commentées.

Un renforcementdes moyensd’actions desdifférentesentités chargéesdu recouvrementdes pénalitésdevrait doncavoir pourconséquencel’améliorationdesperformances.

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Cependant, un tel programme nécessitedes moyens qui ne sont pas disponiblespour l’instant.

e. L’implication directe desservices des finances

Le Service des Domaines et duTimbre devrait être impliqué dans lerecouvrement des amendes issues desdécisions judiciaires rendues enapplication de l’alinéa 2 de l’article 170du code forestier pour éviter lesfrustrations, les querelles et les conflitsde compétence. Toutefois la collaborationentre ce Service et le Service des eaux etforêts a toujours existé surtout pour cequi concerne les pénalités forestières etde chasse.

f. L’implication de l’observatoireindépendant

• Le faible niveau de recouvrement despénalités forestières noté (tableaux 2)pourrait aussi trouver une solution enimpliquant l’observatoire indépendantdont l’importance et l’intérêt en matièrede crédibilité du pays vis-à-vis desinstitutions financières et programmesinternationaux comme le PPTE au niveauduquel le Congo a présenté un dossiern’est plus à démontrer. Mais un tel engagement vers cemécanisme suppose une meilleuredéfinition des responsabilités dans sa miseen œuvre. Ainsi, le rôle de l’observateurindépendant pourrait être défini commesuit :Contribuer à la circulation del’information sur le recouvrement et lecontrôle des pénalités au niveau local,national et international en vued’améliorer la transparence ;Faciliter la mise au point d’un systèmeinformatisé de suivi du contentieux et desmissions de vérité de terrain pour ce quiest du contrôle et d’autres actions degestion.

• Les objectifs de l’observationindépendante seraient : Assurer l’objectivité et la transparencedes opérations de contrôle et derecouvrement des pénalités forestièreseffectuées par l’administration forestière

et le service des domaines et du timbre ;Renforcer les capacités opérationnelles ducorps des agents des eaux et forêts grâceà l’application et à l’amélioration desprocédures ;analyser les clarifications sur les modalitésde contrôle et de recouvrement au traversdu rôle des différents acteurs impliqués etle suivi d’un référentiel précis desinfractions et pénalités, établi sur labase du cadre légal et réglementaire envigueur ;Aider le suivi de la mise en œuvre desrecommandations et décisions desmissions de contrôle et de recouvrementqui seront entreprises par les différentesdirections de l’administration des eaux etforêts avec l’assistance de l’observateurindépendant ;

Il faudra donc définir le mandat del’observateur indépendant, notammentcelui-ci pourrait être le suivant :Participation comme membre à toutes lesmissions de contrôle et de recouvrementdes pénalités ;accès libre et sans autorisation préalableau contrôle de tous les documents relatifsau contrôle et au recouvrement despénalités ;présence de l’observateur indépendantlors de l’audition des délinquants pour laformulation des procès-verbaux ;accès de l’observateur indépendant auxdifférents titres relatifs à l’évacuation desbois et/ou des produits de la faunesauvage ;participation de l’observateurindépendant aux réunions d’attributionsdes titres d’exploitation et de validationdes différents rapports ;Le droit de l’Observateur indépendant depublier ses rapports ; etc.

g. L’amélioration durecouvrement des pénalitéspar la sensibilisation etl’éducation des redevables etdes agents de recouvrementdes pénalités forestières

L’on a déjà pu noter que les pénalitésinfligées en matière des forêts ne sont passuffisamment dissuasives, ce qui expliquela récidive et l’inobservation des

La nécessité demener desactions desensibilisation àl’égard dessociétésd’exploitationforestière, pourune meilleureprise en comptede cettepréoccupation,apparaît commeune bouée desauvetage.

Recouvrement des pénalites liées au secteur forestier congolais

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dispositions légales et réglementaires. Acôté de cela, il faut aussi noter lanégligence de la part de certains agents ducorps des eaux et forêts, qui contribue àfavoriser de tels agissements rétrogrades.Il est donc nécessaire d’organiser descampagnes de sensibilisation etd’éducation accrues et régulières àl’endroit des acteurs précités. Les actionsseront a priori celles déjà décrites au souschapitre implication des ONG etAssociations de conservation et del’environnement.

h. L’amélioration des salairesvoire des primes à ristourneraux agents de répression et derecouvrement des pénalitésforestières

Les personnels habilités à réprimer lesinfractions forestières et à recouvrer lespénalités requises ont leur conscienceexposée à ce qu’il conviendrait d’appelerla corruption lente ou active.Si, sur le plan des primes, les textesactuellement en vigueur en matière degestion des forêts donnent une indicationsur les avantages à ristourner aux agentsde répression, la situation salariale pour cequi concerne la rémunération des agentspublics est encore un problème à résoudre.Nous réitérons les pistes de solutionssuivantes :

- le relèvement du point indiciairede son niveau actuel 160 à 210comme souhaité à la conférencenationale souveraine ;

- l’avancement à l’échelonsupérieur avec effets financiers ;cela voudrait dire que lasituation actuelle qui perduredevrait faire l’objet d’un acteadministratif;

- la suppression du prélèvementd’environ 28% opéré sur lessalaires de certains agentspublics.

Cette proposition est fondée sur lesdémarches entreprises par leGouvernement avec les institutionsinternationales (Banque Mondiale et FMI)au travers des exercices comme, le Crédit

d’Urgence et de Relance Economique(CURE) et l’Initiative des Pays pauvres trèsendettés (PPTE).

i. L’amélioration de la procédurede calcul de la transaction

Les dispositions des articles 134, 135, et136 de la loi 16-2000 (code forestiercongolais) indiquent les fourchettes autravers desquelles les autoritéscompétentes qui ont la charge de transigerdoivent se conformer.

Il ressort malheureusement que cesdispositions restent muettes sur lesparamètres de calcul des amendestransactionnelles, raison pour laquellenous proposons la formule suivante :Transaction = X + Y + Z + Q où : X = la valeur mercuriale du produit ;Y = le droit du permis / convention ou de

la licence éventuellement ;Z = le manque à gagner de l’Etat c’est-à-

dire (X+ Y) majoré des 130% ;Q = la somme engagée pour la recherche

et l’arrestation du délinquantéventuellement.

6. Conclusions et recommandations

a. Principales conclusionsL’administration des eaux et forêts disposed’un cadre légal et réglementaire qui vientd’être entièrement complété par une sériede 16 textes d’application publiés le 31décembre 2002. Ce cadre presque completpour la gestion durable des ressourcesforestières et fauniques offre desdispositions qui impliquent tous les acteurs(Etat, ONG et Associations, Communautéslocales et autochtones et secteur privé). Les volets répression des infractions etrecouvrement des pénalités forestièressont suffisamment documentés etprévoient certains avantages, notammentle produit des affaires contentieuses (30%)qui sera distribué aux agents des eaux etforêts et à toute autre personne qui auraparticipé aux activités de répressions (art.172).

Malheureusement, le recouvrement despénalités forestières reste encore un

Les personnelshabilités àréprimer lesinfractionsforestières et àrecouvrer lespénalitésrequises ont leurconscienceexposée à cequ’ilconviendraitd’appeler lacorruption lenteou active.

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problème. Il est nécessaire d’envisager denouveaux mécanismes, pour faire en sorteque cette activité contribue réellement àaméliorer les recettes de l’Etat,nécessaires à assurer le développement del’inter-land où les communautés locales etautochtones vivent dans une pauvreté etune précarité extrêmes.

b. Les principalesrecommandations

Législation et institutions

Il est recommandé :

• La mise en place au sein desDirections centrales (direction des forêtset direction de la faune) et directionsrégionales, un service chargé ducontentieux. Ce service devra comprendredeux bureaux (a) de répression et (b) derecouvrement, du suivi des pénalités etdes affaires contentieuses.

• L’institution de 9 registres (grandcontentieux, procès-verbaux, transactions,

procès- verbaux de vente de gré àgré, d’objets saisis, detransmission des affaires dans lestribunaux, etc.).

• Le renforcement des moyenshumains, financiers et matériels del’inspection générale des eaux et forêts,des directions centrales et régionales puisdes brigades.

La relecture de la situation salariale desagents du corps des eaux et forêts voiredes avantages matériels et financiers pourbannir les comportements rétrogrades.

Le renforcement des effectifs despersonnels du corps des agents des eaux etforêts actuellement ramené à la portioncongrue de 319 agents des eaux et forêts.Dans ce cadre, l’intégration dans laFonction publique des personnelscommissionnés des eaux et forêts enservice dans les aires protégées et lesUnités de Surveillance et de Lutte antibraconnage (USLAB) pourrait être dans un

premier temps une bouée de sauvetage.Ce recrutement pourrait être envisagédans le cadre du CURE en négociation avecla Banque mondiale.

L’implication des ONG et associations deconservation et d’environnement dans lasensibilisation des sociétés forestières etdes communautés locales et autochtonessur les pratiques illicites d’exploitation desressources forestières.

La définition des paramètres permettant lecalcul d’amende transactionnelle.

- Ce dispositif répressif et pénalencore récent est applicable à compter de2003 ; il est quelque peu complexe pourles non initiés. Toutefois, il contient toutle dispositif nécessaire pour assurer unegestion durable des forêts si toutes lesconditions sont réunies. Pour cela savulgarisation en milieu d’ONG, du secteurprivé forestier et industriel puis en milieudu grand public est nécessaire. Autrement,les actes de criminalité forestière serontdes plus nombreux.

Conservation et utilisation desécosystèmes forestiers

Il est notamment, recommandé :

- L’établissement d‘un Observatoireindépendant chargé de l’application dela Loi forestière

- Une meilleure implication des ONG etassociations.

- L’implication, la sensibilisation et laformation des communautés locales et

autochtones.

- La sensibilisation des sociétésforestières et cynégétiques fautives etredevables des pénalités forestières.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE44

L’implication desONG etassociations deconservation etd’environnementdans lasensibilisationdes sociétésforestières etdescommunautéslocales etautochtones surles pratiquesillicitesd’exploitationdes ressourcesforestières.

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Chapitre 7

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3e partie

1. Introduction

Dans le cadre de son programme de protection de l’environnement et des populations desforêts, l’Ocdh a bien voulu faire un rapport sur un cas d’exploitation forestière dans laforêt du Mayombe ; plus précisément dans la région du Niari, située au sud-est de laRépublique du Congo. Il met ici en exergue des cas d’opacité dans la gestion, de non-respect de la loi et de violations des droits de l’Homme. Le présent problème, qui n’estpas unique, reflète en fait une pratique généralisée dans le secteur de l’exploitationforestière au Congo.Ce n’est pas un hasard si par exemple la société forestière Hazim-Cristal poursuivie pourexploitation illégale par le gouvernement camerounais - La société Hazim-Cristal s’estillustrée par des pratiques d’exploitation forestière illégale au Cameroun, notammentdans l’UFA 10 030 et 10 029 pour lesquelles il existe même des procès-verbaux (cf. lejournal « Bubinga » de juillet 2002)4 -, s’est déplacée de ce pays pour s’installer auCongo où les images satellites récentes indiquent une exploitation au-delà des limites desa concession.Bien qu’informées, les autorités congolaises ont donné à Hazim une autorisationd’exploitation.Comme pour le pétrole, qui est la première source de revenus du budget de l’Etatcongolais, l’exploitation abusive du bois a des effets négatifs sur les droits despopulations censées bénéficier des retombées économiques et financières qui enrésultent.En outre, le poids du bois et du pétrole dans l’origine des guerres récurrentes au Congoprouvent la nécessité d’une transparence de la gestion de ces ressources.

2. Exploitation forestière par la société Tamann Industrie Limited dans la forêt duMayombe

La société Tamann est une société de droit congolais qui a été créée par desentrepreneurs Chinois. Une convention existe entre le gouvernement et la société Tamanndans le cadre de cette exploitation forestière. Celle-ci s’est faite sur la base de la cessionde concessions ayant naguère appartenu à de petits exploitants congolais. Mais ni leshabitants des localités concernées, ni les travailleurs de cette société n’en connaissentvéritablement la teneur, la convention n’ayant pas été rendue publique. Les responsablesde Tamann importent la main d’œuvre de la Malaisie et des Philippines, considéréecomme l’une des moins chères du monde, plutôt que de la recruter sur place au Congo.L’importation de cette main d’œuvre bon marché se fait au vu et au su des autoritéscongolaises. Ce sont ces travailleurs Malais pour la plupart, qui sont chargés d’évacuer lebois nuit et jour, des chantiers forestiers vers le port de Pointe-Noire.

3. Un parc automobile et à bois impressionnant géré dans l’opacité

A l’arrivée de Tamann Industrie Limited, les pouvoirs publics avaient annoncél’implantation à Makabana d’une scierie industrielle. Une année après, seul un parc à boiset un garage témoignent d’une activité intense. Par convois impressionnants de camions-remorques, les grumes prennent la route de Pointe-Noire, pour y être embarquées, parbateaux, vers leur destination de transformation. Le Congo revit un boum de l’or vert,mais à quel prix ? Mila-Mila est le principal poste de contrôle de la Direction régionale des Eaux et Forêts du

OBSERVATOIRE CONGOLAIS DES DROITS DE L’HOMME (OCDH)RROOCCHH EEUULLOOGGEE NN’’ZZOOBBOO

Exploitation forestière en République duCongo : cas de la société Tamann IndustrieLimited dans la forêt du Mayombe

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Exploitation forestière en République du Congo: cas de la sociétéTamann Industrie Limited dans la forêt du Mayombe

Niari. Il est situé à l’intersection des routespartant des principales zonesd’exploitations forestières (Makabana,Divenié, Mossendjo) en allant vers Pointe-Noire. La société Tamann y dispose d’un

parc à bois de 20 hectares5. A Makabana tout comme à Mila-Mila, lesbilles de bois qui s’entassent à perte devue dans les parcs à bois avant d’êtreembarquées au port de Pointe-Noire, viaHinda, semblent répondre en écho au bruitd’abattage d’énormes troncs d’arbres dansles forêts d’Ingolo à Sibiti, de Mossendjo(plus au nord-est) et de Divenié (au nord-ouest). Jamais de mémoire des habitantsde la région du Niari), leurs routes n’ont vupasser une si forte concentration decamions chargés de grumes qu’àl’avènement de la société d’exploitationforestière Tamann. Le parc automobile,plutôt impressionnant, ainsi que celui del’Union Transport Africa (UTA), affichaitune trentaine de camions remorques de 40tonnes lors de la visite effectuée parl’auteur de ce rapport. Au bas mot, pasmoins de 150 camions remorques Mercedesutilisés pour l’exploitation forestière.

Quand on y ajoute les camions bennes, lesengins de débardage et les 4 x 4, l’on a làune idée des moyens déployés pourl’exploitation du bois.En moins d’un mois, le parc de Mila-Mila,dont l’étendue n’a pas été révélée par sonchef, M. Ling, qui reçoit le bois enprovenance de Mossendjo et Divenié. Enl’absence d’une scierie, l’on peut craindreque l’exploitation intensive ne garantissepas une présence durable de Tamann àMakabana. Ceci suppose donc qu’il n’y aaucune garantie pour les populationsriveraines de ces localitésd’éventuellement bénéficier d’emploisdans cette compagnie.

4. Violation de la législation et corruption

Le Code forestier du Congo limite laquantité de bois à produire chaque année.Par exemple la Sobodi, un sous-traitant deTamann, dispose d’un permis de 70 000hectares à Divénié. Annuellement, sonbénéficiaire direct ou indirect devait y

prélever du bois n’excédant pas 40 000 m3

environ. En 2002, Tamann aurait produit

entre 100 000 et 130 000 m3 de bois. 40 %auraient dû être exportés et le restetransformé sur place. Mais tel n’a pas étéle cas.Et pourtant, à son installation au Congo en1996, la société Tamann avait promisl’implantation d’une scierie à Mila-Mila,conformément à la loi qui dispose qu’unesociété forestière ne peut exporter que 40% du bois brut. Cette scierie n’a pas encorevu le jour et le bois coupé de la région duNiari fait juste escale à Mila-Mila, puis àHinda, avant d’être directement embarquédans les bateaux au port de Pointe-Noiresous forme de grumes.

L’exploitation des forêts par Tamannapparaît comme un modèle de non respectde la loi en la matière, apparemment au vuet au su des responsables officiels locaux.Selon des travailleurs rencontrés sur leschantiers, l’entreprise procéderait à lacoupe de bois hors normes et sansdistinction d’essences. Mais lorsque le faitest rapporté auprès des autorités, aucuneaction n’est entreprise, et pourtant, aucunresponsable départemental de l’économieforestière ou sous-préfectoral n’osedéclarer clairement que les volumesmaxima annuels (VMA) de coupe du boissont respectés par Tamann dans seschantiers.

Il existe plusieurs voies de collusions entrel’Etat et les sociétés forestières engagéesdans l’exploitation des forêts au Congo parlesquelles les sociétés échappent auxsanctions et esquivent le paiement decertaines taxes. Dans le cas de Tamann, et suivant lesaccusations de complicité et deprévarication, l’Administration a reconnules mauvaises pratiques des forestiers.Ainsi, dans le communiqué final de lasession budgétaire du Conseildépartemental tenu à Dolisie du 26 mai au

1er juin 2003, les conseillersdépartementaux ont dénoncé « …lespratiques criminelles des sociétésforestières et la perspective d’unecatastrophe écologique... ». Ils se sontinquiétés de la cadence d’exploitation dessociétés forestières qui non seulement nerespectent pas les termes de référence descahiers de charge, mais mettent également

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à mal l’écologie. On peut lire le passagesuivant dans ledit communiqué : « Lesforestiers, notamment Tamann et Man FaiTai, exploitent librement le bois dansnotre département sans tenir compte descahiers de charge. Aussi, si l’on n’y prendgarde, au bout de quelques années, lazone forestière du département du Niarisera désertique. pour remédier à cettepratique qui ne favorise nullement notredépartement, le Conseil a recommandéavec fermeté que ces forestiers dansl’exercice de leurs fonctions respectentstrictement les lois et règlements de laRépublique ». En conséquence, ce Conseila mis en place une commission d’enquêtede sept (7) membres sur l’exploitationforestière dans le département.Seulement, la pratique veut qu’au Congo,les commissions d’enquêtes ne rendentjamais publiques leurs conclusions.

5. Violations des droits des travailleurs

Les sociétés forestières ont la réputationde mal payer leurs travailleurs. Leshoraires de travail sont si contraignants etmal calculés que les employés ontl’impression d’être pressés comme ducitron. La journée de travail commence à7h et s’arrête officiellement à 17h, avecune pause de 11 à 13h. En réalité, letravail finit entre 20 et 22h et pour ceuxdu garage, jusqu’à minuit, alors que trèssouvent seules 8 heures sont pointées.Quand l’on sait que ces personnestravaillent tous les jours à l’exception dudimanche, il n’est pas surprenant que lestravailleurs de cette entreprise aient lesentiment d’être tenus en esclavage. Lavie est réduite au rythme de boulot-dodo-boulot, peu favorable à une vie familiale,stable, ce qui occasionne bien desdémissions. A Makabana, les employées deTamann ont été surnommés “bangamba”(esclaves). Un travailleur s’est plaint dufait que « cela se passe comme si l’onétait rentré au temps des colonies ».En outre, la vie syndicale y est presqueinexistante. M. Joseph Koumba, lesecrétaire général de la Fédérationsyndicale des travailleurs des forêts de larégion du Niari, affirme que la sociétéTamann se livre à des entraves à la libertésyndicale. En février 2003, la société aprocédé au licenciement abusif de quatre

employés au motif qu’ils avaient été éluscomme délégués syndicaux (conformémentau protocole d’accord préélectoral prévupar la convention collective des eaux etforêts). Ce licenciement s’est déroulé auvu et au su des autorités régionales,notamment le sous-préfet de Makabana,Jean François Ngembo et le directeurrégional du travail M. Rémi Bawawana. Lasociété Tamann Limited n’a jamais donnésuite à la requête qui leur avait étéadressée par la Fédération syndicale destravailleurs des forêts face à celicenciement.

Au-delà des licenciements, il existe unsystème de « surveillance » au sein de lasociété. L’entreprise n’hésite pas àrappeler leur vigilance aux employés. Lesemployés ont reçu pour instruction de nefaire entendre aucune plainte sur lesconditions de travail, encore moins surleurs droits. La société va jusqu’à narguerles agents de l’Inspection du travail enmission, arguant qu’elle ne souhaitediscuter qu’avec les « gros gros patrons ».Les syndicalistes agréés sont ceux choisispar la direction et non par les travailleurs. Les travailleurs affirment qu’ils ont dûsigner la feuille des horaires accomplissous pression sans avoir la possibilité devoir ce qui a été coché. Un routier nous aconfié : « C’est parce que trouver dutravail après la guerre est difficile, il y a

Exploitation forestière en République du Congo: cas de la sociétéTamann Industrie Limited dans la forêt du Mayombe

Reconstruction de la route Abong Mbang - Lomié. Au Cameroun aussi, les routes souffrent.

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peu d’entreprises. Nous sommes obligésde nous accrocher à de telles entreprisesafin de faire face aux obligationsfamiliales ; sinon j’aurais déjà claqué laporte. C’est une prison qui de surcroîtpaie mal». La situation des chauffeurs de camions-remorques est la plus difficile. Pour avoirun salaire honorable, Ils sont obligés demultiplier le nombre de voyages. L’und’eux, qui voyageait seul, sans « motorboy», a réussit à faire, sans se soucier dusommeil réparateur, dix-huit tours jusqu’àHinda en l’espace d’un mois. Il reçut unsalaire de 400.000 FCFA environ, ce qui,comparé au salaire reçu pour un travailidentique chez un autre employeur, prèsd’un million de francs, n’était quemiettes.

6. « Laxisme » des autorités dans lecontrôle des activités de TamannIndustrie Limited

Le contrôle des activités de TamannIndustrie limited relève de la pureformalité. Par exemple à Mila-Mila,principal poste de contrôle de la Directionrégionale des Eaux et Forêts du Niari, faitoffice de chambre d’enregistrement. On apu constater que les agents des Eaux etForêts qui y sont affectés se déplacentrarement de leurs bureaux pour allerinspecter les véhicules stationnés, niprocéder à la comparaison de ladéclaration de chargement avec lamarchandise réelle contenue dans lesditsgrumiers. Ils oublient très souvent devérifier que la feuille de route à euxsoumise par les routiers est conforme auxchargements déclarés. Selon lesconfidences des routiers eux-mêmes, ces

camions emportent entre 70 et 120 m3

par chargement. En quelques jours passésen observation à Mila-Mila, a permisd’établir que le volume maximal annuelautorisé est de loin largement etsystématiquement dépassé.De plus, alors que l’essentiel de l’activitése déroule dans la région du Niari, lasociété Tamann paie ses impôts à Pointe-Noire où, jusqu’en juin 2003, lescertificats d’origine étaient établis.

Sans compter le laxisme qu’il affiche dansle contrôle des conditions d’exploitation

du bois et de traitement des travailleurs,le gouvernement congolais est incapabled’exiger que la société respecte sesobligations de faire de la transformationsur place du bois, afin de créer et lavaleur ajoutée, et l’emploi pour lespopulations locales. Pendant plusieurs années, la sociétéTamann a prélevé le bois de la forêt sur labase de contrats avec de petitsexploitants bénéficiaires de petits permis,octroyés pour une durée de sept ans avecun volume maximum annuel (VMA) précisdans la coupe pendant la durée du permis.Or, le code forestier congolais ne prévoitpas le fermage ou location de permis à untiers. Il se pose alors la question de lalégalité des activités qui ont été réaliséespar Tamann avant la signature, endécembre 2002, d’une conventiond’exploitation forestière avec legouvernement congolais.Les partenaires de Tamann, propriétairesdes permis concernés, sont : la sociétédes Bois de Divenié (Sobodi, 70 000hectares), Afriwood (35 000 hectares),Koumba Bernard (17 000 hectares),(Ingolo, Sibiti), la société Industrielle desBois du Niari (Sibn, ex Sibom) àMossendjo, Boplac à Mbouyi, la sociétéForestière Goma Gaston et compagnie(Sfgc). Ce sont les Congolais qui ont étéincapables de mettre en valeur les permisqui leur ont été octroyés. Mais il demeureque cette cession est illégale.

En principe, quand un permis n’est pasexploité, il devrait retourner au domainepublic. Il n’apparaît nulle part qu’uncontrôle sérieux a été fait pour s’assurerque le volume annuel de coupe ( tel queprescrit par la loi) a été respecté parTamann. Les autorités du Gabon ontobservé par les satellites de surveillanceque Tamann a exploité au-delà deslimites à Divenié, où les abatteurs sontentrés en territoire gabonais, créant desincidents.

7. Dégradation du couvert forestier, desinfrastructures routières et del’environnement

L’exploitation rapide et intensive de laforêt par Tamann est particulièrementpréoccupante, d’autant plus que

Les employésont reçu pourinstruction de nefaire entendreaucune plaintesur lesconditions detravail, encoremoins sur leursdroits.

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l’écologie forestière a déjà été affaibliepar d’anciennes exploitations. De plus,L’exploitation de bois hors normes rendincertaine la possibilité de voir celle-ci serégénérer.Autre sujet d’inquiétude, les dégâtscausés sur les ponts et la route par untonnage si important des véhicules de lasociété. Les voies empruntées par lescamions-remorques d’UTA et de Tamannont été agrandies, mais l’entretiendemeure quasi-inexistante. Les tronçonsMakabana-Mila-Mila ou Divenié,précédemment couverts de latérite, sontcomplètement décapés, donnant naissanceà d’épaisses couches de poussière ensaison sèche pouvant atteindre 30centimètres.

Pendant la saison des pluies ce sont là desbourbiers en perspective que seuls lespoids lourds peuvent franchir. Les 63,5 kmde route qui séparent Dolisie et Mila-Milan’ont pas été entretenus depuis 1997 etest devenu un bourbier. Ainsi, en février 2003, des parlementairesdes disctricts de Kibangou (DamienBoussoukou Boumba) et Divenié (claudeEtienne Massimba) ont dû faire denombreux détours d’environ 170 km pouratteindre leur circonscriptions respectives,malgré le fait qu’ils roulaient en 4x4, ceque ne peuvent s’offrir leurs concitoyensou les compagnies locales de transport.L’on affirme que Tamann va, dans unavenir proche, utiliser la route Itsotso-Leboulou-Kibangou pour le transport desgrumes venant de Mossendjo.

La grande crainte, c’est que lorsqu’il seraopérationnel, ce tronçon souffre de lamême destruction que les précédents.Sur la nationale N°3 qui part de Dolisie auGabon en passant par Mila-Mila, Kibangouet Loubeti, se trouve un édifice, le pontsur le Niari, construit en 1949 et destiné àrecevoir à cette époque une chargemaximale de 35 tonnes. Environ 400camions remorques chargés de grumiers dela société Tamann ou de son sous-traitantUTA (United Transport Africa), de Man FaiTai ou de la Société des TransportsTerrestres (STT) font régulièrement cetteligne pour évacuer le bois au port dePointe-Noire, et ce, dans une file indiennede trois à quatre camions. Le pont sur le

Niari qui subit le va et vient incessant de

ces engins qui embarquent entre 70 m3 et

120 m3 de chargement a subi aujourd’huiune dégradation inquiétante. Ce pontaujourd’hui laisse apparaître des grandesfissures et des nids de poule sur le béton.Parlant de ponts, l’incidence est déjàvisible sur ceux des route-rails du Niari etde la Louessé à moins de 10 km deMakabana. Le besoin d’emporter le plus detonnage par les routiers pour êtrecertainement mieux rémunérés entraînesouvent des surcharges qui font des dégâtssur les deux ponts en fer qui ne sont plusd’ailleurs entretenus depuis le départ dela Comilog. Le problème c’est que le tropplein des chargements, non seulementcause des dégâts au niveau des deux ailesdes ponts, mais jusqu’à leur charpente.

8. Conclusions et Recommandations

La zone entière sous licence de Tamanndépasse 100 000 hectares, et représentede ce fait une substantielle ressourceforestière. Cependant, les populationslocales ne gagne pas grand chose en termed’emplois, et le seul bénéfice qu’ils en onttiré jusqu’ici est une nouvelle route qui vajusqu’à Pointe-Noire. Mais les ponts decelle-ci ont été fait à la hâte, pour laplupart avec du bois, et ne va pas êtred’un long profit.

Au regard de ce qui précède, l’Ocdhrecommande au gouvernement congolais :

de publier les conventions signées etautres concessions accordées à la sociétéTamann Industrie Limited et les soumettreà une revue juridique ;

de requérir l’implantation, par TamannIndustrie Limited, d’une structure detransformation du bois à Makabana, en vuede permettre une garantie d’emplois pourles populations riveraines de ces localités;

de commettre une mission d’inspection duministère du Travail dans les sites deTamann Industrie Limited en vued’enquêter sur les allégations de violationsdes droits des travailleurs qui s’ycommettent et sanctionner lescontrevenants conformément à la

« C’est parceque trouver dutravail après laguerre estdifficile, il y apeud’entreprises.Nous sommesobligés de nousaccrocher à detellesentreprises afinde faire faceaux obligationsfamiliales ;sinon j’auraisdéjà claqué laporte. C’est uneprison qui desurcroît paiemal»

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE50

législation du travail en vigueur au Congo;

d’exiger de la société Tamann IndustrieLimited la reconstruction des routes etponts ayant subi une dégradation rapidedu fait de son activité ;

de renforcer les mesures forestières decontrôle et de taxes et de suivi desactivités de la société Tamann IndustrieLimited au Congo.

AFLEG doit prendre en compte le fait queles opérations forestières doiventrespecter les lois nationales en matièred’emploi aussi bien que les lois etrèglements forestiers. L’on doitreconnaître que, sous le prétexted’impératifs humanitaires d’amélioration

des conditions de vie, des industriesdangereuses et mal-payantes peuvents’installer, occasionnant mauvaisesconditions de travail, corruption,mauvaise gestion des ressourcesforestières et à des problèmes tels que lebraconnage, etc.Les infrastructures dans plusieurs partiesde la zone forestière du Bassin du Congosont en piteux état. AFLEG doit faire ensorte que les compagnies forestièressoient tenues de payer pour les dégâtsqu’elles causent aux infrastructures.

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3e partie

1. Introduction

Depuis le 29 août 2002, la République démocratique du Congo s’est dotée de la loi n°011/2002 du 29/08/2002 portant code forestier.La nouvelle loi marque une grande réforme en matière de politique forestière en Rdc, enremplacement de l’ancienne qui datait elle de 1949.L’élaboration d’une loi est une chose, son application en est une autre. La présente étudede cas met l’accent sur les dispositions relatives aux communautés locales et essayed’apprécier l’applicabilité à ce niveau, en insistant sur le fonctionnement du droitd’usage, de possession et celui d’être consulté pour les décisions importantes en matièrede gestion de la forêt. En clair, il sera question d’analyser sommairement le contenu ducode, et de dégager les articles clés qui parlent des communautés locales en identifiantles points forts et les points faibles. L’étude s’inspire de travaux effectués sur le terrain,dans la forêt de Mayombe dans le Bas-Congo, où le Code a été discuté avec lescommunautés et les ONG locales.

2.Contexte : La spécificité de la forêt de la Rdc

La forêt de la République Démocratique du Congo couvre une surface estimée à 125millions d’hectares, qui représentent environ 52% du territoire national. La forêtcontribue pour beaucoup à l’économie congolaise, et joue un rôle important dansl’équilibre écologique. La Rdc occupe une position stratégique dans la région, ce qui faitque si le pays lui-même n’assure pas une bonne gouvernance du secteur, d’autres acteursinternes ou externes peuvent s’en occuper d’une façon ou d’une autre, avec toutes lesconséquences de manque à gagner qui peuvent en découler.En d’autres termes, le gouvernement de la Rdc est conscient du rôle joué par sonécosystème forestier dans l’équilibre de la biosphère aussi bien au niveau nationalqu’international. Cette conscience se traduit par la signature de nombreuses conventionspar l’Etat congolaisL’important est maintenant de développer les politiques de gestion durable des forêts.Mais le pays risque de connaître, en raison de ressources financières très limitées, desproblèmes sérieux de gestion et de valorisation de ses ressources fauniques etfloristiques.Rien que dans le Bas-Congo, un inventaire des sociétés forestières fait par le GTFdénombre environ 11 exploitants opérationnels. Il en existe beaucoup d’autres dans lesprovinces de Bandundu, Equateur, Katanga, les deux Kasaï (sous le contrôlegouvernemental), ainsi que le nord-Kivu, sud-Kivu, Maniema et une partie de l’Equateur(sous contrôle rebelle).

3. Les innovations importantes du nouveau Code forestier

La nouvelle loi a apporté des innovations notables :

1) La création de trois catégories de forêts : - Forêt classée ;- Forêt protégée ;- Forêt de production permanente

2) La création d’un cadastre forestier au niveau national et provincial :

Chapitre 8

GROUPE DE TRAVAIL FORÊTS/CONSEIL RÉGIONAL DES ONG DE DÉVELOPPEMENT (GTF/CRONGD)BBIIEENNVVEENNUU NNGGOOYY IISSIIKKIIMMOO

Applicabilité du code forestier Congolais :cas des dispositions relatives auxcommunautés locales

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3) La création des Comités consultatifs4) Les avantages sociaux aux communautés

de base5) La promotion d’un programme de

recherche en foresterie

4. Dispositions clés relatives auxcommunautés locales

Il convient de noter que l’un des méritesdu nouveau code forestier congolais estd’avoir tenté de rapprocher le droitcoutumier en matière de terre au droitmoderne. Même si le nouveau code souligne que lesforêts congolaises constituent la propriétéde l’Etat, les droits d’usage, de possessionet de jouissance sont désormais codifiés.Ce qui constitue une avancée significativeen faveur de ce que la loi qualifie de«communauté locale ».

a) Le concept de communauté localeLa loi définit la communauté locale commeétant une population traditionnellementorganisée sur la base de la coutume et uniepar les liens de solidarité clanique ouparentale qui fondent sa cohésion interne.Cette communauté est caractérisée enoutre par son attachement à un territoiredéterminé (page 4 du code).Dans la forêt de Mayombe, cette définitionobéit à la pratique en matière de pouvoirsur les forêts. C’est donc autour du clanque les affaires de la forêt se gèrent, bienque l’Etat joue aussi son rôle.

b) Du droit d’usage, de possession, dejouissance et de consultationDepuis la période coloniale, l’Etat s’esttoujours présenté comme étant lepropriétaire des forêts. Lles droits depropriété des communautés locales n’ontété perçus que comme un droit de fait. Lenouveau code prévoit des dispositionsréglementaires sur l’exercice desditsdroits.

Ci-dessous l’analyse du Code en respect deces droits :

- Le droit d’usageL’article 36 stipule que les droits d’usageforestiers des populations qui vivent àl’intérieur ou à proximité du domaineforestier sont ceux résultant de coutumeset traditions locales pour autant que ceux-

ci ne soient pas contraires aux lois.Les textes autorisent les populations àprélever les ressources forestières en vuede satisfaire leurs besoins domestiques,individuellement et collectivement.La loi souligne que même dans les forêtsclassées, les droits d’usage peuvent êtreexercés dans le respect de celle-ci.L’article 44 dispose que les populationsriveraines d’une concession forestièrecontinuent d’exercer les droits d’usage surla concession dans la mesure de ce qui estcompatible avec l’exploitation forestière àl’exclusion de l’agriculture. Dans certaines contrées étudiées dans laforêt de Mayombe, il est possibles de fairede l’agriculture dans une concession, carce qui préoccupe l’exploitant forestierc’est la ressource bois qu’il tire.Cependant, le Code exclut l’agriculture cequi est une grande faiblesse, car ellepermet de faire vivre les paysans.

- Le droit de possessionL’article 22 souligne qu’une communautélocale peut, à sa demande, obtenir à titrede concession forestière, une partie ou latotalité des forêts protégées parmi lesforêts régulièrement possédées en vertu dela coutume. Signalons en outre que lesmodalités d’attribution des concessions auxcommunautés locales doivent êtredéterminées par un décret présidentiel.Les articles 7 et 9 font allusion aux droitsdes communautés locales de disposer enpropriété les arbres situés dans un villageou dans son environnement immédiat. Cesarbres peuvent faire l’objet d’une cessionen faveur de tiers.L’article 25 mentionne que la gestion desforêts classées par exemple peut êtreconfiée à des personnes morales ou desassociations en vue soit de les valoriser oud’exercer des activités d’utilité publique.

- Le droit d’être consultéL’ article 29 du Code consacre le droit dupublic d’être consulté par les mécanismesde création des Comités consultatifs auniveau national et provincial.L’article 15 oblige aussi le président de laRépublique à consulter les communautésriveraines avant tout classement desforêts.Notre étude dans la forêt de Mayombemontre que certains exploitants forestierset des trafiquants artisanaux de bois

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE52

Applicabilité du code forestier Congolais :Cas des dispositions relatives aux communautes locales

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 53

pratiquent des consultations «informelles»avec les communautés, même s’ils ontreçu de l’Etat tous les permis nécessaires.Très souvent, ils payent ce qu’on appelle«droit coutumier » ; tantôt en nature,tantôt en espèces. Ce qui est regrettablec’est que le montant ou les biens remisdans ce cadre sont insignifiants parrapport aux bénéfices que ces exploitantsréalisent. En fait, après avoir payé lestaxes de l’Etat, le bois est coupégratuitement.

- Le droit de jouissanceL’article 89 prévoit que les sociétésforestières qui exploitent une contréedonnée réalisent des actions sociales aubénéfice des populations riveraines(construction de routes, d’écoles,d’hôpitaux, etc.). Dans la pratique, lessociétés forestières ont du mal àl’appliquer. La plupart estiment quecomme elles payent les taxes à l’Etat,c’est à l’Etat de s’occuper des services etdu développement social.Dans la forêt de Mayombe, il est clair queles communautés s’inquiètent du fait quetrès peu de compagnies se préoccupentdes problèmes de développement et dubénéfice social de leur présence. Ilsconsidèrent que les sociétés d’exploitationforestière ne vont pas mettre enapplication les nouvelles articles du Code,sauf si l’Etat est prêt à faire appliquerdes sanctions fermes à l’encontredes contrevenants.

5. Obstacles à l’application ducode

-L’application des dispositionsrelatives aux communautés debase du nouveau code forestiercongolais fait face à quelquesobstacles qui ne sont pas tousexposés dans la présente étude :

-L’application effective pourbeaucoup de dispositions dépenddes mesures d’application àprendre sous forme d’arrêtés, desdécrets à signer soit par leprésident de la République soitpar le ministre ayant en charge laforêt. Ces mesures d’applicationseront nombreuses.

-Pour les droits d’exploitation reconnus àla population, la tendance est toujours àla cession à cause du manque de moyens.

-Il sera difficile d’appliquer une loi qu estsi peu connu du public.

-Les sociétés forestières vont continuer decroire que, les obligations relatives auxretombées sociales de l’article 89, sontcompensées par les taxes qu’elles payentà l’Etat.

6. Pistes pour une bonne application desdispositions relatives aux communautéslocales

Il faut une meilleure prise en compte despréoccupations liées aux avantages quedoivent tirer les communautés locales deleurs forêts dans le Code. De plus, l’écartpeut être réduit entre le droit coutumieret le droit moderne par une mise enœuvre appropriée du Code. Plusieurspratiques locales réputées informelles ontété codifiées dans les rapports entre lebesoin d’affirmation ds droits despopulations locales, de conservation etd’exploitation.

Pour une meilleure application du Code etdes opportunités qu’il offre, ceci devrait

Applicabilité du code forestier Congolais :Cas des dispositions relatives aux communautes locales

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être pris en compte :

La bonne foi des pouvoirs publics estrequise. L’Etat est perçu comme garant durespect des lois mais par moments il brillepar les violations et se comporte en jugeet partie.

La bonne foi des exploitants forestiers estaussi requise. Pour l’instant, ils sontperçus par moment comme préoccupésuniquement par la recherche effrénée duprofit, sacrifiant ainsi l’équilibreécologique et la survie présente et futurede la population.

L’urgence doit être accordée à lavulgarisation et la diffusion du nouveau

code forestier. Les Ong pourraient jouer unrôle actif à ce niveau. Le Code doit êtrepublié et disséminé dans les quatrelangues nationales (Kikongo, Swahili,Tshiluba et Lingala).

L’accélération de la rédaction des mesuresd’application doivent associer desconsultations attentives et minutieusesavec la société civile. Les Chefscoutumiers doivent être informés etsensibilisés.

La prise de sanctions exemplaires pourgarantir les meilleurs rapports entre diversacteurs et promouvoir l’harmonie sociale.

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE54

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 55

4e partie

Chapitre 9

CENTRE POUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT (CED)SSAAMMUUEELL NNGGUUIIFFFFOO

Loi, transparence, responsabilité et droitsdes citoyens dans les forêts camerounaises

La forêt constitue au Cameroun une ressource nationale. Les produits dont elleregorge (bois, produits forestiers non ligneux, gibier) sont utilisés au-delà de la zoneforestière. Une étude menée en 1995, dans le cadre du Plan National de Gestion de

l’Environnement, sur l’utilisation de la biodiversité au Cameroun, indique que la valeurdes produits forestiers de toute nature utilisés au Cameroun représente plusieursmilliards de francs CFA.L’objectif de ce texte est de fournir une brève description des dispositions de la nouvelleloi favorables à la gestion transparente du secteur, et de tenter, presque 10 ans aprèsl’adoption de la loi forestière de 1994, une évaluation rapide de son application à l’aunedes exigences de la gestion transparente des ressources et des espaces forestiers. Celaconcerne plus en détail certaines des difficultés de la mise en œuvre des droitsprocéduraux au Cameroun, et comment elles contribuent à la gestion « opaque » desforêts et la multiplication des pratiques illégales.

1. La loi de 1994 : des progrès dans la promotion de la transparence ?

Amorcé dès les premières années de l’ajustement structurel au Cameroun (1988), laréforme de la loi forestière visait, entre autres objectifs, l’amélioration de latransparence dans la gestion du secteur (attribution des droits d’exploitation, contrôle durespect de l’exploitation, etc.). Il s’agissait de garantir une rentabilité optimale de lagestion des forêts pour l’Etat.Comparée aux lois forestières précédentes, et aux textes régissant l’accès aux autresressources naturelles (mines, pétrole par exemple), la loi de 1994 constitue sans contesteune importante avancée en matière de promotion de la transparence. Elle définitclairement les modalités d’attribution des titres d’exploitation, et met en place unsystème pouvant permettre une égalité des chances entre les différents postulants.

a. L’adjudication publique, mode légal d’accès à la ressourceMettant un terme aux attributions de gré à gré qui avaient cours sous l’empire del’ancienne loi forestière, la loi de 1994 impose l’adjudication publique comme mode dedroit commun d’accès aux titres d’exploitation forestière. La loi des finances impose untaux plancher pour les offres des candidats (1000 francs CFA/hectare pour lesconcessions, et 2500 francs CFA/hectare pour les ventes de coupe).

b. La publication préalable des critères de sélectionLes critères de sélection des offres font l’objet d’un arrêté du ministre del’Environnement et des Forêts, qui a connu une large diffusion au sein de la professionforestière. Ces critères insistent sur des paramètres techniques et financiers, et indiquentles modalités de la pondération des capacités techniques, des engagements antérieurs etdes offres financières des candidats.

c. L’institution d’un observateur auprès de la commission d’attribution des titresd’exploitation forestière

La commission interministérielle d’attribution des titres d’exploitation forestière disposeen son sein d’un Observateur indépendant, dont la tâche est de contrôler la régularitédes délibérations et des décisions de la commission. L’Observateur dresse un rapport auministre de l’Environnement et des Forêts à l’issue de chaque session de la commission.

Cependant, en dépit de ses intentions progressistes, il est clair qu’elles n’ont cependant

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pas bien fonctionné, et l’on constate quel’existence de la loi n’a pas changé defaçon fondamentale lesdysfonctionnements et les pratiques decorruption en cours dans le secteurforestier.

2. La loi forestière : poursuite de l’«opacité » et de l’impunité

A l’observation, il est aisé de se rendrecompte que l’opacité s’est poursuivie,voire accentuée, dans le secteur forestier.Quelques exemples suffisent à illustrercette affirmation :

a. L’appel d’offres n’a pastoujours fonctionné de façontransparenteDans plusieurs cas, les règles d’attributiondes concessions n’ont pas toujoursfonctionné comme le prévoyait la loi.Ainsi, dès 1996, le Premier ministre avaitattribué 5 concessions de gré à gré, enviolation de la loi de 1994.Les attributions de 1997 avaient consacréle mieux-disant financier et techniquedans moins de la moitié des cas.Et en 2000, quelques faits troublants fontplaner des doutes sur la confidentialité desoffres ou, à tout le moins, sur la fiabilitédu système des soumissions : dans lecontexte de compétition acharnée entreles sociétés forestières pour l’accès à laressource, il est remarquable que descandidats aient proposé le montantplancher pour des concessions situées dans

des régions comptant parmi les plus richesen bois du pays. Il est surprenant qu’ilsrisquent ainsi de perdre leurs droits surd’aussi lucratives concessions sans êtresûrs d’être les seuls soumissionnaires.De plus, on a remarqué que le MINEF avaitoctroyé, dès la fin des années 90, denombreuses « autorisations derécupération de bois », qui apparaissaientcomme un moyen de contourner lesrigueurs de l’adjudication publique.

Ces autorisations de récupération de boisn’obéissaient en effet pas aux exigenceslégales et n’avaient aucun lien avec larécupération de bois abattu de façonincidente lors d’une opération dedéveloppement. Chacune de cesautorisations s’étendait sur la superficiemaximale des récupérations (1000hectares). Et depuis l’interdiction del’octroi des récupérations signée par leministre de l’Environnement et des Forêtsen 2001, il en existe au moins une (ARB192) qui continue de fonctionner, depuisplus de 4 ans (la durée légale d’uneautorisation de récupération de bois estd’un an non renouvelable…).

b. L’observateur indépendantauprès de la commissiond’attribution des titresd’exploitation forestière n’apas empêché les irrégularités

L’Observateur indépendant auprès de lacommission d’attribution des titresd’exploitation forestière n’a pas le pouvoirde suspendre les résultats de lacommission en cas d’irrégularité. De plus,ses rapports ne sont pas publics, et lesirrégularités relevées jusqu’ici n’ont étésuivies d’aucune décision du ministre.

c. Le contrôle forestier resteinsuffisant

Le contrôle forestier, destiné à garantir lerespect de la loi par les exploitantsforestiers, reste loin d’un fonctionnementoptimal. Ainsi, de nombreuses opérationsillégales se poursuivent en toute impunité.Quatre problèmes peuvent être relevés ence qui concerne le contrôle forestier :

Les opérations de contrôle nesont pas systématiques. Certainessociétés sur lesquelles pèsent de fortssoupçons d’exploitation forestière illégale

Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises

Il est aisé deconstater quel’existence d’uneloi auxdispositionsfavorables à latransparence nesuffit pas, si ellen’est passoutenue parune volontépolitique. Telque présentédans la sectionsuivante, cesproblèmes sontcausés parl’absence de «droitsprocéduraux »dans le secteurforestier.

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 57

Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises

qui n’ont pas subi de véritable contrôleforestier au cours des trois dernièresannées. Et une mission de l’ObservateurIndépendant dans la périphérie de laréserve du Dja a été interrompue surhaute intervention des autoritésadministratives.

Les infractions constatées sur leterrain ne donnent pas lieu àl’établissement d’un procès-verbal.L’établissement d’un procès-verbal deconstat d’infraction n’est passystématique après les opérations decontrôle forestier. Pourtant, seul leprocès-verbal donne une existence légaleaux opérations illégales. Cette négligencede l’administration permet à des sociétésdélinquantes de se soustraire aux rigueursde la loi. Le cas le plus connu est celui dela Société Forestière Hazim (SFH), dont unrapportindépendant paru en 2001 indiqueque les opérations illégales dans l’UFA 10030 ont causé à l’Etat un manque à gagnerd’environ 25 milliards FCFA, soit 38millions de dollars US. L’absence deprocès-verbal dressé à l’époque du constatdes faits concernant SFH pourraitaujourd’hui hypothéquer les chances desuccès de l’administration dans sestentatives de rentrer dans ses droits.

Les sanctions ne sont pasdissuasives. Lorsqu’elles sont infligées,les sanctions ne représentent parfoisqu’une faible proportion des gains obtenuspar la société dans le cadre de sesopérations illégales, et sont trèssouvent insignifiantes. Le meilleurexemple de cette pratique estfourni par le contentieux opposantla société Wijma au MINEF, pourses opérations illégales autour dela vente de coupe N° 09-02-132.La superficie exploitéeillégalement représentait environ2000 hectares, pour uneproduction estimée de 14 000mètres cubes, soit une valeur de2.1 millions de dollars US, soit 1,4milliard FCFA. La société Wijmas’est acquittée d’un montant dequelques dizaines de millions deFCFA en règlement de cedifférend.

Les sanctions infligées nesont pas toujours suiviesd’application. Il n’existe aucun

moyen de savoir si les sanctions infligéespar le MINEF ont été suivies d’application.Le ministère ne publie en effet pas la listedes montants effectivement payés par lessociétés au titre des amendes etdommages et intérêts. Cette opacitéconstitue une porte ouverte pour denombreux abus.

En définitive, il est aisé de constater quel’existence d’une loi aux dispositionsfavorables à la transparence ne suffit pas,si elle n’est pas soutenue par une volontépolitique. Tel que présenté dans la sectionsuivante, ces problèmes sont causés parl’absence de « droits procéduraux » dansle secteur forestier.

3. Faiblesse des droits procéduraux :source de l’opacité dans le secteurforestier

L’exploitation forestière industrielle ayantpour seule finalité sa rentabilité pour letrésor public, l’ensemble des populationsdu Cameroun disposent d’un intérêt à labonne gestion de cette ressource. Ildevrait donc logiquement exister desmodalités de contrôle citoyen des actionsdes autres acteurs du secteur forestier. Cecontrôle peut s’exercer par le canal desdroits procéduraux, qui recouvrent :Le droit d’accéder à l’information sur desquestions relatives à la gestion des forêtsLe droit du public de participer à la prise

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE58

de décisions susceptibles d’avoir un impactenvironnementalLe droit d’accéder à une justiceindépendante et impartiale en cas delitige relatif à la gestion des forêts

a. La reconnaissance des droitsprocéduraux est consacrée endroit camerounais

Les droits procéduraux sont consacrés endroit camerounais. La Constitution de 1996reconnaît ainsi le droit à unenvironnement sain au bénéfice de tousles habitants du Cameroun. Elle érige laprotection de l’environnement en « devoirpour tous », et impose à l’Etat de veiller à« la défense et à la promotion del’Environnement».Plusieurs implications découlent de cetteformulation :Le droit à un environnement sain est érigéen droit fondamental de l’homme auCameroun. Il s’agit d’une traductionnationale de l’article 24 de la CharteAfricaine des Droits de l’Homme et desPeuples, dont la Constitution affirmed’ailleurs qu’elle fait désormais partieintégrante de la loi fondamentalecamerounaise6. Ce droit est créateur d’obligations, dedevoirs, pour tous les autres acteurs. Et laconstitution impose à tous le respect dudroit à l’environnement. Ce droit a pourcorollaire la capacité, reconnue à touthabitant du territoire, à le faire respecterpar tous les éventuels contrevenants, ycompris par l’Etat.L’Etat est le garant du respect de ce droit,et doit assumer la charge de la défense del’environnement, dans l’intérêt de tous.

Transposée au secteur forestier, cetteobligation impose à l’Etat de garantir unegestion durable des espaces et desressources de la forêt.

Dans la pratique toutefois, ce droit n’estpas toujours respecté au Cameroun,mettant en péril l’implication despopulations dans la gestion des forêts.

b. L’accès à l’information restelimité

L’accès à l’information est l’un des piliersde la bonne gouvernanceenvironnementale et de la participationcitoyenne à la gestion des forêts. Sa

qualité de titulaire du droit à unenvironnement sain confère au citoyen ledroit d’être pleinement informé, et dansdes délais raisonnables, de toute activitépouvant modifier durablement et/ou defaçon substantielle le milieu qui l’abrite.L’accès des citoyens à l’information sur lesmenaces éventuelles contre les forêtssoulève quelques questions, relatives à lanature de l’information à fournir (jusqu’oùva le secret commercial ou d’Etat ? Quidétermine la nature de l’information àdiffuser ?), à la responsabilité dans laproduction et dans la diffusion del’information (qui, de l’entreprise quiinvestit et de l’Etat qui l’autorise à lefaire doit assurer l’accès du public àl’information ?), aux modalités pratiquesde cette entreprise (en quelle langue ?suivant quels canaux de diffusion ? dansquels délais ? etc.).

Le principe en cette matière est la libertéde l’accès à l’information. La CharteAfricaine des Droits de l’Homme et desPeuples, qui fait partie intégrante de laConstitution de 1996, proclame : « Touthomme a droit à l’information ».La législation camerounaise garantit leprincipe de la liberté de l’accès àl’information. La loi du 19 décembre 1990sur la communication sociale pose ceprincipe de portée générale : «Saufdispositions législatives ou réglementairescontraires, l’accès aux documentsadministratifs est libre». Elle précise lechamp matériel de cette liberté, quis’étend à «tous dossiers, rapports, études,comptes-rendus, procès-verbaux,statistiques, directives, instructions,circulaires, notes, en tous cas toutdocument relevant des actes de droitpositif».Ce principe de la liberté de l’accès àl’information est confirmé, en matière degestion de l’environnement, par la loi-cadre sur l’environnement de 1996, quin’autorise qu’une seule exception auCameroun : les informations couvertes parle secret-défense. On peut donc valablement penser quel’ensemble des informations disponibles ausein des différentes administrationspubliques camerounaises (y compris leministère de l’Environnement et desForêts) peuvent être selon la loi,

Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises

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accessibles aux citoyens qui en font lademande. Au MINEF, cette liberté d’accèss’appliquerait à l’ensemble des donnéesdu SIGIF, aux rapports des missions decontrôle de l’Unité Centrale de Contrôle,aux infractions et sanctions, auxtransactions conclues entre le MINEF et lessociétés privées, etc. Ces informations devraient faire l’objetd’un accès passif (mise à disposition par leMINEF) ou actif (disponible à la demande)des citoyens. Pour l’heure, le MINEF rend publiques lesinformations suivantes :La liste des titres d’exploitation forestièreen cours de validitéLa liste des infractions et des sanctions

La situation n’est pas meilleure en ce quiconcerne l’accès à la justice.

c. L’accès à la justice : beaucoupd’entraves

La Charte Africaine des Droits de l’Hommeet des Peuples est sans doute le premierinstrument juridique régional prévoyant defaçon spécifique, la reconnaissance d’undroit à la justice. Dès son article 3, ilproclame la « totale égalité » de tousdevant la loi, et énonce le droit à uneégale protection de la loi. De plus, elleérige l’accès à la justice en un droitfondamental, en indiquant : « Toutepersonne a droit à ce que sa cause soitentendue ». Ce droit recouvre, selon lesrédacteurs de la Charte, « Le droit desaisir les juridictions nationalescompétentes de tout acte violant lesdroits fondamentaux qui lui sont reconnuset garantis par les conventions, les lois,règlements et coutumes en vigueur ».Au Cameroun, le droit à la justice est, luiaussi, consacré par le préambule de laConstitution, qui proclame : «La loi assureà tous les hommes le droit de se fairerendre justice». Ce principe est précisé

par le Code pénal, dont l’article 1er

rappelle : « La loi pénale s’applique àtous ». Dans le même sens, le Code civiloblige le juge saisi à rendre justice : « Lejuge qui refusera de juger, sous prétextede silence, de l’obscurité ou del’insuffisance de la loi, pourra êtrepoursuivi comme coupable de déni dejustice ». De plus, le juge est obligé dedire le droit de façon précise et spécifique

au cas dont il est saisi. Enfin, le code deprocédure civile permet la prise à partiedes juges dans les cas de déni de justice,dont il donne la définition suivante : « Ily a déni de justice lorsque les jugesrefusent de répondre aux requêtes ounégligent de juger les affaires en l’état eten tour d’être jugées ». Dans le secteur forestier, l’accès à lajustice devrait être une facilité ouverte àl’ensemble des justiciables contre lesdécisions, actions ou omissions de tous lesacteurs de la gestion des forêts, y comprisde l’administration des forêts. On constatecependant que l’administration des forêtss’est progressivement érigée, en fait et endroit, comme le principal gestionnaire ducontentieux forestier, devant ainsi, dansbien des cas, juge et partie. La fonctionjuridictionnelle de l’administration est icihypertrophiée, au détriment du juge.

Cette situation, qui se superpose auxrègles traditionnelles relatives à l’accès àla justice, accentue la marginalisation descitoyens dans le contentieux forestier. Ainsi, en l’absence d’une procéduredéclenchée par l’administration, il estimpossible pour les citoyens d’avoir unrecours quelconque contre les opérationsillégales d’exploitation forestière. L’onremarque de plus que les transactionsconclues entre l’Etat et les sociétésdélinquantes ignorent généralement lesdroits des communautés, pourtant

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consacrés par la loi. Par exemple, les 10%des redevances forestières annuelles duesaux communautés riveraines des forêts nesont pas mentionnés dans le calcul dessanctions pécuniaires infligées par l’Etataux sociétés délinquantes. Celles-ci selimitent aux amendes et dommages etintérêts, c’est-à-dire aux seuls montantsrevenant au trésor public.

L’aménagement d’un accès à la justicepour l’ensemble des citoyens en ce quiconcerne les infractions à la loi forestièreconstituerait une avancée importante dansle contrôle du respect de la loi. Lesdifficultés d’accès à la justice privent lescitoyens de la jouissance de leurs droitssur les questions suivantes :

- Contrôle de l’utilisation desredevances forestières. En cas de mauvaiseutilisation de ces redevances forestières,les communautés bénéficiaires ne peuventsaisir la justice, en raison de la nature dedeniers publics de ces fonds. Seul l’Etatpeut ester en justice pour obtenirréparation pour une mauvaise utilisationdes fonds publics.

- Contrôle de l’exploitationforestière illégale. Parce qu’ils ne sont paspropriétaires des forêts, les communautésriveraines ne peuvent saisir la justice pourfaire cesser les opérations illégales.Dans ces deux cas, l’administration a, engénéral, négligé de saisir la justice pourobtenir réparation en faveur descommunautés. Dans les rares cas oùl’administration se décide à saisir lajustice, elle ne prend pas toujours lesprécautions qui s’imposent pour garantirles chances de succès. C’est le cas del’affaire opposant la Société ForestièreHazim (SFH) à l’Etat du Cameroun,concernant l’exploitation illégale dans lesUFA 10 029 et 10 030. Alors que les faitsétaient connus depuis 1999, le MINEF apréféré ne pas dresser de procès-verbalcontre la SFH pendant plus de trois ans. Etlorsque l’administration a décidé de saisirla justice, la SFH a contesté les faits. Lescommunautés auraient pu agir avecdavantage de flexibilité quel’administration, si elles avaient eu le droitde saisir la justice pour faire cesser lesopérations illégales de la SFH.Les lacunes dans les textes et la pratiqueen matière d’accès à l’information

contribuent à affaiblir la société civile, etde fait son exclusion de la gestion desressources et des espaces de la forêt. Cetaffaiblissement est aggravé par desdispositions légales organisant la créationet le fonctionnement des principalesorganisations de la société civile.

d. La société civile reste faible auCamerounLa société civile organisée est relativementjeune au Cameroun. La loi distingue lesONG et les associations. La création des associations nationalesobéit au régime de la déclaration. La loiindique en effet que les associations secréent librement, mais n’acquièrent lapersonnalité juridique que si elles fontl’objet d’une déclaration à la préfecturedu siège de l’association, contre récépissé.Deux contraintes majeures pèsentcependant sur les associations, ethypothèquent à la fois leur indépendanceet leur survie :

L’organisation de l’asphyxie financièredes associationsAu terme de la loi, aucune associationdéclarée ne jouissant pas de lareconnaissance d’utilité publique n’a ledroit de recevoir « ni subventions despersonnes publiques, ni dons et legs despersonnes privées ». Ces formes definancement prohibées constituentpourtant la source principale de revenusdes associations sous d’autres cieux. Cetterestriction a pour effet un affaiblissementde la société civile.

L’épée de Damoclès de la dissolutionL’administration jouit du pouvoird’interrompre les activités d’uneassociation, par voie judiciaire ouadministrative. La loi prévoit en effet que« le Ministre chargé de l’Administrationterritoriale peut, sur proposition motivéedu préfet, suspendre par arrêté, pour undélai maximum de trois mois, l’activité detoute association pour troubles à l’ordrepublic ». Par le passé, cette disposition a étéutilisée pour cause de « trouble à l’ordrepublic », dans le but de menacer desuspension une organisation qui avaitpubliquement dénoncé des opérationsillégales de la Société Forestière Hazim

Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 61

Loi, transparence, responsabilité et droits des citoyens dans les forêts camerounaises

dans la région de Lomié. Trois ans plustard, l’administration des forêts intentaitune action en justice contre laditesociété.S’agissant des ONG, une loi de 1999 enorganise la création et le fonctionnement.Les ONG obéissent au régime del’agrément, octroyé par le ministre encharge de l’Administration territoriale,pour une durée de cinq ans renouvelables(article 10).

Quelques problèmes peuvent êtrementionnés ici :

- La loi ne définit pas les critèressur la base desquels l’agrément peut êtreaccordé ou refusé. Il y a, ici aussi, desrisques d’arbitraire de la part del’administration, et il sera difficile pourles ONG lésées de fonder un recours enjustice sur des bases objectives.

- L’agrément est renouvelable tousles 5 ans. Cette disposition peut permettred’actualiser le fichier des ONG auCameroun, en ne renouvelant l’agrémentqu’à celles qui fonctionnent. Mais ellepeut aussi constituer un moyen de pressionde l’administration sur les ONG les plus «critiques », en l’absence de critèresobjectifs sur la base desquels l’agrémentest octroyé ou renouvelé.La loi autorise le ministre del’Administration territoriale à dissoudreune ONG « dont les activités s’écartentde son objet » (article 22), et prévoit,pour les dirigeants d’une ONGfonctionnant sans agrément (ou quifonctionne en attendant son agrément),des sanctions particulièrement sévères :

un emprisonnement de 3 mois à un an, etune amende 100 000 à 1 million de francsCFA. En raison de cette faiblesse de la sociétécivile, et des restrictions dans l’associationdes citoyens à la gestion des ressourcesforestières, l’administration garde lemonopole du suivi des opérations liées à lagestion des forêts. Le contrôle forestierpar exemple échappe presquecomplètement à l’emprise descommunautés et de la société civile. Il enrésulte une recrudescence de l’impunitédes opérations illégales, qui estpréjudiciable à la fois au trésor public etaux communautés de la zone forestière.

4. Recommandations

1- Le ministère de l’Environnement et lesForêts devrait permettre aux citoyens quien font la demande d’accéder à tous lesdocuments non confidentiels. La liste descontrevenants à la loi forestière, dessanctions infligées, de même que l’état ducontentieux, devraient être publiés.2- Il est indispensable de reconnaître aux

communautés et aux organisations de lasociété civile le droit de saisir la justicepour obtenir la sanction des infractions àla législation forestière.3- L’importance du rôle de la société

civile devrait être reconnue, et lesconditions de son indépendance devraientêtre assurées, afin de lui permettre decontribuer au renforcement de l’Etat dedroit dans le secteur forestier.

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Chapitre 10

LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE62

4e partie

1. Introduction

L’étude de cas présente un exemple d’exploitation et de commercialisation illégale deProduits Forestiers Non Ligneux (PFNL) du secteur forestier. Elle présente l’intérêt demettre en lumière la nécessité du partage des responsabilités entre les différentes partiesprenantes.Le vide juridique laissé par la réglementation sur l’exploitation et la commercialisationdes PFNL révèle la responsabilité de l’Etat. Cette non réglementation ouvre le champ auxexploitants forestiers qui, de ce fait, exploitent et commercialisent, ou tout simplementpillent les richesses forestières qui couvrent la surface de leurs permis. La responsabilitédes consommateurs des produits forestiers est illustrée par la passivité de la société Dior,qui, bien que menant une action potentiellement « valorisante » des ressourcesforestières, pourrait aussi bénéficier des pratiques illégales, en ne réussissant pas às’assurer de la légalité des produits bruts qui lui sont livrés.

2. Des lois et règlements sur l’exploitation et la commercialisation des PFNL

Le Code forestier du Gabon, est à ce jour la seule loi qui fixe les modalités de gestion desressources du secteur des eaux et forêts. La loi dispose que seuls deux textes présententdes dispositions relatives aux Produits Forestiers Non Ligneux. A ce titre, il stipule en saversion du 31 décembre 2001 que :

« L’obtention d’un permis forestier n’ouvre pas droit à l’exploitation des produitsforestiers autres que le bois. L’exploitation de ces autres produits tels que les ressourcesgénétiques, fauniques, halieutiques, agricoles, minières et la canopée fait l’objet detextes distincts »6. « L’exercice des droits d’usage coutumiers a pour objet, la satisfaction des besoins

personnels ou collectifs des communautésvillageoises qui portent notamment sur :

• L’utilisation des arbres comme bois deconstruction et celle du bois mort ou desbranches comme bois de feu ;

• La récolte des produits forestierssecondaires, tels que les écorces, le latex,les champignons, les plantes médicinales oucomestibles, les pierres, les lianes ;

• L’exercice de la chasse et de la pêcheartisanales ;

• Le pâturage en savane, en clairière, etl’utilisation de branches et feuilles pour lefourrage ;

• La pratique de l’agriculture desubsistance ;

• Les droits de pacage et d’utilisation deseaux.

L’exercice des droits d’usage coutumier estlibre et gratuit dans le domaine forestierIci un bloc de résine d’Okoumé

EDUCATION POUR LA DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA NATURE (EDEN)MMAARRTTHHEE PPRRAAXXÈÈDDEE MMAAPPAANNGGOOUU

Exploitation illégale de la résined’Okoumé au Gabon

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE 63

Exploitation illégale de la résine d’Okoumé au Gabon

rural pour les membres des communautésvillageoises vivant traditionnellement àproximité de ce domaine et sous réservedu respect des règlements restrictifs pournécessité d’aménagement ou deprotection. » 7

Ainsi, l’exploitation des PFNL estclairement régie par des dispositionsdifférentes de celles régissantl’exploitation du bois. Aussi, la détentiond’un permis d’exploitation forestière nesaurait donner le droit d’exploiter d’autresproduits quand bien même ces autresproduits se trouvent à l’intérieur de laconcession attribuée. Par ailleurs, les membres descommunautés villageoises qui viventtraditionnellement à proximité du domaineforestier peuvent jouir de l’exercice dudroit d’usage coutumiers. Ce droit d’usageleur permet d’exploiter librement les PFNLsi toutefois cette exploitation vise lasatisfaction de leurs besoins.

L’exploitation et la commercialisation desPFNL ne sont pas réglementées, pour lemoment, au Gabon. Seules les redevancespayées par les vendeuses sur le marchépeuvent être considérées comme desrecettes fiscales liées à lacommercialisation de ces produits, etcelles-ci sont négligeables. Toutefois, il estentendu que ces insuffisances ont étéprises en compte dans les textesd’application en cours d’élaboration. Cesinstruments légaux préciseront laréglementation en matière d’utilisation etd’exploitation des PFNL, ainsi que le cadreréglementaire fixant leur exploitation àdes fins commerciales.

3. L’Okoumé : un géant de la forêt

L’Okoumé ou Aucoumea klaineana est unarbre de la famille des Burseraceae. Il estappelé, Angouma, Moukoumi, N’Koumi enlangues locales du Gabon. La répartitionde l’Okoumé est limitée à l’Ouest et auCentre du Gabon et à quelques petitesaires en Guinée équatoriale, au Congo etau Cameroun. Aucoumea klaineana estl’une des espèces les plus abondantes dansles forêts des zones côtières guinéo-congolaises, en particulier dans des forêtssecondaires âgées, sur des emplacementsbien drainés.

Son exploitation constitue la principaleactivité du secteur forestier gabonais.C’est l’espèce de bois d’œuvre commercialla plus importante du pays et ellecontribue aux environs de 90% de laproduction annuelle. Le Gabon estd’ailleurs le premier producteur mondiald’Okoumé. L’Okoumé est considéré comme étant unexcellent bois d’œuvre pour faire du boisde placage ou du contre-plaqué, et ilproduit également un bois scié de bonnequalité. La France est le principal paysimportateur d’Okoumé. L’Italie, le Japonet Israël sont également d’importants paysimportateurs. L’exportation de boisd’œuvre d’Okoumé vers l’Europe del’Ouest et le Japon est de plus en plusimportante pour l’économie gabonaise dufait de la baisse des revenus pétroliers.Toutefois, selon les résultats de l’atelierrégional de l’UICN sur le projet pour laconservation et la gestion durable des

Un paysan travaillant la résine d’Okoumé

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE64

arbres, la coupe répétée limite larégénération de l’espèce. Ce qui constitueune menace pour sa survie. Cette menace estaccentuée par sa distribution limitée et ladestruction de l’écosystème qu’elleoccasionne. De plus, selon l’UICN, le réservoirgénétique de l’Okoumé a été sérieusementdétérioré par des décennies de récoltessélectives. La FAO considère que Aklaineanaest une espèce prioritaire pour la conservationin situ.

4. Exploitation de la résine d’Okoumé

a. Les acteurs : l’exploitation de la résined’Okoumé est essentiellement le fait despopulations locales qui l’utilisent,essentiellement, pour ses propriétés mystico-médicales. La résine sert généralement à lafabrication de torches indigènes utilisées lorsde certains rites initiatiques (entre autresgroupes ethniques les Bwiti, Njembê, Okuku),à la purification de l’eau, au traitement desabcès, et comme insecticide et déodorant. Depuis quelques années, certains exploitantsforestiers se sont lancés à leur tour dansl’exploitation de la résine d’Okoumé. Cetteexploitation se fait donc de façon tout à faitillégale, car les textes (sus-cités) précisentbien que le permis d’exploitation de bois nedonne pas lieu à l’exploitation de ses produitsdérivés.Une exploitation dite moderne de la résine està l’étude au Gabon, notamment dans ledomaine du screening pour une utilisationpotentielle (qui comprend la parasitologie, lapharmacologie, et d’autres propriétéschimiques). C’est ainsi que la résine, autrefoisutilisée dans le procédé de fabrication ducaoutchouc ou comme combustible dans lafabrication des torches, est testée aujourd’huipar l’industrie cosmétique. Dior, la sociétéfrançaise de cosmétique, par exemple,s’intéresse à la résine d’Okoumé.

b. Les modes de prélèvement de la résine :les populations rurales du Gabon prélèvent larésine en faisant des saignées sur les arbres. Ilfaut deux à trois jours pour que les arbressaignés produisent de la résine. L’on affirmeque dans les chantiers forestiers, la résine estsimplement prélevée après les coupes destroncs d’Okoumé.

c. Commercialisation de la résined’Okoumé: La commercialisation de la résined’Okoumé se fait sur le plan local par les

communautés rurales. Pour certaines familles,cette activité procure l’essentiel des revenus.La résine est prélevée, transformée de façonartisanale, et vendue soit dans le villagemême, soit achetée par des vendeurs pourêtre écoulée en ville. La « torche indigène »produite à partir de la résine d’Okoumé est leprincipal produit vendu sur le marché local.Son prix varie entre 500 et 20 000 FCFA.Des enquêtes sur le terrain révèlent quecertains exploitants forestiers sont aussiengagés dans la production et lacommercialisation de la résine d’Okoumé.Dans ce cas, la résine d’Okoumé est prélevéeen grandes quantités et exportée. C’estnotamment à la faveur d’un projet derecherche, le programme BIODIVALOR-Gaboninitié conjointement par Pro-NaturaInternational, et l’IPHAMETRA, représentant leGouvernement gabonais, que cette activité aété révélée. Ce programme a été financé parla Coopération française. Le programmeBIODIVALOR-Gabon avait pour objet d’étudierles pistes de valorisation des produits naturels(dont les PFNL tels que la résine d’Okoumé)dans l’industrie chimique et/ou agrochimique.Dans le cadre de ce programme, il a étédemandé à la société Dior de tester la résined’Okoumé pour déterminer son éventuelintérêt pour l’élaboration des produitscosmétiques.

Les communautés villageoises riveraines deszones de peuplement d’Okoumé devaient êtreles principaux fournisseurs de cette la résine,via l’IPHAMETRA, ce qui devait leur permettrede bénéficier des retombées financières liéesà cette activité. Les premiers échantillons derésine testés ont montré des activités anti-protéases et anti-inflammatoiresintéressantes. Ce qui a amené la société Dior,en 2000, à exprimer son intérêt pour unefourniture plus régulière de résine pourfinaliser le développement d’un produitpouvant servir de base pour des crèmescorporelles et/ou des vernis à ongle. Pourrépondre à cette demande grandissante, unemission regroupant des représentants de Pro-Natura International, et du ministère françaisdes Affaires étrangères, a contacté laCompagnie Thanry (Compagnie Equatorialedes Bois - CEB) pour lui demander de produireà titre expérimental de la résine d’Okoumé.La résine produite devait être confiée àl’IPHAMETRA qui devait à son tour l’envoyer àDior. Il a été découvert que devant la demande

Exploitation illégale de la résine d’Okoumé au Gabon

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Exploitation illégale de la résine d’Okoumé au Gabon

grandissante de la société Dior, lesquantités transmises par l’IPHAMETRA nesuffisaient plus. L’entreprise Leroy-Gabon,qui exploite une concession forestière de654 000 hectares, située dans la région dela Lopé (lot 32), a donc été contactée pourproduire et livrer directement de la résined’Okoumé à la société Dior. D’après lestémoignages recueillis, l’IPHAMETRA necontrôle pas ce circuit decommercialisation. Cette activité est de ce fait illégale. La loi est formelle sur le fait qu’un permisde coupe ne donne lieu qu’à la possibilitéd’exploiter de la grume, l’exploitation detout autre produit forestier, ligneux ou non,est interdite. Leroy Gabon n’est donc pasautorisé à exploiter de la résine d’Okoumé;Cela affaibli aussi le développement duGabon par le fait que Dior, a apparemmentdécidé de ne plus s’approvisionner auprèsde l’IPHAMETRA, organe autorisé à exploiterde façon expérimentale la résined’Okoumé;Il se dit que l’entreprise Dior est passée dustade expérimental au stade industriel, cequi suppose une augmentation de laquantité demandée.

d. Les pertes fiscales dues à l’absence decontrôle de cette activitéFace au développement du marché de larésine d’Okoumé, l’on court le risque devoir M. Leroy faire un chiffre d’affaires deplus en plus important, au détriment del’Etat gabonais qui n’exerce aucun contrôleni ne prélève de taxe sur cette activité (nià la production, ni à l’exportation) ;

Les pertes enregistrées par les populationslocales Lorsque que cette activité était menée parl’IPHAMETRA, les prélèvements de résineétaient effectués par les communautésvillageoises riveraines des zones deprélèvement. Cette activité a généré desrevenus pour les couches pauvres de lapopulation gabonaise. Maintenant, seul leforestier bénéficie de tels bénéfices.

Impacts socio-économiques del’exploitation de la résine d’Okoumé parles sociétés forestières

Impacts socio-économiques : A ce jour,

l’exploitation et la commercialisation de larésine d’Okoumé, comme la plupart desPFNL, n’est pas réglementée. Les ventes àl’exportation comme celles de Leroy Gabonou de la CEB via l’IPHAMETRA ne sont pastaxées. Par conséquent, cette activité neprofite ni à l’Etat, ni aux populations.L’implication des grandes sociétésforestières dans la filière d’exploitation etde commercialisation de la résine exclut lespopulations locales de cette activité, etdonc des bénéfices qu’ils auraient pu tirerde leur proximité avec leur peuplementd’Okoumé. Or il apparaît en premièreapproximation que la seule vente detorches d’Okoumé produit en moyenne unchiffre d’affaires mensuel de 40 000 FCFApar ménage. Impacts environnementaux : Les impactsenvironnementaux de l’exploitation de larésine d’Okoumé sont très peu connus. Apriori, lorsqu’elle se limite à l’écorce,l’exploitation peut se faire de façondurable.

5. Conclusion et recommandations

Plusieurs conclusions et recommandationressortent de cette étude ;- Il est intéressant de noter que quoique laquestion de l’exploitation de la résined’Okoumé soit un problème réel,particulièrement pour les populationsrurales, aucune des personnes rencontréesn’a voulu témoigner ouvertement. Ilimporte que le ministère en charge de lagestion forestière institue le cadreinstitutionnel et réglementaire permettantune exploitation rationnelle et durable desPFNL, y compris la résine d’Okoumé.- Dans le but de maximiser ledéveloppement de la résine d’Okoumé, Ilserait intéressant d’organiser la filièred’exploitation et de commercialisation defaçon à ce que les populations localespuissent elles aussi bénéficier de cetteactivité. - La recherche visant à améliorer lesimpacts des prélèvements de résine sur lavie des arbres et sur l’environnement defaçon générale devrait se poursuivre.

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LA TRANSPARENCE, LA GOUVERNANCE ET LA LOI : ETUDES DE CAS DU SECTEUR FORESTIER EN AFRIQUE CENTRALE66

Notes1 Même là où les Baka ont fait une demande de forêt communautaire, c’est

généralement pour de petits espaces, inférieurs à 1500 hectares (la loi accordejusqu’à 5 000 hectares).

2 Arrêté No. 01/029/CAB/GP-SK/2000.

3 Les promotions sans augmentation de salaires dans la Fonction publiquedatent de 1994 lors de la dévaluation du FCFA à 100%.

4 Au cours de la réunion des Ongs d’Afrique centrale tenue à Yaoundé in janvier2003, dans le cadre du processus AFLEG, les participants ont fait unedéclaration dans laquelle ils condamnent la « transhumance » etl’indélicatesse du groupe Hazim-Cristal qui est parti du Cameroun pour leCongo

5 Nous avons été informé que le parc de Mila-Mila a été acquis grâce à très basprix, environ 500 000FCFA.

6 Article 148, chapitre deuxième : De l’exploitation des forêts et de la faunesauvage, Section 1 : De l’exploitation des forêts, Sous-section 3 : Des clausesgénérales d’exploitation des forêts productives de bois d’œuvre).

7 Articles 252 et 253, Titre VI : Des droits d’usage coutumier.

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