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Revue Méd. Vét., 2013, 164, 3, 106-111 Introduction Cette maladie séculaire introduite en Algérie durant les années 90 avec l’importation de la poulette démarrée (future poule pondeuse âgée de 18 semaines) [5] ne cesse de faire des réapparitions dans les différents types d’élevage en Algérie. Cette maladie pose de sévères menaces dans l’élevage industriel aviaire et le développement de stratégies pour la contrôler et représente actuellement l’un des plus grands challenges [8, 13]. Durant les années 2010 et 2011, il est fait état chez les éleveurs de l’apparition dans les différents types d’élevage, de mortalités sans symptomatologie apparente et des formes lésionnelles variables parfois nodulaires affectant différents viscères, qui ont engendré des pertes économiques considérables. De plus, l’absence d’un diagnostic formel a entrainé une consommation importante en produits vétérinaires. Sur le terrain, la recherche de la présence virale soit directement par visualisation des particules virales en microscopie électronique, soit indirectement par mise en évidence par immuno-précipitation des anticorps sériques est totalement impossible car les animaux sont en général vaccinés contre la maladie de Marek, la souche vaccinale étant très proche de la souche sauvage. De ce fait, la constatation de la présence virale par les moyens habituels de diagnostic virologique ne peut jamais être une preuve décisive de la maladie. Il est possible, par ailleurs, de confirmer le diagnostic par histopathologie en analysant l’intensité de la prolifération des lymphocytes en périphérie des nerfs périphériques. En raison de l’existence des formes atypiques de la maladie de Marek, il est donc important et utile de répertorier l’ensemble des signes cliniques et des lésions observés au cours de ces formes particulières et de déterminer l’incidence de cette pathologie en fonction du type d’élevage. Etude lésionnelle de la maladie de Marek chez le poulet de chair et chez les reproducteurs dans l’Est algérien M. ZEGHDOUDI 1* , N. BOUZIDI 1 , L. AOUN 1 1 Institut des Sciences Vétérinaires, Université El Tarf, 36000 El Tarf, ALGERIE. *Auteur chargé de la correspondance : [email protected] RESUME Cette enquête, réalisée entre 2010 et 2011, présente une analyse anatomopathologique des formes non classiques de la maladie de Marek observées dans l’est algérien dans 2 types d’élevage, celui du poulet de chair et celui des reproducteurs. La maladie est apparue chez les poulets de chair âgés de 35 jours et a évolué sur 17 jours entrainant une mortalité de 5.0% au total alors que chez les reproducteurs, elle a sévi sur des animaux âgés de 24 semaines et a évolué sur 12 semaines engendrant une mortalité totale de 15.9% (23.1% chez les coqs et 14.9% chez les poules). Dans les 2 types d’élevage, aucun signe d’atteinte nerveuse n’a été observé et les cas de mortalité sont apparus soudainement. Des lésions tumorales sous forme nodulaire ou diffuse ont été principalement mises en évidence dans le foie et la rate (avec une prévalence de 61.2% chez les reproducteurs et de 17.1% chez les poulets de chair), le proventricule (avec une prévalence de 20.3% chez les reproducteurs et de 83.0% chez les poulets de chair), et sur la grappe ovarienne (prévalence de 24.2% chez les poules reproductrices) associées à des lésions rénales. La présence d’un infiltrat lymphocytaire massif dans le nerf sciatique a été systématiquement observé et à permis de confirmer le diagnostic de la maladie de Marek. Ces résultats montrent que la réémergence de cette maladie se traduit essentiellement par des formes viscérales plutôt que nerveuses. Mots-clés : Maladie de Marek, poulet de chair, reproducteur, lésions, histopathologie, Algérie. SUMMARY Pathology of Marek’s disease is survey, conducted in 2010/2011, presents a pathology analysis of non classical forms of the Marek’s disease observed in broilers and broiler breeders in East Algeria. e disease has occurred on 35 days old broilers and spread over 17 days leading to an overall mortality rate of 5.0% whereas it has affected 24 week old breeders for 12 weeks and has lead to an overall mortality rate of 15.9% (23.1% in males and 14.9% in females). Clinical neurological signs were unapparent and death was sudden in the 2 breeding types. Diffuse or nodular tumour lesions were particularly found in liver and spleen (prevalences of 61.2% and 17.1% in breeders and broilers, respectively), in proventriculus (prevalences of 20.3% and 83.0% in breeders and broilers, respectively) and in ovarian cluster (prevalence of 24.2% in hens) coupled to kidney lesions. A massive lymphocyte infiltrate in sciatic nerve was always observed and has confirmed the diagnosis of Marek’s disease. ese results indicate that the new emergency of this disease is specially linked to visceral lesions instead of nervous signs. Keywords: Marek’s disease, broiler, breeder, lesions, histopathology, Algeria.

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Revue Méd. Vét., 2013, 164, 3, 106-111

ZEGHDOUDI (M.) AND COLLABORATORS106

Introduction

Cette maladie séculaire introduite en Algérie durant les années 90 avec l’importation de la poulette démarrée (future poule pondeuse âgée de 18 semaines) [5] ne cesse de faire des réapparitions dans les différents types d’élevage en Algérie. Cette maladie pose de sévères menaces dans l’élevage industriel aviaire et le développement de stratégies pour la contrôler et représente actuellement l’un des plus grands challenges [8, 13]. Durant les années 2010 et 2011, il est fait état chez les éleveurs de l’apparition dans les différents types d’élevage, de mortalités sans symptomatologie apparente et des formes lésionnelles variables parfois nodulaires affectant différents viscères, qui ont engendré des pertes économiques considérables. De plus, l’absence d’un diagnostic formel a entrainé une consommation importante en produits vétérinaires.

Sur le terrain, la recherche de la présence virale soit directement par visualisation des particules virales en microscopie électronique, soit indirectement par mise en évidence par immuno-précipitation des anticorps sériques est totalement impossible car les animaux sont en général vaccinés contre la maladie de Marek, la souche vaccinale étant très proche de la souche sauvage. De ce fait, la constatation de la présence virale par les moyens habituels de diagnostic virologique ne peut jamais être une preuve décisive de la maladie. Il est possible, par ailleurs, de confirmer le diagnostic par histopathologie en analysant l’intensité de la prolifération des lymphocytes en périphérie des nerfs périphériques.

En raison de l’existence des formes atypiques de la maladie de Marek, il est donc important et utile de répertorier l’ensemble des signes cliniques et des lésions observés au cours de ces formes particulières et de déterminer l’incidence de cette pathologie en fonction du type d’élevage.

Etude lésionnelle de la maladie de Marek chez le poulet de chair et chez les reproducteurs dans l’Est algérien

M. ZEGHDOUDI1*, N. BOUZIDI1, L. AOUN1

1Institut des Sciences Vétérinaires, Université El Tarf, 36000 El Tarf, ALGERIE.

*Auteur chargé de la correspondance : [email protected]

RESUME

Cette enquête, réalisée entre 2010 et 2011, présente une analyse anatomopathologique des formes non classiques de la maladie de Marek observées dans l’est algérien dans 2 types d’élevage, celui du poulet de chair et celui des reproducteurs. La maladie est apparue chez les poulets de chair âgés de 35 jours et a évolué sur 17 jours entrainant une mortalité de 5.0% au total alors que chez les reproducteurs, elle a sévi sur des animaux âgés de 24 semaines et a évolué sur 12 semaines engendrant une mortalité totale de 15.9% (23.1% chez les coqs et 14.9% chez les poules). Dans les 2 types d’élevage, aucun signe d’atteinte nerveuse n’a été observé et les cas de mortalité sont apparus soudainement. Des lésions tumorales sous forme nodulaire ou diffuse ont été principalement mises en évidence dans le foie et la rate (avec une prévalence de 61.2% chez les reproducteurs et de 17.1% chez les poulets de chair), le proventricule (avec une prévalence de 20.3% chez les reproducteurs et de 83.0% chez les poulets de chair), et sur la grappe ovarienne (prévalence de 24.2% chez les poules reproductrices) associées à des lésions rénales. La présence d’un infiltrat lymphocytaire massif dans le nerf sciatique a été systématiquement observé et à permis de confirmer le diagnostic de la maladie de Marek. Ces résultats montrent que la réémergence de cette maladie se traduit essentiellement par des formes viscérales plutôt que nerveuses. Mots-clés : Maladie de Marek, poulet de chair, reproducteur, lésions, histopathologie, Algérie.

SUMMARY

Pathology of Marek’s disease

This survey, conducted in 2010/2011, presents a pathology analysis of non classical forms of the Marek’s disease observed in broilers and broiler breeders in East Algeria. The disease has occurred on 35 days old broilers and spread over 17 days leading to an overall mortality rate of 5.0% whereas it has affected 24 week old breeders for 12 weeks and has lead to an overall mortality rate of 15.9% (23.1% in males and 14.9% in females). Clinical neurological signs were unapparent and death was sudden in the 2 breeding types. Diffuse or nodular tumour lesions were particularly found in liver and spleen (prevalences of 61.2% and 17.1% in breeders and broilers, respectively), in proventriculus (prevalences of 20.3% and 83.0% in breeders and broilers, respectively) and in ovarian cluster (prevalence of 24.2% in hens) coupled to kidney lesions. A massive lymphocyte infiltrate in sciatic nerve was always observed and has confirmed the diagnosis of Marek’s disease. These results indicate that the new emergency of this disease is specially linked to visceral lesions instead of nervous signs.

Keywords: Marek’s disease, broiler, breeder, lesions, histopathology, Algeria.

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Matériel et Méthodes

ANIMAUX

L’enquête s’est déroulée sur une période allant de Novembre 2010 à Décembre 2011, dans des fermes situées dans la région d’Annaba dans l’Est algérien spécialisées de façon exclusive depuis au moins une dizaine d’années dans un type d’élevage, soit celui des reproducteurs des poulets de chair, soit celui de la production de poulets de chair. L’effectif des reproducteurs était de 5200 poules et 750 coqs, de souche Hubbard F15, importés de France, vaccinés contre la maladie de Marek au premier jour dans leur couvoir d’origine avec le vaccin cryomarex (rispens + HVT (Herpes Virus Turkey)) du laboratoire Merial. Les poulets de chair (effectif  : 5  000), de même souche que les reproducteurs, étaient issus de reproducteurs localisés au centre du pays. Les visites ont été réalisées de façon régulière et hebdomadaire à partir du premier jour d’installation du poussin jusqu’à l’âge d’apparition des premières lésions tumorales (35 jours pour le poulet de chair et 24 semaines pour les reproducteurs), où elles sont devenues quotidiennes.

ELÉMENTS DIAGNOSTIQUES

L’observation de signes cliniques généraux ou éventuellement spécifiques de la maladie de Marek a été réalisée par bâtiment d’élevage.

Des autopsies ont été systématiquement réalisées sur des sujets morts depuis moins de 12 heures et un tableau lésionnel exhaustif complet a été dressé.

En parallèle, des échantillons de nerfs sciatiques ont été prélevés sur les cadavres du jour et envoyés sous couvert du froid fixés dans du formol à 10% et identifiés par des chiffres qui correspondent à la date de prélèvement, le type d’élevage, l’âge et le sexe des oiseaux au laboratoire régional

vétérinaire d’Annaba (laboratoire de référence sous l’égide du ministère de l’agriculture) pour une analyse histologique. Après inclusion en paraffine, des sections de 4 µm d’épaisseur ont été colorés par l’hémalun-éosine Safran. Les éléments diagnostiques principaux sont constitués par des cellules mononucléées polymorphes associant des lymphocytes de taille variable. Selon l’intensité de la prolifération des lymphocytes en périphérie des nerfs, les prélèvements ont été classés en 3 types : A (prolifération intense), B (prolifération modérée) et C (faible prolifération).

Résultats

SIGNES CLINIQUES

Les symptômes sont restés inapparents à l’exception d’une pâleur accentuée de la crête, une immobilité suivie d’une mort subite en position de décubitus dorsal parfois précédée par des convulsions. Aucun poulet n’a présenté des troubles de locomotion ou un écartement des pattes.

Comme le montre le tableau I, des cas de mortalité sont apparus brutalement à partir de la 24ème semaine chez les reproducteurs et à partir du 35ème jour chez les poulets de chair. Ainsi, 6.9% des reproducteurs (47 coqs et 364 poules) et 2.6% (130 sujets) des poulets de chair sont morts respectivement pendant la 24ème semaine au 35ème jour. Dans l’un et l’autre type d’élevage, cette vague de mortalité s’est poursuivie de façon relativement intense jusqu’à la 37ème semaine chez les reproducteurs (6.5% de mortalité, soit 115 coqs et 273 poules) et jusqu’au 52ème jour chez les poulets de chair (2.1% soit 105 sujets) alors qu’au-delà de ces 2 périodes, le taux de mortalité s’est considérablement réduit (2.4% chez les reproducteurs de la 38ème à la 57ème semaine ; 0.3% chez les poulets de chair du 53ème au 60ème jour).

Reproducteurs Poulets de chair

Effectif initialCaractéristiques

Coqs : 750 ; poules : 5200Pic de ponte (/poule) : 81%Pic d’éclosion : 75%

5000Poids moyen à 60 jours : 2.5kg

Maladie de Marek :âge d’apparition des lésionsDurée d’évolution

24ème semaine13 semaines

35ème jour17 jours

Mortalités 1ère période

2ème période

3ème période

1ère - 23ème semaine  Coqs : 47 (6.3%) Poules : 364 (7.0%)de la 24ème à la 37ème semaine Coqs : 115 (15.3%) Poules : 273 (5.3%)De la 37ème à la 57ème semaine Coqs : 11 (1.5%) Poules : 136 (2.6%)

1er - 35ème jour : 130 (2.6%)

Du 35ème au 52ème jour : 105 (2.1%)

Du 52ème au 60ème jour : 16 (0.3%)

Tableau I : Caractéristiques des types d’élevage et évolution du taux de mortalité en fonction des données épidémiologiques de la maladie de Marek [4, 10].

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TABLEAU NÉCROPSIQUE

Au total, 121 cadavres ont été autopsiés entre le 35ème (exclus) et le 60ème (inclus) jour chez les poulets de chair et 88 (72.7%) oiseaux âgés de 35 à 52 jours ont présenté des lésions tumorales compatibles avec la maladie de Marek. Chez les reproducteurs, 118 coqs et 292 poules ont été autopsiés à partir de la 24ème semaine jusqu’à la 40ème et des tumeurs sur différents organes ont été observés sur 109 mâles et 231 femelles âgés de 24 à 37 semaines.

L’étude lésionnelle fait ressortir une atteinte exclusive du foie, de la rate, des reins, du proventricule, de la grappe ovarienne, des intestins et du cœur. Les modifications trophiques se manifestent sous formes nodulaires ou diffuses avec une hypertrophie plus ou moins importante de l’organe respectif. Chez les reproducteurs, les lésions hépatiques ont le plus souvent consisté en une hypertrophie de l’organe associée à la présence de nodules, généralement multiples et de petite taille, aplatis et de couleur blanchâtre (figure 1) alors que des lésions diffuses entrainant un aspect marbré, une

décoloration générale et une hypertrophie de l’organe (figure 2) ont plus souvent été rencontrées chez les poulets de chair. L’hypertrophie de la rate notée dans les 2 types de production a été associée à la présence de nodules proéminents à la surface ou incorporés dans le parenchyme modifiant sa couleur et sa consistance (figure 3). Le proventricule a souvent présenté une muqueuse épaissie parfois ponctuée d’hémorragies. Les lésions de la grappe ovarienne se traduisent par une prolifération de nodules la transformant en un conglomérat dur ou par des modifications des ovules qui deviennent piriformes, flasques ou atrophiés (figure 4). L’hypertrophie des reins a constamment été présente et couplée avec des lésions nodulaires ou diffuses des autres organes cités (figure 4). De plus, les reins ont présenté un aspect opalescent et luisant caractéristique. L’atteinte du cœur et des intestins s’est avérée rare et s’est caractérisée par respectivement la présence d’un nodule solitaire et volumineux et de multiples nodules graisseux tout le long de l’intestin (figure 5). En revanche, aucune lésion macroscopique du plexus brachial et du nerf sciatique n’a été mise en évidence chez les oiseaux (poulets de chair et reproducteurs) présentant des lésions tumorales.

Figure 2 : Hypertrophie et décoloration du foie due à la présence diffuse dans le parenchyme de nombreux nodules blanchâtres (flèche) chez un poulet de chair mort à l’âge de 48 jours.

Figure 3 : Hypertrophie de la rate chez une poule reproductrice âgée de 32 semaines (gauche) par rapport à une rate de taille normale (droite).

Figure 1 : Hypertrophie du foie due à la présence de nombreux nodules blanchâtres (flèche) chez poule reproductrice morte à l’âge de 30 semaines.

Figure 4 : Hypertrophie des reins d’aspect opalescent (flèche noire) et atrophie de la grappe ovarienne (flèche rouge) chez une poule repro-ductrice morte à l’âge de 35 semaines.

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Le tableau II dresse la fréquence des localisations des lésions tumorales observées en fonction du type de production. Alors que les lésions (épaississement de la muqueuse et hémorragies) du proventricule sont apparues prédominantes chez le poulet de chair (survenant dans 82.95% des cas), elles sont restées plus occasionnelles chez les reproducteurs (dans 16.88% des cas de poules autopsiées et dans 27.52% des cas de coqs autopsiés). En revanche, les lésions du foie et de la rate ont été majoritairement observées chez les reproducteurs (72.48% des coqs et 55.84% des poules) et se sont avérées beaucoup plus rares chez les poulets de chair (17.05% des cas). En outre, 56% des poules reproductrices ont présenté une atteinte de la grappe ovarienne. Les lésions du cœur et des intestins n’ont été retrouvées que chez de rares poules reproductrices. L’hypertrophie des reins a souvent été associée aux autres lésions.

DONNÉES HISTOPATHOLOGIQUES

Pour tous les oiseaux présentant des lésions tumorales (88 poulets de chair et 340 reproducteurs), l’histopathologie a révélé une prolifération de type A des lymphocytes en périphérie du nerf sciatique (figure 6) confirmant ainsi la présence de la maladie de Marek de type A (en y associant une forte mortalité). Le diagnostic différentiel avec la leucose aviaire repose sur l’âge d’apparition de celle-ci (à partir de la

40ème semaine), l’inexistence d’une forme aiguë et l’absence d’une infiltration lymphocytaire des nerfs.

Discussion

Les résultats obtenus montrent une prévalence élevée de la maladie de Marek dans les élevages aviaires de type reproducteurs et production de poulets de chair entraînant une forte mortalité en dépit d’une possible vaccination préalable bien que d’après SAIF [10], l’infection ne puisse que rarement causer une maladie clinique chez les oiseaux résistants ou vaccinés. En outre, l’incidence de l’infection virale est probablement plus élevée que l’incidence réelle de la maladie [9]. L’échec de la vaccination peut s’expliquer par le non respect des pratiques vaccinales [6], un défaut d’hygiène au couvoir et au démarrage ainsi que par l’existence de variants hypervirulents [6].

Le taux de mortalité pour les poulets de chair a été de 2.1% et l’infection a évolué sur une période de 17 jours. Chez les reproducteurs coqs et poules, les taux de mortalité ont été de 15.33% et de 5.25% respectivement, montrant une sensibilité plus grande des mâles par rapport aux femelles et ont évolué sur une période de 13 semaines. Le taux de mortalité moyen du poulet de chair était de 1% en 1970 mais a pu atteindre 10% et on a observé une mortalité plus importante des

Figure 5 : Présence de nodules graisseux (flèches) le long de l’intestin chez un reproducteur (coq) mort à l’âge de 32 semaines.

Figure 6 : Coupe histologique du nerf sciatique d’un reproducteur présentant des lésions tumorales montrant une intense prolifération lymphocytaire (flèche). Hémalun-Eosine-Safran, X 400.

Reproducteurs Poulets de chair

(n = 88)Coqs (n = 109) Poules (n = 231)

ProventriculeFoieRateGrappe ovarienneCoeurIntestinsReins

30 (27.52%)79 (72.48%)79 (72.48%)

-00

109 (100%)

39 (16.88%)129 (55.84%)129 (55.84%)56 (24.24%)

5 (2.16%)2 (0.86%)

231 (100%)

3 (82.95%)15 (17.05%)15 (17.05%)

-00

88 (100%)

Tableau II : Fréquence des localisations des lésions tumorales observées en fonction du type de production (reproducteurs coqs et poules et poulets de chair).

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femelles [1]. Dans cette étude, les reproducteurs ont présenté des cas de maladie de Marek apparaissant à l’âge du début de ponte et évoluant sur un mode chronique, alors que la maladie a évolué sous une forme aiguë chez les poulets de chair âgé d’au moins 35 jours. De façon analogue, KREAGER a observé que la maladie de Marek reste rare chez des oiseaux de moins de 3 à 4 semaines, devient fréquente et grave chez des animaux de 8 à 9 semaines mais peut également survenir durant la période de ponte [7]. Les signes cliniques observés dans cette étude consistaient en des symptômes généraux non spécifiques tels que l’abattement, l’immobilité et une mort subite en décubitus dorsal, précédée de convulsions. De même, BIGGS [2, 3] relate que les oiseaux atteints de maladie de Marek avec des lymphomes ou des syndromes paralytiques n’expriment pas de signes spécifiques de la maladie dont la mort est souvent précédée par un état de dépression et/ou comateux.

Dans l’étude réalisée ici, il ressort que la forme nerveuse avec atteinte des nerfs périphériques citée comme caractéristique de la maladie de Marek et déterminante pour le diagnostic clinique est inexistante dans les 2 types de production. En revanche, la maladie s’est manifestée exclusivement sous une forme tumorale, nodulaire ou diffuse, affectant majoritairement le proventricule chez les poulets de chair, le foie et la rate chez les reproducteurs. D’autres organes ont également pu être atteints tels que les reins dont l’hypertrophie est toujours couplée avec d’autres lésions viscérales, la grappe ovarienne chez les femelles et de façon très sporadique le cœur et les intestins. Cette étude lésionnelle est compatible avec celle rapporté par SAIF [10]. Bien que ce dernier ait observé une taille généralement normale des organes, accompagnée d’une décoloration importante lors d’atteinte diffuse, il décrit une apparence granuleuse de la surface du foie et la mise en évidence à la coupe de nodules de différentes tailles, blanc gris, fermes et lisses. De même, il évoque une grappe ovarienne dite en «  chou-fleur » résultante de la présence de tumeurs des follicules matures. Ainsi, bien que l’élargissement des lésions aux nerfs périphériques soit très fréquemment observé chez les oiseaux, KREAGER souligne qu’aucun organe ou tissu n’est épargné et que des tumeurs viscérales peuvent apparaître en l’absence de lésions nerveuses notamment chez certaines races de poules [7] et selon WITTER [12], les lymphomes viscéraux sont communs dans beaucoup de formes virulentes de la maladie, la distribution des lésions étant influencée par certaines caractéristiques génétiques de l’oiseau ou du virus [12]. Cependant, les atteintes lésionnelles ne sont pas associées à des baisses de performance tangibles à l’échelle des groupes de volailles : le poids moyen des poulets de chair demeure acceptable [4] et les taux de ponte calculés sur le nombre de poules présentes restent satisfaisants. Seul le taux d’éclosion est abaissé en raison d’une atteinte fréquente des coqs.

La fréquence de la maladie de Marek s’explique par l’omniprésence de l’herpès virus dans les élevages aviaires ce qui se traduit par des taux de mortalité élevés et par la

présence régulière de cas y compris chez des animaux vaccinés. L’apparition de la maladie chez les effectifs vaccinés résulte probablement de l’absence de respect des pratiques vaccinales, des conditions de désinfection incomplètes ou d’une barrière sanitaire insuffisante compromettant la prise vaccinale durant la première semaine d’âge, mais aussi d’une stimulation insuffisante du système immunitaire par certaines souches vaccinales [6]. La contamination des poulets de chair qui ne sont pas systématiquement vaccinés contre la maladie de Marek, joue vraisemblablement un rôle déterminant dans l’excrétion du virus dans la nature qui va permettre la pérennisation de la maladie dans tous les types d’élevage. Le diagnostic post mortem de la maladie requiert des connaissances histopathologiques précises permettant d’identifier les lésions du foie ou du proventricule induites notamment lors de formes diffuses surtout lorsque la forme nerveuse classique (reconnaissable cliniquement à l’écartement des pattes) n’est pas exprimée dans l’élevage. Le tropisme sélectif du virus pour certains organes et les formes d’évolution de la maladie de Marek sont en rapport d’une part avec l’environnement et d’autre part avec l’évolution et l’adaptation dans le temps et l’espace de l’agent étiologique.

En conclusion, comme cette maladie est considérée à l’heure actuelle comme émergente [11], il est possible d’assister à une recrudescence de l’incidence de la maladie de Marek associée à une variabilité importante des manifestations lésionnelles.

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ETUDE LÉSIONNELLE DE LA MALADIE DE MAREK 111

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