Esoterisme_-_Les_cahiers_de_l'adepte_6_et_7

8/8/2019 Esoterisme_-_Les_cahiers_de_l'adepte_6_et_7

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LES CAHIERS

DE

LADEPTE

N 6 & 7

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TABLE DES MATIERES

Dimanche 30 avril 1967

1- L'autisme de l'Adepte.3 -Les dboires de l'Adepte.7 -Invitation.8 -Un avertissement sanglant.

Mercredi 10 mai 1967

14 -Un dsenvotement.

Samedi 3 juin 1967

16 -Choc en retour .19 -Le sceau de Lao Tseu.21 -La voie de l'homme parfait.22 -pythagore.26 -Les Vers Dors. Commentaires.51 -Les quatre voies de l'homme parfait.51 - Faire de chacune de ses journes une succession de russites.61 - Le signe qui chasse la peur.63 - Les jardins phmres.67 - La matrise de la couleur magique.68 -Sexualit de l' Adepte.76- Respirations. Les quatre gestes.80 -Exercices physiques.82 -Visualisation.83 -Mditation.85 -Voir l'aura.87 -La fermeture des portes.91 -Inversion.95 -Initiation l'astrologie.95 -Le zodiaque est une roue.99 -Les sept plantes traditionnelles et leurs proprits.105- Commentaire d'un texte de Subba Rao.131 -Correspondances symboliques. Les encens.

Samedi 10 juin 1967.

140 -Mauvaise foi.

142 -Les sept lettres doubles.

145- Beth.

147- Ghimel.148 -Daleth.



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149 -Caph.

151 -Ph.152- Resh.153- Tau.

155- Commentaire du premier verset deLa Gense.166 -Commentaire du second verset deLa Gense.



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Lorsque nous nous tions vus le 4 fvrier, D. m'avait dit: "Ce n'est plus moi quifixerai nos prochains rndez-vous. C'est seulement quand tu te sentiras prt passer l'tape suivante que tu mIen prviendras quelques jours l'avance. "Mais je ne me sentais pas prt.

Il yavait eu entre temps cette journe du 12 mars o j'ai vcu... qu'est-ce que j'ai vcu ?je ne saurais le dire avec exactitude.

Ce que je sais, par contre, c'est que j'ai termin la narration de cette journe, dans mes"Cahiers", par ces termes: " Et ce fut de nouveau le froid de la nuit." Et ce n'tait passeulement une figure de style.

Je suis habitu depuis que je connais D. passer par des "phases" qui ont des alluresde montagnes russes. Un jour ou un instant, je baigne dans la srnit la plus totale,l'autre jour ou l'instant d'aprs, c'est tout le contraire qui se produit: je dprime, j'enveux au monde entier, et pour finir, je ressens un sentiment de vide profond,impossible dcrire, qui me fait toucher du doigt la vanit de l'existence, de tous les

projets, du dsir en gnral. " A quoi bon ?", me dis-je dans ces moments-l. Il meprend alors des envies de suicide; pour en finir avec ma sensation de nant ; pour allervoir "ailleurs" si j'y suis (ou si je n'y suis pas) ou pour voir si cet "ailleurs" n'est pas

prfrable mon quotidien, l'instant prsent que je subis.

J'ai tort de dire que cette cyclothymie ( c'est un des psychologues auxquels jlai euaffaire qui avait qualifi ainsi cet tat sur le rapport qu'il fit de nos entretiens) est lie mes frquentations avec D. En fait, aussi loin que je me souvienne, ce fut toujours

ainsi.L'un de mes plus lointains souvenirs s'y rapporte. Lorsque je fus g de trois ans, mamre dcida de reprendre son mtier de secrtaire, dans l'entreprise o travaille mon

pre (et D.). Il fallait bien payer les crdits de la maison qu'ils venaient d'acheter et qui,si j'en crois ce que ronchonne mon pre, leur cote encore aujourd'hui les yeux de latte.

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Elle me mit donc en pension, le matin et l'aprs-midi, chez une voisine. Comme jeconnaissais fort bien cette dernire, brave femme d'un cantonnier du village-elle est morte depuis, btement, des suites d'un coup de sabot de l'unique vache que cecouple possdait, et qui paissait dans le champ derrire notre maison

-je ne pense pas que cette sparation, ce changement de mes habitudes, m'ait choqude quelque manire.

Bien au contraire! Je n'tais pratiquement jamais sorti de chez moi et cette voisine, elle seule, reprsentait "le monde extrieur" qu' cet ge, j'avais grand soif dedcouvrir.

Elle avait eu trois enfants, trois filles, qui ne rsidaient plus sous son toit. Pourm'occuper, elle ressortit donc de son grenier tout un attirail de poupes, landeaux et

poussettes, avec lesquels je passais le plus clair de mon temps, inventant des histoires

que je commentais bruyamment ma gardienne qui me reprochait gentiment d'avoir"la langue trop bien pendue".

Or, justement, mon silence l'alerta un jour. L'absence de babil lui avait fait craindre lespires choses. En un sens, elle avait bien raison.

Elle me trouva, sagement assis sur son lit, toutes les poupes ranges en rang d'oignondevant moi, l'air absent. Je ne rpondis aucune de ses questions.

En fait, durant les six mois qui suivirent, aucun parole articule et porteuse de sens nesortit plus de ma bouche.

" Autiste, votre enfant est autiste", dirent les mdecins (cet pisode est relat sur mon"carnet de sant", que j'ai pu consulter lors de mon passage en sixime). Je sais bienque mes souvenirs sont sujets caution, et que peut-tre, aujourd'hui, lorsque je lesrapporte, je me "raconte des histoires". Mais je ne crois pas. Je revois encore la scneavec prcision, aussi incroyable que a puisse paratre.

J'tais en train de jouer avec les poupes, comme mon habitude. L'une d'elles tait la"mchante", c'est dire qu'elle tait cense ne jamais obir aux ordres de son "pre" -moi en l'occurence.

Alors, ce jour-l, j'tais rentr dans une rage folle contre la poupe. Je l'avais giflle,puis j'avais commenc lui arracher les yeux, les bras et les jambes. Sans dire un mot.D'habitude, mes "colres" contre la "mchante" n'taient rien d'autre que du thtre, et

je les exprimais haute et intelligible voix; mais cette fois-ci, j'tais vraiment encolre. Froide. Comme fou.Lorsque j'eus mesur l'ampleur du dsastre -la poupe tait en miettes -je fus pris de

panique. Je me rendis bien compte que j'avais fait "quelque chose de pas bien", et qu'ilallait s'en suivre un chtiment quelconque. Je dissimulai donc les traces

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de mon forfait sous le lit, rangeai le mieux possible les autres poupes, m'assis sur lelit "comme un enfant sage"... et j'attendis plein de crainte.

Or, la porte qui s'ouvrit me dlivra de ma terreur. Au moment o je vis ma gardiennepasser le seuil, j'eus le sentiment que "tout a, c'est du cinma". Bien sr, ce n'est pas

avec ces mots que je l'exprimai intrieurement. D'ailleurs, il n'y eut pas de mots. Justeune grande indiffrence. A tout, et pas seulement la situation que j'tais en train devivre. ..A TOUT .Et ce sentiment -pas dsagrable au demeurant -me noua littralement la langue.J'aurais bien voulu rpondre quand on me questionnait; je me rendais bien compte que

je faisais de la peine beaucoup de monde, ma gardienne, aux mdecins, et en toutpremier lieu mes parents. Tout simplement, je ne le pouvaispas.Non que j'eusse oubli les mots et leur sens. Je comprenais ce qu'on me disait; je

pensais toujours, en mon for-intrieur, avec des mots. Mais le sentiment de l'inutiletait le plus fort. Le dsir de parler m'avait fui, moins que peut-tre, ce ne fut la peurde devoir lldire" mon forfait qui m'avait condamn au silence.

J'avais tu la poupe. Devenu muet, je ne pouvais rvler o j'en avais cach le corps,preuve de mon crime.

Le mdecin traitant levait les bras aux ciel et me gavait de "sympathil". J'aurais bienvoulu aider ce brave homme, qui usait de tendresse ou de torture pour m'arracher dessons. Mais toutes ces tentatives me semblaient ridicules et, pour tout dire, "infantiles".

Voir ce toubib me cajoler, me pincer, m'arracher des larmes avec un air dsol mesemblait au plus haut point ridicule. Ne pas rpondre, ne pas cder aux adultes qui s'yprennent si mal, tait devenu un autre jeu, en mme temps qu'une question de fiert. Atravers mon autisme, je me suis senti exister.La parole m'est revenue accidentellement. A cette poque, nous n'avions pas l'eaucourante la maison, et celle-ci se rvlait une denre rare et prcieuse. Mes parentsrcupraient donc l'eau de pluie, abondante en Normandie, directement sous leursgouttires, dans des bidons qu'ils allaient chercher chez le mcanicien de machinesagricoles.

J'aimais en troubler la surface, y jeter des petits cailloux, et contempler les cerclesconcentriques qui se formaient, puis s'vanouissaient. Ca m'tait formellement interdit,mais j'tais trs IIdsobeissant". Subrepticement, je drobais une chaise pour me hisser la hauteur de l'ouverture du bidon, et me livrer mon passe-temps favori.

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Et un jour, ce fut le drame. Un jour o la pluie avait dtremp le sol, la chaise glissa, etje plongeai, dsquilibr, la tte la premire dans l'eau froide. Je hurlai "maman", maisce fut mon pre qui vint me tirer de cette fcheuse posture.L'instinct de survie m'avait rendu l'usage de la parole; mais, y regarder de plus prs,

j'ai gard la nostalgie de cette priode de silence.Tout ceci pour dire que ce n'est pas la frquentation de D., ni mme les divers"exercices" auxquels je me livre, qui sont en quoi que ce soit responsable de ma"cyclothymie". Cette frquentation et ces exercices m'ont aid jusqu' ce jour tre

plus conscient de moi-mme, plus attentif aux tenants et aux aboutissants de mes acteset de mes ractions.Ce souvenir explique postriori bien des choses dans ma vie, et notamment cettesensation de "diffrence" par rapport mes camarades ressentie tout au long de ma

scolarit, une sensation qui n'a fait que s'accentuer depuis un an environ.Mais j'en viens quelquefois me le demander: est-ce que cette exprience n'est pas"cause" que D. m'ait "choisi" pour suivre son enseignement ? Ne fallait-il pas que j'en

passe par l -par la nuit de la parole -pour en tre digne ?

Pour reprendre le cours de mon discours -en quoi cet pisode de ma vie pass pourrait-il intresser les hypothtiques futurs lecteurs des "Cahiers"?-rien de ce que m'avait prdit D, concernant les preuves qui attendent celui qui a subiune premire initiation, ne me fut pargn.

Au soir de la journe du 12 mars, j'eus tout d'abord peur de mon ombre. Littralement.J'avais sans cesse l'impression que quelqu'un d'autre se tenait derrire moi, et qu'ilm'observait. Je me retournais souvent, mais bien sr, il n'y avait personne ; sauf peut-tre le vieux "moi" en train de contempler le tout jeune imptrant; moins que a nesoit le contraire.

La peur de ce double passa; mais je me mis voluer dans le brouillard, ou dans ducoton. Non que je ne fus pas attentif tout ce qui se droulait autour de moi ; aucontraire! n me semblait que j'tais trop attentif. Je dcomposais les paroles, les

gestes, et mme les intentions de toutes personnes, moi y compris. Il m'arrivait deprdire intrieurement ce qui allait se passer, ce que tel ou telle allait dire. Mais celas'apparentait mon exprience enfantine du silence. Je ne pouvais que prvoir, jamaisagir, d'autant plus que le monde entier, et moi avec, m'apparaissait comme un film

projet au ralenti ou en acclr, et que je me sentais tantt trop llrapide", tantt tropIIlent", pour y participer. Ce monde m'tait devenu extrieur, un spectacle que jecontemplais. Comme au cinma. On voudrait prvenir le hros que le bandit est cach

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derrire le paravent, puisqu'on le sait; mais on ne peut pas intervenir, juste attendre lafin de l'histoire. Ce ne sont, aprs tout, que des images, que de la fiction, ne del'imagination de quelques scnaristes.

Comme le monde. C'est alors que je compris pourquoi D. avait dsign par une

tiquette sur les rayonnages de sa bibliothque les ouvrages traitant d"'occultisme" :"Sciences de la Ralit" .Ce monde est une farce, un thtre. Seul est vrai ce que j'airessenti, et qui est indicible, le dimanche 12 mars.Une telle prise de conscience, pensera-t-on, aurait du contribuer me dtacher de lamondanit, voire, m'engager postuler l'entre dans quelque monastre. Il n'en futrien, bien au contraire. Puisque le monde n'est qu'une farce, pourquoi donc s'en faire ?me dis-je. Jouons donc la pantomime, puisque aussi bien , la reprsentation termine,les acteurs tent leurs costumes et leurs masques, se dmaquillent, et reprennent leur

vraie personnalit.Si ce monde est une farce, autant y jouer pleinement, en toute impunit, son rle.En toute impunit ? Je me trompais une fois de plus. Mme les rles que l'on tient surdes scnes imaginaires d'une ralit extrieure nous engagent.Je n'allai pas tarder m'en apercevoir. Le rle que je rvais de jouer, on s'en doute (D.s'en doute, tout au moins) tait celui de Don Juan. Avec Sylvie, la rupture semblaitdfinitivement consomme. Mais ma sexualit, et mon dsir de plaire, se faisaientimprieux.

Il ne fut pas bien difficile de les assouvir. Mes premires expriences sexuellesm'avaient donn de l'assurance; ma frquentation de D. une maturit indniable; mon"dtachement" non feint, je m'en aperus bien vite, un "charme" certain. J'en jouai, et

j'en jouis.

Je ne draguais pas; on me draguait. Je me contentais de cueillir ce qui passait porte

de la main, et je ne manquais pas, bien sr, sous le sceau du secret, de faire connatre

tout un chacun mon heureuse fortune.Les petites amies que je sduisais dans les bals de campagne, au lyce ou ailleurs,

n'avaient pour moi d'autre raison d'tre que d'assouvir ma frnsie sexuelle. Mon preen eut vent, s'en inquita, et me tint malheureusement un discours maladroit o, jem'en aperus, perait sa fiert d'avoir engendr un sducteur. A travers moi, il revivaitses dsirs adolescents. Il s'attribuait presque la notorit de ma russite en ce domaine.Ce qui ne l'empcha nullement de me tancer vertement, et de me faire la morale. Amon ge, je ne dois pas penser aux filles, mais aux tudes et

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mon avenir. Et est-ce que j'ai pris mes prcautions pour qu'aucune d'elles ne tombeenceinte, hein ? Ce serait une catastrophe, etc... etc..Pauvre papa !Pendant deux jours, j'en vins le mpriser. Et puis, lui aussi rentra dans le rang de mes

marionnettes, si je puis m'exprimer ainsi, et avec lui son sermon dont je n'tais pasdupe.Jeu, jeu, tout n'tait devenu que jeu, rien ne m'intressait plus, hormis les exercices que

je faisais chaque jour, et qui me retrempaient, par instants, dans l'atmosphre siparticulire de mon veil La Ralit. Dans ces trop rares moments, mon corps denouveau ressemblait une forge, au point parfois que j'en prouvais de fulgurantesdouleurs, l'odeur du bois de cdre emplissait mes narines, et le soir, parfois, avant dem'endormir, un rossignol chantait dans ma tte.

Mais la ralit -l'autre ralit, le quotidien du thtre d'ombres -ne se laisse pas vacueraussi facilement. Surtout quand sur cette scne l, on joue mal son rle - ou trop bien,c'est selon le pomt de vue -surtout lorsqu'on devient un monstre d'gosme.

Une de mes ex-petites amies s'tait visiblement entiche de moi; "qu'est-ce qu'elle estcollante, celle-l" ricanais-je l'adresse de mes copains chaque fois qu'elle faisait devains efforts pour me reconqurir. Et plus elle s'y employait, plus je me montrais

btement et gratuitement cruel, voire grossier, son gard.

Un jour o je m'tais montr particulirement odieux, qui plus est en public (je nedoute pas non plus m'tre, sans en avoir conscience, veng sur elle de l'image qu'elleme renvoyait de moi-mme, quand je courrais littralement aprs Sylvie), elle piquaune crise de nerfs, et on dut l'emmener l'infirmerie du lyce, alors que je subissais sesimprcations. Cette consquence palpable de mes agissements me dgrisa d'autant plusque la horde de mes admirateurs m'en flicita. Ces imbciles se croyaient au jeu ducirque, et moi, tout intelligent que je me pensais, je n'tais en fait rien d'autre que leur

pourvoyeur de spectacle.

Ce monde n'est peut-tre qu'une illusion, mais la douleur ressentie la suite de laruade d'un ne est, elle, bien relle.

Du coup, je m'en tins une vie quasi monacale. Finis les bals et autres amusettes. Jeme remis derechef l'tude. En mme temps, je regardai mes parents, et surtout mon

pre, d'un autre oeil. Je me suis toujours senti plus ou moins "tranger" mon milieufamilial, que j'avais considr jusque l comme une contingence.

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De ce jour, je me mis comprendre un peu mieux leurs ractions, notamment causedes discussions plus nombreuses, et plus fructueuses, que mon pre a sollicites.

Mais surtout, si je ne me sens pas prt, clest que je niai pas encore men bien la"mission" dont D. mla charg, le 12 mars.

D., je le rencontre parfois. Dans la rue, lorsque je sors le matin pour prendre l'autocar,et qu'il se rend son travail; au stade. "Bonjour, comment vas-tu ?" Rien d'autre. Dansces circonstances, j'ai parfois bien du mal reconnatre en lui l'homme qui m'enseignales mathmatiques, les "Sciences de la Ralit", le coadjuteur du pre P. lors d'unemmorable sance "d'exorcisme" de maison hante. J'ai bien du mal reconnatre celuique j'ai vu -j'en suis sr, j'en mettrais ma main au feu - transfigur dans son jardin,rayonnant un halo lumineux en forme d'toile au-dessus de sa tte, le visage

translucide et blouissant.Mon matre, en un mot. Avec son costume et sa cravate, ou son survtement lorsqu'ilest au stade, il ressemble Monsieur- Tout-Le-Monde. Dans la ralit, D. est bienordinaire, et pourtant, il est all bien plus loin que moi sur le chemin, bien plus loinque moi dans la qute et la matrise de lui-mme.

C'est une rflexion que je me suis faite il y a quelques jours. Je pensais aux "pouvoirs".Des "pouvoirs", j'en avais acquis, sans mme y prendre garde. Celui de "charmer"l'autre sexe, par exemple. Et j'en avais msus, bien sr. D., lui, se fait anonyme dans

la foule. Je le crois lorsqu'il dit qu'il a renonc aux "pouvoirs" ; y compris celui deparatre en socit.

Jamais il ne me demanda "quand viens-tu me voir ?". Nous avions convenu que ceserait mon heure, il respectait cette convention, sans manifester aucune impatience,aucune inquitude.

Mais il n'tait pas crit qu'il n'y aurait pas "quelque chose" me montrer. "Quelquechose" auquel je doive assister, pour pouvoir, sans doute, en tmoigner par la suite.

Mardi matin, alors que je refermais la barrire du jardin, je l'entendis qui m'appelai. Jevins vers lui, et sans mme me dire bonjour, il me demanda si j'tais libre dimancheaprs-midi.

J'acceptai, bien sr, d'autant plus vivement que j'attendais impatiemment depuisquelques temps un geste de sa part. Qu'il me relance, en quelque sorte, qu'il

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Entre le mardi et le dimanche, je me suis interrog de toutes les faons possibles.Qu'est-ce que mon mentor pouvait bien me vouloir ?Gnralement, chacune de ses invitations inopines me rservait une surprise de taille.

Lorsque je me rendis chez D., vers quatorze heures, je remarquai tout d'abord une

grosse mercedes en assez mauvais tat. "Tiens, me dis-je, D. s'est achet une voitured'occasion. "

Mais cette automobile ne lui appartenait pas. Elle tait la proprit d'un homme de racejaune, qui se leva lorsque je pntrai dans le bureau. D. nous prsenta l'un l'autre;l'individu se nommait R., et quant moi, il accola mon prnom le titre flatteur de"mon assistant" .

Nous nous assmes. D'un signe discret, D. m'empcha de mettre en route lemagntophone, et me tendit un bloc de papier et un stylo afin que je puisse prendre desnotes.

C'est alors que je remarquai, au beau milieu du bureau, pose sur un carton, une tte dechouette ensanglante."Qu'est-ce que c'est ? demandai-je.-Une dclaration de guerre que nous allons traiter comme il convient, me dit D."

L dessus, il nous entrana sa suite dans le salon et, ma grande surprise, il entreprit

malgr la chaleur d'allumer un feu de bois dans la chemine. Il retourna alors dans lebureau et en revint, porteur du carton soutenant la tte de chouette, qu'il posaprcautionneusement sur la table basse. Il se dirigea vers la cuisine et en revint avec unbocal contenant du gros sel et une bouteille d'eau de vie. Il saupoudra la dpouillesanglante de gros sel, et l'arrosa gnreusement de cognac.

R. regardait tout cela en silence."Il ne va tout de mme pas la faire cuire", me dis-je en mon for intrieur. Mais c'est

exactement ce qu'il fit. Il jeta la tte dans le feu de bois, o elle s'embrasa

immdiatement.

Ce n'tait certes pas quelques agapes culinaires exotiques que j'tais invit, car D.laissa brler compltement la tte, jusqu' ce qu'il n'en reste plus qu'un tas de cendres.Aprs quoi, nous retournmes dans le bureau.

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D. demanda tout d'abord la date, l'heure et le lieu de naissance de son visiteur. "Il fauttout d'abord, dit-il, que j'tablisse votre thme astrologique". Ce qui lui prit bien unedemi-heure de calculs divers, effectus l'aide de gros livres, p6ur aboutir enfin authme de nativit de l'intress ("tiens, pensai-je alors, il faudra que je me mette un

jour l'astrologie").Pendant tout ce temps, nous nous sommes tenus coi. R. ne me semblait pasantipathique, mais il se dgageait de toute sa personne une indfinissable impressionde malaise. Il semblait accabl, au bout du rouleau, et dans l'attente anxieuse d'unverdict.

"Quand les symptmes.ont-ils commenc ? demanda D. -Le 13 septembre de l'anpass, lui fut-il rpondu."

D .se reporta au thme, ses livres, et commenta : "Normal ! Ta lune natale tait cejour l en opposition la position du soleil. Nous avons affaire des gens qui nelaissent rien au hasard. Sais-tu d'o a vient ?-Je n'ai aucune certitude, mais de fortes prsomptions. -Moi aussi. Quels furent lessymptmes ?

-Leur intensit fut progressive, comme je vous l'ai dit par lettre. Tout d'abord, unegrande sensation de langueur, de fatigue et de dgot. Je n'arrivais plus me lever lematin, et le soir le sommeil me fuyait. Je suis donc all consulter un mdecin, mais lesexamens qu'il m'a prescrits n'ont rien rvls. Il m'a bourr de fortifiants, mais rien n'ya fait.

C'est alors que j'ai commenc, insensiblement mais srement, perdre du poids; ressentir aussi des sensations de piqres la nuque, dans la rgion du nombril et ducoeur. Je me grattais souvent, mais, progressivement l encore, la piqre est devenue

brlure.Dans la journe, j'avais souvent du mal respirer, comme si j'avais un poids pos surmes paules et dont la pesanteur se fait sentir jusque sur la poitrine. En mme temps,

j'avais l'impression que mon coeur allait me lcher. J'ai consult un cardiologue, mais

rien de nouveau. J'ai donc commenc avoir des angoisses, mme en dehors de toutemanifestation, surtout lorsque je suis seul. Le soir, lorsque je me couche, j'ai desmigraines pouvantables En mme temps, j'ai l'impression qu'une main invisible metouche, qu'elle me pince ou me donne des coups de poing, et tous mes muscles secontractent. Des cauchemars horribles me rveillent en pleine nuit et, ce moment-l,

j'ai l'impression qu'il y a plusieurs personnes dans ma chambre qui m'observent.

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Ma vie sexuelle s'est elle aussi dgrade. Je suis devenu totalement impuissant. Et je

n'ai mme plus envie de faire l'amour. Pire, le simple contact du corps de mon pouse

me dgote, et depuis quinze jours, nous faisons chambre part. Elle menace de

divorcer. Pourtant, je l'aime toujours autant, mais c'est plus fort que mol, Je ne peux

pas. J'ai remarqu aussi que mes amis et mes relations se dtachaient de moi. Sans

raison objective, on ne m'adresse plus la parole sur mon lieu de travail. J'ai eu des tas

d'ennuis -un rappel d'impts payer, par exemple, ou des accidents de voiture

rptition. En soi, aucun d'eux n'est grave. C'est leur succession anormale qui est

puisante pour les nerfs.

Je ne comprenais pas la raison de tout cela, et j'ai bien souvent pens au suicide.

Heureusement, comme vous le savez, mes parents ont embrass la religion catholique,

et j'ai la foi. C'est uniquement cette foi qui m'a empch de passer l'acte. Mais je n'ai

mme plus le secours de la religion puisque chaque t'ois que je rentre dans une glise,

je suis pris de malcise et oblig d'en sortir aussitt.

C'est quand j'ai reu il y a trois jours ce que vous appelez une "dclaration de guerre"que j'ai compris l'origine de tous mes maux. Contrairement ce qu'ils espraient sansdoute en me la faisant parvenir, ce message peu ragotant m'a redonn de l'espoir.Mon mal a un nom -je suis envot, j'en suis sr. J'ai alors immdiatement pens vous pour me tirer de ce mauvais pas.

-Et tu as bien fait, lui dit D. Mais auparavant, il nous faut tout de mme confirmer nos

premires impressions. Dshabille-toi entirement, suis-moi dans le salon et allonge-

toi sur le ventre sur le canap. "

D. avait pris un pendule. Il le tint de la main droite et tendit l'index et le majeur de sa

main gauche au-dessus de chacun des septs chakras. Le pendule tourna dans le sens

des aiguiles d'une montre cinq fois, et dans le sens inverse au dessus de Mulhadara et

d'Ajna."Rhabille-toi, dit-il son consultant, et suis-moi dans le bureau. "(Note de l'Adepte pour une meilleure comprhension des lecteurs : l'envotement

ralis "dans les rgles de l'art", si je puis m'exprimer ainsi, produit souvent undysfonctionnement des centres vitaux. Par la radiesthsie, D. avait mis en vidence ce

dysfonctionnement des deux chakras concerns).

"Ca se prcise, dit-il, mais ce n'est pas encore suffisant. Il nous faut une certitude avant

d'agir. Dcroise tes jambes et regarde l'un aprs l'autre les 22 arcanes majeurs de ce

tarot. Bien, bats-les maintenant et coupe-les de la main droite. Sors en quatre et

retourne-les sur la table.

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Cette fois ci, poursuivit-il en contemplant les cartes ainsi tires, il n'y a plus de doute.Ce groupement Hermite, Diable, Lune, Maison-Dieu est typique d'un envotement

particulirement dangereux. Il n'y a donc pas un moment perdre, d'autant plus que tun'as dj que trop attendu. Cependant, nous ne saurions aller plus vite que les astres ne

nous y autorisent. Nous ne pouvons agir avant la nouvelle lune, et encore conditionqu'elle soit en bon aspect, mme mineur, avec ta lune natale. Je te demande quelquesminutes afin de rechercher l'lection qui convient. "

D. consulta rapidement ses livres et dclara :" Ce sera le mercredi 10 mai, au soir, quand le soleil sera couch.-Encore une semaine et demie attendre, soupira R.-On n'y peut malheureusement pas grand-chose. En attendant prie, asperge d'eau bnitetoutes les pices de ton habitation, place du charbon de bois sous ton lit, ainsi qu'un

peu de sel exorcis que je vais te remettre avant que tu ne partes, brle de l'encens,mets des clous de charpentier d'une longueur d'environ trente centimtres, disposs encroix, devant chaque porte et chaque fentre de ta maison, porte une mdaille de Saint-Benot, et arme-toi de patience. N'oublie pas non plus d'tre jen depuis la veille le

jour o tu viendras. "Nous nous salumes et D., aprs m'avoir d'un signe fait comprendre qu'il dsirait queje reste, raccompagna son visiteur .

Lorsqu'il fut de retour, il mit en marche le magntophone et me demanda : "Que t'en

semble ?-Visiblement, il n'est pas du tout dans son assiette. Maintenant, de l dire que c'est unenvotement... Vous connaissez mon "esprit fort"; je suis un peu comme Saint-Thomas. Je ne crois que ce que je vois.-Et tu fais bien. Mais en l'occurence, ce malheureux ne relve pas de la facult ni d'une

institution psychiatrique. Il est victime d'un envotement par magie sexuelle, je puis tel'assurer .

-Comment l'avez-vous connu ?

-Par des amis communs qui s'inquitaient de l'ornire dans laquelle il tait tomb. C'est

d'ailleurs l, je pense, l'origine de tous ses malheurs.

Il habite dans la rgion parisienne, et il a perdu un enfant -une petite fille -qui tait

ge de quatre ans, des suites d'un cancer. Il en est rest quasi-prostr durant une anne

entire, puis il s'est rvolt contre sa foi.Cela se produit souvent, surtout chez ceux qui croient en un Dieu crateur , omniscientet omnipotent, et qui lui attribuent la responsabilit de tout ce qui se passe sur cetteterre. Ils deviennent les victimes d'un paradoxe qu'ils retournent sans cesse

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dans leurs tte, et auquel ils ne trouvent aucune solution, bien entendu, car comme tousles paradoxes, celui-ci repose sur des prmisses fausses. Dieu, en effet, n'est pasextrieur nous, mais en nous; il ne cre rien, pas plus la joie que la souffiance, maistout mane de lui. Il n'a donc nulle responsabilit dans quelque chose d'aussi affreux

que la mort dans de terribles souffiances d'une enfant de quatre ans. Cette impasselogique les "mine", et ils finissent par "disjoncter";

C'est exactement ce qui est arriv R. Il avait toujours essay de conformer sa vie cequ'il croit tre les prceptes de la divinit, il a continu en ce sens.

Seulement, puisque Dieu lui aparraissait maintenant comme un monstre de cruaut, il a

chang son fusil d'paule. L dessus, il a rencontr une bande de cingls rotomanes et

dangereux qui n'ont eu aucune peine le convaincre de rejoindre leurs rangs. Il s'agit

en fait de prtendus "lucifriens" qui mlangent tout et se livrent des pratiques

sataniques: sabbats dans les forts, orgies collectives, etc. ..Le "Grand Matre" de cettepitoyable confrrie est redoutablement intelligent, et dou d'un charisme indniable. Il

n'a donc aucune peine regrouper autour de lui tous les dus de la vie qui ont soif de

vengeance qu'il rencontre. Il leur fait subir d'incroyables preuves qu'il appelle "des

quatre lments" en les obligeant dormir dans la neige, se brler volontairement,

s'enterrer dans la terre jusqu'au cou, ou bien encore se pendre par le cou jusqu' la

limite de l'asphyxie. Tous ceux qui boivent ses paroles sont persuads que s'ils

triomphent de ces preuves, ils gagneront le paradis non pas dans un autre monde,

mais ici et maintenant, ils deviendront invincibles, et presque les matres du monde; detemps autre, en guise de rcompense, les femmes sont autoriss partager la couche

du "maItre", et les hommes celle de sa concubine, une ancienne starlette de cinma qui

est encore plus folle que lui.

Dans ces conditions, tous acceptent sans broncher tout ce qu'on rclame d'eux, ycompris d'abandonner plus de la moiti de leur salaire au grand matre, dont la fortuneest parait-il considrable, mme s'il affecte volontiers tre dans le dnuement le plus

total.Lorsque j'ai rencontr R., il marchait fond l-dedans. Sa femme avait bien essay,

sans succs, de lui faire prendre conscience de l'absurdit de sa conduite, mais elle

s'opposait toujours une fin de non-recevoir vhmente; Dieu nous a pris notre fille,

disait-il, j'ai un compte rgler avec lui.

Lorsque sa belle-mre, que j'ai connue l'poque de la rsistance, a fait appel moi,

au lieu de le brusquer, j'ai d'abord abond dans son sens. Je l'ai pris au pige, en

quelque sorte, en l'amenant au cours de discussions, o je feignais d'tre interess

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par la voie qu'il avait prise, rpondre mes questions, et dcouvrir par lui-mme

toutes les contradictions de son discours.

Le rveil fut brutal. Du jour au lendemain, il a rompu avec la secte, et s'est de nouveau

confit en dvotions. Mais il n'en est pas rest l. Il a obtenu, sous la menace de rvler la police certains trafics louches dont il avait eu connaissance, qu'on lui remboursetoutes les sommes par lui verses. Ses anciens compagnons lui en veulent mort et le

jugent dangereux. Alors, ils ont dcid de l'liminer par des voies "occultes".

-Mais je croyais que c'taient des imbciles.

Comment expliquez-vous donc que a marche ?-Pas besoin d'tre "initi" ni mme intelligent pour dtruire quelqu'un par ces moyensl. Il suffit de constituer un grgore de haine, rien de plus facile. Seulement, le

"Grand-Matre" a commis une erreur d'apprciation.Il a voulu asseoir encore plus son emprise psychique sur sa victime, en lui envoyant unmessage dont le symbole est clair: la tte de la chouette sacrifie. Il esprait ainsirduire R. au dsespoir, et que ce choc acclerait l'issue de son oeuvre funeste. Maisc'est tout le contraire qui s'est produit. R. souffrait surtout de ne pas comprendre ce quilui arrivait, et de ne voir aucune issue sa situation. Ds qu'il a pu mettre un nom surson mal et un visage sur son origine, il a aussi peru qu'un dsenvotement le tireraitde l.

-C'est vous qui allez le dsenvoter ?-En ta compagnie, si tu le veux bien.-Mais je croyais qu'en tant que lac, vous ne pouviez pas dsenvoter ?-Tu as mal retenu ce que je t'ai dit lorsque nous nous sommes rendus dans la rgion duHavre. Un lac ne peut pas exorciser, quand l'origine du mal est extra- humaine ouqu'elle provient de dsincarns. Mais il peut fort bien dsenvoter, quand cette origine

provient d'humains, bien vivants ceux-I.

Si tu viens mercredi, je ne vais pas t'imposer un jene auparavant. Evite cependant

toute alimentation carne ce jour l, et ne bois rien d'autre que de l'eau.

Noublie pas non plus de prendre des notes, car tu n'auras pas droit au magntophone.Au mercredi 10 mai, donc.

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Ce soir l, au crpuscule, nous nous sommes retrouvs tous trois chez D

Nous avons tous trois pris une douche, puis nous nous sommes dirigs vers l'ancienpigeonnier qui fait office d' "occultum". Nul d'entre nous, pas mme D., n'avait revtude tenue spciale. Cependant, il nous pria tout de mme de nous dchausser et derentrer pieds nus dans l'oratoire, dont toute les ouvertures avaient t soigneusementobtures, la pice tant claire seulement par les flambeaux muraux.

L'autel, au centre du cercle, tait orient de telle sorte que ses longueurs paralllessoient diriges vers le Nord et vers le Sud. Face au Nord, D. avait pralablementdispos une chaise, et deux autres qui nous taient visiblement destines face au sud.

Sur l'autellui-mme, il y avait un verre pied, un mortier et son pilon en bois, ce que jereconnus tre le thme astrologique .de R., plusieurs feuilles de papier blanc, , un

porte-plume et une plume ainsi qu'un flacon d'encre de grenade, deux cierges, le brle-parfums et de l'encens. D. alluma les deux cierges, teignit les flambeaux muraux, etentreprit la combustion de l'encens.

Puis, il sortit de sa poche une paire de ciseaux, et prleva sur R. une importante mchede cheveux.

De l'armoire o il range ses "armes magiques", D sortit un morceau de craie. Derrire

sa chaise, il dessina avec un triangle quilatral, d'environ cinquante centimtres dect, une des pointes tant dirige vers le nord, les deux autres l'ouest et l'Est.

D. nous fit la recommandation habituelle de ne pas sortir du cercle, quoi qu'il puissearriver. Il entonna ensuite la prire d'exorcisme de la pice.

Puis, il nous pria de nous asseoir. Lui-mme resta tout d'abord debout. Il brisa le verreen plusieurs morceaux qu'il introduisit dans le mortier, et les malaxa longuement avecle pilon, jusqu' ce qu'ils soient rduits en une fine poudre.

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Il tala cette poudre sur l'une des feuilles de papier, l'galisa avec sa main droitejusqu' ce qu'elle forme une couche uniforme. Quand ce fut fait, avec l'index droit, iltraa une croix dont les branches pointaient en direction des quatre points cardinaux, etl'encercla, toujours avec l'index droit.

D. s'assit alors. Son regard devint fixe. Il contemplait avec une attention soutenue lethme astrologique. Il entonna une trange mlope, dans laquelle je reconnus le son"Aum", rpt d'une voix gutturale.

Cela dura bien dix minutes. Puis, il se leva de nouveau, rapprocha la mche, et soufflasur la poudre de verre sept reprises, de telle sorte qu'un nouveau tas vienne recouvrir

presque entirement lescheveux.

Il l'galisa une fois de plus, retraa un cercle et une croix en tous points identiques auxpremiers, en prononant un mot que je ne compris pas: cela ressemblait au mot "fou",

mais avec un "ou" trs allong.Il s'assit, et pria R. de se rapprocher de la table. Il lui tendit une feuille de papier, le

porte-plume et la plume, poussa vers lui l'encre de Grenade, et lui recommanda dedcrire par le menu tout ce qu'il avait endur, mais en employant l'imparfaitexclusivement.

"Car, sois en convaincu, tes ennuis sont maintenant derrire toi", ajouta-t-il. Duranttoute sa rdaction, R. suait grosses gouttes. A la fin, D. rcupra le papier, le brla

entirement dans le mortier. Il en mlangea les cendres la poussire de sable qui setrouvait sur la mche de cheveux. Il recueillit enfin le mlange dans le creux de lamain gauche et, aprs nou~ avoir pris de nous carter, jeta le tout par terre, endirection du Nord.

Aprs qu'il eut remis l'oratoire en ordre, il nous pria d'en sortir en sa compagrue.

Nous avons devis de choses et d'autres durant une heure environ, mais aucun d'entrenous ne fit allusion ce qui venait de se passer, ni mme aux ennuis antrieurs de R.Celui ci semblait visiblement soulag, et il avait retrouv un tonus que je ne lui avais

jamais connu. Son buste, qu'il tenait jusqu'alors courb, s'tait redress. Au moment denous quitter -aprs qu'il eut remerci D. a plusieurs reprises -je remarquai que sa

poigne de main, que j'avais trouve molle jusqu'alors, tait devenue franche et ferme.

Sur un dernier signe de la main, il repartit dans sa Mercdes brinquebalante. Je priscong mon tour, non sans avoir assur D. de ma prochaine visite.

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Samedi 3 juin 1967

Samedi 3 juin 1967

La sance de dsenvotement de R. m'avait permis de renouer contact avec D. , etredonn l'envie de poursuivre mon priple. Je me pressai donc d'achever la missiondont il m'avait charg, et le mercredi 31 mai, je dposai dans sa bote aux lettres, enmme temps que les "Cahiers", une demande d'entretien pour le samedi suivant. ren

profitai pour lui prciser que depuis plusieurs semaines, mes exercices se droulaient

plutt mal, except la prire et l'examen de conscience, et que j'avais une fcheusetendance tout embrouiller .Le jeudi, en rentrant des cours, ce fut mon tour de trouver une missive, me fixantrendez-vous quatorze heures ("prvois de te librer pour jusqu'au soir, me disait D.,car effectivement, une remise niveau s'impose avant de poursuivre plus avant. Lasance risque donc d'tre longue").

A l'heure dite, je fus au rendez-vous. Je trouvai D. en conversation a':l tlphone et

voulus me retirer, mais il me retint :"Ce n'est pas secret, c'est R. qui est l'autre bout du fil-Comment va-t-il ? lui demandai-je aprs qu'il eut raccroch.-Il se porte de nouveau comme un charme, il ne ressent plus aucun malaise, et son

mnage marche de nouveau comme sur des roulettes. Il a mme obtenu de

l'avancement dans son travail.-Franchement, vous ne pensez pas que tout a, c'est psychosomatique, uniquement des

produits de son inconscient, et que seule, la foi qu'il a en vous, concrtise par la

crmonie laquelle il a assist, est cause de son rtablissement ?-Dans la plupart des cas, c'est ainsi que a se passe. Il y a une multitude depersonnalits diverses, plus ou moins conscientes, plus ou moins profondes, quicohabitent dans un mme corps. Si l'une en vient condamner les agissements del'autre, cette crise interne dbouche le plus souvent sur des manifestations semblables,et il suffit qu'une sance de dsenvotement, qui correspond alors au sentimentchrtien de l'absolution, lave en quelque sorte les fautes pour que tout rentre dans

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l'ordre. Les personnes qui souffrent d'une telle forme de schizophrnie -tout au moinsla partie consciente de leur personnalit -ne veulent pas reconnatre que le mal est enelles, et la solution aussi. Elles prfrent en attribuer l'origine quelque "sorcier" quin'existe que dans leur imagination. Mais le mcanisme n'est pas diffrent de

l'envotement classique, l'inconscient jouant le rle d'envoteur, et l'individu conscientcelui de victime.

Cependant, dans le cas de R., j'avais l'intime conviction que j'tais bien en prsenced'un envotement rel. Je ne pouvais bien sr en tre certain cent pour cent, car eri cedomaine, on ne peut jurer de rien. De toutes manires, quelque soit l'hypothseretenue, une telle crmonie ne pouvait pas lui faire de mal.J'ai eu confirmation tout l'heure que j'avais vu juste. Le ngatif ayant t chass ducorps et de l'esprit de R. est retourn brutalement ses envoyeurs. R. m'a appris que le

"Matre" vient d'tre incarcr, ainsi que sa compagne, pour "dtournements demineurs". C'est ce qu'on appelle, dans notre jargon occultiste, "un choc en retour". Lechoc en retour est le bras sculier de la justice immanente. C'est une des manifestationsde la loi du Karma. On peut s'en prserver pour un temps, jamais dfinitivement. Un

jour ou l'autre, dans cette vie ou dans une autre, il faut rendre compte de ses actes, etpayer.

-Le "grand-matre d'oprette" ne doit pas s'tre beaucoup protg, car a lui estrapidement revenu dans la figure. Il ne sait pas faire ?

-Sans doute qu'il sait, car comme je l'ai dj dit, c'est loin d'tre un imbcile et je saispar oue-dire qu'il possde des connaissances assez pousses en occultisme. Maiscomme c'est souvent le cas chez ce type d'individu, c'est aussi un mgalomane qui secroit invincible. Il a sans doute nglig de se protger srieusement, parce que pas uneseconde, it n'a dout de la russite de son entreprise.

Il n'avait pas tellement tort d'ailleurs. Il tait moins une, et si R. tait venu me voirseulement un mois plus tard, j'aurais sans doute pu faire quelque chose pour son"me", mais rien pour son corps ou son esprit. Il arrive un moment o l'envotementles a tellement dlabrs tous deux qu'on ne peut, moins d'un miracle, empcherl'issue inluctable. C'est comme pour une maladie; prise au dbut, on peut l'enrayer;arrive en phase terminale, on ne peut que soulager, mais pas gurir .

-Je comprends mal ce qui peut pousser des gens agir de la sorte, sachant qu'un jourou l'autre, il leur faudra expier leurs fautes.

-Ses contemporains ont mal compris galement pourquoi Lacenaire, n d'un milieu

bourgeois, intelligent, brillant et dou d'un style remarquable, comme en tmoignentses crits, est devenu un artiste du crime. C'est ainsi. Il y a des gens qui

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vouent leur vie Eros, le dieu de la vie, et d'autres Thanatos, le Dieu de la mort.Quand savoir pourquoi, c'est une autre paire de manches. Le psychanalyst~ aura sonopinion sur la question, le croyant attribuera leurs crimes l'emprise du Malin en cemonde, et l'oriental y verra une manifestation de la loi karrnique. Toutes ces opinions

d'ailleurs ne sont pas contradictoires entre elles.Par contre, ce qu'il faut garder constamment 1'esprit, c'est que s'ils existent, ils ontune raison d'tre. Tout autant que les saints et tous ceux qui rpandent le bien autourd'eux. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas s'en prserver, les combattre, les faire

passer en jugement et les condamner. Cela, c'est la justice des hommes, et comme tu ledis ~ans ~on "Cahier": "Ce monde n'est peut-tre qu'une illusion, mais la douleurressentie la suite de la ruade d'un ne est, elle, bien relle".

L'initi cependant, qui sait que la notion d'individu n'est qu'une commodit, sait aussique comme le Saint, et tout autant, le criminel mane de l'Unique, et que cette portionde la divinit y retournera fatalement, mme si son incarnation prsente retarde ceretour.

-Cette crmonie ne ressemblait pas du tout toutes celles auxquelles il m'a t donnd'assister jusqu'alors.-Tu as remarqu, n'est-ce pas ? J'ai gard le rituel de purification de l'oratoire de notretradition, mais pour le reste, il fallait aussi que j'impressionne l'inconscient de R. J'ai

donc puis dans son fond culturel, et adopt ce qu'un de mes matres asiatiques m'avaitautrefois enseign sous l'appellation de "conjuration du verre". Les Bon po du Tibet,m'avaient-ils dit, le tiennent pour le rite le plus efficace qu'ils connaissent.(Note de l'diteur: il semble donc que l'un des matres de D. l'ait initi aux arcanes du

taome chinois et tibtain. Nous avons questionn l'adepte ce propos, mais il n'a pas

t en mesure de nous le confirmer, D ne lui ayant jamais fait de rvlation sur ses

antcdents initiatiques).-Quel rle joue exactement le verre l-dedans ? Si c'est un symbole de transparence,

pourquoi le rduire en miettes ?-Ce n'est pas, en l'occurence, un symbole de transparence. Le verre est apparu vers1500 avant J.C., en Egypte ou en Msopotamie, les archologues ne sont pas bien fixssur ce point. C'est n matriau difficile matriser, et qui produit des objetsextrmement fragiles; c'est le symbole de l'oeuvre humaine, qui require adresse et

patience, mais qui un jour retournera la poussire, et rapidement si on n'y prendgarde.

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Tels sont aussi les envotements, qu'ils soient bnfiques ou malfiques. En rendant ceverre sa condition premire et ultime, de la poussire, j'en ai fait le substitut del'envotement, cration humaine, qui retournait au nant.

-Que signifiait le mot "fou", ou quelque chose comme a, que je vous ai entendu

prononcer ?-C'est un vocable extraordinaire que des gnrations entires ont charg d'uneincroyable puissance. En Chine, il signifie le printemps et par analogie, le retour du

bonheur. Mais c'est galement ainsi que l'on appelle dans ce pays Siddarta Gautama, leBpddhaR. qui craint encore les "coups du sort, m'a demand que je lui fasse "quelque chose de

puissant pour le protger". S'il avait t un occidental, je lui aurais envoy un sceau deSalomon. Mais comme il est d'origine chinoise, c'est un sceau de Lao-Tseu que je vais

lui faire parvenir, le sceau yin par excellence.

Le Sceau de Lao Tseu

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C'est tort que l'on attribue ce sceau Lao-Tseu, car il n'en est pas l'inventeur. Latradition taoste prtend mme qu'il est d'origine extra-hum~ne. Tout simplement, Lao-Tseu en a, dit-on, expriment lui-mme les effets bnfiques, et l'a chaleureusementrecommand autour de lui. Je pense que son action bienfaisante tient de la radionique,

autrement dit des ondes dues aux formes, dont nous avons dj parl propos de lapyramide.

C'est pourquoi il importe que son trac soit extrmement prcis. On en connatplusieurs versions fantaisistes qui ne produisent aucun effet. Celle que je vais temontrer aujourd'hui, et que m'a transmise le mme instructeur asiatique, est la seulevritable. Je le sais, car je l'ai exprimente moi-mme, et elle a toujours rempli les

bons offices que j'attendais d'elle.

On peut le graver sur du bois, mais le plus simple est encore de le dessiner sur une

feuille de papier. Dans ce cas, dit la tradition, on le trace en rouge sur du papier jaune,ou en bleu sur du papier blanc. Comme je n'ai pas de papier jaune ma disposition,c'est cette seconde alternative queje vais adopter."

D. se livra un drle de gribouillis, que j'ai ensuite dcalqu pour le reproduire dansmon cahier.

"Ne me demande pas pourquoi ni comment a marche, me dit D. Trs franchement, jen'en sais rien. Mais a marche. Outre qu'il prserve des cauchemars si on le met, lesoir, avant de s'endormir, sous la taie d'oreiller ou sous le traversin, il constitue une

protection contre ce que R. appellerait volontiers "les coups du sort". En fait, iln'empche pas les catastrophes qui doivent se produire d'arriver. Mais il les attnue etsurtout, il donne un moral toute preuve celui qui le possde. Les difficults de lavie semblent ne pas l'atteindre.

Une prcision. Pour que ce soit efficace, il faut le dessiner soi-mme ainsi que je l'aiconseill. La partie centrale du sceau reprsente d'ailleurs son possesseur. C'est elleque l'on doit contempler si on veut se poser sous la protection du sceau, en s'identifiant elle, et en visualisant que tout ce qui entoure cette partie centrale constitue des

protections toute preuve. Ca marche mme pour tous ceux qui n'ont jamais suivi unentranement quelconque la visualisation, j'ai eu l'occasion de le tester sur desconnaissances et des amis.

C'est donc un modle que j'envoie R., accompagn de cette recommandation. As-tudes questions me poser?

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-Ce ne sont pas des questions, mais des conseils dont j'ai particulirement besoin devotre part. Comme je vous l'ai crit, je suis press de reprendre les exercices et surtoutde faire le point avec vous. Depuis quelque temps, je confonds tout, et ce que je faismanque d'efficacit.

Ce n'est pas le plus grave. Le plus grave, c'est que je suis littralement perdu, que jeme mprise moi-mme en de nombreuses occasions, que je ne sais plus quel saint mevouer pour retrouver mes esprits.

-Alors, tu t'es dit: en guise de saint, je vais demander D. de me remettre sur les rails.Par quoi veux-tu que nous commencions ? Tes problmes personnels, ou la mise au

point ?

-Mes problmes personnels. Une mise au point ne me serait d'aucune utilit tant que je

suis dans cet tat.

-Tu juges sainement. Tu as certes raison de noter que tu as une tendance prononce la cyclothymie. Et j'ai lu avec beaucoup d'intrt le rcit que tu fais du drame que tu asvcu tant enfant. Je n'en ignorais rien, tant depuis longtemps intime avec tes parents.Mais je ne t'ai pas "choisi" pour autant. Nous nous sommes rencontrs parce que c'estdans notre destin, parce que au cours de prcdentes incarnations, nous nous sommesdj rencontrs, plusieurs fois. Et la "nuit de la parole", comme tu l'cris, ne te rend

pas digne de cet enseignement. Elle t'y prpare parce que depuis que tu es n, tu esdestin le recevoir. Cela peut paratre trange, mais c'est ainsi que fonctionne la loi

du Karma: parfois rebrousse-temps. Un peu comme si le coup de marteau suivait, etne prcdait pas, le cri de douleur de celui qui se tape sur les doigts. Tu as vcu dansl'enfance une exprience traumatique parce que tu devais, dans l'adolescence, vivreune initiation. C'est quelque chose que je ne pourrai traduire qu'en hbreu, qui parvient-c'est l'un des coups de gnie de cette langue - traduire au pass un verbe qui setrouve au futur, ou bien l'inverse. Nous en parlerons d'ailleurs prochainement.

Mais le dsarroi bien rel dans lequel tu te trouves est une consquence directe de tapremire initiation. Sur un autre mode, j'ai vcu la mme chose, et je t'en avaisd'ailleurs prvenu.

Je ne vois qu'un seul moyen de t'en sortir. C'est de t'enseigner ds prsent les quatretapes qui mnent "l'homme parfait".

-Attendez, attendez. ..quatre tapes, des techniques, des considrations gnrales. Touta, c'est bien beau, mais je sens bien que j'ai besoin d'autre chose, sans parvenir l'exprimer clairement. Je ne sais pas comment dire a: quelque chose comme les dixcommandements pour un catholique, qui me dise sans ambigut ceo

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que je dois faire et ne pas faire. Une rgle stricte qui me dcharge, pendant un temps,de juger par moi-mme, puisqu'aussi bien j'en suis incapable.

-Une sorte de code d'honneur de l'apprenti-initi, m'interrompit D. en riant ? Unserment chevaleresque ?

-Vous pouvez rire, mais c'est exactement de a dont j'ai besoin. Vous avezmis le doigt dessus.

-Sois heureux, il existe, ce code. On le doit mme pythagore.-Qui a ? L'homme aux triangles rectangles ? Il s'occupait d'autre chose que demathmatiques ?

-De bien d'autre chose, et je crois te l'avoir dej dit. En fait, l'inventeur d~ "pont auxnes" est l'un des plus grands initis que l'Occident est jamais connu.

(Note de l'diteur: le thorme de pythagore dit que: "Dans un triangle rectangle, la

somme des carrs des cts de l'angle droit est gale au carr de l'hypothnuse " .A la fin des annes soixante, il tait enseign la fin du premier cycle des lyces etcollges, en classe de troisime. On l'appellait "le pont aux nes", car les professeursde cette poque prtendaient que c'tait ce stade, et pas avant, que l'on pou'vaitdistinguer les lves dous pour les mathmatiques... et les autres).

-En tous les cas, on ne m'a jamais dit a l'cole.

-L'cole n'est pas un lieu o l'on enseigne la Sagesse, mais le savoir thorique, tu lesais bien. Ca t'intresserait de savoir en quoi Pythagore tait un Grand initi ?

-Ne vous faites donc pas prier. Vous adorez raconter, et vous savez bien quej'aime vous couter.

-Tout d'abord, pythagore est un personnage historique.

Il est n Samos, en Asie mineure, dans la premire moiti du VIme sicle avantJsus Christ. La date de sa mort, par contre, fait problme, on le verra tout l'heure.Par contre, tout ce qu'on raconte sur lui n'est pas attest, car de son vivant dj, il taitdevenu une figure de lgende. Et les nombreux chroniqueurs, toujours attirs par lemerveilleux -le souci de vrit historique est un souci rcent -s'en sont bien entendu

donn coeur- joie pour en rajouter. Les rits concernant ses capacits de voyance, samatrise des lments et ses dons de thaumaturge par simple imposition des mains sontpeut-tre de cette nature. Mail il est en revanche certain que, l'image de beaucoup depenseurs universels de cette poque, c'est la fois un philosophe, un moraliste, unastronome, un physicien, et un lgislateur. Mais sous le mathmaticien perce

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l'occultiste -le nombre selon lui renvoie une ralit transcendante -et le moralisten'est tel que parce qu'il veut perptuer l'ancienne tradition des Mystres initiitiques.

Le merveilleux est prsent ds sa naissance, et pythagore lui doit son nom. Letroisime matre de l'cole no-platonicienne aprs Plotin et Porphyre, Jamblique,

rapporte que le pre de pythagore, Mnsarque, voulant entreprendre un voyage enSyrie, consulta la Pythie sur la manire dont il se droulerait, et sur les bienfaits qu'ilcomptait en retirer. C'tait la coutume cette poque de ne rien entreprendred'important sans consulter au pralable l'oracle.

La Pythie le rassura sur ce point. Et elle ajouta: "De plus, Parthnis, ta femme,accouchera durant ce 'temps d'un enfant exceptionnel tant en beaut qu'en sagesse. L'humanit sera comble de ses bienfaits".

Ces prvisions s'tant avres en tous points exactes, Mnsarque nomma son fils

Pythagore, ce que l'on peut traduire par : celui qui a t annonc par la Pythie.Ses extraordinaires dispositions se rvlrent ds son enfance. Il eut les meilleurs

prcepteurs, dont le mathmaticien Thals, un nom que tu connais, car un thorme degomtrie porte son nom. Il les surpassa bientt.En ces temps l, les jeunes gens bien-ns, et qui manifestaient de semblablesdispositions, voyageaient travers le monde pour parfaire leur ducation, et presqueinvitablement, ce priple les emmenait jusqu'en Egypte, qui restait le berceau de laconnaissance. L'pisode de la fuite en Egypte de Jsus et de ses parents, narr dans le

Nouveau Testament, est sans doute une allgorie qui tmoigne que Jsus, lui aussi,reut les initiations secrtes dispenses dans les sanctuaires qui s'levaient sur la terredes pharaons.

pythagore rsida vingt-deux annes en Egypte. Il en apprit la langue, et y subit lesinitiations secrtes que dispensait encore ce foyer spirituel du monde antique,initiations qui ne ngligeaient pas pour autant l'apprentissage des sciences exactes, afinde mieux cerner les secrets de la nature. En ces temps-l, science et conscience allaientde pair, et le fruit de leur union s'appelait la Sagesse. Voici ce que nous en ditJamblique: "Ilpassa vingt-deux annes dans les Temples de l'Egypte. Iltudia l la

science des astres et la science des figures gomtriques. Ily fut reu toutes lesinitiations des Dieux, sans courir ni n'importe comment. "

Mais le roi 'des Perses, Cambuse fils de Cyrus, fondit sur ce pays et le mit sac.pythagore fut emmen en exil Babylone, o il resta captif durant douze annes.

Libr, il retourna dans sa terre natale trente-quatre ans aprs l'avoir quitte. Mais

coeur par la corruption qui rgnait Samos, il embarqua pour Crotone, o il

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exera l'un de ses nombreux talents: l'loquence. En clair, comme Jsus, il se mit prcher aux jeunes, aux politiciens, lesquels lui offiirent la prsidence du Conseil de laville qu'il refusa, aux femmes et aux enfants. Le nombre de ses disciples grandissaitchaque jour, et son influence s'tendit bientt aux cits voisines. En cel, il rompait

avec la tradition des anciens Maltres qui n'enseignaient qu' peu de monde. Mais enmme temps, il s'y confIrmait, car la slection des candidats qui dsiraient intgrer lacommunaut qu'il avait fonde tait extrmement svre. Socrate et son disciple Platons'inspireront de cette manire de faire rellement novatrice. Il y a donc un aspectsotrique du pythagorisme, une morale, largement rpandue dans la foule qui couteses discours, une publicit initiatique avant la lettre, et un aspect sotrique, uneinitiation progressive, rserve uniquement ceux qui ont t reconnus aptes franchirla porte du sanctuaire, aprs une longue attente parseme d'preuves pnibles et

rigoureuses, qui testeront la capacit des postulants. L'impression physique quedgageait le candidat, notamment, comptait beaucoup. pythagore croyait en effet quel'tre humain irradie les secrets de son me. Sans doute faut-il entendre par l que leMatre de Crotone se livrait une lecture des auras. Quelques professions cependanttaient reconnues d'entre inaptes. Tous ceux qui versaient le sang humain ou animal,les mercenaires et les bouchers, n'avaient aucune chance de voir s'ouvrir les portes dutemple.

L'lite choisie par pythagore en personne recevra progressivement son enseignement,

et le dvoilement par tapes successives de la Vrit. Ce qui ne signifie pas que c'entait fini des preuves, loin de l. La rgle quotidienne tait extrmement svre,hirarchise l'extrme, un peu comme dans les collges anglais, et rgie par unediscipline de fer. Une vie communautaire asctique, partage entre l'tude, le travail, etles rites de purification, tait le lot quotidien. Il fallait donc bien que l'enseignementdispens soit exceptionnel, pour que tous acceptent de supporter ces contraintes sans

broncher. Et pour lutter contre le culte de la personnalit, peine avaient-ils t admisqu'ils perdaient immdiatement le privilge de pouvoir contempler le Matre et des'entretenir avec lui durant de longues annes. Rares taient les exceptions o il

s'adressait eux, dissimuls derrire un rideau. Comme six sicles plus tard, lesdisciples de Jsus, cette lite devra malgr tout tout abandonner pour suivre le Matre.Certains des disciples resteront auprs de lui pour l'assister. D'autres, comme le ferontles aptres, quitteront l'enceinte de la communaut pour aller rpandre "la bonne

parole" l'extrieur. Cette "bonne parole", et cette expression est on ne peut plus juste,car rien n'est crit, tout est transmis de bouche oreille, tait une synthse, mais non

pas un

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syncrtisme dnaturant, des principaux courants initiatiques qui perptuaient encore son poque la Tradition.Le secret le plus absolu sur tout ce qui touchait la vie de tordre et aux enseignementsdispenss tait de rigueur, sous peine d'exclusion immdiate. La pythagoricienne

Timycha prfra se couper la langue avec les dents et la jeter la figure du tyranDenys, plutt que risquer de lui exposer sous la torture un des secrets de l'ordre. C'estd'ailleurs l'occasion de te faire remarquer une des particularits du pythagorisme: ellesn'taient point exclues de rinitiation, mme si les communauts masculines etfminines taient nettement spares.Crotone ayant remport la victoire sur la rpublique voisine de Sybaris ne sut pas grercet heureux vnement. De grandes discordes naquirent entre le Snat et le peupleconcernant les terres ainsi remportes, et les institutions traditionnelles de la Cit ne

purent y survivre. Pythagore alors cessa de se manifester hors les murs de lacommunaut.

C'est alors qu'un dnomm Cylon, qui n'avait pas digr avoir t refus dans rordre,profita de ces temps troubls pour monter une cabbale contre le Matre qui ravaitddaign. Produisant la foule des faux, il excita les esprits chauffs, et ce fut unvritable massacre des disciples, et rincendie des btiments de rordre. Seloh certainschroniqueurs, pythagore prit en mme temps qu'eux. Selon d'autres, il russit s'enfuir. Quoi qu'il en soit, le lieu de sa spulture restera inconnu.

Pour en revenir ce qui constitue le sujet original de cette partie de notre entretien -uncode de bonne conduite -tu le trouveras dans les Vers dors. C'est tort qu'ils ont tattribus pythagore lui mme, car le Matre, comme j'ai dj eu roccasion de te le

prciser, n'a jamais laiss aucun crit."

L-dessus, D. se leva, il chercha longuement dans ses tiroirs, et en ressortit un longrouleau de papier. Il y avait dessus un texte en grec, et en-dessous de chaque ligne dutexte la traduction. Je reconnus rcriture de D., et lu entirement les Vers Dors. Puis,

je lui tendis de nouveau le rouleau."Garde-le, me dit-il. Tu me le rendras aprs avoir recopis ces vers dans ton Cahier.Inutile de perdre du temps recopier le texte grec cependant, le lecteur curieux peut en

prendre connaissance dans de nombreux livres.

A propos des lecteurs futurs de tes Cahiers, tche galement d'viter de narrer mesfaits et gestes si ce n'est pas utile la comprhension du rcit. Quand je cite un texte,

par exemple, inutile de prciser que je le lis dans un livre, le lecteur sait bien que je neconnais pas tout cela par coeur.Vois-tu en quoi ces vers rpondent ton attente ?

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-Pas trs bien, lui avouai-je.-Tu te souviendras leur lecture qu'ils possdent un double sens, comme tous lestextes initiatiques. Un sens exotrique qui, adapt aux conditions de notre poque, peutconstituer un bon guide de conduite quotidienne. Et un sens sotrique, que je vais

parfois aborder, m;lis qui n'est cependant que supputations de ma part. Car encore unefois, aucun des secrets sotriques des pythagoriciens n'a jamais transpir. Et je doism'appliquer moi-mme la mise en garde qu'aurait profre le Matre :

" S'il se trouve quelqu'un pour crire un livre dans lequel il prtend vous exposer unedoctrine sur les points qui me tiennent le plus coeur, qu'il croie les avoir appris demoi ou d'un autre, ou y tre parvenu de par lui-mme, sachez que cet homme necomprend rien la chose.

Car il n'existe pas d'crit de moi, traitant de ces cho.S'es, et il n'en existera Jamais.

Et cette connaissance ne se laisse pas transmettre comme une srie de thormes cen'est en effet qu'aprs une intime accoutumance avec son objet que, comme parl'embrasement d'un clair, la flamme jaillit et sa lumire persiste, sans ncessiterd'aliment extrieur. "

(Note de l'diteur: cette traduction des Vers dors a certainement t effectue par D.lui-mme ou t'une de ses connaissances, car ce que nous savons et nonobstant toutesnos recherches, elle n'est conforme aucune de celles qui avaient t effectuesantrieurement 1967. Aux dires d'un hlleniste, elle s'loigne tout aussi bien du mot-

-mot que de la transcription littraire. D. a sans doute traduit le grec dans t'intentiond'une part de rendre le texte plus explicite son lve, tout en s'efforant de faire

passer t'sotrisme qui pouvait se dissimuler derrire les lettres et les tournures dephrase, suivant en cel un procd kabbalistique courant appliqu pour t'occasion lalangue des Hellnes. )

"Premirement, tu honoreras les Dieux immortels, selon la place qui leur est donnepar la Loi.

Le dbut des Vers Dors concerne en fait ce que le disciple doit connatre du

mouvement de t'Univers et de t'ordre qui le rgit. La raison en est simple: l'hommetant un lment de cet univers doit se conformer pour guider sa vie ce que luienseigne cette tude, pour trouver en lui une harmonie semblable celle qui rgnedans le cosmos. Ces Dieux immortels figurent bien sr les diverses manifestations del'Unique. Ce sont notamment les Dieux plantaires, dont nous allons entreprendret'tude aujourd'hui.

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Selon la place, est-il dit, qui leur est accorde par la Loi. De quelle loi s'agit-il ? De laLoi qui rgit l'Univers, bien sr. Mais chez les humains, cette Loi se manifeste en tantque Loi du Karma. Il s'en suit que la place accorde aux Dieux immortels varie suivantchaque individu, en fonction de ses incarnations prcdentes, et de la mission qu'il doit

accomplir dans son existence prsente. La mission que je t'ai charg d'accomplir, etque tu as mene bien, t'tait personnelle; Elle est certes lie au premier degrinitiatique, mais elle tient compte galement de ta personnalit, de ce que j'appellerailes atouts de cette personnalit, et ses faiblesses. Toute mission karmique doit mettreles premires au service des secondes.Cela suppose bien sr. une connaissance approfondie de soi-mme, ce que la

psychologie moderne appelle rintrospection. C'est le fameux prcepte qui figurait aufronton du temple de Delphes: Gnauti Seauton, connais-toi toi-mme.

Mais l'introspection seule ne suffit pas, car on ne peut, surtout au dbut d'un parcourspersonnel, tre juge et partie en toute objectivit. Un regard extrieur s'avre doncncessaire. Ce regard extrieur, c'est celui du "matre" qui te prend en charge. Ce peuttre aussi rtablissement de ton thme de naissance, non pas dans le but de se livrer d'improbables prdictions, mais pour y lire les harmonies et les tensions qui rsultentde tes vies passes.

Ainsi, lorsque sans fausse humilit et sans aveuglement, tu auras fait le point sur toi-

mme, tu pourras alors symboliser tout ce que cet examen impitoyable t'a appris en le

rapportant aux dieux immortels de n'importe quel systme mythologique. Je dis bienn'importe lequel, car tous possdent une cohrence interne. Et tu pourras mettre ceslments en ordre, c'est dire mettre ta vie en ordre, ayant reconnu la place que chacun

tient dans ta vie, selon la loi du Karma qui est le reflet d.e la Loi.

-Pourquoi en passer par un travail symbolique ?-Parce que les langues courantes ne sont pas assez riches pour rendre compte de lasimplicit de cette Loi. Quand je dis pas assez riche pour rendre compte de la

simplicit, cela peut paratre une contradiction. On a plutt coutume de penser que la

richesse est la marque de la complexit. Mais en fait, il n'en est rien. Ce qui estcomplexe, comme l'a montr Descartes, se laisse dcomposer en lments simples. Et

ce sont ces lments simples qu'il est impossible de nommer sans avoir recours au

discours symbolique.

Tu respecteras galement le Serment. Ensuite, tu honoreras les hros couverts degloire.

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Le serment dont il est ici question, c'est celui que les pythagoriciens formulaient aumoment de leur initiation.

Quant aux hros couverts de gloire, ce sont ceux qui remplissent toute littraturemythologique, et qui, plus proches de nous que les Dieux immortels, puisqu'ils sont

humains, peuvent alors servir l'adepte que tu es de modles difiants.Et les dmons qui rsident sous terre, en faveur desquels tu pratiqueras lesrites qui les libreront.

Ces dmons qui rsident sous terre, et qu'il faut cependant honorer, ce sont les "mes"des morts. Selon les pythagoriciens, notre me, fusion d'une partie d'ther chaud etd'une partie d'ther froid, est prisonnire du corps, o elle mne une lutte constantecontre ses appels imprieux.

Pythagore croyait en l'immortalit de l'me. Cel faisait d'ailleurs partie de

l'enseignement d'un des grades initiatiques des pythagoriciens qui confrait l'entredans l'ordre des Sbastiko. Dsormais, munis d'une mantra sacr, les Sbastifcotaient assurs d'chapper la loi de la rincarnation.

Mais tous les humains n'auront pas cette chance aprs leur mort, et ce, en raison desactes qu'ils accomplirent dans leur vie prcdente. L'me, disent les

pythagoriciens, est pese aprs la mort C'est une image commune nombre dereligions. Certains se rincarneront, et une nouvelle occasion de libration leur seraalors donne.

Entre deux incarnations, ces mes errent, misrables, dans l'Hads. Sachant, commetout initi, que l'individu n'est qu'une abstraction commode, mais qu'elle ne corresponden fait aucune ralit, puisque nous sommes les membres d'un projet global qui anom Unit, et par l-mme relis tout ce qui est, fut et sera, les pythagoriciensrecommandent de se livrer aux cultes qui libreront ces mes dchues. C'est l le sensinitiatique du culte que l'on doit rendre aux morts.

Honore aussi ton pre et ta mre, et tous ceux qui sont membres de ta famille.

C'est l un prcepte exotrique, enseign par toutes les religions, mais aussi par toutes

les morales agnostiques, la famille tant une des bases de la socit.Mais c'est aussi un enseignement initiatique. Pourquoi sommes-nous ns tellepoque, dans tel milieu~ de tels parents ? Pour l'initi, la rponse toutes ces questionsest la mme que prcdemment: en vertu de la Loi du Karma. Ainsi, mme si le milieudans lequel nous sommes ns semble ne pas nous convenir, c'est par unemconnaissance de notre relle destine que nous serions amens nous rvoltercontre un tel tat de fait. n est le milieu qui nous tait destin, en vertu de nos

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existences passes. Honorer nos parents, quel que soit le jugement que l'on porte sureux, c'est reconnatre l'existence, la ncessit et la prminence de cette Loi. Ces

parents sont ceux que la Loi nous a donns, en vertu de nos existences passes et denotre destin venir .

Parmi ceux qui ny appartiennent pas, tu ne donneras ton amiti qu' celui qui a sufaire preuve d'une haute vertu.

Laisse-toi emporter par ses conseils pleins de douceur, et prend modle sur ses actes

salutaires.S'il a commis quelque faute sans importance, ne t'emporte pas contre lui

Si cel t'est possible, to.ut au moins : car ce qui estpossible rside non loin de ce qui

est ncessaire.

Le sens exotrique de ce passage n'chappera personne. Il faut faire preuve dediscernement dans le choix de ses frquentations, suivre les bons exemples et savoir

pardonner, l'intransigeance vertueuse, comme le rappelait le Christ tant procheparente de l'troitesse d'esprit et de l'orgueil.Mais l'enseignement initiatique perce sous le mode de conduite. Lorsqu'il arriva Crotone, pythagore s'adressa d'abord aux jeunes gens de cette ville, et il exalta devanteux les vertus de l'amiti." Un ami est un autre soi-mme Il, leur dit-il. Et il ajouta:"Quand je suis avec mon ami, je ne suis plus seul et nous ne sommes pas deux"

Ainsi donc, l'amiti relle est la premire des vertus que nous devon's cultiver, car elle

est la premire exprience que nous pouvons faire qui nous permette d'chapper lasolitude de l'individualit, la premire exprience d'une fusion qui n'ait rien de charnel.C'est cette mme amiti pour son ami La Botie qui fait de Montaigne un auteurinspir.

Il te faut le savoir: c'est ainsi. Et pour tout ce qui suit, tu dois t'efforcer d'en avoir la

pleine matrise.

Ce sont premirement ton apptit, ton sommeil, l'embrasement qu'entranent les dsirs

des sensEt le feu brlant de la colre. Toute action rprhensible est proscrire, qu'elle soit

commise en compagnieOu de ton seul fait. Mais ce qui importe avant toutes choses, c'est que tu puisses

conserver le respect de toi-mme.Ce qui est juste doit conduire chacun de tes actes, chacune de tes paroles.

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pythagore rclame quatre vertus de ses adeptes que l'on pourrait ainsi qualifier: lediscernement, source de sagesse, la matrise de soi, la temprance et le sens de la

justice; il serait plus juste de dire: le sens de la juste mesure.

Il est intressant de noter que Platon, au livre IV deLa Rpublique, rclamesemblablement quatre vertus cardinales, qui sont la Sagesse, le Courage, laTemprance et la Justice, prcisant que les trois premires de ces vertus servent conduire la quatrime. Il applique d'abord sa maeutique l'Etat, puis il glisse versl'individu. Est juste, dit-il, celui qui accomplit la tche qui est la sienne. Encore unrappel de la Loi du Karma.

La leon des pythagoriciens est simple. L'initiable doit tout d'abord matriser, pour se

librer, tout ce qui provient des sens et des besoins du corps. Matriser , mais non pasignorer. L'ascse n'est pas une punition ni une vertu en soi. Ce que l'on mconnat, ceque l'on refoule, revient toujours la surface, et souvent de manire dtourne etterrible. Il convient au contraire, aprs avoir pratiqu le fameux "connais-toi toimme", de se livrer des exercices d'attention, de pratiquer une vigilance de tous lesinstants qui ont pour but non pas de faire taire le dsir, mais de le gouverner pour

pouvoir le sublimer .

C'est pourquoi, ds le premier grade initiatique dans l'cole pythagoricienne, chez lesAcousmatiques, on enseignait, en mme temps que les secrets du symbolisme, lapsychologie, la liturgie des cultes divers et la physiologie, diverses techniques demditation. Elle seule, finalement, peut mener cette vigilance de tous les instants.

L'initi est galement quelqu'un de responsable. Il ne saurait chercher dans une

mauvaise compagnie, dans une influence pernicieuse, quelque excuse que ce soit un

acte rprhensible. Et la vigilance doit concerner chacun de nos actes, chacune de nos

paroles, chacune de nos penses.

Habitue-toi, en toutes circonstances, n'agir qu'aprs avoir mrement rflchi.Un matre d'cole ne dirait rien d'autre dans son cours de morale.

Mais la rflexion qui prcde l'action est aussi une exigence spirituelle. D'abord, parcequ'elle passe au crible de l'intelligence et de la mditation runies tout ce qui vientspontanment l'esprit, et dont les origines sont souvent mal dfinies. Ensuite, parcequ'un acte rflchi mrite seul le qualificatif d'acte responsable. Et que l'initi veille ne rien engager la lgre, ne rien faire dans sa vie qui pourrait lui faire perdre lerespect qu'il doit avoir de lui-mme, et peser lourd dans sa dette karmique.

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Et n'oublie jamais que la mort est le destin auquel nul ne peut chapper. Prendl'habitude de gagner ou de perdre, avec une humeur gal; les biens matriels de cette

terre.

Puisque au bout du compte, nous n'emporterons pas dans la tombe les biens matriels

que nous avons pu accumuler durant notre prsente existence, la possession ou la nonpossession des biens de ce monde ne saurait nous affecter. Ce n'est pas l que rside levrai bonheur.Les pythagoriciens cependant ne recommandent pas spcifiquement la voie de la

pauvret, l'image de Diogne le cynique qui n'avait pour seul toit qu'un tonneau. Lavoie force du dnuement n'est pas la voie, parce qu'elle est encore une volont. C'esten esprit que nous devons accepter sans que cela nous affecte tout ce qui nous estdonn, que ce soit satit, pauvret ou richesse. La volont nous rattache notre

individu. L'acceptation au contraire de ce que nous donne la grce divine et le destinest la voie du dtachement, laquelle nous sommes ici convis.Quant aux malheurs par lesquel les destines divines prouvent les tres himains

S'ils doivent pour ta part t'affliger, tu sauras les supporter sans manifester la moindreindignation.

S'il est en ton pouvoir d'en viter les traits, fais-le donc autant que tu le pourras, maissache cependant

Qu' ceux qui cultivent la Sagesse, il n'est pas dans les habitudes de Destin d'infliger

de tels maux.

C'est toujours le mme principe: conserver une humeur gale devant tout ce qui arrive,mais l encore sans excs, sans rechercher la douleur pour la douleur, sans se montrermasochiste. Donc, s'il est en ton pouvoir d'viter une preuve, fais-Ie. Ne va pas de toi-mme te jeter au milieu de l'arne, ce serait un suicide.

Les maux qui nous sont infligs sont comme la douleur, des signaux d'alarmeinformant qu'une harmonie est brise. Cette harmonie fut rompue cause des "fautes"que nous avons commises dans notre vie prsente ou dans nos prcdentesincarnations. S'adonner au plaisir de la douleur, la mortification, c'est croire en faitque ce simple signal a une vertu salvatrice. Or, il n'en est rien. Ce qui importe, c'estqu'ayant reconnu par un long travail de clairvoyance concernant soi-mme l'origine detels maux, et les prenant pour ce qu'ils sont, des messages d'alerte que nous transmet ladestine, nous entreprenions fermement de remdier un tel tat de fait.

Les hommes reoivent de nombreuses inspirations ; les unes sont empreintes del'ilnie, les autres de vertu

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Pour tout ce qui va suivre maintenant, il importe que tu ty conformes sans que apuisse subir la moindre exception.

Ne permes personne, par ses paroles ou par ses actes, de te pousserSur la pente de discours ou d'agissements qui iraient l'encontre de ton intrt

propre.La rflexion doit prcder tout acte, ainsi, tu viteras de commettre des folies.

Car c'est une marque de faiblesse de faire ou de profrer des inepties.Ce qui doit guider ton action: demande-toi toujours si ce que tu projettes de faire, tune risques pas de le regretter plus tard

Cultiver l'amiti est une chose. Se laisser influencer en est une autre. L'adepte, surtoutquand il est jeune, doit savoir faire preuve de force de caractre et ne pas se laisserblouir par une personnalit plus forte que la sienne qui pourrait l'induire sur les

chemins de l'errance. Chacun est seul juge de ses penses, de ses actes et de leursconsquences. Il ne faut jamais l'oublier.

-Cela va l'encontre de ce que vous avez dit prcdemment. Etre seul juge, n'est-cepas renforcer l'go ?

-Oui, si l'go juge en fonction de lui-mme, et de ses intrts propres. Mais on voitbien que ce n'est pas un tel jugement qu'il est fait rfrence, car le propre de l'ego,c'est de ne juger qu' court terme. A quel "plus tard" sommes-nous, selon toi, ici

renvoys ? Ou, pour poser autrement ma question, quand donc risquerions- nous deregretter ?-Aprs la mort.

-Exactement, aprs la "pese des mes" ; quand nous nous apercevrions en fait que

nous sommes alls contre courant de l'tincelle divine qui est en nous.

Ainsi donc, l'aune de ce jugement, ce n'est pas l'individu, mais la tche que nousdevons accomplir durant notre existence, et que nous devons auparavant avoir mise envidence grce au "Gnauti Sauton".

Ce que tu ne sais pas faire, abstiens-toi de l'entreprendre. Et veille n'apprendre

Que ce qu'il est bon que tu connaisses. Ainsi, si tu suis ces recommandations, tu serasheureux tous les jours de ta vie.

Le monde est plein d'incomptents, c'est bien connu. Et les incomptentsaccomplissent mal ce qu'ils ne savent pas faire. Cette rflexion semble de prime abordfrappe au coin du bon sens, mme si elle n'est que peu applique.

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Mais dlaissons le terrain de l'exotrisme et de la morale quotidienne, et essayonsd'aller voir plus loin que le simple horizon des conseils paternels. Existe-t- il un filmauquel ce passage te fasse penser ?

-Non, je ne vois pas, dis-je aprs quelques instants de rflexion. -A "Lapprenti

Sorcier", voil ce quoi a me fait penser pour ma part. A cet lve trop press quidclanche des catastrophes de par son ignorance. L'adepte vritable, lui, ne s'essayepas ce qu'il ne matrise pas. Il sait trop que la chane des consquences peut lui tremasque.

Entreprendre uniquement ce que l'on sait faire, est-ce l le seul secret du bonheurindividuel est collectif ? Non. Car toute entreprise, mme parfaitement matrise, doitune fois de plus tre juge l'aune de la Loi du Karma pour chacun de nous, et du

bonheur de l'humanit si elle est collective, les deux tant d'ailleur.s troitement lies.C'est ce que l'on appelle un projet tlologique, car l'acte n'est pas jaug en fonction de

sa russite, pas plus qu'il ne doit se contenter de satisfaire une vaine curiosit. C'estune inversion par rapport ce qui est aujourd'hui monnaie courante dans le domainescientifique. Les scientifiques cherchent pour chercher , pour le plaisir de ladcouverte, et la connaissance est devenue en soi une raison d'tre, dont ils ne sont

plus que les esclaves. Il en est aprs qui poussent des cris d'indignation et qui accusentles politiques, les militaires ou les marchands d'avoir utilis leurs dcouvertes desfins nfastes. Les plus hypocrites se justifient en clamant qu'ils n'ont jamais voulu cel,les plus cyniques sacrifient sur l'autel du dieu progrs qui, tel Moloch, risque

d'engloutir ses adorateurs dans le feu de ses entrailles. Ces justifications ne peuventconstituer une excuse. On est toujours responsable de toutes les consquences de tousses actes, quels qu'ils soient. C'est la Sagesse Eternelle qui le proclame depuis la nuitdes temps. Mais en admettant mme que ces hommes de culture n'en sachent rien, ilsne peuvent ignorer l'adage: " Science sans conscience n'est que ruine de l'me".

Jamais tu ne ngligeras la sant de ton corpsEt c'est pourquoi tu sauras garder lajuste mesure dans la boisson, dans tonalimentation, et dans l'exercice que tu prendras.

pythagore recommandait ses disciples la danse, qui donne la souplesse du corps etentretient la sant, et les dambulations dans les sanctuaires ou les bois sacrs, c'est dire ceux qui se trouvent l'intrieur de l'enceinte que ne franchit point le vulgaire.

-Mais pourquoi donc faut-il prendre tant soin de ce corps prissable ? N'est-il pas une

simple enveloppe ? Ne fait-il pas partie de ces "biens" illusoires, au mme

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titre que l'argent et les possessions de toutes sortes, que nous devrons abandonner au

moment de notre mort ?

-Quand tes parents se prparent recevoir quelqu'un pour lequel ils ont de l'estime,

que font-ils ?

-ns nettoient la maison.

-Pourquoi ?

-Pour ne pas que l'on puisse dire que ma mre ne sait pas tenir son foyer.-(D. clate de rire). Oui, mais encore ?-Par respect pour celui qui nous visite.-Exactement.

Or, ton corps, qui ne t'est que prt, qui est prissable, a un autre statut que tous autres

biens en ce bas monde. n est la maison qu'habite l'tincelle divine qui est en toi. C'estpar respect pour cette divinit que tu dois t'en proccuper, de mme que tu ne feraispas loger dans une porcherie un hte que tu vnres.

Mais il y a une autre raison de soigner le corps. Nous avons vu que tous les efforts del'initiable tendent faire taire le mental, et fusionner l'ego, le sujet implicite du "je

pense", du "cogito"cartsien. Alors, vers quoi nous retourner pour servir de filconducteur toutes nos interprtations du monde et de la ralit ? La rponse,

Nietzsche qui s'tait abreuv la source des sages de la Grce antique nous l'a donne:

il faut se tourner vers le corps, non pour l'adorer narcissiquement, mais pour unesimple question de logique:"Le phnomne du corps est un phnomne plus riche, plus explicite, plus saisissableque celui de l'esprit: il faut le placer au premier rang, pour des raisons de mthode,

sans rien prjuger de sa signification ultime ".

Le corps ragit comme devrait ragir l'initiable, tout au moins s'il marchecorrectement, ce qui suppose qu'on l'entretienne parfaitement. Le corps en bon tat demarche ignore le dualisme moral entre le bien et le mal, il ne sait tre bien que ce qui

est bon pour lui. Lorsque l'indigestion menace, il renvoie ce qui engorge l'estomac.Lorsqu'il n'est plus aliment, il cre la sensation de faim. Lorsque le microbe s'insinue,que l'infection menace, il envoie pour les combattre des agents biologiques, dont letravail, au sens physique du terme, est la cause de l'augmentation de la temprature.

Dans l'esprit, le doute, le mensonge, les ruses de notre inconscient, avec lesquels noussommes toujours tents de pactiser, peuvent s'insinuer. Le corps ne ment pas, si nouslui permettons grce des soins attentifs de n'envoyer que des signaux qui proviennentuniquement de ses besoins et non pas du mental, et si nous

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savons les couter et les satisfaire jusqu' ce qu'il ait obtenu satisfaction, mais jamaisau-del. Au del, calmer la faim devient gourmandise, s'abreuver ivrognerie, et fairel'amour lubricit. Un corps sain est un modle observer. Fonctionner en espritcomme fonctionne un corps sain, c'est dj tre sur la Voie.

Et ce que je nomme juste mesure peut facilement se dfinir: c'est tout ce qui ne te nuitpoint.

Voil qui a au moins le mrite de la clart, la lumire de tout ce que nous avonsnonc prcdemment: la juste mesure, c'est ce qui se rvle aprs une tude attentivede la Loi du Karma.

Ton existence sera simple et modeste; tu ne te laisseras pas aller la mollesse. Et tu tegarderas bien de provoquer l'envie de ton entourage. L encore, nous sommes mis enprsence de prceptes qui relvent de la morale la plus lmentaire: simplicit,

modestie et discrtion.Allons plus loin, comme nous avons appris le faire. Faire montre d'orgueil, devantardises, de faiblesse dans le but d'tre apprci, d'talage de luxe ou de sesqualits, c'est prouver par l-mme que l'on veut charmer autrui, et que c'est le regardde l'autre qui devient le juge en lieu et place de la Loi du Karma.Si je viens d'employer l'expression: "aux yeux des autres", c'est dessein. l'oeil tientune trs grande place chez les pythagoriciens, ainsi qu'en tmoigne ce texte d'un desleurs, Empdocle.

"Et de mme qu'un homme qui se propose de sortir par une nuit orageuse se munit

d'une lanterne, flamme de feu brillante autour de laqu

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