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Agnès Parnaix et Séverine Albe-Tersiguel (IAU-îdf, suivi de la publica-tion), Stéphanie Molinero (Arcadi Île-de-France, coordination et suivi de la publication)

Graphisme Atelier des grands pêchersCrédit photo Le CubeImpression Corlet Imprimeur

Apporter de nouveaux éclairages sur le secteur culturel francilien, donner à voir ses caractéristiques, ses évolutions et proposer des pistes de réflexion : ce sont là les objectifs de la mission d’ob-servation culturelle d’Arcadi Île-de-France soutenue par la Drac et la Région Île-de-France. Dans un souci de lisibilité, nous avons décidé de lancer une série de publications afin de mieux diffuser les données recueillies, les analyses produi-tes et leur mise en perspective en souhai-tant qu’elles soient mobilisées par les acteurs con cernés et mises au service de l’action.

Établissement public de coopération culturelle créé à l’initiative de la Région Île-de-France, en partenariat avec l’État (Drac), Arcadi a pour mission de soutenir la création artistique, de favoriser la dif-fusion des œuvres et d’aider au dévelop-pement d’actions artistiques dans les domaines de la chanson, de la danse, de l’opéra, du théâtre et des arts numériques. Il a aussi des missions d’information, d’accompagnement, de mutualisation, d’observation, au bénéfice de tous les acteurs de la vie artistique et culturelle d’Île-de-France. Il organise des temps de visibilité pour les équipes artistiques dont il soutient le travail. Il développe des actions de coopération territoriale. Il coordonne le dispositif Passeurs d’images et la mission Médiateur culturel.Dans le cadre de sa mission d’observation culturelle, Arcadi produit, diffuse et met en débat des données et des analyses portant sur le paysage culturel francilien. Issues de différentes approches (secto-rielles et transversales, régionales et territorialisées, quantitatives et qualita-tives), elles se destinent aux acteurs locaux et territoriaux, aux professionnels de la culture et à tous ceux qui s’intéressent aux mondes de l’art et de la culture.

Emmanuel Négrier est directeur de recherche en sciences politiques au CNRS (CEPEL), à Montpellier. Ses domaines de recherche sont les festivals (politiques, stratégies, publics), les politiques culturelles (dynamiques spatiales, diversité culturelle, comparaison internationale) et les transformations de l’action publique (changements d’échelle territoriale, vie politique régionale).

Philippe Teillet est maître de conférences en sciences politiques à l’IEP de Grenoble (PACTE, CNRS). Ses travaux concernent principalement les transformations et la politisation de l’action publique dans le champ des politiques culturelles. Il s’intéresse également aux recompositions territoriales, ainsi qu’à la démocratisation des structures et politiques intercommunales.

Ce troisième numéro de Cultures en Île-de-France est également la troisième publication concernant l’intercommunalité culturelle en petite couronne francilienne que nous proposons avec nos par-tenaires de l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de la Région Île-de-France, avec qui nous avons réalisé cette étude.

Nous proposons avec ce troisième numéro de Cultures en Île-de-France un regard sur l’intercommunalité culturelle en petite couronne francilienne, même, plus précisément, deux regards, celui de deux chercheurs, Emmanuel Négrier et Philippe Teillet. Ils observent et analysent tous deux depuis plusieurs années la construction intercommunale dans le secteur culturel. Nous leur avons ainsi confié les propos et les données récoltés par Arcadi Île-de-France et l’IAU-îdf. Leur analyse permet de rendre compte des spécificités de la dynamique intercommunale francilienne, des particularités du contexte francilien et de la manière dont ces groupements ont travaillé la question culturelle. Elle nous permet également d’approcher la complexité des enjeux auxquels la future Métropole du Grand Paris devra répondre dans le domaine culturel. Fruit d’une réflexion entamée il y a déjà plusieurs années à Arcadi Île-de-France, cette publication voit paradoxalement le jour où les intercommunalités de la petite couronne francilienne sont amenées à disparaître. Nous sommes convaincus que ces travaux permettront de mieux saisir la réalité intercommunale actuelle pour contribuer à élaborer la Métropole culturelle francilienne de demain.

Frédéric Hocquard, directeur d’Arcadi Île-de-France

EN SAvoIr PLuS Sur L’INTErCoMMuNALITé CuLTurELLE

Une première Note rapide, publiée par l’IAU-îdf en partenariat avec Arcadi Île-de-France, donne à voir de manière synthétique et cartographique l’état d’avancement de la construction intercommunale en petite couronne francilienne à travers la construction d’une typologie des intercommunalités. Le rapport qui a suivi, également publié par l’IAU-îdf en partenariat avec Arcadi Île-de-France, détaille les résultats de la Note rapide, en livrant une description et une cartographie détaillées des activités de chaque intercommunalité concernée.

www.iau-idf.frwww.arcadi.fr

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................................................17 Les contraintes politiques et institutionnelles .......................................18

Les acteurs culturels : entre scepticisme et inerties ............................20

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La plus-value territoriale ......................................................................23Les effets d’opportunité ......................................................................24Une organisation favorable à la mise en réseaux et à la gestion des mobilités ................................................................25

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Le présent texte s’appuie sur un travail d’enquête très approfondi à propos des activités des intercommunalités de la petite couronne fran-cilienne 1 en matière culturelle, mené conjoin-tement par Arcadi Île-de-France et l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île-de-France, par Stéphanie Molinero, Séverine Albe-Tersiguel et Agnès Parnaix. Outre les fiches synthétiques correspondant à chaque structure, le dossier d’enquête comporte vingt-et-un entretiens extrêmement détaillés, dont les retranscriptions nous ont été livrées. Notre contribution, en nous saisissant de ce dossier, consiste à en faire une analyse secondaire, à partir de plusieurs séries de travaux entrepris, ensemble, sur cette question depuis l’an 2000, ainsi que de la lecture d’études et recherches conduites sur certaines régions françaises au sujet de l’intercommunalité culturelle2.

Notre propos consiste donc à identifier et comparer les principaux enjeux du changement d’échelle territoriale dans le domaine culturel. Nous serons amenés à constater, dans la confi-guration de la petite couronne, des spécificités remarquables d’ordres historique, géographi-que et culturel qui impriment leur marque aux stratégies des acteurs politiques et culturels. C’est à partir de celles-ci que nous pourrons tenter d’expliquer les convergences, mais aussi les spécificités du traitement de la question en petite couronne.

Notre réflexion se prolongera ensuite par une interrogation qui est au cœur du mouvement intercommunal en général, et qui concerne la culture en particulier : quelle est la valeur ajoutée

d’un tel changement d’échelle ? Cette question se décompose en deux propos. Le premier concerne, paradoxalement, le repérage des contraintes pouvant faire de la coopération intercommunale moins une source de valeur ajoutée que de difficultés diverses. Les témoi-gnages recueillis en faisant souvent état, il était indispensable d’y consacrer un premier développement pour restituer cette part non négligeable des réalités vécues. Le second propos s’attache plus directement à la valeur ajoutée que le traitement intercommunal de la culture peut représenter pour les territoires concernés. L’un des mérites de cette enquête et des entretiens réalisés, principalement auprès de responsables de services culturels d’EPCI, est de donner à voir différentes dimen-sions de cette « plus-value communautaire ». C’est ce que nous essaierons de présenter ici selon des grilles de lecture différenciées. Il s’agira en effet non seulement de distinguer les béné-fices divers que les politiques culturelles peu-vent tirer de leur « intercommunalisation », mais aussi de s’intéresser à la valeur ajoutée territoriale, soit à ce que le traitement inter-communal de la culture peut représenter pour les territoires concernés.

Enfin, nous n’oublions pas le contexte à court et moyen termes qui entoure la question aujourd’hui, avec les perspectives de la Métro-pole du Grand Paris et les conséquences que sa constitution peut avoir sur le sujet. Il sera trop tôt pour apporter des réponses définitives. Il ne sera pas trop tard pour poser quelques questions que nous espérons pertinentes.

On ne peut pas comprendre le cours singulier de l’intercommunalité culturelle en Île-de-France sans faire référence aux multiples divi-sions que son histoire récente a connues. Ce ne sont pas tant les éléments de cette histoire qui sont réellement inouïs que la façon dont ils se combinent dans un espace particulier. Dans sa « Traversée historique du Grand Paris », Emmanuel Bellanger rappelle que la fragmen-tation institutionnelle qui frappe la petite couronne fut le fruit des politiques de l’état lui-même, dans les années 1963-64, lorsqu’il a mis fin à l’expérience du département de la Seine3 pour lui substituer la création de plusieurs départements ainsi qu’une séparation tranchée entre Paris et sa proche banlieue. Il indique aussi combien cette fragmentation obéissait à des préoccupations électoralistes, dans un contexte de relative hégémonie, à gauche, du Parti communiste.

Elle eut des conséquences que, cinquante ans après, les pouvoirs publics tentent de contre-carrer en revenant, avec le Grand Paris, sur la frontière qui s’est établie au niveau du boule-vard périphérique, avec les effets de dualisa-tion d’un territoire dont la continuité urbaine dense est pourtant considérable. La petite couronne est d’autant plus l’héritière de ce legs que le développement économique, la décentralisation et – ironie du sort – les réfor-mes de l’intercommunalité ont alimenté, plus que contrarié, la fragmentation institutionnelle et politique.

On comprend certes que la décentralisation ait concouru à faire de territoires parfois dénon-

cés comme artificiels (les conseils généraux) de véritables fiefs politiques et machines à concevoir et mettre en œuvre des politiques culturelles. La territorialisation – au sens, ici, de confortation et de légitimation spatiales des frontières institutionnelles – est l’aboutis-sement logique de la grande réforme des années 1980. Mais on aurait pu s’attendre à ce que la loi Joxe-Baylet de 1992, puis surtout la loi Chevènement, en 1999, aient l’effet inverse. Tout leur esprit était en effet tendu vers la coo-pération – contre l’isolement ; la solidarité – contre l’égoïsme ; la conjonction – contre la division. Mais les travaux des urbanistes, sociologues et politologues4 ont eu tôt fait de montrer, singulièrement en Île-de-France et encore davantage en petite couronne, que le dévelop-pement intercommunal y fut marqué par quatre phénomènes lourds de conséquences pour l’intercommunalité culturelle, comme nous le verrons dans la première partie de cet article.

Tout d’abord, il convient de noter que cet espace est assez fortement influencé par la présence de poids lourds de la politique à l’échelle nationale, qui impriment – qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition gouvernementale du moment – les stratégies territoriales. Par exemple, le récit que fait Julien Pontier de la construction du territoire de Plaine Commune, qui est pourtant l’une des intercommunalités phares de la petite couronne, montre à quel point la politisation et la personnalisation des enjeux contraint les marges de manœuvre des préfets, plus que dans d’autres régions. Les questions de réamé-nagement territorial s’opèrent sous l’ombre

1. Dans ce texte, nous utilisons indifféremment « petite couronne » et « proche couronne » pour qualifier le même espace constitué des trois départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.

2. Par ordre chronologique : A. Faure, E. Négrier, La politique culturelle des agglomérations, Documentation française, 2001 ; A. Faure, E. Négrier, La lecture publique à l’heure intercom-munale, Éd. de l’Aube, 2005 ; E. Négrier, La question métropolitaine, PUG Symposium, 2005 ; E. Négrier, J. Préau et P. Teillet Intercommunalités : le temps de la culture, Éditions de l’OPC, 2008 ; A. Freyermuth, L’intercommunalité culturelle en Alsace, ACA, 2011 ; Arcade, L’intercommunalité culturelle en PACA, Arcade, 2011 ; INET/ACUF, Les interventions culturelles des Communautés Urbaines, INET, 2011 ; J. Préau, L’intercommunalité culturelle en Lorraine, ARTECA, 2012 ; Nacre, L’intercommunalité culturelle en Rhône-Alpes, Nacre, 2012.

3. Emmanuel Bellanger : « La traversée historique du Grand Paris », Mouvements, n°74, 2013/2, pp.52-62.

4. Gilles Massardier, « L’intercommunalité pour s’isoler », in Daniel Gaxie, dir., Luttes d’institutions, L’Harmattan, 1997, pp.139-164 ; Philippe Estèbe, Gouverner la ville mobile, PUF, 2008 ; Christian Lefèvre, « La région Île-de-France : une métropole ingouvernable ? », in Bernard Jouve et Christian Lefèvre, dir., Métropoles ingouvernables, Elsevier, coll. SEPT, 2002, pp.39-62.

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portée d’un système politique particulière-ment intégré à la vie politique nationale, à ses intrigues partisanes comme à ses tactiques gouvernementales.

La deuxième caractéristique de cet espace, c’est sa structuration municipale dominante. Dans la plupart des intercommunalités urbaines des autres régions françaises, la coopération met aux prises une ville-centre qui domine son hinterland à tous les sens du terme (démogra-phique, économique, politique, culturel) avec de petites communes périphériques. En petite couronne, le phénomène habituel est, au contraire, le voisinage de communes d’impor-tance à peu près équivalente, sans qu’aucune domination ne puisse réellement s’établir dans la gouvernance d’une éventuelle coopé-ration. En quelque sorte, la domination de la grande et séparée voisine, Paris, annihile toute possibilité de domination secondaire en termes inter-municipaux. C’est donc à une coopération « entre pairs » que conduit l’application de la loi Chevènement.

La troisième caractéristique, c’est la nature de cette coopération, et son paradoxe profond. D’une part, on constate le retard considérable pris par l’application de la loi sur ce territoire. À peine deux tiers des habitants vivent, en petite couronne, dans le périmètre d’un Établissement public de coopération intercommunale (EPCI), contre la presque totalité ailleurs et en parti-

culier en grande couronne, une manière de dire qu’il ne s’agit pas là d’un quelconque tro-pisme francilien. En outre, les EPCI, lorsqu’ils existent, sont souvent très limités dans leur envergure. Il n’est pas rare de voir des regrou-pements à deux ou trois communes seulement. Les intercommunalités de « bassin de vie », qualifiant de réels niveaux intermédiaires entre le département et la commune, sont beaucoup plus rares. C’est cette circonstance qui a fait naître l’idée que, en la matière, l’intercommu-nalité de petite couronne avait pour but para-doxal de… s’isoler ! La motivation profonde de beaucoup de regroupements y est en effet de faire front contre l’hypothèse d’une réelle soli-darité sociale, publique et territoriale, sur un espace qui est – rappelons-le – l’un de ceux où les inégalités socio-territoriales sont les plus exacerbées. Au lieu de les affronter, la mise en œuvre de la loi Chevènement – dont c’était bien l’esprit – les a, en quelque sorte, institu-tionnalisées ou congelées dans un entre-soi politico-communautaire.

La quatrième singularité est, en conséquence de la troisième, que presque tous les regrou-pements se sont effectués selon une logique de consanguinité politique élevée. Dans les autres régions françaises, les apparentements politiques n’ont pas vraiment pu découper des espaces urbains et périurbains très contrastés, où le rapport à la politique partisane est parfois éloigné. Certains analystes ont d’ailleurs tôt fait de franchir le pas et parler à leur sujet de « tyrannie du consensus communautaire » ou d’« apolitisme intercommunal »5. Leur enquête éventuelle en petite couronne les édifierait ! Seuls trois EPCI de notre échantillon compor-tent une commune (une seule) à l’appartenance politique opposée (de l’autre côté de la ligne droite-gauche) : Nanterre, Wissous et Noisy-le-Sec, respectivement communes de gauche en EPCI de droite pour les premières, et commune UDI en intercommunalité de gauche pour la dernière.

QuATrE PHéNoMèNES LourdS dANS LE dévELoPPEMENT INTErCoMMuNAL EN PETITE CouroNNE :

• laprésencedepoidslourdsdelapolitiquenationale• lastructurationmunicipaledominante• leretardconsidérabledelaconstructionintercommunale• unelogiquedeconsanguinitépolitique

dEux CArACTérISTIQuES :

• unhautniveaud’équipementsculturels• unmilieuculturelextrêmementdense

Ce carré des singularités territoriales sera un élément permanent de conditionnement de la question culturelle intercommunale. Mais il ne suffit pas à qualifier la particularité de l’enjeu. En effet, il convient d’ajouter deux points particuliers qui permettront, ensuite, de faire le lien entre un territoire, une gouvernance coopérative et le domaine de la culture.

Le premier point réside dans le haut niveau d’équipement culturel de cet espace de proche couronne. Certes, ainsi que l’indiquent les trois auteures du rapport, des projets de création de lieux culturels continuent d’être d’actualité dans les cénacles intercommunaux. Mais cet espace est, globalement, celui d’un niveau d’équipement remarquable, lorsqu’on le com-pare à ce qui résulte de la plupart des diagnos-tics culturels intercommunaux dans le cadre urbain français. C’est la sanction d’un réseau urbain dense, dont on sait qu’il favorise l’émer-gence et la croissance des pratiques culturelles. Non seulement ce réseau est dense, mais son niveau de professionnalisation et de recon-naissance culturelle et artistique est égale-ment très élevé. À titre d’exemple, le seul territoire de Plaine Commune compte deux centres dramatiques nationaux (Gérard Philipe à Saint-Denis ; La Commune à Aubervilliers), même si – précisément – ils ne font pas partie des compétences transférées à la communau-té d’agglomération. L’importance de ce patri-moine culturel bâti ainsi que sa relative ancien-neté par rapport à ce que l’on peut constater dans le reste de la France urbaine spécifient quelque peu les enjeux de politique culturelle : le traitement du vieillissement des bâtiments, leur réaménagement et leur rénovation, y est davantage à l’ordre du jour qu’ailleurs.

Si le niveau d’équipement culturel de la petite couronne francilienne est élevé, c’est aussi parce qu’il concentre, avec Paris, un milieu culturel lui-même extrêmement dense6 si on le compare une fois de plus à la présence de ces mêmes milieux dans les villes et périphé-ries intercommunales des régions françaises.

Ces deux caractéristiques (densité d’équipe-ment, densité de milieu) sont naturellement interdépendantes. Chacune d’elles pourrait passer pour un facteur favorable aux change-ments d’échelle. La première parce que l’on sait aujourd’hui que la grande majorité des équipements communautaires résulte d’un transfert de l’existant, et non d’une création ex nihilo. Plus un territoire compte d’équipe-ments, plus grande serait donc sa propension à la coopération intercommunale. La seconde caractéristique, correspondant à la densité du milieu, pourrait également être vue comme un levier à la coopération. Nous avons vu en effet qu’au-delà de la puissance de conviction et de décision de tel ou tel élu, ce sont les milieux culturels qui ont largement façonné les changements d’échelle dans tel ou tel sous-secteur de la culture. Ce n’est ainsi pas pour rien – nous y reviendrons – que le secteur de la lecture publique a bénéficié du plus grand nombre de transferts. Comment dès lors expliquer que l’intercommunalité culturelle ne soit pas plus développée en petite couronne ? C’est peut-être que ces deux facteurs n’ont pas forcément l’effet de levier qu’on leur prête en faveur d’un changement d’échelle, ou bien qu’ils dépendent d’une configuration territo-riale plus large et de contraintes spécifiques à la petite couronne.

5. Fabien Desage, David Guéranger, La politique confisquée, Éditions du Croquant, 2011.

6. Les professions culturelles sont nettement concentrées dans les espaces urbains. De ce point de vue, Paris et l’Île-de-France présentent une situation très singulière. L’effectif de la filière culturelle des collectivités territoriales montrait, en 2011, que sur un total de près de 78 800 personnes, 16 700 environ exerçaient leurs activités en Île-de-France (soit 3 000 emplois de plus que le cumul des deux régions les plus importantes, hors Île-de-France, Rhône-Alpes et PACA). Quant aux salariés intermittents du spectacle et de l’audiovisuel, on en comptait plus de 37 000 à Paris et de 32 000 en Île-de-France hors Paris, toujours en 2011, alors que les deux autres mêmes régions se situaient de ce point de vue à environ 9 600 chacune. Source : ministère de la Culture et de la Communication, Chiffres Clés 2011, Professions culturelles et emploi.http://www2.culture.gouv.fr/culture/deps/2008/pdf/minicc2011fr.pdf

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Lorsque nous confrontons la réalité observée en petite couronne avec celle d’autres régions françaises et nos analyses quantitatives d’en-semble, on ne s’étonnera pas de trouver une série de convergences mais aussi un certain nombre de phénomènes plus spécifiques. Les unes et les autres concernent tout aussi bien l’intensité du changement d’échelle terri-toriale pour la culture, son extension sur le territoire de la petite couronne, que les moda-lités et objets de ces transferts réalisés. Ce sont ces points que nous allons traiter succes-sivement, en pointant à chaque fois les singu-larités observées, en tentant de leur donner une explication.

Le succès du recours, en petite couronne, à la compétence culturelle dans les EPCI – 17 sur 19, soit largement plus que les taux constatés par nos différentes enquêtes – ne doit pas tromper. Il convient de tenir compte de deux nuances. La première est liée à l’inachèvement de la carte intercommunale elle-même et nous conduit à estimer ce chiffre de 17 à un ensem-ble théorique d’EPCI d’environ 25. Le taux auquel nous parviendrions serait alors proche des deux tiers d’EPCI culturels, ce qui est à peu près la norme que nous observons en France. L’analyse quantitative nous livre deux informations qui recoupent en grande partie nos constats sur d’autres territoires. La première est que le transfert ne s’opère en général que de façon très partielle, si on le rapporte à l’en-semble du champ des politiques culturelles. En termes d’équipements – c’est-à-dire sans considérer les dépenses culturelles concernant des subventions aux associations, des dépenses d’investissement dans le domaine du patrimoine, etc. – on estime à environ un tiers les structures (bibliothèques, lieux d’enseignements artisti-ques, musées, salles de spectacles, etc.) qui

ont été transférées. Mais ce tiers n’est qu’une moyenne qui recouvre des réalités extrême-ment contrastées d’une communauté à l’autre. Là encore, ce constat des extraordinaires contrastes entre communautés (entre 10% et 85% du parc d’équipements transférés) recoupe nos constats à l’échelle nationale. Quelques communautés pionnières (du point de vue de leur capacité à développer un projet global ainsi qu’au niveau de leur effort en matière de culture7) contrastent avec la plu-part des EPCI qui ne présente qu’une prise en charge subsidiaire du domaine culturel. Au-delà de la variété de leurs choix de transfert, que nous examinerons ensuite, ils forment un groupe de pionniers pour lesquels la projec-tion à l’échelle intercommunale est plus évi-dente. Dans notre analyse quantitative en France, nous avions incarné ce phénomène par le recours à une distinction mathématique : la moyenne des budgets communautaires pour la culture se situait à un niveau quatre fois supérieur à la médiane, ce qui indiquait qu’un petit nombre de structures faisait artificielle-ment monter la moyenne, par rapport à un niveau plus commun, plus représentatif du comportement de beaucoup d’intercommu-nalités. Avec ce taux de 30% d’équipements transférés, mais des écarts entre 10% et 85% selon les cas, la réalité de la petite couronne est très semblable. L’intercommunalité cultu-relle y est sporadique et fragmentaire.Cette diversité territoriale n’est pas facile à raccorder à des causalités « objectives ». Comme d’autres l’ont montré, notamment Julien Préau dans le cas de la Lorraine, le niveau de richesse, en termes de potentiel fiscal par exemple, ne permet pas de distinguer des ver-tus intercommunales chez les uns plutôt que chez les autres. De même, l’identité politique ne distingue pas une « idéologie » plus favo-rable qu’une autre à l’intercommunalité. C’est là un constat intéressant s’agissant de la petite couronne, puisque nous y voyons la présence

à un plus haut niveau que presque partout ailleurs de communes de culture communiste, dont on sait la réticence traditionnelle à l’égard de l’intercommunalité. Dans notre cas, non seu-lement nous voyons, en particulier en Seine-Saint-Denis, mais aussi ailleurs, des intercom-munalités compter dans leurs rangs des communes dirigées par ce parti (Est Ensemble, Plaine Commune), mais encore voyons-nous ces intercommunalités agir en culture, alors que ce secteur aura été, depuis la Seconde Guerre mondiale à tout le moins, l’un des vec-teurs majeurs d’une identité urbaine – et muni-cipale – « de rupture », notamment à l’égard de Paris. Plaine Commune, qui en est sans doute le plus clair exemple, fait pleinement partie de cette tradition. Et pourtant elle figure, depuis longtemps, au titre des précurseurs de l’inter-communalité culturelle en Île-de-France8.

Quelles sont, sur cette question, les singularités de la petite couronne ? On peut en évoquer trois.

La première est bien entendu liée à la carte. L’inachèvement de l’intercommunalité et le nombre de villes importantes à ne faire partie d’aucun EPCI privent de tout sens la question de la coopération intercommunale en matière de culture. Du moins au sens institutionnel du terme puisque, au-delà des frontières munici-pales et sans pour autant qu’un EPCI existe, certains acteurs culturels coopèrent à des projets communs, notamment en matière de lecture publique, d’enseignement musical, etc. La deuxième singularité est liée au temps. Son impact est sans doute considérable. Le fait que les EPCI existants soient, pour une grande partie d’entre eux, postérieurs de près

d’un mandat municipal à la moyenne natio-nale implique plusieurs phénomènes particu-liers. D’une part, ainsi que l’étude établie par Arcadi Île-de-France et l’IAU-îdf l’indique, beaucoup d’intercommunalités en sont encore à l’expression d’un projet plus qu’à la mise en œuvre d’un service ou d’un transfert effectif. On le sait, le changement d’échelle en ce domaine implique – sauf quelques rares contre-exemples politiques très singuliers – un temps certain de réflexion, de concertation puis d’implémenta-tion. C’est ce temps qui manque à une bonne partie des EPCI et bien sûr les plus récents. Même Est Ensemble, dont la création date de 2010 et qui a pourtant affiché une certaine détermination dans ce domaine, est encore très marqué par cette situation. On peut aussi y associer une autre singularité de la petite couronne : le fait que, même en cas de transfert de compétence à l’EPCI, la proprié-té des équipements reste souvent municipale. Ce fait exprime deux dimensions du temps : celle des apprentissages nécessaires et celle de la confiance à construire. D’un côté en effet, l’enjeu de la propriété peut être considéré comme complexe et les équipes préfèrent, dans un premier temps, avoir recours à la mise à disposition des bâtiments, à la prise en charge déléguée des coûts afférents, mais pas à transférer tout de suite la propriété. D’un autre côté, naturellement, pour des élus muni-cipaux encore peu assurés de pouvoir aisé-ment compter sur l’intercommunalité et sa gouvernance nouvelle, conserver la propriété municipale constitue une précaution utile, qui ne condamne pas l’avenir, notamment en cas, toujours possible – et presque probable en Île-de-France dans certains départements – d’alternance politique municipale en 2014.

Enfin, et c’est une troisième donnée très com-plémentaire de la précédente, le mouvement intercommunal pour la culture est très marqué par la politisation et la municipalisation des enjeux. Naturellement, ce n’est pas dire que la question a cessé de l’être dans les autres régions françaises. Mais on peut dire ici que la

LES SINguLArITéS dE LA PETITE CouroNNE dANS LE PASSAgE à L’éCHELoN INTErCoMMuNAL :

• l’inachèvementdelacarteintercommunale• lajeunessedesEPCI• lemaintienimportantdelapropriétémunicipale des équipements• lapolitisationetlamunicipalisationdesenjeux

7. Soit la part de leur budget culturel par rapport à leur budget global. 8. J. Préau, « Plaine Commune. Quel dénominateur pour la culture communautaire ? », in E. Négrier, J. Préau et P. Teillet, Intercommunalités : le temps de la culture, Éditions de l’OPC, 2008, pp.187-208.

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consanguinité partisane et politique des EPCI de petite couronne a un impact assez para-doxal sur ces enjeux. On pourrait en effet considérer que les regroupements, qui se sont constitués sur une base de cohérence poli-tique assez systématique, on l’a vu, auraient pu engendrer des intercommunalités elles-mêmes très dynamiques, puisque politique-ment plus solidaires entre elles que ce que l’on note ailleurs. C’était une erreur d’inter-prétation. En effet, la convergence d’identité politique est l’une des pièces de tout un sys-tème d’identification politique municipale. Une assurance de plus dans la perspective de leur défense et non de leur dépassement.

C’est le paradoxe de cet espace : très dense, ses frontières communales sont évanescentes ; mais c’est précisément pour ce motif que l’identité communale y conditionne encore plus les enjeux. On le voit clairement au fil des entretiens conduits auprès des témoins politi-ques ou professionnels. Les transferts sont très précisément jaugés à l’aune des intérêts municipaux. L’intercommunalité culturelle y dépend donc plus d’un « donnant-donnant » que d’un échange politique élargi, qui repose-rait sur l’expression d’un projet commun dépassant les identités individuelles de chacun des membres. Et les choix d’objets de trans-fert sont également très parlants à ce sujet.

À première vue, nous allons constater ici une grande convergence entre les priorités thé-matiques de l’intercommunalité culturelle en petite couronne et celles qui prévalent en France. Rappelons pour ces dernières que les équipements de lecture publique (bibliothèques et médiathèques) devancent ceux des ensei-

gnements artistiques (écoles et conservatoi-res de musique, d’art dramatique ou d’arts plastiques) et les équipements du spectacle vivant. L’approche régionale a permis de mon-trer certaines modulations, qui font par exem-ple que l’Alsace s’inscrit davantage dans le spectacle vivant ou que la Lorraine privilégie plus les musées que d’autres régions. Elle montre aussi que la prise de compétence intercommunale propose souvent un com-promis entre deux figures stratégiques oppo-sées : la solidarité et le rayonnement métro-politains. Si le rayonnement désigne les équipements qui dépassent, par leur enver-gure et leur projet, le strict niveau municipal, la solidarité s’appuie plutôt sur les équipe-ments qui caractérisent, au contraire, une vision d’aménagement culturel du territoire, selon un esprit de proximité.

LES SPéCIFICITéS dE LA PETITE CouroNNE EN MATIèrE dE SECTEurS TrANSFéréS :

• unepartaccentuéedelalecturepubliqueetunemoindre présence des équipements de spectacle vivant, expliquées par des raisons économiques, une logique confédérale et un positionnement face à l’action collective• uneaccentuationdeslogiquesdesolidaritéterritoriale• uneimportancemoindreaccordéeauxstratégies de rayonnement

France2008

Lorraine2012

Petite couronne2013

Lecture publique 42 42 46Enseignements artistiques 17 24 32Spectacle vivant 17 10 9Collections, expositions 9 17 2Patrimoine 6 0 1Divers (dont cinéma) 9 7 10

100 100 100

RépaRtition des équipements communautaiRes paR secteuR cultuRel9 (en %)

9. Il nous a été impossible d’intégrer ici les données issues des études réalisées sur les régions PACA, Rhône-Alpes et Alsace en raison d’une divergence dans le mode de présentation des informations. Indiquons cependant que la spécificité alsacienne tient essentiellement dans la place qu’occupe le patrimoine dans cet ensemble d’équipements, tandis que le spectacle vivant se distingue plus nettement en PACA.

10. Le coefficient d’intégration fiscale (CIF) permet de mesurer l’intégration d’un EPCI au travers du rapport entre la fiscalité qu’il lève et la totalité de la fiscalité levée sur son territoire par les communes et leurs groupements. Il constitue un indicateur de la part des compétences exercées au niveau du groupement.

La hiérarchie, en petite couronne, en matière d’équipements est à peu près comparable à celle que nous avions enregistrée à l’échelle nationale. On peut cependant constater une moindre présence des équipements de spec-tacle vivant et une part encore accentuée de la lecture publique, qui représente à elle seule près de la moitié des équipements transférés. Cela conduit ainsi à une accentuation particu-lière sur les logiques de solidarité territoriale et à une moindre importance des stratégies de rayonnement. Plaine Commune l’illustre assez bien, avec le transfert de près d’une trentaine de lieux de lecture publique de niveau local.Cela peut se comprendre de trois manières.

La première est économique et met en évidence le fait que le grand nombre d’équipements concernés par les secteurs à réseau (lecture publique et enseignements artistiques) fait de leur transfert une bonne opération fiscale, en renforçant le coefficient d’intégration fiscale10 qui commande le versement de dotations bonifiées par l’État.

La deuxième raison tient précisément dans l’étroitesse du conditionnement municipal des affaires communautaires. Une série d’équi-pements de proximité correspond bien à une logique « confédérale » de l’intérêt commu-nautaire. Un équipement rayonnant suppose-rait une vision commune plus intégrée, plus « fédérale », qui reste rare. On peut certes en trouver trace dans le cas particulier de Cha-renton-Saint-Maurice, où la très grande varié-té de secteurs culturels transférés va de pair avec la création d’un service culturel transver-sal au sein de l’EPCI. On peut évoquer, à un moindre degré, la Communauté Val-de-Bièvre pour la pluralité de ses secteurs de compé-tence. Mais même dans ce cas, on note une tension assez vive entre, d’une part, la logique de transfert d’équipements et, d’autre part, la définition d’un projet communautaire d’en-semble. Cela participe, à nouveau, d’une municipalisation des politiques intercommu-nales : les équipements transférés font l’objet d’une « gestion intercommunale », et concou-rent à la bonification fiscale, mais la défini-tion d’une politique culturelle ne change

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pour autant pas d’échelle. En termes de valeur ajoutée communautaire, ainsi que nous le verrons plus loin, cela entraîne un hiatus entre, d’une part, le personnel municipal, qui reste généraliste en culture mais auquel échappe une partie de la maîtrise des équipe-ments, et d’autre part, le personnel commu-nautaire qui gère ces équipements sans dis-poser, quantitativement et souvent aussi qualitativement, des ressources appropriées en termes de service.Enfin, la troisième raison tient au rapport qu’entretient chacun de ces types d’équipe-ment avec l’action collective. Celle-ci est par-ticulièrement développée en matière de lec-ture publique, on le sait. Elle est déjà beaucoup plus délicate à faire émerger dans les ensei-gnements artistiques, où se posent souvent des enjeux, politiques et personnels, de leadership entre tel directeur de conservatoire et tel res-ponsable d’école de musique, par exemple. Quant aux lieux de spectacle, l’attachement personnel des élus à leur vertu d’identification locale en contraint une première fois le trans-fert ; mais il n’a d’égal que le culte de la singu-larité chez les professionnels qui les dirigent, ce qui en obère une seconde fois la perspec-tive de gestion communautaire.

Enfin, on notera, ce qui cette fois n’est pas vraiment une singularité de la petite couronne

mais qui revient au fil des entretiens réalisés, que les protagonistes locaux estiment « naturels » certains transferts au détriment d’autres et que cette vision varie d’un terri-toire à l’autre. Ce fait est particulièrement intéressant. Ici, pour les Hauts-de-Bièvre par exemple, on considère que les équipements de lecture publique sont « naturellement municipaux par leur proximité avec les usagers » et qu’ils doivent de ce fait demeurer dans les compétences communales, alors que l’ensei-gnement musical, lui, a une vocation plus inter-communale. Là, ce sera l’inverse, comme à Plaine Commune, en Plaine Centrale du Val-de-Marne, en Sud de Seine et dans d’autres EPCI encore. Dans ces cas-ci, ce sera la lecture publique qui sera considérée comme « naturel-lement » intercommunale, tandis qu’on cher-chera des motifs ontologiques au maintien du conservatoire dans le giron communal. Ce qu’illustre ce discours à géométrie variable sur la naturalité supposée du transfert de tel ou tel domaine, c’est qu’il n’y a décidément pas, en petite couronne comme ailleurs, de domai-nes plus communautaires que d’autres. Tout dépend in fine de la combinaison localisée des acteurs professionnels, des élus et fonction-naires généralistes et de la façon dont ils per-çoivent la valeur ajoutée communautaire, à la fois d’un point de vue culturel et d’un point de vue territorial.

département EPCI CoMMuNE équipements transférés

92 et 91CA dES HAuTS dE BIèvrE

VERRIÈRES-LE-BUISSON 1 conservatoire

WISSOUS 1 conservatoire et 1 centre culturel

ANTONY 1 théâtre, 1 conservatoire, 1 espace cirque

BOURG-LA-REINE 1 conservatoire

CHATENAY-MALABRY 1 théâtre, 1 conservatoire

PLESSIS-ROBINSON (LE) 1 théâtre, 1 conservatoire

SCEAUX 1 théâtre

92

CA du Sud dE SEINE

BAGNEUX1 théâtre, 1 cinéma, 1 conservatoire, 1 médiathèque

CLAMART1 théâtre, 1 cinéma, 1 conservatoire, 5 médiathèques

FONTENAY-AUX-ROSES 1 cinéma, 1 conservatoire, 1 médiathèque

MALAKOFF1 cinéma, 1 théâtre et sa salle de répétition annexe, 1 conservatoire, 1 médiathèque

CA grANd PArIS SEINE ouEST

BOULOGNE-BILLANCOURT 1 conservatoire

CHAVILLE 1 conservatoire

ISSY-LES-MOULINEAUX1 conservatoire, 1 centre de création numérique

MEUDON 1 conservatoire

SÈVRES 1 conservatoire

VANVES 1 conservatoire

VILLE-D’AVRAY 1 conservatoire

CC dE CHÂTILLoN-MoNTrougE

CHÂTILLON 1 conservatoire

MONTROUGE 1 conservatoire

voir suite du tableau page 16

type d’équipements tRansféRés paR commune et paR inteRcommunalité (en 2013)

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Note Rapide - N° 630L’intercommunalité culturelle en petite couronne

Note Rapide - N° 630L’intercommunalité culturelle en petite couronne

SEINE-ST-DENISSEINE-ST-DENISHAUTS-

DE

SEINE

HAUTS-

DE

SEINE

VAL-DE-MARNEVAL-DE-MARNE

PARISPARIS

SEINE-ST-DENISSEINE-ST-DENISHAUTS-

DE

SEINE

HAUTS-

DE

SEINE VAL-DE-MARNEVAL-DE-MARNE

PARISPARIS

Marolles-en-Brie

Santeny

Villecresnes

Mandres-les-Roses

Périgny-sur-Yerres

Varennes-Jarcy

Montrouge6 (1)

Châtillon6 (1)

St-Maurice

7 (7)

Charenton-le-Pont

6 (4)

Pierrefitte-sur-Seine

7 (1)

Epinay-sur-Seine

13 (3)

L’Ile- St-

Denis 5 (2) La

Courneuve 8 (3)

Aubervilliers15 (4)

Stains9 (3)

Montfermeil

LePerreux-

sur-Marne

Nogent-sur-Marne

Alfortville12 (3)

Boissy-St-Léger

Limeil-Brévannes

4 (2)

Le Plessis-TréviseChennevières-

sur-Marne

La Queue

en-Brie

Ormesson-sur-Marne

Noiseau

Sucy-en-Brie

Créteil22 (8)

St-Cloud

GarchesVaucresson

Issy-les-Moulineaux

20 (2)Ville-d’Avray4 (1)

Chaville6 (1)

Sèvres8 (1)

Clamart10 (8)

Meudon8 (1)

Le Plessis-Robinson

6 (2)

Châtenay-Malabry7 (2)

Verrières-le-Buisson

6 (1)

Vanves6 (1)

Malakoff11 (5) Le

Kremlin-Bicêtre3 (2)

Arcueil7 (2)

Bagneux9 (4)

Villejuif10 (3)Cachan

10 (2)Fontenay-aux-Roses5 (3)

Bourg-la-Reine

6 (1)Sceaux6 (1)

Fresnes10 (2)

Wissous3 (2)

Gentilly7 (2)

Boulogne-Billancourt

25 (1)

La Haÿ-les-Roses

7 (2)

Antony9 (3)

Villetaneuse3 (2)

Clichy- sous-Bois

Saint-Denis19 (5)

Rueil-Malmaison

20 (0)Suresnes

7 (0)

Tremblay-en-France

6 (0)

Villepinte5 (0)

Sevran9 (0)

Pantin13 (6)

Noisy-le-Sec5 (1)

Romainville7 (2)

LesLilas9 (3)

Le Pré-St-Gervais

4 (2)

Bagnolet14 (2) Montreuil

29 (6)

Bondy6 (3)

Bobigny7 (1)

Nanterre20 (0)

Courbevoie15 (0)

Puteaux9 (0)

Le Bourget

7 (2)

Drancy10 (6)

Dugny3 (2)

Vitry-sur-Seine

Choisy-le-Roi

Ivry-sur-Seine

St-Ouen10 (3)

Sceaux6 (1)

Marolles-en-Brie

Santeny

Villecresnes

Mandres-les-Roses

Périgny-sur-Yerres

Varennes-Jarcy

Montrouge6 (1)

Châtillon6 (1)

St-Maurice

7 (7)

Charenton-le-Pont

6 (4)

Pierrefitte-sur-Seine

7 (1)

Epinay-sur-Seine

13 (3)

L’Ile- St-

Denis 5 (2) La

Courneuve 8 (3)

Aubervilliers15 (4)

Stains9 (3)

Montfermeil

LePerreux-

sur-Marne

Nogent-sur-Marne

Alfortville12 (3)

Boissy-St-Léger

Limeil-Brévannes

4 (2)

Le Plessis-TréviseChennevières-

sur-Marne

La Queue

en-Brie

Ormesson-sur-Marne

Noiseau

Sucy-en-Brie

Créteil22 (8)

St-Cloud

GarchesVaucresson

Issy-les-Moulineaux

20 (2)Ville-d’Avray4 (1)

Chaville6 (1)

Sèvres8 (1)

Clamart10 (8)

Meudon8 (1)

Le Plessis-Robinson

6 (2)

Châtenay-Malabry7 (2)

Verrières-le-Buisson

6 (1)

Vanves6 (1)

Malakoff11 (5) Le

Kremlin-Bicêtre3 (2)

Arcueil7 (2)

Bagneux9 (4)

Villejuif10 (3)Cachan

10 (2)Fontenay-aux-Roses5 (3)

Bourg-la-Reine

6 (1)Sceaux6 (1)

Fresnes10 (2)

Wissous3 (2)

Gentilly7 (2)

Boulogne-Billancourt

25 (1)

La Haÿ-les-Roses

7 (2)

Antony9 (3)

Villetaneuse3 (2)

Clichy- sous-Bois

Saint-Denis19 (5)

Rueil-Malmaison

20 (0)Suresnes

7 (0)

Tremblay-en-France

6 (0)

Villepinte5 (0)

Sevran9 (0)

Pantin13 (6)

Noisy-le-Sec5 (1)

Romainville7 (2)

LesLilas9 (3)

Le Pré-St-Gervais

4 (2)

Bagnolet14 (2) Montreuil

29 (6)

Bondy6 (3)

Bobigny7 (1)

Nanterre20 (0)

Courbevoie15 (0)

Puteaux9 (0)

Le Bourget

7 (2)

Drancy10 (6)

Dugny3 (2)

Vitry-sur-Seine

Choisy-le-Roi

Ivry-sur-Seine

St-Ouen10 (3)

Aulnay-sous-Bois

Vaujours

Livry-Gargan Coubron

Pavillons-sous-Bois

Le Blanc-Mesnil

Gennevilliers

Villeneuve-la-Garenne

Colombes

Asnières-sur-Seine

Bois-Colombes

La Garenne-Colombes

Neuilly-sur-Seine

Marnes-la-Coquette

Levallois-Perret XVIII

VIII

III

VI

VII

V

IV

XIX

XX

IX X

XI

XIII

XVII

II

IXVI

XV

XIV

Villemomble

Rosny-sous-Bois

Neuilly-Plaisance

Fontenay-sous-BoisVincennes

Bry-sur-

Marne

Champigny-sur-Marne

St-Maur-des-Fossés

Joinville-le-Pont

Maisons-Alfort

Bonneuil-sur-Marne

Chevilly-Larue Thiais

Valenton

Villeneuve-St-Georges

Rungis

Orly

St-Mandé

Gagny

Neuilly-sur-Marne Gournay-

sur-Marne

Noisy-le-Grand

Villiers-sur-Marne

Villeneuve-le-Roi

Ablon-sur-Seine

Clichy

LeRaincy

XII

Villecresnes

Mandres-les-Roses

Périgny-sur-Yerres

Varennes-Jarcy

Sevran9 (0)

Plaine CommunePlaine Commune

Cœur de SeineCœur de Seine

Haut Val-de-Marne

Plateau Briard*

Haut Val-de-MarnePlaine centraledu Val-de-MarnePlaine centrale

du Val-de-Marne

Grand ParisSeine Ouest

Sud de Seine

Grand ParisSeine Ouest

Hauts de BièvreHauts de Bièvre

Clichy-sous-BoisMontfermeil

Aéroportdu Bourget

Est Ensemble

Terres de France

Clichy-sous-BoisMontfermeil

Vallée dela MarneVallée dela Marne

Mont-Valérien

Seine-Défense

Mont-Valérien

Aéroportdu Bourget

Est Ensemble

Terres de France

Seine-Défense

Sud de Seine

Val de Bièvre

Seine-Amont

Val de Bièvre

Seine-Amont

Plateau Briard*

Charenton-Saint Maurice*Charenton-Saint Maurice*

ChâtillonMontrouge*

ChâtillonMontrouge*

Plaine CommunePlaine Commune

Cœur de SeineCœur de Seine

Haut Val-de-Marne

Plateau Briard*

Haut Val-de-MarnePlaine centraledu Val-de-MarnePlaine centrale

du Val-de-Marne

Grand ParisSeine Ouest

Sud de Seine

Grand ParisSeine Ouest

Hauts de BièvreHauts de Bièvre

Clichy-sous-BoisMontfermeil

Aéroportdu Bourget

Est Ensemble

Terres de France

Clichy-sous-BoisMontfermeil

Vallée dela MarneVallée dela Marne

Mont-Valérien

Seine-Défense

Mont-Valérien

Aéroportdu Bourget

Est Ensemble

Terres de France

Seine-Défense

Sud de Seine Val de Bièvre Seine-Amont

Val de Bièvre Seine-Amont

Plateau Briard*

Charenton-Saint Maurice*

Charenton-Saint Maurice*

ChâtillonMontrouge*

ChâtillonMontrouge*

15

Wissous

3 (2)

Sources : Arcadi Île-de-France,IAU îdF, 2013

Sou

rces

: A

rcad

i Île

-de-

Fran

ce,

IAU

îdF,

201

3

0 5 km

nom de la communenombre d’équipements culturels total (nombre d’équipements transférés)(pour les intercommunalités interviewées)

Nombre totald’équipements culturels

équipements non transférés

équipements transférés

intercommunalité ayant une compétence culturelle

intercommunalité sans compétence culturelle (statuts) commune hors intercommunalité * communauté de communes (CC), les autres étant des communautés d’agglomérations (CA)

Nombre totald’équipements transférés

MédiathèqueConservatoire46 %30 %

Théâtre9 %

Cinéma8 %

Autre5 %

École d’Art2 %

Près de la moitié des équipementstransférés sont des médiathèques

46

e

a École d’A

10

5

12

8

4

structures sont donc exclues :Haut Val-de-Marne a limité sonchamp d’intervention au seuldomaine sportif (au sein de lacompétence équipements cultu-rels et sportifs). Deux autres struc-tures compétentes n’ont pas deprojet à ce jour (Vallée de laMarne et Plateau Briard). Enfin,Seine-Amont, créée en 2013, metà profit le délai légal de deux anspour procéder à la définition del’intérêt communautaire.

Une mise en placeprogressiveMalgré leur appétence pour lescompétences culturelles, lesinterventions communautairesreflètent la jeunesse des struc-tures. Un premier tiers des com-munautés a été créé au cours du mandat municipal actuel(2008-2014), un deuxième aucours du mandat précédent(2001-2008). Les établissementsles plus anciens ont été, saufexception, instaurés au débutdes années 2000. Seules quatrestructures ont une compétenceculturelle stabilisée depuis plusd’un mandat. Des intercommu-nalités ont vu leur périmètre cul-turel s’accroître, en raison d’unerestructuration territoriale (GrandParis Seine Ouest, Mont-Valérien)ou de l’ajout d’équipements oude catégories transférées(5) (Sudde Seine, Hauts de Bièvre). Lecaractère partiel des projets communautaires en faveur de la culture ressort à plus d’un titre,sans que la différence d’âgeexplique tous les écarts entrestructures. Les communautésfont état de priorités diversifiées :

mutualisations au sens large,transferts d’équipements, cons -truction d’un projet culturel d’ag-glomération, stratégies visant l’ac-cès à la culture. Quelques com-munautés sont encore en coursde réflexion. Rares sont les inter-communalités qui mènent defront plusieurs chantiers. Au-delàdu bilan, l’étude menée parArcadi et l’IAU îdF donne égale-ment à voir la dynamique quianime une grande partie desstructures et s’illustre par desactions réalisées ou projetées.

Entre tradition communaleet identité communautaireLa culture jouit de l’attentiontoute particulière des élus, quinouent fréquemment d’étroitesrelations avec les acteurs cultu-rels de leur territoire. Les équi-pements, a fortiori les manifesta-tions culturelles, au même titreque les événements sportifs, participent, bien davantage qued’autres compétences commu-nautaires, à l’identité et au rayonnement des territoires. C’est pourquoi, si les maires acceptentle transfert des équipements

culturels aux intercommunalités,ils souhaitent, sauf exception,conserver la maîtrise des actionsculturelles. Ce constat expliquele faible engagement des com-munautés dans l’organisation demanifestations, ainsi que l’ambi-guïté des politiques de commu-nication, marquées par des avan-cées et parfois des reculs (sup-pression de plaquettes culturellescommunautaires, absence delogo sur les équipements, etc.).

Près d’un tiers d’équipements transférésComme l’indique l’intitulé de lacompétence optionnelle « équi-pements sportifs et culturels », lesaffaires culturelles intercommu-nales consistent en premier lieuà construire et à gérer des équi-pements. Parmi les treize inter-communalités interviewées, troisseulement n’ont pas transféréd’équipements (Mont-Valérien,Seine-Défense et Terres deFrance).L’étude répertorie 564 équipe-ments culturels : des lieux dédiésà l’enseignement artistique, à lalecture publique, à la diffusionde spectacle vivant et des lieuxpolyvalents. Dans cet ensemble,la part du parc transféré, qui estde 30 % en moyenne, s’établit,selon les communautés, entre10 % et 85 %.

Un tiers des équipements trans-férés a fait ou va faire l’objet derénovation, d’extension ou decréation. La moitié aura étéachevée avant les prochainesélections municipales. Ce résul-tat rapide résulte en particulierde la prise en charge commu-

nautaire de constructions pro-grammées par les communes,antérieurement à leur transfert(Aéroport du Bourget, Est Ensem-ble par exemple). Ces travauxaccompagnent notamment laconstruction de logements, la densification urbaine et engagent parfois un rééqui -librage intracommunautaire.Néanmoins, certains question-nent l’opportunité du choix dequelques investissements desti-nés à satisfaire les revendicationsdes maires.

Les équipements transférés sontprincipalement de proximité,quartier ou commune (71 %),contrairement aux discours sou-vent entendus. Les autres sontpresque exclusivement des équi-pements intermédiaires (derayonnement pluricommunal),plus nombreux que dans l’en-semble des équipements cultu-rels. Le rayonnement des équi-pements ne change pas avec letransfert à l’intercommunalité,sauf à la marge. Le classementse fonde sur le label éventuel etla taille de l’établissement, lepublic ciblé et l’origine de la fré-quentation quand elle estconnue(6).

Conservatoires et médiathèques en tête des équipements transférésParmi les équipements transférés(qui concernent dix groupe-ments), près de la moitié sontdes médiathèques-bibliothèques,près d’un tiers relève de l’ensei-gnement artistique (32 % si l’onajoute les écoles d’art auxconservatoires de musique,danse, théâtre), le reste étantcomposé de théâtres, cinémaset autres équipements culturels(lieux d’exposition, de culturemultimédia, etc.).Les médiathèques arrivent entête dans le palmarès du nombred’équipements transférés.

Note Rapide - N° 630L’intercommunalité culturelle en petite couronne

L’intercommunalité culturelle : des niveaux de transfert hétérogènes et une prédominance des domaines de la lecture publique et de l’enseignement artistique

Sources : Arcadi Île-de-France, IAU îdF, 2013

Effort intercommunal de construction et de réhabilitation d’équipements culturels (en % du nombre d’équipements transférés)

0 20 40 60 80 100

Autres

Projet de réhabilitation et/ou d’extension

Projet de construction

Réhabilitation et/ou extension

Construction

CC Châtillon-Montrouge

CA Grand Paris Seine Ouest

CA de l'Aéroport du Bourget

CC de Charenton-Saint Maurice

CA des Hauts de Bièvre

CA Plaine centrale du Val-de-Marne

CA Val de Bièvre

CA Sud de Seine

CA Est Ensemble

CA Plaine Commune

0

10

20

30

40

50

60

70Équipement transférés

Tous équipements

Régional ou supra-régionalInfrarégionalPluri-communalCommuneQuartier

%

Répartition des équipements culturels selon leur rayonnement (en % du total)

21 %27 %

43 %

27 %

2 % 0,7 %

62 %

12 %

4 %0,5 %

Sources : Arcadi Île-de-France, IAU îdF, 2013

(5) C’est-à-dire dont la gestion est passée dela responsabilité des communes à celle del’intercommunalité.(6) Démarche exploratoire pour une hiérarchi-sation des équipements en Île-de-France, IAUîdF, 2008.

Répartition par domaine des équipements culturels transférésPart d’équipements culturels transférés

Des entretiens qualitatifs ont été menés auprès des directeurs de la culture, directeurs généraux adjoints ou élus de treize intercommunalités de la petitecouronne francilienne (regroupant les Hauts-de-Seine,la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne). Ces structures,compétentes dans le champ culturel, ont défini leur

intérêt communautaire et nous ont signalé l’existence d’interventions culturelles (actions ou réflexions préalables). À une exception près, ces communautés ont fait le choix d’une compétence optionnelle, complétée dans un cas sur deux par une compétence facultative. Une seule structure a opté exclusivement pour une compétence facultative.

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93

CA dE L’AéroPorT du BourgET

BOURGET (LE) 1 conservatoire, 1 médiathèque

DRANCY 1 conservatoire, 5 médiathèques

DUGNY 1 conservatoire, 1 médiathèque

CA dE LA PLAINE CoMMuNE

AUBERVILLIERS 4 médiathèques

COURNEUVE (LA ) 3 médiathèques

ÉPINAY-SUR-SEINE 3 médiathèques

ÎLE-SAINT-DENIS (L’) 2 médiathèques

PIERREFITTE-SUR-SEINE 1 médiathèque

SAINT-DENIS 5 médiathèques

SAINT-OUEN 3 médiathèques

STAINS 3 médiathèques

VILLETANEUSE 2 médiathèques

CA EST ENSEMBLE

BAGNOLET 1 cinéma, 1 conservatoire

BOBIGNY 1 cinéma

BONDY 1 cinéma, 1 conservatoire, 1 médiathèque

LILAS (LES) 1 cinéma, 1 conservatoire, 1 médiathèque

MONTREUIL 1 cinéma, 1 conservatoire, 4 médiathèques

NOISY-LE-SEC 1 conservatoire

PANTIN1 cinéma, 1 conservatoire, 3 médiathèques, 1 école d’art

PRÉ-SAINT-GERVAIS (LE) 1 conservatoire, 1 médiathèque

ROMAINVILLE 1 cinéma, 1 conservatoire

94

CA dE LA PLAINE CENTrALE du vAL-dE-MArNE

ALFORTVILLE 1 conservatoire, 2 médiathèques

CRÉTEIL 1 conservatoire, 7 médiathèques

LIMEIL-BREVANNES 1 conservatoire, 1 médiathèque

CA du vAL dE BIèvrE

ARCUEIL 1 conservatoire, 1 lieu de création artistique

CACHAN 1 théâtre, 1 conservatoire

FRESNES 1 conservatoire, 1 écomusée

GENTILLY 1 conservatoire, 1 lieu d’exposition

HAŸ-LES-ROSES (L’) 1 cinéma, 1 conservatoire

KREMLIN-BICÊTRE (LE) 1 théâtre, 1 conservatoire

VILLEJUIF 1 théâtre, 2 conservatoires

CC dE CHArENToN SAINT-MAurICE

CHARENTON-LE-PONT1 théâtre, 1 conservatoire, 2 médiathèques, 1 école d’art, 1 atelier d’arts plastiques

SAINT-MAURICE1 théâtre, 1 conservatoire, 2 médiathèques, 1 école d’art

département EPCI CoMMuNE équipements transférésAu sein d’une organisation territoriale n’aban-donnant aucun de ses échelons, le développe-ment de la coopération intercommunale, pour certain qu’il soit, ne s’effectue pas sans diffi-cultés. L’ajout d’une strate supplémentaire de définition et de mise en œuvre de politiques publiques perturbe les règles de la gouver-nance territoriale. Elle s’accompagne en conséquence de critiques polycentriques plus ou moins explicites et virulentes. Quand ce n’est pas la conformité des modes de fonc-tionnement des EPCI aux exigences démocra-tiques contemporaines qui est mise en question, ce sont les performances de leurs interventions qui sont interrogées et comparées, notam-ment au regard de celles des communes aux-quelles ils se substituent. C’est ici, précisé-ment, que se déploie l’interrogation sur les valeurs ajoutées de l’intercommunalité. Le domaine des politiques culturelles n’y échappe pas. Les transferts opérés en faveur des EPCI

sont suffisamment amples en la matière pour que se pose légitimement la question de savoir ce qu’ils apportent « de plus ». L’histoire singulière de la coopération inter-communale en Île-de-France et plus particuliè-rement en petite couronne, ainsi que l’avenir qui semble se dessiner pour elle dans le cadre de la Métropole du Grand Paris, invitent à envi-sager avec attention cette question. La première vertu de cette problématique est sans conteste d’imposer dans un premier temps l’examen de l’hypothèse cruelle d’une organisation qui s’avérerait, à l’expérience, contre-productive, source de problèmes supplémentaires plus que de solutions nouvelles. Passée cette étape, la problématique relative à la valeur ajoutée de l’intercommunalité culturelle nous offre l’occa-sion de préciser en quoi pourrait consister cette valeur ajoutée, d’en cerner différents aspects, chacun faisant l’objet de développements distincts.

Dans un contexte de construction récente des intercommunalités d’Île-de-France, les com-plexités liées à la phase du changement d’échelle pour toutes les équipes et tous les lieux désormais mutualisés sont logiquement soulignées par les personnels administratifs des EPCI. Exerçant des responsabilités tech-niques dans un cadre nouveau et encore loin des routines, ils y sont quotidiennement confrontés et donc souvent plus sensibles qu’aux bénéfices qu’elles pourraient apporter ultérieurement.Par ailleurs, le transfert aux intercommuna-lités de la gestion d’équipements préexistants ou de la réalisation d’équipements manquants sur certains territoires (mais déjà bien connus dans d’autres) n’a qu’une faible dimension innovante. Il n’est donc guère surprenant que

la plus-value de l’intercommunalité culturelle soit souvent peu perceptible.Enfin, la valeur ajoutée communautaire sera d’autant plus sensible que les territoires concernés seront en tout ou partie marqués par un déficit ou un retard comparativement à certains standards d’intervention en ce domaine. Qu’il s’agisse de la rareté ou de la vétusté de certains équipements, des réponses non satisfaisantes données aux besoins des populations (voire à leurs transformations en fonction de changement dans leur composi-tion socio-démographique), des difficultés à s’adapter à des pratiques culturelles relative-ment nouvelles (musiques actuelles, numérique) ou de la montée en puissance des dynamiques associatives, les défis ne manquent pas pour rendre obsolètes des façons de concevoir et de mettre en œuvre des politiques cultu-relles. Reste, qu’en petite couronne d’Île-de-France, l’héritage d’un volontarisme parfois très

type d’équipements tRansféRés paR commune et paR inteRcommunalité (en 2013)

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puissant en la matière a marqué nombre de territoires, quitte à priver les EPCI récemment créés de la possibilité de se présenter comme les outils indispensables d’une transformation substantielle de ces politiques.

La perception de la valeur ajoutée d’une com-pétence culturelle transférée à un EPCI sup-pose donc, à la fois, un déficit antérieur et un réel projet politique, doté des moyens néces-saires, pour que les actions jusqu’à présent mises en œuvre dans un cadre communal puissent connaître un franchissement de seuil à la fois quantitatif et qualitatif, attendu et nécessaire. Dans le cas contraire, ce qu’un transfert de responsabilités culturelles à un EPCI peut apporter risque de ne pas être aisé-ment perceptible. La situation étant plutôt analysée en termes de substitution de l’entité intercommunale vis-à-vis des communes qui l’ont instituée et, ce faisant, de continuité plutôt que de rupture.

Mais au-delà des perceptions et ressentis pro-pres aux acteurs impliqués, les entretiens réa-lisés en petite couronne montrent que des contraintes diverses rendent la coopération intercommunale parfois si complexe que ce sont les difficultés qui en résultent que les personnes interrogées évoquent en premier à son sujet.

Ce qui sera évoqué ici relève d’abord de l’atti-tude des représentants des communes concer-nées à l’égard des structures intercommunales qu’ils ont créées ou auxquelles ils ont adhéré. La volonté de construire une coopération éten-due à certaines compétences culturelles peut s’accompagner de craintes quant au devenir des politiques et équipements communaux, plus encore quant aux liens tissés avec des associations locales. Elle peut à la fois reposer sur la volonté de mutualiser certaines charges et de bénéficier des capacités d’investisse-

ment des EPCI, tout en cherchant à éviter des processus de recentralisation des pouvoirs de décision, une perte de proximité chèrement acquise ou simplement revendiquée. Rappe-lons pour mémoire que l’organisation institu-tionnelle des intercommunalités fait des mem-bres de leurs assemblées délibérantes, avant tout, les représentants de leurs communes. La défense des intérêts communaux est donc inscrite dans le logiciel des pratiques politiques communautaires. Au sens sociologique du terme, il s’agit d’une véritable institution, d’une façon de faire et de penser profondément inté-riorisée qui imprime sa marque sur nombre de décisions ou de non décisions et qui, logique-ment, impacte négativement la possibilité de construire des politiques communautaires en matière culturelle.

Les entretiens réalisés en témoignent parfois explicitement en évoquant le souci qu’ont cer-tains élus de l’image de leur ville en matière culturelle. En particulier quand l’implantation de longue date d’équipements disposant de labels nationaux relativement prestigieux marque positivement leur territoire. Il ne peut alors être facilement question de renoncer à ce capital symbolique au profit d’une entité intercommunale. C’est ici sans doute une sin-gularité de la situation en petite couronne. Mais certains témoignages montrent égale-ment des phénomènes plus communs. La ges-tion directe ou indirecte d’équipements ou de manifestations ne s’abandonne pas facile-ment. Les bénéfices tirés de la mutualisation des charges de fonctionnement peuvent être certains (du point de vue des finances muni-cipales). Pourtant, ceci ne suffit pas toujours pour qu’un maire ou un adjoint cesse de consi-dérer les équipements transférés, situés sur le territoire de sa commune, comme relevant encore de sa responsabilité. De façon signifi-cative, dans une intercommunalité étudiée, le transfert de la quasi intégralité des compé-tences culturelles n’a pas conduit à la dispari-tion de l’adjoint à la culture au sein de la com-mune la plus importante, ceci faisant subsister

LES CoNTrAINTES PoLITIQuES ET INSTITuTIoNNELLES :

• lavolontédescommunesdegarderlamaîtrise de la politique culturelle et des équipements transférés• lafaibledotationdesservicesculturelsintercommunaux en capacités de coordination et de pilotage• l’absenceouquasi-absencedecadrepolitique pour l’action communautaire

un doute quant à l’identification actuelle du pouvoir décisionnel. En ce sens, le transfert de la gestion d’équipements alors que leur pro-priété reste communale, témoigne de la volon-té des communes de garder pour l’avenir une certaine maîtrise de ce qu’elles ont pourtant délégué.

Plusieurs entretiens montrent également, principalement pour des établissements d’en-seignement artistique spécialisé, que la mise en place de tarifs communs pour des écoles autrefois municipales, ne va en général pas jusqu’à celle des quotients familiaux applica-bles. Les politiques familiales mises en œuvre dans chaque commune continuent donc à exercer leurs effets quand bien même les ser-vices concernés sont désormais mutualisés. D’une certaine façon, la question du transfert des bibliothèques fait apparaître une problé-matique proche pour la gestion des person-nels autrefois communaux. Les régimes indem-nitaires pratiqués dans chaque commune peuvent apparaître comme des obstacles insurmontables pour avancer dans cette direc-tion ou l’un des principaux problèmes à sur-monter quand il a été décidé de la prendre. En effet, les compromis négociés au sein de chaque commune avec les représentants des personnels doivent alors être remis en cause.

Plus globalement, ces positionnements poli-tiques ont produit une organisation intercom-munale qui semble inachevée, au milieu du gué. La coopération culturelle apparaît donc complexe parce qu’elle n’a pas été politique-ment portée jusqu’au bout.Si la propriété restée communale de nombreux équipements maintenant intercommunalisés

rend compte de cette configuration inaboutie, elle ne pose pas au quotidien des difficultés importantes. Il n’en va pas de même des ser-vices culturels intercommunaux souvent faible-ment dotés en capacités de coordination et de pilotage. Un contraste saisissant apparaît en effet quand on compare dans certains cas le nombre de personnels transférés sur des missions opérationnelles (enseignements artistiques, lecture publique, en particulier) avec les équipes très réduites à la direction des services correspondants. Les personnes interrogées, placées justement sur ces fonc-tions de direction et de coordination, sont plus souvent amenées à décrire leurs activités en évoquant le suivi des équipes et équipements intercommunaux, la résolution des multiples problèmes posés par leur mutualisation, les arbitrages difficiles auxquels il faut procéder en héritant de situations parfois très inégales ou au contraire plus concurrentielles. Les entretiens décrivent parfois des situations d’improvisation, de structuration au jour le jour de l’action culturelle intercommunale, voire une condition de « nez dans le guidon » empêchant les EPCI d’être en capacité de répon-dre aux sollicitations que leur adressent des acteurs culturels locaux informés des compé-tences transférées et croyant en leur effi-cience immédiate. Rares sont les responsa-bles de services culturels intercommunaux paraissant en mesure de se détacher de ces problèmes quotidiens pour contribuer, nous y reviendrons, à nourrir les acteurs et instances politiques de leurs territoires d’une réflexion sur le long terme. Cette faible dotation des structures intercom-munales, du point de vue de leurs ressources humaines, en capacités de coordination globale et d’énonciation d’une stratégie culturelle, rejaillit sur les relations qu’elles peuvent entre-tenir avec d’autres échelons d’intervention. Des témoignages montrent que les services des collectivités partenaires (État, Région, départe-ments) ont besoin d’identifier des interlocuteurs avec qui coopérer sur des stratégies globales. Mais tel n’est pas le cas lorsque le transfert de

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compétences ne s’est pas traduit par un trans-fert de services suffisants ; les ressources ayant été, de ce point de vue, conservées au niveau des grandes communes. Certains obser-vent même que ce déficit marque particulière-ment les politiques culturelles car, dans d’autres domaines de compétences des EPCI, ceux-ci se seraient dotés des ressources humaines nécessaires (à travers des postes de chargés de mission). En outre, la structuration administrative des services intercommunaux (et les incertitudes quant aux frontières des questions « culturelles ») a parfois conduit à priver les directions culturelles de compétences stratégiques clés, par exemple en ce qui concerne les impacts touristiques de certaines ressources patrimoniales.

Mais l’insuffisance des services culturels des EPCI en nombre de personnes chargées de missions stratégiques ou de pilotage global est une contrainte institutionnelle administra-tive qui a son symétrique politique. Les entre-tiens s’achèvent souvent sur le constat d’une absence ou quasi absence de cadre politique permettant de doter l’action communautaire d’un référentiel conséquent énonçant des orientations globales et des programmes d’action détaillés, tout en articulant ces inter-ventions aux enjeux majeurs du territoire. Il n’y a dès lors pas de solution politique au problème de personnels précédemment évoqué. Bien entendu, le professionnalisme des équipes intercommunalisées et leurs intérêts à coopé-rer peuvent permettre de compenser en partie ce manque de projet politique. Mais on se situe alors dans un cadre d’action privilégiant la continuité sur le changement et les logiques professionnelles sectorielles à la transversa-lité, à la coopération avec d’autres politiques intercommunales. On comprend dès lors pour-quoi le transfert de compétences culturelles ne paraît pas, pour nombre d’acteurs, se tra-duire par des changements sensibles dans les orientations de ces politiques.

Pourtant, qu’il s’agisse de diversité ou de droits culturels, de la place de la culture dans le développement durable, on ne manque pas d’outils pour construire une doctrine cultu-relle rénovée en phase avec les sujets figurant au cœur des stratégies d’agglomération. Cette ressource intellectuelle existe et certains respon-sables d’affaires culturelles intercommunales se plaignent de ne pouvoir les mobiliser au service de la conception de politiques cultu-relles charpentées. Sans doute, peu de com-munes disposent d’un projet culturel (autre que la formulation dans un document synthé-tique de ce qui se fait déjà). Les faiblesses stratégiques intercommunales sont dans le droit fil des pratiques communales (et même étatiques) en la matière. Mais on observe avec intérêt que plusieurs intercommunalités se sont appuyées sur le CDT (contrat de dévelop-pement territorial) proposé dans le cadre du Grand Paris pour se doter d’une méthode de travail et structurer leurs interventions cultu-relles. C’est alors de l’extérieur qu’est venue la résolution partielle de ce déficit de conduite politique de l’action culturelle des EPCI.

Les entretiens réalisés pour les besoins de cette étude ont visé principalement les res-ponsables des services culturels des structures intercommunales de petite couronne. Les acteurs culturels (responsables d’équipements, de lieux, de compagnies ou de festivals), sans responsabilités intercommunales, n’ont pas été directement interrogés. En revanche, ces entretiens ont été l’occasion d’évoquer leurs réactions ou attitudes, du moins telles qu’elles ont été perçues par les personnes sollicitées. Ici encore, nous isolerons tout particulièrement les comportements qui ont été vécus comme des contraintes par les promoteurs de la coo-pération culturelle intercommunale.

LES FrEINS du CôTé dES ACTEurS CuLTurELS :

• lafidélitéàdeslogiquessectorielles• ladistanceparrapportauxpolitiquescommunautaires, comme résultat du processus de transfert auquel ils n’ont pas été associés

11. Ehrard Friedberg, Philippe Urfalino, Le jeu du catalogue, La Documentation française, 1984.

Ainsi, on ne change pas du jour au lendemain des pratiques repérées dès le début des années 1980, consistant à faire du champ des politiques culturelles un espace particulière-ment concurrentiel11. La recherche des moyens nécessaires au développement de leurs activi-tés, à la fois symboliques (reconnaissance, notoriété) et matériels (lieux, financements), contribue à rassembler les acteurs culturels en faveur des interventions publiques dans leur domaine, mais aussi à entretenir entre eux une compétition d’autant plus impitoyable que les ressources à distribuer se font rares ou, du moins, ne parviennent plus à progres-ser. Il en va particulièrement ainsi dans le champ du spectacle vivant. On n’est donc pas surpris d’entendre certains de nos interlocu-teurs (Plaine Commune, Sud de Seine, Est Ensemble, Val de Bièvre) souligner à quel point il est difficile de les faire coopérer et de construire à leur niveau des relations fondées sur un intérêt communautaire.

Mais cette difficulté en cache une autre, moins fondée sur la concurrence dans la recherche des soutiens publics que sur la fidélité à des logiques sectorielles. Pendant plusieurs décen-nies, la construction des politiques culturelles s’est réalisée à travers l’autonomisation de ses objectifs, notamment vis-à-vis de ceux de l’éducation ou de l’animation socio-culturelle. C’est en particulier l’exigence artistique, le souci de la qualité et le devoir de création qui ont constitué les référents propres aux politi-ques culturelles et à propos desquels toute concession, tout compromis signifiait le renon-cement aux spécificités de ces politiques, leur

instrumentalisation à des fins de socialisation, voire de pacification sociale. Des témoignages, concernant le spectacle vivant ou les enseigne-ments artistiques, montrent que chez certains acteurs culturels le souci du territoire est en revanche inexistant ou simplement envisagé comme l’espace de la mise en œuvre de poli-tiques de création ou de formation avant tout orientées par les exigences artistiques qu’ils se donnent ou que leur confèrent une labelli-sation et un cahier des charges étatiques.

Il faut toutefois noter que, dans certains cas, les conditions de travail de certains personnels d’équipements intercommunalisés ne favorisent pas chez eux la transformation de leurs prati-ques. C’est en particulier le cas parmi les ensei-gnants des établissements d’enseignement spé-cialisé, en l’occurrence chez ceux dont le service s’effectue dans plusieurs établisse-ments. L’éclatement de leur activité profes-sionnelle, les contraintes matérielles qui en résultent pour eux ne leur permettent pas faci-lement de s’investir dans les projets collectifs à une nouvelle échelle qu’implique le développe-ment d’une politique intercommunale.Dans un même ordre d’idées, certains établis-sements, notamment dans le champ de la lecture publique, ont longtemps été vivement encouragés à développer leur ancrage territo-rial à l’échelle de quartiers, en multipliant des collaborations avec des associations ou des équipements scolaires, sociaux, socioculturels, etc. On verra d’ailleurs que les politiques com-munautaires en petite couronne se sont fré-quemment attachées à entretenir, voire à déve-lopper, cette logique de proximité. Il n’en reste pas moins que cet héritage de pratiques et, au-delà, de conceptions de leur métier, est un frein lorsqu’il faut désormais se projeter dans un espace plus vaste et travailler selon de nou-velles modalités de coopération.Remarquons pour terminer que la distance prise par certains acteurs culturels vis-à-vis

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des politiques communautaires reflète bien souvent la distance à laquelle on les a tenus lorsqu’il a fallu envisager les transferts de compétences en la matière. Peu associés à ces débats et décisions, leur scepticisme, voire leur défiance, ne peuvent étonner. En outre, les tensions entre logiques secto-rielles et territoriales ne sont pas l’apanage des interventions intercommunales. Dans les grandes villes, on observe aujourd’hui des dif-ficultés similaires dans le cadre d’une recom-position du modèle de politiques culturelles à l’œuvre depuis les années 1960. Notamment, les perspectives du cultural planning, soit de l’approche des questions culturelles comme composantes de diverses autres politiques, y occupent une place croissante et mettent en

question le souci longtemps affiché de l’auto-nomie des politiques artistiques. Il est alors possible de penser que la capacité des EPCI à promouvoir des approches plus transversales contribuerait à faire évoluer dans le même sens les politiques municipales.

Comme tout changement, celui concernant les échelles d’intervention voit se dresser contre lui un certain nombre de contraintes et impose simultanément de rechercher les moyens de les surmonter. Dans ce cadre, le pouvoir de conviction de ses promoteurs sera d’autant plus performant qu’il pourra s’ap-puyer sur la présentation des différentes dimensions de la valeur ajoutée communau-taire en matière culturelle.

Au fil des entretiens et sur la base de travaux précédemment réalisés, trois dimensions paraissent constituer cette valeur ajoutée communautaire. Deux d’entre elles relèvent de bénéfices apportés aux politiques culturelles. Mais la première que nous évoquerons ici envisage plutôt les retombées territoriales positives que peut apporter un transfert de compétences culturelles. Avant de les exami-ner dans cet ordre, signalons que la plupart des entretiens indique que les responsables de services culturels communautaires interro-gés ignorent les motifs ayant conduit au trans-fert d’une ou de plusieurs compétences cultu-relles. Plus encore, rares sont apparemment les situations où ces décisions ont pu s’appuyer sur des études ou des diagnostics préalables. Des données peuvent exister sur les activités de certains équipements ou associations,

mais le processus décisionnel ne paraît pas s’être appuyé sur des éléments de connais-sance permettant de faire le bilan des politi-ques préalablement mises en œuvre et encore moins sur des éléments de prospective per-mettant de cerner des évolutions susceptibles d’avoir un impact sur ce champ d’intervention. Ensuite, nous l’avons dit, l’action des EPCI en matière culturelle ne peut pas se fonder sur l’énoncé relativement formalisé de projets en la matière. Tout ceci conduit à priver la recherche de la valeur ajoutée communau-taire d’une définition a priori des résultats et objectifs attendus des transferts réalisés et des actions mises en œuvre. Les différentes dimensions de la plus-value intercommunale exposées ici doivent donc être mises à jour à partir des entretiens réali-sés. Ces formulations ex post ont dès lors une certaine fragilité pour partie liée aux termes choisis, aux regroupements proposés, mais aussi à la faible légitimité de l’opération.

LES PLuS-vALuES TErrITorIALES :

• unecoopérationfacilitéeentreprofessionnelsetusagers• unepolitiquedeproximité

12. A. Freyermuth, 2011, op. cit.

C’est tout particulièrement à l’égard de cette plus-value que les personnes interrogées ont été les moins loquaces et que, ce faisant, notre travail d’interprétation est le plus sensible. Leur spécialisation en matière culturelle les conduit à présenter essentiellement des valeurs ajoutées relevant de leurs champs de compétences. Il leur est en revanche plus dif-ficile d’évoquer d’autres retombées positives relevant d’enjeux ne concernant pas seule-ment les politiques culturelles. Pourtant, ces entretiens permettent parfois de repérer des bénéfices généraux ou concernant l’institution intercommunale elle-même.

Les compétences obligatoires et nombre de compétences optionnelles des aggloméra-tions n’ont pas toujours la possibilité d’illus-trer concrètement le processus de recomposi-tion territoriale. En revanche, sans prétendre qu’elles en auraient le monopole, les respon-sabilités culturelles sont souvent jugées comme étant plus en mesure de concrétiser aux yeux des habitants la coopération voulue par leurs représentants. C’est ce que différen-tes études sur ce thème ont déjà pu montrer12. Il en est particulièrement ainsi avec les services culturels les plus fréquemment mutualisés que sont les médiathèques et les établissements d’enseignement artistique spécialisés. Les formes de coopérations facilitées entre pro-fessionnels et usagers (unification des tarifs, cartes d’abonnement uniques, mise en réseau des équipements et toutes les fonctions nou-velles qu’elle autorise) sont autant de façons d’illustrer la construction intercommunale et de légitimer ses institutions. Au-delà des fran-chissements de seuils qualitatifs et quantita-tifs dans le fonctionnement des équipements culturels, ce sont donc la coopération inter-

communale et son organisation politique qui bénéficient également des transferts de com-pétences en la matière.La question de la proximité offre une autre illustration de cette valeur ajoutée « au carré » (dans la mesure où aux effets en termes d’ac-tion culturelle s’ajoutent des impacts positifs sur la légitimité des instances intercommu-nales). Plusieurs témoignages montrent que, si la recomposition territoriale peut sembler constituer un facteur de recentralisation et d’éloignement des pouvoirs de décision, cer-taines intercommunalités de petite couronne se sont au contraire attachées à montrer, en matière culturelle, un souci pour une action au plus près des habitants par le renforcement des équipements de proximité ancrés dans des quartiers ou des portions de territoire. Contre l’idée d’une politique culturelle com-munautaire essentiellement orientée par le souci des grands équipements ou des grandes manifestations, ainsi que par un objectif de rayonnement au-delà de ses frontières, les stratégies restituées dans ces entretiens ont souvent privilégié le proche au lointain, l’habi-tant réel au touriste ou à l’habitant potentiel. Naturellement, ce choix ne peut pas être déconnecté du poids des logiques communales dans la construction des actions communau-taires. L’influence des élus locaux peut s’exer-cer sensiblement sur ces aspects. Il en va de même, nous l’avons dit, des professionnels travaillant au sein de services publics culturels et de longue date investis dans des actions de proximité. Enfin, dans nombre de cas, les publics des équipements transférés sont restés prin-cipalement communaux, ceci orientant les choix faits en matière de projets et de coopé-rations avec des structures locales. Quel que soit le poids de ces différents facteurs, il est donc peu contestable qu’en s’investissant dans des actions culturelles de proximité les services des EPCI contribuent aussi à familiariser les populations avec des instances qui, légitime-ment, peuvent leur paraître lointaines.

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Enfin, par-delà ces impacts sur les institutions intercommunales, ce sont les territoires gérés par ces dernières qui peuvent aussi bénéficier des politiques culturelles communautaires. Ainsi, les politiques d’investissement en faveur de la rénovation ou de la construction d’équi-pements culturels sont fréquemment pensées en termes d’aménagement du territoire et donc au regard des perspectives de dévelop-pement de quartiers, mais aussi de territoires plus vastes, qu’il s’agisse des agglomérations elles-mêmes ou de l’Île-de-France dans son ensemble. Sans doute, dans bien des cas, il s’agit de « faire avec » et de gérer un patrimoine immobilier là où il se trouve. Mais, même dans ces circonstances, ce sont les missions confiées à certains équipements qui peuvent évoluer ou s’organiser en fonction de la spécialisation des différents pôles d’un réseau, voire de leurs capacités d’accueil pour différents types d’ac-tivités. En quelque sorte, qu’il puisse ou non être possible de revoir la répartition territo-riale des équipements culturels, leur gestion intercommunale implique bien souvent une réflexion plus transversale sur la place de l’offre culturelle dans l’organisation des territoires. Les compétences d’agglomération en matière d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, mais aussi de transport et de déve-loppement durable sont autant de terrains pour débattre dans des termes renouvelés et à de nouvelles échelles du devenir de certains équipements culturels ou de la création d’autres.

En abordant désormais des plus-values propres aux politiques culturelles nous évoquerons en premier lieu des interventions qui pourraient également être menées dans le cadre commu-nal. En quelque sorte, elles changent d’échelle mais pas de nature. La plus-value consiste dans ce cas à permettre ou à favoriser des évolu-tions qui ne parvenaient pas (ou pas pleine-ment, pas avec la même ampleur ou qualité) à s’accomplir au niveau communal.

Il en va ainsi des relations nouées avec des établissements scolaires ou des associations locales, évoquées dans plusieurs témoignages, et dont on ne voit pas en quoi elles dépendraient exclusivement d’une prise en charge commu-nautaire. Il en va de même s’agissant de l’orga-nisation d’événements, de la mise en place d’outils de communication modernisés ou plus performants ou d’une coordination et rationa-lisation accrues en matière d’action culturelle. Dans le même ordre d’idées, la construction d’un équipement plus important que ceux qui l’ont précédé change la donne, permet de nou-velles activités et transforme en partie le métier des personnels qui y sont désormais affectés après avoir travaillé dans des cadres plus modestes. Mais dans le cas d’une com-mune qui en serait maître d’ouvrage, les effets seraient sans doute identiques, seules les dimensions de l’équipement concerné étant ici en cause. Les entretiens montrent donc qu’un transfert au profit d’un EPCI peut être l’occasion d’une remise à plat des activités et méthodes de fonctionnement de certains équipements, d’interroger des routines ou de mettre en place des collaborations qui jusqu’à présent n’avaient pas pu l’être. Le changement d’échelle importe ainsi moins que le « pas de côté » ou la relance qu’autorise le changement d’autorité compétente.Les effets d’opportunité sont également sen-sibles en matière financière. Certains entretiens évoquent une possible attente des élus en termes d’économies d’échelles et de mutua-lisation des ressources (supports de commu-nication, parcs de matériels ou d’instruments de musique, par exemple). Mais ce sont surtout les capacités d’investissement des EPCI qui sont soulignées. Dans un contexte de satura-tion des budgets municipaux et de limitation de leur possibilité de souscrire de nouveaux emprunts, les structures intercommunales permettent de relancer une politique d’inves-tissement en matière culturelle, qu’il s’agisse de rénover des équipements vieillissants ou de doter des territoires de celui ou de ceux qui

LES PLuS-vALuES EN TErMES dE PoLITIQuE CuLTurELLE :

• laremiseàplatdesactivitésetdesméthodes de fonctionnement de certains équipements• lamiseenplacedenouvellescollaborations• lescapacitésd’investissementdesEPCI• unemeilleureadaptabilitéauxmobilitésdespopulations• unemeilleuremiseenréseaudesacteurs:amélioration de la structuration des collaborations, mise en place de lieux de concertation, redéfinition des perspectives professionnelles des agents

leur font défaut. Dans bien des cas, il s’agit ainsi de s’adapter à des pratiques culturelles relativement nouvelles (activités d’ensembles dans l’enseignement musical, nouveaux usa-ges au sein des médiathèques, etc.) et que favorise désormais leur prise en charge inter-communale. Sans doute, on retrouve ici le tropisme équipementier que les politiques culturelles ont connu depuis les années 1960. Il n’en reste pas moins qu’en favorisant l’appa-rition de lieux nouveaux plus en phase avec des besoins contemporains, les intercommu-nalités montrent nettement ce qui peut consti-tuer leur valeur ajoutée. Ajoutons enfin, pour terminer sur ce point, que les défis de la numé-risation, l’obsolescence et le nécessaire renou-vellement de certains outils (logiciels de ges-tion des collections au sein des médiathèques, par exemple) se traduisent par des coûts financiers que les communes seules peuvent de moins en moins assurer. Ici aussi les capa-cités financières des EPCI sont utiles pour permettre aux services culturels de s’adapter aux mutations technologiques.

C’est sans doute la valeur ajoutée la plus spé-cifique aux agglomérations. Le changement d’échelle permet aux politiques publiques de s’adapter aux mobilités des populations, de mieux en organiser les conséquences et de mettre en réseaux des équipements et équipes avec en perspective, par ce moyen, un dévelop-pement qualitatif des politiques menées en matière culturelle. La mise en réseau des acteurs culturels peut prendre à son tour plusieurs dimensions. Dans certains cas, il s’agit de structurer des collabo-rations permettant de mener certains projets. Dans d’autre cas, le réseau se traduit par la mise en place de lieux ou de moments de concertation, l’organisation de forums réguliers nourrissant la réflexion des professionnels concernés et pouvant éventuellement remplir

des fonctions de formations informelles. La mise en réseau peut aussi se traduire par la création d’opportunités professionnelles inédites.

Si, nous l’avons dit, dans certains secteurs comme le spectacle vivant, les réticences à la coopération peuvent être importantes et, en fonction de leur statut privé ou de label national, plus difficiles à surmonter, d’autres en revanche trouvent dans la coopération intercommunale un cadre porteur pour des collaborations souhaitées. Les entretiens ana-lysés ne cachent pas que des coopérations peuvent exister, par exemple dans le domaine des enseignements artistiques ou de la diffu-sion du spectacle vivant, entre des structures dépendantes de collectivités distinctes. Toute-fois, le transfert des responsabilités correspon-dantes en faveur de la même entité permet de réduire toute une série de problèmes, notam-ment financiers, dans la mesure où il n’y a pas à vérifier constamment si l’équilibre de la répartition des charges et des ressources est bien respecté ni à gérer des différences dans le traitement administratif des activités des personnels impliqués.

La mise en réseau peut prendre un aspect moins directement opérationnel lorsqu’il s’agit de mettre en relation des acteurs (direc-teurs d’écoles d’enseignement spécialisé, conservateurs-directeurs/trices de médiathè-ques, professeurs…) pour des moments de concertation ou de coordination. Qu’il s’agisse de projections ou de bilans annuels d’activités, ces occasions d’échange ont, par-delà leur

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fonction de suivi, des impacts sur la conception des métiers des uns et des autres, l’évolution des projets d’équipements (spécialisation, développement de relations avec des structures ayant d’autres vocations – établissements scolaires, maisons de jeunes ou de quartiers, etc.) et sur la définition de projets collectifs. Dans ce cadre, la réflexion portée par les neuf directeurs et directrices des affaires culturelles des villes intégrées à l’agglomération de Plaine Commune illustre les vertus de cette mise en réseau. Ici, c’est par leur collaboration à l’échelle de l’intercommunalité que ces DAC ont été en mesure de nourrir de leurs travaux les débats sur le devenir de leur territoire. Dans tous ces cas, le développement de cette organisation réticulaire propose aux acteurs concernés des échanges sur leurs compétences et expériences, des moments relativement informels de formation continue.Mais la mise en réseau a aussi pour vertu de redéfinir les perspectives professionnelles des agents travaillant au sein de services culturels désormais intercommunalisés. Les opportunités de postes ouverts pour des mutations, d’autres cadres de travail, des ressources accrues pour l’exercice des droits à la formation, la révision de fiches de postes, la possibilité de fournir à des enseignants d’instruments relativement rares des services complets répartis sur plusieurs établissements relevant tous de la même autorité sont autant d’améliorations substantielles des conditions d’accomplisse-ment d’une carrière. Il en résulte assez logi-quement des bénéfices sensibles quant à la qualité des activités auxquelles ces person-nels contribuent.Enfin, l’intercommunalité est une échelle per-tinente pour gérer ou favoriser certaines mobilités. Elle invite d’abord très fréquem-ment les services chargés des compétences culturelles transférées à se doter d’outils per-mettant de connaître les origines géographiques des publics et usagers de leurs équipements ou manifestations. Si, nous l’avons vu, ces données, quand elles existent, ont un impact faible sur les décisions de transferts, elles nourrissent

ensuite les tableaux de bords régulièrement produits sur l’activité des services. Elles per-mettent ainsi de confirmer l’audience commu-nale, intercommunale ou plus large encore de certaines activités quitte à justifier a posteriori certains transferts13. C’est d’ailleurs sur la base de ces données que les EPCI peuvent revendiquer une action de proximité au regard de leur prise en charge d’équipements dont les publics sont essentiellement communaux. À l’inverse, ces mêmes données peuvent montrer que les audiences de certains lieux associent publics communaux, intercommunaux et issus de territoires plus éloignés, notamment pari-siens. Elles permettent de mettre en place des dispositifs favorisant la mobilité des publics vers les lieux culturels des territoires mais aussi d’identifier ce qui favorise ou défavorise cette mobilité comme l’existence d’une desserte par métro ou, au contraire, des problèmes de transport ou de sécurité empêchant un lieu ou une manifestation d’accueillir le public qu’ils méritent. Si parfois les problèmes de mobilité ne peuvent être résolus avec les moyens de l’EPCI, il arrive que ces informations guident des décisions stratégiques. Il en va ainsi lorsqu’en matière d’enseignement musical il s’agit d’arbi-trer entre la mobilité des élèves ou celle des enseignants. De même, le repérage d’une popu-lation ne résidant pas sur le territoire mais y exerçant des activités professionnelles (donc présentes dans le cadre d’une mobilité vers leur lieu de travail) peut amener à proposer des activités culturelles (lecture publique, pra-tiques musicales en amateur) pendant la pause méridienne. L’échelle intercommunale s’avère donc être un cadre propice pour adapter l’offre culturelle aux territoires de vie des populations. Elle le fait en plus sans ignorer que, malgré tout, un certain nombre d’activités et pour un certain nombre de publics (jeunes scolarisés), l’espace communal reste celui de leurs pratiques cultu-relles. Mais pour d’autres ou à d’autres périodes de leur vie, ce même cadre a perdu ou perdra de sa pertinence.

13. Et ce faisant, à se méprendre quant au lien fait par certains acteurs entre leur territoire de rayonnement et les sources de leur financement, comme le montre le cas des établissements artistiques spécialisés, plusieurs fois évoqué dans les entretiens.

Une intercommunalité culturelle fragmentaire et sporadique, dont le caractère récent explique en partie l’aspect confédéral, assez peu intégré, hésitant encore entre primauté municipale et projection communautaire, avec de véritables perspectives en termes de valeur ajoutée, pour peu qu’on relativise certains coûts d’adapta-tion de court terme… Ces constats ne sont qu’en partie propres à la petite couronne. Ils prennent cependant un relief singulier à l’heure de la réforme territoriale et de la mise en place de la Métropole du Grand Paris. Celle-ci devrait aboutir à la constitution d’une entité territo-riale unique rassemblant Paris, l’ensemble des intercommunalités et les quarante-trois communes isolées de petite couronne. Les réformateurs tirent ainsi argument de la faiblesse globale du mouvement intercommu-nal sur cet espace, pour considérer que l’exis-tant, trop récent et peu pertinent en termes de périmètre, peut être aisément aboli. Dans ces conditions, les EPCI qui ont vraiment joué la carte de la coopération intercommunale se trouvent dans une situation particulièrement injuste. Ils ont accompli, contre beaucoup de contraintes que nous avons rappelées, un effort de dépassement des frontières munici-pales. Et ce sont eux qui se trouvent aujourd’hui les plus directement pénalisés par la réforme. Celle-ci permettra certes aux acteurs inscrits dans ces communautés de demeurer liés au sein de nouveaux territoires. Leur coopération ne sera donc pas perdue et, au prix de nouvelles difficultés organisationnelles, on n’infligera pas aux équipes et aux élus un retour systématique des réseaux de lecture publique, d’enseigne-ment musical ou de programmation théâtrale à la compétence municipale. Mais il s’agit bien d’une régression démocratique, si l’on considère que les établissements ne feront plus l’objet d’une tutelle politique élue, mais d’une dési-

gnation indirecte de représentants au sein de syndicats. À l’heure où les intercommunalités françaises s’apprêtent à connaître l’élection directe de leurs élus, la petite couronne suit donc le chemin strictement inverse. Quant aux autres espaces de ce même territoire, ceux où aucune compétence culturelle n’a été parta-gée, où aucun EPCI n’existe, peut-on attendre d’une institution aussi vaste que la nouvelle métropole la définition d’une politique cultu-relle suffisamment intégrée pour n’être pas la somme des calculs particuliers, et suffisam-ment enracinée pour tirer sa légitimité de politiques de proximité ? La perspective qui se dessine oscille entre trois scénarios dont il est difficile de savoir celui qui pourra l’emporter. Le premier voit naître une métropole concen-trant une compétence de politique culturelle, fondée sur une administration généraliste, avec à ses côtés une structure quasi-parlementaire représentant les secteurs de la culture, qui déléguerait à des structures syndicales (sur les cendres des EPCI) ou aux communes la mise en œuvre de ces politiques. Le deuxième scénario voit la métropole s’ap-puyer plus fortement sur les… départements qui deviennent, après la disparition des com-munautés, l’échelon intermédiaire et opéra-tionnel des politiques métropolitaines.Le troisième scénario voit la métropole hériter d’une compétence culturelle qu’elle ne décline qu’en termes de rayonnement, laissant aux départements, aux communes et à leurs syn-dicats le soin d’inventer et d’implémenter une politique culturelle territoriale.Le nouveau cadre législatif, qui vient d’être approuvé, ne contient pas en lui-même l’ar-bitrage entre ces trois voies possibles. Les échelles territoriales de la petite couronne connaissent un tournant. À l’inter-territorialité culturelle de s’y construire.

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