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JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1 ETUDE DE LA RESISTANCE A L’ARRACHEMENT SOUS CHARGE VERTICALE DES ANCRES A EFFET DE SUCCION THOREL Luc, GARNIER Jacques, RAULT Gérard, BISSON Adeline Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Centre de Nantes, Route de Bouaye BP4129 F-44341 BOUGUENAIS Cedex, France. 33 (0) 2 40 84 58 00, fax : 33 (0) 2 40 84 59 97 [email protected] , [email protected] , [email protected] RESUME : Les plate-formes flottantes nécessitent de mettre au point de nouveaux systèmes d’ancrages et l’une des techniques retenues est celle de l’ancre à effet de succion. Les principales règles de dimensionnement existant dans la littérature pour des chargements statiques verticaux sont présentées et analysées. Par ailleurs, des essais ont été réalisés sur modèles réduits centrifugés et les résultats sont comparés aux prévisions des formules théoriques. MOTS-CLEFS : Ancrage à effet de succion, off-shore, chargement statique, modèles réduits, centrifugeuse ABSTRACT : The floating production offshore platforms require to improve and to innovate in new deepwater anchoring systems : the suction pile is now a technology currently used. The main rules for designing these suction caissons under vertical static loads are presented and discussed. Results of centrifuge model tests are compared to the predictions of the designing methods. KEY-WORDS : Suction anchor, offshore, static loading, reduced scale models, centrifuge. 1. Introduction L’augmentation de la demande énergétique au niveau de la planète au cours des dernières décennies conduit à exploiter des gisements pétroliers situés dans des mers de plus en plus profondes (1000 à 2000m d’eau). Les plate-formes flottantes nécessitent de mettre au point de nouveaux systèmes d’ancrages et l’une des techniques retenues est celle de l’ancre à effet de succion. De forme cylindrique, ouverte à sa base et fermée en tête, ce type d’ancre est mis en place assez facilement à grande profondeur : les efforts nécessaires au fonçage du caisson sont obtenus par réduction de la pression intérieure grâce à un pompage en tête de pieu (suction active). Une fois en place, ce type d’ancrage permet de reprendre les efforts horizontaux, verticaux ou inclinés, générés par le mouvement de la plate-forme sous l’action de courants ou de la houle. La succion active qui se développe sous la tête du caisson conduit en effet à des mécanismes de rupture généralisée (reverse bearing capacity) leur conférant des résistances à l’arrachement considérables. Le dimensionnement de telles ancres pour reprendre des efforts verticaux fait appel à des hypothèses qui diffèrent selon les auteurs et selon la géométrie ou la nature du mécanisme de rupture du sol envisagé. Les principales règles de dimensionnement existant dans la littérature pour des chargements verticaux statiques sont présentées et analysées. 2. Systèmes d’ancrage des plates-formes pétrolières Suivant les charges appliquées sur la structure offshore, les techniques d’ancrage sont différentes :

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JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 1

ETUDE DE LA RESISTANCE A L’ARRACHEMENT SOUS CHARGE VERTICALE DES ANCRES A EFFET DE SUCCION

THOREL Luc, GARNIER Jacques, RAULT Gérard, BISSON Adeline

Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Centre de Nantes, Route de Bouaye BP4129 F-44341 BOUGUENAIS Cedex, France. 33 (0) 2 40 84 58 00, fax : 33 (0) 2 40 84 59 97

[email protected], [email protected], [email protected]

RESUME : Les plate-formes flottantes nécessitent de mettre au point de nouveaux systèmes d’ancrages et l’une des techniques retenues est celle de l’ancre à effet de succion. Les principales règles de dimensionnement existant dans la littérature pour des chargements statiques verticaux sont présentées et analysées. Par ailleurs, des essais ont été réalisés sur modèles réduits centrifugés et les résultats sont comparés aux prévisions des formules théoriques.

MOTS-CLEFS : Ancrage à effet de succion, off-shore, chargement statique, modèles réduits, centrifugeuse

ABSTRACT : The floating production offshore platforms require to improve and to innovate in new deepwater anchoring systems : the suction pile is now a technology currently used. The main rules for designing these suction caissons under vertical static loads are presented and discussed. Results of centrifuge model tests are compared to the predictions of the designing methods.

KEY-WORDS : Suction anchor, offshore, static loading, reduced scale models, centrifuge.

1. Introduction

L’augmentation de la demande énergétique au niveau de la planète au cours des dernières décennies conduit à exploiter des gisements pétroliers situés dans des mers de plus en plus profondes (1000 à 2000m d’eau). Les plate-formes flottantes nécessitent de mettre au point de nouveaux systèmes d’ancrages et l’une des techniques retenues est celle de l’ancre à effet de succion. De forme cylindrique, ouverte à sa base et fermée en tête, ce type d’ancre est mis en place assez facilement à grande profondeur : les efforts nécessaires au fonçage du caisson sont obtenus par réduction de la pression intérieure grâce à un pompage en tête de pieu (suction active). Une fois en place, ce type d’ancrage permet de reprendre les efforts horizontaux, verticaux ou inclinés, générés par le mouvement de la plate-forme sous l’action de courants ou de la houle. La succion active qui se développe sous la tête du caisson conduit en effet à des mécanismes de rupture généralisée (reverse bearing capacity) leur conférant des résistances à l’arrachement considérables. Le dimensionnement de telles ancres pour reprendre des efforts verticaux fait appel à des hypothèses qui diffèrent selon les auteurs et selon la géométrie ou la nature du mécanisme de rupture du sol envisagé. Les principales règles de dimensionnement existant dans la littérature pour des chargements verticaux statiques sont présentées et analysées.

2. Systèmes d’ancrage des plates-formes pétrolières

Suivant les charges appliquées sur la structure offshore, les techniques d’ancrage sont différentes :

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• ancres marines à haute efficacité ; • embases gravitaires ou corps morts ; • pieux d’ancrages ; • ancres spéciales.

En jouant sur le rapport de la tenue et du poids dans l’air des ancres dites à haute efficacité, on augmente notablement les efforts repris par point d’ancrage (de 1000 kN à 2000 kN pour des ancres de 150 kN et jusqu’à 6000 kN pour les ancres plus lourdes) [Colliat, 1999]. Cependant l’utilisation de ces ancres reste limitée à des gammes de profondeurs d’eau assez faibles.

Les embases gravitaires présentent l’avantage de reprendre les efforts verticaux ainsi que les efforts horizontaux.

Le système des pieux d’ancrages, bien adapté également à la reprise d’efforts horizontaux et verticaux, est d’utilisation assez courante. En faisant varier les caractéristiques géométriques des pieux, on peut reprendre des efforts de 1000 à 7000 kN. Ces pieux peuvent être installés à de grandes profondeurs mais nécessitent d’importants moyens de mise en œuvre (battage) et donc augmentent le coût d’installation.

Les ancres spéciales développées depuis une trentaine d’années visent à être fiables pour la reprise d’efforts verticaux et horizontaux tout en limitant le coût de la mise en œuvre et avec des possibilités de réutilisation. Ainsi ont été développées des ancres vibrofoncées, propulsées et des ancres à succion. Le choix d’un système d’ancrage doit tenir compte de plusieurs critères tels que :

• le temps d’immobilisation ; • l’intensité et la direction des efforts dans les lignes d’ancrage ; • la profondeur d’eau ; • la nature du sol ; • l’aspect économique.

3. Ancrage par succion

Figure 1: Schéma d’une ancre à

succion [Bang et al., 2000]

Un intérêt tout particulier est porté par l’industrie pétrolière au système d’ancrage par succion car il s’avère être d’une grande fiabilité, avec de bonnes capacités de reprises d’efforts. La réduction de la durée et des moyens de mise en œuvre pour l’installation ont également leur importance.

Les caractéristiques des ancres à succion déjà utilisées sont les suivantes [Fau & Raynaud, 1986] :

- diamètre extérieur : 3 à 5m - longueur totale : 5 à 10m - épaisseur des parois : 25 à 54 mm - poids : 150 à 300 kN.

La première application de ce système date de 1981 pour l’ancrage du stockeur pétrolier de Gorm au Danemark à une profondeur de 40m [Colliat, 1999]. Depuis, des ancres à succion ont été utilisées à des profondeurs d’eau de plusieurs centaines de mètres et avec des caissons aux dimensions beaucoup plus importantes.

Une ancre à succion peut être assimilable à un pieu de grand diamètre dont l’extrémité supérieure est fermée.

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Cette partie supérieure peut avoir la forme d’un dôme ou bien une forme plate. Un capot amovible contenant le système de pompage vient se fixer au sommet du caisson (Figure 1).

Après le contact avec le fond marin, le caisson dont la tête est d’abord ouverte entame une phase de pénétration dans le sol uniquement sous l’action de son poids propre.

Le caisson s’enfonce ainsi d’environ un tiers de sa hauteur totale. Ensuite, la tête est fermée et le système de pompage est activé. La dépression créée à l’intérieur du caisson par des pompes installées au sommet qui évacuent l’eau présente à l’intérieur permet de vaincre la résistance du sol et de poursuivre la descente du caisson (Figure 2).

La pression de pompage doit faire l'objet d'une étude particulière étant donné qu'il existe des risques de remontée du bouchon de sol dans le caisson ou d’écrasement du caisson si la dépression est trop importante.

Une fois l’ancre installée à la profondeur désirée, les pompes sont retirées. Les chaînes d’amarrage peuvent être alors mises en tension. Un autre intérêt de ce système est la possibilité de récupérer l’ancre en réinstallant les pompes et en injectant de l’eau sous pression à l’intérieur de l’ancre. (Figure 3).

L’installation des caissons d’ancrage est relativement simple dans la mesure où elle ne nécessite pas de procédures de battage comme pour les pieux classiques. Un navire équipé d’une grue suffisamment puissante pour lever les caissons est toutefois requis lors de l’installation. Pour les plus grands caissons, son coût journalier peut atteindre plusieurs centaines de milliers de Dollars US.

Figure 2: Mise à l'eau du caisson ,système de

pompage et d'instrumentation [Colliat et al.,1997]

Chaque caisson est équipé d’un système d’instrumentation installé dans un capot amovible fixé au sommet du caisson et relié au navire à l'aide d'un ombilical hydro-électrique (capteurs de pression, inclinomètre, écho-sondeurs, balise acoustique…). Pendant toute la phase d’enfoncement, ce système permet de suivre les pressions à l’intérieur du caisson, la profondeur de pénétration et l’inclinaison du caisson et ainsi de rectifier certains paramètres (Figure 4).

Figure 3: Caisson d'ancrage en cours d'installation [Fau &

Raynaud, 1986]

Figure 4: Profondeur atteinte par le caisson en fonction du temps (en heure) pendant l'installation [Colliat et al., 1999]

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4. Résistance à l’arrachement des caissons à succion dans les massifs argileux

Lors du chargement d'un caisson ancré dans l'argile, trois schémas de rupture peuvent intervenir suivant les conditions de drainage du sol :

• Schéma 1 : rupture sur l’intrados du couvercle, sur les parois externes et internes du caisson, • Schéma 2 : rupture à la base du caisson et sur les parois externes, • Schéma 3 : rupture dans le sol à l’extérieur du caisson.

d1

a3 a2 a1

pi ; Ai

pe ; Ae

d2

Figure 5: Notations utilisées

Dans chacun des cas, on étudie l'équilibre des forces mises en jeu pour définir l'effort maximal qui pourra être appliqué au caisson. Les calculs suivants donnent la résistance à l'arrachement en fonction des mécanismes de rupture considérés.

Notations utilisées dans les formules [Christensen et al., 1991a, 1991b] : pe, Ae : périmètre et aire extérieurs du caisson pi, Ai : périmètre et aire intérieurs du caisson

Des études expérimentales ont montré que l’un ou l’autre des mécanismes de rupture pouvaient avoir lieu suivant les caractéristiques du sol, la profondeur des caissons d’ancrage, la vitesse à laquelle le chargement est effectué….

Cependant, il apparaît que le troisième mécanisme est le plus probable dans les sols où sont habituellement installés ces caissons à succion (sols fins peu perméables) .

Wang et al. [1977] ont également développé leur théorie autour de ce schéma de rupture dans le sol en utilisant par ailleurs la théorie de Mohr Coulomb.

4.1. Schéma 1 : Rupture par glissement

Dans ce schéma de rupture, le bouchon de sol à l’intérieur du caisson reste en place dans le massif.

On devra donc tenir compte des forces de frottements du sol sur la paroi intérieure et extérieure du caisson (Ti et Te).

L’eau exerce des forces de pression au dessus et au dessous de la tête du caisson (Fuout et Fuint).

Comme pour les fondations de type pieu, on pourra considérer une résistance de pointe à la base du caisson, mais en pratique cette force sera négligée devant les autres efforts (épaisseur des parois relativement faible).

Fuout

Fuint

Wp

Futip

Ti

Te

F1

Figure 6: Schéma de rupture par glissement

dans l’argile

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Modèle Christensen et al. [1991a, 1991b] La résistance à l’arrachement F1 est égale à :

F1=Wp+Fuout-Fuint+Te+Ti-Futip (1)

- Wp : poids total du caisson, - Fuout : pression de l’eau sur le couvercle Fuout=Aeγwd1 - Fuint : pression de l’eau sous le couvercle Fuint=AiPtop, (Ptop pression de l’eau sous le couvercle du caisson) - Futip : pression sous la base du caisson Futip=Ptip(Ae-Ai) (Ptip~-100kPa (pression interstitielle à la base)) - Ti : frottement latéral à l’intérieur du caisson Ti=a1piCuαi (αi : coefficient adimensionnel) - Te : frottement latéral à l’extérieur du caisson Te=peCuαemin(a3 ;a2)

(Cu :cohésion non drainée, αe :coefficient adimensionnel) et, par hypothèse: Ptip= Ptop1~-100 kPa Modèle Bureau Véritas La formule prend en compte un terme de frottement latéral, un terme de cohésion et le poids propre du caisson.

p001 'W2

KDcBD2AcF +

+π+=

(2)

- Cu=c0+Kz : cohésion non drainée de l'argile (z: profondeur)

- B, D: diamètre et profondeur d'encastrement du caisson - A: Section du caisson

4.2. Schéma 2 : Rupture par traction

Dans ce schéma de rupture, le bouchon de sol est arraché avec le caisson.

Dans cette configuration, seuls les frottements sur la paroi extérieure du caisson doivent intervenir dans l’équilibre des forces puisque le bouchon de sol suit le caisson. Il faut alors ajouter au poids du caisson le poids du bouchon de sol (Ws).

En revanche une force de traction vient s’exercer sur le bouchon de sol à la base du caisson. Cette force est essentiellement liée aux caractéristiques du sol (Cu).

F2

Fuout

Ws

Wp

Ptip

Te

Ft

Figure 7: Schéma de rupture par traction dans l’argile

Modèle Christensen et al. [1991a, 1991b] La résistance à l’arrachement F2 est égale à :

FtTeFWsWpF outu2 ++++= (3)

Ws: poids du bouchon de sol Ft : force de traction à la base du caisson Ft =Ai×min{σt ; -Ptip} Ptip : pression de l’eau à la base du caisson ; σt :contrainte de traction sur la partie inférieure du bouchon de sol σt=2Cu-σh (Ko étant pris égal à 1) σh :contrainte horizontale à la base du caisson σh =max{σlim ;(Ws-Ti)/Ai} σlim prise généralement égale à –100kPa, mais en fait σlim dépend de la valeur de a2 : σlim=γw(d2+a2)

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Modèle Bureau Véritas On retrouve dans la formule suivante le terme de traction à la base, le terme de frottement et le poids propre du bouchon de sol et du caisson.

ps0tip2 'W'W2

KDcBDcF ++

+π+= (4)

Ctip: Cohésion à la profondeur D (base du caisson)

4.3. Schéma 3 : Rupture dans le sol

La rupture s’effectue dans le sol sous la base du caisson. Ce mécanisme de rupture est souvent appelé reverse end bearing capacity. Les efforts appliqués au caisson sont à peu près similaires au schéma précédent. On introduit une force équivalente à la capacité portante des fondations profondes mais qui agirait en sens inverse.

Fuout

Ws

Wp

Te

NCuAe-qtipAe

F3

Figure 8: Schéma de rupture dans tout le massif de sol dans l’argile

Modèle Christensen et al. [1991a, 1991b] La résistance à l’arrachement F3 est :

Aeq-NCuAeTeFWsWpF tipoutu3 ++++=

(5)

- N=min{9;6.2(1+0,35a2/De)} établi par des

calculs de force portante pour fondations profondes (selon Brinch Hansen (1961,1970)),

- qtip: pression à la base du caisson qtip=d2γw+a2γs

Modèle Bureau Véritas Dans la formule ci-dessous, on peut voir apparaître un terme de force portante, un terme de frottement et les poids propres du caisson et du bouchon de sol. Chaque terme est composé de nombreux coefficients qui dépendent des caractéristiques du sol et de la géométrie du caisson.

ps2/Dqtip0cacatipu 'W'WBDcAi)c'p(A)iS1(4

KBc)2(FF ++π++−−+

+π+= (6)

avec :

+=

ucKB

36.0th8.01F

+−=

u

pbca BDc

H115.0i

300pb KD

61

²Dc41

²KBD23

BDc3H +++=

253.0

ucv c

KB1678.02.0S

−=

DB

)i21(SS cacvca −=

D''p0 γ= iq=1 (chargement vertical)

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Modèle Clukey & Morrisson [1993]

fcp FFW'Fu ++= (7)

( ))2/BD(udiscc cNAF +ζζζ= force dite “capacité portante inverse” et: Nc=π+2 facteur de capacité portante

ζs=1,2 facteur de forme (valeur pour un caisson cylindrique)

²BNcT6

cui π

=ζ facteur d’inclinaison (T :composante horizontale du chargement)

)L/B(tan18.01 1d

−+=ζ facteur d’encastrement

Nγ=1 Ff=0,75 Acu force de frottement, le facteur 0,75 étant déterminé à l'aide de résultats expérimentaux Les divers paramètres (N, α) introduits dans les formules précédentes ont fait l’objet de déterminations expérimentales.

5. Approche éléments finis

Les équations développées dans le paragraphe précédent permettent d’établir la capacité de résistance à l’arrachement des caissons à succion. Cependant elles se limitent souvent au cas particulier où le chargement est appliqué verticalement en tête du caisson. Mais en réalité les efforts appliqués sur ce type d’ancrage sont rarement purement verticaux, la chaîne d’amarrage étant le plus souvent fixée sur la jupe du caisson ce qui induit un chargement incliné sur celui-ci. Des études numériques [Deng & Carter, 2000a, 2000b] menées grâce à des logiciels d’éléments finis ont ainsi permis d’estimer les capacités de résistance des caissons sous des chargements inclinés, en tenant compte de différents paramètres tels que :

- les caractéristiques géométriques du caisson, - le point d’ancrage, - l’angle d’inclinaison de la chaîne, - les conditions de drainage, - les caractéristiques du sol.

En général, un modèle est développé pour la résistance du caisson sous un effort horizontal, puis un autre modèle définit la résistance sous un effort purement vertical. La combinaison de ces deux modèles permet alors d'évaluer la résistance du caisson sous un chargement incliné. Par ailleurs ces modèles ont également permis d'évaluer l'influence des différents paramètres du sol et des caractéristiques du caisson sur sa résistance à l'arrachement.

5.1. Hypothèses générales

Un modèle élastoplastique est adopté pour l’étude du comportement des sols. En particulier on considère que les argiles suivent le modèle de Cam-Clay avec une loi associée. Les caissons sont modélisés par des cylindres rigides de diamètre d et de longueur L. Le matériau est considéré comme isotrope élastique (module d’Young E, coefficient de Poisson ν). La modélisation par éléments finis utilisée dans cette étude est réalisée en tenant compte des équations d’équilibre et de compatibilité. La géométrie du caisson et les propriétés du matériau permettent d’avoir un modèle axisymétrique constitué de N éléments (Figure 9).

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θa

B

D

H

Sol

Figure 9: Schéma du caisson étudié et sa modélisation éléments finis

5.2. Résistance à l’arrachement sous efforts verticaux dans les sols fins (argile et silt).

Deng & Carter [2000] ont développé, à partir des résultats de modèles éléments finis, des formules pour la résistance à l’arrachement des caissons dans l’argile. Comme dans l’étude précédente, trois schémas de rupture sont envisagés. Chaque schéma étant lié aux conditions de drainage de l’essai, et, pour définir ces conditions, on évalue le paramètre (Tk) lié à la vitesse de chargement et aux caractéristiques du sol :

vBC

T vk = (8)

avec : Cv : coefficient de consolidation du sol ; v : vitesse de chargement ; B : diamètre du caisson

Suivant la valeur de Tk, on estime l'état de drainage du sol et par suite on définit un modèle de rupture lors de l'arrachement du caisson.

Tableau 1 : Conditions de drainage selon la valeur de Tk.

Tk Etat du drainage Schéma de rupture

0,6<Tk drainé rupture par glissement (schéma 1)

0,002<Tk<0,6 partiellement drainé rupture par arrachement du bouchon de sol (schéma 2)

Tk<0,002 non drainé rupture dans le sol (schéma 3)

5.2.1 Schéma 1 rupture par glissement

Ce schéma n'implique que les forces de frottement sol/paroi (Fs=Te+Ti) et le poids de la fondation W'p. psu 'WFF += (9)

latAlat

ss dAfF ∫= ; Φση= tanKf 'v0s

σ'v: contrainte verticale effective dans le sol à la base du caisson η: facteur dépendant de l'élancement du caisson

Son expression a été déterminée par éléments finis: 463.0

BD

135.1−

D

B

Fu

Te Ti

Figure 10: schéma 1- rupture par glissement [Deng & Carter, 2000b]

5.2.2 Schéma 2: rupture par arrachement à la base

Les forces à prendre en compte dans ce schéma sont les forces de frottements extérieurs, le poids du

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bouchon de sol et de la fondation, et la force de traction développée à la base du bouchon de sol ARb. La résistance Rb à la base du caisson dépend en fait des caractéristiques du sol, de l'élancement du caisson et de la vitesse de chargement. Une modélisation par éléments finis a permis, en introduisant des coefficients adimensionnels, de donner une expression simple de la résistance à l'arrachement par l'expression suivante. ptipbdraineufu 'WcANFNF ++= (10)

Fu drainé: valeur de Fu déterminé dans le schéma précédent

−=

BD

ln091.0632.0N f

( ))Tln(446.03.16.1N kBD

b −=

D

B

Fu

Te Ws

Rb Figure 11: Schéma 2- rupture par

arrachement [Deng & Carter, 2000]

5.2.3 Schéma 3: rupture dans le sol

Dans ce schéma, on prend en compte des efforts de frottement sur la paroi extérieure, et une force située à la base du caisson dont l'expression est similaire à la capacité portante des fondations.

stipccscepu FcNA'WF +ζζ+= (11)

+=ζ

BD

4.01ce facteur d'encastrement

ζcs=1,2 facteur de forme (valeur pour une fondation cylindrique)

tipcecss cAF ζζα= α: coefficient de frottement

En introduisant un facteur d'arrachement 18.0

cp BD

9.7NN−

=α+=

l'effort total s'écrit:

AcBD

9.7'WF tipcecs

18.0

pu ζζ

+=

(12)

On trouve dans la littérature d'autres études pour ce schéma à Capacité portante inverse . Les variations observées proviennent de la définition des coefficients à appliquer devant les termes de frottements et de capacité portante.

Fu

D

B

Te Ws

Figure 12: schéma 3- rupture dans le

sol [Deng & Carter, 2000]

Ø Modèle Renzi et al. [1991] ptipculu 'WA)D'cN(CAF +γ++α= (13)

Nc=9 facteur de capacité portante α=0,3 facteur de frottement

Ø Modèle Rahman et al. [2001] ptipccu 'WDA'AcdNF +γ+= (14)

1833.0

c BD

8N−

= facteur d'arrachement

+= −

BD

tan4.01d 1c facteur d'encastrement

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Dans le cas de chargements mécaniques suffisamment rapides pour se retrouver en conditions non drainées, les formules correspondant au 3ème schéma de rupture sont résumées sur le Tableau 2.

Tableau 2: Récapitulatif des formules de résistance à l'arrachement (effort vertical)

Auteurs Résistance à l'arrachement

Christensen, Haahr, Rasmussen Aeq-AeNcTeFWsWpF tiptipoutuu ++++=

Bureau Véritas

++π+

+−−+

+π+

=

ps2/D(

qtip0caca)D(u

'W'W)BDc

Ai)c'p(A)iS1(4

KBc)2(F

F

Clukey, Morrison fcp FFW'Fu ++=

Deng, Carter tipcecs

18.0

pu cBD

9.7'WF ζζ

+=

Renzi, Maggioni, Smits p)D(ucmlu 'WA)D'CN(cAF +γ++α=

Rahman, Wang, Deng, Carter ptipccu 'WDA'AcdNF +γ+=

Les variations observées dans les formules viennent alors des coefficients appliqués aux termes de frottement et de capacité portante. Ces coefficients ont été déterminés empiriquement ou bien par une modélisation éléments finis.

6. Essais en centrifugeuse : effet de l’élancement

Des essais ont été réalisés sur modèles réduits de caissons à succion, dans la centrifugeuse du LCPC, depuis de nombreuses années dans le cadre de différents contrats de recherche [e.g. Clukey & Morrison, 1993, Puech et al., 1993, Morisson et al., 1994, Garnier et al., 1995].

Figure 13 : Centrifugeuse du LCPC

D’un rayon de 5,50m, la centrifugeuse du LCPC permet d’embarquer dans sa nacelle pivotante des modèles réduits d’un vo-lume d’environ un mètre cube (massif de sol et structure). Soumis à une accélération de 200g ma-ximum (pour une réduc-ion d’échelle 1/200ème), le modèle réduit est ins-trumenté. Des vérins et servo-vérins embarqués permettent d’appliquer les efforts sur les structures géotechniques et simuler par exemple l’effet des courants sur les caissons à succion.

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JNGG 2002, 8 et 9 Octobre 2002, Nancy 11

Pour ce type de problème, les essais sur modèles réduits réalisés en laboratoire (sous pesanteur normale) peuvent en effet conduire à des conclusions erronées car les mécanismes de rupture sont différents (Puech et al., 1993).

Les prévisions des formules présentées plus haut sont comparées aux résultats expérimentaux obtenus sur modèles réduits centrifugés, pour différents élancements des caissons à effet de succion (Figure 14 et Figure 15). Les massifs d’essais sont reconstitués à partir de poudre de kaolin (Speswhite clay) et généralement soumis à une accélération centrifuge de 100g, ce qui correspond à des modèles réduits au 1/100ème. Ils présentent un profil de cohésion non drainée croissant avec la profondeur (environ 1kPa/m). Les plus grands caissons prototypes simulés ont une hauteur de 30m et un diamètre de 15m. Ils sont soumis à un chargement vertical monotone jusqu’à la rupture. Les résultats de la Figure 15 sont exprimés en « prototype », c’est à dire rapportés à l’ouvrage en vraie grandeur.

Malgré l’apparente dispersion des résultats obtenus pour l’élancement 2, les écarts relatifs entre la théorie et l’expérience ne dépassent pas 30%, tandis qu’ils atteignent jusqu’à 80% pour les forts élancements. Les modèles donnant les meilleurs résultats sont ceux de Rahman, Cluckey et Christensen. Les différences observées sur ces résultats s'expliquent en grande partie par l'incertitude qui existe sur les coefficients utilisés dans les formules: coefficient de frottement et coefficient de force portante. En général les coefficients proposés par les auteurs ont été déterminés empiriquement en réalisant des essais sur des caissons de faible élancement, c'est pourquoi la précision est meilleure sur le caisson d'élancement 2.

Figure 14 : Caissons à effet de succion de différents élancements

0

20

40

60

80

100

120

0 2 4 6 8élancement

ExpérienceWangDengRenziCluckeyChristensenVeritas

Figure 15 : Effet de l’élancement sur l’effort ultime d’arrachement : comparaison des essais avec les

prévisions des formules théoriques.

7. Conclusions

Les formules répertoriées montrent que la détermination de la résistance sous charge axiale d'un caisson à succion ancré dans un massif d'argile doit tenir compte des efforts suivants:

- Poids propre du caisson - Poids propre du bouchon de sol - Effort de frottement sur les parois du caisson - Succion développée dans le sol et sous la tête - Force dite de Capacité portante inverse.

La comparaison avec les expérimentations sur modèle réduit centrifugé donnent un relativement bon accord, en particulier pour les élancements les plus élevés. Il est par contre beaucoup moins

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facile de prévoir la résistance de ces caissons sous d’autres types de sollicitations comme des efforts inclinés, des chargements cycliques, (effet des courants, de la houle et des tempêtes), des charges de longues durées ou encore une alternance de ces divers modes de sollicitation que devra pourtant pouvoir supporter le caisson réel. C’est la raison pour laquelle de très importants programmes d’essais sur modèles centrifugés sont actuellement en cours dans différents laboratoires.

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