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LA CONFIRMATION D’UN DROIT COMMUNAUTAIRE PENAL L’Europe se caractérise à l’heure actuelle par de grandes disparités au sein de l’espace pénal. En effet, le droit pénal est traditionnellement une affaire nationale, l’expression privilégiée de la puissance régalienne. Face à cela les pays de l’UE ont mis en place des dispositions de coopération intergouvernementale ainsi que des organes intégrés tels qu’Europol (Office européen de police), Eurojust (organe composé de magistrats détachés par chaque Etat membre) et bientôt peut-être un Procureur européen. Il s’agit donc aujourd’hui de surmonter le pragmatisme et les démarches intergouvernementales et de définir un véritable espace pénal commun. Ceci parce que la criminalité a largement évoluée et que les transgressions dépassent le cadre d’un seul Etat membre, également parce qu’il s’agit d’atteintes graves reconnues comme telles par l’ensemble des Etats de l’Union. Ainsi, la commission des communautés européennes s’est penchée sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l’exécution des sanctions pénales dans l’Union européenne à travers un Livre vert présenté par la commission le 30 avril 2004. L’harmonisation des infractions pénales contribue à établir des critères communs relatifs à l’ordre public. Elle favorise la création d’un esprit de confiance mutuelle favorable à l’espace de liberté, de sécurité et de justice. L’harmonisation se révèle être un instrument efficace pour lutter contre l’obstacle de la double incrimination. En vertu de ce principe, un État ne donne suite à une demande d’entraide que si les faits invoqués par l’État requérant correspondent à une infraction qui figure dans son ordre juridique. Un État ne peut coopérer que s’il considère que les faits pour lesquels sa coopération est réclamée sont dignes d’être sanctionnés, c’est- à-dire que le comportement invoqué est contraire à l’ordre public national. L’harmonisation des législations pénales évite que chaque État ne se transforme en paradis pénal à l’encontre des autres. En harmonisant les législations pénales, les États 1

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LA CONFIRMATION D’UN DROIT COMMUNAUTAIRE PENAL

L’Europe se caractérise à l’heure actuelle par de grandes disparités au sein de l’espace pénal.En effet, le droit pénal est traditionnellement une affaire nationale, l’expression privilégiée de la puissance régalienne.

Face à cela les pays de l’UE ont mis en place des dispositions de coopération intergouvernementale ainsi que des organes intégrés tels qu’Europol (Office européen de police), Eurojust (organe composé de magistrats détachés par chaque Etat membre) et bientôt peut-être un Procureur européen.

Il s’agit donc aujourd’hui de surmonter le pragmatisme et les démarches intergouvernementales et de définir un véritable espace pénal commun. Ceci parce que la criminalité a largement évoluée et que les transgressions dépassent le cadre d’un seul Etat membre, également parce qu’il s’agit d’atteintes graves reconnues comme telles par l’ensemble des Etats de l’Union.

Ainsi, la commission des communautés européennes s’est penchée sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l’exécution des sanctions pénales dans l’Union européenne à travers un Livre vert présenté par la commission le 30 avril 2004.

L’harmonisation des infractions pénales contribue à établir des critères communs relatifs à l’ordre public. Elle favorise la création d’un esprit de confiance mutuelle favorable à l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

L’harmonisation se révèle être un instrument efficace pour lutter contre l’obstacle de la double incrimination. En vertu de ce principe, un État ne donne suite à une demande d’entraide que si les faits invoqués par l’État requérant correspondent à une infraction qui figure dans son ordre juridique. Un État ne peut coopérer que s’il considère que les faits pour lesquels sa coopération est réclamée sont dignes d’être sanctionnés, c’est-à-dire que le comportement invoqué est contraire à l’ordre public national. L’harmonisation des législations pénales évite que chaque État ne se transforme en paradis pénal à l’encontre des autres. En harmonisant les législations pénales, les États réduisent les différences entre les droits nationaux. Les criminels perdent ainsi tout intérêt à s’établir dans tel ou tel État.

Cette question revêt une acuité particulière dans le cadre de l’édification d’un espace de liberté, de sécurité et de justice. En créant ce concept, les États membres ont affiché leur volonté d’aller au-delà de la coopération traditionnelle pour lutter contre la criminalité. Ils ont signifié clairement leur volonté de renforcer les mécanismes existants, en particulier l’harmonisation des infractions pénales.

Les rédacteurs du traité d’Amsterdam ont donné un nouvel élan au processus d’harmonisation en élaborant de nouvelles dispositions à ce sujet. L’article 31 stipule que « l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres […] (à) assurer, dans la mesure nécessaire l'amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les États membres, (et à) adopter progressivement des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.»

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La liste des infractions visées à l’article 31 est purement indicative et le Conseil européen de Tampere a défini un ensemble de « domaines prioritaires », tels que la cybercriminalité, dans lesquels des travaux d’harmonisation devaient être entrepris. La déclaration du Conseil annexée à la décision-cadre du 13 juin 2002 invite à poursuivre ces travaux concernant 32 infractions contenues dans la liste de l’article 2-2.

Pour l’heure, les États se sont employés à répondre aux demandes du Conseil européen de Tampere. La plupart des textes ont été adoptés ou ont fait l’objet d’un accord politique et sont en attente d’une adoption finale. D’autres infractions en dehors des « domaines prioritaires » font aussi l’objet de travaux d’harmonisation.

Cette approche résulte :- d’une demande expresse d’un État membre : par exemple la Grèce en ce qui concerne le trafic d’organes ; - d’évènements politiques : les catastrophes du Prestige et de l’Erika ont conduit la Commission a présenter des instruments spécifiques concernant les pollueurs en mer.

L’harmonisation est une question complexe à deux facettes : - quelles infractions harmoniser, - harmoniser jusqu’à quel point ?

La Constitution apporte un élément de réponse.

Elle établit, à l’article III-271, deux critères alternatifs pour autoriser un rapprochement.

L’harmonisation est possible :- lorsque les infractions relèvent de domaines de criminalité « particulièrement grave » et « revêtent une dimension transfrontière ». La Constitution contient la liste des infractions à harmoniser. Il ressort qu’à l’exception du trafic d’armes toutes les infractions de cette liste ont déjà fait l’objet d’une harmonisation ou sont en passe de l’être. La liste est susceptible d’une extension. La décision est prise par le Conseil statuant à l’unanimité après avis du Parlement ; - lorsque cet exercice s'avère « indispensable » pour assurer la mise en œuvre efficace d'une politique de l'Union dans un domaine ayant fait l'objet de mesures d'harmonisation. Cette opération, qui est en tout état de cause exceptionnelle, concerne différents domaines relevant du champ de compétence de l’UE. Il peut s’agir de la protection de l’euro ou des intérêts financiers de l’UE, par exemple.

La Constitution admet le rapprochement de certains éléments de procédure pénale à l’article III-270. Il s’agit de l’admissibilité des preuves, les droits des personnes et des victimes. La liste peut être étendue, sur décision du Conseil, à « d’autres éléments spécifiques » de la procédure. Les traités actuels ne prévoient pas explicitement de base juridique concernant l’harmonisation du droit pénal procédural. Pourtant des travaux ont déjà été entrepris.

Une décision-cadre :- relative au statut des victimes a été adoptée le 15 mars 2001 ;- relative à la confiscation des produis du crime a été approuvée le 19 décembre 2002 ; - relative aux garanties procédurales est en cours de négociation.

Les rédacteurs de la Constitution ont imaginé un système de « sonnette d’alarme », concernant l’harmonisation tant du droit pénal au fond que du droit pénal procédural. Ce

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mécanisme permet à un État de remettre en cause le projet s’il estime que celui-ci porte atteinte « aux aspects fondamentaux de son système de justice pénale ».

A – ESSOR DES DISPOSITIONS DE COOPERATION JUDICIAIRE

Les méthodes de coopération judiciaires ont connu un réel développement à travers l’amélioration de l’entraide judiciaire, la création du mandat d’arrêt européen, le principe de reconnaissance mutuelle des décisions et le projet d’institution d’un Procureur Européen.

1 -Avancées de l’entraide judiciaire

La nécessité de surmonter le morcellement de l’espace pénal européen passe préalablement par l’amélioration de l’entraide judiciaire entre les Etats membres. Celle-ci a été renforcée lors du Conseil européen de Tampere en 1999 et a fait l’objet d’une convention établie par le Conseil le 29 Mai 2000, à laquelle a été ajouté un protocole datant du 16 octobre 2001. Certaines avancées concernant la constitution d’équipes d’enquêteurs, le secret bancaire et le gel des avoirs, devraient présenter des progrès significatifs dans le domaine de l’entraide pénale.Le protocole prévoit, en effet, la mise en place sous l’égide de l’unité Eurojust d’équipes d’enquêtes communes dans un but déterminé et pour une durée limitée. Elles pourraient se révéler efficaces pour lutter contre le trafic de drogue, la traite des êtres humains et le terrorisme.En outre, la convention précise expressément que les Etats membres ne pourront invoquer le secret bancaire pour rejeter une demande d’entraide judiciaire émanant d’un autre état membre et prévoit la possibilité de demandes d’informations et de suivi sur des transactions bancaires.En complément, certains Etats ont proposé de rendre exécutoire, sans formalité et sans délai, le gel des avoirs et des preuves dans le cadre d’une procédure pénale afin d’en empêcher la destruction ou le transfert.

2 - Création d’un mandat d’arrêt européen

La dimension politique et intergouvernementale du mécanisme traditionnel de l’extradition, qui conduit souvent les Etats à refuser l’extradition de ses nationaux, n’a plus de raison d’être dans un espace tel que l’U.E., politiquement de plus en plus intégré. Le mandat d’arrêt européen est effectif depuis le 1er janvier 2004 et se substitue donc à la procédure classique de l’extradition. La demande de transfert d’une personne, faisant l’objet de poursuites, par un Etat membre, devra être exécutée automatiquement dans toute l’U.E. dans un délai de 90 jours. Pour autant, tous les pays n’ont pas modifié leur législation nationale pour intégrer le mandat d’arrêt européen, l’Italie par exemple vient seulement de le faire.

3 - Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions, pierre angulaire de la coopération judiciaire

La question de la coopération au stade de l’enquête et du transfert des personnes recherchées doit s’accompagner de mesures de reconnaissance mutuelle des décisions. S’il n’est pas nécessaire de traiter de façon identique une affaire dans chacun des Etats membres, les résultats obtenus doivent être reçus de la même manière afin d’éviter la multiplicité des

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poursuites et prononcer une sanction englobant les faits commis sur une période donnée dans plusieurs Etats membres.

Il apparaît alors nécessaire de susciter une juridiction européenne spécifique à la matière pénale pour régler notamment les conflits de compétences. Cette réflexion s’oriente vers la création, dans un premier temps, d’une institution judiciaire le procureur européen.

4 - Le Procureur européen

A l’origine, l’idée d’instituer un procureur européen a été motivée par la protection des intérêts financiers communautaires car la plupart des affaires importantes impliquent le système pénal de plusieurs Etats Membres. La Commission a donc publié, en décembre 2001, un livre vert sur la protection pénale des intérêts financiers communautaires et la création d’un Procureur européen suffisamment autonome.Son institution doit permettre un contrôle du travail de la police mais aussi une direction et une coordination des poursuites, sur l’ensemble de l’ Union Européenne, concernant certaines infractions spécifiques. La mise en place de procureurs délégués, sous l’autorité du Procureur européen, devrait permettre une articulation avec les Etats Membres dont les systèmes procéduraux ne seraient pas bouleversés a priori.L’autorité du Procureur européen devrait pouvoir être assurée par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions ainsi que par « un socle commun » de droits fondamentaux et de procédures comme, par exemple, le gel des avoirs ou encore le mandat d’arrêt européen.

Cependant, la coopération judiciaire classique, malgré ses avancées, ne suffit pas, pour répondre aux nouveaux défis de la criminalité transfrontalière. En effet, une absence de réelle harmonisation pourrait se révéler créatrice d’espaces de refuge privilégiés en raison de l’absence de sanction significative de certaines formes de criminalités. L’ensemble des avancées en matière de coopération judiciaire suppose un minimum d’harmonisation sur le plan des infractions et du droit procédural, qu’il s’agisse de rechercher les auteurs des crimes, de réunir les preuves, de les transférer d’un Etat à l’autre, de les juger ou de mettre à exécution les peines.

Le dépassement des disparités des système pénaux est indispensable si l’on souhaite ouvrir le champ des compétences de l’UE en matière pénale. Il convient alors de se mettre d’accord sur les infractions susceptibles de donner lieu à une extradition ou à des poursuites mais aussi d’harmoniser les sanctions et leurs modalités d’exécution.L’harmonisation totale du droit pénal n’est certes pas envisageable et le principe de reconnaissance mutuelle des décisions permet de répondre, à titre subsidiaire, à des questions non résolues par la voie de l’harmonisation.Néanmoins, le rapprochement d’un certain nombre d’incriminations est un préalable. Des textes supra-nationaux comme le Pacte des droits civils et politiques, signé en 1966, sous l’égide de l’ ONU, y contribuent.

Concrètement, l’ Union Européenne a élaboré, lors du traité d’ Amsterdam, une première base juridique permettant au législateur communautaire de légiférer, dans une mesure limitée, en matière de protection pénale des intérêts financiers communautaires. Le dossier relatif à la protection des intérêts financiers de la communauté et à la lutte contre la contrefaçon de l’euro fait figure de projet phare. Il devrait donner lieu à un degré élevé d’harmonisation et incite à une vision plus large. Ainsi, l’Union européenne a manifesté la volonté d’avancer sur un

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certain nombre de dossiers : la lutte contre la drogue, contre le blanchiment d’argent, contre la cybercriminalité et contre l’immigration clandestine et la traite des êtres humains.

Le traité d’Amsterdam envisage aussi l’adoption de règles minimales quant aux sanctions pénales en matière de criminalité organisée et de terrorisme.

Enfin, dans le domaine de l’exécution des sanctions, les législations semblent emprunter les unes aux autres et se rapprocher.

Finalement, un modèle européen de procédure pénale tend à se dégager, fondé sur un socle de droits fondamentaux (droit de la défense, présomption d’innocence etc.) mêlant droits de l’Homme et droits des Etats. Un système pénal partiellement intégré se met en place, pourtant, la Convention sur l’Avenir de l’Union ne semble pas s’engager sur la voie d’un véritable pouvoir judiciaire structuré et autonome.

L’harmonisation du droit pénal revêt deux volets complémentaires : - l’harmonisation des comportements à sanctionner - et l’harmonisation des sanctions proprement dites.

B – HARMONISTION DES COMPORTEMENTS ET DES SANCTIONS

Concernant l’harmonisation des comportements à sanctionner, les travaux sont bien avancés puisque de nombreux textes ont fait l’objet soit d’une adoption, soit d’une approbation politique par le Conseil. Les institutions divergent néanmoins sur la base juridique, ce qui provoque des tensions entre elles.

Concernant l’harmonisation des sanctions proprement dites, celle-ci est très relative puisqu’elle porte uniquement sur les peines d’emprisonnement. De plus, les États ne sont pas parvenus à une échelle généralisée des peines. Ils se contentent d’aborder la question au cas par cas et ne semblent pas prêts à déléguer cette expression de la puissance régalienne.

1. L’harmonisation des comportements à sanctionner.

L’Union a déjà harmonisé toute une série d’infractions. Il s’agit notamment de la lutte contre :- les atteintes aux intérêts financiers de la CE; (convention du 26 juillet 1995) ;- la corruption. L’harmonisation des infractions concernant la corruption dans la

fonction publique a fait l’objet d’un protocole à la convention relative à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes adopté le 27 septembre 1996 et d’une convention adoptée le 26 mai 1997. L’harmonisation des infractions concernant la corruption dans le secteur privé a fait l’objet d’une décision-cadre adoptée par le Conseil le 22 juillet 2003 ;

- la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces; (décision-cadre du 28 mai 2001) ;

- le terrorisme (décision-cadre du 13 juin 2002); · la traite des êtres humains; (décision-cadre du 19 juillet 2002) ;

- les atteintes générales à l’environnement; (décision-cadre du 27 janvier 2003) ;- l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie; (décision-cadre du 22

décembre 2003) ;

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- le trafic de drogue. (décision-cadre du 25 octobre 2004).

Quelques textes harmonisant d’autres infractions sont en cours parmi lesquels le projet de décision-cadre :

- du 28 novembre 2001, concernant la lutte contre le racisme et la xénophobie ; - du 19 avril 2002 relative aux attaques visant les systèmes d'information ; - du 13 février 2003 relative au trafic d’organes humains ; - du 19 janvier 2004 concernant la criminalité organisée.

La base juridique concernant l’harmonisation des infractions demeure incertaine. Certains textes ont été adoptés sur la base du :

- premier pilier. C’est le cas de la directive du 28 juin 2002 visant à compléter les dispositions de l'article 26 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985. Ce texte instaure une obligation à l’encontre des transporteurs de réacheminer les ressortissants de pays tiers lorsque ceux-ci se sont vu refuser l'entrée sur le territoire de l’Union ;

- troisième pilier. Le Conseil a adopté une décision-cadre, le 29 mai 2000, visant à harmoniser les infractions relatives au faux monnayage de l'euro ; premier et troisième pilier conjointement. La lutte contre les passeurs d’immigrants clandestins fait l’objet d’une directive et d’une décision-cadre adoptées par le Conseil le 28 novembre 2002. La directive définit les éléments à harmoniser tandis que la décision-cadre demande aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les infractions visées dans la directive fassent l'objet de sanctions pénales.

La Commission a présenté, le 5 mars 2003, une proposition de directive destinée à sanctionner certains actes de pollution maritime. En complément, elle a présenté, le 2 mai 2003, un projet de décision-cadre prévoyant le rapprochement des peines correspondant à la gravité des infractions à l’encontre des auteurs des infractions. La démarche est cependant différente de celle relative au projet visant à lutter contre les passeurs puisque la proposition de directive demande aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour assurer que les infractions visées fassent l'objet de sanctions pénales. De surcroît, elle indique le type de sanction à prendre.

Cette incertitude est source de tension entre les institutions. La controverse s’est focalisée sur la question de l’instrument à adopter en matière de protection pénale de l’environnement. Le Danemark a présenté un projet de décision-cadre alors que la Commission a soumis au Conseil une proposition de directive. La décision-cadre a été adoptée par le Conseil le 27 janvier 2003 aux dépens de la directive. A la suite de quoi, la Commission a introduit le 28 mars 2003 un recours devant la Cour de justice.

Bien que le livre vert porte sur les sanctions, la Commission s’interroge sur l’opportunité d’harmoniser certains éléments :

- constitutifs de l’infraction ou relatifs à son auteur, comme la complicité ; - à la limite entre le droit pénal général et la procédure pénale, comme la médiation

pénale, la transaction pénale ce qui en France se traduit par la composition pénale.

2. L’harmonisation des sanctions pénales.

Concernant l’harmonisation des sanctions, les travaux sont beaucoup plus récents. Les instruments juridiques de l’Union prévoient seulement que les États membres prennent des

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sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasives.» Autrement dit, dans la mesure où ils respectent ces lignes directrices, ils demeurent libres de déterminer le type de peine et son montant La création d’un espace de liberté, de sécurité et de justice implique un effort supplémentaire de rapprochement des sanctions pénales. Cet effort peut se concrétiser de différentes manières comme par la fixation d’un seuil de peine que l’État est tenu de respecter dans sa législation nationale.

Si tous les États sont d’accord sur le principe de l’harmonisation des sanctions, ce n’est pas le cas concernant la méthode. Cette problématique a suscité de nombreuses controverses et a empoisonné les débats de plusieurs projets, notamment concernant la décision-cadre sur la traite des êtres humains.

Au fil du temps, les États membres se sont entendus sur les modalités d’une harmonisation des peines, mais le consensus est de portée limitée : - du point de vue de son champ d’application : l’harmonisation ne concerne que les délits les plus graves et ayant fait l’objet d’une harmonisation à l’échelle européenne ;- du point de vue de sa portée : l’harmonisation ne touche que les peines d’emprisonnement.

Hormis les sanctions relatives à la confiscation où une décision-cadre a été adoptée le 26 juin 2001 et une autre approuvée le 19 décembre 2002, les États n’ont pas l’intention d’entamer des travaux sur les autres formes de sanctions telles que les amendes ; du point de vue de son contenu : il ne s’agit d’édicter que des seuils minimaux de peines maximales. Autrement dit, il est question de déterminer un plancher au-delà duquel les États doivent fixer le minimum de la sanction.

Le Conseil a réduit encore davantage la portée du principe de l’harmonisation des sanctions en adoptant, le 25 avril 2002, des conclusions dans lesquelles il propose non pas de fixer un seuil minimal de peines maximales, mais une fourchette à l’intérieur de laquelle serait fixée la peine.

La Commission a présenté, le 30 avril 2004, un livre vert dans lequel elle suggère d’aborder la question sous la forme d’une approche globale et non plus au cas par cas comme auparavant.

Elle envisage une harmonisation de différentes sanctions, notamment les amendes et certaines sanctions alternatives à la peine principale telles que le travail d’intérêt général. En revanche, elle considère qu’il n’est pas approprié de prendre des mesures concernant :- les déchéances pour lesquelles une approche au cas par cas est suffisante, - les confiscations pour lesquelles des instruments ont déjà été adoptés.

Le programme de La Haye suggère de poursuivre les travaux dans le sens d’une approche globale. Sans préjudicier du contenu de l’harmonisation, il demande en effet que le Conseil définisse une approche générale en matière de sanctions.

2-1 Objectifs

Un rapprochement sur le niveau de la sanction contribuerait à assurer une protection effective et équivalente des citoyens dans tout le territoire de l’Union Européenne.Pour cela, il est nécessaire :

- que les mêmes comportements criminels soient soumis à des sanctions similaires à l’égard des auteurs ;

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- que des normes juridiques minimales viennent empêcher que les auteurs d’infractions ne mettent à profit les différences entre les systèmes judiciaires des Etats ;

- que les peines applicables soient comparables et effectives pour faciliter l’application de la règle non bis in idem.

Ceci devrait contribuer à l’acceptation et à la reconnaissance mutuelle des jugements permettant la réalisation de l’espace judiciaire européen.

Le livre vert insiste, également, sur le fait que des conditions d’exécutions des peines compatibles entre les Etats membres seraient de nature à favoriser la réintégration des personnes en leur permettant d’exécuter leur peine dans un autre Etat que celui de leur condamnation, le but étant un rapprochement des familles et une resocialisation.

Tout cela, bien sûr, dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionalité. Le protocole concernant ce principe ajouté par le Traité d’Amsterdam au Traité CE justifiant seulement une action de la communauté lorsqu’il s’agit de matières transnationales, ou lorsque l’absence d’action de la communauté serait contraire au traité ou lorsque l’action serait plus efficace à un niveau communautaire.

Pour ce faire, la commission a développé quatre thèmes :- quelles sanctions le droit pénal permet-il d’imposer ?- comment les infractions sont-elles poursuivies ?- comment les sanctions sont-elles prononcées ?- comment les sanctions prononcées sont-elles exécutées ?

Je ne développerai que le premier.

2-2 Rapprochement des sanctions

2-2-1 Textuel

L’article 31-1-e du Traité Union Européenne modifié par le Traité de Nice, entré en vigueur en février 2003, prévoit des mesures instaurant des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables, dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue.Antérieurement, le Traité de Maastricht prévoyait les infractions de racisme, xénophobie, participation à une organisation criminelle mais sans aucune précision au niveau des sanctions.

Le plan d’Action de Vienne dans son point 46  fait référence au rapprochement des règles de droit pénal des Etats membres dans les 2 à 5 ans suivant l’entrée en vigueur du Traité dans les domaines déjà énumérés et fait rappel de la nécessité d’instaurer des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables. Ceci concerne également : le terrorisme, le trafic de drogue, la traite des êtres humains, exploitation sexuelle des enfants, la corruption, le fraude informatique, les atteintes à l’environnement, au moyens Internet, et au blanchiment de l’argent résultant de ces formes de criminalité.

Les conclusions du Conseil européen de Tampéré, d’octobre 1999, paragraphe 48 précisent : « … accord sur des définitions, des incriminations et des sanctions dans des domaines dans un premier temps limités aux formes de criminalité déjà visées … »

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Il y a donc une obligation textuelle (TUE et Vienne) et une volonté politique au moins déclarée à défaut d’être effective notamment quant aux définitions (Tampéré) à procéder à un rapprochement des sanctions en ce qui concerne uniquement les sanctions privatives de liberté. Divers instruments ont été adaptés, tous reprennent la formule à établir au moins des peines effectives proportionnées et dissuasives. Ce qui n’est pas vraiment contraignant ni très formalisé.

De plus en plus, ces instruments fixent le minimum de la peine maximale. En effet, l’Union Européenne ne peut contraindre un Etat membre à fixer un minimum de peine s’il n’est pas prévu par sa législation nationale (déclaration n° 8 du Traité d’Amsterdam) mais elle s’est, en revanche, attachée à fixer un seuil au-dessous duquel les autorités chargées de prononcer la peine ne peuvent fixer le maximum.Ainsi, par exemple, dans la décision-cadre du conseil du 29 mai 2000 sur le faux-monnayage sont envisagées des peines privatives de liberté dont le maximum ne peut être inférieur à 8 ans.Cela revient à dire qu’aucun Etat membre ne peut fixer de maximum de peine au dessous de 8 ans de privation de liberté sans qu’une peine minimale ne soit imposée ni qu’une peine maximale supérieure à 8 ans ne soit contraire à la décision-cadre.Cette disposition reprise systématiquement à chaque fois qu’une décision-cadre intervient en matière de peine privative de liberté semble donc plus symbolique d’un rapprochement que significative en ce domaine. Elle laisse en effet toute liberté aux autorités nationales mais pourrait laisser présager des dispositions plus contraignante notamment en ce qui concerne les longues peines de privation de liberté et la perpétuité que l’échelon européen réprouvent.

Les divers instruments adoptés sont, outre la décision-cadre du Conseil du 29 mai 2000 portant sur le faux-monnayage en vue de l’adoption de l’euro, :

- la décision-cadre du 28 mai 2001 concernant la fraude et la contrefaçon des moyens de paiement autres que les espèces ;

- la décision-cadre du 26 juin 2001 concernant le blanchiment d’argent qui prévoit le gel, la saisie et la confiscation des instruments et des produits du crime en sus de peines privatives de liberté. Pour autant, il faut plus y voir un procédé de conservation des preuves que de véritables peines au sens courant du terme ;

- la décision-cadre du 13 juin 2002 contre le terrorisme, les groupes terroristes et la direction d’un groupe terroriste, avec des maximales ne pouvant être < à 8 ans et 15 ans respectivement ; ce qui représente une première différenciation non rencontrée antérieurement ;

- la décision-cadre du 19 juillet 2002 contre la traite des êtres humains ;- la directive 2002/90/CE du conseil du 28 novembre 2002 et la décision-cadre du

même jour qui réprime l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers, les sanctions pénales doivent être effectives, proportionnées et dissuasives, ceci entraîne les mêmes restrictions quand à l’imprécision et le peu de contraintes que représente ce type de formulation ;

- la décision-cadre du 27 janvier 2003 relative à la protection de l’environnement, elle prévoit outre l’extradition des personnes physiques dans le respect des règles communes comme la plupart des décisions-cadres déjà évoquées, ce qui n’est pas une peine, la déchéance du droit à exercer une activité nécessitant une autorisation officielle, on peut peut-être voir ici une tentative, timide, de définir d’autres sanctions que celles privatives de liberté peut-être comme un test ou un appel lancé aux Etats membres ;

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- la décision-cadre du 22 juillet 2003 concernant la corruption dans le secteur privé (le secteur public ayant déjà été prévu depuis longtemps) et une peine privative de liberté entre 1 et 3 ans, première formulation d’une fourchette par le Conseil, dite fourchette portant bien sûr sur le minima de la peine maximale susceptible d’être prononcée ;

- la décision-cadre du 22 décembre 2003 portant sur l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.

On peut remarquer qu’aucun niveau minimal de peine n’a été fixé pour l’action commune adoptée par le Conseil le 21 décembre 1998 en matière de participation à une organisation criminelle. Cette démarche est donc une avancée en matière de tentative d’harmonisation la décision-cadre n’ayant pas réellement de caractère contraignant et les Etats les transposant d’une façon plus ou moins rapide et réelle.

On vérifie bien à travers ces diverses sources textuelles que les tentatives de rapprochement en matière de sanctions se font principalement autour des peines privatives de liberté, même si quelques peines différentes sont prévues ça et là. Presque toutes ces incriminations sont susceptibles d’entraîner l’extradition (qui n’est pas une peine en soi) ce qui devrait toutefois perdre de son acuité avec l’adoption du mandat d’arrêt européen et son entrée en vigueur initialement prévue au 1er janvier 2004 dans tous les Etats membres.

Sont en cours de discussion les domaines :- du trafic de drogue (accord politique Conseil JAI des 27 et 28 novembre 2003) ;- le racisme et la xénophobie ;- les attaques visant les systèmes d’information (accord politique Conseil JAI des 27 et

28 février 2003) ;- le prévention du trafic d’organes et de tissus d’origine humaine ;- la répression des pollutions causées par les navires qui prévoirait des amendes pénales

et non pénales (tous les systèmes pénaux nationaux ne connaissent pas la distinction pénal, civil, administratif).

Le Conseil JAI a tenté d’élaborer un système de fourchette de peine privative de liberté allant du niveau 1 à 4 sans que celui-ci soit strictement limitatif en présence de circonstances particulières qui n’ont pas reçues de définition ce qui peut laisser augurer qu’elles pourront largement être appréciées par les Etats membres et amoindrire ainsi la portée de la décision prise à cet égard.Cependant, la pertinence de ces fourchettes est discutable puisque seul le seuil de chaque niveau est opérant. En effet, il s’agit d’un maximum applicable (1-2-5 et 10 ans).

Aucune législation n’a été adoptée par l’Union en ce qui concerne les modalités d’exécution des sanctions privatives de liberté ce qui laisse beaucoup de questions en suspend notamment quant à l’effectivité de l’exécution de la peine, chaque Etat membre ayant ses propres spécificités en matière de sursis, remise de peines, peines alternatives, etc… Cette absence de dispositions précises peuvent rendre un Etat membre réticent à laisser exécuter une peine dans un autre Etat membre alors qu’il a prononcé cette peine s’il tient à la voir exécuter selon des modalités proches de celles qu’il applique.

On reste donc bien dans le cadre d’une harmonisation en fonction du plus petit dénominateur commun et dans des domaines qui restent très limités. Les débats et les décisions qui en découlent ne montrent pas une réelle volonté de s’orienter vers une politique pénale commune

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à tout les Etats membres, ni même à mettre en place de réelles définitions communes en matière de peines et de sanctions.

2-2-2 Autres sanctions possibles

Sanctions pécuniairesElles ne sont pas concernées par la démarche d’harmonisation en cours actuellement au sein de l’Union.C’est seulement au niveau de la répression de la pollution causée par les navires que le Conseil a proposé une échelle fixant le niveau minimal des peines d’amendes maximales susceptibles d’être infligées.Ceci selon deux niveaux en fonction du prononcé possible d’une peine privative de liberté à raison de la gravité de l’atteinte :

- 1er degré : de 1 à 10 % du chiffre d’affaire ;- 2nd degré : de 10 à 20 % du chiffre d’affaire.

Déchéances

ConfiscationsElles sont également prévues en ce qui concerne un nombre limité d’infraction. Elles sous tendent un certain niveau de rapprochement au niveau de l’Union Européenne sous réserve des remarques, déjà exprimées plus haut, sur la nature véritable de leur mise en œuvre qui ne correspond pas véritablement à une sanction.

Personnes moralesDe même, les sanctions à l’égard des personnes morales sont prévues en matière de protection des intérêts financiers des Communautés Européennes pour faits de fraude, corruption active, blanchiment de capitaux, instruments fondés sur le Titre VI du Traité Union Européenne, obligeant les Etats à prendre les mesures nécessaires mais il n’y a pas d’obligation à ce que la responsabilité pénales soit engagées. Les sanctions peuvent être administratives tous les Etats membres ne connaissant pas la responsabilité pénale de la personne morale.Les sanctions peuvent être des amendes pénales ou non pénales, des mesures d’exclusion du bénéfice de tout avantage ou aide octroyé par les pouvoirs publics, interdiction permanente ou temporaire d’exercer une activité commerciale, le placement sous contrôle judiciaire et une mesure judiciaire de dissolution.

Sanctions alternatives Il existe des différences considérables en ce domaine entre les droits pénaux des Etats membres. Notamment en ce qui concerne la classification des peines en peines principales, complémentaires et accessoires. Dans le livre vert les sanctions alternatives sont confondues avec les procédures de médiation pénale ou les procédures transactionnelles imposées ou susceptibles d’acceptation par les personnes physiques suivant les législations nationales. Elles entraînent des sanctions non privatives de liberté, ni amendes, ni confiscations, ni déchéance de droit.Aucune législation européenne n’existe en ce domaine et aucune harmonisation n’est même esquissée ou prévue. La Commission fait une étude des divers systèmes en cours dans l’Union Européenne à cet égard sans en dégager de synthèse ou de socle commun.

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Exécution des sanctions pénalesArticle 31 – premier paragraphe – lettre C – Traité Union Européenne : « … l’action en commun vise à assurer, dans la mesure du nécessaire à l’amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les Etats membres… »Les actions de l’Union Européenne ne sont encore que très peu développées en ce domaine.

On constate globalement que le rapprochement du droit pénal matériel reste très limité au niveau de l’Europe.Les comportements à incriminer n’ont pas tous une définition dans les instruments, par exemple la tentative, la participation ou l’instigation … Ces notions sont perçues de façon très diverses par les Etats membres.L’action de l’Union Européenne se limite à établir que les sanctions applicables sont :

- soit des peines effectives, proportionnées et dissuasives ;- soit à fixer le minimum de la peine maximale.

De plus, les différences entre les Etats membres entraînent des écarts importantes entre peine prononcée et peine réellement effectuée ce qui rend encore plus ténu le rapprochement effectué au niveau européen en matière de sanctions.

2-2-3 Reconnaissance mutuelle et exécution des sanctions pénales dans un autre Etat membre

- mandat d’arrêt européen (déjà vu en intro)- reconnaissance des sanctions pécuniaires – accord politique du Conseil le 8 mai 2003

– conclusion n° 37 du Conseil de Tampéré ;- reconnaissance des sanctions de confiscation - pas encore adoptée par le Conseil ;- reconnaissance des décisions de déchéances de droits – pas encore en vigueur,

pourtant cela paraît important notamment en raison de la libre circulation des personnes ce qui pourrait permettre à quelqu’un qui est interdit d’une activité professionnelle ou commerciale d’aller l’exercer en toute impunité dans un autre Etat membre.

- accords conclus entre les Etats membres de la CE dans le cadre de la coopération politique européenne peu ratifiés par les Etats membres et nombreuses réserves.

L’arsenal est encore très incomplet, aucune réglementation n’existe à ce niveau dans de nombreux domaines même dans le cadre de la reconnaissance mutuelle de sanctions privatives de liberté et de leur exécution dans un autre Etat membre.

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Justice et affaires intérieures

Livre Vert sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne

Texte E 2587 - COM (2004) 334 final

Communication de M. Hubert Haenel du 7 juillet 2004Le principe de subsidiarité, défini à l'article 5 du traité instituant la Communauté européenne et visé à l'article 2 du traité sur l'Union européenne, s'énonce de la manière suivante : « La Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le présent traité.Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire.L'action de la Communauté n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du présent traité ».La Convention sur l'avenir de l'Europe a fait de la subsidiarité un des axes de ses travaux et elle a formulé des propositions innovantes pour assurer un contrôle effectif du respect du principe de subsidiarité par les parlements nationaux. Il s'agit principalement de la création d'un mécanisme d'« alerte précoce » en amont de la procédure législative, complété par un droit de saisine, direct ou indirect, de la Cour de justice par les parlements nationaux, après l'adoption d'un texte normatif. Ce dispositif a été repris intégralement par la Conférence intergouvernementale, ce qui illustre le consensus dont il fait l'objet, et il figure donc dans le texte de la Constitution adopté lors du Conseil européen des 17 et 18 juin derniers.

DISPOSITIONS DU TRAITÉ CONSTITUTIONNEL EN MATIÈRE DE CONTRÔLE DE LA SUBSIDIARITÉ PAR LES PARLEMENTS NATIONAUX

À la suite des travaux du groupe de travail chargé de la subsidiarité, un large consensus s'est dégagé au sein de la Convention européenne pour prévoir dans la Constitution européenne un contrôle de la subsidiarité par les Parlements nationaux reposant sur un double mécanisme, en amont et en aval de la procédure législative.

- Dans un premier temps, les parlements nationaux pourront intervenir par un mécanisme d'« alerte précoce » : lorsque la Commission présentera une proposition législative, les parlements nationaux - chaque chambre pour les parlements bicaméraux - pourront, dans un délai de six semaines, adresser un « avis motivé » à la Commission pour lui indiquer qu'ils considèrent que tel ou tel aspect de cette proposition ne respecte pas la subsidiarité. Si un tiers des parlements nationaux adresse des « avis motivés », la Commission est tenue de réexaminer sa proposition et de justifier sa décision si elle maintient son texte.

- Dans un deuxième temps, la Constitution établit la possibilité d'une saisine de la Cour de Justice par les parlements nationaux pour faire respecter la subsidiarité. Les modalités de cette saisine seront définies à l'échelon national.

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Comment ce mécanisme d'alerte précoce sera-t-il mis en oeuvre en pratique ? Cette question fait ici et là l'objet de premières réflexions. C'est un sujet que le Sénat devra aborder le moment venu. Il a paru intéressant de faire une première expérience sur le Livre vert, que la Commission européenne a présenté le 30 avril dernier, portant sur le rapprochement, la reconnaissance mutuelle et l'exécution des sanctions pénales dans l'Union européenne.

L'harmonisation pénale constitue, en effet, un sujet sensible. Ainsi, en raison des réticences de certains États, comme le Royaume-Uni, au passage de l'unanimité à la règle de la majorité qualifiée au sein du Conseil, qui a finalement été retenue par la Conférence Intergouvernementale, le compromis issu des négociations a introduit, pour tout texte relatif à l'harmonisation pénale, une clause d'appel permettant à un État de demander que le Conseil européen soit saisi s'il estime que ce texte porte atteinte à des aspects fondamentaux de son système juridique. En contrepartie, le recours au mécanisme de la coopération renforcée sera facilité dans ce cas de figure puisque, en cas de blocage durable sur le texte en cause, une coopération renforcée pourra être lancée automatiquement dès lors qu'au moins un tiers des États membres en décident ainsi.

Si l'harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale soulève des réticences, ce n'est pas seulement en raison des différences importantes entre les traditions et les systèmes juridiques des États membres, avec en particulier la distinction entre le système accusatoire et le système inquisitoire ; c'est, plus fondamentalement, parce que nous touchons là à des domaines qui sont au coeur de la souveraineté des États et que le droit pénal revient en réalité à définir le bien et le mal. Il s'agit donc d'un domaine pour lequel il importe de faire preuve de la plus grande vigilance au regard du respect du principe de subsidiarité. Éviter les harmonisations non nécessaires, c'est aussi éviter des tensions politiques inutiles.

C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il a été prévu dans le traité constitutionnel de renforcer le mécanisme d'alerte précoce pour tout ce qui concerne la coopération policière et judiciaire en matière pénale. En effet, le seuil nécessaire pour déclencher ce mécanisme a été abaissé d'un tiers à un quart pour ces domaines.

Enfin, étant donné que la Commission européenne et les États membres doivent définir à l'automne prochain les futures priorités de l' « espace de liberté, de sécurité et de justice » dans le cadre d'un programme « Tampere II », il peut sembler utile d'engager ainsi une réflexion sur les moyens d'assurer une meilleure application du principe de subsidiarité en matière pénale.

I. L'OBJET DU LIVRE VERT SUR LE RAPPROCHEMENT, LA RECONNAISSANCE MUTUELLE ET L'EXÉCUTION DES SANCTIONS PENALES

A partir d'un bref descriptif des législations nationales et des différentes actions entreprises par l'Union européenne dans le domaine pénal, la Commission européenne s'interroge dans ce Livre vert sur la question de savoir si l'existence de divergences importantes entre les systèmes des États membres en matière de sanctions pénales, peut constituer un obstacle à la réalisation de l' « espace de liberté, de sécurité et de justice ».

L'harmonisation pénale constitue avec le principe de la reconnaissance mutuelle et la création d'organes judiciaires intégrés l'un des trois instruments utilisés pour renforcer la coopération

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judiciaire en matière pénale au sein de l'Union européenne. Cette harmonisation a été expressément prévue par le traité d'Amsterdam pour la criminalité organisée, le terrorisme et le trafic de drogue. Elle a toutefois été utilisée de manière plus étendue, par exemple pour la protection de l'environnement ou pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.

L'harmonisation ne signifie pas l'unification, car elle n'entraîne pas l'adoption d'un texte unique. Elle vise, plus modestement, à rapprocher certains éléments tout en laissant des marges de manoeuvre aux États membres. Elle ne s'effectue, en effet, que par l'instrument de la décision-cadre, qui, à l'image d'une directive, nécessite d'être transposée dans le droit national. De plus, le rapprochement porte essentiellement sur la définition des incriminations et les peines privatives de liberté. Pour les incriminations, il s'agit de faire en sorte que les États membres prévoient d'ériger certains comportements en infractions pénales. Pour les sanctions, la formule généralement utilisée est de prévoir des « peines effectives, proportionnées et dissuasives ». De plus en plus, on utilise également la technique du « minimum du maximum ». Selon cette technique, un État membre doit prévoir dans sa législation pénale que telle infraction sera passible d'une peine d'emprisonnement d'au moins X années.

Telle qu'elle est pratiquée actuellement au niveau européen, l'harmonisation pénale soulève de nombreuses difficultés. En effet, elle ne prend en compte ni la manière dont sont exercées les poursuites (légalité ou opportunité) ou la manière dont les peines sont prononcées, ni la durée effective de la peine, qui varie considérablement entre les États membres en raison des différences en matière de régime d'application des peines. Dans certains États, les condamnés effectuent l'intégralité de leur peine, alors que dans d'autres les réductions de peine sont largement utilisées. Par exemple, la peine maximale de vingt ans d'emprisonnement au Portugal se purge intégralement, alors qu'en Belgique une condamnation à perpétuité peut être réduite, en cas de bonne conduite, à douze ans de prison. Dans ces conditions, il existe, y compris pour les incriminations faisant l'objet d'une harmonisation au niveau de l'Union, des différences importantes entre les États membres en ce qui concerne la peine prononcée et la peine exécutée. Ces difficultés ont d'ailleurs conduit le Conseil des ministres de la Justice à élaborer une sorte d' « échelle de peines », lors du Conseil JAI des 25 et 26 avril 2002. Toutefois, cet instrument, à caractère indicatif, reste fondé sur la peine encourue et non sur la peine effective, comme cela avait été proposé par certains pays.

Partant de ce constat, la Commission européenne considère, dans ce Livre vert, qu'il faudrait s'attacher à l'ensemble de la problématique et pas seulement au rapprochement des peines applicables. D'après elle, « il n'est pas suffisant, par exemple, que des montants de peines similaires soient fixés dans les États membres, si une fois prononcées, les sanctions sont appliquées de façon plus souple ou plus sévère selon les pays. Le choix d'une sanction applicable entraîne nécessairement un choix quant aux modalités d'exécution de cette sanction ».

La Commission européenne envisage donc des mesures d'harmonisation au niveau européen dans plusieurs domaines, qui pourraient se résumer par les quatre questions suivantes :1. Quelles sanctions le droit pénal permet-il d'imposer ?2. Comment les infractions sont-elles poursuivies ?3. Comment les sanctions sont-elles prononcées ?4. Comment les sanctions sont-elles exécutées ?

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Dans ce document de réflexion, la Commission européenne aborde donc des sujets aussi variés que le niveau des peines et la panoplie des sanctions disponibles (telles que les peines d'emprisonnement, les sanctions pécuniaires ou les peines alternatives), les règles en matière de poursuite (légalité ou opportunité) et les priorités en matière de politique criminelle, les règles de droit pénal général (telles que la tentative, la complicité, les circonstances aggravantes et atténuantes et la récidive) ou encore les règles et les pratiques en matière d'exécution des peines (comme, par exemple, les différentes formes de libération conditionnelle, les remises et réductions de peines, l'amnistie, la grâce, la réhabilitation, etc).

Je n'entrerai pas ici dans le détail des très nombreuses questions soulevées par le Livre vert de la Commission. Je m'en tiendrai à une évaluation sous l'angle du principe de subsidiarité des principales pistes de réflexion envisagées par la Commission dans son Livre vert.

II. L'APPRÉCIATION DU LIVRE VERT AU REGARD DU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ

1. Les observations d'ordre général

Tout d'abord, avant même d'examiner la question au regard du principe de subsidiarité, on peut s'interroger sur l'existence d'une compétence de l'Union européenne, dans le cadre du traité de Nice, pour légiférer de manière étendue dans le domaine des sanctions pénales.

En effet, l'article 31 §1 lettre e) prévoit l'adoption progressive de mesures instaurant « des règles minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et aux sanctions applicables dans les domaines de la criminalité organisée, du terrorisme et du trafic de drogue ». En outre, l'affirmation de la Commission selon laquelle l'article 31 §1 lettre c) du traité sur l'Union européenne (qui dispose que l'action en commun dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale vise entre autres à « assurer, dans la mesure nécessaire à l'amélioration de cette coopération, la compatibilité des règles applicables dans les États membres »), couvre aussi les règles sur l'exécution des sanctions pénales est loin d'être évidente. On pourrait tout aussi bien soutenir qu'il n'existe pas actuellement de base juridique dans les traités permettant à l'Union de légiférer dans ce domaine.

Ensuite, le postulat de la réflexion de la Commission selon lequel la très grande diversité des législations nationales en matière de sanctions pénales serait un obstacle à la réalisation de l'« espace de liberté, de sécurité et de justice » au niveau européen peut prêter à discussion.

Ainsi, l'idée avancée par la Commission selon laquelle la disparité existante en matière d'incriminations et de sanctions pénales dans l'Union inciterait les criminels à choisir l'État dans lequel ils commettent leur crime en fonction de la peine encourue peut prêter à sourire. On imagine mal, en effet, les criminels procéder à une comparaison des vingt-cinq codes pénaux des États membres alors que les juristes eux-mêmes ignorent souvent le droit pénal comparé. Cette idée ne paraît pouvoir jouer que pour certains domaines spécifiques, comme la criminalité informatique ou économique.

En outre, l'exemple des États fédéraux montre qu'un espace supranational peut très bien s'accommoder des différences en matière d'exécution des peines entre les entités fédérées. Ainsi, l'exemple de la Suisse est riche d'enseignement. En effet, si le législateur fédéral suisse a reçu dès 1898, il est vrai contre la volonté d'une demi-douzaine de cantons, la compétence d'unifier le droit pénal, ce qui a été fait au cours du XXe siècle, en revanche la Constitution de

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la Confédération suisse précise explicitement que l'exécution des peines et des mesures en matière de droit pénal est du ressort exclusif des cantons (article 123-2 de la Constitution de 1991).Par ailleurs, il convient de prendre en compte, pour apprécier le bien fondé d'une éventuelle action européenne, les instruments juridiques internationaux existants, en particulier ceux du Conseil de l'Europe.

Ainsi, en matière de transfèrement des condamnés, il existe déjà une Convention du Conseil de l'Europe de 1983, de telle sorte qu'on ne voit pas pourquoi il faudrait prévoir un dispositif propre à l'Union européenne.

Enfin, et surtout, la Commission européenne ne semble pas faire de distinction dans son Livre vert en fonction du caractère national ou transnational de l'infraction.

Or, le critère essentiel d'une éventuelle action au niveau de l'Union doit être le caractère transfrontalier de l'infraction.

Comme le disait notre collègue Pierre Fauchon dans sa communication sur le Livre vert de la Commission relatif aux garanties procédurales accordées aux suspects et aux personnes mises en cause dans des procédures pénales dans l'Union européenne (texte E 2226) lors de la réunion de la délégation du 29 avril 2003 : « l'Europe ne pourra tout régler ; c'est une question d'efficacité et de respect du principe de subsidiarité. C'est aussi une question de réalisme, car s'engager dans la voie d'une uniformisation des procédures pour des infractions purement « nationales » ne manquerait pas de raviver les débats byzantins sur le respect des souverainetés ».

Il paraît avant tout nécessaire de trouver un bon équilibre entre, d'une part, l'harmonisation des législations nationales et, d'autre part, le principe de la reconnaissance mutuelle, qui a été érigé comme la « pierre angulaire » de l'espace judiciaire européen par le Conseil européen de Tampere d'octobre 1999.

En effet, l'harmonisation pénale ne peut être un but en soi. Comme le reconnaît la Commission européenne, « les différences entre les législations des États membres en matière de sanctions sont assez considérables. Ceci s'explique par des raisons historiques, culturelles et juridiques fortement enracinées dans les systèmes légaux qui ont évolué dans le temps et qui sont l'expression de la manière par laquelle les États ont été confrontés et ont répondu à des questions fondamentales dans le domaine du droit pénal. Ces systèmes présentent une cohérence interne et modifier des règles sans tenir compte de l'ensemble risque d'amener à des distorsions ».

De plus, telle qu'elle est pratiquée actuellement au niveau européen, l'harmonisation revient souvent à s'accorder sur le plus petit dénominateur commun. Or, si cela ne présente pas d'inconvénients pour les questions économiques, la matière pénale s'accommode mal d'une « harmonisation par le bas ».

Le principe de subsidiarité doit donc naturellement servir de critère pour juger de la pertinence d'une éventuelle intervention communautaire.

2. Les illustrations concrètes

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Certaines actions envisagées par la Commission européenne semblent de nature à méconnaître le principe de subsidiarité, car la « plus-value » d'une action européenne ne paraît pas évidente. A l'inverse, il y a des domaines où l'Union européenne pourrait apporter une réelle « valeur ajoutée ». Enfin, il y a aussi certains domaines où l'on pourrait aller au-delà de ce que propose la Commission européenne dans son Livre vert.

a) Les domaines où une action européenne ne paraît pas indispensable

Ainsi, on peut légitimement se demander pour quelles raisons l'Union européenne devrait légiférer pour supprimer la réclusion criminelle à perpétuité, comme le propose la Commission européenne dans son Livre vert. L'argument selon lequel cette mesure éviterait des difficultés en matière d'exécution des peines dans un État qui ne connaît pas ce système ne paraît pas suffisant pour justifier une telle mesure. Celle-ci excède, à l'évidence, tant les compétences reconnues à l'Union par les traités, que ce qui est nécessaire pour réaliser l'objectif visé, à savoir renforcer la coopération judiciaire entre les États. On peut d'ailleurs observer que cette difficulté a été surmontée à propos du mandat d'arrêt européen, notamment avec le Portugal, et l'on ne voit pas très bien pourquoi l'Union européenne devrait intervenir dans ce domaine sensible si l'on tient compte du faible nombre de cas où cela serait susceptible de poser des difficultés en pratique.

De la même manière, on peut s'interroger sur la proposition de la Commission d'encadrer la marge d'appréciation du juge national par des « lignes directrices » au niveau européen pour le prononcé des peines. Une telle idée, qui semble inspirée de la procédure pénale anglo-saxonne, serait de nature à porter atteinte au principe d'individualisation des peines. Pour cette raison, il convient également de rejeter l'idée évoquée de fixer un minimum de peine, qui d'ailleurs avait été expressément exclue par une déclaration annexée au traité d'Amsterdam.

Enfin, de manière générale, en matière de peines alternatives et d'exécution des sanctions pénales, la reconnaissance mutuelle doit être la règle et l'harmonisation l'exception.

Compte tenu de la très grande disparité des législations nationales en la matière, a fortiori dans une Europe à vingt-cinq États membres, il est illusoire de penser que l'Union européenne pourra légiférer utilement dans le détail dans ces matières sans risquer de remettre en cause la cohérence des systèmes nationaux.

Est-il réellement nécessaire, par exemple, de vouloir harmoniser comme le propose la Commission les modalités régissant les peines alternatives, comme le travail d'intérêt général par exemple ? Qui peut sérieusement prétendre qu'il soit nécessaire de fixer au niveau européen, les conditions pour imposer un travail d'intérêt général, la durée et la nature du travail à exécuter, les contrôles ainsi que les sanctions du non respect des obligations qui en découlent, compte tenu des différences importantes existantes dans ce domaine, notamment entre les pays du Nord et du Sud de l'Europe ?

De même, faut-il véritablement engager un débat au niveau européen sur la libération anticipée, par exemple en prévoyant, comme l'envisage la Commission, un délai minimum commun d'incarcération ou un droit de regard de la victime ?

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En réalité, la pleine application du principe de la reconnaissance mutuelle dans ces domaines pourrait remédier aux principales difficultés évoquées par la Commission européenne en matière d'exécution des peines à l'étranger.b) À l'inverse, il y a des domaines où l'Union européenne pourrait

apporter une réelle valeur ajoutée

Parmi les domaines où une action européenne pourrait apporter une véritable plus-value, la question de la récidive occupe une place particulière. En effet, comme l'ont illustré de manière tragique plusieurs affaires récentes de pédophilie, il n'existe pas actuellement de système suffisamment fiable permettant de prendre en compte dans un État les antécédents judiciaires d'une personne qui a fait déjà l'objet d'une condamnation dans un autre État membre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la Commission européenne d'un côté et plusieurs États membres de l'autre, en particulier la France, l'Allemagne et l'Espagne, mènent actuellement une réflexion en vue de l'élaboration d'une sorte de « casier judiciaire européen ». La prise en compte des condamnations pénales prononcées dans d'autres États membres, conformément au principe de la reconnaissance mutuelle, relève clairement de la construction d'un authentique « espace judiciaire européen ».

De la même manière, les déchéances de droits ou les décisions de confiscation devraient pouvoir être reconnues sur l'ensemble du territoire de l'Union.

Par ailleurs, un rapprochement en matière de sanctions pécuniaires s'avère souvent indispensable pour lutter contre la criminalité économique ou contre la criminalité environnementale, comme la pollution par les navires par exemple.

Enfin, un rapprochement en matière de responsabilité pénale des personnes morales pourrait s'avérer très utile dans certains cas, même si cela risque de soulever des difficultés car plusieurs États membres ne connaissent pas un tel système.

c) Enfin, il y a aussi des domaines où les propositions de la Commission ne vont pas assez loin

d)Ainsi, la Commission européenne demeure très timide sur certains aspects, notamment pour tout ce qui concerne la tentative, la complicité ou les circonstances aggravantes et atténuantes. En outre, certaines questions majeures comme les délais de prescription ne sont pas abordées. Or, pour certaines formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme par exemple, il serait utile de rapprocher les législations nationales non seulement en matière d'incriminations et de peines d'emprisonnement, mais aussi pour couvrir ces différents aspects, de manière à donner la meilleure efficacité à la répression.

Par ailleurs, on peut regretter que la Commission européenne n'envisage pas la mise en place à l'avenir d'un Parquet européen, alors même qu'elle se prononce pour une unification des systèmes de poursuites. En effet, si le choix entre le principe de légalité ou le principe d'opportunité pour la mise en oeuvre des poursuites au niveau national doit demeurer de la compétence de chaque État, conformément au principe de subsidiarité, la lutte contre certaines formes graves de criminalité transnationale rend indispensable la création d'un véritable Parquet européen.

À cet égard, il convient de réaffirmer la pertinence des précédentes prises de position du Sénat en faveur de la création d'un véritable Parquet européen et d'une définition commune des

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règles et procédures pénales nécessaires à la mise en oeuvre efficace des poursuites et des enquêtes pour lutter contre certaines formes graves de criminalité transnationale, telles que le terrorisme international, le trafic de drogues ou encore la traite des femmes et des enfants.S'il n'existe pas actuellement de base juridique dans les traités pour créer un tel Parquet, la Constitution européenne prévoit la possibilité de mettre en place un Parquet européen par une décision prise à l'unanimité. Il est prévu que ce Parquet européen soit compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs et les complices des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union. Toutefois, le Conseil européen pourra décider, simultanément ou ultérieurement, d'étendre sa compétence à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière. Il serait donc d'ores et déjà très utile de réfléchir à la mise en place de ce Parquet, à l'étendue de ses compétences et à la manière dont il fonctionnerait.

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Ainsi, les pistes de réflexion envisagées par la Commission européenne dans son Livre vert contiennent des éléments discutables au regard du principe de subsidiarité : si l'Union européenne peut apporter une « plus-value » dans certains domaines, comme la récidive, dans d'autres domaines, comme les peines alternatives, la « valeur ajoutée » d'une éventuelle action européenne ne paraît pas évidente. En revanche, sur certaines questions, les pistes envisagées par la Commission ne me paraissent pas aller assez loin.

En conclusion, la délégation a ainsi arrêté ses premières observations sur le Livre vert de la Commission européenne, au regard du principe de subsidiarité :

- Une éventuelle action normative de l'Union européenne doit se fonder exclusivement sur le caractère transfrontalier de l'infraction ;

- La reconnaissance mutuelle doit être préférée à l'harmonisation en matière d'exécution des sanctions pénales ;

- Il semble, notamment, que la suppression de la réclusion criminelle à perpétuité, l'idée de lignes directrices pour le prononcé des peines ou une harmonisation des règles régissant la libération anticipée et les peines alternatives seraient de nature à méconnaître les principes de subsidiarité et de proportionnalité ;

- Il paraît, en revanche, nécessaire et conforme au principe de subsidiarité, d'une part, d'assurer la pleine application de la reconnaissance mutuelle dans le domaine de la récidive, des déchéances de droits ou des décisions de confiscation et, d'autre part, d'harmoniser les sanctions pécuniaires et la responsabilité des personnes morales pour certaines infractions relatives en particulier à la criminalité économique ou à la criminalité environnementale ;

- Enfin, la lutte contre certaines formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme, le trafic de drogue ou la traite des êtres humains, nous paraît rendre indispensable la mise en place, à l'avenir, d'un véritable Parquet européen, ainsi qu'une définition commune des règles et des procédures nécessaires à la lutte contre ces infractions.

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