ERGONOMIE ENTRE CONCEPTS ET METHODES

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Exposé magistral E R G O N O M I E E N T R E C O N C E P T S E T M E T H O D E S Les concepts Voyons pour commencer le noyau conceptuel central de l’ergonomie. Bien entendu, d’autres concepts que ceux nous traiterons ici participent au champ conceptuel de l’ergonomie qui, discipline récente, a largement eu recours à d’autres disciplines pour développer ses propres concepts. D’autre part les concepts de l’ergonomie sont en interrelation. Ils forment un champ conceptuel. Ainsi le concept de « travail réel » implique ceux de tache, d’activité, de situation et de variabilité. Sauf exception, les concepts ne sont isolés. Globalement, l’ergonomie a pour objet de comprendre le travail pour contribuer à la conception et a la transformation des situations de travail en agissant de façon positive sur les dispositifs techniques et les moyens de travail, sur les environnements de travail, sur l’organisation et les hommes (compétences, représentations…). C’est donc une discipline qui vise l’action pour améliorer la santé, la sécurité, le confort des personnes au travail ainsi que l’efficacité du travail (cf. fiche 5). Les hommes (au sens d’<< être humains >>) qui réalisent des actions ergonomiques sont divers : depuis les ergonomes professionnels jusqu’aux opérateurs eux-mêmes en passant par les concepteurs, les médecins du travail, les membres des comités d’ hygiène et de sécurité... Ce sont tous des << acteurs ergonomiques >> (cf. fiche 2), mais, bien entendu, la nature et l’ampleur de leurs actions sont différentes. Le travail en ergonomie est analysé comme l’activité d’une personne, avec ses effets positifs et négatifs pour la personne et pour l’entreprise. L’ergonomie analyse l’écart existant entre le travail prescrit a l’opérateur et le travail réellement réalisé par celui-ci. Elle a développé des concepts

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Exposé magistral

ERGONOMIE

ENTRE

CONCEPTS ET METHODES

Les concepts

Voyons pour commencer le noyau conceptuel central de l’ergonomie. Bien entendu, d’autres concepts que ceux nous traiterons ici participent au champ conceptuel de l’ergonomie qui, discipline récente, a largement eu recours à d’autres disciplines pour développer ses propres concepts. D’autre part les concepts de l’ergonomie sont en interrelation. Ils forment un champ conceptuel. Ainsi le concept de « travail réel » implique ceux de tache, d’activité, de situation et de variabilité. Sauf exception, les concepts ne sont isolés. Globalement, l’ergonomie a pour objet de comprendre le travail pour contribuer à la conception et a la transformation des situations de travail en agissant de façon positive sur les dispositifs techniques et les moyens de travail, sur les environnements de travail, sur l’organisation et les hommes (compétences, représentations…). C’est donc une discipline

qui vise l’action pour améliorer la santé, la sécurité, le confort des personnes au travail ainsi que l’efficacité du travail (cf. fiche 5). Les hommes (au sens d’<< être humains >>) qui réalisent des actions ergonomiques sont divers : depuis les ergonomes professionnels jusqu’aux opérateurs eux-mêmes en passant par les concepteurs, les médecins du travail, les membres des comités d’hygiène et de sécurité... Ce sont tous des << acteurs ergonomiques >> (cf. fiche 2), mais, bien entendu, la nature et l’ampleur de leurs actions sont différentes. Le travail en ergonomie est analysé comme l’activité d’une personne, avec ses effets positifs et négatifs pour la personne et pour l’entreprise. L’ergonomie analyse l’écart existant entre le travail prescrit a l’opérateur et le travail réellement réalisé par celui-ci. Elle a développé des concepts

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spécifiques pour comprendre le travail : l’analyse de la tâche porte sur les dimensions matérielles du travail et l’analyse de l’activité concerne ce que fait l’opérateur. Elle insiste particulièrement sur les régulations que l’opérateur est amené à effectuer pour prendre en compte la singularité et la variabilité des situations. L’ergonomie s’intéresse particulièrement aux effets du travail sur les personnes et l’entreprise ainsi qu’a ses déterminants, c’est à dire aux facteurs qui conditionnent ou influencent le travail des opérateurs au sein des situations de travail. Parmi ces effets elle s’intéresse notamment a l’ensemble des atteintes à la santé et pas seulement aux accidents du travail et aux maladies professionnelles reconnues comme telles. C’est pourquoi elle analyse aussi les caractéristiques des situations en termes d’ambiances de travail, de risque, de sécurité, de fiabilité, dans une perspective de prévention et de gestion des risques. Elle s’intéresse également à l’ensemble des effets positifs du travail sur l’homme, notamment au développement des compétences comme effet du travail L’homme dont l’ergonomie analyse le travail n’est pas un << homme moyen », mais un être singulier. L’ergonomie s’attache donc a saisir les êtres humains clans leur diversité (différences inter—individuelles), dans leur variabilité (variations intra—individuelles résultant par exemple des rythmes circadiens, de la fatigue. . .), dans leur évolution a moyen et long terme : développement des compétences, vieillissement... Elle peut ainsi cerner de façon précise les caractéristiques de la population au travail.

Fiche 1 : Qu’est-ce que l’ergonomie ? L’ergonomie a pour objet de comprendre le travail pour contribuer a la conception et a la transformation des situations de travail en agissant de façon positive sur les dispositifs techniques et les moyens de travail, sur les environnements de travail, sur l’organisation et sur les hommes (compétences, représentations. . .). Cette action prend en compte : — les caractéristiques physiologiques et psychologiques des êtres humains en activité dans des situations socialement finalisées, notamment au travail ; — les objectifs que ces êtres humains poursuivent, leurs intentions propres, le sens et la signification de leur activité ; — les objectifs et finalités de l’entreprise.

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Les critères de l’action ergonomique menée dans l’intérêt des personnes et des entreprises concernent d’une part la santé, la sécurité, le confort et les compétences des personnes, d’autre part l’efficacité et la qualité du travail. Deux courants principaux coexistent dans le domaine de l’ergonomie : - une ergonomie des Human factors qui est centrée sur les caractéristiques (anthropométriques, physiologiques, cognitives...) des hommes a prendre en compte pour la conception ou la transformation des systèmes (par exemple les systèmes hommes-machines). C’est une ergonomie des composants humains des systèmes. Elle permet, par exemple, de définir la taille ou la forme des symboles qui seront affichées sur un écran d’ordinateur afin qu’ils soient lisibles sans difficulté par les utilisateurs, les caractéristiques d’un siège... Cette approche, principalement développée par les anglo-saxons, est actuellement dominante au plan international. - une ergonomie centrée sur l’activité des hommes au travail qui s’appuie sur l’analyse du travail réel pour contribuer a la transformation et/ ou a la conception des situations et des systèmes de travail. Elle permet, par exemple, en analysant le travail réel d’un opérateur, de déterminer les informations dont l’0pérateur doit disposer pour réaliser son travail et ainsi de définir des caractéristiques essentielles d’une nouvelle situation de travail. La définition de l’ergonomie adoptée par la Société d’ergonomie de langue française (SELF) s’inscrit dans ce courant de l’ergonomie du travail réel. L’ergonomie est définie comme << l’adaptation du travail à l’homme par la mise en oeuvre de connaissances scientifiques relatives à l’homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés par le plus grand nombre avec le maximum de confort, de sécurité et d’efficacité. » C’est une ergonomie du travail réel. Cefte approche, principalement développée dans les pays francophones, tend actuellement à se répandre dans l’univers anglo-saxon. Ces deux approches en ergonomie sont complémentaires : l’ergonomie des composants humains assure une adaptation de base aux caractéristiques des opérateurs ou des utilisateurs indépendamment des contextes. L’ergonomie de l’activité assure l’adaptation aux exigences des contextes et du travail réel en situation. Enfin, l’ergonomie ne se préoccupe pas seulement du travail. L’ergonomie du produit s’intéresse principalement aux objets de la vie quotidienne avec, comme pour le travail, des approches de type Human factors ou de type activité. Pour aller plus loin LAVILLE A. (1986). L'ergonomie. Paris, PUP, (Coll. Que sais-je ?). MONTMOLLIN M. (de) (s / d) (1997) [1995Vocabulaire de l’ergonomie. Toulouse, Octa- res Editions. OBORNE D. I. (1995). Ergonomics at Work: Human Factors in Design and Development. Chichester: John Willeys & Sons.

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Fiche 2 : Qu’est-ce qu’un acteur ergonomique ? La réponse apportée traditionnellement et implicitement a cette question par l’ergonomie est que l’acteur principal de la démarche ergonomique est l’ergonome. Bien entendu, il n’est pas le seul a intervenir dans la démarche ergonomique, les demandeurs, les opérateurs, les concepteurs traduisant le diagnostic en solution sont depuis longtemps reconnus comme intervenants. Mais ils ne le sont pas au même titre que l’ergonome, ils le sont en fonction de leur statut ou de leur spécialité dans l’entreprise. Cependant, il est apparu progressivement qu’il était illusoire de penser que le point de vue et l’action ergonomiques pouvaient être seulement portés par les ergonomes. Il est, a l’évidence, impossible qu’un ergonome soit présent dans chaque situation ou se joue l’adaptation du travail aux hommes. La diffusion d’une partie du savoir ergonomique aux acteurs de ces situations afin qu’ils puissent intervenir d’un point vu ergonomique est une des réponses a ce problème. La normalisation est une des voies suivies Elle consiste à traduire une partie des connaissances ergonomiques (mais aussi physiologiques, psychologiques. . .) en règles et normes qui peuvent être mises en oeuvre, notamment dans le cadre de la conception, par exemple par des projeteurs ou des ingénieurs. L’action sur la situation est privilégiée au détriment de la compréhension du travail réel. Elle est, pour l’essentiel, limitée a l’être humain comme organisme fonctionnant avec ses caractéristiques et propriétés. ll est presque absent en tant qu’être intentionnel et finalise (cf. fiche 4). C’est, pour l’essentiel, une approche de type Human factors. Une seconde voie est la formation a l’ergonomie de ceux qui ont une possibilité d’action sur les situations de travail. C’est ainsi que des formations destinées à des acteurs institutionnels ont vu le jour : — en direction des représentants des opérateurs (responsables syndicaux, dirigeants, cle CH—SCT...) ; — en direction des cadres de l’entreprise (notamment les chefs de projets en conception industrielle, des médecins du travail...) ; — en direction des opérateurs, pour qu’ils puissent intervenir directement au niveau de leur propre travail et de leur propre situation. lls sont ainsi appelés a devenir des acteurs ergonomiques dans Yentreprise. La formation des élèves de lycées professionnels s’inscrit clans cette dernière perspective. Ces formations ont longtemps été pensées << en creux >> par rapport à l’ergonomie et aux ergonomes. L’expression de << formation à l’ergonomie pour non-ergonomes >> est encore fréquemment utilisée. Nous pensons qu'il vaut mieux considérer que ces non-ergonomes sont également des acteurs ergonomiques clans l'entreprise, même s’ils ne le sont ni de la même façon, ni dans les mêmes conditions que les ergonomes. C’est pourquoi il est nécessaire, clans chaque situation, de préciser ce que sont les rôles et les responsabilités des différents acteurs ergonomiques. En ce qui concerne les opérateurs formés en lycée professionnel en tant qu’acteurs ergonomiques, le système éducatif vise à leur donner les capacités suivantes : — la capacité de gérer au quotidien leur travail et leur situation de travail pour qu’elle ne devienne pas ergonomiquement problématique. C’est une perspective de

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vigilance ergonomique et d'incorporation du point de vue ergonomique dans le tissu quotidien du travail ; — la capacité à identifier un problème ou une situation problématique comme relevant de l’ergonomie : c’est un premier niveau qui peut conduire à alerter dans le bon sens et précocement pour que le problème soit traité dans la bonne perspective et — peut être surtout — a temps : — la capacité a appréhender les acteurs concernés pm la situation problème, leurs positions et, plus généralement, leurs enjeux : — la capacité a produire de l’intelligibilité, de la compréhension autour du problème, de sa nature, des relations entre les déterminants et les effets via l’activité en situation éventuellement en allant jusqu’à une forme de diagnostic ; — la capacité à agir sur la situation ou a designer des voies d’action qui permettent le traitement de situation problématique : — au-delà de ces aspects individuels, la capacité a inscrire l'ergonomie dans les dimensions collectives et sociales du travail et du traitement ergonomique des problèmes dans l’entreprise.

Fiche 3 La notion de travail en ergonomie Le travail est une activité finalisée d’un homme concret et socialement situé. L’homme au travail est engagé dans un triple rapport - Un rapport a une production (impliquant l’0btention de résultats) : Jules et Zora travaillent dans la même entreprise. Il est tourneur sur machine-outil a commande numérique et Zora est directrice des ressources humaines. Jules doit assurer l’usinage de pièces métalliques à partir de dessins et de procédures de réalisation dans des temps donnés et en respectant des critères de qualité. Zora doit gérer l’ensemble des personnels de l’entreprise, définir les évolutions de compétences nécessaires, élaborer le plan de formation et les parcours individualisés de chacun. .. L’un et l’autre doivent produire. Bien entendu ce qui est produit, les modes de production et l’évaluation des résultats sont profondément différents. Mais l'un et l'autre sont engagés dans un rapport de production. - Un rapport à soi-même aux plans corporel, cognitif, affectif : ]ules, par exemple, a demandé que l’on installe un palan auprès de sa machine pour ne plus avoir à soulever à la main les pièces trop lourdes. Il peut protéger son dos qui le fait souffrir. A 57 ans, il est considéré par ses collègues comme un compagnon très compétent : au cours du temps, il a élaboré ce qu’il appelle des << trucs pour faciliter le travail » qui sont en réalité le résultat d’une réflexion approfondie sur l’usinage du métal. Il en est secrètement fier et craint plus que tout qu’un plan social ne le force ii la pré-retraite. Ce n’est pas pour des raisons financieres. Les conditions de depart dans cette entreprise sont bonnes. C’est parce au’il aime ce travail dans lequel il a le sentiment d’aooir pu réaliser certaines de ses potentialités. - Un rapport aux autres hommes : Zora, au cours d’un entretien, demande à ]ules s’il accepte d’encadrer un jeune qui arrive dans l’entreprise en << contrat de qualification » pour l’aider a apprendre le métier. ]ules et Zora sont en rapport entre eux, mais aussi avec le jeune au’ils vont, chacun a leur place, contribuer a former. Zora rencontre aussi Iules au cours des séances du CH5-CT ou il est représentant élu du

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personnel. L’une et l’autre sont également en rapport avec d’autres collègues au sein des équipes de travail... Le travail est caractérisable par ses déterminations et par ses conditions (internes ou externes a celui qui travaille) Elles sont le plus souvent contractuellement fixées. Elles peuvent porter : — sur la nature, la quantité et la qualité des résultats, contractuellement définis, qui sont évalués ; — sur les modalités de production de ces résultats, en particulier en termes de temps passé et de lieu où le travail doit être réalisé, de mode opératoire, de procédure ; - sur les dispositifs techniques, objets ou moyens des activités ; — sur les formes et modalités de coordination et de négociation avec les autres acteurs de différents niveaux (autres opérateurs, concepteurs, encadrants...) ; — sur la rémunération (pas seulement salariale) ; — sur l’état et les caractéristiques de l’opérateur (santé, competences.). Le travail est caractérisable par ses effets : — la production des effets recherchés (qualité, quantité. . .) ; — la production d’effets non recherchés, négatifs (exemple, l'atteinte à la santé) ou positifs (exemple, le développement des compétences par l’expérience) ; Ces effets concernent d’une part l’entreprise au sens large et son environnement (aux plans technique, économique, humain, social. . .), d’autre part les hommes qui réalisent le travail, enfin les systèmes sociaux concernés. Le travail est caractérisable en termes d’activité de la personne : — par les actions réalisées, les décisions et les compromis, leurs élaborations et mises en oeuvre ; — par la gestion continue de l’engagement de la personne dans la situation et le travail (avec elles même et avec les autres, en rapport avec les buts de l’activité) ; — par les compétences qui fondent cette activité et que cette activité permet en retour de construire et développer. La compréhension du travail par l’ergonomie passe par une mise en relation des déterminants du travail avec l’activité des personnes et les effets qui en découlent

Fiche 4 : L’Homme au travail pour l’ergonomie L’Homme, tel qu’il est pris en compte par l’ergonomie, est un être humain en activité dans des situations professionnelles ou dans des situations de la vie quotidienne, de formation, d’activités sportives... La prise en compte de l’Homme par l'ergonomie se situe à deux niveaux : — l’ergonomie prend en compte les caractéristiques et propriétés fonctionnelles des êtres humains dans leur diversité (caractéristiques anthropométriques, capacités perceptives, propriétés du fonctionnement cognitif, par exemple). Ce niveau est celui de l’homme comme organisme fonctionnant. ll est celui pris en compte de façon préférentielle par l’approche en termes de Human factors ; — l'ergonomie prend en compte l’être humain comme acteur intentionnel dont les actions sont finalisées en situation de travail. Elle s’intéresse à ce qui est significatif pour cet acteur aux plans cognitif, social, affectif en tenant compte de son engagement dans la situation. Ce qui est significatif est constitué, d’une part par ce

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qui est conscient ou conscientisable. Ce sont aussi, d’autre part, toutes les dimensions de l’activite non conscientes directement liées a l’engagement du sujet dans la situation. Ces deux dimensions relevent de méthodologies d’analyse différentes. La prise en compte de l’homme comme acteur intentionnel est plutôt le fait de l’ergonomie centrée sur l’activité. L’Homme au travail pris en compte par l’ergonomie n’est pas un << homme moyen » mais un être singulier. L’ergonomie s’attache donc à saisir les êtres humains dans leur diversité (différences interindividuelles), dans leur variabilité (variations intra-individuelles résultant par exemple des rythmes circadiens, de la fatigue. . .), dans leur évolution à moyen et long terme (développement des compétences, vieillissement...). L’ergonomie se préoccupe des effets du travail sur les êtres humains pour : - en saisir la nature ; - en comprendre les causes ; - agir dans le but de réduire les effets négatifs et de développer les effets positifs. Par exemple, lorsque nous écrivons à la main, nous sommes conscients du contenu de ce que nous écrivons, mais le maintien du stylo lui-même, les gestes que nous faisons sont en général hors du champ de notre conscience. La caractérisation ergonomique de l’homme au travail est à distinguer des conceptions issues de la vie professionnelle ou de la vie courante que traduisent de multiples termes tels que, par exemple : — travailleur (ce terme renvoie plutôt au champ de signification des luttes sociales) ; — client (renvoie au champ de signification des relations marchandes) ; — utilisateur (définjt le sujet par sa relation à ce qui est utilisé [outil, dispositif, service...]) ; — usager (terme proche du précédent, mais plus centre sur les services au public) ; acteur (renvoie plutôt au champ des relations sociales [acteurs sociaux]) ; — agent (souvent utilisé pour désigner une entité réalisant une action, ce peut être un homme, un système technique...), — sujet (terme ayant une connotation psychologique [attention de ne pas mélanger sujet d’une expérimentation et sujet du travail réel !) — opérateur (c’est le terme le plus fréquemment utilisé [y compris en ergonomie], mais il reste porteur d’une lourde hérédité [l’opérateur comme porteur de l’opération taylorienne]).

Fiche 5 : L’entreprise Dans les sociétés contemporaines, les entreprises occupent une position centrale à la fois en tant qu’agent et lieu de production et en tant que groupe humain. L’entreprise est d’abord une entité qui élabore et distribue des produits matériels ou immatériels destinés à satisfaire les besoins économiques individuels et collectifs. Elle est créatrice de valeur ajoutée par le travail de ses salariés et par ses investissements, et elle se trouve à l’origine de la majeure partie du produit de la nation, mais aussi de la revalorisation constante du capital investi en son sein. L’entreprise est aussi un lieu où s’organise une vie sociale à laquelle participent des milliers de personnes tout au long de leur vie active. Le pilotage et la gestion de

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l'entreprise se trouvent, de ce fait, confrontés à des problèmes de nature mixte, économique et sociale. On peut définir l’entreprise comme étant un groupe hurnain a vocation économique, capable de mettre en oeuvre des strategies face a un environnement et de faire appel a des méthodes empiriques et parfois scientifiques pour son pilotage et sa gestion. Juridiquement, l’entreprise peut prendre de multiples formes. Il est possible de les regrouper en trois grandes catégories : — l’entreprise individuelle (c’est la structure qui se confond avec la personne de son propriétaire) ; — l’entreprise sociétaire (c’est l’entité ou plusieurs personnes mettent en commun des capitaux pour créer une société. Il existe plusieurs types de sociétés [la société en nom collectif, la société a responsabilité limitée, la société anonyme]) ; — les groupes qui sont le regroupement de plusieurs sociétés souvent gérées par une société financière, un holding. L’entreprise poursuit des objectifs divers : — les uns de nature économique (objectif de survie en faisant face a ses dettes, objectif de croissance et de profit en réalisant des investissements) ; — les autres de nature non économique (ceux des dirigeants en tant qu’indiviclus, ceux des groupes sociaux [actionnaires, travailleurs . . .]). Tous ces objectifs sont étroitement liés Ies uns aux autres et leurs hiérarchisations expriment les préférences diverses de tous ceux — groupes ou individus ~ qui sont concernés par le fonctionnement de l’entreprise. L’ergonomie considère l’entreprise comme une institution économique, sociale, technologique et culturelle. L’entreprise constitue en termes de finalités et d’objectifs, de moyens et d’environnement, de production effective, un champ d’organisation des rapports des hommes en situation professionnelle. L’ergonomie prend en compte Ies caractéristiques de l’entreprise qui sont des déterminants directs ou indirects (dispositif technique, organisation du travail et de la production, population, relation aux marches...) ou des effets (production, qualité, dysfonctionnement) du travail réel. Ces caractéristiques sont décrites et analysées aux différents niveaux de chaque entreprise particulière dans leur diversité, variabilité et dynamique évolutive. L’ergonomie prend également en compte l’entreprise comme un ensemble d’acteurs intervenant dans la gestion ergonomique des situations de travail avec des points de vue et des logiques d’intérêts divergents. L’entreprise est a la fois porteuse de problèmes et de besoins susceptibles de s’exprimer en attentes et en demandes, mais aussi acteur produisant et faisant, dans certains cas, évoluer les situations de travail à partir de critères ergonomiques ou en réponse à des diagnostics ergonomiques internes ou externes.

Fiche 6 : La population

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L'ensemble des êtres humains qui composent une catégorie particulière constitue la population correspondant à cette catégorie. L’ergonomie s'intéresse à la population des hommes et des femmes au travail et plus largement en activité, c'est-a-dire engagé dans cles situations de travail rémunéré, de la vie quotidienne, de formation, de sport... En ergonomie, la population se définit par sa ou ses propriétés caractéristiques Par exemple : — le sexe (population masculine / féminine) ; — l’âge (population jeune / vieillissante) ; — le métier (population de soudeurs, d’informaticiens, de caissieres...) ; — l’expérience acquise (population de travailleurs clébutants et/ ou population de travailleurs expérimentés.) ; —les caractéristiques anthropornétriques (population d'hommes de plus de lm9O, par exemple) ; — l'origine socioculturelle (population rurale/ population cle langue française. . .) ; — les capacités physiques (population de handicapés, cl'accidentés...) ; — les fonctions (population des agents de maitrise/ population des opérateurs de base...). L’ergonomie est particulièrement concernée par les effets du travail sur les personnes et les caractéristiques cle la population peuvent être des indices permettant d’identifier et de comprendre certains effets du travail. L’ergonomie s’intéresse notamment : — au bilan sanitaire, aux accidents ; — aux flux de personnel ; — à l’absentéisme et au turn-over ; — à l’ancienneté dans l’entreprise, la profession et dans les différents types de postes ; — à l’âge... La population se définit aussi par son extension plus ou moins large : - la population des informaticiens de France/ de l‘entreprise/ de l'atelier ; - la population féminine clans l'industrie de la chaussure en France/ la population féminine de l'usine de chaussures de Cholet. On effectue souvent des comparaisons par rapport a une population de référence plus large et/ ou a d'autres types de populations pour établir des hypothèses sur les relations entre les caractéristiques d'une population particulière et l‘activité de travail et ses effets. Il n'existe pas d'homogénéité absolue a l'intérieur de chaque population et cette caractérisation s'accompagne toujours cl'une prise en compte de la diversité, de la variabilité et de la dynamique évolutive pouvant exister a l'intérieur de chaque population. Les principales sources qui permettent d’obtenir des informations sur la population, dans une entreprise, sont les suivantes :

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— le bilan social ; — les registres du personnel ; — le rapport hygiène, sécurité et conditions de travail ; — le rapport annuel du médecin du travail ; — les responsables directs des personnels sur les lieux de travail. Ces différents documents peuvent se trouver soit au service du personnel ou auprès des instances representatives du personnel (Comité d’entreprise, CH-SCT. . .).

Fiche 7 : Travail prescrit et travail réel L’ergonomie distingue classiquement le << travail prescrit » et le << travail réel ». Cette distinction ne doit pas être confondue avec la distinction entre tache et activité. Le concept de travail prescrit renvoie à tout ce qui est défini par avance par l'entreprise (et naturellement ses personnels) et donné à l’opérateur pour définir, organiser, réaliser et régler son travail. Le concept de travail réel renvoie au travail tel qu’il se réalise concrètement dans le bureau, l’atelier ou le service. Le travail prescrit et le travail réel s’analysent notamment en termes de tache et d’activité. Il y a toujours un écart, parfois considérable, entre le travail prescrit et le travail réel, un écart souvent ignoré, méconnu, voire, dans certains cas, nié dans l’entreprise. Par exemple : un opérateur qui conduit une machine produisant des joints en caoutchouc a comme consigne de contrôler deux joints toutes les trente minutes. Lorsqu’il constate des défauts ale surface, il doit arrêter sa machine et faire appel au régleur. L’ergonome qui analyse son travail constate qu’il effectue des contrôles toutes les 10 à 15 minutes et qu’il modifie fréquemment la température de fusion ou la pression d’injection a la suite de ces contrôles. L’opérateur lui explique qu’en effectuant des contrôles fréquents suivis de légers réglages, il parvient, le plus souvent, a éviter l’apparition de défauts importants et peut ainsi éviter de faire appel au régleur. Cet opérateur réalise un travail réel différent du travail prescrit. Alors que sa tache lui prescrit d’arrêter la machine en cas de défauts, il s’est donné un but différent : éviter l’apparition de défauts. Pour cela, il effectue des contrôles plus fréquents et des réglages non prevus. L’écart entre travail prescrit et travail réel est susceptible de concerner l'ensemble des dimensions du travail. Par exemple — les objectifs et les buts que l’opérateur se donne, ne sont as nécessairernent ceux qui sont prescrits par l’entreprise ; — les résultats obtenus peuvent également différer des résultats prescrits aussi bien dans l’ampleur de ce qui est atteint que dans leur nature ; — les modes opératoires mis en oeuvre par l’opérateur ne sont pas seulement fonction des procédures prescrites, mais aussi de ses compétences, de la variabilité et de la diversité au sein des situations de travail ; — les outils, instruments et machines sont également susceptibles d’être utilises pour des objectifs et selon des modalités différentes de ce qui est prévu ou prescrit.

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L’écart entre travail reel et travail prescrit a des origines multiples. Par exemple : — il est impossible de prescrire le travail dans tous ses détails et, de ce fait, le travail reel excède toujours le travail prescrit ; — l’opérateur gère en permanence la variabilité et la diversité propres à toutes les situations de travail dans la réalisation de son travail reel qui ainsi s’éloigne de ce qui est prescrit ; — l’opérateur peut avoir des difficultes pour se representer un travail dont la prescription est parfois obscure ou très lacunaire ; — l’opérateur redéfinit également le travail à partir de ses propres objectifs et systèmes de valeur. Pour aller plus loin NOULIN M. (1992). Ergonomie. Memento DEGE. Paris, Techniplus.

Fiche 8 : Tâche et activité Les concepts de tache et d’activité font l’objet d’un débat en ergonomie. Pour certains auteurs, la tâche se confond avec le travail prescrit et l'activité avec le travail reel. Pour d’autres auteurs, ces concepts doivent être distingués. C'est ce point de vue qui est développé dans cette fiche? On définit couramment la tache comme le résultat qui est attendu de l‘individu plus ou moins explicitement, dans des conditions imposées pour l'exécution. À un premier niveau, on considérera que << la tâche, est un but donné dans des conditions déterminées ». Par exemple : l’opérateur doit monter les composants électroniques (but) en suivant l’0rdre défini par la gamme et en utilisant simultanément les deux mains (conditions). L’ergonomie ne s’intéresse pas à une tâche unique, mais à plusieurs types de tâches différentes. On en distinguera deux groupes : les tâches élaborées sans l’intervention de l’opérateur, les taches élaborées par l’opérateur. Les tâches élaborées sans l’intervention de l’opérateur La tâche à réaliser C'est la tâche telle que la conçoit le concepteur du processus ou du moyen de production, sans qu'il l'explicite toujours et sans qu'il se représente nécessairement précisément lui-même la manière de la réaliser. La formulation en est souvent très lapidaire. Exemple : l’opérateur surveillera la machine automatique. La tâche prescrite C'est la tâche telle qu'elle est définie et présentée par celui qui en commande l'exécution. Elle vise a orienter l'activité en définissant les buts, les conditions et contraintes de réalisation, les critères et valeurs à respecter. C'est donc en principe la tache que doit réaliser l’opérateur. Exemple : L’opérateur doit alimenter la machine, mettre la production en caisse après vérification de la qualité. Il doit surveiller la machine et la production et arrêter

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la machine en cas de défaut. En général elle est au moins partiellement exprimée par écrit dans des documents de type gamme, définition de fonction... La tâche attendue C'est la tache dont la réalisation est réellement attendue. La tache attendue peut n'être pas conforme à la tache prescrite dans la mesure où tout n'est pas discible ou avouable : la prescription peut, par exemple, indiquer qu’il est obligatoire de suivre les procédures définies par le système qualité, alors que l’on attend en réalité de l’opérateur qu’il ne les applique pas lorsque cela retarderait une livraison urgente. L’attendu peut également ne pas être exprimé parce que tellement évident et supposé partagé par tous qu'il apparait inutile de le préciser. Par exemple, dans le cas de la rédaction d'un texte, on souhaite que le texte soit lisible, compréhensible, et qu'il ne contienne pas de fautes d’orthographe, ce qui n'a pas besoin d'être dit explicitement. Pour une même situation, la tâche attendue peut varier selon qu’elle est attendue par le prescripteur, un responsable hiérarchique direct ou un directeur plus lointain. Les tâches élaborées par l'opérateur La tache redéfinie Confronté a une tache prescrite et/ ou attendue, l’opérateur l’interprète en fonction des moyens dont il dispose et des contraintes qu'il se fixe (ou qu'on lui fixe). Le but et/ ou les conditions prescrits et attendus par l'entreprise peuvent alors ne plus correspondre a ceux que se fixe l’opérateur. Il est essentiel, pour comprendre son activité, de comprendre la tache qu’il se redéfinit. Par exemple, l’opérateur va se donner comme tâche redéfinie de faire en sorte que les pièces réalisées respectent les critères ale qualité même lorsqu’il ne met pas en oeuvre les procédures prescrites par le système qualité. C’est l’opérateur qui peut en général renseigner l’analyste sur la tache redéfinie. La tache effective C'est la tache effectivement réalisée par l’opérateur en fonction des exigences de chaque situation singulière. À chaque réalisation de la tâche redéfinie correspond une tache effective (ou tache réelle). La tache effective, c’est la tache redéfinie réalisée. Elle peut être décrite à partir de l’observation de l'activité. Activité : ce qui se fait dons une situation singulière. Chaque tache a ses exigences (qui dépendent du système sociotechnique, de l'organisation...), et chaque individu a lui même ses exigences (physiques, physiologiques, psychologiques. . .). 4. Par exemple M. Noulin (1995). 5. L’activité n’est pas entendue ici au sens défini dans la cadre des théories de 1’activité. Pour une approche de cette conceptualisation, voir Y. Clot ( 1995a). L'activité est la réponse que l'individu met en oeuvre pour réaliser la tâche L’activité peut, comme la tache, être prescrite : il peut, par exemple, être prescrit aux opérateurs de réaliser les transports de charge correspondant a leur tache en utilisant uniquement les << bons gestes » enseignés lors d’un stage gestes et postures.

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ll peut également y avoir une activité attendue différente de l’activité prescrite : on attend en réalité des opérateurs qu’ils assurent les transports de charge définis dans la tache, même s’ils doivent mettre en oeuvre d’autres gestes que les << bons gestes ». Enfin, l’activité peut, comme la tache, être redéfinie par l’opérateur. L’activité effective (ou réelle) est ce que l’opérateur fait réellement lorsqu'il est confronté à une situation concrète. L'activité ne répond donc pas forcément aux exigences de la prescription, mais elle dépend des contraintes que le sujet se fixe, des modes opératoires dont il dispose, de la variabilité des situations. Elle est finalisée par le but intériorisé, la représentation qu'il se construit du travail à réaliser, de la tache et de l’activité telle qu'il se les redéfinit, et éventuellement se prescrit. Comme pour la tache, il y a donc des écarts entre activité prescrite attendue, redéfinie et réelle. L'activité effective (ou réelle), c’est la réponse de l'opérateur a la tache (ou aux taches) clans une situation singulière. Aussi, compte tenu de la diversité et de la variabilité des individus et des situations, on peut, pour une même tache, observer des activités très différentes. L'activité comprend de multiples dimensions : affective, cognitive, physique... Elle peut s'analyser à partir des comportements (gestes, postures, déplacements...), des verbalisations liées directement à la réalisation du travail ou qui l’accompagnent (révélatrices des situations conflictuelles, de stress...) et plus généralement à partir de ce qui est facilement observable ou recueillable. À partir de ces observables, les mécanismes cognitifs qui règlent le comportement (évaluation, raisonnement, représentation, résolution de problèmes. ..), Les composantes affectives de l’activité peuvent être inférées. Les verbalisations des opérateurs en autoconfrontation sont alors particulièrement précieuses, car elles permettent de recueillir le point de vue des opérateurs en tant que sujets de leur propre activité. Tache et activité : des concepts différenciés pour analyser le travail L’analyse de la tâche Elle se fait en référence au processus de production, a ce qui arrive aux choses (états, changements d'état, transformations, quantité et qualité des résultats obtenus), aux conséquences sur l'entreprise. Les hommes peuvent être mentionnés dans une analyse de la tache, mais c’est en référence au processus cle transformation des choses. Analyser les différents niveaux de la tache précédemment définis permet de rendre compte des contraintes de l’organisation, des lacunes du système, des sources cle variabilité et cle diversité auxquelles sont confrontés les opérateurs. L’analyse de l'activité Elle est centrée sur ce que fait l'opérateur, ses actions, son fonctionnement, ses intentions, ce qui est significatif pour lui, à partir de la manière dont il agit face à la tache. La tache peut être mentionnée clans une analyse de 1'activité, mais c’est en référence a l’activité et a sa cohérence propre. L’analyse cle l’activité permet de comprendre les modes de fonctionnement de l’opérateur face aux situations de travail, sa manière de gérer la diversité et la variabilité des éléments de la situation qui sont pertinents pour atteindre les buts qu‘il s'est fixés, son mode cl‘organisation

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(actions, prises d’informations, gestion du temps...), ainsi que les conséquences de l’activité sur l’opérateur. En pratique, en ergonomie l’analyse du travail comprend à la fois des analyses en termes de tache et d’activité. L’analyse de la tache appréhende le travail en référence à la cohérence propre du processus de production (c’est la cohérence de ce qui arrive aux choses), l’analyse de l’activité appréhende le travail en référence a la cohérence de la conduite de l’opérateur. Chaque type d’analyse s’appuie sur un ensemble de concepts spécifiques du domaine qui en constitue la référence : l’univers des choses et de ce qui leur advient pour la tache, celui des hommes, de leurs fonctionnements et de leurs conduites pour l’activité. Bien entendu, ces deux types d’analyses sont en interdépendance et doivent être menées en parallèle. La figure 1 présente un exemple simplifié d'analyse en termes de tache effective et d'activité réelle du travail d'une opératrice qui effectue la plonge dans un restaurant d’entreprise. L’activité est analysée ici seulement sous l’angle des postures. Cependant la tache et l’activité ne suffisent pas a rendre compte du travail qui comprend bien d’autres dimensions : les rapports sociaux, la rémunération...

Fiche 9 : Déterminants et effets L’ergonomie, pour comprendre le travail, cherche à identifier, d’une part les facteurs qui conditionnent ou influencent le travail réel des opérateurs : ce sont les déterminants du travail réel, d’ autre part les effets de ce travail. Déterminants Les déterminants sont liés à une multiplicité de facteurs que l’on regroupe fréquemment en deux catégories, d’une part les hommes, d’autre part l’entreprise. — Du côté des hommes, on trouve des caractéristiques générales (sexe, âge, caractéristiques anthropométriques comme la taille, et psychophysiologiques comme l'acuité visuelle ou auditive. . .) et des caractéristiques liées a la variabilité comme le

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niveau de fatigue ou le cycle nycthéméral (jour / nuit), et a l’évolution comme le vieillissement ou le développement des compétences. — Du côté de l’entreprise, on trouve les éléments liés au contexte (social, économique. . .), à l’organisation (temps de travail, taches et leur répartition. . .), aux dispositifs matériels et techniques (espaces de travail, outils et machines...) et à l’environnement (ambiances physiques, toxiques. . .). Effets Les effets, également multiples, sont appréciés d’une part au niveau des hommes, d’autre part au niveau de l’entreprise. — Du côté des hommes, on trouve des effets à court terme (par exemple la fatigue ou les douleurs dorsales qui s’installent progressivement au cours de la journée. . .) et les effets a moyen ou long terme (dégradation irréversible de l'état de santé, développement des compétences. . .). Les effets se manifestent aussi au plan collectif (par exemple la modification de la structure de la population ou l’évolution des collectifs de travail. . .). Ils peuvent être positifs ou négatifs. — Du côté de l’entreprise, on apprécie les effets sur des dimensions multiples (efficacité du travail, qualité de la production ou du service, taux de rebut. . .). Les effets peuvent également être positifs ou négatifs et sont appréciés a court, moyen ou long terme.

Fiche 10 : Situation de travail C’est le contexte concret ou les hommes réalisent une production matérielle ou immatérielle, dans des conditions de travail et de sécurité données. La situation de travail est également un système constitué de nombreux éléments. Nous retiendrons plus particulièrement ceux qui vont déterminer et conditionner le travail réel des opérateurs. Le dispositif technique et matériel : — le processus technique, son état, ses flux et les contraintes qu’il impose ; — les machines, outils, objets de travail ; — l’environnement physique (locaux, espaces, bruits, vibrations, éclairage, ambiances thermiques. . .). L’organisation du travail : — contenu des taches, consignes ; — mode de rémunération ; — circulation d’informations ; — normes quantitatives et qualitatives de production ; — modalités de contrôle des résultats du travail. .. Les hommes et leurs compétences Ils sont les acteurs des situations de travail, ils contribuent aux évolutions des situations sur lesquelles ils peuvent agir dans certaines limites. L’ergonomie s’intéresse aux situations de travail de deux points de vue - Le premier point de vue est centré sur la compréhension des causalités dans les situations de travail. L’ergonomie distingue, au sein des situations, des déterminants

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du travail réel et des effets de celui-ci. Ces déterminants et effets caractérisent d’une part les hommes et d’autre part l’entreprise.

- Le second point de vue est orienté par l’action de conception ou de transformation des situations de travail. Ce sont cette fois les caractéristiques de la situation sur lesquelles il est possible et légitime d’agir du point de vue de l’ergonomie. Sont prises en compte : l’organisation, les personnes, les dispositifs matériels en tenant compte de l’environnement socio-économique de travail.

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Fiche 11 : Diversité, variabilité, dynamique évolutive Diversité La diversité correspond aux différences qui existent entre les individus composant une population (par exemple, les opérateurs d’un même atelier) ou entre les éléments de l'entreprise (exemple : diversité de l’outillage). La diversité se définit de façon synchronique : on parle de diversité pour caractériser les différences à un même moment. Diversité inter- et intra- populations. Les différences interindividuelles caractérisent la diversité existant à l’intérieur de chaque population particulière. Les différences interindividuelles peuvent, par exemple, porter sur : — les caractéristiques personnelles (âge, sexe, caractéristiques psychophysiologiques...) ; — les compétences (metier, expérience acquise. . .) ; — l‘état instantané (fatigue, stress...) ; — les représentations. L'homme moyen n'existe pas L'ergonomie s‘intéresse aux hommes dans leur singularité, c’est pourquoi elle analyse la diversité des populations auxquelles elle a à faire. Les caractéristiques anthropométriques des individus sont différentes a l’intérieur d’une même population (il y a, par exemple, des grands et des petits). ll y a également des différences entre populations (ainsi, certains peuples, les pygmées par exemple, sont, en moyenne, plus petits que les autres). La caractérisation de ces différences vise à permettre l’adaptation des situations aux caractéristiques des différentes personnes de la population. Par exemple a calculer la hauteur des sièges d’une voiture et l’amplitude du réglage en fonction de la population des Utilisateurs a laquelle elle est destinée. Diversité des situations de travail Il existe également une grande diversité des situations de travail : - en ce qui concerne les dispositifs techniques (outils, machines, logiciels, espace de travail, technologie...) ; - en ce qui concerne l’organisation (flux, temps de travail, taches prescrites, tache réelle, consignes. . .) - en ce qui concerne l’environnement (ambiances physiques, contexte). L'ergonomie recherche la meilleure adéquation possible du travail aux caractéristiques de chaque population et a la diversité existant : l'intérieur de chacune d'elle. Cela implique la recherche de l'adaptati0n et l'adaptabilité du dispositif technique, de l’organisation et de l’environnement a la diversité des hommes et des situations. Variabilité La variabilité est une caractéristique intra-individuelle ou interne à un phénomène. Elle se définit de façon diachronique : il s’agit de différences dans le temps. Variabilité intra-individuelle L'être humain n‘est pas dans un état constant. Le travail fait appel aux ressources physiques, mentales et affectives de l'être humain. Or celles-ci varient notamment :

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— en fonction de son état physique, il peut par exemple être plus ou moins fatigue ; — en fonction de son état psychique, il peut avoir, par exemple, plus ou moins le moral. Ces variations dépendent de l’activité de la personne : on est ainsi, en général, plus fatigue en fin de journée qu’au début. Elles dépendent aussi des rythmes biologiques et psychologiques : - circadiens. Le rythme veille-sommeil est un rythme circadien, c’est à dire un rythme dont la période est de 24 heures. Les postes de nuit sont, de ce fait, en général plus difficile que les postes cle jour. Le décalage horaire lie aux voyages en avion de longue durée entraine un dessalage du rythme circadien ; — ultradiens. Le rythme cardiaque est un exemple de rythme ultradien, c’est à dire un rythme dont la période est inférieure a 24 heures ; — infradiens. Le cycle menstruel chez la femme est un exemple de rythme infradien, c’est à dire un rythme dont la période est supérieure a 24 heures. Il peut y avoir plus de différence chez une même personne entre nuit, matin et après-midi qu'entre des sujets différents. Variabilité de la situation La situation de travail n'est pas stable. Elle est soumise à différents types d’aléas qui sont des sources de variabilité par exemple : — le fonctionnement plus ou moins régulier cles dispositifs techniques (outils qui s’usent, machines en panne, espaces plus ou moins encombrés, ambiances fluctuantes...); — lorganisation du travail (flux, horaires, travail posté, tache supplémentaire, tache inattendue. . .) ; — les produits utilisés dont les caractéristiques ne sont pas constantes ; — le travail réel des autres opérateurs. .. La variabilité cle la situation de travail peut avoir des conséquences : - sur la production en affectant sa qualité, sa quantité, en conduisant à des rebuts ; - sur la sécurité des personnes, mais aussi parfois des systèmes ; - sur la santé des opérateurs. La gestion de la variabilité est toujours une dimension importante de l’activité de l’opérateur. Par exemple : Dans une entreprise produisant à la chaine, une opération d’encollage avait été transférée a un robot ce qui se traduisait par de nombreux rebuts L’analyse du travail des 0pérateurs effectuant la même opération avec succes a montré qu’ils géraient en permanence les diflerences de fluidité et d’accroche de la colle liées aux variations atmosphériques. Cette dimension de gestion de la variabilité, composante importante de leur travail réel, avait échappé aux concepteurs du robot. Dynamique évolufive Comme pour la variabilité, il s’agit de variations diachroniques, mais qui cette fois touchent à l’évolution de l'entreprise, de la situation et des hommes a moyen ou long terme. Pour l’homme, par exemple — les compétences évoluent avec l’âge et l’expérience ; elles peuvent se développer, mais aussi, pour certaines, régresser ;

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— le vieillissement peut créer des limitations fonctionnelles, voire des handicaps physiques, mais aussi s’accompagner de leur compensation par la mise en oeuvre par l’opérateur de stratégies adaptées (par exemple, permettant de délimiter le coût physique du travail, de conserver la performance. . .). Pour l’entreprise, il peut s’agir, par exemple : — de l’évolution de la nature ou des conditions de la production. Dans une entreprise automobile, par exemple, une stratégie de reconception des pièces mécaniques est mise en place pour réduire le nombre d’usinages et limiter la diversité des pièces ; — de l’évolution des choix organisationnels (par exemple, passage au flux tendu) ; — de l’évolution du parc machines l’automatisation, robotisation, mais aussi mise en conformité de la sécurité des machines...

Fiche 12 : La régulation dans une situation de travail Dans le travail, l’homme est amené à effectuer des régulations pour rendre en compte la singularité et la variabilité des situations. La régulation peut être mise en oeuvre selon deux modes Par adaptation L’opérateur s’adapte a la situation pour réduire l’écart par rapport a une norme fixée. Bien souvent, il n'existe pas de solutions préétablies puisque la situation de travail est variable. L’opérateur doit alors mettre en oeuvre des actions prenant en compte les éléments de chaque nouvelle situation qui se présente à lui.

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Par exemple, il prévient un incident en réduisant la vitesse de la machine ou en rajoutant de l’huile au niveau d’un moteur. Par arbitrage Face a une situation dans laquelle les éléments ont des valeurs en contradiction : sécurité, qualité, contort, quantité produite, l’opérateur va arbitrer, c’est-a-dire faire des choix. Il établit un compromis entre les éléments de la situation dont les valeurs s’opposent. Ce compromis peut étre : - équilibré (par exemple, l’équilibre est conservé entre les exigences de production et la charge de travail) ; - non équilibré (par exemple, l’efficacité du travail est rnaximalisée au détriment de la santé ou de la sécurité de la personne au poste de travail). L’opérateur ne peut pas établir n’imp0rte quel compromis. Seuls certains compromis sont réalisables ou acceptables. On utilise souvent le concept de << marges de manoeuvre » pour désigner l’espace des compromis possibles pour l'opérateur et les limites qu’il ne peut ou ne doit pas franchir sans risques pour lui ou pour l’entreprise. Pour aller plus loin GUERIN F., LAVILLE A., DANIELLOU F., DURAFFOURG ]., KERGUELEN A. (Edition revue, 1997). Comprendre le travail pour le transformer. L11 pratique de l'ergonomie. Pans, ANACT. (Chapitre 3-VI).

Fiche 13 : Les compétences L’usage de la notion de compétence en ergonomie est assez recente. Cela tient à ce que l’ergonomie, centrée sur l’adaptation du travail à l’homme, a considéré avec une certaine suspicion les approches visant a agir sur les compétences des hommes. Elles pouvaient apparaitre comme poursuivant un but oppose : l’adaptation des hommes au travail. Cette position a cependant progressivement évolue et le champ de la formation est de plus en plus investi par l’ergonomie dans deux directions principales - le transfert a la formation des méthodes et concepts développés par l’ergonomie et la psychologie du travail. L’analyse du travail pour la conception ou la réalisation des formations en est un bon exemple. - le recours à la formation comme moyen d'action de l’ergonomie, soit pour agir sur les compétences professionnelles des personnels (par exemple dans le cadre de la reconception d’un process de production), soit pour développer les compétences ergonomiques d’acteurs ergonomiques de l’entreprise. C’est dans cette seconde perspective que se sont développées les formations destinées à divers acteurs ergonomiques (syndicalistes et représentants des personnels, concepteurs, mais aussi les opérateurs eux même, au travail d’ab0rd et maintenant en formation initiale). La notion de compétence a été développée dans divers contextes et champs disciplinaires : psychologie, linguistique, didactique, pédagogie, ergonomie... On retrouve dans leurs différentes définitions l’idée que les compétences sont ce qui permet à un acteur de produire un comportement ou une performance.

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Dans cette perspective les compétences ne s’0pposent pas l’incompétence. Même une performance de mauvaise qualité ou un comportement peu adéquat sont le produit d’une ou de plusieurs compétences. Pour Bruner (1983), parler de compétences, c’est parler de l’intelligence opérative, du savoir comment plutôt que du savoir que. Les compétences pour l’action supposent en effet au moins trois choses : - que l'on soit capable de sélectionner dans la totalité de l'environnement les éléments qui apportent l’information nécessaire pour fixer une ligne d'action (activité qui porte, selon les cas, le nom de constitution cle schéma, d‘élaboration de programme...) ; - que, ayant défini une ligne d'action, on puisse mettre en œuvre une séquence de mouvements ou d'activités permettant la réalisation de l'objectif que l’on s'est fixé ; - que ce que l‘on a appris de ses réussites ou de ses échecs soit capitalisé pour être pris en compte dans de nouveaux projets. On le voit à travers cette définition, les compétences sont évolutives et fonction de l’histoire de la personne. Les compétences ne s’observent pas. Ce qui est observé : c’est la performance, le comportement. C’est à partir des éléments observables que l'on peut inférer, ou que l'on cherche à inférer les compétences. Dans le système d’enseignement professionnel français, les compétences sont définies essentiellement par les performances, bien que ce que l’on cherche à former soit effectivement des compétences. Ainsi, l’enseignant qui donne une pièce à usiner à un élève n’a pas pour objectif la réalisation de cette pièce (la performance), mais le développement des compétences d’usinage de l’élève. Une définition cle la compétence assez utilisée en ergonomie a été proposes par de Montmollin (1984). Selon cet auteur les compétences sont des ensembles stabilises de savoirs et de savoir-faire, de conduites types, de procédures standard, de types de raisonnement que l’on peut mettre en oeuvre sans apprentissage nouveau et qui sédimentent et structurent les acquis de l’histoire professionnelle ; elles permettent l’anticipation des phénomènes, le traitement cle l’implicite dans les instructions et de la variabilité des taches. Cette définition, pour intéressante qu’elle soit, suppose pour être opérationnelle que l’on clarifie ses différentes composantes : savoirs, savoir-faire, conduites types... Actuellement, la caractérisation des compétences est encore un objet de recherche dans différents champs disciplinaires. Pour aller plus loin BRUNER I. S. (1983). Savoirfazre ef srzvozr dzre. Pans, PUF. MONTMOLLIN M. (de) (1984). L'i2ztellige1zce de la tfiche. Eléments d'erg0n0mie cognitive. Berne, Peter Lang. MONTMOLLIN M. (de) (s/d), (19979) [1995]. Vocabulaire de l’ergonomie. Toulouse, Octares Editions.

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Fiche 14 : Santé et travail La santé se construit de façon dynamique en interaction avec l’envirormement. Elle est un équilibre dynamique entre le bien-étre physique, psychique et social, tout au long de la vie. L’individu est acteur de la construction dynamique de sa propre santé. Les relations santé-travail sont complexes et évolutives tout au long de la vie. Le travail est, d’une part source d’agressions (stress, toxiques, cadences, horaires, bruit...) qui peuvent se traduire par des atteintes : la santé, et d’autre part source de construction (les compétences s’y développent) et de réalisation de soi en tant que personne . Ses effets sont immédiats (l’exposition a un bruit instantané de 130 décibels peut entrainer une surdité définitive) et/ ou différés (l’expositi0n a un bruit de 95 décibels produira une surdité en plusieurs années). Relations Travail - santé l - Relation univoque négative. Exemple : l’exposition au plomb produit le saturnisrne. 2 - Relation réciproque. Exemple du chainage pathologique : une déficience visuelle et un travail a fortes exigences visuelles peuvent, lorsqu’ils sont associés, entrainer des douleurs dorsales. 3 - Une caractéristique du travail est à l’ origine de polypathologies. Exemple : le travail posté peut provoquer at la fois des pertes de sommeil, des troubles digestifs, des difficultés familiales. .. 4 - Le cumul de plusieurs causes peut être source d’effets sur la santé. Exemple : des mouvements répétitifs, en ambiance froide, avec effort de serrage peuvent provoquer des troubles musculo-squelettiques. - Le travail est également à l’origine d’effets positifs par exemple le développement de la confiance en soi qui peut résulter d’une reconnaissance de la compétence par l’entreprise ou par les collègues. - Les relations de causalités sont parfois directes, mais elles sont, le plus souvent, médiatisées par l’activité de l’opérateur (c‘est le cas, par exemple, pour les troubles musculo-squelettiques ou les compétences). L’approche de la santé par l’ergonomie vise à prendre en compte la santé au travail au sens large dans ses aspects positifs et négatifs. Elle s’intéresse à l’ensemble des atteintes à la santé et pas seulement aux accidents du travail et aux maladies professionnelles reconnues comme telles. Elle s’intéresse également à l’ensemble des effets positifs du travail sur l’homme, effets qui dépassent ce que l’homme de la rue considère comme le domaine traditionnel de la santé (par exemple le développement des compétences comme effet du travail). Cette prise en compte élargie de la santé au travail permet la conception et la transformation des situations cle travail en fonction de l’ensemble des critères de l’ergonomie. Les relations de causalité entre travail et santé peuvent prendre des formes multiples. Pour aller plus loin HODEBOURG ]. (1993). Le travail c’est la santé. Perspectives d’un symiicaliste. Paris, Editions Sociales. MARQUIE I.-C., PAUMES 1)., VOLKOFF s. (2001) [1995]. Le travail Cm fil de l’fige. Toulouse, Octares Editions.

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Fiche 15 : Risque, sécurité Définition du risque On parle de << risque >> (au sens large du terme) lorsqu’un événement quelconque est susceptible de se produire (cf. risque de pluie, risque de verglas, risque d’une rencontre). Il s’agit d’un événement parfaitement détermine, mais dont la réalisation, envisagée dans un futur proche ou lointain, n’est que probable (possible, mais pas certaine). Le plus souvent l’usage du mot << risque » renvoie à un événement peu apprécié : il est associé à l’évocation de conséquences négatives. Le terme << risque » évoque des événements possibles dont les effets sont a valeur négative pour quelqu’un ou quelque chose. Par exemple : - le risque de verglas est associé au dérapage sur route ; - le risque de pluie est associé a la détérioration des chemins de terre. Des mots tels que « coût, perte, dommage, préjudice, lésion, blessure », servent assez couramment à designer les conséquences de tels événements négatifs. Cependant, parfois, l’usage du mot << risque >> renvoie à un événement heureux. Par exemple : - le risque de gagner le gros lot ; - le risque d’être choisi pour un travail intéressant. Le risque dépend de la probabilité de production de l’événement non realise et envisageable. Celui-ci peut avoir peu de chances de se produire, par exemple, un tremblement de terre demain a Paris. Le risque est alors faible. Il peut au contraire avoir beaucoup de chances de se produire, par exemple, la collision de deux voitures demain a Paris. Le risque est alors fort. Dans le meilleur des cas, on peut donner une estimation chiffrée de la probabilité (un tel calcul intervient dans l’établissement des primes d’assurances). La gravite des conséquences d’un événement que l’on redoute est une autre composante de la notion de risque. Le risque dépend de l’importance des coûts, pertes, préjudices, dommages... que la réalisation de l’événement envisage entrainerait. Risque et danger Les notions de danger et de risque sont souvent employées synonymement : on parle ainsi dans le même sens de danger ou de risque d’ava1anche, d’explosion, d’incendie. Cependant ces deux termes peuvent être distingues. Cuny propose de réserver le mot danger a l’existence d’éléments nuisibles dans une situation. Pour lui, l’existence d’un danger et la possibilité de réalisation d’un dommage ou d’une perte en relation directe avec ce danger sont nécessaires à la création d’un risque (la nature du dommage étant déterminée par celle du danger). La figure 7 présente de façon schématique les relations entre les deux notions

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La législation distingue aussi risque et danger, en particulier quand elle établit le droit des travailleurs a se retirer de la situation de travail en cas de << danger grave et imminent >> et le droit du CHS—CT de faire appel a un expert en cas de << risque grave >>. Les notions de danger et de risque ne comportent cependant pas de définitions juridiques précises. Elles peuvent être rapprochées des définitions proposées par Cuny. En effet le droit de se retirer de la situation de travail est bien lié à l’existence d’éléments nuisibles dans une situation de travail quand la nuisance provoquée par ces éléments présente un caractère grave et imminent. D’autre part, l’appel à un expert est bien lié à l’existence d’un danger et à la possibilité de réalisation d’un dommage grave ou d’une perte grave en relation directe avec ce danger. La jurisprudence définit ce qui fait le caractère grave et imminent du danger et ce qui fait la gravité du risque. (7. Voir Cours B Hygiene Sécurité du travail du CNAM, 1992-93.)

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Le risque dans le travail Être capable d'identifier un danger et en connaitre les propriétés permet de savoir que ce danger peut constituer un risque pour l‘0rganisme humain ou pour l'environnement. Cela ne suffit pas pour définir et prévenir le risque pour un individu dans l'exercice de son travail. La prévention du risque dans une situation de travail donné porte en effet à la fois sur la nature des dangers présents dans le travail et sur les conditions d‘exposition à ces dangers. Elle ne s’applique donc pas seulement aux dangers eux même, mais aussi aux procédures et aux conditions physiques et sociales dans lesquelles les dangers se situent. Les événements propres a une situation de travail intéressent à la fois des hommes, des machines et un environnement. La durée d'exposition et la fréquence des contacts de l’organisme d'un individu donné, effectuant une activité donnée, en présence d'un danger donné, dans des conditions environnementales données, déterminent l'importance du risque lié à l'exercice de cette activité pour cet individu. Un risque dans le travail est toujours : - un risque de. .. - un risque pour... - un risque dans telles conditions... Les dysfonctionnements dans le travail Dans le travail les événements qui produisent des effets positifs sur l’homme ou sur l’entreprise sont considérés comme des événements souhaites. En revanche, ceux qui ont pour conséquence de retarder ou d’arrêter la production, de détruire ou d’endommager des produits ou des équipements, de provoquer des dégâts dans l’environnement ou d’affecter la santé des hommes, sont des << événements indésirables » non souhaites, des << dysfonctionneinents du système de travail >>. On range dans cette catégorie, les incidents, les pannes, les dégâts matériels, les défauts de production, les accidents et les maladies professionnelles. La possibilité que de tels événements non souhaités se produisent dans une situation de travail constitue le risque dans le travail ou risque professionnel que l’on caractérise, cornme le risque en général, par trois composantes : probabilité, valeur négative et gravité. Le type de conséquence négative est toujours susceptible d’être spécifie. Par exemple << risque d’atteinte a l’intégrité corporelle de l’individu >> pour l’accident ou << risque de bourrage >> pour la panne.

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à l’objet qui subit les conséquences de Yévénement non souhaité : dans le cadre de la Réglementation, il n’y a accident que s’il s’agit d’un homme. On définit alors l’accident comme un événement non planifié troublant le fonctionnement du système et entrainant une atteinte à l’intégrité corporelle d'un individu et l’incident comme un résultat non souhaité (non attendu) du travail, mais qui ne débouche pas sur une atteinte à l’intégrité corporelle de l'individu. ll n’existe pas de définition << canonique >> de l’accident et de l’incident. Cependant l’évaluation de la gravité d’un événement est un critère de distinction qui reste sujet à discussion alors que l’atteinte à l’intégrité corporelle existe ou n'existe pas. ll n’y a pas d’ambiguïté possible. La panne, quelle que soit sa gravité, est une catégorie particulière d’incident (matériel). C’est un dysfonctionnement des machines, des matériaux ou de l’énergie du dispositif de production. Elle intéresse l’ergonome dans la mesure où elle est un des déterminants du travail réel de l’opérateur, mais aussi dans la mesure où elle peut en être un effet. Sécurité La sécurité est la situation qui résulte de l‘absence de danger. On la définit aussi comme l‘absence cle risque d'accident. La sécurité absolue n'existe pas. ll existe seulement des situations dans lesquelles le danger existe, mais ne s’actualise pas en risque. Exemple : Un produit toxique représente toujours en soi un danger, mais il ne constitue un risque que dans la mesure ou il vient en interaction avec l’homme ou l’environnement sur lesquels il a possibilité de produire un effet. Pour aller plus loin AMALBERTI R. (1996). Lu conduite des systénies ii risque. Paris, PUP. ANSELME B., ALBASINI F. (1994). Les risques professionnels : connuissance et prévention. Paris, Nathan. GOGUELIN P., CUNY X. (2001) [1993]. L11 prise de risque dans le travail. Toulouse, Octares

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Fiche 16 : Fiabilité La fiabilité désigne l'aptitude à effectuer une fonction requise dans des conditions données pendant une durée donnée. On distingue : - la fiabilité technique : capacité d‘un dispositif technique à accomplir une fonction requise dans des conditions données pendant une durée donnée. Par exemple, l'attitude d’une machine à commande numéri ue à exécuter un nombre donné de pièces données dans un temps donné sans rebuts ni pièces à retoucher ; - la fiabilité humaine : capacité d‘un opérateur humain à accomplir une mission requise dans des conditions données pendant une durée donnée. Par exemple, l’aptitude d’une secrétaire à taper un texte donné sur une machine donnée en un temps donné sans aucune faute d’orthographe et avec une présentation soignée. La fiabilité d’un élément constitutif d’une situation de travail (déterminant Homme ou déterminant Entreprise), c'est la probabilité que cet élément assure sa fonction pendant un temps donné et dans des conditions données. La fiabilité dans le travail dépend à la fois de la fiabilité de chacun des éléments constitutifs de la situation et cle la façon dont ils sont reliés entre eux. C'est à partir de l'étude des pannes qu'on évalue dans une situation de travail donnée la fiabilité technique d’une unité fonctionnelle du dispositif de production, quelle que soit sa taille (qu‘il s'agisse d’une pièce mécanique ou d'un système plus complexe). C'est à partir de l'étude des erreurs (humaines) - définies comme des écarts par rapport à l’objectif visé ou à une norme - qu'on évalue le degré de fiabilité humaine. On notera que la fiabilité humaine est toujours évaluée par rapport à un dispositif technique donné. Il n'existe pas d'erreur purement humaine ni d‘erreur purement technique : la part de l‘homme et celle de la technique sont imbriquées. En effet la technique est faite par l'homme et contrôlée par lui. Par exemple, lorsqu’un dispositif de commande est actionné par l’opérateur a l’inverse du sens attendu pour obtenir l’effet voulu, est-ce une erreur de conception technique ou une erreur de l’opérateur? Articulation entre sécurité et fiabilité Les deux concepts sont différents : — la fiabilité renvoie à la capacité du système de travail (Déterminants Hommes et Entreprise) a remplir des objectifs attendus via le travail réel ; — la sécurité renvoie à des conséquences spécifiques pour les individus (les accidents) des insuffisances de cette capacité à remplir l’ensemble des objectifs attendus. Une situation de travail sans accident n'est pas forcément fiable car il y a des incidents qui ne conduisent pas a des accidents. Les analyses de fiabilité s'intéressent aux dysfonctionnements et aux caractéristiques de leur production.

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La sécurité s'intéresse aux conséquences de ces dysfonctionnements pour les individus. Pour aller plus loin FADIER E. (1990). Fiabilité humaine : méthodes d’analyse et domaines d’application. Dans]. LEPLAT et G. de TERSSAC (s / d), Les facteurs humains de la fiabilité dans les systèmes complexes. Toulouse, Octarés Editions. LEPLAT ]., TERSSAC G. (de) (1990). Les facteurs humains de la fiabilité dans les systèmes complexes. Toulouse, Octares Editions.

Fiche 17 : Prévention et gestion des risques La fonction prévention La prise en charge de la sécurité par l'opérateur dans une situation de travail donnée ne se réduit pas a la prise en compte plus ou moins consciencieuse des règles formelles existantes, ni a une simplification ou appropriation de certaines consignes et l’introduction de pratiques complémentaires. Les opérateurs gèrent et ajustent leur manière de travailler pour atteindre les objectifs de l’entreprise et préserver leur sécurité et leur santé. La fonction prévention assurée par les opérateurs recouvre un ensemble d‘expressions observables qu'on appelle << conduites sécuritaires >> : - comportements prudents, conformes aux règles prescrites ; - pratiques informelles ou << savoir-faire de prudence >> qualifies souvent de << ficelles de métier >> acquises sur le tas ; - communications verbales ou gestuelles échangées au sein de l'équipe. L’opérateur a des activités de prévention qui tendent a éviter la production de pannes, dérèglement et incidents divers, mettant en danger la production générale et/ ou susceptibles de déboucher sur des accidents. La fonction prévention comme celle de production est en principe permanente et dans l'idéal ces deux fonctions doivent se confondre. Lorsqu'il en est ainsi production et sécurité sont assurées par le même mode opératoire. Par contre, si la sécurité n'est pas totalement integree au mode opératoire, il peut y avoir concurrence entre les deux fonctions : les opérateurs mettent alors en oeuvre des stratégies de régulation leur permettant de gérer le risque. Ils établissent des compromis entre les différentes exigences du travail : assurer la production, la qualité, tenir les délais, d’une part et, d’autre part, se sauvegarder et sauvegarder les autres. Ce type de régulation prend en compte l’ensemble des contraintes de la situation, en particulier les contraintes temporelles, mais peut aussi faire entrer en ligne de compte des contraintes de type social comme la crainte d’un changement de poste ou même de licenciement. Ainsi des jeunes travailleurs en situation précaire d'emploi peuvent très bien avoir identifié les risques présents dans la situation de travail, connaitre leur droit de se retirer d'une situation dangereuse, mais poursuivre leur activité de production par crainte de licenciement. Gestion du risque par |'opérateur, représentation du risque et prise de risque dons Ie travail

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Les caractéristiques de la situation de travail interviennent sur le comportement du travailleur par l'intermédiaire de la représentation qu‘il en a. Tous les travailleurs ne voient pas une même situation de la même manière, en particulier sous l'angle de la sécurité. La fréquence avec laquelle une situation a un moment donne peut conduire a un accident, la gravite présumé de cet accident, l'importance que tel type d'accident revêtirait pour eux, sont autant de variables que les travailleurs estiment différemment et qui entrainent de leur part des attitudes et des comportements différents. Connaitre ces représentations permet de comprendre les attitudes face aux risques dans le travail. Il y a toujours prise de risque dans le travail dans la mesure où l’opérateur agit et qu‘il lui est impossible de connaitre avec certitude toutes les conséquences de ses actes. La prise de risque de la part de l'opérateur dans le travail est liée a l‘action chaque fois que celle-ci présente une part d‘incertitude quant a sa réalisation et ses conséquences. L'opérateur prend un risque dans son travail chaque fois que : — il est placé dans une situation dans laquelle il doit réagir ; —l'action qu'il envisage de mener comporte une probabilité d‘échec dommageable pour lui ou pour les autres ; — il décide de mettre en oeuvre cette action. Des facteurs lies au rapport individu-situation favorisent la prise de risque dans le travail : — formation. L‘opérateur prend cles risques par non-conscience de ceux-ci, parce qu‘il ne connait pas le risque ; — rapport au groupe. L'opérateur prend des risques pour faire aussi bien que les autres. Il entre en compétition avec les autres ; — pressions organisationnelles. Les normes explicites du groupe mettent en question l'équilibre que Toperateur a établi dans son travail reel entre les exigences de production et les exigences de sécurité ; — accoutumance au danger. Le risque n'apparait plus a l'opérateur parce qu‘il est intègre a ses conduites usuelles sans jamais avoir eu de conséquence négative ; — apprentissage du danger. L'opérateur connait le risque et intègre dans son travail reel des parades face au danger qui ne font pas forcement disparaitre tout risque ; — sécurité excessive. Face a des dispositifs restreignant sa liberte ou introduisant un travail supplérnentaire a des fins sécuritaires, l'0pérateur tend à court-circuiter les dispositifs de sécurité ; —déni du risque. Lorsque le risque est mortel ou gravement handicapant, l‘opérateur préfère ne pas y penser ; — effet Goldorak. L'opérateur qui a le gout du risque s'identifie a un héros qui peut prendre tous les risques sans que cela entraine aucun effet négatif. Ergonomie et prévention Les opérateurs vivent leur travail de manière globale. lls ne dissocient pas d'un coté la production, de l'autre la sécurité, la qualité. Ils réalisent leur travail en essayant d'optimiser chacun de ces objectifs. La démarche ergonomique prend les problèmes dans leur ensemble. Elle aide à comprendre la non-observation des consignes de sécurité et permet de mettre en

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évidence les contradictions qui peuvent exister entre la mise en place de protections et les exigences du travail. L'analyse des accidents, des incidents, des pannes et des erreurs s‘intègre dans la démarche ergonomique, car ce sont des indicateurs : - de la différence entre travail prescrit et travail réel ; - de la variabilité de la situation de travail ; - de la compétence des opérateurs. L'analyse ergonomique du travail réel permet : - d'établir les relations entre prévention et préoccupations de l'opérateur ; - de découvrir des risques non décelés, peu apparents ou cachés, présents dans la situation de travail ; - de situer les risques et leurs interactions dans le contexte des conditions du travail réel ; - de proposer des actions de prévention qui soient le plus adaptées possible à chaque situation de travail. Pour aller plus loin CHESNAIS M. (1993-97). L’arbre des causes. Paris, Ed. INRS ED 1500, (Coll. Enseigner la prévention des risques profesionnels). GOGUELIN P., CUNY X. (2001) [l993]. La prise de risque dans le travail. Toulouse, Octares Editions.

Fiche 18 : Ambiances physiques Bruit, chaleur, froid, lumière, rayonnements ionisants... L’opérateur peut être confronté dans son activité professionnelle à ces éléments. Les effets des ambiances physiques sont ambivalents dans le travail. Les ambiances physiques peuvent avoir des effets favorables ou défavorables sur l'activité des opérateurs, être des aides ou entrainer des perturbations pour la production, engendrer des conséquences diverses sur la santé et la sécurité. On en prendra ici pour exemple l’histoire classique suivante (hélas vraie et qui se répète régulièrement sous une forme ou sous une autre) : un opérateur est victime al’un grave accident du travail quelques jours après l’insonorisation de la machine sur laquelle il travaille. La machine était à l’ origine très bruyante. On a donc décidé de réduire le bruit et la solution choisie a consisté à capoter la machine. Mais, si le bruit était bien pénible pour l’opérateur, il n’était que pénible. ll constituait aussi une source d’informations sur le fonctionnement de la machine, sur l’avancement dans le cycle de production... La réduction du bruit grâce au capotage a entrainé la disparition d’indices sonores que l’0pérateur utilisait (peut-être même a son insu) et cela a été un facteur important dans la production ale l’accident. En ergonomie, les problèmes d’ambiances physiques sont liés : - à la nature des taches des opérateurs. En effet, par exemple, une même température entrainera des conséquences différentes pour du personnel de bureau qui a un travail statique et pour des opérateurs effectuant un travail nécessitant un

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engagement physique important. De même, un éclairage pourra être suffisant pour se déplacer clans un local, mais trop faible pour exécuter un travail minutieux. - aux contraintes du travail réel. Par exemple, dans une imprimerie ou les plaintes des opérateurs sur le bruit restent importants malgré l’installation d’une cabine insonorisée, on constate que la porte de cette cabine reste toujours ouverte parce que la cabine est construite de telle sorte qu’elle masque une zone de la machine qui doit être impérativement surveillée en permanence par les opérateurs. La cabine diminue effectivement le bruit, mais. .. elle ne permet plus aux opérateurs ale répondre a la tache réelle. - à la variabilité des situations. Ainsi, dans une imprimerie de presse, la livraison d’un papier de mauvaise qualité’ qui a pour conséquence la rupture fréquente du papier, entraine une plus forte exposition au bruit des opérateurs parce qu’ils sont amenés à travailler plus souvent et plus longtemps dans les zones les plus bruyantes…

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La démarche La suite explicite les principales étapes de la démarche d’intervention en ergonomie. La situation qui nous sert de référence est celle d’un ergonome professionnel répondant, comme consultant, à une demande formulée par une entreprise. Il s’agit donc d’une situation et d’un acteur ergonomique particuliers, choisis parce qu’ils permettent d’illustrer l’ensemble des étapes de la démarche ergonomique et il convient de transposer pour d’autres acteurs ergonomiques. La demande, par exemple, n’existe pas nécessairement dans toutes les situations et pour tous les acteurs. Un opérateur cherchant à traiter un problème lié à sa propre situation de travail ne répond pas à une demande, même s’il traite un problème ergonomique.

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De même, l’analyse du positionnement social des différents acteurs de l’entreprise, si elle est une nécessité, n’a pas toujours la même ampleur. Un ergonome consultant interne qui connait bien son entreprise dispose en général déjà de beaucoup des éléments nécessaires. Enfin, nous avons supposé que notre situation de référence était de type << ergonomie de correction >> : la demande correspond à un problème existant, dans une situation existante. Une situation d’ergonomie de conception ne serait pas traitée exactement de la même façon : les observations, quand elles peuvent avoir lieu, se déroulent alors sur des situations proches de la future situation de travail, on a recours à des simulations, etc.

Fiche 19 : Analyse de la demande et formulation ergonomique du problème L’intervention de l’ergonome professionnel répond le plus souvent at une demande qui lui est exprimée par une entreprise ou un service. Toute demande est l’aboutissement d’une histoire, le reflet de relations complexes, souvent conflictuelles, entre les personnes concernées par le probleme posé. L’ergonome professionnel procède donc toujours a une << analyse de la demande ». La première étape consiste a identifier les problèmes qui motivent cette demande et les objectifs poursuivis par les différents interlocuteurs. Les points de vue exprimés sont en général assez différents d’un interlocuteur à l’autre et les différents interlocuteurs n’identifient pas nécessairement les mêmes problèmes. Les solutions auxquelles ils pensent sont également divergentes et, bien entendu, les enjeux pour les uns et les autres diffèrent. L’ergonome professionnel doit tenir compte dans son analyse et dans ses propositions des différents points de vue. L’analyse de la demande et la formulation ergonomique du problème consistent a trier et organiser les premiers éléments recueillis au cours des rencontres avec les acteurs de l’entreprise et des << visites » de site qui ont pu être effectué-es, puis a en proposer une formulation en terme de problème ergonomique. I1 est en effet important de bien distinguer ce qui relève de la demande adressée at l’acteur ergonomique par d’autres acteurs de l’entreprise et ce qui, à partir de ces demandes, peut faire l’objet d’une approche ergonomique. L’analyse de la demande porte principalement sur les dimensions suivantes - Le problème : il est décrit à partir des différents aspects identifies par les acteurs de l’entreprise et les premiers éléments d’information recueillis (données, opinions...). - Les acteurs : Ils sont identifiés, mais aussi positionnés par rapport au problème. On distingue notamment : - les acteurs qui vivent le problème. Ils sont affectés ou subissent le problème ou certains de ses aspects. L’analyse met à jour les interrelations entre le problème et les acteurs affectés par le problème ; - les acteurs qui s’expriment sur le problème. Ils peuvent être extérieurs au problème (un médecin du travail signalera par exemple des pertes auditives) ou faire partie de ceux qui le vivent (un opérateur se plaindra de difficultés d’audition). L’analyse met à jour les interrelations entre les acteurs qui vivent le problème, ceux qui s’expriment sur le problème et le problème lui-même.

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- Les enjeux Il s’agit des enjeux pour les différents acteurs des deux types et l’analyse met en relation acteurs et enjeux. Un chef d’atelier peut, par exemple, avoir comme enjeu principal l’augmentation de la qualité de la production alors que les opérateurs ont, par exemple, un enjeu principal d’amélioration des conditions de travail. - Le champ d’action potentiel ll s’agit de tout ce qui, dans la situation, constitue une opportunité, un objet ou un moyen d’action potentiel en vue du traitement du problème. L’analyse met en relation le champ d’ action potentiel avec le problème et les acteurs. - Le contexte général ll comprend tous les éléments qui donnent un sens ou ont une influence dans la situation problème. C’est ici que l’on retrouve notamment la politique et les enjeux de l’entreprise. Les acteurs ergonomiques non professionnels, par exemple les opérateurs qui ont eu une formation à l’ergonomie dans l’enseignement professionnel, ne recevront pas, sauf exception, de << demandes ». Cependant, ils sont bien placés pour identifier des problèmes qui se posent au sein de leur propre situation de travail ou de celle de leurs collègues. ll s’agira, par exemple, d’une gêne ou de souffrances subies quotidiennement. Or les souffrances ressenties et leurs causes apparentes peuvent masquer d’autres problèmes moins évidents, mais qui relèvent tout autant d’une approche ergonomique. L’identification précise des effets, la recherche de déterminants probables mis en relation avec le travail reel, font partie de l’analyse du problème que peut mener, a son niveau et avec ses moyens propres, un acteur ergonomique non professionnel. Il en va de même de Yidentification des différents acteurs susceptibles d’être concernés et de leurs enjeux. Ces analyses contribueront à ce que l’analyse ergonomique du travail et de la situation problématique, qu’elle soit menée directement par l’opérateur ou relayée par l’intervention d’un ergonome professionnel, se déroule dans de bonnes conditions et débouche sur une amélioration effective de la situation.

Fiche 20 : Observations ouvertes, prédiagnostic et observations systématiques Deux types d’observations, de nature différente, peuvent être mises en oeuvre : — des observations ouvertes du travail reel, guidées par les grandes questions qui sont posées. Elles ont pour fonction de permettre à l’observateur de voir progressivement émerger les faits et les événements sans a priori ; — des observations systématiques qui visent a recueillir des faits et des événements précis en réponse a des questions tout aussi précises, car guidées par les hypothèses issues, notamment, des observations ouvertes. Dans tous les cas il s’agit d’0bserver, de décrire et d'analyser les actes de l’opérateur, pour rendre compte de la cohérence du travail, en structurant la rencontre entre : — la description de la tâche (ce qui est requis de l’individu plus ou moins explicitement et des conditions imposées pour l’exécution) ;

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— la description de l’activité (les réponses que l’individu met en oeuvre, ce qu’il fait réellement pour remplir la tâche). Les observables sont généralement de deux ordres : —les observables comportementaux (actions corporelles, direction des regards, communications), — les actions caractéristiques du métier qui sont significatives pour l’opérateur. Elles sont souvent désignées par des termes de métier. Par exemple : égrener le vernis ; singer un plat; concasser une tomate ; verrouiller une jambe ; sauvegarder un fichier. Le résultat des observations doit être complété par des verbalisations des 0pérateurs permettant notamment de reconstruire leurs représentations cognitives, la signification de leurs actes et plus généralement le sens de leur activité (cf. fiche 32). Deux modes d'observations peuvent être mis en place : — l’observation instantanée qui a pour objectif l’enregistrement direct et immédiat; — l’observation différée a l’aide d’un appareillage, camera, enregistreur d’événements. .. Cette technique permet les retours en arrière et, lorsque c’est nécessaire, la verbalisation a posteriori des opérateurs sur un enregistrement de leur propre activité. Les observations ouvertes Ces observations sont un recueil de faits et d’événements visibles qui, inscrits leur dimension temporelle, permettent de comprendre comment le travail se structure. Elles sont utilisées par l’acteur ergonomique pour la construction du << modèle de compréhension de la situation de travail » (cf. fiche 10 — figure 2). Les informations recherchées portent sur les divers éléments constitutifs de modèle. Par exemple : — les contraintes du dispositif technique (chronologie des opérations ou des procédures...); — les contraintes temporelles (horaires, cadences, périodes de pointes, dépendant de l’amont et/ ou de l’aval, coactivité...) ; — la répartition des tâches ; — la circulation des informations avec la hiérarchie et avec les collègues ; — les contraintes physiques (espaces de travail, accessibilité, ambiances physiques et/ou toxiques...) ; —les caractéristiques de l’activité des opérateurs en dégageant les observables pertinents (déplacements, postures, prises d’informations, actions sur les choses, régulation et anticipation...) ; — les difficultés que rencontrent les opérateurs pour atteindre leurs objectifs ; — les effets du travail sur l’homme (fatigue, douleurs en fin de journée, difficulté à tenir le poste selon les conditions d’exécution. . .) ; — les effets du travail sur l’entreprise (quantité, qualité, continuité de la production…) On s’attache particulièrement à identifier les facteurs de variabilité, de diversité et de dynamique évolutive de l’activité, des conditions d’exécution du travail et des résultats de celui-ci, en fonction du problème posé.

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Le prédiagnostic Les observations ouvertes constituent un point de départ vers la compréhension des premiers éléments du travail effectivement réalisé, à un moment donné. Elles s’appuient principalement sur des prises d’information visuelles et le questionnement des opérateurs par l’erg0nome, sans perdre de vue les problèmes posés. À l’issue de ces investigations, on cherche à construire un premier schéma explicatif des problèmes poses. Le prédiagnostic ou diagnostic hypothétique consiste en un ou plusieurs énoncés d'hyp0théses sur les relations causales entre des déterminants (conditions d’exécuti0n du travail), les caractéristiques du travail réel et des résultats du travail (les effets sur l’0pérateur et l'entreprise). Exemple d’énoncé d’une hypothèse Telle contrainte du poste, ainsi que tel incident technique périodique, conduisent l’0pérateur à intervenir sur le dispositif en marche en grimpant sur une échelle, ce qui a pour effet une fatigue musculaire, et un risque d’accident. Ces hypothèses doivent être éprouvées afin d'élaborer le << modèle orienté par l'action » indispensable a la construction des solutions et des compromis de transformation. C’est l’observation systématique du travail réel, à partir d’un protocole précis, qui va permettre la mise a l’épreuve des hypothèses. Les observations systématiques Les observations systématiques ont pour objectif la vérification des hypothèses. Elles s’organisent autour d’un protocole défini avec précision par l’acteur ergonomique. Les relevés sont soit papiers crayons, soit instrumentés. Ils retiennent et organisent dans des graphes d’observati0ns les événements relatifs à : - la fréquence et la durée des observables pertinents de l’activité : les activités motrices (gestes, postures), les activités perceptives et mentales (information prise et/ ou traitée, mouvement de tête, direction de regard, fixation oculaire...), - les communications (parole, geste, posture) ; - la fréquence et la durée des incidents et variations dans les modes opératoires ; - les opérations annexes ; - les compromis et les régulations mises en oeuvre. Les données recueillies sont présentées sous forme : — d’histoires décrivant les événements qui se succèdent dans le temps, sur un mode narratif ; — de chronogrammes. Description systématique de quelques événements qui se déroulent sur un temps choisi. Les chronogrammes respectent l’enchainement des actions et des faits. Ils mettent en évidence la dynamique du travail réel ; — de graphiques. Exploitation statistique des données du chronogramme. Ils permettent de quantifier les faits recueillis. (Voir exemples dans les fiches 35 et 36). Les observations devront toujours être complétées par le point de vue de l’opérateur sur les résultats produits. C'est ce qu’on appelle les verbalisations avec les opérateurs.

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Elles sont indispensables parce que : — seul l’opérateur peut relativiser ou généraliser la portée d’une observation qui est toujours limitée dans sa durée ; — l’opérateur pourra donner une signification d’ensemble et de détail aux résultats des observations ; — l’opérateur pourra expliquer les raisonnements qu’il met en oeuvre, les modalités cle régulation qui ne sont pas directement observables ; — l’opérateur peut exprimer certains troubles ressentis dans leur relation à certaines caractéristiques du travail observé. Fiche 21 : Élaborer et formuler un diagnostic Le diagnostic est l’aboutissement de l’observation et de l’analyse du travail, orienté délibérément vers la transformation de la situation de travail, en relation notamment avec les problèmes rencontrés et posés. I1 montre les relations entre les déterminants de l’activité et ses effets sur les opérateurs d’une part, et sur l’entreprise d’autre part, afin d’orienter les transformations. L’élaboration du diagnostic comprend deux étapes : - l’élaboration d’un ensemble d’hypothèses que l’on appelle prédiagnostic ou diagnostic hypothétique (cf. fiche 20) ; - la mise a l’épreuve des hypothèses par des méthodes d’observation systématique qui débouche sur le diagnostic proprement dit. Élaboration d’un diagnostic À partir des résultats de l’analyse du travail et des entretiens, on construit une représentation du travail réel à travers le modèle de compréhension de la situation de travail. Cette représentation conduit à faire apparaitre un certain nombre de relations causales fortes, bien que non encore démontrées. Ce sont autant d’hypothèses qui constituent le prédiagnostic ou diagnostic hypothétique. Exemple : Dans un institut médicopédagogique, les trois éducateurs d’un groupe ale six enfants et jeunes adultes polyhandicapés éprouvent des difficultés croissantes pour soulever les polyhandicapés. Uobservation et les entretiens permettent ale construire un faisceau ale relations causales. L’une d’entre elles, en relation avec la demande, peut s’énoncer sous la forme suivante. La pénibilité physique du change des polyhandicapés n’est pas en relation étroite avec l’âge et le poids ale ceux-ci, mais avec la mobilité partielle des polyhandicapés qui se déplacent avec le soutien de l’éducateur jusqu’a la salle de bain. Explication : en l’absence de table à langer réglable, le change des polyhandicapés qui se déplacent en position verticale avec soutien, conduit l’éducateur à adopter des postures plus contraignantes (soulèvement du malade à partir du sol, aide a la marche puis allongement du malade au sol dans la salle de bain, puis change à genoux ou accroupi au sol). Lors du change d’au polyhandicapé grabataire, celui-ci est soulevé, déplacé et déposé sur la table a langer par un ou deux éducateurs. Les éducateurs privilégient la mise en oeuvre de la mobilité bénéfique pour le polyhandicapé, an détriment des effets sur leur propre santé.

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La formulation du prédiagnostic est une création originale, validée par l'analyse qui permet de relire le fonctionnement de l'entreprise et de la situation de travail particulière et de comprendre, voire expliquer, les problèmes identifiés. Cette formulation peut également s’appuyer sur des connaissances scientifiques (en physiologie, psychologie. . .), ou issues d’autres études. La relation énoncée devra être démontrée par l’observation systématique (cf. fiche 20) pour prendre ensuite la forme d’un diagnostic dans des perspectives d’action. Formulation du diagnostic La formulation du diagnostic doit être courte afin de favoriser : - le dialogue et la participation des différents acteurs, le partage le plus large possible de cette nouvelle représentation de la situation de travail ; - la transformation de la situation de travail en lien avec la formulation de l’analyse de la demande. La formulation reprend les éléments qui sont démontrés. Elle prend généralement la forme suivante : << Tels facteurs (parmi tous les déterminants d’activité) amènent les opérateurs à travailler de telle manière, ce qui a telles conséquences pour la production de telles conséquences sur la santé ». Dans notre exemple : Si l’analyse systématique du travail réel des éducateurs lors des changes répétés des polyhandicapés a bien démontré l’hypothèse formulée ci-dessus, alors le diagnostic pourra s’énoncer de la façon saivante. Le change des polyhanalicapés qui se déplacent en position verticale avec aide est toujours réalisé au niveau du sol de la salle de bain, faute de rnoyens permettant de les hisser sur la table a langer. En termes de perspectives d’action, l’analyse met le doigt sur les modalités concrètes de change (opération fréquente) qui doivent être envisagées dans des conditions matérielles différentes selon la mobilité relative des handicapés. Les critères d’évaluation concernent à la fois la santé des éducateurs et le confort des malades.

Fiche 22 : Agir sur les situations de travail L’ergonomie cherche à comprendre le travail pour pouvoir le transformer. Son action porte principalement sur les situations de travail qu’elle contribue à concevoir et a transformer. Sur quoi portent les actions de transformation ? Les actions portent sur la situation de travail dans ses éléments qui conditionnent le travail réel (cf. fiche 10) : — les dispositifs matériels (les systèmes de travail, les outils, les environnements, les espaces...) ; — l’organisation du travail (division et répartition des tâches, gestion des aspects temporels...) ; — les compétences et représentations des acteurs de la situation de travail.

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L’action sur les situations de travail est destinée a produire des conditions de travail rendant possible l’émergence d’une activité favorable pour la santé et les compétences des opérateurs, la sécurité et l’efficacité du travail. Plusieurs points de vue Un point de vue centré sur les états Les différentes composantes de la situation de travail sont alors considérées comme disjointes. Il est possible d’agir sur chacune d’elles séparément. Elles sont considérées comme des variables de la situation indépendantes entre elles. Ainsi l’ergonomie, pendant les années 60, était censée agir sur les dispositifs matériels et l’organisation : elle adaptait le travail à l’homme. Tandis que la formation agissait sur les hommes : elle adaptait les hommes au travail. Dans cette perspective, aujourd’hui dépassée, agir sur la situation de travail c’est provoquer un changement d’état d’une (ou plusieurs) variable(s) de la situation, le nouvel état déterminant une nouvelle activité. Ainsi dans une situation où les opérateurs étaient amenés à entrer dans le périmètre d’action d'un robot industriel, mettant ainsi leur sécurité en danger, l’entreprise à fait installer des barrières automatiques interdisant l’entrée dans l'enceinte de sécurité pendant le fonctionnement du robot. L’action porte alors sur une dimension de la situation et est censée déterminer une nouvelle activité sans pénétration dans l'enceinte de sécurité. Un point de vue centré sur les interactions Les différentes composantes de la situation de travail sont alors considérées comme étant en interaction entre elles au sein d’un système. Toute action sur une composante du système entrainera une évolution du système tout entier par le jeu des interactions. Cette conceptualisation respecte mieux la complexité des situations de travail, mais le résultat obtenu est toujours un changement d’état de la situation, même si c’est a l'issue d’un processus dynamique, interne a la situation, engageant de- multiples interactions entre ses composantes. L’action ergonomique vise toujours un changement d’état de la situation. Cependant l’acteur ergonomique anticipe l'effet de ces multiples interactions et en l’évolution conduisant a un nouvel état d’équilibre. Dans l’exemple précédent, les opérateurs ont continué à pénétrer dans l’enceinte du robot. L’analyse du travail a mis en évidence que les opérateurs pénétraient dans l'enceinte le plus souvent pour la traverser. En effet les barrières les empêchaient aussi d’atteindre des armoires de commande dans lesquelles ils devaient intervenir fréquemment. La solution retenue a consisté alors à ouvrir un chemin sécurisé permettant la traversée de l'enceinte. Un point de vue centré sur une dynamique évolutive Comme dans le point de vue précédent, la situation de travail est conçue comme un système, mais ce système est considéré dans son évolution et sa dynamique propre au sein de l’entreprise. Ce n’est pas un système statique, figé, en dehors de l’intervention de l’homme, mais un système qui évolue en permanence (donc indépendamment de la présence de l’ergonome et de toute action ergonomique) sous l’influence d’une multiplicité de facteurs (changement de production,

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modification des machines, remplacement des personnels, nouvelle répartition des tâches. . .) et d’acteurs (opérateurs, encadrement, concepteurs, méthodes. . .). L’action ergonomique visera à la fois à agir sur la situation actuelle et à tenter d’influer durablement sur sa dynamique évolutive. Dans l’exemple précédent, cela consistera à formuler des recommandations pour qu’en cas de réaménagement futur des espaces et des moyens de travail, l’entreprise cherche à regrouper les éléments dont les opérateurs ont besoin pour leur action. Dans ce cas, cela conduirait notamment l’entreprise à rapprocher les armoires de commande de la zone depuis laquelle les opérateurs contrôlent le fonctionnement du système. La recommandation s"mscrit ainsi dans les potentialités d’évolution de l’entreprise. Qui agit sur les situations de travail ? Uergonome peut proposer des solutions, mais elles sont nécessairement réexaminées et le plus souvent réélaborées par ses partenaires. L’action ergonomique est caractérisée par une co-conception des situations de travail. L’erg0nome, et plus largement l’acteur ergonomique, doit viser a faciliter le travail des autres concepteurs en leur fournissant les éléments qui permettent de comprendre la nature des difficultés, leurs origines et des principes, des orientations, des contraintes pour les solutions. Les concepteurs techniques les traduiront en machines, systèmes, logiciels, locaux. .. Une multiplicité d’acteurs participe à la dynamique des situations de travail. Il est donc nécessaire d’identifier à la fois les différents acteurs, les moments et les modalités de leurs actions. Par exemple, pour l’évolution à court terme de la situation de travail : — les opérateurs concernés ; — la maitrise ; — les responsables d’ate1ier ou de service ; — le personnel de maintenance ; — les responsables méthodes, travaux neufs ; — le médecin du travail ; — le responsable hygiène sécurité ; — le responsable qualité ; — le CH—SCT. En ce qui concerne l’évolution à moyen et long terme, les mêmes acteurs sont susceptibles d’être concernés, mais les niveaux les plus élevés sont particulièrement impliqués dans la mesure où ils agissent sur la politique de l’entreprise : —la direction de l’entreprise ; — les responsables industriels (direction de la production, des méthodes) ; — la direction du personnel ; — la direction de la qualité ; — le comité d’entreprise ; — le CH-SCT.

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Comment agir ? Le caractère participatif du choix des solutions repose sur la nécessaire confrontation des points de vue menant aux solutions finalement retenues. Agir sur les représentations du travail Il est essentiel de donner aux différents acteurs la possibilité de se construire une nouvelle vision du travail et même d’acquérir un nouveau point de vue sur le travail. Le diagnostic ergonomique formulé en est un des moyens principaux : - en permettant de porter un regard nouveau sur la situation étudiée ; - en généralisant, ce regard a l’entreprise, a son fonctionnement, a ses tendances évolutives. La diffusion du diagnostic, son appropriation et sa généralisation constituent donc des enjeux essentiels. Proposer des orientations pour l’acti0n, des principes de solutions et des objectifs Les propositions concernent d’une part des actions possibles à court terme et, d’autre part, des orientations pour la gestion de la dynamique évolutive dans le moyen et long terme. Naturellement ce sont des principes de solution qu’il faut privilégier plutôt que des solutions. Outre les arguments déjà évoqués, leur valeur heuristique est beaucoup plus porteuse d’avenir. Il est souhaitable autant que possible de définir des objectifs précis et détaillés. Provoquer la mise en place d’un dispositif porteur de l’évolution ergonomique de la situation De multiples solutions sont envisageables en fonction des situations : une seule personne, un groupe auquel l’ergonome, l’acteur ergonomique, peut (ou non) participer. ll s’agit tout à la fois de porter l’action ergonomique et d’examiner, discuter, valider d’un point de vue ergonomique les solutions conçues.

Fiche 23 : Orientation générale de la démarche d’analyse La démarche d’analyse du travail et de compréhension de la situation prend comme point de départ le problème ergonomique. C’est à partir du problème que l’acteur ergonomique va chercher a identifier les différents types d’effets négatifs sur les personnes et sur l’entreprise. Ensuite le mouvement consiste a remonter des effets vers le travail réel : en quoi l’activité de la personne est-elle a l’origine des effets identifies ? L’étape suivante vise l’identification des déterminants du travail réel : quels sont les caractéristiques, propriétés, éléments propres a l’entreprise ou aux personnes qui conduisent a ce que l’activité soit développée de cette façon, c’est-a-dire avec les caractéristiques qui conduisent aux effets précédemment identifies. La figure 10 présente une schématisation de l’ensemble de la démarche.

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Cette démarche n’est pas linéaire : à chaque étape des boucles récursives existent. Les questions auxquelles on cherche à répondre sont les suivantes : — quelles sont les différentes dimensions du problème ? — quels sont les effets sur la personne et sur l’entreprise ? — quelles sont les caractéristiques du travail réel ? — quelles sont les relations entre les caractéristiques du travail réel et les effets ? — quels sont les déterminants du travail réel ? — quelles sont les relations entre les déterminants et le travail réel ? — quelles sont les relations entre cet ensemble et le problème ergonomique ?

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Fiche 24 : Les critères de l’action ergonomique L’action ergonomique est sous-tendue par des critères qui, d’une part la guident et l’orientent, d’autre part permettent d’en apprécier l’efficacité. Les critères de l’action ergonomique sont relatifs aux effets du travail sur les hommes (cf. fiche 5) et sur l’entreprise (cf. fiche 8). lls concernent notamment : — la santé, la sécurité, le confort et le développement des compétences de la personne au travail ; — l’efficacité du travail au sens large (incluant la qualité, la fiabilité, l’évolution des moyens de production. . .). L’ergonomie se referait donc à la fois au système de production et à l’opérateur : elle est centrée sur l’activité réelle des individus en situation de travail, face a une tache, a un instant donné, et dans un environnement singulier (organisation du travail, dispositif matériel, outils, contraintes physiques, cognitives et psychologiques, temporelles. . .). Elle démontre, en situation, que les résultats du système de production et les effets du travail sur les hommes sont étroitement dépendants l’un de l’autre par l'intermédiaire de l’activité des opérateurs. La restitution qu’elle en fait clans l’entreprise contribue à faire prendre conscience a l'ensemble des acteurs de l’entreprise des raisons des dysfonctionnements, à les comprendre de manière a permette d’élaborer des solutions visant a transformer positivement la situation au regard des critères de l’ergonomie. Critères d’évaluation des effets du travail sur l'opérateur L’objectif est de développer les effets positifs et de réduire les effets négatifs. Ces effets touchent l’organisme et la personne, ils sont physiques, psychiques et psychosomatiques. Il s’agit de considérer, par exemple : — la fatigue ; — les accidents ; — les pathologies professionnelles et a caractère professionnel ; — les troubles psychopathologiques ; — la monotonie ; — le confort ; —la satisfaction ; — l’efficacité pour soi ; — l’évolution des compétences ; — etc. Ces types de critères sont généralement privilégiés par l’opérateur lui-même, par les personnes et institutions chargées de défendre et de protéger sa santé ou ses intérêts (médecine du travail, CH-SCT, comité d’entreprise, syndicats. . .). Critéres d’évaluution des eflets du travail sur le systéme de production Il s’agit ici d’évaluer les effets positifs et négatifs du travail dans le système de production, en considérant par exemple : — la régularité de la production ou du service ; — la qualité de la production ou du service ;

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— la quantité d'articles ou de pièces fabriquées ; — la vitesse d’exécution ; — les incidents techniques ; — le maintien en bon état de l’outil de production ; —-les rebuts ; — l’absentéisrne ; — la rotation du personnel ; — les demandes de mutation ; — les difficultés de recrutement ;

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Fiche 25 : Déontologie Dans la plupart des professions, il existe un code de déontologie professionnelle. Cela est vrai en particulier pour toutes les professions dans lesquelles l'Homme et les droits de l‘Homme peuvent être en cause. Ce code repose sur des principes d'ordre moral consensuels. Un code de déontologie a pour but de protéger contre toute malversation et tout détournement des objectifs d'une profession. ll établit les règles professionnelles pour les personnes qui possèdent un titre tel que le définit la loi, quels que soient leur mode d'exercice et leur secteur d'exercice. ll est destiné a : — inspirer l'ensemble des pratiques de la profession ; — protéger les usagers ; — garantir contre l'usage abusif des méthodes et techniques de la profession. La complexité des situations s'0ppose a la simple application systématique de règles pratiques. Le code de déontologie repose sur une réflexion éthique et une capacité de discernement dans 1'observance d'un certain nombre de principes : — le respect du droit des personnes ; — la compétence ; — la responsabilité ; — la probité. Suivant le code de déontologie, le professionnel s’engage a : — connaitre les règles de la profession et les respecter en toute circonstance ; — se référer aux principes de la législation nationale et internationale sur la législation des personnes et leur liberté, le respect de la vie privée et l‘assistance a personne en danger — ne pas mettre ses connaissances et ses savoir-faire au service d'une autorité hiérarchique, politique, religieuse ou idéologique qui les utiliserait au détriment de l’intérêt des personnes et notamment dans le but d'asservir ou de détruire des individus ou des groupes. Ces principes sont valables en ergonomie. Dans toute intervention ergonomique, il est en effet essentiel de n'agir qu'avec le consentement libre et éclairé des personnes concernées, de préserver la vie privée des personnes et, lorsque les informations recueillies sont susceptibles d'être communiquées, il faut s'assurer de l'acc0rd des personnes concernées en les avertissant de leur nature et des destinataires de la communication ainsi que des conséquences que cela pourrait avoir. De même, le droit des entreprises et/ ou des organisations a la confidentialité des informations communiquées doit être respecté. D'autre part, l'intervenant en ergonomie est comptable de la rectitude des méthodes qu'il utilise et de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux fins qu'il poursuit envers les personnes et les organisations concernées par ses actes. Il doit leur restituer de façon adaptée le contenu de son travail. Ces principes sont, nous le pensons, valides, quel que soit le statut de l’acteur ergonomique dans l’entreprise : ergonome, médecin du travail, ingénieur, opérateur, etc. On trouvera ci après, à titre d’exemple, la charte de déontologie pour les détenteurs du titre d’ergonome européen.

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LES OUTILS Cette troisième partie regroupe l’ensemble des fiches << outils >> correspondant aux méthodes et techniques de bases utilisées en intervention ergonomique. La dernière fiche présente des techniques liées à la présentation et au traitement. PARTIE UTILE AUSSI POUR LE COURS CPE RECHERCHE

Fiche 26 : Le recueil des données sur le fonctionnement de l’entreprise Intérêt du recueil Cette toute première analyse permet de situer les enjeux de l’intervention d’une part les problèmes et leur hiérarchisation (analyse de la demande), et d’autre part la finalite de l'étude ergonomique (champ des possibles). Cette connaissance contribue à formuler un prédiagnostic, à orienter le choix des situations à observer. Pour être efficaces, en effet, les observations ouvertes et systématiques doivent s'appuyer sur une connaissance globale de la situation de travail (recueil de données sur l’atelier et l’entreprise). Nature du recueil Les données sociales, techniques, économiques et organisationnelles relatives a l'entreprise nécessaire a cette approche globale portent notamment sur : - les Hommes et leurs compétences dans l’entreprise (sexe, âge, ancienneté, état psychophysiologique, niveau de formation, expériences, compétences...) ; - la technologie et le fonctionnement de l’entreprise et des ateliers (dispositif technique et matériel, processus technique, son état, ses flux, les contraintes qu’ils imposent, les déchets, les rebuts, les dysfonctionnements, reconstitution des filières, maintenance...) ; - la position économique de l’entreprise sur le marché ; - l’organisation du travail (contenu des taches, consignes, circulation d’informations, normes qualitatives et quantitatives de production) ; — les modalités de contrôle des résultats du travail. Bien entendu, le choix des données : recueillir dépend de la demande et du problème a traiter. Modalités de recueil ll ne s’agit pas de procéder a une analyse fine sociale, technique, économique et organisationnelle, mais de repérer les principaux déterminants en relation avec le travail reel et ses effets. Il faut recueillir des faits, plutôt que des opinions seules, savoir mener un entretien et ne pas adhérer a tout sans vérifications des faits. Le recueil de ce type de données est possible en utilisant et recoupant diverses sources :

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— entretiens avec l’ensemble des acteurs concernés et mise en relation des clifférents points cle vue sur les problèmes ; — observations ; — consultation des documents et traces internes a l'entreprise. L’analyse des documents internes doit être menée avec précaution, car il y a des codes propres a chaque entreprise et les origines et les transformations des données sont rarement précisées sur les documents. Certains documents sont particulièrement utiles : tableaux de bord de production, documents qualité, statistiques de sécurité, bilan social... Les données peuvent se trouver dans différents << lieux >> de l’entreprise comme le montre le tableau ci-dessous :

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Fiche 27 : Types de questions pour les observations ouvertes du travail réel Cette fiche est une aide a la structuration des premières observations du travail et des situations sur le terrain. Dans une situation donnée, toutes les questions identifiées ici ne sont pas nécessairement pertinentes et d'autres questions peuvent, en fonction des circonstances, devoir être explorées. C’est à l’acteur ergonomique de déterminer ce qui lui est utile en fonction des situations et des problèmes. L‘observation ouverte se réalise lors de la prise de contact avec la situation que l'on veut analyser. Elle a pour objectif de recueillir un premier ensemble de données en restant le plus ouvert possible a ce qui vient des situations, des personnes, et plus généralement de l’entreprise. Les observations ouvertes sont donc d’une autre nature que les observations systématiques qui sont destinées à mettre à l’épreuve le prédiagnostic et les hypothèses lorsqu’ils sont élaborés. On trouvera ci-dessous une liste (non exhaustive) des questions à aborder dans le cadre de l‘0bervation ouverte. Description générale des éléments en rapport avec le travail de l’opérateur — Personnes concernées. — Lieux de travail. — Matières premières. — Moyens, machines, outils périphériques utilisent. — Implantations des machines. — Flux matière et d'information. — Manutentions. — Operations observées. — Description des activités observées. — Fréquences des opérations observées. — Horaires Problèmes ressentis par l’0pérateur — Autonomie : variation d’allure, temps d’arrêt, horaires… — Relations dans le travail : isolement, coactivité, encadrement — Monotonie, répétitivité. — Santé. — Contenu du travail : responsabilité, intérêts, initiatives, compétences, statut… Le travail prescrit —Travail prescrit dans le cycle normal : taches, opérations séquentielles, récupération des incidents, production demandée, exigences de qualité, consignes, normes. . . — Exigences pour l’activité : précision, minutie, complexité… — Commandes et outils à utiliser. — Informations à utiliser ; signaux, instruction, lieu des prises d’information, verbalisations... — Incidents et leurs traitements.

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Caractéristiques du poste de travail — Nature du travail : conduite, surveillance, monta —Environnement général du poste de travail. — Moyens de travail. Ambiances — Ambiance thermique, hygrométrie. — Ambiance sonore. — Ambiance lumineuse. — Poussieres, fumée, odeurs. .. Risques — Risques généraux : chutes, manutention, électricité... — Risques spécifiques : machines, brûlures, produits toxiques. — Les accidents du travail, les maladies professionnelles. . . Effets du travail — Sur les opérateurs : santé, compétences, sécurité. .. — Sur l’entreprise : production, quantité, qualité, fiabilité. .. Travail réel — Les déplacements. — Les postures : assis, debout, courbé, positions des membres.. — Les efforts : statiques, dynamiques, leurs fréquences. — La coactivité avec d’autres opérateurs, les communications. — La mobilisation de l’opérateur : attention, prise de décisions, contraintes de temps... — Les prises cl’information. — Les récupérations d’incidents, interventions diverses. ..

Fiche 28 : Les déplacements De quoi s'agit-il ? Les déplacements au cours du travail réel peuvent être plus ou moins importants. Ils varient selon l‘activité, l’organisation de l'espace (agencement du dispositif technique, zones de circulation...), l’organisation collective du travail (interactions entre les opérateurs, relations amont/ aval). Les déplacements sont le plus souvent facilement observables et quantifiables. Pour quoi faire ? Les déplacements mettent en évidence des caractéristiques du travail réel en fonction de l’organisation cle l'espace cle travail (circulations, implantations des machines et des postes). Ils permettent d'avoir des renseignernents sur les prises d'informations, les opérations effectuées, les communications échangées. Ils donnent des indications sur la fatigue physique de l‘0pérateur, les possibilités de limiter ou non les trajets. Ils donnent des indications sur l’organisation collective du travail. Le recueil des

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déplacements doit permettre à l'ergon0me de mettre en évidence certaines caractéristiques du travail réel et de mieux comprendre l'activité de travail. Identification des déplacements Où travaille l’opérateur ? Quels sont les points fixes ? Quels sont les lieux (endroits) où se rend l’opérateur au cours de son travail ? Faire la liste éventuellement à partir d’un plan. Noter si ces déplacements sont fréquents ou occasionnels et pourquoi. Noter ce que fait l’opérateur dans ces lieux. Dans quel(s) ordre(s) ces déplacements sont-ils effectués ? Noter le ou les ordres observes. Ces ordres sont-ils stables ou variables ? Pourquoi? Quels sont les chemins parcourus pour passer d’un lieu à l’autre ? Dans quels types de lieux ces chemins demandent-ils de passer ? S’agit-il, par exemple, de lieux encombrés, bruyants. .. ? Les noter, par exemple, sur un plan. Noter si les chemins sont stables ou variables et pourquoi ? Quelles sont les fréquences des déplacements ? Quelles sont les durées de présences sur les différents lieux ? Noter si elles sont stables ou variables et éventuellement pourquoi ? Quels sont les moyens de déplacement utilises ? Un plan cote de l'atelier ou de l'espace de travail est indispensable pour mettre en relation les observations recueillies et évaluer les distances parcourues. Comment recueillir les déplacements ? Les modes de recueil peuvent être les suivants. Le recueil papier crayon. Si cela est possible, l'observateur peut accompagner l‘opérateur dans ses déplacements et noter les emplacements, les trajets effectues ainsi que leur fréquence sur un plan cle l'atelier ou du poste de travail. Un tableau a double entrée peut faciliter la prise de notes pour prendre en compte l’enchainement des lieux frequentes. Les enregistreurs d’événements. Ils permettent de saisir des changements d'état d’un point A vers un point B puis vers un point C... L'ergonome note les événements en appuyant sur l'un des boutons de l’enregistreur. Ces données sont ensuite traitées par un ordinateur avec un logiciel adéquat (par exemple Actogram KronosTM). L’enregistrement vidéo. Il peut être utilisé pour des déplacements dans un espace limité. La vidéo facilite l'observation, le codage et la quantification de la fréquence des déplacements. Pendant combien de temps ? La durée du recueil de données dépend des éléments significatifs des déplacements : fréquence, distance... Elle sera donc adaptée à la situation de travail observé. ll est possible de faire des extrapolations à partir d'un échantillon d'éléments significatifs. Par exemple, le temps du recueil peut être de 40 minutes pour une journée de 8 heures. ll sera alors nécessaire d'extrapoler afin d'avoir des conclusions

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plus générales. Cela suppose que les proximités et différences entre la période observée et le reste de la journée soient bien identifiées. Comment observer les déplacements ? Il est important d' identifier les causes des déplacements et leurs effets. Par exemple, l'ergonome doit faire verbaliser à l'opérateur l'objectif de ses déplacements et de ses piétinements (prise d'informations, communications, actions à conduire...) et leur pénibilité éventuelle. Par exemple, il peut observer que les consignes de production et/ ou l'emp1acement des machines au sein d‘un atelier rendent les déplacements plus ou moins pénibles. L'analyse des déplacements On peut distinguer des analyses en termes de : - distance des trajets. On relève la longueur des trajets qu‘elle soit importante ou réduite (piétinements) dans un temps donné (nombre de kilomètres par heure). On met en relation cette distance avec les obstacles à franchir et avec les verbalisations de l’opérateur pour connaitre la pénibilité des déplacements ; - fréquence. On relève la fréquence des trajets d'un point à un autre pour mettre en évidence les relations avec le rythme de production, les actions à conduire, les prises d'informations et les communications ; - durée. On relève le temps consacré à chacun des déplacements par rapport a l'ensemble des déplacements et/ ou par rapport a l‘objectif du déplacement. On relève également la durée du temps passe dans chaque lieu ; - enchainement des lieux fréquentés. On note la succession des lieux pour identifier si elle correspond à une stratégie particulière de l‘opérateur ou si elle est dictée par le dispositif technique ; - obstacles. On note les obstacles contournés, les obstacles à franchir lors des déplacements pour les mettre en relation avec les verbalisations de l'interlocuteur concernant la pénibilité de l'activité. Les données sur l’analyse des déplacements peuvent se présenter sous différentes formes : — Tableau à double entrée pour montrer l’enchainement des lieux de déplacements.

— Tracé des déplacements pour noter les espaces fréquentés et le nombre de déplacements correspondants,

— Graphiques par secteurs, histogrammes… pour mise en évidence statistique du temps d’activité consacré aux déplacements…

— Chronogrammes pour mettre en relation le temps et les lieux de déplacements…

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L'interprétation L'analyse des déplacements apporte des informations sur : — le travail réalisé par l’opérateur (nécessité d'effectuer des contrôles, de prendre des informations, d'échanger avec ses collègues, d'agir sur un système) ; — les contraintes de la production ou de l’implantation des machines. Cependant, il faut vérifier auprès de l’opérateur, par un entretien, quelles sont ses intentions lorsqu'il se déplace, quelles sont les activités réelles qu'il conduit Iors de ses déplacements et leur intérêt. Par exemple, demander a un opérateur pourquoi il effectue des contrôles de process au cours de chaque déplacement sans que cela lui soit prescrit. L'analyse permet de vérifier si les hypothéses émises pour comprendre la situation de travail sont valides ou non. Effets et conséquences des déplacements Les déplacements peuvent entre sources de problèmes de plusieurs façons. C’est l’activité de déplacement qui est en elle même source de problème. Exemple : sa fréquence ou son importance entraine de la fatigue. Les cheminements entre les lieux sont source de problèmes potentiels. Exemple : se déplacer dans des lieux encombrés peut être source d’accidents. Certains lieux peuvent aussi entre sources de problèmes. Exemple : zone d’exposition a des bruits intenses. Les déplacements peuvent également entre sources de problèmes en relation avec d’autres conditions.

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Exemple : se déplacer en portant des charges lourdes ; se déplacer dans un lieu encombré lorsque l’on est fatigué, se déplacer dans un escalier. .. Les déplacements sont aussi révélateurs des stratégies mises en place par rapport à ces problèmes. Les questions à se poser sont : - quelles sont les relations entre les déplacements et le problème à traiter, les effets positifs ou négatifs du travail ? Pourquoi ? - y a-t-il d’autres conditions pour que les effets positifs ou négatifs surviennent ? Ces conditions sont-elles en relation avec les déplacements ? Déterminants des déplacements Les déplacements peuvent être déterminés par de multiples facteurs tels que l’organisation de la production, l'organisation de l'espace de travail, l’âge et l'expérience de l'opérateur, les exigences de la tâche. .. Les questions à se poser sont : - l’opérateur se déplace pour faire quoi et comment ? - quelles sont les conditions et/ou contraintes qui amènent l'opérateur à se déplacer de cette façon, dans ces conditions ? Les conditions et contraintes peuvent par exemple être liées à l’architecture, la tache, l'organisation du travail, la nature du processus technique, l’implantation des machines et systèmes. Les propositions de modifications : En fonction de l'analyse, on pourra proposer des modifications — de l‘espace et des implantations de l'espace ; — des procédures de travail ; — de l’organisation collective du travail ; — des matériels ; — en tenant compte des ambiances.

Fiche 29 : Les postures Définition La fonction posturale a une grande importance, car c'est à elle que se rattachent toutes les formes d'adaptation sensori-motrice de notre activité. La posture est la situation du corps ou de certaines parties du corps dans l’espace qui détermine les attitudes physiques de l’homme. L'activité posturale soutient l‘action en assurant l’adaptation minutieuse des gestes à la tache proposée ainsi que leur coordination en vue du résultat à obtenir. Elle soutient aussi les activités perceptives, par exemple pour l’activité visuelle en positionnant l’oeil et la tête par rapport à la source. Du point de vue physiologique, la posture se traduit par l’irnmobiiisation de pièces du squelette dans des positions déterminées, solidaires les unes des autres, sous l'effet d'une activité musculaire qui peut être statique ou dynamique.

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L’activité musculaire statique organise les segments corporels à un moment donné et fixe la posture. L’activité musculaire dynamique permet de passer d‘une posture donnée à une autre. Deux aspects sont donc importants dans l’analyse des postures : - la nature des postures ; - les enchainements posturaux. Les contraintes posturales sont variables en fonction de conditions externes à l’opérateur comme la tâche exécutée ou 1'environnement. Elles se modifient dans le temps en fonction de la variabilité et de la diversité de la tache. Elles varient aussi en fonction de conditions internes à l’opérateur : sexe, caractéristiques anthropométriques (taille, poids...), âge, état de santé (handicaps. . .), entrainement physique, vieillissement... Étudier Ies postures, pour quoi faire ? En ergonomie, on s'intéresse aux postures de travail parce que : — elles expriment les relations de l’homme avec la situation de travail ; — du point de vue psychophysiologique, elles sont en relation fonctionnelle avec le traitement des informations spatiales qui déclenche et controle les activités motrices. Elles peuvent donc constituer un observable indicateur cl'activité mentale ; — en tant qu’aspect fondamental de l’activité motrice, elles font partie de la charge de travail : an maintien prolongé de posture et des changements fréquents de posture dans l'activité de travail réel provoquent une fatigue musculaire qui constitue une charge physique pour l'opérateur. — elles peuvent avoir des effets néfastes pour l’opérateur : des postures courbées répétées ou longuement maintenues dues à l’activité de travail entrainent des problèmes vertébraux pour l’opérateur ; des gestes répétés au cours du travail entrainent l’installation progressive de douleurs articulaires chez les opérateurs pouvant aller jusqu’à des troubles musculo-squelettiques. Comment observer et analyser les postures Durant les observations ouvertes L’analyse des exigences du travail du point de vue de leurs effets posturaux peut se faire dans un premier temps par l’observation-description : — des séquences gestuelles temporellement et spatialement localisées. Cela permet l’élaboration d’hypothèses sur les enchainements posturaux, la fréquence des changements de posture et les durées de maintien de celles-ci ; — des modalités sensorielles à mettre en jeu pour l’exécution du travail. Finesse et emplacement des détails à percevoir, obstacles éventuels qui contraignent l’opérateur à modifier l’emplacement de son corps, et en particulier de sa tête, conditions d’ambiance lumineuse . . . ; — des forces à exercer au cours du travail, lieu d’application des forces à exercer, orientation de l’effort (pousser, écarter, tirer, rapprocher soulever. . .), nature de l’effort (produisant un mouvement ou un maintien), évaluation de la force et de la durée.

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Les hypothèses que cette analyse permet de formuler concernent les compromis posturaux éventuellement nécessaires pour satisfaire des exigences contradictoires et le coût de ces compromis. La confrontation de ces premières observations avec les dires de l'opérateur sur les difficultés qu‘il rencontre dans son travail réel permettra de préciser ces premières hypothèses sur les types de postures qui posent problème au poste en relation avec l’activité de l’opérateur. Les questions à se poser a ce niveau sont : - de quelles activités les postures observées sont-elles significatives ? - quels sont les effets pour l'opérateur des postures observées ? - quels sont les déterminants de ces postures ? Durant les observations systématiques En règle générale, la posture constitue un aspect fondamental de l’activité de travail de telle sorte qu’il apparait le plus souvent important de pousser l’analyse par des observations systématiques et des mesures. Plusieurs problèmes se posent d’emblée : - l’élaboration d'un code pour l’établissement d’une grille d’observation ; - la fréquence des relevés. Le code correspond a un découpage de la réalité, c’est à dire a une transformation d'un processus continu en processus discontinu. I1 est toujours réducteur. Il doit avoir une finesse suffisante pour rendre compte des phénomènes et présenter la simplification nécessaire pour que les observations soient possibles et les données recueillies utilisables. Le recueil et le traitement d’instantanés photographiques peuvent aider dans certains cas a l’établissement de ce code (cf. fiche 33). En effet, pour relever les postures, on utilise le plus souvent des schémas simplifiés du corps qui permettent de distinguer au plan sagittal et/ ou frontal les positions du buste, de la tête, des jambes (et éventuellement des pieds), des bras, que l’on a retenus comme observables en fonction des hypothèses construites précédemment.

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Une interprétation La technique des observations systématiques n’est recevable, au sens strict, que si le nombre de relevés permet une validation des résultats. On doit donc se montrer prudent dans l’interprétation des résultats lorsqu’on n’a pu faire qu’un nombre limité d’observations systématiques. Les extrapolations que l’on effectue resteront le plus souvent des hypothèses fondées, ce qui est loin d’être négligeable pour l’objectif d’amélioration des conditions de travail que poursuit l’analyse ergonomique.

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L'analyse des postures de l‘opérateur dans le travail ne prend sa véritable signification qu'en relation avec d’autres variables. En particulier on devra nécessairement établir les relations de la posture avec : — les tâches exécutées ; — les caractéristiques de 1'opérateur ; — l'espace dans lequel le travail réel se déroule (plan coté) ; — les autres dimensions du travail réel. Les interactions entre ces déterminants de l’activité et les postures adoptées par les opérateurs mettent en évidence : —le degré de compatibilité dimensionnelle du poste et des opérateurs ; — les variations dans le temps des réponses posturales aux exigences du travail. Elles permettent de comprendre le cout du maintien ou des changements de posture qui est un des effets de cette activité et de proposer des améliorations par rapport aux problèmes ergonomiques poses.

Fiche 30 : Les directions de regard Les directions de regard en tant qu'observables de l'activité rendent compte des lieux, moments, durées, fréquences de certaines prises d'informations par l‘opérateur observé. Ce sont donc uniquement celles qui sont significatives du travail réalisé par l’opérateur que l’on cherchera à recueillir. Elles s'accompagnent généralement de changements d'orientation de certaines parties du corps (tête, corps, jambes) qui peuvent être appréhendées à partir des observables gestes, postures, déplacements. À ces directions de regard, il faut, lors du recueil des données, associer certaines, voire toutes les variables qui sont présentes dans la situation et qui sont pertinentes compte tenu des objectifs de l'analyse : individus, espace, temps, objets, moyens. Conditions générales du recueil Cet observable est surement l‘un des plus difficiles à utiliser au moment du recueil en raison notamment de : - la distance qui peut séparer l'observateur, l'observé et l‘objet observé par l'opérateur ; - la position de l’observateur par rapport a l'observé, et notamment a ses yeux ; - la durée parfois très brève de certains regards ; - la succession et la fréquence des changements de direction de regards. Il est possible de faciliter le recueil de ces observations de plusieurs façons : — en sélectionnant a priori les variables à relever (ce qui risque de limiter l'observation). On peut ainsi définir que seule la variable espace sera relevée indépendamment de la variable temps (on saura ce que l'opérateur regarde, mais pas quand) ; — en relevant l'ensemble des variables présentes dans la situation lors des observations ouvertes (ce qui est difficile compte tenu de leur nombre, a moins d'avoir déterminé un code de saisie plus rapide à écrire) ; — en retournant plusieurs fois sur le terrain, avec le risque de ne pas avoir le même déroulement de l‘activité d'un jour à l'autre (ce qui par ailleurs peut être un objectif

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pour l’ergonome, en vue d'effectuer des comparaisons). Ce retour multiple peut s'effectuer suivant les étapes d‘observations ouvertes et systématiques, mais aussi au sein même de la phase d’observation systématique, pour obtenir des données de comparaison ou élargir le champ de celles déjà recueillies ; — en effectuant un enregistrement vidéo sur lequel il sera possible de travailler plusieurs fois pour recueillir de nouvelles variables. Il faut alors avoir défini l'endroit precis ou positionner le caméscope avant de filmer et, en cas de déplacements de l‘opérateur, pouvoir continuer a relever ces directions de regard. Les directions de regard dans les observations ouvertes Recueil Le recueil de cet observable lors des observations ouvertes consiste simplement pour l'ergonome a reperer grossièrement l'importance de ces regards dans le déroulement de l'activité de l‘opérateur et les autres variables qui pourraient leur être associées compte tenu du problème pose et des possibilités de transformation. Ce recueil initial n'est généralement pas suffisant en vue des traitements ultérieurs, car il ne contient pas nécessairement toutes les variables qui pourraient devenir essentielles à la compréhension de la situation à traiter (individus, objets, espaces-temps). Il est en effet impossible de recueillir en même temps tous ces éléments sur papier, ou en continuant d’observer et sans vouloir rien perdre du déroulement du travail reel (à moins d'avoir défini un premier codage, ce qui revient déjà en un début d'observations systématiques). Traitements Ces premiers éléments recueillis peuvent faire l'objet de tous les traitements et epresentations graphiques réalisables en observation ouverte (cf. fiches 33 et 34). Les directions de regard dans les observations systématiques Recueil À l‘issue de la phase d'observations ouvertes, l‘ergonome a par exemple constaté que l‘opérateur consacrait beaucoup de temps a surveiller quelque chose avant de décider d'agir ou de ne pas d'agir. Compte tenu du problème pose (par exemple augmentation du taux de rebuts ou d‘accidents), des améliorations qui peuvent être apportées (formation, organisation, conception), il peut devenir pertinent de recueillir et de traiter cet observable conjointement avec d'autres variables qui devront être spécifiées. L’ergonome pourra ainsi vouloir étudier la variable espace (identification des zones regardées) conjointement a la variable temps (durée des directions de regard vers telle zone) pour obtenir une idée des zones les plus ou les moins explorés ou bien, des zones regardées conjointement aux actions qui precedent, ou suivent ces directions de regard... Durant la phase d'observations systématiques, l'ergonome se contente de recueillir les variables associées qui sont les plus pertinentes par rapport an problème posé.

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Voir le texte les yeux de Véronique ; à faire étudier et commenter

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Fiche 31 : Les communications De quoi s'agit-il ? Les communications peuvent s‘exprimer selon différentes formes : - sous une forme verbale (elles font intervenir des mots) ; - sous une forme non verbale (sans intervention de mots proprement dits [gestes, signes, codes symboliques, sons, sifflements...]). Les communications participent à l’activité de travail de l’opérateur. Elles s'inscrivent dans un cadre collectif pour établir un échange avec une ou plusieurs personnes au cours du travail. Ces communications sont spontanées et sont souvent indispensables à la réalisation de la tâche. Au sein de l'activité de l'opérateur, les communications contribuent a : — aider a la prise de décision ; — planifier l'action ; — accomplir l’action ; — modifier l’action ; — assurer la coordination interindividuelle ; — gérer les dysfonctionnements ; — résoudre les incidents. Selon les situations observées, elles peuvent se présenter en continu au sein de l'activité des opérateurs ou de manière ponctuelle. Elles peuvent être échangées aussi bien entre individus de même niveau hiérarchique, qu’entre individus de niveaux hiérarchiques différents. On utilise généralement le terme de communications fonctionnelles pour rendre compte de celles qui sont directement liées au travail, et de communications sociales pour les autres. Qu'apporte l’analyse des communications ? L'analyse cles communications contribue à rendre compte de la manière dont les communications s'insèrent clans le travail réel de l'opérateur, du point de vue : — de leur contenu ; — de leur moment d'apparition ; — de leur durée ; — de leur fréquence ; — des relations qu'elles entretiennent entre elles, avec les taches et plus généralement avec les situations. Ces communications permettent à l'observateur de mieux identifier et comprendre : — la répartition des tâches entre chacun ; — le fonctionnement de l'équipe de travail et ses relations avec les services voisins ou la hiérarchie ; — le fonctionnement cognitif mis en oeuvre par l‘opérateur pour réaliser sa tâche (modalités de prises d'informations, raisonnements, prise de décision, exécution, etc.) ;

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— les éventuels manques cl'informations issus de son environnement du fait d‘une organisation du travail ou d'une conception technique inadaptées, et les compétences qui mériteraient d'être développées ; — les contraintes et/ ou difficultés auxquelles l'opérateur est confronté et qu'il doit gérer. Le recueil des communications Le recueil de ces données doit permettre a l’ergonome de comprendre le << pour quoi faire » de l’expression de ces communications et d’identifier ainsi certains déterminants de la situation de travail. On peut dans un premier temps, chercher a répondre aux questions suivantes.

— Qui communique ? On identifie qui initie le message (émetteur) en le nommant par sa fonction ou par un numéro (exemple : le chef d'atelier, ou bien l’opérateur 1).

— Avec qui ? On identifie à qui est destiné le message (récepteur).

— Selon quelle modalité ? On relève si le message est donné oralement, de manière écrite ou autrement (signe. . .).

— Selon quel canal ? On releve le media ou support utilise (téléphone, télécopie, face à face, ordinateur, fiche de poste, feuille volante. ..).

— Quand ? On peut ici relever le moment ou commence la communication, et/ ou le moment ou elle se termine.

— Où ? On relève a quel(s) endroit(s) les sujets communiquent.

— Dans quelles circonstances ? On relève les moments de communication par rapport aux différentes phases de travail.

— Avec quels objectifs ? On relève l'intention de la communication.

— Quel est le contenu des échanges ? On relève ici ce qui est exprimé par chacun et on procède : une codification en unités significatives.

— Comment communique-t-on ? On relève quelle est la forme de la communication (par exemple pour les communications verbales : questions, ordres, demandes d'informations, affirmation, contestation. . . ). Les deux dernières questions exigent cle l'ergonome un travail plus approfondi et une certaine connaissance du travail des opérateurs et de ce qui est significatif pour eux. Comme tout recueil de données, l’enregistrement des communications nécessite l'accord des opérateurs, la garantie cl'anonymat, l'établissement d'un contrat indiquant que l’enregistrement sera a l'usage unique de l'ergonome.

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On peut distinguer trois modes principaux de recueil des communications. Le recueil papier crayon Le recueil des éléments de réponse a la première série de questions présentée ci-dessus peut se faire aisément selon ce moyen dans la mesure où l'observateur peut définir une grille d'observation a priori sur ces points, ce qui n’all0ngera pas trop la durée de transcription. Mais ce type de recueil devient plus difficile pour les questions relatives au contenu et a la forme des communications. En effet, il est très long de retranscrire intégralement ce sur quoi porte l’échange et sa forme, et l’observateur est ainsi contraint, soit d'avoir établi une grille à priori — ce qui n'est pas conseille dans la mesure ou il est difficile de savoir a l'avance ce qui sera significatif — soit de ne relever que quelques idées principales — ce qui limitera forcement la portée des résultats. L’enregistrement audio Ce moyen est beaucoup plus adapte lorsque la communication est essentiellement verbale et si l'on a besoin de données exhaustives. Il peut être difficile de recueillir des données dans des ambiances bruyantes. ll contribue at recueillir l'intégralité de communications, libère l’observateur du souci d'écriture et facilite le recueil en continu. De plus, lors de la phase d'analyse, il lui permettra de reecouter la forme des échanges et les intonations qui l'accompagnent. Ce mode de recueil nécessite cependant un long temps de reecoute et risque de conduire l'ergonome a vouloir mener une analyse qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour traiter le problème. L'enregistrement vidéo C'est également un bon moyen qui permet de recueillir en plus de l‘intégralité des communications les actions parallèlement effectuées par l‘0perateur, ce qui pourra être utile lors de la phase d‘analyse. Mais, comme pour l’enregistrement audio, il suppose un temps de reecoute et de visionnement très long et risque aussi de conduire l‘ergon0me à vouloir effectuer une analyse « trop » approfondie. L'ergonome doit réfléchir a l’emplacement de la camera en fonction du travail reel et notamment en ce qui concerne les déplacements. La durée de recueil dépend de ce qui est significatif pour l'0pérateur et pour l‘ergonome compte tenu du problème posé. Si le travail est répétitif, il faut pouvoir recueillir des communications qui rendent compte d'une unité significative pour l'opérateur et adapter le recueil à la singularité de la population et a la variabilité des situations. Un travail répétitif peut être interrompu par un événement particulier qu‘il devient alors intéressant de recueillir en vue d'effectuer des comparaisons entre situations routinières et spécifiques. La possibilité de recueillir ce type d‘événement dépend de leur plus ou moins grande prévisibilité. Mais, la plupart du temps, ces situations ne sont pas prévues, et l'erg0nome n‘a donc pas toujours la possibilité d'être présent quand elles se produisent. Le recueil audio peut parfois poser d’autres problèmes. C’est le cas, par exemple, pour les communications téléphoniques. Le découpage, la codification et la catégorisation L'analyse des communications exige une retranscription préalable de l’intégralité ou d'une partie des échanges, un découpage, une codification et une catégorisation.

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Dans le cas où l’ergonome n‘a pas défini de catégories d'analyse a priori (cas le plus fréquent), mieux vaut qu‘il retranscrive intégralement l’échange. S‘il a défini des catégories d'analyse, il peut, en réécoutant les données recueillies ne retranscrire que les codes correspondant à chaque échange. Le découpage en unités élémentaires On peut schématiquement distinguer différents types d‘unités de découpage initial du plus large au plus fin. Nous prenons l’exemple des communications verbales. Le tour de parole Une communication correspond dans ce cas a tout ce qui est dit par la même personne. Chaque changement de locuteur sera compté comme une nouvelle communication. Mais il faut être conscient qu‘un tour de parole peut porter sur différents objets à la fois. Ce type d'unité d'analyse ne permet donc pas de rendre compte de la totalité des thèmes abordés dans le discours. La phrase Une communication correspond a tout ce qui est dit au cours d'une même phrase (théoriquement jusqu'au point). Une phrase peut contenir plusieurs propositions. Bien souvent, il est difficile de distinguer ou se situe la fin de la phrase si ce n'est à partir de la baisse d'intonation. La proposition ou le groupe sémantique Une communication correspond ici a tout ce qui est dit au cours d'une même proposition, la proposition étant définie comme l'énoncé minimal comprenant un sujet ou groupe sujet, un verbe et un objet. Chaque nouveau changement de sujet ou d'objet est compté comme une nouvelle proposition. Ces changements sont généralement repérables à partir de Pidentification des connecteurs tels que << et », << parce que >>, << donc », << ou >> explicitement ou implicitement exprimés. Ce type de découpage convient bien dans le cas d'analyses fines pour rendre compte de la totalité du contenu du discours, mais s’avère très cofiteux en temps et nécessite qu‘un codage exhaustif ait été préalablement effectué de manière a ce qu’une proposition ne puisse être codée selon deux codes différents en même temps. La catégorisation et le codage À partir du découpage en unités, des codes spécifiques vont être attribués compte tenu de la signification des communications pour l'opérateur. La codification est le processus qui consiste à attribuer un code spécifique à chaque unité précédemment recueillie. C'est une phase cruciale qui va conduire à une première modification des données et de laquelle vont dépendre les phases ultérieures d'analyses et d'interprétation. La catégorisation est une opération qui consiste à classer les informations recueillies et codées en différents groupements. Par exemple, il est possible de regrouper celles qui participent à la même tache, celles qui ont le même objectif. Exemple à reprendre sur diapositive

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L'exemple présenté ci-dessous montre les types de découpage en unités, les codifications et les catégorisations possibles dans une situation de travail. On a retranscrit suivant un découpage en tour de parole les communications entre un régulateur de bus et des machinistes qu'il doit gérer. Chaque fois qu'une nouvelle personne engage le dialogue, on a changé de ligne : Les opérateurs utilisent un langage codé. À 2h56 le régulateur s'adresse au machiniste du bus 29. — Régulateur : le 29 256 tu me donnes ton numéro de coquille (la plaque d’identification du bus) et ta position. — Machiniste du 29“ 256 : le 52980, je suis Place du 8 mai. - Machiniste du 154 : je viens de quitter le terminus, c’ est complètement bouché. Mais on aurait aussi pu découper ces communications en groupes sémantiques ou positionnels, ce qui nous aurait amenés à changer de ligne a chaque changement de contenu. Par exemple, pour l'intervention du régulateur on aurait pu décomposer son tour de parole en deux propositions : - tu me donnes ton numéro de coquille. - tu me donnes ta position. On peut aussi coder les communications de la façon suivante : 1 - Régulateur : le 29 256 tu me donnes ton numéro de coquille et ta position : R initie M29, PCL, radiotéléphonie, 2h55. pour indiquer que le régulateur émet un appel au machiniste du bus 29, depuis son Poste de commandement local par radiotéléphonie, à 2h55. Le numéro de coquille doit être connu du régulateur pour qu'il puisse réaliser sa tâche de gestion administrative des bus en circulation. On peut donc catégoriser cet échange comme << gestion ». En même temps, cet échange consiste en une demande d’informations de la part du régulateur, on peut donc catégoriser la forme en tant que << prise d'informations ». L'échange du régulateur porte aussi sur la position du bus. Il s'agit la donc d'une << demande d’informations >> portant cette fois sur << la position ». 2 - Machiniste du 29 256 : le 52980, je suis Place du 8 mai. M29 répond R, ligne, radiotéléphonie, 2h56. pour indiquer que le machiniste du bus 29 répond au régulateur depuis son bus en ligne par radiotéléphonie a 2h56. On a donc identifié les initiateurs et destinataires du message, le canal utilisé, l‘endroit ou la communication a eu lieu et le moment ou elle a commencé, mais sans rien dire sur le contenu et la forme des échanges. La catégorisation et la codification du contenu des échanges et de leur forme sont complexes et nécessitent une réflexion préalable sur ce qu'il sera utile d'analyser compte tenu du problème soulevé. Il existe ici des niveaux de profondeur de codification différents qui permettent d'identifier des catégories plus fines au sein d'une même catégorie. La définition du niveau minimal dépend de ce qui est significatif.

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L'analyse des communications La phase d’analyse qualitative et quantitative consiste a << travailler >> les données codifiées pour les << faire parler >>, de manière a mettre en relation certains aspects des communications préalablement codifiées, en relation avec d‘autres aspects des communications voire d“autres aspects de l‘activité également relevés. La phase d'analyse est une phase cruciale de laquelle va dépendre l’interprétation qui sera faite du travail de l’opérateur. Les analyses devront, lors de la phase d’interprétation, contribuer à mettre en évidence le problème initialement soulevé et à en expliquer les déterminants et les effets. Les différentes analyses On peut distinguer des analyses en terme de : — durée. On relève le temps consacré à parler de telle ou telle chose, à telle ou telle personne de telle ou telle manière. Les analyses en terme de durée peuvent être faites à partir de toutes les modalités définies précédemment (contenu, interlocuteur, forme. ..) ; — succession. On analyse l’enchainement de tel ou tel type de communication en insistant sur le fait que tel type suit toujours tel autre type. On peut d'ailleurs mettre en parallèle l'enchainement des communications avec les actions effectuées, ce qui rend compte du fait que tel échange se produit toujours en rapport avec telle tache ; — fréquence. On relève la fréquence d'apparition de tel ou tel type cle communication, de tel ou tel thème, du tour de parole a telle ou telle personne, du nombre de demandes d'informations, du nombre d'ordres de tel ou tel type. Les analyses fréquentielles peuvent être effectuées à partir de toutes les modalités définies précédemment (contenu, interlocuteur, forme...) ; — contenus. On relève le vocabulaire spécifique au métier, les << objets » des communications (matériel, hommes, qualité, quantité...), le temps des verbes employés (présent, futur, passe, impératif. ..), la forme des phrases (ordre, question, affirmation, négation. . .). La présentation de l'analyse La représentation graphique des analyses contribue à les rendre plus parlantes comme le montrent les exemples ci-dessous. Si on reprend les exemples utilisés précédemment, une fois la retranscription, le découpage en unités élémentaires et le codage effectués, il est possible de calculer des fréquences, des durées, ou des successions selon certaines modalités préalablement définies. On peut, par exemple : — vouloir relever simplement le nombre de fois où le régulateur initie les échanges (dans ce cas = 1) et le nombre de fois ou, au contraire, il les reçoit de la part des machinistes (= 2) ; — s'intéresser aux successions d'échanges selon que le régulateur est initiateur ou destinataire (on aura ici la succession : initie, reçoit) et vouloir en plus relever l'heure a laquelle ces messages débutent ; — noter la fréquence d'apparition de telle ou telle forme de message : nombre de demandes d'informations, d'ordres... ; — compter le nombre de fois ou tel contenu apparait : nombre de demandes << d'informations cle gestion », << d'informations de positions >>...

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Bien sûr, pour approfondir ces analyses, il est possible d'effectuer des croisements entre catégories. On peut par exemple vouloir compter à la fois le nombre de fois où l'échange porte sur tel ou tel contenu et le nombre de fois où le régulateur en est l'initiateur ou le destinataire. À ce stade, soit l’acteur ergonomique se contente de présenter des résultats, de constater que telle ou telle communication apparait plus fréquemment ou dure plus longtemps qu’une autre, sans encore fournir la signification de ce qu'il a pu observer, soit ces analyses lui permettent de vérifier ses hypothèses et il interprète les résultats.

L‘interprétation La phase d'interprétation suit immédiatement la phase d'analyse dont elle est dépendante. L‘interprétation se fait a partir cles résultats obtenus au cours de l‘analyse et vise a introduire du sens dans ce qui a été observé relativement au problème initialement soulevé. La phase d'interprétation consiste a établir des relations entre les résultats, observés et des aspects contextuels plus larges de 1a situation cle travail de l’opérateur ayant conduit a l'apparition de cette activité. Elle vise, après avoir identifié l‘existence de l‘activité de communication, a en expliquer la genèse, les déterminants, le << pour quoi faire >> de manière a fournir une autre compréhension du problème initialement soulevé et a en expliquer les déterminants et les effets. Cette phase de compréhension contribue du même coup a identifier ce sur quoi il est possible ou nécessaire d‘agir pour améliorer la situation et donc proposer des solutions. L'analyse des communications permet d'élaborer des hypothèses ou de vérifier la validité des hypothèses émises pour comprendre une situation de travail.

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Par exemple : - la durée des communications peut être révélatrice des difficultés ou facilités qu‘a l‘opérateur pour résoudre tel ou tel problème avec un client, cle son niveau de compétence élevé/faible relativement a certains aspects spécifiques du travail, des manques d'informations fournies par le système technique ou l’environnement, et peuvent ainsi conduire a des suggestions de transformations en termes cle formation, de conception ou d'organisation ; - les analyses fréquentielles peuvent être interprétées comme les analyses en termes de durée. Des communications << trop peu fréquentes >> entre différentes personnes peuvent être révélatrices d'un collectif de travail inefficace, d'une organisation inadaptée. À l'inverse, des communications << trop fréquentes >> peuvent rendre compte d'un manque d'in.formations sur certaines choses, d'un niveau de compétence insuffisant, d'une organisation inadaptée... ; - les analyses de contenus peuvent révéler les centres d'intérêt et les préoccupations majeures des opérateurs a leur travail à travers les << objets >> ou mots employés, les exigences de précision du travail, le degré de spécialisation clans le travail, l'expérience acquise à travers le vocabulaire utilisé. Elles peuvent aussi permettre de mieux comprendre les relations entre opérateurs, entre les opérateurs et la hiérarchie. L'interprétation des résultats de l'analyse se fera toujours relativement au problème initialement posé et sera enrichie des éléments qu'il a été possible de recueillir concernant le contexte politique, social ou économique de l’entreprise. Mais l'analyse des communications peut aussi faire émerger un problème non soulevé et conduire a l'élaboration de nouvelles hypothèses.

Fiche 32 : Les verbalisations Les verbalisations sont des discours de l'opérateur et, plus largement, des autres personnes présentes dans l'entreprise, sur leur situation de travail et leur travail. Elles se distinguent : - des communications clans la mesure où elles ne s‘adressent pas nécessairement à quelqu'un en particulier ; - des entretiens, dans la mesure ou elles ne sont pas recueillies pour elles-memes par l'ergonome, mais pour compléter le recueil et le traitement d'autres observables. Elles peuvent être : — spontanées. Dans ce cas, leur contenu clépend en grande partie de la relation de confiance qui s'est établie entre l‘ergonome et l‘opérateur, de la clarification de son statut et des objectifs de l‘étude par l'ergonome, de la compréhension qu'en a l'opérateur, et de sa capacité à expliciter son travail ; — provoquées par l'erg0nome. Dans ce cas, leur contenu dépend également de la relation de confiance qui s'est établie, mais aussi de la progression de la compréhension qu‘à l'ergonome cle la situation de travail, et des objectifs spécifiques qu'il poursuit. On insistera ici surtout sur ce type cle verbalisations intentionnellement provoquées par l'ergonome, en examinant a quelles étapes de la démarche elles peuvent être recueillies, selon quels objectifs et comment. Étudier Ies verbalisations, pourquoi ? Les verbalisations de l'opérateur, et plus largement des autres personnes de l'entreprise, sont utiles a recueillir et a traiter tout au long de la démarche

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d'ergonomie, depuis la phase de recueil de données socio-techniques jusqu‘a l‘établissement du diagnostic final. Globalement, elles aident l'ergonome a approcher le travail de l'0pérateur du point de vue de ceux qui en parlent, et surtout du point de vue de celui qui le réalise concrètement. Elles complètent le recueil de données socio-techniques qui s‘avère trop souvent limitées, compte tenu de : - la diversité des objectifs poursuivis par les services détenteurs de données et par l'ergonome ; - l'absence fréquente de données formelles sur l‘état instantané de l'opérateur (fatigue, stress, troubles psychologiques, rythme circadien...), les compétences réellement mise en oeuvre, les risques anticipes, le travail prescrit, les exigences informelles en terme de production a obtenir, les horaires de travail réellement effectues, l'organisation prescrite... ; - la forme, souvent trop locale, isolée, de ce qui peut être recueilli. L'opérateur, au centre des interactions fournit, par les verbalisations, les premières relations entre déterminants, travail reel et effets du travail, puisqu'il il est lui même au centre de ces interactions. Elles complètent les observations ouvertes et systématiques du travail. Les observations du travail contribuent a fournir des faits reels, et constituent clonc une étape incontournable de la démarche d‘ergonomie. Néanmoins elles ont, elles aussi, quelques limites, compte tenu : — de ce qui peut être observé. L'activite ne se réduit pas a ce qui est observable (gestes, postures, déplacements et directions de regards) ; elle contient également toute une activité cognitive de prise d'informations, de planification, de raisonnement, de diagnostic, d’anticipation, de prise de décision, qui n'est pas directement accessible par l'observation ; - de la durée et du moment des observations. L'observation est nécessairement limitée dans le temps, l'ergonome ne pouvant être indéfiniment présent aux cotes de l'opérateur. Or, pour bien comprendre le travail reel et les contraintes qui pèsent sur lui, les éléments de variabilité et de diversité de la situation, et reflechir aux améliorations possibles, l'ergonome doit pouvoir resituer ses observations dans un contexte temporel plus large que celui de l'observation. Verbalisations recueillies dès les premiers contacts auprès de l’opérateur et/ou de son entourage. Elles permettent à l'ergonome : - d'obtenir des informations générales du point de vue de ceux qui parlent de la situation et surtout du point de vue de l'opérateur qui vit la situation, sur les caractéristiques de la population, de l'entreprise, le travail prescrit, informellement exige, les premières descriptions globales du travail reel, les effets du travail et quelques relations entre déterminants, activité et effets du travail ; - de se familiariser avec le vocabulaire professionnel utilisé ; - d'identifier globalement les contraintes qui pèsent sur le travail de l'opérateur et les effets qui en découlent ;

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- de formuler les premières hypothèses sur les relations de causalité en jeu entre les divers composants de la situation ; - de définir les modalités de l'observation systématique et d'établir la grille de recueil. Verbalisations recueillies auprès de l'0pérateur durant le recueil et/ou le traitement des observations du travail et plus particulièrement de l'activité. Elles permettent a l'ergonome : — de mieux comprendre l'activité réalisée et ses déterminations. Elles enrichissent notamment les analyses effectuées sur les déplacements et les directions de regard en permettant de mieux comprendre leur sens, leur intentionnalité pour l'opérateur ; — d'identifier de nouveaux éléments qui mériteraient d'être plus approfondis lors d'une analyse ultérieure ; — de mieux comprendre les effets constatés ou probables du travail ; — de valider les observations réalisées, l'opérateur confirme, infirme ou relativise la validité des observations) ; — de construire et/ou valider le diagnostic final (l'opérateur confirme l’exactitude du diagnostic réalisé) ; — d'inscrire ce diagnostic dans le contexte plus général de l'entreprise (l’opérateur peut enrichir le diagnostic en fournissant de nouvelles informations) ; — de réfléchir et discuter des modalités possibles et souhaitables de transformation de la situation de travail (l'opérateur participe à la définition des transformations possibles et souhaitables). Les formes du questionnement Les objets sur lesquels porte le questionnement ne sont pas les mêmes, comme on le verra plus loin, suivant les étapes de la démarche auxquelles on se situe. La forme du questionnement est, elle aussi, à adapter en fonction des moments du questionnement, mais surtout des objectifs poursuivis par l'ergonome. On distingue traditionnellement : - les questions fermées. Elles consistent à orienter le questionnement vers un choix de réponses délimité, cadré et donc souvent très restreint. Il s'agit de questions qui obtiennent des réponses précises, mais souvent pauvres (parfois seulement << oui >> ou << non >>). Elles sont (sauf cas particulier) a éviter parce qu'elles enferment l'opérateur dans un cadre prédéfini et souvent très normé qui freine la liberté des échanges et leur qualité. Elles limitent également Pétablissement de relations de confiance. Elles sont par conséquent souvent peu informatives ; - les questions ouvertes. Elles consistent à interroger l'opérateur d'une manière plus vague, plus souple. Elles consistent davantage à initier un dialogue qu'à susciter des réponses proprement dites. Dans le fil du dialogue, l’ergonome ne doit cependant pas perdre de vue les objectifs de son questionnement, et doit donc, en cas de dérive, pouvoir recentrer le discours sur les éléments pertinents, sans pour autant rompre la discussion. La difficulté réside ici dans les possibilités de déterminer ce qui est ou non pertinent. - les relances. Elles consistent, à partir de ce que dit l'opérateur, a l'aider a développer sa réflexion en s'appuyant sur les éléments qu’il a évoqués et/ ou les faits que l'ergonome a pu recueillir par ailleurs. Les relances et les questions ouvertes sont a privilégier durant les premiers contacts avec l'opérateur lors du recueil de

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données socio-techniques et des observations ouvertes du travail. Les questions plus fermées s'avèrent souvent utiles lors de l'analyse de l'activité. Dans tous les cas, l'ergonome doit écouter ce que lui dit l'opérateur, mais aussi être capable d‘entendre ce qui reste implicite et informel et d'en favoriser la mise en mots par un questionnement adéquat. ll doit entre capable d‘entendre tout ce qu'on lui dit (ou veut lui dire), et pas seulement ce qu'il veut bien écouter. ll doit pouvoir entrer dans la logique subjective propre de son interlocuteur, sans minimiser l'importance de ce qui est dit sous prétexte d'objectivité et, de toute façon, sans le juger. Quand, comment et dans quel but recueillir les verbalisations ? Le recueil de données sociotechniques et les observations ouvertes sont l'occasion d'établir les premiers contacts entre l'ergonome et l‘opérateur. À ce stade les verbalisations spontanées de l'opérateur et les questionnements de l'ergonome s'orientent davantage vers la globalité du travail réalisé et la situation dans laquelle il s'insère, que sur l'activité spécifique de réalisation. ll s'agit ici surtout d'obtenir une représentation globale du travail réalisé selon une temporalité très large (journée, semaine, voir même mois ou année). Les questions visent à amener l'opérateur à évoquer les notions de variabilité et de diversité des conditions de travail et des effets de 1'activité, les incidents rencontrés, les difficultés ressenties, les régulations mises en oeuvre... Lors des observations systématiques, l’ergonome peut recueillir les verbalisations, dites simultanées, qui accompagnent l'activité de l'opérateur, centrée sur ses modalités concrètes et spécifiques de réalisation. Leur temporalité est nécessairement limitée 3 h période d’observation, significative de certaines périodes spécifiques de l'activité que l’ergonome cherche a mieux comprendre. En l’absence de verbalisations spontanées, l‘ergonome peut questionner l'opérateur: durant son activité pour qu‘il lui explicite certains éléments de son travail restés obscurs, mais il peut aussi avoir demandé a l‘opérateur, avant qu'il n‘ait commencé son travail, de préciser certains éléments (qui ne seraient pas forcément perceptibles pour l’ergonome) de manière systématique. Il s'agit notamment de ce qui a trait à son activité cognitive (détection d‘incidents, modalités de contrôle, objectifs poursuivis.). Les questions propres à susciter les verbalisations doivent inciter l'opérateur à expliciter : - le but de ses actions (le comment) ; - les objets sur lesquels elle porte (le quoi) ; - les moyens qu‘il utilise (le avec quoi) ; - les moments de réalisation (le quand) ; - les lieux de réalisation (le où) ; - parfois meme, certaines informations en terme de fréquence et/ ou de durée, en tenant compte des notions de variabilité et de diversité. Il est par ailleurs souvent utile d'associer l'opérateur aux traitements des observations ouvertes et systématiques en le faisant verbaliser, parce qu'il est le seul a pouvoir expliciter le déroulement et l'intentionnalité de son activité. Dans ce cas, il ne s'agit plus de verbalisations simultanées, mais consécutives a l'activité, ou d'autoconfrontation. Ces verbalisations favorisent bien souvent une prise cle conscience, par l'opérateur lui-même, de la complexité de son travail et de ses conséquences, ce qui valorise son travail et facilite l’explicitation qu'il en fait.

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Comment analyser et interpréter les verbalisations ? L'analyse et l'interprétation des verbalisations spontanées et/ ou provoquées doivent toujours, pour favoriser la compréhension de la situation de travail, être menées en relation avec le recueil des données socio-techniques, le (ou les) probleme(s) a traiter et les modalités observées de réalisation concrète du travail. La reconstruction des liens entre les différents composants de la situation peut être plus ou moins complexe selon le type de verbalisations recueillies. Dans le cas de verbalisations spontanées, il est rare que ces liens aient été systématiquement précisés par l'opérateur. Par contre, dans le cas de verbalisations provoquées, l’ergonome a généralement orienté les explicitations pour guider cette construction de liens. Intérêts et limites des verbalisations simultanées L‘intérêt des verbalisations simultanées au travail réside dans le fait qu'elles se font en situation, dans le cours de l'action, et donc en présence de l'ensemble des éléments qui déterminent le travail réel. Elles ont néanmoins des limites : — elles exigent une double tache de la part de celui qui verbalise. Il doit à la fois travailler et expliciter son travail. Une trop grande disponibilité pour répondre aux questions de l’ergonome risque de modifier le déroulement de l’activité. L’opérateur risque d'être moins attentif à certaines informations, ce qui peut avoir des conséquences sur la qualité des produits fabriqués, ou sur sa propre sécurité ; il risque de prendre du retard dans la quantité des produits fabriqués, et même de pénaliser ses collègues qui devraient rattraper ces éventuels retards ; — la présence de l'ergonome sur le lieu de travail modifie nécessairement certaines de ses conditions de réalisation. Il faut veiller à en limiter au maximum les conséquences. Quelques règles de bon sens suffisent parfois à éviter les perturbations, mais dans certains cas on peut penser que l‘opérateur est disponible pour répondre parce qu'il a l'air de ne rien faire, alors qu‘en fait il effectue une activité cognitive intense. Il s'avère alors très utile de convenir préalablement avec l’opérateur des moments possibles de ces verbalisations, de manière a ce qu‘e1les ne le gênent pas trop dans son activité ; — les verbalisations sont difficiles a recueillir en ambiances bruyantes et ce d'autant plus si l'opérateur porte des protections individuelles, qu'il ne faudra en aucun cas lui demander d'enlever ; — les verbalisations sont difficiles à recueillir si l’opérateur se déplace souvent. intérêts et limites des verbalisations consécutives Les limites des verbalisations consécutives au travail résident dans le fait que : — elles se font hors du contexte réel de déroulement de l'activité. Elles consistent donc surtout en un discours sur l'activité ; — l’opérateur risque de vouloir trop rationaliser ce qu'i1 a fait, de fournir des justifications, de donner à ses actions un sens différent de celui qu'e11es ont réellement dans le cours de l’action ; — l‘opérateur peut vouloir masquer certains modes opératoires qu'i1 met en oeuvre, notamment ceux qui sont contraires au prescrit, et/ ou qui peuvent être risqués pour sa sécurité, celle des autres, voire meme pour la machine. Pourtant ces modes opératoires mis en oeuvre au cours de 1‘activité sont souvent incontournables puisqu‘ils sont le résultat des compromis que l'opérateur réalise (cf. fiches 12 et 17) ;

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— l'opérateur ne dispose pas toujours des mots nécessaires pour expliciter le déroulement de son activité. Avec le développement de ses compétences, certaines de ses actions se sont automatisées, sont devenues peu conscientisables, et donc peu traduisibles en mots, alors qu‘elles ont été essentielles au développement de ses compétences. De la même manière, certaines habiletés, notamment sensori-motrices, sont difficilement verbalisables hors contexte (exernple : les prises d'informations tactiles se traduisent souvent sous la forme << je le sens, c'est tout >>). Ces limites peuvent être dépassées : - par un questionnement adapté de l’ergonome qui aide l’opérateur à resituer l’activité dans le contexte de son déroulement. Il faut notamment intégrer dans les questions les variables en jeu dans Ia situation réelle : le temps, l‘espace, les individus, les objets, les moyens, et amener l'opérateur a rendre compte des éléments de variabilité et de diversité : - en appuyant le questionnement sur les faits réellement recueillis lors des observations. Il s'agit de demander de commenter ces faits, ces résultats recueillis précédemment : - en appuyant le questionnement sur l’enregistrement vidéo du travail réel. Un support vidéo contribue a replacer l’opérateur dans un contexte très proche de la réalité du déroulement de son travail réel et facilite ainsi l'explicitation. Les verbalisations obtenues peuvent ainsi être directement mises en parallèle avec les actions réalisées, ce qui enrichit les analyses. On parle dans ce cas d’autoconfrontation. Quelques précautions nécessaires Les facteurs qui peuvent modifier la nature, Ia quantité et la qualité des verbalisations sont nombreux : la personnalité de l'opérateur et celle de l’ergonome, les relations de confiance qui se sont établies entre eux, le niveau de compréhension de la situation par l’ergonome, les objectifs poursuivis, le lieu ou s’effectuent les verbalisations. Dans tous les cas il faut être très attentif aux réticences que l'opérateur peut avoir a parler cle certains aspects de son travail ou de la situation, et a l'inverse, aux points sur lesquels il a tendance a s'épancher longuement. Ils peuvent être révélateurs : - d'une représentation incomplète de ce qu'est l’ergonomie. Il convient alors de bien clarifier les critères de cette démarche. Trop souvent les opérateurs véhiculent des représentations de l'ergonomie en termes de gestes, postures, d'ambiances physiques, de caractéristiques de surface des équipements, voire même de réglementations et de normes. Ils peuvent donc limiter leurs verbalisations à ces seuls aspects parce qu'ils pensent que ce sont ceux-là qui intéressent l'ergonome. Ils peuvent avoir également tendance a insister sur leur respect des règles de sécurité alors même qu'ils ne les suivent pas réellement ; - d'une représentation peu claire du statut de l’ergonome relativement aux instances dirigeantes de l'entreprise. Il convient alors de clarifier le rôle spécifique de l’intervention qui consiste plus en une médiation qu'en une réelle prise de position pour l'une ou l‘autre des parties. Les opérateurs se gardent souvent de dévoiler la réalité de leur travail parce qu'ils craignent d'être sanctionnés par leurs dirigeants.

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Certains modes opératoires peuvent en effet être non conformes, voire même contradictoires avec les règles de sécurité a respecter. ll convient alors pour l'ergonome d'expliquer a l'opérateur qu‘il souhaite montrer les conditions de leurs mises en oeuvre pour pouvoir en limiter les contraintes. Parfois aussi, certains opérateurs craignent, en dévoilant leurs stratégies de gestion des situations, de perdre les primes qui sont liées aux conditions de travail risqué ou pénible. Ils peuvent être gênés de dévoiler certains effets sur la santé susceptibles d'être interprétés en terme d'inaptitude. Il arrive également que l'opérateur craigne que ses compétences soient formalisées et qu'il perde ainsi la valeur de ses compétences. À l'inverse, certains opérateurs peuvent insister longuement sur certains aspects du travail en pensant que l’ergonome pourra forcément les résoudre. Il convient aussi de rappeler que le pouvoir de décision ne lui appartient pas, mais qu’il est la pour susciter une réflexion collective. L'ergonome doit consacrer du temps a ces clarifications qui fonderont l'établissement de relations de confiance, indispensables a la réalisation de toute étude d'ergonomie.

Fiche 33 : Photographier Qu’apporte l’analyse de photographies ? La photographie décrit une action d'un ou plusieurs opérateurs dans un espace et a un moment précis. Par rapport à un vidéogramme, la photographie ne dit rien de ce qui s'est passé avant la prise de vue, ni ce qui se passe ensuite : elle est statique. C'est un moment donné, à un endroit donné et une action donnée.. Elle est utile lorsqu'il y a engagement corporel de l'opérateur et lorsque l'image que l’on veut montrer est suffisamment visible (distance focale, niveau d’éclairement ...). Elle peut mettre en évidence des éléments caractéristiques de la situation de travail. L’image peut quelquefois être plus parlante que plusieurs pages de texte. C’est souvent le cas pour les informations spatiales. la prise de photographies L’autorisation des personnes est nécessaire avant de les photographier. Dans certaines entreprises, les prises de photographies doivent être négociées avec l‘encadrement (secrets de fabrication). Un accord de principe est toujours nécessaire. La prise de vue doit venir saisir une attitude ou un événement précis, que l'on a préalablement considéré comme étant en relation avec le problème que l'on traite. En ergonomie, une photographie comprend presque toujours un opérateur en action. Par exemple, on photographie : - les différentes postures pénibles adoptées par un opérateur pendant le travail ; - un opérateur effectuant des transports de charges ; - un opérateur réalisant une intervention dangereuse pour lui ; - un opérateur qui court pour régler un incident.

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La photographie doit saisir un moment privilégié de l'activité de l’opérateur. L‘usage des photographies Les photographies sont bien adaptées pour mettre en relation plusieurs observables, postures et prises d'informations, postures et port de charges, prise d'informations et direction de regards. La photographie permet de visualiser une relation entre un aspect ou un moment particulier de l’engagement corporel d’un ou plusieurs opérateurs et le problème posé. C‘est une preuve visuelle d'une situation caractéristique. Très souvent elle est reçue comme preuve incontestable (statut de l'image). Elle peut également venir illustrer des résultats. Par rapport au problème posé, la photographie peut révéler les difficultés de l'opérateur à son poste de travail, l'organisation de l'espace de travail de l'opérateur. Elle fixe ce qui a pu échapper au regard dans l'observation directe. L'anonymat des personnes ou l’aut0risation de celles-ci est indispensable pour utiliser les photographies hors de l'entreprise. Si l'anonymat ne peut être assuré, l'autorisation formelle de la personne photographiée est nécessaire pour toute utilisation publique de la photographie. La présentation des photographies Les photographies doivent être démonstratives. Le titre doit être bien adapté à ce que l'on veut montrer : l'observateur d'une photographie la scrute en fonction des consignes ou du guidage cognitif donné par le titre. Une photographie sans titre n‘a pas de sens, comme le plus souvent une photographie sans opérateur. Les photographies peuvent être utilisées directement, avec tous les détails fixés sur la pellicule, même ceux qui n'ont pas d'intérêt par rapport au problème posé. Mais on peut aussi mettre particulièrement en évidence ce qui est le plus important en utilisant la photographie au trait : la photographie est travaillée pour ne retenir que les éléments démonstratifs. Elle est dépouillée de l'inutile pour la démonstration.

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Fiche 34 : Faire un plan Un plan est un moyen de représenter de manière organisée l'espace que l'on observe en mettant en relation des faits ou des choses avec cet espace. Le plan peut permettre de situer les machines et les outils utilisés ou pas par le travailleur ou le collectif de travail que l'on observe. Il sert également à situer les places de travail de chacun ainsi que les déplacements des travailleurs. Il peut aussi, si nécessaire, servir de support pour représenter les flux de matières ou d.'outillages. Enfin, il peut également servir de support si des cartes de bruit ou d'éclairage s'avèrent utiles lors des observations systématiques. C'est pourquoi, les mesures

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figurant sur le plan doivent tendre a être proportionnellement exactes, tant en ce qui concerne l‘espace que la surface des machines et des outils. Pour de grandes surfaces, une ficelle comportant des noeuds tous les mètres, voire tous les cinq mètres, peut permettre un quadrillage utile représentant les proportions de l'espace observé. Attention ! Certains plans fournis par les entreprises peuvent s'avérer faux, car il y a souvent une grande différence entre les plans d'architecte et la réalité de l'espace que l'on observe. Il en est de même pour la surface des machines où se trouvent parfois oubliés des éléments annexes non prévus initialement. Quatre exemples de croquis structurant l‘espace sont proposés dans les pages suivantes : - le premier et le deuxième présentent une carte permettant un recueil de niveau sonore et une carte cle bruit d’un atelier ; - le troisième présente une implantation d’atelier couplée avec une représentation des déplacements d’un opérateur ; - le dernier représente deux schémas comparatifs d’un même poste avant et après transformation.

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Fiche 35 Les chroniques de travail Une chronique de travail est un relevé systématique daté qui restitue l'enchainement temporel des faits et gestes de l’opérateur en activité de travail réel, ainsi que des évènements du travail. Des chroniques pour faire quoi ? La chronique constitue un outil très complet qui sert à la fois de : support de recueil, d'analyse et de présentation des observations du travail, dont elle restitue la dynamique du déroulement réel (par opposition aux calculs de quantification qui aboutissent a des représentations plus statiques sous forme de diagrammes à secteurs et histogrammes). La chronique rend compte de : — la succession temporelle des événements au fur et à mesure de leur apparition ; — la durée de chaque événement ou cle plusieurs éléments regroupés ; — la relation temporelle existant entre les divers événements qui se produisent. — référence pour effectuer des analyses quantitatives (dénombrements, proportions brutes, pourcentages), qui pourront ensuite être représentées graphiquement sous forme de diagrammes a secteurs et/ ou d‘histogrammes. Il y a intérêt à répéter l'observation et à choisir plusieurs moments d‘observation de façon à pouvoir confronter plusieurs chroniques relatives à une même activité et à pouvoir évaluer la variabilité du travail réel. Modalités de construction et objets des chroniques Chroniques globales Lors des observations ouvertes du travail, les chroniques établies visent à fournir à l'ergonome une vision très globale du déroulement réel du travail de l'opérateur. Nous parlerons de chroniques globales. La construction de ces chroniques est relativement simple puisqu’elle nécessite seulement de relever linéairement sous forme narrative les faits qui apparaissent au fur et à mesure de leur déroulement. Pour simplifier le choix ultérieur des observations spécifiques à recueillir et faciliter la construction de chroniques spécifiques, mieux vaut aller à la ligne pour écrire chaque nouvelle action. Ce recueil doit nécessairement contenir des informations relatives à la variable « temps », c’est à~dire une chronologie plus ou moins explicite, qui peut s'exprimer à partir d'adverbes (avant, après, pendant. . .), mais aussi à partir d'indications temporelles chiffrées. Comme il est souvent difficile, en observation ouvertes, de définir l'unité de temps qui sera pertinente lors de l'analyse systématique, il suffit parfois, a ce stade, de n'indiquer que grossièrement le moment d‘apparition des faits, par exemple toutes les 5 minutes, ou de noter le temps a chaque changement d’action. Compte tenu des contraintes imposées par la simultanéité de l'observation et l'écriture, il est rare de trouver, dans ce type de chroniques, l'ensemble des variables (individus, objets, moyens, espace, activité) présentes dans la situation. Si le sujet et les objets de l'action sont souvent précisés, c’est moins souvent le cas en ce qui concerne les moyens utilisés, l'activité mise en oeuvre et les lieux fréquentés par l'opérateur au moment de ses actions.

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Une telle chronique ne suffit pas à assurer la démonstration. Elle doit être complétée par l‘établissement de chroniques plus spécifiques qui ne viseront à retenir du travail réel que les données qui permettront de mieux comprendre la situation en validant les hypothèses, de démontrer le diagnostic effectué, et de réfléchir aux transformations possibles ou souhaitables. Le choix des variables a recueillir et a y faire figurer dépend de ce que l‘ergonome souhaite démontrer (cf. fiche 20). Chroniques spécifiques Pour établir une chronique spécifique du travail, l'ergonome note au fur et à mesure de leur apparition : — les différentes variables de la situation en présence qu'il souhaite recueillir compte tenu des hypothèses et du diagnostic a éprouver. Il les enregistre au fur et à mesure de leur apparition et les fait figurer sur une feuille de chronique. ll peut s'aider d'un enregistreur d'événements au sein duquel il aura introduit les codes correspondant aux variables qu'il souhaite relever qu'il n'aura alors plus qu'a saisir au fur et à mesure de leur apparition. ll pourra s'agir de : — la variable objets (les objets sur lesquels l'opérateur agit) ; — la variable moyens (avec quoi il le fait) ; — la variable individus (avec qui il le fait) ; — la variable espace (où il le fait) ; — la variable activité (comment il le fait). — leur évolution dans le temps : au recueil de toutes ou de certaines des variables ci-dessus, il faut aussi impérativement associer la variable temps qui permet de resituer les observations dans le contexte temporel de leur déroulement. Pour pouvoir prendre en compte cette dimension temporelle du travail des les observations, l'ergonome doit préalablement avoir défini les unités de temps significatives a utiliser. ll faut ici entre très précis : - dans la définition cle l'unité de temps a prendre en compte ; - dans la spécification cles modalités des variables a relever, notamment en ce qui concerne l'activité. Par exemple, alors que lors de la construction d'une chronique globale, on pouvait se contenter cle recueillir les postures comme une variable globale, il fauclra maintenant, pour construire la chronique spécifique, définir différents types de postures comme << bras tendu vers l’avant », << bras plies >>..., chaque type de posture étant considéré comme une variable spécifique. Ces contraintes de spécification qui multiplient les éléments à relever rendent la réalisation matérielle d'une telle chronique sur chronogramme très difficile en temps réel, au cours des observations. ll vaut parfois mieux lui substituer provisoirernent un recueil sur tableau (la présence de lignes simplifiant le recueil), ou un recueil narratif, celui-ci devant contenir les mêmes variables et la même unité de temps que celles qui seront reportées ensuite sur la chronique définitive. La réalisation d‘un chronogramme s‘avère également plus facile a posteriori, à partir du visionnement d'un enregistrement vidéo. À présenter sur diapositives du diaporama

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Exemple de construction de chroniques issues de l’observation d'un opérateur sur un tour Chronique globale de type narratif pour la fabrication d'une pièce 00 00 – l’opérateur monte la pièce 00 U5 - serre la pièce 00 15 - baisse le carter 00 19 - bascule le bouton de sens de rotation et appuie O0 27 - approche l'outil de la pièce 00 30 - enclenche le mouvement d'automatique Attend 00 40 - débraye le mouvement d’automatique 00 41 - recule l’outil 00 45 - arrête la machine O0 47 – commande l’ouverture 00 48 - ouvre le capot 00 52 - tourne le mandrin manuellement 01 00 - desserre la pièce 01 03 - récupère la pièce On sait que l'0pérateur de productique souffre du dos et des épaules : c'est le problème. On a observé qu'il adoptait des postures << contraignantes » avec effort face a certains objets et moyens de travail : c'est ce qui est apparu lors des observations ouvertes. On fait l'hypothèse qu'il existe une relation entre les objets sur lesquels il agit, les moyens qu'il manipule, les postures nécessaires a l'exécution de son travail et ses douleurs : il s'agit de faire un lien hypothétique entre des déterminants en terme d'objets et de moyens, l’activité posturale et les effets en terme de douleurs. L'ergon0me spécifie les variables à relever et les reporte sur le chronogramme. Les observables de l'activité posturale pourront être spécifiés selon les modalités suivantes : bras tendu vers le haut, bras libre, rotation de l'avant-bras, rotation du poignet, flexion du poignet, appuis. Les objets et moyens qui conduisent à l’adoption des postures, par exemple pièce, bouton de commande, rnanivelle, carter, clé de mandrin... Tous ces éléments sont à indiquer sur l'axe vertical de la chronique. L'unité de temps pourra être spécifiée en secondes. L'ergonome reporte donc le déroulement temporel sur l'axe horizontal de la chronique. Lors des observations systématiques, il peut ainsi se contenter de cocher de gauche à droite, les objets, les rnoyens et les postures qui apparaissent conjointement. Mieux vaut présenter l’ensernble de ces éléments constitutifs du travail sur une rnérne chronique, en les séparant par un trait, pour faciliter les mises en relations entre élérnents . Extrait de chronique systématique du travail 00 00 — l’opérateur monte la pièce (flexion poignet, piéce) 00 05 — serre la piéce (rotation avant bras, clé de mandrin) 00 15 — baisse le carter (bras tendu, carter) 00 19 - bascule le bouton de sens de rotation et appuie (appuis, boutons de commandes) 00 27 - approche l’outil de la piéce (rotation poignet, manivelle) 00 30 - enclenche le mouvement d’aautomatique (appuis, boutons de commande) O0 30 a 14 00 40 ~ Attend (bras libre, rien)

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00 40 - débraye le mouvement d’automatique (appuis, boutons de commande) 00 41 — recule l’outil (rotation poignet, manivelle) O0 45 - arrête la machine (appuis, boutons de comrnandes) 00 47 — coinmande l’ouverture (appuis, boutons de commandes) 00 48 – ouvre le capot (bras tendu, carter) 00 52 - tourne le mandrin manuellement (rotation avant bras, mandrin) 01 O0 - desserre la pièce (rotation avant bras, clé de rnandrin) O1 03 - récupère la pièce (flexion poignet, pièce) On obtient, à l’aide du logiciel Actogram KronosTM, le chronogramme suivant (limité aux postures et aux éléments matériels).

On n'a retenu ici que deux indicateurs : les postures adoptées et les éléments matériels manipulés. Modalités d'analyse et d'interprétation des chroniques Les chroniques élaborées en observations ouvertes et/ ou systématiques peuvent faire l'objet des memes traitements que toutes les autres formes de recueil d'observations possibles. Les chroniques ont l'intérêt de montrer la réalité du travail clans son déroulement concret, incluant les relations temporelles. L‘intérêt des traitements effectués à partir des chroniques réside dans le fait qu'ils rendent compte de manière systématique de la variable temps. Il devient ainsi possible d'effectuer différents calculs cle durée, de fréquence, et cle succession sur lesquels il sera intéressant d'appuyer l’interprétation, le diagnostic et donc la recherche de pistes de transformations. La restitution narrative des chroniques favorise une lecture linéaire, successive, qui ne focalise pas vraiment l'attention du lecteur sur les éléments essentiels. Une présentation sous forme de chronograrnme s'avère plus synthétique, et donc plus démonstrative, puisqu’elle favorise différents types de lecture possible, à la fois

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horizontale et verticale. Ainsi, à partir de l‘exemple précédent, on repère directement sur la chronique systématique les objets et moyens (carter, manivelle et clé de mandrin) qui conduisent l'opérateur a adopter certaines postures contraignantes susceptibles d.'expliquer les douleurs dorsales et aux épaules évoquées.

Fiche 36 : Les outils de présentation et de traitement des observations et des données chiffrées Ces outils permettent de : — traiter des informations brutes sur la population, l‘entreprise et le travail, pour les synthétiser et démontrer ainsi leur importance relativement aux problèmes à traiter ; — présenter synthétiquement ces informations pour qu‘elles soient plus facilement lisibles et compréhensibles par les différents acteurs de l’entreprise ; — favoriser la mémorisation des informations traitées par l'utilisation d'un code graphique. Ces informations peuvent exister dans l’entreprise : — sous une forme brute, non traitée. Il devient alors nécessaire, pour qu'elles soient compréhensibles, de définir des modalités de regroupements en catégories avant de se lancer dans un traitement statistique. Dans le cas d‘observations du travail réel, il est par ailleurs rare que d'autres, avant l’ergonome, aient déjà mené de telles observations. L'ergonome part donc d.'informations individuelles et contextualisées qu‘il devra lui même recatégoriser avant traitement ; — sous une forme quantitative, déjà traitée de manière chiffrée. Cette forme de présentation des informations est rare dans le cas d'observations du travail, mais elle est très fréquente dans le cas de données socio-techniques. Cependant, bien souvent, les objectifs des services détenteurs et ceux de l'ergonome ne sont pas les mêmes, l‘ergonome doit donc lui-même, recatégoriser les données avant cle les traiter. Dans ce cas, il doit démarrer les analyses à partir des données brutes, et définir les modalités pertinentes de groupement en classes, en fonction de ses propres objectifs. La confidentialité de certaines informations, ayant notamment trait aux caractéristiques des individus (exemple, maladies professionnelles), ne lui permet pas toujours d'accéder directement aux données individuelles, mais seulement au regroupement des données effectué par le service détenteur (exemple, médecin du travail) ; il convient alors de faire préciser au service en question, les modalités de regroupement utilisées pour coder les données individuelles. Les informations recueillies peuvent rendre compte : — d'une seule variable (exemple, données relatives a un seul opérateur ou a un seul observable). Dans ce cas les traitements s‘effectuent intra-variable ; — de plusieurs variables (exemple, données relatives a plusieurs opérateurs ou plusieurs observables). Dans ce cas, les traitements doivent s'effectuer à la fois intravariables, mais aussi inter-variables. Il faut donc trouver des critères qui soient communs, et par conséquent utilisables, pour effectuer des comparaisons. Définition préalable de ce qui va être recueilli et étudié :

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Avant toute analyse statistique, il faut préalablement choisir : - la ou les variables pertinentes par rapport à l'objectif. Il peut s'agir des variables caractéristiques de la population, caractéristiques de l'entreprise, caractéristiques des effets du travail sur la population, caractéristiques des effets du travail sur l'entreprise, et/ ou caractéristiques du travail ; - la ou les modalités de la variable choisie. Chacune des variables choisies peut être spécifiée avec certaines caractéristiques. Ainsi, la variable population, peut être spécifiée suivant les critères âge, sexe, taille... La variable travail peut être spécifié suivant les modalités tâches et activité. La partie activité de la variable travail, peut ensuite elle-mème être considéré comme une variable, dont les modalités sont définies par l'ergonome comme des observables : << gestes >>, << postures », << directions de regard >>, << communications >>. Ces modalités peuvent, en vue de l'observation systématique, à nouveau être spécifiées. Elles deviendront a leur tour des variables, dont les modalités devront être définies par l‘analyste en référence au problème pose et a la réalité du travail observe. Par exemple, pour l'observable << geste >>, il faudra spécifier des modalités telles que << bras tendus vers l'avant >>, << bras levés >>. Dans la mesure on le travail comprend également des taches, et une dimension spatio-temporelle, ce même travail de spécification doit être réalise à partir des variables : — objets, dont les modalités pourront être par exemple << pièces brutes », << pièces fines >>, << copeaux >>... ; — moyens, qui pourront être spécifiés par exemple en << outils de mise en position >>, << outils de réglage >>, << outils de mesures », << outils d‘évacuation des copeaux >> ; — espaces, qui pourront être spécifiés par exemple en << machine X >>, << local de rangement des pièces brutes », << local de rangement des pièces finies », << bac-local de stockage des copeaux >>, ces memes lieux pouvant à leur tour, être a nouveau specifies. Ainsi le lieu << machine >> peut être spécifie en << sous-lieux » permettant d'identifier les différentes parties de la machine ou il se trouve (ecran, outils. . .) ; — temps, variable qui peut être spécifié en heures, minutes, secondes, selon le niveau d'analyses utilise. On peut ici relever le moment de début et/ou cle fin d’un phénomène, et/ ou la cluree de ce phénomène. Le rapport entre variable et modalités est un rapport cle généralisation-spécificanon Aussi, une modalité a un moment clonné du traitement peut, par la suite devenir une variable a un autre moment du traitement, selon le niveau de finesse du traitemerit adopté. Ces généralisations—spécifications peuvent être réalisées pour des données générales sur la population et l'entreprise, mais aussi pour traiter les observations du travail réel : - la ou les modalités de regroupement pertinent des unités par rapport à l'objectif. Prenons l'exemple de la modalité age. Les relevés individuels auprès cle chaque opérateur de l'entreprise ou clu service, vont nous fournir une liste d‘inclividus auxquels vont être associés différents âges, c'est ce qu‘on appelle, en langage statistique, les unités statistiques.

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La catégorisation consiste a réfléchir aux modalités cle regroupement possible des efiectifs suivant des classes plus globales d'âge. On peut par exemple regrouper ensemble, dans la même classe, tous les individus qui ont entre 31 et 35 ans, tous ceuxqui ont entre 36 et 40 ans... La définition des classes de regroupement doit être pensée en référence au problème a traiter. ll faut également veiller a conserver le même mode cle regroupement pour toutes les données individuelles, ne pas traiter en même temps des classes d'âges variables de 5 ans, et des classes cl'âge variable de 10 ans. Ce regroupement en classe s‘appelle en langage statistique, regroupement selon les modalités prises par la variable âge. Création de supports de présentation des données Les données et/ou observations recueillies doivent, pour pouvoir être traitées stafistiquement ou graphiquement, figurer sur un support. La construction de tableaux synthétiques est à privilégier par rapport au recueil linéaire. Avant la phase de traitement des données, il faut généralement construire deux types de tableaux : — un tableau de recueil de données à double entrée. Cornpte tenu des différents regroupements de données réalisables, mieux vaut, dès le début, conserver les données individuelles recueillies sur un support papier ou informatiques, généralement sous forme de tableau sur lequel on les reporte. On fait figurer en colonnes les différents individus observes et en lignes les différentes variables ou rnodalités étudiées. Ce tableau contient clonc autant de lignes et de colonnes que cle sujets et de variables étudiées. La lecture du croisement d‘une ligne et cl'une colonne permet de voir le recueil relatif a un individu pour une variable ou modalité particulière. Il faut toujours conserver ce tableau initial qui pourra être réutilisé de diverses manieres, en fonction de la manière dont l‘analyste peut cléfinir ses regroupements en classes. - un tableau de synthèse des données. À partir du tableau précédent, et après définition des modalités pertinentes a étudier, l'analyste reconstruit un autre tableau au sein duquel n‘apparaitront plus les résultats individuels, mais ceux obtenus après regroupement en classes, en modalités. C'est à partir de ce second tableau que les traitements statistiques pourront être effectués. À l'inverse du premier, on ne voit plus les résultats individuels, mais uniquement les résultats par rapport a certaines modalités spécifiques. Réalisation de traitements sur les observations Les variables étudiées et/ou leurs modalités peuvent subir différents types de traitements. Ces traitements peuvent porter sur une ou plusieurs variables, et/ ou sur une ou plusieurs de leurs modalités. Bien souvent, il s‘avère indispensable d‘effectuer des traitements qui combinent différentes variables ou différentes modalités de différentes variables. Ces traitements peuvent s'effectuer en forme de : — comptages = dénombrements. On se pose ici seulement la question de savoir si tel élément est présent ou absent et combien de fois. Par exemple :

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— pour les effets sur la population on peut dénombrer le nombre d'individus souffrant de problèmes de lombalgies, ceux souffrant de douleurs aux bras... ; — dans le cas de la variable travail, on dénombre combien de fois la modalité de l‘activité apparait seule (exemple, l'opérateur a 10 fois le dos courbé, 5 fois le dos droit), ou bien combien de fois telle modalité de la tache apparait seule (exemple, l'objet pièce brute est manipulé 5 fois, l'objet pièce finie 1 fois), ou bien combien de fois telle modalité de la tache apparait conjointement avec telle autre modalité de l’activité (exemple, l'opérateur a 10 fois les bras levés quancl il manipule les pièces brutes) ; — en combinant la variable temps et la variable espace, on peut montrer que l'opérateur reste 5 minutes au local de pièce brute, 20 minutes devant sa machine..., ce qui peut être intéressant lors de l'étude des ambiances physiques, par exemple. Ces dénombrements sont souvent insuffisants pour effectuer des comparaisons entre variables, il vaut donc mieux les transformer en proportion. — analyses fréquentielles. On peut, à partir des comptages précédents, calculer un rapport (une proportion) entre le nombre total d'unités de chaque classe par rapport au nombre total d‘unités comptabilisées, qui pourra s'exprimer sous forme brute ou sous forme de pourcentage, ce qui rendra les résultats comparables entre eux. Il ne faut jamais oublier cle préciser par rapport a quel chiffre les proportions ont été calculées. On peut ainsi calculer : - pour les données relatives aux effets sur la population, la proportion d'opérateurs ayant des problèmes de lombalgies par rapport a la population totale de l‘entreprise (exemple, 7 sur 30 opérateurs au total, soit 24 %), ou du service étudie (exemple, 7 sur 10 opérateurs de fabrication, soit 70 %) ; - pour les observations du travail, la proportion de chaque type d'observables globaux ou déjà specifies, par rapport a la globalité des actions effectuées durant le travail (exemple, 10 postures << dos courbé » relativement aux 15 postures adoptées durant la période d‘observation, soit 67 %) ; - pour la variable objet, la proportion des pièces brutes manipulées par rapport a l'ensemble des objets manipules, ou bien conjointement la proportion de postures de tel type avec tel objet manipule relativement a l'ensemble des postures empruntées par rapport a ce même objet, voire même par rapport a» l'ensemble des objets ; - pour la variable espace, la proportion temporelle cle fréquentation de telle ou telle zone de travail par rapport a l'ensemble du temps de travail ; Lors des transformations en pourcentage, il faut veiller, en cas de calculs ultérieurs: il ne pas repartir des pourcentages qui sont déjà une première transformation des données brutes, mais a recommencer les traitements sur les comptages bruts. Il faut également, des le début de l'analyse, se demander si on veut savoir, par exemple, combien d'individus souffrent de douleurs dorsales en général sans se demander oil se situent précisément ces douleurs (on ne sait plus ici par conséquent si un individu souffre cle différentes douleurs dorsales), ou bien, combien, sur n douleurs dorsales signalées, sont localisées au niveau du haut du dos, ou du bas du dos. Dans certains cas, pour obtenir des informations plus précises, il faut étudier conjointement plusieurs variables entre elles, c’est à dire les croiser, ce qui rend l'analyse plus complexe.

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- calculs de moyennes. Elles se calculent en faisant la somme des valeurs prises par chaque unité statistique et en divisant cette somme par le nombre total d'unités. Elles sont de ce fait très dependantes cle l'effectif total et des variations entre effectifs et cloivent par conséquent être interprétés avec prudence en précisant toujours les valeurs extrêmes recueillies. ll vaut mieux, si possible, y ajouter des calculs de médiane et/ ou d'écarts type. Formes de présentation des résultats des traitements L'ensemble des comptages et des calculs de fréquence effectues peuvent être retraduits sous forme de : — tableaux de chiffres. Cette forme convient bien pour un usage personnel, ou en vue d'une restitution, mais devient vite illisible s'il y a trop de chiffres at presenter. Dans ce cas il vaut mieux soit ne présenter que les parties les plus importantes du tableau, soit réaliser des graphiques de l'ensemble ou des parties du tableau ; — représentations graphiques. Elles sont conçues à partir des tableaux de traiternent réalises précédemment. Leur réalisation peut être assistée par informatique sur un tableur-grapheur. Cette forme de présentation des données convient à la fois pour un usage personnel, et peut même faciliter le traitement des données. Elle convient également bien pour les restituer a d’autres personnes. Elle fournit une vision synthétique souvent plus facile a comprendre. Les représentations graphiques les plus utilisees pour la présentation des données et/ ou observations sont : — les diagrammes à secteurs (ou camemberts). Ils restituent bien les proportions en pourcentage. Pour les construire, on trace un cercle dont la surface totale est censée représenter l‘effectif total (100), et on y fait apparaitre autant de portions que de modalités étudiées. La surface de chaque part du cercle doit être proportionnelle a l'effectif de la modalité dont elle rend compte. Lorsqu'une des modalités etudiee n'a pas d'effectifs (effectif O), cette modalité n'apparaitra pas sur le camembert. Les diagrammes a secteur sont utiles pour accentuer les comparaisons d‘effectifs inter-modalites ; — les histogrammes. Ils restituent bien, eux aussi, les proportions, brutes ou en pourcentage. Ils rendent compte de la fréquence d'apparition d‘une modalité relativement a d'autres et/ ou au total des événements d'une même modalité. En général on y fait figurer, en abscisse, les différentes modalités étudiées, et en ordonnée, les effectifs. Dans le cas ou on utilise des chiffres bruts, et non pas des pourcentages, il faut veiller a préciser l'effectif total, de manière a rendre possible les comparaisons de chaque << baton >> ; — les courbes. Elles restituent bien l‘évolution des effectifs en fonction de différentes périodes. Elles sont aussi utilisées pour rendre compte de l’évolution d’un phénomène dans le temps, par exemple les accidents du travail ou les bénéfices sur plusieurs années. On y fait le plus souvent figurer en abscisse les unités de temps utilisés dans un ordre chronologique, et en ordonnée, les effectifs dans un ordre croissant. Pour représenter l'évolution de différentes modalités, en vue d'effectuer des comparaisons il est nécessaire de tracer plusieurs courbes en les distinguant par des couleurs différentes.

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Ces représentations graphiques sont intéressantes pour restituer des analyses de données socio-techniques, mais elles présentent quelques limites dans le cas ou il faut restituer des observations du travail compte tenu du fait qu'elles contribuent a fournir une représentation essentiellement statique des éléments observes sans rendre compte du déroulement temporel reel des actions, ce a quoi correspond la construction de chroniques. Néanmoins, il est possible d'y introduire une certaine dynamique, en définissant des périodes temporelles significatives : - pour les diagrammes à secteurs, la présentation de deux diagrammes représentatifs d'observations réalisés à deux moments différents peut s'avérer intéressante pour rendre compte de changements globaux suivant ces deux périodes ; - pour les histogrammes, la superposition d'observations réalisées à des périodes différentes peut elle aussi permettre de restituer la dynamique de réalisation du travail. Il convient alors de faire figurer une légende explicite qui indique quelles sont les périodes temporelles utilisées pour la comparaison et les motifs correspondants. Restitution orale et/ou écrite de l'étude réalisée L'ensemble des documents construits lors de l'étude ergonomique peut être présenté oralement ou au sein de rapports auprès de différents acteurs de l‘entreprise. Les informations qui seront fournies visent à : - illustrer le problème en fournissant des représentations de données générales de type socio-technique qui rendent compte du contexte global de la situation ; - expliquer le problème en mettant en évidence les caractéristiques spécifiques du travail réalisé à partir de représentations graphiques issues de l'analyse du travail et, plus spécifiquement, de l'activité, en relation avec certaines caractéristiques déterminantes du travail. ll faut donc réfléchir aux formes de présentation les plus adaptées pour mettre en évidence ce sur quoi on veut insister. Conditions préalables à satisfaire avant toute diffusion de résultats S'il s'agit de données socio-techniques présentées telles quelles, il faut s'assurer des possibilités de diffusion. Dans le cas où elles sont retraitées, une autorisation préalable doit être obtenue des services détenteurs, garantissant notamment l‘anonymat des individus. S'il s'agit d'0bservations de la réalisation concrète du travail, un accord préalable d‘observation doit être obtenu auprès de l’opérateur concerné, garantissant notamment l'anonymat des résultats, et le droit de regard et de contestation par rapport à l'exploitation des observations, et a leur diffusion. Indications complémentaires à faire figurer sur les documents Pour que les résultats de l'analyse soient compréhensibles par des lecteurs et/ ou auditeurs, il faut y faire figurer certaines informations complémentaires. Qu'il s'agisse de données socio-techniques ou d'0bservations réelles du travail il faut toujours :

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— préciser les conditions dans lesquelles les informations ont été obtenues en indiquant la source topologique des données (service détenteur ou poste de travail observe), le moment ou elles ont été prélevées (date précise du recueil), la période dont elles rendent compte (durée précise du recueil), la population concernée (sans indication nominative, puisque les données doivent être anonymes) ; — préciser les modalités de traitement que les données ont subies en indiquant les variables et modalités étudiées, les calculs et unités de quantification utilisés (nombre, pourcentage), les effectifs étudiés ; — donner un titre général au tableau ou au graphique qui puisse guider le lecteur dans sa lecture du tableau ou du graphique. Le titre regroupe généralement toutes les informations relatives aux variables étudiées, aux modalités, aux sujets, a la période étudiée, aux unités de quantification utilisées. Exemple : Répartition, en pourcentage, des directions de regard des conducteurs de MOCN en fonction des différentes zones observées durant une période de 15 minutes (ou durant la phase de programmation). - dans le cas de graphiques, il faut en plus, - indiquer la variable portée par chaque axe (dans le cas d'histogrammes) ; - indiquer la variable portée par chaque portion du secteur (dans le cas de diagrammes à secteurs) ; - indiquer les effectifs considérés ; - préciser les différentes modalités considérées ; - fournir une légende des différentes couleurs ou motifs utilisés. Exemples de présentation de résultats de traitement de données Prenons l'exemple simple de la variable age. Dans une entreprise de fabrication de moteurs électriques, il est prévu de renouveler le parc machines de l'atelier de montage. L’entreprise fournit les effectifs de l'atelier par classe d’âge pour les six dernières années. Dans un premier temps, l’ergonome appelé dans l'atelier ne prend en compte que les derniers chiffres disponibles concernant les effectifs de l’année 1996.

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Fiche 37 : Les applications de l’ergonomie au monde de

l’enseignement - apprentissage

Principe canonique de l'ergonomie dans l’enseignement Le principe canonique de l'ergonomie est de souligner que le travail réel d'un praticien n'est jamais la simple réalisation du travail prescrit. le rapport entre les deux varie selon les praticiens et selon les situations. Interroger cet écart est un des enjeux essentiels de toutes pratiques réflexives, de toute analyse de la pratique professionnelle. (Présenter en vidéo projection le tableau issu de la thèse du travail prescrit au travail réel de la prescription au travail réel chez l'enseignant) A finir !

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Il convient d'adosser la pratique de la réflexivité sur son travail aux sciences du travail. si on considère que le praticien réflexif porte son regard essentiellement sur des pratiques professionnelles, des éléments du travail, au minimum cette réflexivité Se situe naturellement dans le monde du travail. Du coup, on peut justement la qualifier ou la requalifier comme une analyse travail, même si cela évoque avant tout une méthodologie de recherche, c'est-à-dire l'analyse ergonomique du travail. Sa dénomination nous paraît plus juste car elle place d'emblée la réflexivité sur la profession, dans le travail, entendu comme l'activité effective des travailleurs, leur activité concrète. Elle nous plonge aussi dans le paradigme fort heuristique travail prescrit/travail réel dont les écarts sont un véritable enseignement. Enfin, cette démarche est historiée, elle est référée à un mouvement de recherche scientifique, une histoire avec l'ergonomie de langue française dans la ligne de Montmollin et Leplat, la psychologie du travail d'orientation vygotskienne autour de Clot, de l'ergologie de Schwartz, de la sociologie clinique du travail illustrée par Jobert ou la psycho dynamique du travail développé par Dejours. Malgré leurs différences d'approche, Tous ont en commun un intérêt pour le travail comme activité humaine à la fois spécifique et fondamentale, générique et singulière. On les retrouve tous sur un même lieu : le conservatoire national des arts et métiers où la plupart enseignent. L'analyse du travail s'est développée dans une perspective de recherche et d'intervention. Elle a engendré la didactique professionnelle initiée par Pierre Pastré, laquelle est une didactique des métiers qui analyse le travail en vue de former. Ces outils sont la simulation, le débriefing, l'auto confrontation simple ou croisée, voire l'instruction au sosie empruntée à la psychologie travail, la clinique de l'activité. L'analyse du travail fait avancer la question du praticien réflexif sur les points suivants :

– la conceptualisation et l'explicitation de l'écart entre travail réel travail prescrit – La distinction entre la tâche, la représentation de la tache et l'activité – la réflexion sur les enjeux de l'autonomie au travail – La notion d'intelligence au travail – la notion de travail adressé à autrui (clôt) – Les concepts de genre et de style (Clôt inspiré de Baaktine) – la reconnaissance de l'investissement personnel et subjectif dans le travail et son rôle dans le développement de la personne avec les concepts d'activité productive et activité constructive (Rabardel) – La reconnaissance de la souffrance et de la peur au travail – L'idée d'une formation par le travail et d' un apprendre des situations de travail – le concept de compétences (compétences individuelles et compétences collectives articulées dans le travail) – Le poids de l'organisation générale du travail dans l'activité du professionnel. L’analyse du travail est toujours contextuelle au milieu professionnel dont il est question. Aussi il n'existe pas de savoir analyser le travail qui est universel. Il

n'existe aucun savoir analyser le travail qui s'applique à n'importe quelle réalité, il n'existe pas de compétences analytiques transversales s'exerçant indépendamment des objets a analyser et des savoirs constitués à leurs propos. Des analyses pertinentes se fondent sur une connaissance des réalités sur lesquelles la réflexivité s'opère. Une expertise du métier, du moins une familiarité

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avec le métier s'impose pour pouvoir l'analyser. Cela étant chaque praticien réflexif s'exerce dans son propre champ d'activité professionnelle. Reste néanmoins une logique analytique, une posture d'analystes du travail qui est relativement invariante:

– découpage du réel en composantes conceptualisées séparément – Mise en évidence des relations – Recherche d'explications pertinentes ou de configurations significatives – Suspension du jugement normatif – effort de formalisation des observations et de leurs interprétations Il apparaît plus intéressant et plus parlant de présenter une démarche analytique, Les analyse de pratique professionnelle à partir de situations concrètes, d'expérience en la matière. Ainsi, je vous présenterai mon expérience d'analyse du travail de l'enseignant qui fait apprendre la grammaire a ses élèves au travers du cadre théorique de la didactique professionnelle. Mon exemple de recherche permet ainsi d'appréhender les concepts d'invariants opératoires ou organisateurs de l'activité et de modèle opératif qui font toute la singularité de l'activité, les stratégies, en l'occurrence d'un enseignant de grammaire. Nous observerons comment le recueil des données, le dispositif de l'autoconfrontation, le traitement des données et l'analyse des protocoles s'articule à cette théorie intégratrice.

Le cahier des charges de la formation enseignante décline de la manière suivante la réflexivité professionnelle. Les objectifs sont regroupés en quatre catégories : – Identifier, analyser et les autres des problèmes professionnels – relier les apprentissages sur les lieux de formation et les mettre en perspective – Se doter de repères conceptuels, méthodologies, éthique en vue de faire des choix – dégager le caractère multiple et hétérogène du métier d'enseignant et appréhender sa complexité. L'analyse de la pratique du métier, de l'activité professionnelle constitue aujourd'hui pour tous un outil de formation qui ambitionne de favoriser le

perfectionnement professionnel des acteurs, défini comme un ajustement, juger les meilleurs aux situations professionnelles rencontrer. C'est le développement d'une capacité fondamentale d'adaptation aux situations nouvelles rencontrées dans le travail.

Ayant pour objectif une meilleure maîtrise de l'âge professionnel par un travail de

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repérage l'autonomie, De la responsabilité du praticien, de ses routines, de ses compétences conscientes ou incorporés (c'est-à-dire les compétences qui sont inconscients, non révélées aux praticiens parce qu'elles font corps avec lui-même et sa pratique de son métier), on peut dire que le dispositif d'analyse de l'activité de travail permet à chacun de s'approcher de l'image du praticien qu'il souhaite devenir, en lui fournissant des occasions de repérer celui qu'il est et ses écarts avec celui qu'il croit être (dans un rapport à l'identité, à son identité professionnelle) et aussi à développer des aptitudes opératoires d'ajustement à la variabilité des situations et ainsi accroître son efficience dans un rapport opérationnel au métier. il s'agit aussi de repérer ce que l'on fait et les écarts avec ce que l'on croit faire. Il se conjugue alors un rapport identificatoire au métier et un rapport opératoire au métier dans une visée constructive du professionnel qui accroît son pouvoir d'agir dans son travail. Les traces de l’activité de travail

Cette analyse demande l’observation du travail et le recueil de traces de l’activité. (Voir texte de Philippe Astier, professeur à Lyon 2, ancien formateur au CNAM Paris). Ces traces font parler l’activité de l’enseignant dans la mesure où elles sont objectivées. Devenues objet d’étude, elles perdent de leur dynamique émotionnelle, affective ou fascinatoire (par exemple : c’est une si belle leçon ! j’en ferai jamais une aussi bonne, que mon nez est long lorsque je me regarde en vidéo, comme je… et je…). Ces traces deviennent des objets d’étude entre pairs avec l’étayage des formateurs. Le principe général est de comprendre l’activité de travail de l’enseignant, de saisir le sens de son action, de la co activité enseignant/élèves. Le formateur aide l’enseignant à effectuer ce parcours, à se révéler des compétences incorporées (qui font corps avec lui tant elles sont devenues routinières), des éléments d’invariances dans son activité (organisateurs de l’activité ou concepts pragmatiques au sens de Pastré) sur lesquels s’appuyer pour faire face à la forte variabilité de la dynamique de classe, des manières de faire infructueuses à corriger. Il ne s’agit pour autant de « faire » de l’enseignant un chercheur (… d’invariants opératoires) mais de lui faciliter l’efficacité pédagogique et didactique dans la gestion de la communication et des savoirs. Il ne s’agit pas non plus d’avoir une attitude de surplomb qui donne conseil mais plutôt qui tient conseil : on discute, on négocie, on se met d’accord sur ce qu’il convient de remédier et comment. Sinon, les bonnes paroles du bon conseilleur glisseront et la rencontre de formation s’avèrera contre-productive. Trouver par soi-même est toujours plus fructueux, même si la procédure du formateur est très stratégiquement parlante, de la même manière que parfois on apprend mieux par l’erreur. Toutefois, avant toute chose, il convient de demeurer modeste, d’agir selon la réaction du collectif de stagiaire, la réactivité des stagiaires, les moyens dont on dispose en gardant deux choses essentielles à l’esprit : objectiver les traces du faire classe + conduire les enseignants à prendre une distance critique sur ce qu’ils effectuent jusqu’à pouvoir proposer une autre préparation ou un autre déroulement de classe possible. Recueil de matériaux : Des traces de l’activité de l’enseignant sont nécessaires. Le métier s’articule autour de deux temps essentiels dont nous avons besoin de traces pour tenter de le comprendre, analyser l’activité de l’enseignant et formaliser une grille de lecture.

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Nous avons à dispositions plusieurs types de traces qui serviront de support comme objet analyse, naturellement il ne s’agit pas de mettre en œuvre ces 9 dispositifs lors du stage, mais de connaître les possibles d’intervention, de choisir le plus approprié à la situation et aux néo-titulaires et pourquoi d’inventer et tester d’autres formats d’intervention: - les écrits narratifs (raconter par écrit le déroulement d’une séance pour essayer d’en saisir une cohérence, retrouver l’intrigue et ainsi prendre une première distance sur son agir professionnel) d’après les théories de Ricoeur. - les écrits réflexifs (qu’est-ce que j’ai effectué comme planification de la séance et

hypothèse d’apprentissage des élèves ? comment ai-je animé le cours, quelles procédures employées ? Ai-je atteint les objectifs initiaux ? Comment les élèves ont-ils réagi ? Quels résultats observés en termes d’apprentissage ? Qu’est-ce qui a favorisé mon activité ? Qu’est-ce qui a empêché mon activité ? Si c’était à refaire comment le refaire-je ? = une grille de questionnements possible serait à travailler et en fonction des disciplines enseignées… dans le cadre d’une recherche-action collective, voir plus bas) d’après le journal des apprentissages de Crinon. - le discours d’explicitation audio-enregistré sur des points particuliers de classe

(la préparation, la consigne, les exercices, l’alternance des activités, etc…) d’après la théorie de Vermesch - l‘instruction au sosie : dire (et audioenregister) ce que l’on va effectuer comme leçon à un collègue qui doit nous remplacer : ce « dit » conduit à dire et clarifier des zones d’ombre dans son activité). C'est un dispositif imaginé par Oddone et repris par la psychologie du travail avec Yves Clôt. Elle s'appuie sur l'anticipation: Dire ce que l'on ferait, non pas revenir sur ce que l'on a fait. L'acteur est en situation d'avoir à dire à un autre, qui doit le remplacer dans son travail, d'agir comme il agirait lui-même. Il convient donc de donner au substitut les instructions lui permettant de devenir un sosie professionnel. C'est dans l'énoncé des consignes au sosie qu'apparaissent les principes, connaissances, anticipation des réactions d'autrui… Qui régissent la pratique de l'acteur. Ce répertoire de consignes permet un travail d'analyse sur les ressorts de l'action et ouvre la voie à l'étude d'autres issues possibles. C'est une procédure complémentaire à celle du débriefing qui permet de revenir sur l'action après-coup, c'est un dispositif qui permet de travailler la planification et l'anticipation des actions prévues au travail. - le jeu de rôle : sans prendre les stagiaires pour des enfants, la formule peut être utile pour traiter de l’autorité (mais cela exige un groupe constitué qui se connaît bien et quelques talents d’acteurs) - le photolangage : la prise de photographies de moments clefs lors d’une séquence

d’enseignement – apprentissage (il est préférable de choisir le moment clef au préalable) - le portfolio scolaire : les traces des activités des élèves corrélées aux traces de l’activité de l’enseignant pour bien cerner leur co-activité et analyser l’ensemble - la vidéoscopie ou autoconfrontation simple et/ou croisée : filmer une séquence

de classe et ne retenir que des moments « critiques » où l’enseignant s’est trouvé en difficulté et qui montrent l’activation ou le manque de compétences expertes pour faire face. Ces moments sont analysés dans un esprit de compréhension de l’agir sans jugement avec des apports théorico-pratiques qui se découvrent ou redécouvrent. (cf. procédures selon Faïta et Clot

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- la caméra à l’épaule : filmer une partie de séquence de classe avec la caméra à

l’épaule en assumant la subjectivité du cameraman et l’analyser ensuite en termes de forces et limites, chaque participant est acteur et cameraman. - Les jeux de rôle: Dans un premier temps, un épisode professionnel est joué. Il est présenté au groupe Tel qu'il demeure dans la mémoire du témoin. Dans un deuxième temps l'épisode Est rejoué mais le droit est donné aux spectateurs d'Intervenir en prenant la place du protagoniste, dont ils estiment un moment donné du scénario, que son rôle aurait pu être autre. Ce dispositif est inspiré du théâtre de l'opprimé d'Augusto Boal. L'épisode de départ est ainsi métamorphosé dans une série d'intervention, De nouvelles positions et propositions agissant sur le déroulement initial. Il apparaît alors des désaccords, des nuances, des points critiques qui émergent. C'est à dire des moments où une certaine décision a été prise par un protagoniste: elle aurait pu être autre et autrement plus efficace Ou adapter, ajuster à la situation. Les interventions du spectateur permettent de repérer les décisions, de les analyser ainsi que d'envisager des actions supplémentaires. - Les chroniques de travail :

C'est un relevé systématique daté qui restitue l'enchaînement temporel des faits et gestes de l'opérateur en activité de travail réel ainsi que les événements du travail. C'est un outil qui permet d'analyser et de présenter des observations du travail dont on restitue la dynamique temporelle par opposition au calcul de quantification qui aboutissent à des représentations plus statiques sous forme de diagramme à secteur d’histogramme. La chronique rend compte de la succession temporelle des événements au fur et à mesure de leur apparition, de la durée de chaque événement ou de plusieurs éléments regroupés, de la relation temporelle existant entre les divers événements qui se produisent… Quelques conditions de l'apprentissage en situation professionnelle :

La littérature scientifique nous apprend comment des échanges hiérarchiques entre contremaîtres et ouvriers de service d'entretien, ou entre chef d'équipe et ouvriers mécaniciens ou carrossier automobile, Ou encore entre conseillers pédagogiques et enseignants néo titulaire, peuvent constituer des configurations d'apprentissage aussi bien pour les praticiens que pour leurs encadrant : – Aux moments de guidage de l'activité avant l'action au cours de laquelle sont définis des buts, des critères de réussite, des voies pour les atteindre, des précautions à prendre et des points sur lesquels l'attention doit être portée – Aux moments de retour sur l'action au cours de laquelle un bilan est effectué, des difficultés évoquées, des manières de faire divergentes échangées, des conséquences tirées, – Aux moments de réalisation de l'action avec diagnostic commun et recherche de solutions non routinières en cas de problème inattendus, de construction de compromis entre l'attendu et le réalisé. Ces échanges s'effectuent dans et par une mise à distance spatiale et temporelle de l'action. Ce qui implique pour chacun de se référer à la représentation de la situation et à celle de l'action à conduire Ou de l'action réalisée. Le langage est l'instrument des échanges. Chacun a l'obligation de justifier des choix en fonction des conditions de la tâche, de négocier des compromis, d'expliciter les indices considérés comme pertinents ou décisifs, Les raisonnements tenus, les interprétations avancées.

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Plus essentiel encore est le fait que l'un des protagonistes est conduit à jouer Un rôle particulier qu'il amène à orienter l'activité de retour sur l'action passé ou d'anticipation de l'action à venir d'autres personnes. C'est un rôle de formateurs ou d’accompagnateurs dans une formation collective. Ce rôle est tenu par les contremaîtres, les cadres infirmiers ou les autres personnels au travail dont la position les amène à des situations d'encadrement d'un apprentissage en milieu professionnelle, à un apprentissage des situations de travail Par les situations de travail. Patrick Mayen préconise des ateliers de formation par l'analyse de travail (déjà observé avec le rapport de la conférence de consensus de Créteil). Avec ce dispositif, 'une co-explicitation est clairement envisagée entre le formateur et les apprenants. Les personnes sont regroupées afin que se joue une interactivité. Il s'agit de permettre que chacun se représente l'activité envisagée par un aller-retour entre ses propres représentations et celle des autres. Le groupe est ainsi un lieu de réduction de la confusion. Le travail s'appuie sur des matériaux différents : des récits, des écrits méta - réflexifs, des photos, des questionnements, des vidéos, des rencontres avec des experts. L'entrée en matière est largement favorisée par le recueil des traces de l'activité exposées au groupe. La situation problème rapportée au groupe par un participant va se trouver progressivement réfléchi, éclairé, enrichi par les questions et les interventions des pairs. Un savoir sur le métier s'édifie ainsi dans la durée. Il se construit dans un registre relevant plutôt du cognitif même si l'affect n'est pas explicitement exclu ni sollicité par le dispositif. L'animateur n'est pas lui-même un expert du travail, du métier analysé, compte tenu de la grande variété des taches examinées. Il est celui qui encadre et organise le travail d'analyse. Ce type d'analyse est déterminée par l'objectif de construire le métier, aider à la construction de son métier, d'apprendre son métier en formation initiale et continue. Au final, le travail de co analyse débouche sur la production d'un écrit collectif adresse à d'autres pour dire le travail et l'apprentissage du travail dans la perspective de construire ensemble le métier, de définir des manières d'agir et de structurer des repères afin de construire des conditions pour accroître le pouvoir d'agir des professionnels en toutes situations

A compléter !

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L’ERGONOMIE NOTIONS RESUMEES

L'ergonomie a pour objet de comprendre le travail de manière à contribuer à la conception et la transformation des situations de travail. L'ergonomie agit de façon positive sur les dispositifs techniques et les moyens de travail, sur les environnements de travail, sur l'organisation et sur les hommes s'agissant de compétences ou de représentation… Cette action prend en compte : – Les Caractéristiques physiologiques et psychologiques des êtres humains en activité dans des situations de travail, – Les objectifs que ces êtres humains poursuivent, leurs intentions propres, le sens et la signification de leur activité, – Les objectifs et les finalités de l'entreprise. Les critères de l'action ergonomique menée dans l'intérêt des personnes et des entreprises concernent d'une part la santé, la sécurité, le confort et les compétences des personnes, d'autres par l'efficacité et la qualité du travail. Deux courants principaux coexistent dans le domaine de cette science du travail que forme l'ergonomie : – Une ergonomie centrée sur les caractéristiques des hommes à prendre en compte pour la conception, la transformation des systèmes, des machines…

C'est une ergonomie des composants humains des systèmes. Elle permet, par exemple, de définir la taille ou la forme des symboles qui seront affichées sur un écran d'ordinateur afin qu'ils soient lisibles sans difficulté par les utilisateurs, les caractéristiques d'un siège… Cette approche est principalement développée par les Anglo-Saxons et actuellement dominante au plan international. L'orientation générale est que les hommes doivent d'une certaine manière s’adapter au travail – Une ergonomie centrée sur l'activité des hommes au travail qui s'appuie sur l'analyse du travail réel pour contribuer à la transformation et à la conception des situations et des systèmes de travail. Elle permet, par exemple, en analysant le travail réel d'un opérateur, de déterminer les informations dont l'opérateur doit disposer pour réaliser son travail et ainsi de définir les caractéristiques essentielles d'une nouvelle situation de travail. C'est une ergonomie du travail réel. Cette approche est principalement développée dans les pays francophones. Elle tant actuellement à se répandre dans l'univers anglo-saxon. Le principe général est d'adapter le travail à l'homme. La définition de l'ergonomie adoptée par la société d'ergonomie de langue française SELF, s’inscrit dans ce courant de l'ergonomie du travail réel.

L'ergonomie est définie comme "L'adaptation du travail à l'homme par la mise en œuvre de connaissances scientifiques relatives à l'homme est nécessaire pour concevoir des outils, des machines et des dispositifs qui puissent être utilisés par le plus grand nombre avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité."

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Le monde de l'ergonomie considère les approches anglo-saxonnes et francophones comme complémentaires. L'ergonomie des composants humains assure une adaptation de base aux caractéristiques des opérateurs ou des utilisateurs indépendamment des contextes, L'ergonomie l'activité assure l'adaptation aux exigences des contextes et du travail réel en situation. L'ergonome n'est pas le seul à intervenir dans la démarche ergonomique. Les opérateurs, les concepteurs, Les ingénieurs sont des intervenants reconnus à un titre différent de l'ergonome dans la mesure où ils le sont en fonction de leur statut ou de leur spécialité dans l'entreprise. Il est apparu progressivement illusoire de penser que le point de vue et l'action ergonomique pouvaient être seulement portés par les ergonomes, L'acteur ergonomique inclut aussi les représentants des opérateurs, les opérateurs eux-mêmes, ainsi que les cadres de l'entreprise. À l'évidence, il est impossible qu'un ergonome soit présent dans chaque situation où se joue l'adaptation du travail aux hommes. Il leur appartient de diffuser une partie de savoir ergonomique aux acteurs de ces situations afin d'intervenir d'un point de vue ergonomique. Il s'est ainsi développé des formations à l'ergonomie pour ceux qui ont une possibilité d'action sur les situations de travail. Au regard du référentiel des formations en lycée professionnel, le système éducatif vise à leur donner les capacités suivantes :

– La capacité de gérer au quotidien leur travail et leur situation de travail pour qu'elle ne devienne pas ergonomiquement problématique, une perspective de vigilance ergonomique et d'incorporation du point de vue ergonomique dans le tissu quotidien du travail ; – La capacité à identifier un Problème ou une situation problématique comme relevant de l'ergonomie; – La capacité à appréhender les acteurs concernés par la situation problème, leurs positions et plus généralement leurs enjeux; – La capacité à produire de l'intelligibilité, de la compréhension autour du problème, de sa nature, des relations entre les déterminants et les effets via l'activité en situation, éventuellement en allant jusqu'à une forme de diagnostic – La capacité à agir sur la situation ou à désigner des voies d'actions qui permettent le traitement de la situation problématique, – La capacité à inscrire l'ergonomie dans les dimensions collectives et sociales du travail et du traitement ergonomique des problèmes dans l'entreprise. La notion de travail en ergonomie : Le travail est une activité finalisée d’un homme concret et socialement situé. L'homme au travail est engagé dans un triple rapport : – Un rapport à une production impliquant l'obtention de résultats – Un rapport à soi-même aux plans corporel, cognitif et affectif – Un rapport aux autres hommes ou femmes Le travail est caractérisable par ses déterminations et par ses conditions (interne ou externe à celui qui travaille). Elles sont le plus souvent contractuellement fixées. Elles peuvent porter : – Sur la nature, la quantité, la qualité des résultats, contractuellement définis et qui sont évalués ;

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Irais sur les modalités de production de ses résultats; en particulier en terme de temps passé et de lieux où le travail peut être réalisé, de mode opératoire, de procédure ; – Sur les dispositifs techniques, objets ou moyens des activités ; – Sur les formes et modalités de coordination et de négociations avec les autres acteurs de différents niveaux (Autres opérateurs, concepteurs, encadrant…); – Sur la rémunération ; – sur l'état et les caractéristiques de l'opérateur (santé, compétences…) Le travail caractérisable par ses effets: – La production des effets recherchés : qualité, quantité… – La production d'effets non recherchés, négatifs (par exemple l'atteinte à la santé) ou positifs (avec par exemple le développement des compétences par l'expérience) Ce qui est notre problématique et intérêt principal en tant qu'enseignants chercheurs. Ces effets concernent d'une part l'entreprise au sens large et son environnement aux plans technique, économique, humain, social… ; d'autre part les hommes qui réalisent le travail, enfin les systèmes sociaux concernés. Le travail est caractérisable en termes d'activité de la personne : – Par les actions réalisées, les décisions et les compromis, leurs élaborations et mises en œuvre ; – Par la gestion continue de l'engagement de la personne dans la situation et le travail (avec elle-même et avec les autres, en rapport avec les buts de l'activité); – Par les compétences qui fondent cette activité et que cette activité permet en retour de construire et développer. La compréhension du travail par l'ergonomie passe par une mise en relation des déterminants du travail avec l'activité des personnes et les effets qui en découlent. L'homme au travail pour l'ergonomie :

La prise en compte de l'homme par l’ergonomie se situe à deux niveaux : – L'ergonomie prend en compte les caractéristiques et propriétés fonctionnelles des êtres humains dans leur diversité: Caractéristiques anthropométriques, Capacités perceptives, Propriétés du fonctionnement cognitif… – L'ergonomie prend en compte l'être humain comme acteur intentionnel dont les actions sont finalisées en situation de travail. Elle s'intéresse à ce qui est significatif pour cet acteur aux plans cognitif, social, affectif en tenant compte de son engagement dans la situation. Ce qui est significatif est constitué, d'une part, par ce qui est conscient ou conscientisable. Ce sont aussi d'autre part toutes les dimensions de l'activité non conscientes Directement liées à l'engagement du sujet dans la situation. Ces deux dimensions relèvent de méthodologie d’analyses différentes. La prise en compte de l'homme comme acteur intentionnel Est plutôt le fait de l'ergonomie centrée sur l'activité. L'homme au travail pris en compte par l'ergonomie n'est pas un homme moyen, mais un Être singulier.

L'ergonomie s'attache donc à saisir les êtres humains dans leur diversité avec leurs différences interindividuelles, dans leur variabilité avec les variations intra individuelle (stress, fatigue…) Et dans leur évolution à moyen et long terme (Développement des compétences, vieillissement…)

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L'ergonomie se préoccupe des effets du travail sur les êtres humains pour en saisir la nature, en comprendre les causes, agir dans le but de réduire les effets négatifs et de développer les effets positifs. La caractérisation ergonomique de l'homme au travail se distingue des conceptions issues de la vie courante que traduisent de multiples termes dont les définitions ne conviennent pas.

Pour l'ergonomie, le terme travailleur renvoie plutôt au champ des luttes sociales. Le mot client renvoie au champ de signification des relations marchandes. Le terme acteur renvoie plutôt champs de relations sociales, les acteurs sociaux. Le mot sujet comporte une connotation psychologique : il convient de ne pas mélanger sujet d'une expérimentation et sujet du travail réel . L'utilisateur est défini par sa relation ce qui est utilisé (un outil, un dispositif, un. Service); l'usager est plus centré sur les services au public. L'opérateur est le terme le plus fréquemment utilisé, y compris en ergonomie, mais il reste porteur d'une lourde Hérédité quand on pense à l'opérateur comme porteur de l'opération taylorienne L'entreprise :

Juridiquement, l'entreprise peut prendre de multiples formes: l’entreprise individuelle, entreprise sociétaire, les groupes. L'entreprise poursuit des objectifs divers : les uns de nature économique, les autres de nature d'un économique. L'ergonomie considère l'entreprise comme une institution économique, sociale, technologique et culturelle. L’ergonomie prend en compte les caractéristiques de l'entreprise qui sont des déterminants directs ou indirects ou des effets du travail réel. L'ergonomie prend également en compte l’entreprise comme un ensemble d'acteurs intervenant dans la gestion ergonomique des situations de travail avec des points de vue et des logiques d'intérêts divergents. L'entreprise est à la fois porteuse de problèmes et de besoins, mais aussi acteur produisant et faisant même parfois évoluer les situations de travail à partir de critères ergonomiques ou en réponse à des diagnostics ergonomiques internes ou externes. La population :

L'ergonomie s'intéresse à la population des hommes et des femmes au travail et plus largement en activité, c'est-à-dire engagé dans des situations de travail rémunéré… La population est définie par sa ou ses propriétés caractéristiques : le sexe, la rage, le métier, l'expérience acquise L'origine socioculturelle, les capacités physiques, les fonctions… L'ergonomie particulièrement concernée par les effets du travail sur les personnes et les caractéristiques de la population peuvent être des indices permettant d'identifier et de comprendre certains effets du travail. Travail prescrit travail réel : L'ergonomie distingue classiquement le travail prescrit et le travail réel . Cette distinction ne doit pas être confondue avec la distinction entre tâche et activité. Le concept de travail prescrit renvoie à tout ce qui est défini par avance par l'entreprise et naturellement ses personnels, Et donné à l'opérateur pour définir, organiser, réaliser et régler son travail.

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Le concept de travail réel renvoie au travail tel qu'ils se réalisent concrètement dans le bureau, l'atelier, le service ou la classe. Le travail prescrit et le travail réel s'analysent notamment en termes de tâche et d'activité. Il y a toujours un écart, parfois considérable, entre le travail prescrit le travail réel; un écart souvent ignoré, méconnu, voir, dans certains cas niés par l'entreprise. L'écart entre travail prescrit et travail réel est susceptible de concerner l'ensemble des dimensions du travail.

Par exemple : les objectifs et les buts que l'opérateur se donne ne sont pas nécessairement ceux qui sont prescrits par l'entreprise ; les résultats obtenus peuvent également différer des résultats prescrits aussi bien dans l'ampleur de ce qui est atteint que dans leur nature ; les modes opératoires mis en œuvre par l'opérateur ne sont pas seulement fonction des procédures prescrites, mais aussi de ses compétences, de la variabilité et de la diversité au sein des situations de travail. Les outils, instruments et machines sont également susceptibles d'être utilisés pour des objectifs et selon des modalités différentes de ce qui est prévu ou prescrit. L'écart entre travail réel et travail prescrit a des origines multiples. Par exemple : – Il est impossible de prescrire le travail dans tous ses détails et de ce fait le travail réel excède toujours le travail prescrit ; – l'opérateur gère en permanence la variabilité et la diversité propres à toutes les situations de travail dans la réalisation de son travail réel qui ainsi s'éloigne de ce qui est prescrit ; – L'opérateur peut avoir des difficultés pour se représenter un travail dont la prescription est parfois obscure ou très lacunaire ; – L'opérateur redéfinit également le travail à partir de ses propres objectifs et systèmes de valeurs. Tâches et activités

Ces deux concepts font débats dans le monde de l'ergonomie. Pour certains auteurs, la tâche se confond avec le travail prescrit et l'activité avec ce travail réel. Pour d'autres auteurs, c'est concept doivent être distinguées de la manière suivante. Définition de la tâche : On définit couramment la tache comme le résultat qui est attendu de l'individu Plus ou moins explicitement, Dans des conditions imposées pour l'exécution. À un premier niveau on considérera que la tâche est un but donné dans des conditions déterminées. Par exemple : l'opérateur doit monter les composants électroniques(le but ) en suivant l'ordre défini par la gamme et en utilisant simultanément les deux mains (les conditions.) L'ergonomie ne s'intéresse pas une tâche unique, mais à plusieurs types de tâches différentes. On en distinguera 2 groupes : les taches élaborées sans l'intervention d'opérateur et les tâches élaborées par l'opérateur. Les tâches élaborées sans intervention de l'opérateur : La tâche à réaliser : c'est la tâche telle que la conçoit le concepteur du processus ou du moyen de production, sans qu'il explicite toujours et sans qu'il se représente

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nécessairement lui-même la manière de la réaliser. La formulation n'est souvent très lapidaire. Par exemple : l'opérateur surveillera la machine automatique. La tâche prescrite : c'est la tâche telle qu'elle est définie et présentée par celui qui a commandé l'exécution. Elle vise à orienter l'activité En définissant les buts, les conditions et contraintes de réalisation, les critères et valeurs à respecter… C'est donc en principe la tâche que doit réaliser l'opérateur. Par exemple : l'opérateur doit alimenter la machine, mettre la production en caisse après vérification de la qualité. Il doit surveiller la machine et la production et arrêter la machine en cas de défaut. En général la tâche est au moins partiellement exprimée par écrit dans des documents de type gamme, définition de fonction, référentiels… La tache attendue : c'est la page dans la réalisation est tellement attendue. La tâche attendue peut ne pas être conforme à la tâche prescrite dans la mesure où tout n'est pas dicible ou avouable. Parfois une procédure appliquée avec trop de rigueur dans une circonstance particulière peut retarder par exemple une livraison. Ou bien l' attendu n'est pas exprimée parce que tellement évident : par exemple dans le cas de la rédaction d'un texte, on souhaite que le texte soit lisible, compréhensible et sans faute orthographe, ce qui n'a pas besoin d'être dit explicitement. Les taches élaborées par l'opérateur La tâche redéfinie : confronté à une tâche prescrite ou attendue, l'opérateur l'interprète en fonction des moyens dont il dispose Et des contraintes qu'il se fixe ou qu'on lui fixe. Le but et les conditions prescrits et attendus par l'entreprise peuvent alors ne plus correspondre à ceux que se fixe l'opérateur. Il est essentiel, pour comprendre son activité, de comprendre la tâche qu'il se redéfinie. Par exemple, l'opérateur va se donner comme tâche redéfinie de faire en sorte que les pièces réalisées respectent les critères de qualité même lorsqu'il ne met pas en œuvre les procédures prescrites par le système qualité, car pour une raison ou une autre inefficaces dans quel genre de situation. C'est l'opérateur qui peut en général renseigner l'analyste sur la tâche redéfinie. La tâche effective : c'est la tâche effectivement réalisée par l'opérateur en fonction des exigences de chaque situation singulière. À chaque réalisation de la tâche redéfinie correspond une tâche effective (ou tâche réelle). La tâche effective, c'est la tache redéfinie réalisée. Elle peut être décrite à partir de l'observation de l'activité. L'activité est ce qui se fait dans une situation singulière Chaque tâche à ses exigences qui dépendent des systèmes socio-techniques , de l'organisation… ; et chaque individu a lui-même ses exigences physiques, physiologiques, psychologiques… L'activité est la réponse que l'individu met en œuvre pour réaliser la tâche. C'est la part de la personne dans la tâche. C'est la part personnelle, la partition personnelle singulière de l'opérateur dans la réalisation de la tâche. L'activité peut, comme la tâche, être prescrite: il peut, par exemple, être prescrit aux opérateurs de réaliser les transports de charges correspondant à leur tâche en utilisant uniquement les bons gestes enseignés lors d'un stage geste et posture. Il peut également y avoir une activité attendue différente de l'activité prescrite: On attend en réalité des opérateurs qu'ils assurent les transports de charges définies dans la tâche, même s'ils doivent mettre en œuvre d'autres gestes que les bons gestes.

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Enfin, l’activité peut comme la tâche être redéfinie par l'opérateur. L'activité effective (ou réelle) est ce que l'opérateur fait réellement lorsqu'il est confronté à une situation concrète. L'activité ne répond pas forcément aux exigences de la prescription, mais elle dépend des contraintes que le sujet se fixe, des modes opératoires dont il dispose, de la variabilité des situations. Elle est finalisée par le but intériorisé, La représentation qu'il se construit du travail à réaliser, de la tâche et de l'activité telle qu'il se les redéfinit et éventuellement se prescrit. Comme pour la tâche, il y a donc des écarts entre activité prescrite attendue, redéfinie et réelle. L'activité effective ou réelle, c'est la réponse de l'opérateur à la tâche ou aux autres taches dans une situation singulière. Aussi compte tenu de la diversité et de la variabilité des individus et des situations, on peut, pour une même tâche, observer des activités très différentes. L'activité comprend de multiples dimensions : affective, cognitive, physique… Elle peut s'analyser à partir des comportements : geste, posture, déplacements…, des verbalisations liées directement à la réalisation du travail ou qui l’accompagnent. (Révélatrice des situations conflictuelles, de stress…) Et plus généralement à partir de ce qui est facilement observable ou recueillable. À partir de ces observables, les mécanismes cognitifs qui règlent les comportements (Évaluation, raisonnement, représentation, résolution de problèmes…), Les composantes affectives de l'activité peuvent être inférées. Les verbalisations des Opérateurs en auto confrontations sont alors particulièrement précieuses, car elles permettent de recueillir le point de vue des opérateurs en tant que sujet de leur propre activité. Tâche et activité : les concepts différenciés pour analyser le travail L'analyse de la tâche se fait en référence au processus de production, à ce qui arrive aux choses (État, changement d'état, transformation, quantité et qualité des résultats obtenus), Aux conséquences sur l'entreprise. Les hommes peuvent être mentionnés dans une analyse de la tâche, mais c'est en référence au processus de transformation des choses. Analyser les différents niveaux de la tache précédemment définis permet de rendre compte des contraintes de l'organisation, des lacunes du système, des sources de variabilité et de diversité auxquelles sont confrontés les opérateurs… L'analyse de l'activité est centrée sur ce que fait l'opérateur, ses actions, son fonctionnement, ses intentions, ce qui est significatif pour lui, à partir de la manière dont il agit face à la tâche. La tâche peut être mentionnée dans une analyse de l'activité, mais c'est en référence à l'activité et à sa cohérence propre. L'analyse de l'activité permet de comprendre les modes de fonctionnement de l'opérateur face aux situations de travail, sa manière de gérer la diversité la variabilité des éléments de la situation qui sont pertinents pour atteindre les buts qu'il s'est fixé, son mode d'organisation (Action, prise d'information, gestion du temps…), ainsi que les conséquences de l'activité sur l'opérateur. En pratique, en ergonomie, l'analyse du travail comprend à la fois des analyses en termes de tâche et d'activité.

L'analyse de la tâche appréhende le travail en référence à la cohérence propre du processus de production (c'est la cohérence de ce qui arrive aux choses.), l’analyse de l'activité appréhende le travail en référence à la cohérence de la conduite de l'opérateur. Chaque type d'analyse appuie sur des concepts spécifiques du domaine

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de référence : l’univers des choses dont il est question et l'univers des hommes, leur fonctionnement et leur conduite pour l'activité. Naturellement ces deux types d'analyses sont en interdépendance et doivent être menées en parallèle.

Notons pour conclure que la tâche et l'activité ne suffisent pas cependant à rendre compte du travail qui comprend bien d'autres dimensions : les rapports sociaux, les difficultés avec la hiérarchie, la fatigue, la rémunération…