Entrevista com Frédéric Gros (Penser la Guerre)

download Entrevista com Frédéric Gros (Penser la Guerre)

of 2

Transcript of Entrevista com Frédéric Gros (Penser la Guerre)

Entrevista retirada do site Le Mague Journal

Entrevista retirada do site Le Mague Journal

http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article2415

Frdric Gros: Penser la guerrepar David di Nota Impression

Frdric Gros est professeur de philosophie Sciences Po et lUniversit Paris XII. Commentateur pointu et gnreux de luvre de Foucault, il mne en parallle une srie de rflexions sur la guerre. Alors que la guerre est redevenue la plus banale des donnes mdiatiques, elle fournit aux explications de nature gopolitique loccasion dune expansion sans exemple.

Frdric Gros prend les choses autrement. Loriginalit de son approche tient justement ce quelle ne relve pas du gopolitique. Lui travaille en sous-sol, pour ainsi dire, l o se forment les grandes attitudes culturelles face la guerre. Dans son ouvrage, Etats de violence, essai sur la fin de la guerre, Frdric Gros prend acte dune nouvelle conomie de la violence qui affecte nos socits en profondeur. La figure de la guerre classique, celle quinitient des acteurs tatiques bien dfinis et que sanctionne une victoire militaire, cette figure-l nest plus. Lui succde un tat de violence gnralis dont il nous reste penser la nature.

Plutt que danalyser les nouveaux tats de violence en termes de barbarie ou densauvagement, vous proposez de suivre la logique positive qui les soutient. Quest-ce que cela veut dire?Au dpart, cest partir de la lecture qui est le plus souvent faite des grands phnomnes de violence contemporain comme le terrorisme ou un certain nombre de conflits endmiques dans des pays dstructurs, que, pour moi, cette exigence sest faite sentir. Ce qui me choque dans ces analyses, cest le fait de lire la violence contemporaine comme un retour de lanimalit, une rsurgence de la nature, ou encore, comme lirruption de formes de violences non civilises.

Ce qui implique que nous aurions le monopole de la bonne violence?Absolument. Ce qui laisserait croire que nous aurions lapanage des violences polies. Au fond, ce qui mintresse, cest de poser la question suivante: en quoi ces formes dultraviolence (quelles sexercent au Sierra Leone ou en Colombie) disent quelque chose de notre identit contemporaine? Si vous interprtez ces violences comme retour la brutalit archaque, vous passez ncessairement ct de la question.

Quel types de savoirs mobiliser pour les dcrire, non pas en creux, mais positivement? Doit-on faire appel la sociologie?Lapproche philosophique me parat convenir dans la mesure o celle-ci montre sa capacit crer de nouveaux concepts. Au fond, les grandes philosophies politiques ont toujours dress ltat des lieux dune poque. Prenez Hobbes. Cest partir du moment o merge une unit politique nouvelle (lEtat souverain, disposant du monopole de la force arme), que la philosophie va problmatiser lEtat et le conceptualiser, ce qui le justifie en retour. Il faudrait aujourdhui crer de nouveaux concepts correspondant la situation actuelle. Notez que cela ne veut pas dire les inventer de toute pice. Un concept comme celui de la scurit nest pas nouveau en soi. La tche de la philosophie consiste dnaturaliser lvidence de son emploi, linquiter, comprendre ce qui se dit de nouveau et dinou.

Justement, quelle place accordez-vous au concept de scurit aujourdhui?Cest mon sens le concept majeur. Encore faudrait-il le problmatiser en profondeur. Le concept de scurit redfinit le sujet politique dans sa dimension de vivant. Dans la logique bio-politique laquelle il introduit, le sujet comme atome politique se dcouvre sensible et vulnrable avant de se dcouvrir comme porteur de droits. Le vrai scandale devient la souffrance, davantage que la privation de droits.

Annonce-t-il un nouveau rapport la mort?Oui. Dans la tradition grecque de la cit ou rpublicaine chez Machiavel, le citoyen se dfinit par sa capacit mourir. Aujourdhui, le sujet politique est ce qui doit tre protg de la mort, des agressions, des traumatismes. Cette protection du vivant est le lieu par lequel lEtat se relgitime. Il joue l, si jose dire, sa dernire carte.