Epistémologie du vivant

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Epistémologie du vivant I. Aristote Darwin a dit : « Linné et Cuvier ont été mes divinités mais ce sont de simples écoliers en comparaison du vielle Aristote » Linné est le fondateur d’une botanique raisonnée au 18 ème siècle ; Il prend les organes sexuels des plantes pour les classer. Il donne un classement définitif des plantes à partir des organes sexuels de celles-ci. Il était considéré comme le génie du 18 ème siècle avec Newton. La plante est un vivant silencieux. Cuvier, au début du 19 ème siècle, va trouver une méthode pour reconstituer un squelette dans sa totalité à partir de quelques éléments. Aristote va développer une observation sur le réel qui se transmettra au moins jusqu’au 18 ème siècle. Il naît dans un milieu médical, son père touche à la médecine de l’époque. C’est en même temps un logicien. C’est celui qui va réfléchir sur la profusion de la réalité et sur la nécessité du classement. Son idée c’est que la vie est multiforme mais elle répond à une logique 1. La conception des quatre causes Tout ce qui existe peut se comprendre à travers 4 causes : - La cause matérielle : Ce dont la chose est constituée - La cause formelle : L’idée qui préside à la production - La cause efficiente : La cause qui agit sur la matière pour la transformer - La cause finale : Ce qui est poursuit comme but dans l’action Exemple d’Aristote ; La statue : - Cause matérielle : le bois ou le marbre, peu importe - Cause formelle : La représentation que l’artiste a de la statue - Cause efficiente : Le travail de l’artiste - Cause finale : La beauté Ce schéma peut-il s’appliquer au vivant ? Pour Aristote c’est la nature qui produit l’être vivant, le vivant est pensable à partir des quatre causes

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Epistémologie du vivant

I. Aristote

Darwin a dit : « Linné et Cuvier ont été mes divinités mais ce sont de simples écoliers en comparaison du vielle Aristote » Linné est le fondateur d’une botanique raisonnée au 18ème siècle ; Il prend les organes sexuels des plantes pour les classer. Il donne un classement définitif des plantes à partir des organes sexuels de celles-ci. Il était considéré comme le génie du 18ème siècle avec Newton. La plante est un vivant silencieux. Cuvier, au début du 19ème siècle, va trouver une méthode pour reconstituer un squelette dans sa totalité à partir de quelques éléments.Aristote va développer une observation sur le réel qui se transmettra au moins jusqu’au 18ème siècle. Il naît dans un milieu médical, son père touche à la médecine de l’époque. C’est en même temps un logicien. C’est celui qui va réfléchir sur la profusion de la réalité et sur la nécessité du classement. Son idée c’est que la vie est multiforme mais elle répond à une logique

1. La conception des quatre causes

Tout ce qui existe peut se comprendre à travers    4 causes      :  

- La cause matérielle : Ce dont la chose est constituée- La cause formelle : L’idée qui préside à la production- La cause efficiente : La cause qui agit sur la matière pour la transformer- La cause finale : Ce qui est poursuit comme but dans l’action

Exemple d’Aristote      ; La statue      :  

- Cause matérielle : le bois ou le marbre, peu importe- Cause formelle : La représentation que l’artiste a de la statue- Cause efficiente : Le travail de l’artiste- Cause finale : La beauté

Ce schéma peut-il s’appliquer au vivant      ?  

Pour Aristote c’est la nature qui produit l’être vivant, le vivant est pensable à partir des quatre causesLa cause matérielle c’est la chair et l’os. La cause formelle c’est la forme donnée par la nature. La cause efficiente ce sont les géniteurs. La cause finale c’est l’harmonie/l’équilibre au sens du monde ; La nature fait bien les choses, elle est semblable à un artisan, elle donne à chacun sa place, son rôle.

Aristote développe une pensée naturaliste ; Il y un ordre qui est voulu par la nature, il est normatif. On peut s’interroger sur cette notion de nature. Parler d’un ordre naturel c’est laisser entendre que certains comportements, certains êtres ne sont pas conformes à la nature. La notion de nature va fonctionner comme un préjugé.

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2. Quatre critères pour cerner le vivant

Il faut distinguer le vivant de l’inerte !

1  er   critère      :   La composition harmonieuse ou symétrie. Elle provient d’abord d’une symétrie des organes dans la plupart des espèces. Le vivant est aussi une organisation ; Chaque organe correspond à une fonction, joue un rôle au sein d’une totalité. Cette harmonie se fait aussi à partir des éléments physiques qui composent les chairs du vivant ; le chaud – le froid – le sec – l’humide. La matière du vivant c’est ce mélange qui donne la bile et le sang. 2  ème    critère    : L’animation. « Un doigt coupé n’est plus un doigt » Le vivant ne peut pas se fragmenter comme l’inerte, il est animé c’est-à-dire qu’il est construit dans cette union entre fonctions et organes. La mort c’est la désunion, la fragmentation, l’absence d’harmonie. L’animation c’est l’idée qu’il y a une cohérence du corps qui fait la vie.3  ème    critère      :   La génération ou la reproduction. « Un Homme engendre un Homme » La nature ne connaît pas de désordre, elle ne connaît que des accidents. Aristote nous fait sortir de la mentalité mythologique pour laquelle les métamorphoses étaient encore possibles. Même dans le phénomène de la métamorphose il y a un ordre. Aristote est l’un des premiers à comprendre qu’il y a une logique du vivant.4  ème    critère      :   Le mouvement ou la locomotion. Le mouvement au sens de la croissance, tout être vivant est soumis à la croissance et donc à la mort. 

A ces critères, Aristote va ajouter d’autres critères. Pourquoi cette hésitation ? Au fil de ses observations il s’aperçoit que l’être vivant est beaucoup plus complexe que ce que l’on en pense spontanément.

Il va rajouter :- Le sang      :   En distinguant les animaux à sang chaud et ceux à sang froid- L’apparence externe du vivant      :   Distingue les animaux à poils et ceux à plumes.- La question de la reproduction      :   Distingue les vivants ovipares et les vivants vivipares. 

Cuvier : « Aristote établie une classification géologique qui n’a laissé que très peu de choses à faire aux siècles qui sont venus après lui… »

Ces critères sont pour l’essentiel ceux que la tradition va retenir parce-qu’ils nous renvoient à une logique qui correspond spontanément à nos formes de pensée.

La logique c’est une façon de montrer comment nous raisonnons.« L’Homme est un animal raisonnable » : Plusieurs ensembles sont en jeu.Aristote va utiliser sa conception de la logique pour la transposer dans le domaine du vivant ; Le vivant est fait de genre et d’espèces qui se différencient. Le vivant expose les catégories logiques. Il y a chez Aristote isomorphie entre la pensée et la nature. Entre la façon dont nous pensons et la façon dont la nature se présente il y a une identité. A partir de ces idées Aristote va hiérarchiser les espèces entre elles puisque certaines sont plus importantes que d’autres

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3. Les objections à Aristote

Ces classements ne tiennent pas compte du temps. La mentalité Aristotéticienne est un obstacle au développement du Darwinisme 

Cet ordre vital est un ordre fixe qui est dans une logique de répétition à l’infini. Voltaire : Les fossiles étaient des jeux de la nature qui, pour plaisanter, créaient des formes

Ce système d’Aristote est un système hiérarchique : Il développe un ordre qui va du moins au plus ; Ce qui est au bas de l’échelle a moins d’intérêt que ce qui est au-dessus etc.

Cet ordre de la nature est un ordre anthropomorphique : L’Homme est le centre de toute chose. Il est le sommet de la « création ». Il est l’aboutissement de la nature.

L’idéologie religieuse et monothéiste va reprendre l’essentiel d’Aristote.

Premier thème      :   Dans la religion Dieu va remplacer la natureDeuxième thème      :   Dieu met donc en ordre le monde et surtout sacralise le vivant : Nous sommes tous à son image en tant qu’être vivant donc nous avons quelque part une imitation du divin.Troisième thème      :   L’Homme est posé comme roi de la création

Conclusion

Aristote reste malgré tout fondamentalement animiste : Pour lui, le vivant se caractérise par une âme particulière et à contrario, certains éléments du monde sont eux-mêmes considérés comme des vivants. Exemple : Les astres, les planètes sont dotés de mouvement, d’animation donc ils sont vivants. Les catégories d’Aristote se retrouvent spontanément dans la pensée de l’enfant.Pour avancer, la biologie va avoir besoin d’une sorte de révolution mentale, celle-ci va s’effectuer avec la pensée de Descartes.

II. Descartes et le mécanisme

1. Le contexte du mécanisme

Bouleversement scientifique sans précédent : Cette révolution concerne, l’espace, les mathématiques et la pensée elle-même. L’espace avant Galilée est un espace géocentrique (Terre est au centre) qui développe un haut et un bas. Avec Galilée l’espace devient héliocentrique (Soleil au centre) et de ce fait l’espace est découvert comme infini. Cette espace est donc homogène, il est partout le même. Cette révolution spatiale va donner naissance à une thèse simple : Le monde est mathématisable. Dans ce nouveau monde, tout se fait par une causalité mécanique. Il n’y a plus de cause finale. Cela va donner une nouvelle façon de penser, une nouvelle façon de concevoir les objets techniques.

W. Harvey      :   Découvre la circulation du sang en appliquant le modèle de la machine, le cœur est une pompeHuygens      :   C’est le savant qui va introduire le ressort à spirale pour régler le balancier de l’horloge. Le ressort à spirale va permettre de miniaturiser l’horloge. Il nous a fait passer du monde de « l’à peu près » au monde la « précision »Dilly      :   Il est horloger à Saint-Jean à Lyon.

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L’idée de créer des automates va lentement germer dans la culture occidentale. L’être vivant va devenir comparable à une machine car il est fait de rouages, d’engrenages. Va apparaître une médecine qui prend pour modèle la machine.

2. Le « Je pense, Je suis, J’existe »

Descartes va s’interroger sur ce qu’il nous reste de certitudes dans un monde relativement incertain. La seule certitude que nous pouvons mettre n avant c’est notre capacité à douter de toute chose et de ce doute nous pouvons déduire une vérité première, le fameux « Je pense, je suis, j’existe » Pour Descartes, il y a d’abord une première substance ; La matière qui est détendue donc spatiale donc mesurable. La seconde substance c’est l’esprit ou la pensée ou la conscience. Seul l’Homme pense. L’animal en est exclu, il n’est donc que de la matière. La troisième entité qui existe c’est Dieu, qui est une pensée pure. Le corps humain et le corps animal sont compréhensibles comme un objet matériel qui est soumis à la mathématisation. 

3. Le vivant comme machine

Descartes compare volontiers la machine faite par l’artisan et le corps vivant qui est une machine faite par Dieu lui-même. En fait, le corps est une machine quasi parfaite qui a toujours servi de modèle à l’activité humaine. Le second texte relativement classique va jusqu’à identifier la machine faite par les artisans et la machine faite par Dieu.

Lecture du texte de Descartes      :   « Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l’agencement de certains tuyaux ou ressorts ou autre instruments qui sont toujours si grands que leurs figures ou mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causes les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus par nos sens » Entre ce qui est artificiel et ce qui est naturel il n’y a pas de différence de nature mais il y a une 

différence de degré ; Le corps en fait est un assemblage de rouages, de mouvements et pour l’expliquer nous n’avons plus besoin de référence à une âme végétative ou à des qualités cachées à l’intérieur du corps. Tout se fait par mouvements et tout se mathématise dans le corps. Le corps est un automate rationnel ; Seule l’âme reste quelque chose de spirituel

Après Descartes, c’est La Mettrie qui publiera « L’homme machine » pour démontrer que la pensée elle-même c’est du mécanique. Pour lui, la pensée elle-même est mécanique.Georges Canguilhem dit que e qui fait la différence entre le vivant et la machine c’est la vicariance des fonctions : La vicariance des fonctions c’est simplement la capacité pour le vivant de jouer à la fois un rôle et un autre ; Lorsqu’un organe est endommagé, dans la mesure du possible un autre organe le remplace tout en jouant son rôle (Exemple de l’aveugle qui décuple ses autres sens) Dans la machine, chaque pièce, chaque élément a un sens univoque.Descartes lance un débat malgré lui : Peut-on réduire le vivant à la machine ?

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4. Le cartésianisme et ses objections

Première objection      :   Rohault : « Je vois qu’on remonte tous les jours une horloge et je ne vois point qu’on remonte la machine d’un chien » Pour lui, qui est un contestataire de Descartes, le chien se suffit à lui-même alors que la machine a besoin d’une intervention extérieure.Deuxième objection      :   Le vivant ou l’animal se répare seul alors que la machine n’est en pas capable. Le vivant et l’animal sont capables de cicatrisation, pas la machine.Troisième objection      :   L’animal ou le vivant est créatif, il s’adapte aux situations. Ils sont toujours dans des situations radicalement nouvelles. Rohault dit « Le nid de l’oiseau n’est jamais identique parce-que l’oiseau s’adapte à chaque branche pour construire l’équivalent de sa maison, la machine elle ne fait que répéter les mêmes mouvements »Quatrième objection      :   Le vivant a une multiplicité d’actions et de situations possibles alors que la machine est programméeCinquième objection      :   Descartes est aussi attaqué sur sa physiologie très sommaire. Lorsque l’on ouvrait un cadavre on comprenait assez vite que les tissus ne pouvaient pas se réduire à du mécanique. Descartes trace à une voie qui va susciter des débats et qui va fonder une véritable philosophie d’existence.

François Dagognet: « Vrai dans son inspiration, bien que défectueux ou prématuré dans sa réalisation le cartésianisme devait changer fondamentalement le statut de la biologie : Elle passe d’une discipline descriptive à une conception explicative radicalisée » 

III. Claude Bernard

Introduction

Né le 12/12/1813 (19ème siècle) Il est fils de vigneron, il est né à Saint-Julien dans. Il fait des études de pharmacie et il est employé assez jeune dans une pharmacie à Lyon. Il veut d’abord faire une carrière littéraire. Il reprend des études de médecine et en 1843 il soutien sa thèse de médecine ce qui va lui donner le titre de médecin. En 1847, il acquiert une certaine renommée et commence sa vie de savant, de chercheur. Il va s’intéresser à la médecine et à ses fonctionnements. Il va publier une introduction à la médecine expérimentale et des leçons sur les phénomènes végétaux et animaux, sur le vivant. En 1878, il meurt.Pourquoi est-il important dans l’histoire des sciences et des sciences de la vie ? C’est le premier qui va réfléchir sur la méthodologie scientifique, qui va l’a mettre en forme. Avant lui on pratiquait la méthode expérimentale mais on ne faisait pas une théorie de celle-ci. C’est un médecin qui va être aussi un découvreur, c’est celui qui, indirectement va permettre les soins des diabétiques. Il va comprendre que c’est le corps lui-même qui génère certains taux (« De sucre ») Cela va l’amener à réfléchir sur l’organisation intérieure du corps et surtout sur la fonction régulatrice du foie.

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1. La méthode expérimentale

C’est celui va donc détailler le fonctionnement même de l’activité scientifique. « La connaissance scientifique débute toujours par l’observation ou par l’expérience mais attention, l’observation peut avoir, comme l’expérience, deux modalités de forme. Soit l’expérience est passive, soit elle est active » Si l’expérience est passive elle ne répond pas à une volonté, à une intention. « L’expérience peut être une observation de phénomènes provoqués artificiellement et dans ce cas elle répond à une intention. L’expérience c’est l’instruction acquise par l’usage de la vie » « On donne le nom d’expérimentateur à celui qui emploie les procédés d’investigation simples ou complexes pour faire varier ou modifier les phénomènes naturels et les faire apparaître dans des circonstances ou dans des conditions dans lesquelles la nature ne les lui présentait pas »Claude Bernard met en forme la pratique artificielle du laboratoire, il s’agit de répéter des phénomènes pour dégager des lois et des constantes.L’expérimentation sur les phénomènes vitaux était considérée avant Claude Bernard comme problématique car on considérait qu’intervenir sur un être vivant c’était le modifier et c’était donc ne pas le comprendre de façon convenable, c’était en quelque sorte traumatiser le vivant que d’expérimenter sur lui. Le vivant peut se comprendre à partir de ses conditions physico-chimiques. Tout ce qui existe se réduit à la chimie. 

2. La définition de la vie et ses conséquences philosophiques

Claude Bernard semble développer une conception matérialiste du vivant, il va reprendre les définitions possibles de la vie.Ce qui régnait en maître c’était une sorte de spiritualisme, on définissait la vie comme « l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort » Bichat. Bichat était un adepte de la théorie du principe vital : Il admettait à titre d’hypothèse qu’à l’intérieur du corps il y avait l’équivalent d’une force qui unifiait les organes et qui définissait la vie. Pour Aristote la vie c’est la nutrition, la génération et la corruption (= Le vivant va dépérir) Pour Claude Bernard cette définition reste malgré tout à retravaillerPour Burdach, « La vie est l’âme du monde, l’équation de l’univers » : Idée d’harmonie quasi mathématique, il y a un ordre du vivant.Pour Kant, un être vivant st un être qui connaît une sorte de finalité interne, chaque élément à un ordre, pour le vivant cette finalité est capable de modifications, de souplesse. Ces définitions sont trop philosophiques pour Bernard ; Elles ne se fondent pas sur une 

observation des phénomènes de la nature, elles ne se fondent pas sur une véritable expérimentation.

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5 caractères de Claude Bernard qui caractérisent le vivant      :  

1. L’organisation : Le vivant c’est de la matière organisée. Pour Claude Bernard, on peut passer de la matière au vivant car l’un et l’autre peuvent être réduit à des conditions physico-chimiques. Entre une table et nous il y a une différence de degré, pas de nature.

2. La génération : L’inerte matériel se divise mais ne se reproduit pas. Le vivant se reproduit il transmet certains caractères à sa descendance. 

3. La nutrition : Le vivant a besoin d’un entretien continuel qui l’oblige à être en relation avec l’extérieur. Le vivant, quel qu’il soit, est à la recherche de sa propre survie. Il occupe une partie de son existence à se nourrir. 

4. L’évolution : « L’être vivant apparaît, s’accroît, décline et meurt »5. La maladie et la mort : Elles sont essentielles car elles peuvent résumer la nature même du 

vivant. L’être vivant se comprend à partir de 2 ordres de phénomènes : Les phénomènes de création vitale et de destruction organique ; « La vie c’est la création, la vie c’est la mort » Le propre du vivant c’est que dans son propre fonctionnement il connaît des phénomènes de destruction et de régénération. La dégénérescence du corps est inscrite au cœur même du vivant car il y a des phénomènes de destruction organique présents dans notre fonctionnement même. Vivre c’est dépérir lentement. La création dans le vivant c’est « la capacité de synthèse évolutive » ; Fait d’être capable de croissance. L’être vivant est capable par exemple de cicatrisation ; Capacité de l’organisme à lutter contre sa propre dégénérescence. C’est une vision dialectique (=Dans un élément il y a toujours son contraire) de la vie et de la mort.

3. Matérialisme et vitalisme

A l’époque de Claude Bernard, c’est Xavier Bichat qui est un médecin de renom. Bichat croit à l’existence d’un principe spirituel qui animerait le vivant. Il y a un conflit entre les vitalistes et les matérialistes.Les vitalistes n’acceptent pas que l’on puisse réduire le vivant à une simple organisation mécanique. Pour eux, il y a toujours quelque chose qui échappera à la pure explication matérialiste.« Faut-il réduire l’être vivant à la pure matière ? Faut-il réduire le vivant à du physico-chimique ? »  C’est adopter un point de vu radicalement matérialiste, c’est montrer que le vivant n’est pas une exception aux lois de la nature que tente de comprendre le physicien. L’idée de Claude Bernard c’est que la méthodologie pour connaître l’être vivant doit partir de ces conditions matérielles, de cette condition physico-chimiques. Pour lui, parler d’une force vitale n’a pas de sens d’un point du vu objectif. « Croire autre chose c’est commettre une erreur de fait et de doctrine, c’est être dupe de métaphore et prendre au réel un langage figuré » La réponse de Claude Bernard est pourtant nuancée car pour étudier objectivement l’être vivant il faut être radicalement matérialiste. Est-ce que pour autant il faut refuser absolument la thèse vitaliste ? Le vitalisme est tout à fait respectable car on peut être fasciné par l’agencement des corps. La position de Claude Bernard n’est ni vitaliste ni matérialiste, En fait il articule les deux de façon relativement schématique. Le principe vital à lui seul n’explique rien, le principe matériel lui, explique mais n’explique pas tout. Il faut distinguer 2 niveaux d’analyse ; Ce qui est hypothétique (Finalité, principe vital) et ce qui est explicatif (Matière). Le principe vital n’est une illusion que si nous cherchons à lui donner un contenu objectif. L’être 

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vivant est en quelque sorte démystifié par l’explication matérialiste mais en même temps il est un être particulier car nous ne pouvons pas le considérer comme un objet inerte.

IV. Charles Darwin

Introduction

Darwin n’est pas un universitaire classique. Au 19ème siècle, en Angleterre, les grandes universités étaient relativement sélectives. Darwin fait des études secondaires mais il n’est pas celui qui va poursuivre une carrière étudiante très longue. Il n’était un bon élève, plutôt un cancre. Dans les universités anglaises du 19ème on apprenait les thèses créationnistes : Dieu a fait la nature, toutes les espèces sont donc fixées de toute éternité. Darwin n’apprendra pas ces théories qui sont fausses mais il fera un ensemble d’observations qui vont bouleverser la vision du vivant et la pensée biologique. Darwin s’engage dans la marine marchande, il fait le tour du monde connu sur le navire Beagle. C’est un observateur extraordinaire et il va donc s’intéresser à la sexualité des plantes et entre autre des orchidées. Il découvre des différences et des variations au sein d’une même espèce. Il y aurait des évolutions possibles d’une espèce à l’autre. Il réfléchit lentement au lien entre les espèces. Il va observer des variations sur certaines espèces de loup, il va comprendre qu’il y a des variations selon le milieu. Il fait un lien entre l’organisme, son milieu et les possibilités d’adaptation des individus. C’est un inventeur génial. Il va examiner certains fossiles et comprendre que certaines espèces ont disparu au profit d’autres espèces. Il va s’interroger sur le fonctionnement même de la nature. Pour lui la nature ne répond plus à un ordre fait autour d’une finalité. La nature c’est la violence. Le vivant, pour Darwin n’est plus réglé par la providence, par l’ordre, de la bonté, il est un pur mécanisme de compétition, de lutte qu’il faut mettre à jour. Il va publier « L’origine des espèces » au milieu du 19ème siècle, livre qui va être un succès important mais qui va aussi entraîner des censures dans certains pays et de véritables formes de violence contre les librairies qui osent le vendre. Darwin va attaquer un des derniers thèmes qui mettait l’Homme au centre de la nature.7« Nous ne sommes que des animaux un peu plus évolués que les autres » Lors de son existence il est le grand savant du monde anglo-saxon. 

1. Les principes du Darwinisme

Malthus, politique malthusienne : Sélection des individus. Il dit que toute population tente à s’autoréguler en fonction des conditions de vie qui sont plus ou moins favorables. Darwin en tire une première règle : Il n’y a aucune exception à la règle que tout être organisé se multiplie naturellement avec tant de rapidité que, s’il n’est pas détruit la Terre serait bientôt couverte par la descendance d’un seul couple. Malthus prônait la limitation des naissances, Darwin lui comprend qu’un second principe est à l’œuvre dans le monde du vivant, c’est celui de la sélection naturelle.

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2. La perversion du Darwinisme

Au 19ème Darwin va être lu d'une façon particulière. Au 19ème, l'Angleterre subit des modifications économiques, elle se transforme et devient industrielle, elle quitte la ruralité. Les villes sont submergées par des ruraux qui cherchent du travail, qui sont au chômage et qui sont pauvres. Toute une littérature s'effraye de cette prolifération des pauvres. On parle des classes sociales dangereuses, elles se laissent aller à l'alcoolisme et qui va avec la criminalité et l'insécurité. Ces classes sociales se reproduisent de façon déraisonnable.Certains auteurs vont faire de cette question sociale et économique une question biologique. Certain vont écrire des traités sur la dégénérescence de l'humanité en demandant de tout faire pour éviter que les médiocres pullulent. La pensée de Darwin va devenir malgré elle une idéologie visant à stériliser les classes sociales les plus pauvres. Cette pensée va être au fondement de pratiques radicalement inégalitaires. 

Darwin va être récupéré à des fins inégalitaires et anti-humanistes. « Si il est démontré que la nature sélectionne les plus aptes pour assurer l'évolution des espèces, les hommes doivent consentir à cette cruauté. »Pour les partisans du Darwinisme sociale il serait irresponsable de protéger les plus faibles. Cet anti-humanisme est aussi fondamentalement opposé aux religions monothéistes. Dans ces religions il y a l'idée d'une même source de l'humanité. Certains auteurs dans les années 30 ont dénoncés les religions car elles sont contraires aux principes du Darwinisme.« Il faut combattre l'influence du christianisme non pas en raison des dogmes mais surtout en raison de la morale dangereuse de cette religion qui a puissamment agit pour réduire des peuples à l'infériorité. »Ce qui se développe lentement c'est une idéologie inégalitaire qui va trouver prétexte dans la biologie pour fonder des politiques d'extermination. 

Alexis Carrel publie « L'homme cet inconnu », dans les années 30 en France cet ouvrage est lu par tout le public cultivé. Il faut mettre en place et en œuvre une politique radicalement eugéniste (=Sélection des individus humains). L'eugénisme demande le sacrifice de beaucoup d'individu, c'est une loi naturelle : beaucoup d'êtres vivants doivent être sacrifiés à chaque instant. Il approuve les lois nazies de 1935. « Le gouvernement Allemand a pris des mesures énergiques contre la propagation des individus défectueux, des malades mentaux et des criminels. »

Pour Marx, l'idéologie est un discours qui inverse l'ordre du réel, c'est donc un discours qui est faux, Aristote affirme qu'il y a des hommes qui sont esclaves par nature.

3. Comment conceptualiser une idéologie scientifique

L’idéologie politique a une double fonction dans la société ; Elle est toujours reflet et justification : Une idéologie reflète une situation économique donnée. Aristote affirme qu’il y a des hommes qui sont par nature esclaves. L’économie grecque reposait sur l’esclavage, Aristote malgré lui illustrait ce simple fait. Elle est justification. Le discours idéologique justifie une époque donnée. L’idéologie fonctionne comme un élément inconscient.

L’idéologie scientifique est beaucoup plus perverse que l’idéologie politique car elle utilise un fond de vérité et un fond d’objectivité. Darwin démontre qu’il y a des principes dans l’évolution des espèces mais il ne cherche pas à justifier le massacre des plus pauvres socialement parlant. La sélection naturelle par exemple ne peut pas être transposée dans le domaine social sans précautions. 

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Georges Canguilhem « Idéologie et rationalité dans les sciences de la vie ». Il dit « Les idéologies scientifiques sont des systèmes explicatifs dont l’objet est hyperbolique relativement à la norme de scientificité qui lui ait appliqué par emprunt » Hyperbolique : Volontairement exagéré. 

Dans une idéologie scientifique il y a toujours au préalable une tendance sociale ou un terreau favorable pour que les consciences des individus acceptent spontanément le caractère frauduleux de l’idéologie.L’idéologie scientifique dit-il, louche du côté de la science.

V. Questions de bioéthique. Le vivant : Histoire d’une triple réduction

Introduction

Le vivant a été un objet de fascination à cause de son caractère systématique. Il a aussi interrogé les hommes sur son caractère mécanique. Cette réflexion sur le vivant a correspondu aussi à une désacralisation de celui-ci. Est sacré ce qui séparé du quotidien, du profane. Le sacré peut-être un lieu, un être… Le sacré lorsqu’il n’est pas respecté entraîne un comportement sacrilège donc condamnable. Ce sentiment du numineux c’est simplement ce sentiment pour l’homme d’être face à une existence qui le dépasse complètement par sa puissance, sa beauté et sa force. Le monde moderne peut être considéré comme totalement désacralisé. « Le sacré c’est ce pour quoi on serait capable de se sacrifier » Le vivant a connu lui aussi ce lent mouvement de désacralisation. Pour comprendre ce phénomène il suffit de se référer à la loi qui régit les êtres vivants dans le droit français à partir de la Révolution française.

Le système législatif français vient de la Révolution mais fait une synthèse de traditions qui étaient là avant 1789. La R.F. dit : Les créations humaines et les créations divines appartiennent à toute l’Humanité. Une œuvre d’art, un roman appartient à tout le monde. Les auteurs très vite quand ils étaient copiés ou plagiés ont milités pour faire reconnaître un droit de propriété, c’est ce qu’on appelle les droits d’auteur. Les animaux appartiennent à tous même s’ils se trouvent sur des propriétés privées. Malgré tout, personne ne peut demander des droits d’auteur pour la gestion d’une espèce vivant (Animale ou végétale ou minérale) La première révolution juridique qui va se produire vient des fleurs. Au début du siècle certain horticulteurs provençaux produisent des hybrides d’œillet colorés c’est-à-dire rouge, parfois bleu et surtout beaucoup plus volumineux. L’œillet naturel est insignifiant. On vole les œillets et surtout on les copie. Les horticulteurs provençaux vont demander aux députés une protection à partir de brevet. Les députés vont accepter de déposer un brevet sur un produit de la nature. On ne se comportait pas avec un être vivant comme on se comportait avec une table, une chaise, une chose… Le vivant désacralisé est devenu un objet industriel. Le troisième moment dans cet historique de cette manipulation du vivant touche directement l’être humain. Deux médecins s’approprient la rate d’un patient pour expérimenter et découvrir un remède afin de faire de l’argent. La rate devient donc un objet marchand et après enquête le juge Chachrabarty se trouve devant la question suivante « Comment doit-on repartir les bénéfices si un brevet était déposé ? ». Pour le juge, le travail des deux chercheurs doit être pris en compte et respecté mais malgré tout la rate originelle rend possible cette recherche. 

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« Est-ce la même chose en France ? » « Est-ce la même chose en Europe ? » Dans les années 1994 l’Etat hésite, les lois élaborées par le gouvernement Jospin refusent de fragmenter le corps humain. Le corps humain ne se fragmente pas et ne se vend pas. A la même époque on interdit les mères porteuses. 

1. L’homme réduit à l’animalité

En France, 700 000 naissances, plus d’un million de chiots. L’animal de compagnie fait partie de la sensibilité contemporaine. A cela s’ajoute la défense des animaux qui fait partie des habitudes. En 1978 l’UNESCO déclare les droits internationaux de l’animal. Pourquoi l’animal est-il devenu aussi important pour nous ? Notre sensibilité a changé sur le coup de l’évolution des sciences. On a observé d’abord les animaux supérieurs et on a compris qu’ils étaient capables de conduites intelligentes. Par exemple, les chimpanzés échangent des objets. Certaines formes animales échangent des connaissances. Diane Fossey a compris qu’il existant un code de comportement dans le groupe des gorilles. Ce groupe d’ailleurs était structuré avec une hiérarchie sociale très complexe. On a compris que, tout simplement, l’animal s’approchait dans ses comportements de l’être humain. L’animal est doté d’intelligence à ce niveau-là parce-qu’il possède certains concepts, il est capable de jouer avec la matière. L’animal n’est pas une simple nature. Certains éthologues vont forger un nouveau concept, ce qui caractérise l’animal c’est la nurture (Culture et nature). Ce qui vaut pour les grands singes vaut pour la plupart des insectes, la vie d’une ruche ou d’une fourmilière est d’une complexité sociale tout aussi riche que celle d’une société humaine. On a montré que certaines guêpes  terrestres sont capables d’accumuler des petits cailloux pour protéger leur « terrier ». L‘éthologie rapproche l’homme de l’animal mais la biologie le confirme. Avec les signes nous partageons 98% de gènes communs. Nous sommes génétiquement proches du porc. La psychologie, en étudiant le comportement humain et animal montre que les schémas des intelligences sont communs. On ne peut plus parler aujourd’hui d’une discontinuité entre les espèces. Il y a une continuité entre l’homme et l’animal et cela ne peut qu’apporter une révolution. H. Kempf a écrit « La Révolution Biolithique ». Avec le 21ème siècle il y aurait une collaboration possible entre les animaux et les hommes. Cette idée met fin à un ensemble de préjugés relativement ancrés. Dans la tradition judéo-chrétienne l’homme était placé au-dessus de tout (Anthropomorphisme/centrisme) Avec ces nouvelles connaissances l’être humain n’est plus au centre de la nature. L’homme est une espèce parmi d’autres. L’Humanisme intégral consistait à sacraliser la personne humaine face à l’animal. Face à cet humanisme qui est discuté se développe une écologie radicale. Elle s’est développée essentiellement dans les pays anglo-saxons et aux Etats-Unis. Arne Naess : Les droits des animaux sont équivalents à ceux de l’homme. Mieux même l’homme n’est qu’un être vivant parmi les autres. L’homme comme espèce particulière a toujours été dominatrice vis-à-vis des autres animaux. L’homme a été quasiment raciste vis-à-vis des animaux. Paola Cavalieri a écrit un livre avec Peter Singer : « La libération animale ». Peut-on mettre sur le même plan l’être humain et l’animal ? Phrase de Paola et Peter : « Les chimpanzés, les chiens, les porcs et les membres adultes de bien d’autres espèces, dépassent de loin un enfant au cerveau endommagé. Du point de vu de leurs capacités qui pourraient raisonnablement être considérées comme donnant une valeur à la vie car même avec les soins les plus intensifs certains enfants gravement déficients ne pourront jamais attendre le niveau d’intelligence d’un chien » Le souci d’humaniser l’animal va de pair avec la rétrogradation de l’humain ou statut de l’animal. On confond sans nuance la norme humaine et le fait animal. Les hommes sont des animaux. Nous ne sommes pas que des animaux ! Dans l’écologie radicale il y a une vision politique. Nous avons d’abord libéré certaines catégories humaines comme 

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les esclaves. La seconde libération a été celle des femmes. Il y aurait une troisième révolution en route : L’animal deviendrait lui-même sujet de droit. Nous avons libérer les esclaves, les femmes, il faut libérer les animaux. Ce type d’écologie peut aller très loin puisque certains mouvements aux Etats-Unis prônent l’extinction volontaire de l’espèce humaine. 

2. L’homme réduit à la machine

Introduction

De tradition la philosophie a toujours voulu comparer l’être vivant à une machine. Descartes par exemple nous dit que l’homme est comme une machine. A partir du 17ème siècle tout un courant philosophique va poursuivre cette révolution en étant radicalement matérialiste. Pour Descartes, l’âme était encore vaguement spirituelle. Avec certains auteurs du 18ème la réduction va être totale. L’âme ou la conscience va devenir dans l’esprit de certains une simple machine. La Mettrie publie « L’homme machine ». On connaît mal le cerveau à cette époque mais on pense que tout fonctionne comme une machine. Les sourds, les imbéciles, les fous, les hommes sauvages ne sont pas des machines identiques à celles des autres et ne peuvent donc pas bénéficier du statut d’homme.  « Le corps humain est une machine qui monte elle-même ses ressorts vivante image du mouvement perpétuel » On rêvait d’une machine qu’on puisse mettre en mouvement et qui ne s’arrête jamais. Le mouvement perpétuel ne peut fonctionner car il y a des phénomènes de frottement, d’usure et de ralentissement. Le corps est une machine fine et autonome. Tous ces éléments ont une origine quasi mythologique.

a) L’origine mythologique du mécanisme

Dans l’histoire de l’Humanité il y a 3 grands mythes fondateurs sur la question de la réduction de l’homme à la machine. Le premier mythe est le mythe de Pygmalion. Le deuxième mythe est le mythe de Don Juan. Le troisième mythe est le mythe de Golen. Dans ces 3 grands mythes on passe de la matière inerte au vivant.Le mythe de Pygmalion se développe à Chypre. Le sculpteur Pygmalion produit une statue dont il tombe follement amoureux. Il ne vit que pour cet être qu’il a lui-même produit. C’est son amour qui crée la beauté de la statue. Pygmalion veut donner la vie à cette statue de marbre. Il n’y parvient pas avec des moyens humains donc il va demander l’aide des Dieux et surtout d’Aphrodite. Pygmalion fait un contrat, un accord avec elle pour que sa statue devienne une femme. Il va lui donner un nom : Galatée. Les dieux se vengent : ils transforment à nouveau Galatée en pierre, et transforme tous ceux qui ont tourné autour de cette histoire en plantes. L’homme ne peut pas se permettre de transformer la matière en lui donnant la vie, il sera toujours puni.Le mythe de Don Juan : Don Juan c’est la légende ou le mythe de la séduction mais pas simplement. Nous avons à faire à une légende populaire qui a été reprise par une multitude d’auteurs. La statue de pierre qui finit par devenir vivante pour venger l’honneur des jeunes filles que Don Juan a pu séduire par pur jeu. Comme dans le mythe de Pygmalion, il y a un mélange d’amour, de haine et de matérialité qui vont donner la vie. La symbolique de la vie c’est l’amour et la mort.Le mythe de Golem : Le Golem est une créature artificielle à laquelle Jérémy va donner forme humaine. Le Golem va reprocher à son créateur de l’avoir rendu humain. Dans tout l’imaginaire de la littérature juive, lorsque je peuple est persécuté, le Golem réapparaît pour protéger la population.

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Il serait possible, par pure rêverie de faire aussi bien que Dieu lui-même en créant de la vie à partir de rien.

Si l’homme tente de le faire cela se retourne contre lui et il est puni d’avoir transgressé certaines limites.

b) La révolution cognitiviste

Le cognitivisme, pour l’essentiel, repose sur quelques postulats très simples. Dans le cognitivisme il y a un refus absolu de l’inconscient au sens Freudien. Dans le cognitivisme il y a l’idée que l’explication de l’être humain se fait de façon matérialiste. Ce qui est essentiel dans le fonctionnement de l’être humain se serait donc le cerveau. Le cerveau est comparable aux intelligences artificielles ou aux mécanismes mêmes de circuits informatiques. Pour le cognitiviste, le corps est une organisation matérielle qui suscite des états de représentation que l’on peut analyser. Ces états internes sont structurés comme un langage. Tout cela vient de la neurophysiologie. Mc Culloch : « Les hommes ne sont pas analogues à des machines, ils sont des machines » Pour le cognitivisme l’identité que posait Descartes entre l’homme et la machine devient une évidence. Tout ce qui est humain se réduit à du mécanique. Le cognitivisme va se développer de façon interdisciplinaire. Le cognitivisme est aussi bien une psychologique, qu’une forme de linguistique, qu’une forme de logique et de neurobiologie. Conséquences :La conscience est réductible à des processus cérébraux. Ces organisations cérébrales sont comparables à ce que l’on peut observer dans les réseaux automatiques. Norbert Wiener est le fondateur de la cybernétique. C’est un ingénieur philosophe qui va réfléchir sur la notion de système et entre autre sur la notion de système nerveux conçu comme étant un automate naturel. Pour lui, tout système, mécanique ou non, est soumis à une double contrainte ; L’ordre et le désordre. Il n’y a pas pour lui de différence absolue entre un système mécanique et un système vivant, c’est la même chose. On va tenter de fabriquer du vivant. J.C Guillebaud : « Nous vivons, nous sommes au milieu de Golem. » Page 109 du principe d’Humanité. Dès les années 50 aux Etats-Unis, on fabrique des machines intelligentes capables d’autorégulation. Le grand progrès dans ce domaine va être bien entendu la miniaturisation. 

c) La miniaturisation du vivant

A partir de la miniaturisation la machine va concurrencer ce qui est naturel mais elle va aussi le compléter. Les premiers pacemakers montrent que la mécanique peut se mettre au secours du vivant. A partir de ces années 50 en médecine, la sophistication des techniques va permettre une logique de l’implant. Certaines formes mécaniques fines vont permettre de rétablir des pathologies comme par exemple l’audition, en partie la vue. On travaille aussi sur les fonctions de l’humeur et de l’intelligence. Cette logique de l’implant c’est aussi cette idée que les nanotechnologies devraient permettre une régulation des individus voir des greffes qui auraient pour but de diriger le comportement humain. Warwich en 1998 greffe pour la première fois une puce électronique sous la peau d’un individu, sur le pouce pour servir de code d’entrée pour un bâtiment sécurisé. La différence entre l’humain et le mécanique devient problématique. Cette différence qui s’estompe entre le vivant et le mécanique finit par avoir des conséquences sociales et sociologiques. Certains sociologues du MIT montrent que pour les enfants la différence entre l’intelligence des jeux électroniques et l’intelligence humaine n’est plus une évidence.

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Anthropologiquement, la distinction entre le réel et le virtuel tend à s’estomper. « Nous sommes entrés dans une logique de Tamagotchi » car l’enfant est placé dans une logique de robot. C’est-à-dire une existence dans souffrance et sans fragilité. S’il n’y a pas de différence entre une machine et un vivant la souffrance infligée à l’être humain ne peut être que relative. En définitive, l’automate devient la norme pour l’humanité. Jean Claude Beaune a écrit « L’automate et ses mobiles ». Il montre que dans l’automate il y a une fascination ; Un humain qui ne serait pas un humain, qui serait autre chose. Dans son livre il dit : « Il offre au regard de l’homme l’image d’un corps morcelé et refroidit : L’idée d’une présence morte au cœur même du vivant »Ch. Dejours a écrit « La souffrance en France », il montre que c’est que le modèle économique lui-même avait besoin de cette révolution mécaniste. Sur le marché du travail la mécanisation s’est opérée en une dizaine d’année. Le salarié lui-même est une machine. C’est le monde de la communication et de la télécommunication qui a d’abord souffert de cette automatisation de l’humain. Comment peut-on contester ces conséquences sociales et politiques de ces dérives mécanistes ?La première critique est la suivante : Elle vient de K. Popper. Il dit que le cerveau n’est pas un ordinateur. Il rajoute que la machine n’est pas du vivant. Il manque à la machine ce qui est essentiel dans tout être vivant, à savoir l’initiative. L’ordinateur n’a pas, dit Popper, d’intelligence en soi, c’est un abus de langage que de présenter la machine comme une forme d’intelligence. Manipuler des symboles ou des codes ce n’est pas nécessairement en comprendre le sens. Un ordinateur n’ira jamais au-delà de son programme. La machine n’a pas en elle-même de finalité qu’elle pourrait se donner de façon autonome.Le deuxième argument est que le propre de la machine est d’ignorer la notion de responsabilité. L’être humain est le seul être capable de reconnaître l’humanité de ses semblables. Par nature la machine ne peut pas être responsable de ce qu’elle fait. Le troisième argument est que la machine n’est pas capable d’émotion donc elle n’est pas rationnelle. Etre rationnel ce n’est pas nécessairement se couper de ses émotions. « Dans la conduite rationnelle il n’y a pas que du calcul pur, il y a aussi ce qui en nous rit, pleure, aime, éprouve du plaisir ou du déplaisir » Damasio.

d) Le vivant se réduit-il à la machine ? (Avec la partie précédente ?)

Damasio, dans « L’erreur de Descartes » a écrit : « Etre rationnel ce n’est pas se couper de ses émotions. Le cerveau qui pense, qui calcul, qui décide n’est pas autre chose que celui qui rit, qui pleure, qui aime, qui éprouve du plaisir et du déplaisir. Le cœur a ses raisons que la raison est loin d’ignorer. « 

3. La réduction de l’homme à la chose et à la marchandise

a) Les principes de l’Ethique

Le principe de l’impératif catégorique de Kant : « Agis de telle façon que tu traites l’Humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin et jamais simplement comme un moyen » Le respect de l’autre c’est le traiter comme le but même de toutes mes actions. Pour Kant traiter l’humanité des autres selon une certaine dignité c’est leur reconnaître un rang dans la nature : Ce ne sont ni des animaux ni des choses. Il est radicalement interdit moralement d’utiliser les autres humains comme des moyens.

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Kant va voir deux problèmes : Le travailleur qu’on utilise comme un moyen, on le respecte en lui donnant un salaire car ce n’est pas un esclave. Et la sexualité car on utilise le corps de l’autre comme moyen pour notre plaisir. Il faut que la jouissance que l’on prend avec le corps de l’autre soit équivalente à la jouissance que l’autre prend avec mon corps.Le corps humain n’est pas disponible au sens juridique c.à.d. qu’on ne peut pas l’aliéner. Même si l’individu lui-même souhaite en faire une marchandise il n’en a pas le droit. 

La société française, dans les années 80, va créer un Comité consultatif national d’Ethique. Ce comité dit que la dignité de l’Homme est menacée chaque fois que sa liberté tend à être niée ou refusée c.à.d. chaque fois que se profile une chosification de l’Homme où son instrumentalisation sous l’effet de considération financière. L’argent transforme l’humain en chose non pas par accident mais par nature

b) Le vivant et l’économie

La question du brevet sur le vivant a été mise en œuvre très tôt au 19ème siècle. Aujourd’hui, la même question se pose avec des firmes toutes puissantes dans le domaine du végétal, comme Monsanto ; C’est la firme qui travaille sur les OGM. Le but est double ; Faire des modifications génétiques pour avoir des espèces qui résistent aux parasites et en même temps privatiser le vivant. La privatisation du vivant c’est tout simplement le fait que l’espèce végétale génétiquement modifiée appartient à la firme et l’agriculteur en est dépendant. L’agriculteur devient une industrie qui tend à se traduire en termes de monopole. Le directeur de Monsanto a dit « Je veux être le Microsoft du vivant »

Le corps humain est-il lui-même sujet à ce type de pratique ? Aux Etats-Unis on accepte dans certains états de breveter des fragments d’ADN humain. Lorsqu’une découverte scientifique est faite à partir de cette ADN, ceux qui ont déposé un brevet sur l’ADN sont intéressés aux bénéfices de la découverte. En Europe, il est interdit de breveter de l’ADN  mais il est possible de déposer un brevet sur certains éléments chimiques. Il faut aller voir ce que disent les autres et comment ils pensent là-dessus. Le statut même des organes humains va poser problème car globalement en France il y a une loi qui va faire problème : La loi Caillavet. Cette loi a été élaborée dans les années 1970. En 1970 il y a pénurie pour tout ce qui est greffe et don d’organes. La loi va dire « Qui ne dit mot consent » Elle pose le problème du statut du corps. Ces lois restrictives en France n’existent pas du tout dans certains états. Les pays pauvres sont sujets aux trafics d’organes. Par le biais de la mondialisation, le corps humain devient une marchandise comme une autre. Quel statut donner au corps humain dans un monde désacralisé ?

c) L’identité symbolique de l’Humanité

Pierre Legendre se pose une question : Qu’est-ce qui fait l’identité subjective de l’être humain ? P.L a réfléchie d’abord sur le nazisme et sur l’expérience des camps qui transformait l’être humain en chose. Comment a-t-on peut nier à ce point l’humanité de l’être humain ? Dès le départ, on niait la filiation des individus. Déporter c’était séparer les familles c.à.d. nier le lien de parenté. Ce qui fait notre humanité et qui est nier dans cette logique d’extermination c’est la filiation. Etre soi-même c’est s’inscrire dans une histoire symbolique. Cette filiation n’est pas naturelle mais elle est une institution, elle est cultuelle. En quoi voit-on qu’elle est culturelle ? Qu’est-ce qui est radicalement interdit dans quasiment la totalité des cultures ? La pratique de l’inceste. L’inceste est un crime 

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généalogique. « C’est la destruction de l’individu, en détruisant la filiation je détruis toute norme, toute situation dans le temps » L’inceste détruit la possibilité d’une histoire chez l’individu. Comment la science aujourd’hui menace-t-elle cette construction symbolique du sujet ? En 1997, un certain Wilmutt, produit Dolly la première brebis clonée. A partir de Dolly, l’humanité se prend à rêver et à cauchemarder. Un clone est un jumeau asynchrone. Le clonage humain a été radicalement interdit dans les années 2000 de façon universelle. Derrière le clonage reproductif il y a un double problème : 1. Le sentiment d’une toute puissance et le fantasme de l’éternité et 2. Le clonage, dit-il, est en fait l’équivalent d’un inceste absolu. Monette Vacquin a écrit : « Qu’est-ce qu’un clone ? De son père, il est le fils et le frère jumeau. Il le fils et le beau-frère de sa mère, qui est aussi sa belle-sœur. Il est à la fois le fil et le petit fils de ses grands-parents. Le frère de son oncle. L’oncle de ses frères. Il deviendra père et grand-oncle de ses enfants. A moins que ceux-ci ne soient à leur tour clonés, auquel cas ils seront frères de leur père et de leur grand-père, et à nouveau beaux-frères de leur grand-mère »

VI. La monstruosité VII. Faut-il parler de la vie ou du vivant ? VIII. Aspect politique du biopouvoir à partir de Michel Foucault