Étude des partenaires symbiotiques : l’exemple du...

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1 TP n°6.5 Étude des partenaires symbiotiques : l’exemple du lichen Toutes les interactions interspécifiques ne conduisent pas forcément à une relation asymétrique où (au moins) un des deux partenaires est pénalisé par l’interaction. Dans divers cas une interaction sera bénéfique aux deux protagonistes ; c’est ce que l’on appelle le mutualisme. Il existe différentes formes de mutualisme. En parti- culier on trouve un continuum depuis une association sans contact étroit entre les partenaires comme le cas des insectes pollinisateurs et des plantes à fleurs décrits dans le TP n° 4.3. À l’autre extrémité du continuum des espèces auront poussé l’association jusqu’à « fusionner » les organismes. Cette situation conduit souvent à la perte d’autonomie et peut amener à la disparition de matériel génétique comme les cas des mitochondries ou chloroplastes « internalisés » par leurs partenaires. Dans ce TP, un exemple courant dans tous les écosystèmes et fascinant de par l’intimité réalisée par les partenaires sera décrit. Les lichens sont le résultat de l’association de deux espèces : un champignon et une algue. Il existe entre 13 000 et 20 000 espèces de lichens à travers le monde qui ont conquis quasiment tous les milieux. Les lichens résistent aux conditions les plus difficiles : ils ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations, de se réhydrater rapidement (phénomène de reviviscence) et de supporter de gros écarts de température. Dans ce TP nous décrirons l’organisation interne d’un lichen afin d’observer les deux partenaires. Un élément central sera, à travers l’observation comparée, d’évaluer en quoi une partie du lichen partage des caractéristiques d’un champignon « ancestral » et l’autre d’une algue « ancestrale ». Nous nous interrogerons également sur l’intérêt de cette asso- ciation pour chaque partenaire. Objectifs – Décrire une relation symbiotique. – Mettre en relation l’observation d’un mycète et d’une algue avec la structure interne d’un lichen. – Réaliser une coupe anatomique. Type Laboratoire Durée 1 heure © Educagri éditions, 2015

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1TP n°6.5

Étude des partenaires symbiotiques : l’exemple du lichen

Toutes les interactions interspécifiques ne conduisent pas forcément à une relation asymétrique où (au moins) un des deux partenaires est pénalisé par l’interaction. Dans divers cas une interaction sera bénéfique aux deux protagonistes ; c’est ce que l’on appelle le mutualisme. Il existe différentes formes de mutualisme. En parti-culier on trouve un continuum depuis une association sans contact étroit entre les partenaires comme le cas des insectes pollinisateurs et des plantes à fleurs décrits dans le TP n° 4.3. À l’autre extrémité du continuum des espèces auront poussé l’association jusqu’à « fusionner » les organismes. Cette situation conduit souvent à la perte d’autonomie et peut amener à la disparition de matériel génétique comme les cas des mitochondries ou chloroplastes « internalisés » par leurs partenaires. Dans ce TP, un exemple courant dans tous les écosystèmes et fascinant de par l’intimité réalisée par les partenaires sera décrit. Les lichens sont le résultat de l’association de deux espèces : un champignon et une algue. Il existe entre 13 000 et 20 000 espèces de lichens à travers le monde qui ont conquis quasiment tous les milieux. Les lichens résistent aux conditions les plus difficiles : ils ont la capacité de résister à de très fortes dessiccations, de se réhydrater rapidement (phénomène de reviviscence) et de supporter de gros écarts de température. Dans ce TP nous décrirons l’organisation interne d’un lichen afin d’observer les deux partenaires. Un élément central sera, à travers l’observation comparée, d’évaluer en quoi une partie du lichen partage des caractéristiques d’un champignon « ancestral » et l’autre d’une algue « ancestrale ». Nous nous interrogerons également sur l’intérêt de cette asso-ciation pour chaque partenaire.

Objectifs– Décrire une relation symbiotique.– Mettre en relation l’observation d’un mycète et d’une algue avec la structure

interne d’un lichen.– Réaliser une coupe anatomique.

TypeLaboratoire

Durée1 heure

© Educagri éditions, 2015

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Section 6 • Relations interspécifiques

OrganisationObservation microscopique classique

Période propice à la manipulationToute l’année

Matériel

. Un lichen foliacé (genre parmelia par exemple)

. Un champignonLa plupart du temps, le champignon partenaire dans la symbiose est un ascomy-cète. Un champignon de type pezize ramassé dans la nature est donc le plus adé-quat à étudier. Cependant, on peut faire ce travail avec un champignon noir (Auri-cularia auricularia-judae), trouvé au rayon asiatique d’un supermarché. Bien qu’étant un basidiomycète, ce champignon à une forme qui évoque la forme du lichen.

. Une culture d’algue unicellulaire : les chlorelles (on peut trouver ces algues chez un fournisseur spécialisé, ou bien récupérer des suspensions d’algues dans des étendues d’eau stagnante, ou bien gratter la surface verte de troncs d’arbre) ; ces algues sont des espèces proches de l’ancêtre qui ont été internalisées dans le lichen.

. Matériel pour réaliser une coupe anatomique : moelle de sureau, lame de rasoir, verre de montre, allumette taillée en pointe

. Matériel graphique pour le dessin d’observation ou appareil photo numérique

. Microscope

. 3 Lames, 3 lamelles

. Colorant (bleu de méthylène ou bleu coton)

Protocole

1/ Faire tremper quelques minutes le lichen et le « champignon » dans de l’eau tiède.

2/ Observer la structure d’un champignon (on peut réaliser une coupe anatomique ou bien une dilacération en écrasant fortement un peu de champignon entre deux lames) en procédant ainsi :a/ En suivant la fiche technique jointe (cf. en annexe) réaliser une coupe fine dans

le champignon.b/ Prélever les coupes les plus fines et les monter entre lame et lamelle avec du

colorant (bleu de méthylène ou bleu coton).

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c/ Observer au microscope avec un grossissement adapté.d/ Centrer votre observation sur une zone très fine, en général aux extrémités

de la coupe.e/ Repérer l’organisation des filaments (hyphes mycéliens) en réseau.f/ Réaliser un dessin d’observation ou une photo de votre montage.

3/ Observer une culture d’algues unicellulaires en procédant ainsi :a/ Mettre une goutte de la suspension de chlorelles entre lame et lamelle.b/ Observer au microscope avec un grossissement adapté.c/ Repérer la couleur et la forme de la cellule de cette algue unicellulaire.

4/ Observer la structure d’un lichen (on peut réaliser une coupe anatomique – voir protocole ci-dessous – ou bien une dilacération en écrasant fortement un peu de lichen entre deux lames) en procédant ainsi.a/ En suivant la fiche technique jointe en annexe, réaliser une coupe fine dans le

lichen.b/ Prélever les coupes les plus fines et les monter entre lame et lamelle avec du

colorant (bleu de méthylène ou bleu coton).c/ Observer au microscope avec un grossissement adapté.d/ Centrer votre observation sur une zone très fine, en général aux extrémités

de la coupe.e/ Repérer l’organisation du lichen.f/ Réaliser un dessin d’observation ou une photo de votre montage.

Photo d’une dilacération d’un champignon noir vue au microscope optique (× 400)

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Section 6 • Relations interspécifiques

Algue de type « chlorelle » vue au microscope optique (× 400)

Exploitation des observations

➀ Mettre en relation les observations de la coupe du champignon et de la suspen-sion d’algues pour légender la coupe du lichen.

➁ Décrire l’organisation interne du lichen.

➂ En sachant que les algues sont des organismes autotrophes aquatiques et les champignons des organismes hétérotrophes terrestres, formuler une hypothèse sur le type de relation interspécifique formé dans cette association.

Exemple de résultats

Description du lichenLe lichen s’organise en différentes couches : sur la zone inférieure on trouve les hyphes mycéliens plus ou moins lâches (zone médullaire) ; sur le côté supérieur il est constitué d’une couche d’algues (zone gonidiale). On observe aussi une zone dense et compacte formant comme une croûte sur le dessus et parfois le dessous du lichen (zone corticale).

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Figure 3 : Coupe transversale dans un lichen vu au microscope optique (× 400)

Source : http://labopathe.free.fr/symbioses.html

Les algues, organismes autotrophes, produisent leur propre matière organique (glu-cides, lipides, protéines) à partir d’eau, de sels minéraux et de dioxyde de carbone grâce à l’énergie lumineuse. Elles ne peuvent se développer que dans des milieux humides.

Les champignons (mycètes), sont exclusivement hétérotrophes ; ils doivent trouver leur matière organique dans leur environnement. On peut supposer que le cham-pignon tire profit de la matière organique fabriquée par l’algue. De son côté l’algue trouve un milieu protégé de la dessiccation propice à son développement dans des habitats terrestres habituellement incompatibles. On peut définir cette association comme une symbiose si on considère que chaque partenaire tire profit de la rela-tion et qu’il s’agit d’une relation étroite et durable. Selon un autre point de vue on pourrait considérer que l’algue se fait exploiter par le champignon.

Pour aller plus loin

On peut comparer le métabolisme de chaque espèce en utilisant un dispositif EXAO avec sonde à oxygène et dioxyde de carbone. On place dans deux enceintes hermé-tiques transparentes une masse équivalente de champignon d’un côté, et de l’autre la même masse d’un lichen éclairé puis on compare les résultats.

algue unicellulaire

cortex mycélien supérieur

algues unicellulaires enserréespar des hyphes mycéliens

zone médullaire

cortex mycélien inférieur

hyphe mycélien

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Section 6 • Relations interspécifiques

On peut caractériser le métabolisme plus simplement en mettant des bouts de lichen et de champignons dans des tubes à essai différents avec du rouge de crésol. Selon la quantité de CO2 dissout dans le milieu, le rouge de crésol vire du jaune au violet.

On peut s’intéresser au lichen Xanthoria parietina. Ce lichen très commun, de cou-leur jaune orangé, produit une substance colorée appelée pariétine. Cette subs-tance lichénique protège les algues des UV. Plus le lichen est exposé à la lumière, plus la quantité de pariétine produite est importante. On peut estimer la quantité de pariétine d’un même lichen posé sur une branche dont une face est exposée à la lumière et l’autre non (cf. la bibliographie pour avoir plus de précision sur la manipulation).

Le saviez-vous ?

Différentes expériences montrent que la culture séparée des deux partenaires du lichen est un échec. L’utilisation d’isotopes radioactifs a permis de mieux com-prendre les relations entretenues entre l’algue et le champignon. De façon simpli-fiée, l’algue produit des sucres grâce à la photosynthèse, sucres qui sont ensuite utilisés par le champignon pour produire des substances lichéniques qui lui sont utiles pour se fixer à son substrat, pour se protéger des rayons UV, ou bien pour produire des substances toxiques pour les animaux.

Bibliographie / sitographie

http://svt-lnb.perso.sfr.fr/doc_TleS/TleS_TP/TS-tp-p1A-21-ECE%20lichen-2.pdf(site dédié aux SVT – Lycée Nord Bassin d’Andernos-les-Bains)

http://labopathe.free.fr/symbioses.html (site du laboratoire de SVT du lycée Fran-çois Magendie de Bordeaux)

Combes C., Interactions durables. Écologie et évolution du parasitisme, Dunod, 2001

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Annexe

Fiche technique de réalisation d’une coupe anatomique dans un tissu végétal

moelle desureau

lame derasoir

demi-lame

organe végétalà couper

1. Couper la moelle de sureauavec une demi-lame de rasoir.

3. Maintenir en pressionla moelle du sureau en présentantla tranche de cette façon.

5. Déposer toutes vos coupesdans un verre de montre.

6. A l’aide d’une allumette taillée en pointe,placer les coupes les plus fines sur la lame.

2. Ebarder de façon précisele bord de l’organe.

4. Placer la lame sur la trancheet entâmer la moelle de sureauen tirant vers soi.

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