Entrevista Simon Mcburney

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Transcripción dunha entrevista a Simon Mcburney

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Part. 1 : Raconter une histoireChap. 1 : Un besoin propre aux humains- Pierre Notte -Bonjour Simon McBurney. - Simon McBurney -Bonjour! - Pierre Notte -Alors, nous sommes Londres. On vous prsente vous comme auteur, comme scnariste, comme acteur, comme metteur en scne britannique, et comme artiste associ au festival dAvignon 2012. Est-ce que tout est vrai ou est ce quil y a des choses totalement fausses ? - Simon McBurney -a cest toujours une question, est ce que tout est vrai ? Ou peut-tre, rien nest pas vrai de ce quon dit. Je ne sais pas ce que cest la vrit. Vraiment jai toujours limpression que dtre au thtre cest la profession des charlatans quoi. Et pour moi, cest une profession trs honorable, les menteurs, des charlatans, des gens qui essaient de raconter des histoires aux autres personnes. Alors si vous me faites une liste comme a, il y a peut-tre un infini, des choses qui manquent ; il y a aussi pre, frre, fils. Cest--dire, moi jai toujours des problmes au point de vue des catgories ; c'est--dire, quest ce que cest la diffrence entre quelquun qui crit et quelquun qui joue ? Et, pour moi le jeu dacteur, ce nest pas simplement un jeu dinterprte ; bien sr, on interprte des mots, on rentre sur scne avec peut-tre, avec un texte qui est compltement dj fixe ; mais quelque part, dans chaque moment on est quand mme un crivain, c'est--dire on crit nos propres chemins sur scne. Alors au fur et mesure qu'on parle cet aprs-midi, on va retoucher de temps en temps cette question dcriture. Et, je suis toujours un peu suspicieux de lide de catgories. Cest comme si il y a un bord, il y a des bords, des frontires dans laquelle il y a un pays qui dit, a cest acteur, a cest scnariste, a cest crivain, a cest metteur en scne, et la vie nest pas comme a, il ny a pas de frontires. - Pierre Notte -Et vous, vous avez besoin dexplorer tous les diffrents domaines de la cration parce que vous vous sentez crateur dans chacun ? - Simon McBurney -Le besoin je, le besoin cest--dire, je ne sais pas si cest un besoin, je sais simplement que cest quelque chose que je fais. Depuis que je suis enfant, la ncessit de jouer, dimaginer, de raconter des histoires, a ma sembl compltement naturel. Et dailleurs, javais un, une fois, javais un professeur qui ma dit : si un acteur a oubli comment cest de jouer comme un enfant, ce nest pas la peine dtre acteur. Alors mme, vous voyez, je nai pas la sensation dtre spar dune partie de ma vie ou un autre, a fait une continuit. Et alors pour moi, a fait aussi une continuit entre lide d'tre acteur ou lide dtre crivain, scnariste, metteur en scne, et bien sr, lartiste associ du festival dAvignon en 2012. - Pierre Notte -Vous dites que ce mtier que vous faites cest raconteur dhistoire, cest a que vous avez dit, quest-ce que cest ? - Simon McBurney -Oui, raconteur dhistoire. - Pierre Notte -Quest-ce que cest comme mtier, a ? - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney -Raconter une histoire, cest ce que je fais maintenant. Cest--dire quand jessaie dexpliquer quest ce que cest raconteur dhistoire, je raconte une histoire pour essayer dexpliquer, alors, cest dans un sens pour moi, cest quelque chose qui est. On est tous des raconteurs dhistoires quelque part ; mais on peut dire o cest le dbut de tout a ? Cest peut-tre sous les cieux, en essayant de regarder les toiles. Et ds quon fait une ligne entre les toiles, dj on commence raconter des histoires sur les cieux. Et cest pour mieux comprendre ce que cest autour de nous. On essaie de crer des structures qui deviennent trs vite des histoires. Il y aura des gens qui disent: Et maintenant, le moment quon vit, on na plus besoin de lide de lhistoire parce quon a la science qui explique. Et alors, on a les histoires, on na plus besoin dimagination qui essaie de nous placer dans le monde entier. a, je rponds que la science aussi cest une histoire ; cest--dire, cest peut-tre une histoire trs convaincante par rapport avec une explication de ce qui existe dans le monde autour de nous. Cest pour a dailleurs que a mintresse beaucoup la science dans le thtre que je fais. Jessaie souvent de toucher les histoires scientifiques, disons scientifiques, parce que je trouve quand mme de temps en temps quil en manque, il y a plein plein de malentendus entre le monde dit non scientifique et le monde dit scientifique ; comme si il y a deux point de vue compltement diffrents dans le monde entier. Moi je ne le vois pas comme a. Je le vois plutt comme, que nous on fait tous partie du monde des raconteurs dhistoires. Et quand je touche sur le monde scientifique, notamment dans la pice que jai appel Mnemonic qui est une pice qui est autour du sujet de mmoire, et aussi dans cette pice Disappearing Number, o jessaie de comprendre ce que cest que la mathmatique. Jessaie de raconter les histoires des deux choses, par exemple, la biochimie de la mmoire comme cest, jessaie de raconter a comme cest une histoire que je raconte quelquun, comme cest quelque chose amusant et inventif, aussi inventif que je ne sais pas, nimporte quelle autre histoire. Cest--dire si je suis raconteur dhistoires, cest que jessaie de raconter quelque chose dans une faon que vous, vous puissiez le voir dans votre imagination. Cest une question de communication, de se sentir avec des gens autour, quon est quelque part le raconteur dhistoires ; cest essayer de ramasser ensemble la famille humain, et de convaincre les autres gens quon nest pas que des individuels spars de lun lautre mais quon fait partie dun ensemble. Et mme quon fait partie du monde, cest--dire le raconteur dhistoires cest quelquun quelque part pour moi, cest quelquun qui essaie de lier des choses comme des gens, les premiers gens, ils ont essay de lier une toile lautre pour mieux comprendre ce quil y a ou de mieux se situer dans le monde, voil. Chap. 2 : Abolir des frontires- Pierre Notte -Cest aussi laffaire de frontire que vous abolissez ! Par exemple, vous parliez de la science, vous voulez que ces mondes-l se ctoient comme sur la scne, toutes les peuvent se ctoyer. - Simon McBurney -Oui, je pense que cest essentiel. - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney -Je naime pas tellement cest--dire les frontires, toujours jessaie de les passer sans papiers, sans documents officiels. Jessaie de, en anglais, il y a un mot, smuggle, cest--dire cest de contrebande, cest de contrebandiser des choses dans la tte des spectateurs ; les convaincre quil ny a pas vraiment de frontire entre eux et moi. Et bien sr, aucune frontire entre un sujet et un autre. Voil, mais cest--dire que quand on parle de la mathmatique, quand jai commenc essayer de travailler dessus, ctait peut-tre parce que dans mon enfance, comme plusieurs personnes, je ne voyais pas exactement pourquoi je faisais de la mathmatique lcole. a me semblait quelque chose de loin. - Pierre Notte -Abstrait ? - Simon McBurney -Abstrait peut-tre mais loin de moi. 1, 2, 3, 4 pommes a va ; a cest comprhensible pour moi. Mais ds quon enlve les pommes, ce moment-l, a devient plus difficile. Parce quil ny a pas dobjet. Et puis, plus loin que a, quon remplace des numros avec des lettres et que a devient de plus en plus abstrait, jtais, quelque part, jtais compltement perdu. Et a cest bizarre dtre perdu parce que je nai pas de problmes avec limagination, cest--dire dans le thtre tout est faux, rien nest vrai. Alors, tout est imagin. Alors, ce nest pas une question de ne pas pouvoir penser dans labstrait parce que je pense dans labstrait tout le temps. Je me suis demand pourquoi javais ce problme. Et justement quand jai lu cette apologie pour la mathmatique de G. H. Hardy, un livre extraordinaire, dans laquelle il explique de faon si claire pour moi pour la premire fois de ma vie, il a expliqu si clairement que la mathmatique cest vraiment un travail dartiste. Cest comme le peintre ou le pote mais sauf quil ny a pas de peinture ni de mot. Mais ils construisent avec des ides. Le mathmaticien, artiste construit avec des ides mais la faon dans laquelle il sent quune ide est vraie, cest travers, comme pour le pote ou le peintre, cest travers lide de beaut. Et si on sent que lide est beau justement, dans la mathmatique, ce moment-l, on sent que cest vrai. Cest--dire quand je parle de la mathmatique dans ce cadre-l, cest la mathmatique qui essaie de chercher dans la, la partie plus unknown... - Pierre Notte -Inconnue. Inconnue, dans linconnue de la mathmatique et quelquun cest--dire des gens qui cherchent dans les pays nont pas encore touch mais qui essaient de trouver des solutions vraiment dans linconnu, dans linfini ; quelque part de mathmatiques et dessayer de trouver des nouveaux solutions, de nouveaux formes. Cest un travail, il y a un mot trs intressant, cest--dire quand je parle franais, parce que je suis en Angleterre, je traduis tout de suite de ma tte danglais mais de temps en temps, vraiment je pense en franais mais il y a un mot en anglais o il ny a pas vraiment une traduction en franais, a cest le mot pattern, on peut dire ce qui est ma forme. Mais il y a pas vraiment un mot franais pour a, comme en anglais, il y a pas un mot pour "lan". Ah oui ? - Simon McBurney -Ca nexiste pas en anglais, on peut dire quils nont pas dlan par exemple. Et a cest peut tre vrai dans certaines parties de ; il y a quelque chose qui est un peu lourd dans langlo-saxon qui on peut dire, oui cest trs li la terre et que en franais, il y a quelque chose beaucoup plus ar, beaucoup plus latin, qui est plus lger. Cest vraiment, on a limpression que... Au fur et mesure que j'ai voyag dans le monde, vraiment cest de parler d'autres langues, cest vraiment de pouvoir visualiser, de voir un monde dans une faon diffrente. Alors, de passer la frontire dune langue une autre cest toujours un peu, cest toujours fascinant pour moi. Chap. 3 : Les diffrentes dimensions d'une histoire- Simon McBurney -Et voil, il y a ce mot pattern. Alors les mathmaticiens, ils essaient de chercher des pattern pour, cest toujours, et quon trouve un pattern qui est beau, l il sait quil touche sur la vrit. Et cest a ce qui ma fascin dans la mathmatique parce que pour moi cest exactement la chose que je cherche dans le thtre. Le moment que je trouve un pattern qui est beau, je sais quil y a quelque chose de vrai dedans. Et souvent, a peut tre abstrait. Mais par exemple, le dbut de ce spectacle que je fais pour le festival dAvignon, je commence avec une srie de rptitions de petits textes et de mouvements. Mais quelque part, il y a un pattern qui est vrai. Ce nest pas raconter des histoires comme un vnement aprs un autre, une scne aprs une autre, ah oui, une squence de narratif un peu dans lhorizontale. Mais cest plutt un narratif ou une histoire qui est raconte dans ce que jappelle le vertical, c'est--dire stratigraphiquement. Cest--dire, il y a des niveaux qui se passent en mme temps, et dans un sens, on commence comprendre quelque chose ; pas une chose aprs une autre mais presque comme la musique qui descend dans les notes les plus basses, et les plus hautes au mme temps. Et, en ce moment, ce moment prcis, on comprend quelque chose. Dailleurs, cest comme, cest--dire les histoires se racontent dans les. On peut dire dans les gomtries diffrentes. Quand on pense une histoire, on pense souvent lide de narration de cette horizontalit, de squences dvnements un aprs lautre que finalement, on va arriver une fin. Mais bien sr, on a la posie par exemple, a raconte une histoire dans sa faon compltement diffrente ou peut-tre a essaie de bouger quelque chose. Mais moi, jaime beaucoup le mot "histoire" parce que a implique une srie dvnements dans nos vies qui changent comment on est. Et quelque part, lhistoire cest un, si vous voulez a admet que nous, au temps dtre humain, on est sur une espce de voyage. Mais ce voyage, a pourrait tre comme on dit dans la mathmatique, quil ny a pas quun infini, cest--dire que notre voyage, ce nest pas quun voyage horizontal ; comme dans la mathmatique, il ny a pas un infini mais un infini des infinis. Alors, nos voyages sont plusieurs. Et mme, ce qui est beau dans la mathmatique que jai compris dans cette, quand jai recherch cette pice sur la mathmatique de Disappearing Number, cest que le mathmaticien qui ma fait comprendre quil y a certains infinis qui sont plus grands que des autres. Alors, a cest une ide extraordinaire. Et quand je parle de voyage vertical, cest peut-tre plus tard on va parler de la diffrence entre la narration et la posie ou lhistoire et la posie et les diffrentes formes que a contient ; parce que a cest quelque chose de trs important pour moi. Dans le thtre que je fais, de temps en temps, jessaie de passer par une autre gomtrie et dessayer de crer des diffrents niveaux que des gens, a peut rsonner dans les gens, physiquement, diffremment dans les spectateurs ; quils aient une exprience qui nest pas seulement, de ce que cette exprience, dont je reviens souvent, cette exprience horizontale, cette horizontalit quon pense toujours que cest a la gomtrie dune histoire. Et en effet ce nest pas a, ce nest pas que a. Chap. 4 : Pour une autre lecture du temps- Pierre Notte -Lhorizontalit, cest la narration linaire de lhistoire. - Simon McBurney -Lhorizontalit, on peut dire que cest la narration linaire de lhistoire. Et figurez-vous que moi je suis lev par mon pre, il tait archologue ; et je me rappelle quen tant enfant que sur son mur, dans son bureau o il travaillait, ctait le chaos total dans son bureau ; et sur le mur, il y avait une section de lune de ses fouilles, il y avait la terre en lignes, en. - Pierre Notte -En strates ? - Simon McBurney -En strates comme a et il ma racont que cest a le temps, il ma racont le temps cest vertical. Cest--dire le plus quon va en bas, le plus vieux cest et le plus quon va en haut, le plus nouveau que cest. Alors, en tant enfant, moi jai compris que, tout de suite que le temps ce ntait pas horizontal. Mais lhorizontalit du temps, cest bien sr, cest une invention du XIXe sicle ou cest de, pas forcment du XIXe sicle mais avant a si on, lhorizontalit du temps cest, en Shakespeare ; a nexiste pas vraiment en Shakespeare; quand il raconte, quand il essaie de donner une image du temps, ce nest pas un horizontal, cest peut-tre un cercle ou cest des formes gomtriques diffrentes. Le moment quon entre dans un, ... lespce de capitalisme quon a invent dans le XIXe sicle aprs la rvolution industrielle, ds quon rentre dans cette ide de consumrisme fanatique dans laquelle on vit maintenant, lhorizontalit, a domine partout. On pense que cest la ralit. Et alors en revenant votre question au dbut, est-ce que cest vrai que vous tes acteur, scnariste, crivain, et cetera. Moi je dis, pour moi, une partie de thtre, une partie de mon thtre ou comme, disons, tant je ne sais pas, en tant artiste cest de se poser des questions. Et une des questions que je me pose, cest toujours la ralit dans laquelle des gens ont dit que a cest la vrit, est-ce que cest vrai ? Alors, cest--dire moi je me pose toujours cette question : est-ce que a cest vraiment la ralit, cette horizontalit ? Et vous savez, cette exprience avec mon pre, de regarder les strates des terres qui taient de couleurs diffrentes et de comprendre que nous, on vit presque sur la tte du pass, on marche sur les morts mais on marche aussi sur le pass ; que le pass est avec nous, des fois souterrain ; cest une image que je garde toujours, lide que. Et jimaginais toujours que peut-tre les gens dans le pass, peut-tre il y a 50 000 ans par exemple, quand les gens ils habitaient dans un monde animal, ils ne vivaient pas encore dans le monde humain, cest--dire le monde ce ntait pas eux, ctait les humains ils faisaient partie dun monde qui tait compltement, disons, de la nature, de la grande nature. Mais cest un monde animal dabord et un monde dans laquelle les humains ils taient presque des invits. Et dans ce cas, moi javais toujours limpression ou lide que peut-tre puisque le monde cette poque pour ces humains-l, ctait le monde quon voit, tout tait ; cest--dire on voit le danger, on voit les opportunits ; cest--dire cest le monde autour de nous quon voit, pas un monde dexplications dans le sens quon comprend maintenant, que peut-tre, comme les animals qui ne sont pas l, si on ne voit pas un animal, si on a faim et on veut un animal, cest pas que a nexiste pas mais c'est ailleurs, il faut le chercher. Et jai toujours imagin que peut-tre ctait la mme chose pour eux, pour les morts ; que les morts ils taient, ce nest pas une question quils sont limins, quils nexistent plus. Mais quelque part ils sont simplement ailleurs comme les animals, les animaux quon ne voit pas. Cest--dire si on ne voit pas les morts, ils sont toujours l, mais ailleurs. Et dans ce sens, ds que, partir de cette imagination enfantine, quelque part dans laquelle, peut-tre on ne quitte jamais mais, cest--dire on a des chos. Il y a quelque chose l-dedans qui me reste quand je fais du thtre. Cest--dire pour moi, il y a toujours des choses dans le thtre que je veux que a soit cach. Jai envie que des gens dans le public ... - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney - je ne comprends pas tout mais je sens avec quelque chose, peut-tre un rsidu de quelque chose qui va me rester, qui est incomprhensible. Mais il y a quelque chose cach, quelque chose qui se montrait pas dans le spectacle comme les morts qui sont ailleurs quoi, qui sont prsents mais ailleurs. - Pierre Notte -Des choses qui chappent. - Simon McBurney -Oui, quelque chose qui chappe. Je sais que a cest un peu une longue digression mais cest stimul un peu par votre question. Voil ! Chap. 5 : Le got de l'inconnu- Pierre Notte -Mais moi je voudrais savoir puisque vous ntes pas devenu archologue, vous tes quand mme devenu un chercheur, vous tes tout le temps dans la recherche. - Simon McBurney -Oui, oui ! - Pierre Notte -Je voudrais savoir quel moment, pour vous, il est devenu vident quil fallait que vous cherchiez ? Est-ce que cest une lecture que vous avez dcouverte, est-ce que cest une peinture? - Simon McBurney -Non mais cest--dire .... - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney -Linconnu, cest quelque part, le seul endroit o je me sens laise. Pas trs intressant dtre dans le connu. Je nai pas envie dtre dans les banlieues de connu. Cest ennuyant quoi, il ny a pas de vie. Je prfre, jadore tre dans la nature o je suis presque perdu. Jai toujours du respect pour des gens qui vivent dans lextrmit de la nature parce quils sont toujours avec linconnu et la possibilit, la mort, la vie, la possibilit de mourir de faim ou de soif, mais de pouvoir tre avec tout ce qui nest pas inconnu avec la nature. Et l-dedans, quelque part, il y a cette fragilit, danger, cette quilibre entre la mort et la vie qui quelque part, ce qui est lessentiel de la vie mme. Lessentiel de se sentir alive, de se sentir vivant dans la plus grande intensit que cest ; et l-dedans pour tre vivant, de continuer tre vivant, il faut tout ... on doit toujours en face de linconnu. - Pierre Notte -Oui mais. - Simon McBurney -Et linconnu pour moi cest la vie et de ; pour moi, ce nest pas la peine de continuer dans la vie si on se pose pas des questions sur linconnu. Part. 2 : Les annes de formationChap. 6 : Plaire ses parents - Pierre Notte -Mais pour en arriver l, pour en arriver ce got de linconnu? - Simon McBurney -Ah oui, cest toujours une question : comment on est arriv dans ces lieux dinconnu, je nen sais rien moi, jen sais rien moi... - Pierre Notte -Vous avez un franais impeccable, donc vous avez donc accept dapprendre des choses, et de connatre des choses. - Simon McBurney -Oui. - Pierre Notte -Vous en tes pass par une connaissance du monde et des choses et des mathmatiques particulirement, et du monde du thtre accru. Vous avez suivi des tudes, vous tes venu en France pour tudier du thtre - Simon McBurney -Mais jtais super mauvais tudiant moi, super mauvais. Mon frre, il me titre "constituellement dsobdient", - Pierre Notte -Ah oui ? - Simon McBurney -Et je suis, je nobis jamais, et cest ma nature quoi. Et alors on ma demand de quitter mon cole trs chre en Angleterre, prive que mon pauvre pre ma envoye parce que pour lui, lducation cest si important. Mais finalement, jai fini mon ducation dans une cole dtat, et je , - Pierre Notte -Mais pourquoi on vous a ? - Simon McBurney -Dj je, ce ntait pas a, ce ntait pas les tudes comme a qui mintressait mais lapplication toujours de ce que je sais par rapport avec un monde que je ne connais pas. Jtais toujours en fonction avec le monde, le monde actuel, je voudrais toujours avoir cet engagement avec le monde, de vivre des choses, pas simplement de lire des choses, de lire sur, dessayer de faire une lecture sur, essayer dtudier la vivacit des choses mais de vivre dans la vivacit des choses. - Pierre Notte -Donc, vous quittez l'cole trs chre, vous allez dans une cole dtat parce que vous tes dsobissant... - Simon McBurney -Aprs, jai pris un examen pour luniversit, je suis all luniversit. Mais comme plusieurs personnes parce que nos vies en tant enfant, cest beaucoup souvent pour plaire nos parents quoi. - Pierre Notte -Quest ce quils voulaient faire de vous, vos parents ? - Simon McBurney -Et daller luniversit, je savais que ctait peut-tre la chose qui va plaire mon pre le plus. Et justement, il tait ravi que je sois entr luniversit de Cambridge. Mais pour moi, ctait, vraiment, pour moi jtais content mais quelquepart aussi, je pense que jtais du parce que je savais que ; la dception que jai fait, cest que jai fait quelque chose pour lui plaire, je nai pas vraiment suivi quelque chose qui tait autre chose lintrieur de moi-mme, qui est moins ; ou vraiment, je suis moins un chemin qui est dj creus mais un chemin qui nexiste pas encore quoi. Chap. 7 : La mre- Pierre Notte -Quest ce quil voulait faire de vous ? Votre mre tait secrtaire, votre pre archologue. - Simon McBurney -Non, ma mre tait secrtaire oui, mais ma mre est, elle est leve dans une famille trs anglaise mme que a mre tait irlandaise et son pre tait cossais ; elle tait leve dans une ambiance trs anglaise. Mais, quand elle avait 18 ans, elle est partie en France faire ce quon appelle cette poque "cole finissante". a ctait pendant les annes 1930. Elle a pris des cours de thtre en 1936 avec un doyen de la Comdie-Franaise qui sappelait Denis D'Ins. Elle a pris des cours avec lui, avec Denis D'Ins et la fin de lanne, de prendre des cours avec lui, elle avait 18 ans peu prs, Denis D'Ins lui a dit, Madame, vous pouvez avoir une carrire dans la comdie. Et elle est revenue chez elle en Angleterre et elle a dn, a djeun avec son pre et sa mre et tout le monde, elle a dit : moi jai dcid de ce que je veux faire, je vais travailler dans le thtre, je vais me spcialiser dans la comdie. Immense silence, et mon grand-pre, il a dit : Dabord, les femmes ne travaillent pas. Deuximement, elles ne travaillent jamais dans le thtre et absolument pas dans la comdie . a, ctait la porte qui claquait sur ses rves. Aprs est venu la deuxime guerre mondiale et des expriences trs trs fort l-dedans o elle avait des expriences trs fort avec des jeunes Franais libres qui habitaient dans leur maison ; et aussi avec des jeunes soldats qui revenaient de la guerre. Et aprs, cest--dire, la guerre a a chang la vie comme pour pleins de femmes, cest--dire, ils travaillent, ils devraient travailler, et ils adoraient a et ds quils avaient le got du travail, ils ne voulaient plus sarrter, alors ils ne voulaient pas seulement se marier. Et aprs la deuxime guerre mondiale, ma mre elle a pris ce travail avec ... , avec un auteur qui sappelait Rebecca West. Ctait une grande dame de lettres anglaise, une journaliste, peut-tre la plus grande journaliste fminine, fminin du XXe sicle. Immense, immense crivain peu connu maintenant mais elle, son temps va revenir. Et a a chang sa vie parce que Rebecca West a ouvert des portes sur la vie dont elle na pas connu avant. - Pierre Notte -Votre mre tait la secrtaire particulire de Rebecca West ? - Simon McBurney -Oui. - Pierre Notte -a veut dire quelle a renonc elle sa carrire de comdienne. - Simon McBurney -Elle na jamais fait carrire de comdienne. Elle a rat a mais, je veux dire, elle tait extrmement contente que moi je passe au thtre, mon pre un peu moins. Chap. 8 : Le pre- Simon McBurney -Mais quand jai fait cette dcision, mon pre il est mort pendant que je suis luniversit, et, alors il ma jamais vu vraiment jouer professionnellement, mme jai pass la tl avant, pour la premire fois avant quil est mort, il ma vu la tl. Mais a, ce ntait pas quelque chose de spcialement intressant pour lui parce que moi je suis lev sans tlvision et lui il ne voyait jamais la tlvision. Et alors, certains programmes de nature par exemple, mais part a, a ne lui intressait pas vraiment. Il tait beaucoup un homme de lettres, de livre et de science quoi, un chercheur. Ctait quelquun qui tait toujours la recherche de quelque chose. Et son mtier, ctait la prhistoire profonde cest--dire pour lui de trouver quelque chose qui est plus rcent de 100 000 ans, et cest hier quoi, les romans a cest moderne. a, ce nest pas trs intressant. - Pierre Notte -Oui il allait vers linconnu lui aussi. - Simon McBurney -Oui, ah oui. Chap. 9 : Dpart vers la France- Pierre Notte -Mais vous, vous tiez alors un jeune homme daction, vous tiez dans laction. Vous quittez luniversit. - Simon McBurney -Jai quitt luniversit, mon pre il est mort une anne avant. Et jai dcid de quitter lAngleterre, ctait le moment de llection de Margaret Thatcher ; ctait un moment trs bruyant en Angleterre politiquement. Et il me semblait que des choses sont en train de changer en France. Et justement en 1981, il y a llection de Mitterrand et le Parti socialiste et a a cass toutes les annes de droitisme franais ; mme que ctait une dception quand mme lpoque, ctait une immense nergie de lespoir en France et de changement et de possibilits. En effet, il y avait presque une ouverture, ctait pas du tout la mme chose quen 1968 o ctait un moment de rsistance ; mais, quand mme des gens ils attendaient quand mme une lection socialiste depuis ce temps. Et ce moment-l, il y avait un certain espoir, une possibilit, il y avait beaucoup plus dargent et une espce douverture pour lart et lartiste et dans les Maisons de la culture et tout a et a me semblait. Il y avait quelque chose qui se passait qui tait beaucoup plus intressant en France lpoque. Et en Angleterre, il y avait ce terrible enfermement et de lembrassement de la march libre et de tout les choses qui est arrives cause de a dans laquelle on nest absolument pas sorti, dans laquelle on est prisonnier daujourdhui. Oui, ctait formidable, un moment formidable parce que je ne savais pas ce que je faisais, o je suis all. - Pierre Notte -Vous, vous tes parti comme a en 1983 en France, Paris ? - Simon McBurney -Non, en 1980 peu prs. - Pierre Notte -En 1981. - Simon McBurney -En 1980, 1981, oui. Et jai vu quelquun qui ma parl dune cole de thtre Paris qui sappelait cole Jacques Lecoq. Je ne savais pas grand-chose sur cette cole, jai lu le prospectus. Et javais limpression derrire tout ce qui tait crit que ctait un travail dabord artistique et imaginative. Et ctait plutt a qui tait au fond de cette cole au lieu de lenvie de former quelquun pour la profession qu'il va continuer. Je pense que javais une raction cest--dire, moi jai jou beaucoup en Angleterre, jtais invit de jouer la radio, je savais que si je vais jouer la radio, a va me mener la tlvision, il y avait quand mme un route pour moi, de faire des choses, de monter vers ; de me placer sur le chemin dune carrire assez conventionnelle ; parce que jtais dj connu, o, trs vite, en tant 19 ans, 20 ans javais la possibilit dune carrire dans la comdie. Cest--dire, jai jou souvent dans les trucs comiques, il y avait des clubs de comdies qui sont, un club qui sappelait "The Comic Strips" qui tait ouvert, moi j'ai invit louverture, de jouer louverture mme que javais 19 ans. Et javais la possibilit davoir une carrire comme a, mais quelque part je me suis [enfui] de tout a. Je navais pas envie, je ne me sentais pas bien dans ce milieu mdiatique o je ne me sentais pas du tout confortable. Jai toujours eu envie de trouver ma propre voie. Chap. 10 : l'cole de Jacques Lecoq- Pierre Notte -Est-ce que ? - Simon McBurney -Et javais limpression que chez Jacques Lecoq, ctait a ce qui lui intressait. Ce ntait pas de former des gens mais dessayer daider des gens trouver leur propre voie. Et dailleurs, quand il tait en train de mourir, je lai vu aux Alpes, dans son chalet dans les Alpes en 1998, il avait un cancer de foie. Et je me rappelle il ma dit, cest une saloperie il ma dit. Et on a parl longtemps dans le soleil en train de regarder le Mont Blanc. Et il ma dit tout coup aprs un grand silence, il a dit : finalement je suis personne, je suis le point neutre travers vous devrez passer pour mieux comprendre ce que vous voulez vous-mme. Et je trouve a tellement beau parce que ctait quelquun passionn par la crativit des gens, par le thtre bien sr mais par quelque chose de plus grand que a. Ce ntait pas un enseignant de thtre, ce ntait pas quelquun qui voulait former des gens dans sa propre image. Au contraire, ctait quelquun qui sintressait vraiment lducation des gens ; cest--dire dessayer de montrer des gens des possibilits et que eux-mmes, ctait eux-mmes, de mieux comprendre eux-mmes et de trouver leur propre voie. Et cest pour a dailleurs en revenant au dbut de cet entretien, ctait dailleurs pour a que je ne fais pas de diffrence entre acteur et crivain ; parce que toujours, dans cette formation, il mettait toujours le poids sur lide de la responsabilit de lacteur. La responsabilit artistique de lacteur que vous avez des choix faire sur scne, des choix qui sont, quelque part, mme que cest une interprtation de Shakespeare par exemple, cest des choix dcrivains, cest les mmes choix. Cest--dire c'est un choix de larchitecture des mots, cest le choix de mouvement, cest--dire darticuler un mouvement, cest un choix, aussi articuler quun choix ou un geste. Cest un choix qui doit articuler que les mots que vous devrez parler. Et les mots, cest simplement ce qui [est mal], cest dans laquelle on se balance pour donner vie lensemble. Ce nest pas une question, ce nest pas une prsence, cest une porte qui souvre, cest un champ dans laquelle on doit construire quelque chose. Le travail dacteur, cest un travail de cration au lieu dun travail simplement dinterprtation. Et si on voit les lves de son cole, cest fascinant parce quils sont compltement diverses. Dans mon anne, il y a quelquun qui est jardinier, qui est devenu jardinier, il y avait William Kentridge, qui est artiste, justement, qui a tre dans le festival dAvignon, il y a quelquun dautre que Vincent Baudriller et Hortense Archambault ont trouv en Colombie, ctait un artiste qui sappelle Rolf Abderhalden Corts ; quils ne savaient pas quil tait dans la mme anne que moi. Et ils ne savaient mme pas quil tait chez Lecoq, mais il tait chez Lecoq. Et voil, si on voit des gens dAriane Mnouchkine, Georgio Strehler Dario Fo, Julie Taymor, Geoffrey Rush, ce sont des gens qui eux ont trouv leur propre voie quoi. - Pierre Notte -Oui, oui. - Simon McBurney -Il ny a pas un systme, cest a, ce nest pas systmique. Et cest pour a que jadmirais ce quil faisait. Cest--dire, moi je, bien sr, il y a plein plein de gens qui sont passs chez Lecoq et ils nont rien trouv. a, cest normal. Des gens, ils passent par des coles de thtre et finalement, ils narrivent pas trouver leur thtre. Cest pour a ! Mais ce qui est intressant chez lui, cest que si on a cette envie dj de raconter quelque chose, lui, il trouvait la faon dans laquelle on peut mieux sarticuler pour arriver trouver sa propre voie. Chap. 11 : Influences musicales et thtrales- Pierre Notte -Vous, au moment o vous tes chez Lecoq, vous avez dj envisag de crer des spectacles, de mettre en scne, dcrire ? - Simon McBurney -Non, non, non ! Je ne savais pas ce que je vais faire, je ne savais pas. Ce qui est intressant c'tait que chaque semaine on devrait monter une pice de thtre dans un groupe qu'on n'aimait pas du tout, avec des gens chiants. Mais, c'tait formidable parce qu'on devrait apprendre aussi de s'couter, d'essayer d'analyser un peu comment on peut travailler avec des gens trs trs diffrents et comment aussi de rester fidle soi-mme. C'tait une grande leon. Mais, en mme temps ce qui m'intressait, c'est--dire, moi qui tait trs pris quand Dario Fo est venu l'cole parce qu'il y avait quelque chose politiquement qui m'a touch ; parce que moi, j'tais engag politiquement dj avec un certain, en Angleterre, dj avec, jtais dj, je cherchais des choses qui taient contre la direction dans laquelle on voyait... Le pays tait en train de tourner dans une direction que moi je naimais pas du tout. Et jtais dj engag dans certains, cest--dire dans une certaine dsobedience aussi. Ctait aussi la priode en Angleterre dun grand, ctait juste aprs une priode dune grande rvolte rsistance artistique, ce quon appelait la priode a punk en Angleterre. Et musicalement, a a clat partout. Et, quelque part, je me semblais beaucoup plus li au point de vue de thtre, beaucoup plus li au concert de rock quau [avec un ton emphatique] "thtre", dans le "thtre". - Pierre Notte -Quest ce que vous avez vu ce moment l qui vous a frapp ? - Simon McBurney -Plusieurs choses, plusieurs choses. Cest--dire de voir les Sex Pistols live, c'est un morceau de thtre, ctait du thtre mais ctait un thtre froce, agressif mais plein de sens et de ; ctait comme un rituel tribal presque. Et, bien sr, ctait l'poque des grands concerts de rock o ctait vraiment des gens comme, soit comme des Rolling Stones, ou Peter Gabriel, ou de nimporte qui. Mme partout en Europe les vnements, Jacques Brel ou Gainsbourg, ctait des vnements quoi. - Pierre Notte -Ctait plutt eux vos matres alors ? - Simon McBurney -Oui, oui, oui, je ne sais pas. Mais a faisait partie de a. Cest--dire eux, ils sen foutaient des rgles de la scne. Ils parlaient aux gens, ils jouaient, ils chantaient, ils faisaient des blagues, ctait du thtre. On ne peut pas dire que a ntait pas du thtre. voir Miles Davis qui soufflait dans sa trompette, cest un grand moment de tragdie quoi. Sans faire une note, la fin de son spectacle que jai vu Paris, quand il faisait , on nentendait rien, ctait vraiment . Sauf que sa respiration, ctait, pour moi, ctait des moments de choc. Mais dtre Paris cette poque, ctait aussi magnifique. Jai vu par exemple tout le travail de Tadeusz Kantor, ctait un grand metteur en scne polonais qui ma choqu fond, ce ntait pas vraiment des acteurs, il travaillait avec, ctait des gens Il y avait une certaine vrit dedans. Bien sr lpoque, jadorais, jtais fascin, jai suivi fond le travail de Peter Brook, bien sr. Jtais souvent aux Bouffes du Nord. Mais, en mme temps, je voyais le thtre dj, jappelle a le thtre de Pina Bausch, bien sr. Ctait trs important pour moi et aussi comme jai dit, le thtre de Strehler, de Dario Fo, dAriane Mnouchkine, des gens qui taient cette poque, Paris ctait bourr de choses europennes ; et non pas seulement europennes mais aussi des vnements africains, il y a le grand, ou japonais comme le grand metteur en scne Shuji Terayama avec le Tenj Sajiki . a veut dire "Les Enfants du paradis". Tenj Sajiki , en japonais, a veut dire les gens du haut. Et ces pices de thtre qui ntaient pas vraiment de la danse ni du thtre, ctait autre chose. Ou le Naya Thtre des Indes qui est venu de ce grand metteur en scne ... ; qui vient de mourir, indien, magnifique, magnifique, a va me revenir. Mais, Paris, cette poque, ctait plein de, ctait assez bruyant, ctait plein des influences trs diffrents. Tandis quen Angleterre ou Londres en particulier, ctait beaucoup plus ferm au monde extrieur. Ce ntait pas le mme centre des choses. Chap. 12 : La libert de l'exil- Pierre Notte -Et l, vous sentez comme une grande libert possible d'action, de cration ? - Simon McBurney -Oui, ctait aussi la libert dexil. - Pierre Notte -Oui. - Simon McBurney -Cest de pouvoir voir, dessayer de me trouver comme un Anglais ltranger ; cest--dire de me dfinir, quest-ce que a veut dire dtre britannique ? Est-ce que je suis britannique, quest-ce que cest exactement ? Et cest quoi mes racines ? Et de me sentir compltement laise dans cette position dtranger quoi. Je me sentais beaucoup plus laise dans cette situation dtranger en France que dtre chez moi en Angleterre. - Pierre Notte -Jusqu quand est ce que vous restez en France ? - Simon McBurney -Jusquen 1984 peu prs, 1985. Cest--dire je pensais que Paris va tre mon chez moi pour toute ma vie. Dailleurs, je me sens compltement chez moi quand je suis Paris. Et il y avait une priode o jai recommenc vivre Londres et je ne me sentais pas tout fait confortable. Mais, tout de suite, cest--dire, dabord javais la chance de travailler avec Jrme Deschamps. Et jai travaill un moment avec lui, jai mont une pice avec une femme qui sappelait Michle Guigon. Elle a mont cette pice, une petite pice mais on a jou, on a tourn a, on a jou au festival dAvignon. a a t film par Sophie Tatischeff, la fille de Jacques Tati. Ctait toute une exprience et je travaille que en franais, je ne parle quen franais avec eux et a a chang beaucoup ma vie, cette priode. Part. 3 : vocation de mises en scneChap. 13 : Premires crations- Simon McBurney -Mais le moment que jai commenc construire mon propre thtre moi, ctait en 1983. Mais ctait simplement parce que jai voulu faire quelque chose de moi que je ne voyais pas quoi. Cest--dire quil y avait un thtre que je ne voyais pas en Angleterre et jai voulu mexprimer vite comme a. - Pierre Notte -Cest l que vous fondez votre compagnie, ce moment-l ? - Simon McBurney -Oui, mais cest un mot peut-tre trop grandiose de fonder une compagnie. Cest comme si il y a une pierre dun grand difice quon pense construire, cest jamais comme a. Ctait une ide sur le moment, dessayer de faire un spectacle sur . Ctait dessayer de faire le thtre sur le non-action en particulier. Cest dexplorer un peu lide que rien ne se passe, dessayer de trouver presque post-beckettien ; mais, a, cest un peu prtentieux de dire a. Mais ctait peut-tre plus simple que a, cest de faire rire des gens mais avec le moindre des choses. Alors, le premier spectacle, on tait dans des chaises pliantes sur la plage, mais pas vraiment sur la plage, sur une plage imaginaire et on ne faisait rien quoi pendant 1h30. Mais on faisait rire des gens. Ah oui, il y avait aussi ce groupe de Belgique qui sappelait [Rades] qui tait extraordinaire. lpoque, je me rappelle, a, ctait trs important pour moi. Je pense, finalement jtais trs touch par la solitude mais lide que les plus petits gestes que jai vus des gens, ctait comme des portes linfini intrieur, un infini de peines ou de solitude mais des moments le plus banal dans les vies. Cest a ce qui mintressait la banalit, la banalit des choses. Et souvent, il y avait des moments quon na pas russis mais la banalit des choses me fascinait. Ce qui existait par rapport avec la banalit des choses extrieures et limmensit du monde intrieur. Et dans un sens pour plusieurs annes, ctait un vnement qui ma obsd mais je ne trouvais pas vraiment la faon avec laquelle, je ne trouvais pas exactement ma propre voie parce que ctait un travail collectif, alors, ctait, on cherche quoi. Au dbut, non, pas forcment au dbut mais pour le reste, si on est chercheur, on reste chercheur quoi mais l ... - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney - Pour telle ou telle raison mais peut-tre parce quon tait assez , on avait une certaine facilit en tant acteur. On avait du succs parce que ctait en mme temps dans cette recherche de banalit, on faisait beaucoup rire quoi. Mais jessaie toujours de changer le rien en autre chose. Par exemple, le deuxime spectacle quon a fait ctait sur la mort de mon pre et a tournait autour de, ce qui mintressait, ctait des ractions aux morts. Quest-ce que a veut dire de mourir ? Et quest-ce que cest ? Parce que, souvent, jai remarqu quand mon pre il est mort, jai remarqu beaucoup lembarassement des gens qui ne voulaient pas parler de a. Et a ma fascin. Pourquoi, pourquoi ctait un tel tabou dessayer de pouvoir parler de a ou de ragir a ? Et quest-ce que a veut dire labsurdit de a ? Finalement, cest devenu presque une obsession qui est toujours l dans mes spectacles, cette relation avec les morts. Mais ctait l tout au dbut, il y avait aussi aprs a un spectacle sur lide de . Parce quon tait au chmage en faisant ce spectacle, ctait un spectacle presque sur lide quon avait rien quoi ; parce quil y avait rien sur scne, nous, on navait pas dargent, on navait rien sur scne et on a fait un spectacle avec 4 personnes qui navaient rien, qui ne faisaient rien. - Pierre Notte -L, vous tiez nouveau en Angleterre ? - Simon McBurney -a, ctait un spectacle qui sappelait le More Bigger Snacks now, ctait bas sur, on a vu un, il y a un magnifique ... illustrateur, quelquun qui fait des dessins anims politiques dans le journal le Guardian et dailleurs il est toujours l, qui sappelle Steve Bell. Et il a fait cette magnifique srie de comic strips dans le Guardian o il y avait Thatcher sur la tlvision qui donnait un immense discours. Et sur la tl, il y avait un uf dans une tasse deau et au fur et mesure, jour aprs jour luf commenait craquer le plus quelle disait que l'avarice est bon et quelle donnait ses opinions sur le march libre et pourquoi cest bon et pourquoi le march doit tre libr. Au fur et mesure quelle parlait, cet uf craquait, finalement il y avait un pingouin qui sortait qui disait "More bigger snacks now". Et cest pour a on a titr cette pice More Bigger Snacks Now parce que cest lide de vouloir, de consommer quoi. Alors, on a consomm, moi jai. On a demand de largent au public, on a demand des cigarettes au public, on a demand des choses, quil nous donnait des choses. Chap. 14 : Une saison au thtre Amida- Pierre Notte -Mais vous ntes pas du tout subventionn, vous navez aucun soutien, vous navez rien ? - Simon McBurney -Non ! Un tout petit peu mais trs petit, presque rien du tout. Et, on a vcu pour le premier cinq ans avec pour la plupart, avec trs peu de moyens quoi. Trs trs peu et puis finalement aprs cinq ans, il y avait Pierre Hardy qui est actuellement, maintenant, lopra de lAmsterdam, quil a fond un thtre ici Londres qui sappelle "The Amida". Et il nous a propos de faire une saison de nos spectacles, dans le Amida et nous on a fait douze spectacles en treize semaines quelque choses comme a. On a mont douze spectacles dont cinq ou six, ctaient des spectacles quon a dj monts et cinq ou six, ctaient des nouveaux. Et, pour la premire fois, on a abord un grand texte. Ctait La Visite de la vieille dame de Drrenmatt. Mais, par exemple, on avait un spectacle qui tait bas sur un conte, un petit morceau de Pouchkine et . Pouchkine a crit quatre petites tragdies. Et l dedans, il y a cette fameuse rencontre de Satan et Mozart, sur laquelle Amadeus est base aprs, de Peter Shaffer. Mais nous, on a pris un morceau qui sappelait Fte dans le temps de la peste. Et on a cr un spectacle l-dessus qui dit, quon appelait Anything for a Quiet Life. Cest--dire, on a dj abord des textes ; mais, souvent, ctaient des morceaux de textes. Par exemple, la pice sur la mort de mon pre, ctait bas sur le texte qui tait donn par la Scurit sociale, ctait les avis de comment soigner des gens quils ont perdu des gens. Ctait un petit bouquin comme a quon reoit toujours, quest ce quil faut faire, et le titre de ce bouquin a sappelait Quest ce quil faut faire aprs un mort . Dans un, des avis, il faut retourner des bouquins de bibliothques si les morts, ils ont lou des bouquins de bibliothques, il faut les retourner aprs la mort. Cest quelque chose quon doit faire aprs un mort. Il y avait des choses comme a mais ctait un texte Pour moi, jai trouv dans un sens, jai cherch des textes, au dbut jai cherch des textes dans les poubelles, cest des fragments de texte. - Pierre Notte -Ctait des matriaux alors ? - Simon McBurney -Ctaient des matriaux de refus, des matriels toujours, des jets, des matriels bidonville, ctaient des objets quon trouvait dans la rue, ctaient des mots quon a trouvs sur des murs, ctaient des gestes quon a vus dans des circonstances de la vie, ctaient des fragments de nos vies, ctaient nos vies actuelles. Des gens, surtout des critiques qui ne comprenaient pas a, ils disaient : celui-ci, ctait plus drle, lautre, ce nest pas trs drle. Ils disaient, oui, cest . Il y avait des critiques qui ne voyaient pas la substance de a. Cest que du style, a na rien faire avec du style, ctaient des fragments de nos vies qui taient mis dans un cadre assez chaotique mais drle avec des personnages un peu ct ; surtout des personnages rejets, des personnages exclus, perdus comme nous on se sentait un peu, mais avec une frocit, une colre , et une voix des exclus. Chap. 15 : La multiplicit des expriences- Pierre Notte -Mais quel moment alors va natre votre propre esthtique, celle quensuite on va pouvoir un tout petit peu reprer o vous alliez diffrentes modalits de reprsentation ? - Simon McBurney -Ma propre esthtique ? Oui, voil, a cest un autre cadre. - Pierre Notte -Oui, un autre cadre. - Simon McBurney -Cest--dire quand on est en train de monter quelque chose, on ne sent pas, en contrle de lide dune propre esthtique. - Pierre Notte -Et a se dessine petit petit quand mme ? - Simon McBurney -Ca cest, moi je nen sais rien. a cest pour les autres dcrire, ce nest pas pour moi dire parce que ce nest pas, cest--dire je nai pas de but. Je cherche alors, de pouvoir chercher, il faut pas dj avoir le sommet en vue quoi. Le moment que je pense, je suis sur le sommet, je me suis rendu compte que ce nest pas le sommet et il y a une autre montagne grimper quoi. Alors, mon propre esthtique, je nen sais rien mais un moment donn aprs cinq ans, on a travaill beaucoup ensemble avec des gens qui taient souvent ensemble et finalement a sclate. On ne pouvait plus travailler ensemble. On tait des gens trs trs diffrents. Ce ntait pas vraiment, cest--dire on croit dans un travail collectif mais bien sr la collectivit, cest quelque chose compltement impur, a sexplose. On nest pas les mmes personnes. Mais chaque chose, chaque morceau de thtre que je fais, jessaie de trouver une collectivit dedans qui donne vie lexprience thtrale. Et ce travail collectif, cest aussi toujours un travail avec le public ; cest--dire cest une collectivit qui change de nuit nuit. Ce nest pas une collectivit ferme par des rgles ou des ides de collectivit mais cest une collectivit qui doit toujours chercher chaque nuit retrouver nouveau et . - Pierre Notte -Jimagine que selon les lieux, cest trs diffrents aussi parce que. - Simon McBurney -Oui, des lieux mais. - Pierre Notte -Trs vite cest le sjour en Angleterre et ensuite France et puis un peu partout. - Simon McBurney -Oui, cest a. - Pierre Notte -Jimagine que les publics ne sont pas les mmes pour vous ? - Simon McBurney -Absolument pas non. Mais ds le dbut, on a jou dans des circonstances trs diffrentes. Trs tt, on a fait une tourne dans lAmrique Latine. Et javais lpoque plein plein de camarades dexil de Chili par exemple et nous, on a propos comme. Nous, on a en Angleterre la mme chose quen France, lAlliance franaise. Mais, ici, en Angleterre, on a quelque chose qui sappelle The British Council et lpoque ils taient assez lis aux mondes diplomatiques, maintenant moins, beaucoup moins. Mais, lpoque, ctait beaucoup plus li au travail diplomatiques et ctait comme le Goethe Institut en Allemagne, ctait la faon dans laquelle ils pouvaient dissminer la culture anglaise. Et pour telle ou telle raison, ils ont dcid de nous adopter un peu, mme quon tait des Belges, des Italiens, des Anglais. On ntait pas du tout vraiment anglais, on tait dj un peu gitan, un peu cosmopolite comme a ; on tait une collection de gens de partout. Mais, ils nous ont fait tourner, ils ont construit une tourne, une belle tourne en Amrique Latine pendant les annes 1980. Et ils nous ont demand daller en Chili et bien sr, moi jai refus tout de suite parce que ctait le Chili de Pinochet. Mais ctaient mes amis chiliens qui mont demand de, ils ont dit, oui, il faut aller, il faut quon vous mette en contact avec des Chiliens qui sont rsistants. Cest quand mme quelque chose pour eux de voir des gens qui viennent avec une autre forme de thtre parce que cest assez enferm l-bas, alors on a fait a. Et le British Council nous a demand de ne absolument pas faire du thtre de rue et de ne pas avoir contact avec certaines personnes parce que a les met un peu en difficult. Alors, la premire chose quon a fait en arrivant, cest de faire du thtre de rue, clandestin comme a et on avait des contacts avec des rsistances dans les bidonvilles. On est all, on a jou dans un immense bidonville qui sappelait Nueve avanecer ; cest--dire cest le "nouveau aurore", cest--dire le "nouveau jour" peu prs, a se traduit un peu comme a. Et nous, parce que le British Council ntait pas trs daccord avec a, nous, on sest chapp de lhtel et on se cachait dans une voiture, on se mettait en plein milieu de ce bidonville o il y avait ces collectifs de femmes qui organisaient ce quon appelle tailleur de pots communs ; cest--dire ctait un pot commun et ctaient les femmes qui organisent des repas communs. Mais ctait une action trs politique et les femmes, elles taient trs organises politiquement. Et avant de jouer ou daller dans la rue ou de manger avec elles, elles nous ont expliqu politiquement ce qui se passaient, ce quelles faisaient et comment ctait difficile pour les gens, leur homme qui taient au chmage, cest--dire il ny a pas de chmage, cest--dire ils avaient aucune possibilit de travail. Mais comment ils sorganisent politiquement pour avoir manger et quest-ce quils faisaient pour rsister ce rgime, ce quon doit dire, fasciste qui tait mis en place par les tats-Unis de Pinochet ; et comment la rsistance continue quoi. Et nous, on a jou dans la rue l, ctait une exprience trs belle et puis aprs on a jou dans une espce de gathering, un rassemblement des artistes, un peu rsistants o eux ils ont jou pour nous et nous, on a jou pour eux. Et on a fait une espce de rassemblement de nos travails. Et aprs, puisque ctait, la pice quon a joue en Chili, ctait cette pice sur la mort de mon pre ; et ctait un tel succs au thtre national quils ont demand quon fasse encore une reprsentation l-bas. Alors on a dit oui, mais si vous, vous nous donnez le tiers des siges qui sont nous, donner nos amis. Alors, finalement, les habitants des bidonvilles sont venus au thtre national Santiago voir, ils ntaient jamais dans le thtre national ; et il y avait justement une scne l-dedans o ctait un truc un peu con, o on tue un policier. On a tu un policier dans une espce de fantaisie et le moment qu'on a tu ce policier, il y avait le tiers dans le thtre national, qui se mettait debout, applaudissait, crier comme a. Alors ctait tout un scandale mais ctaient des bons moments parce que pendant le moment que jai pass Paris et aprs, je jouais beaucoup dans la rue. Je faisais beaucoup de thtre de rue, on faisait des vnements, on arrtait la circulation, on abordait des gens. Mais ctait souvent improvis avec une espce de petit spectacle la fin. Ctait plutt des interventions que maintenant peut-tre on voit assez souvent, mais, lpoque, on voyait un peu moins quoi. On imitait des gens, on suivait des gens, on faisait des , on parlait aux gens, on faisait semblant de connatre des gens, on faisait des switch avec des camarades, on prenait un camarade, un touriste, on faisait un switch invisible et puis aprs on a cass mais des choses compltement idiots mais aussi ctait une priode assez joyeux. Le thtre de rue, cest trs trs difficile, a bouffe. Et je voyais des gens qui taient bouffs par la rue qui est presque en train de, parce que ctait une certaine addiction parce que ds que a marche sur la rue, tu peux jouer peut-tre dix fois pendant la journe, peut-tre dix fois, douze fois, vingt fois pendant la journe. Et quand a marche cest extraordinaire mais en mme temps, cest terrible parce quil ny a pas de mur , tu mets de lnergie mais lnergie a va . - Pierre Notte -On nest pas protg du tout. - Simon McBurney -Absolument pas protg et jai vu des gens qui taient bouffs par a. - Pierre Notte -On est trs trs loin de Broadway par exemple. - Simon McBurney -Oui, on est loin de Broadway, on est trs loin de Broadway. Chap. 16 : De la rue Broadway, un mme rapport au public- Pierre Notte -Parce que cest quand mme, est-ce que cest paradoxal ou est-ce que cest un parcours cohrent que de passer du thtre de rue au Chili, Broadway, est-ce que cest le mme mtier, est-ce que cest ? - Simon McBurney -Cest toujours le mme mtier. Dans un thtre on peut tre, cest--dire les thtres sont des espaces vides, ils ne sont pas occups. Vous tes toujours de passage dans un thtre, vous ntes jamais un habitant. Et alors on est toujours quelque part des exils et on est toujours quelque part des nomades. Et on ne sait jamais mme quon est dans les plus grands thtres du monde, on ne sait jamais si on va pouvoir y entrer, rentrer dans ce thtre o si on va y tre pour la dernire fois. Rien nest sr dans le thtre. On peut tre mis la porte nimporte quel moment. Alors la relation entre la rue et Broadway cest trs proche, cest la mme. - Pierre Notte -Mais il y a plus de contraintes jimagine, plus de compromis faire Broadway ou pas forcment? - Simon McBurney -Oui, oui et non. Il y a toujours des contraintes. Quand jai travaill avec Al Pacino par exemple New York, il me semblait toujours quelquun qui . Si lui, il ntait pas Al Pacino, il aurait t un clochard quoi. Cest un peu comme a. - Pierre Notte -Ah oui ! - Simon McBurney -Soit un clochard soit Al Pacino. Il ny a pas quelque chose au milieu o il va tre content dtre autre chose, parce que lui il avait cet immense succs pendant les annes 1970 et les annes 1980. Et la fin des annes 1980, il a tout perdu. Il a perdu tout, il tait en dette, il tait alcoolique, il tait compltement perdu et il a renonc lalcool, et drogue et tout a ; et il se remettait en route, cest quelquun de , ctait une grande exprience de travailler avec lui mais ctait quelquun dune grande fragilit aussi. Ce ntait pas facile, ce ntait pas facile de dire Al Pacino, non a cest mauvais, il faut faire a. Mais ctait une grande exprience dessayer de faire a, de trouver cette relation. Et Broadway, cest difficile parce que cest trs , quelque part , parce que cest une relation compltement commerciale dans un sens cest plus proche quelque part du thtre de rue, dans un sens, quau thtre subventionn. Cest--dire dans la rue, si a ne marche pas, il ne donne pas dargent alors tu ne peux pas vivre. Et cest la mme chose Broadway, si le public nest pas content, tu meurs trs vite, hop, puis la porte et cest fini. - Pierre Notte -Oui. - Simon McBurney -Et il faut comprendre quil faut donner aux gens, quelque part il faut les donner quelque chose bouffer. - Pierre Notte -Oui, il faut tre dans la sduction, un truc de . - Simon McBurney -Oui. Le thtre, cest toujours a. On essaie de , on peut tre le plus grand artiste du monde mais finalement le thtre ne marche pas, sauf, que dans la tte du public. Cest le public qui est le thtre, ce nest pas ce qui se passe sur scne. Cest ce quon bouge lintrieur des gens dans le public qui fait vivre le thtre. Chap. 17 : Contraintes et libert- Pierre Notte -Mais vous tes plus libre de vos choix, de vos choix de distribution, de vos choix de texte dans le thtre public subventionn. Jimagine que vous pouvez prendre plus de risque? - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney -Hmm, a dpend. De quoi a dpend? Si on parle dun thtre national comme la Comdie-franaise ou comme dans le thtre national ici Londres, il y a toujours des contraintes, il y a toujours des lignes dexpectation et de demande. Alors, mme que cest subventionn, moi, je ne dirais pas quon est libre dans le sens dans lequel je pense que vous proposez. Et cette ide de libert, cest une ide philosophique trs intressante parce que a touche sur lide de libre volont, lide quon peut faire quelque chose qui est l'intrieur de nous, que nous on veut montrer et qui est toujours l. Je ne sais pas si jy crois vraiment. Cest--dire nous, en tant tre humain, moi je dirais jai des doutes au point de vue de libre volont parce que la plupart , je dirais plutt que nos actions sont les rsultats des vnements extrieurs qui simposent sur un systme complexe. Et ce systme complexe, cest le cerveau. Et mes actions maintenant, cest cause des vnements extrieurs, vous vous tes venu de France, cest toute une srie de chose qui sont assez complexes, cest--dire vous avez peut tre vu mon thtre, ou vous connaissez quelquun qui a vu mon thtre et que quelque part des choses se rassemblaient ; et finalement on est l en train de discuter et de faire des mensonges dans cette chambre Londres sur le thtre. Je ne sais pas si on a vraiment choisi a ou si on a limpression davoir choisi a. Et cest--dire pour moi, de pouvoir faire le thtre dans des circonstances toujours diffrentes. Cest trs intressant parce que je ne sais pas si jai plus de libert devant les contraintes les plus difficiles possibles Broadway. Je ne sais pas si quelque part a me donne plus de libert ou le moins de libert. Je ne sais pas si cest plus libre dtre dans une situation subventionne o on a la possibilit, on a limpression de faire nimporte, daller dans nimporte quelle direction ; ou, quelque part a donnait dautres contraintes qui sont mme plus difficiles quelque part parce quon ne sait pas exactement si cest des contraintes intrieures de nous, des limitations de nous-mme qui fait quon n'est pas libre quoi. Je donne un exemple : quand jai donn, quand jai pass, jtais au passage pendant les annes 1980 en Union Sovitique et mon frre, il tait justement un tudiant dans le conservatoire Tchakovski Moscou. Alors, je suis pass l-bas voir son travail et aussi rencontrer des compositeurs magnifiques Moscou dont je nai pas connu, je nai pas vraiment, jen ai entendu parler mais ils taient mconnus lpoque dans lOuest. Cest--dire des gens comme Alfred Schnittke, Edison Denisov, Sofia Goubadoulina, des gens comme a. Et je les ai rencontrs et aussi des musiciens et eux, il me semblait quand jcoutais leur musique davoir une immense libert dans la musique que moi je ne trouvais pas dans lOuest ; o des gens ils taient apparemment libres et subventionns faire ce quils voulaient. Et eux, dans des circonstances plus , une certaine privation ou dans les faits quils ne pouvaient pas se dire exactement ce quils voulaient dire, ils avaient des contraintes beaucoup plus difficiles au point de vue de bouger, au point de vue dinfluence, au point de vue de voix. Mais, en mme temps dans leur composition, ils avaient une libert, le plus profond que de tout. Et peut-tre aussi dans le thtre de Lubimov aussi. Et dans un sens, chaque chose que eux ils crivaient, toujours a existait sur plusieurs plans. Cest--dire, je reviens lide de stratigraphie, cest--dire, une chose, un geste, un mot, une ide, a rsonne tout de suite sur plusieurs niveaux. Cest--dire, a sonne comme les harmoniques dans les registres, sur les accords, sur les cordes, sur le travail de cordes comme les violons, les violoncelles et il y a des harmonies qui jouent toujours en mme temps. Mme que les notes propres et l, dans les circonstances comme a, comme jai dcrit de notre passage au Chili ; l avec des contraintes quon avait, dans un sens, le travail quon a fait rsonnait avec une ampleur ou une profondeur beaucoup plus large ; ou peut-tre dans une verticalit comme jai dit au dbut. Ce ntait pas des, ici, je connais plein plein de metteurs en scne qui sont en plan de faire six ou sept choses dans lanne. Plan de faire six ou sept pices lanne, et cest fini, ils font l'autre. Ils font lun aprs lautre quoi. Moi je ne suis pas capable de faire a. Ce nest pas dans ma nature. Je pense aussi en mme temps quon peut faire la mme pice pendant dix ans et que a devient de plus en plus profond. Si cest quelque chose de vrai quelque part.

Part. 4 : Ouvrir une fissure dans le prsentChap. 18 : Crer une communaut des spectateurs- Pierre Notte -Moi je regrette de ne pas avoir vu Al Pacino mais jai vu en France, Bobigny, des spectacles que vous avez prsents comme Mnemonic . - Simon McBurney -Oui, The Elephant Vanishes. - Pierre Notte -Et A Disappearing Number, et on avait quand mme vraiment le sentiment de voir une esthtique trs singulire, trs libre, radicale, un crateur avec une exigence extrmement forte et appuye et qui avait voir avec une vraie recherche, une recherche libre, trs trs libre dans ses formes justement. Ctait trs trs impressionnant, cette libert-l, qui apparaissait sur le plateau justement, de proposition de formes si diffrentes et si rares. - Simon McBurney -Mais quand vous dites a, je ne me reconnais pas parce que quand je regarde mes propres spectacles, je vois que mes dfauts, mes difficults, je suis toujours devant des choses o je pense que jai , je vois que des choses que je nai pas acheves au lieu des choses que jai acheves quoi. - Pierre Notte -Cest pour a que vous voudriez poursuivre, toujours toujours les mmes , reprendre. - Simon McBurney -Cest difficile, cest difficile . Cest--dire, cest notre espce dhistoire de raconter, dessayer de trouver des formes de ce que vous avez fait. Cest--dire cest facile voir, que oui jai commenc l, aprs jai commenc faire des textes, La Visite de la vieille dame, Le Conte dhiver, je me suis abord avec les textes de John Berger et puis des autres crivains et ce passage de Brecht, de Shakespeare, de Ionesco, et cetera, dessayer de mettre forme tout a. Mais, en mme temps, au fur et mesure quon travaille, on a toujours limpression dtre dans le chaos. Et il y a des choses qui arrivent tout coup et on prend cette chance qui est l, on ne sait pas pourquoi ils sont l exactement ; cest--dire javais la possibilit, javais la fortune, de trs belles rencontres dans ma vie, il y a deux ou trois choses qui sont passes moi par exemple Michael Ondaatje, qui est un crivain, qui a crit The English Patient, Le Patient anglais qui tait actuellement traduit en , mis au cinma, ctait mis en scne au cinma par. Voil, notre ami. Habib Tanvir, ce nest pas lui qui a mis au cinma mais cest lui qui a le Naya Theatre India. Lui, ctait quelquun de trs intressant, Habib Tanvir, parce quil a dcid dessayer de trouver, de renouveler si vous voulez, ou de lui mettre en face d'un thtre traditionnel aux Indes et de travailler avec des acteurs, des villageois. Et l, lui, ctait quelquun de trs trs trs intressant et je lai rencontr quand, jai vu son travail plusieurs fois. Et l ctait intressant parce quil touchait un dbut quelque part ; parce quil a donn voie aux villageois de trouver une forme de thtre qui tait , une forme qui tait matrise travers des sicles vraiment. Mais en mme temps, il les a soutenus, il les a ouvert un autre monde ou il a ouvert le monde vers eux plutt. Et jai vu son thtre pendant les annes 1980. Et quand on a tourn Mesure pour mesure, cette pice de Shakespeare que jai monte dabord au thtre national, ici en Angleterre et aprs on a tourn, on a tourn aux Indes et Mumba et plusieurs autres endroits. Et l, il est venu voir et on avait une trs belle rencontre. Et cest pour a quon tait en train de parler des influences ou des choses qui mont touch le plus. Quand je pense lui, je reste trs trs touch ; et quelque part, on essaie de faire cette , cest ce quon fait dans le thtre, on essaie de lier des choses, de chercher quest-ce quon cherche, si on cherche quest-ce quon cherche ? Alors on cherche un fond, peut-tre on cherche un dbut, il ny a pas de dbut, il ny a pas de fond mais avec cette action de chercher quand mme on, comme un arbre, on essaie de mettre des racines dans la terre pour gagner de leau, quelque chose de vrai, une eau de quelque chose peut-tre ; ou pour le public, on essaie de que le public eux-mme ils ont cette exprience enracine quelque part, avec cette exprience dans le thtre. Peut-tre parce que je crois quelque part que le thtre peut rassembler des gens dans un moment. On est tellement , depuis la fin du XVIIIe sicle o tout coup des gens se rendent comptent quils ont des opinions individuelles travers des The Enlightenment et que cette sensation dtre des individus spars lun de lautre. On a de plus en plus cette sensation de dracinement. Et cette sensation politiquement de dracinement, a sinfecte partout des cultures et des gens partout dans le monde entier. Et on voit de plus en plus ce mouvement des gens de pays en pays, et de plus en plus cette sensation de ntre chez nous nulle part. Et quelque part, peut-tre pour moi, le thtre ou lvnement collectif dimagination qui se passe chaque soir, en particulier quelque part quand jessaie de faire quelque chose dans le thtre. Et je dis "essaie" parce que jai toujours limpression de ne pas arriver faire quelque chose mais quand jessaie, ce que je veux, cest pour un moment, les gens ne sentent que leur imagination individuelle, que leur intrieur individuel, queux, ils pensent, leur conscience individuelle, queux, ils pensent o nous, on avait limpression que cest nous-mmes, "seulement!", que ce nest pas quelquun dautre et cest nous et on ne peut jamais comprendre lintrieur de quelquun dautre; pour un moment dans le thtre a . On a cette impression que nos intrieurs sont sans frontires et que se touchent eux-mmes que pour un moment on a une certaine sensation de mme , on ne sait pas o a vient ou si a va continuer aprs le morceau de thtre. Mais pour un moment on trouve une certaine collectivit humaine quon peut appeler pour un instant un chez nous. Chap. 19 : Le choix des textes- Pierre Notte -a cest la raison trs profonde. Ensuite il y a des raisons plus particulires qui vous conduisent des textes de Tanizaki ou aux textes de Boulgakov par exemple, vous choisissez ces textes ? - Simon McBurney -Oui. - Pierre Notte -Vous racontez des choses , chez nous ? - Simon McBurney -Cest un choix compltement intuitive et des fois, cest un choix qui vient de, dun lointain quoi. Cest--dire, moi jai des envies de monter Shakespeare. Mais de monter Shakespeare en Angleterre, cest toujours un truc parce quil y a une telle tradition que le moment quon touche Shakespeare, cest, il y a une certaine expectation mme que chaque fois que jai mont une pice de Shakespeare a , cest magnifique parce que a redonne , cest sans fin cette recherche et a redonne tellement de choses. Et bien sr que ce nest jamais loin. Mais les textes que jai choisis, cest aussi lintuition, cest aussi lhasard, cest aussi des , un peu dautre chose ; cest--dire depuis trs longtemps, depuis vingt ans, javais une collaboration avec un crivain anglais qui sappelle John Berger, qui vit actuellement en France. Et l, cet , lui, cest un crivain, cest un raconteur dhistoire, cest un pote, cest un peintre, cest aussi une critique dart. Et on a ce dialogue qui se droule depuis vingt ans sur les choses que moi jai fait, il est venu voir. Des fois, jai mis en scne ses propres textes comme Les trois vies de Lucie Cabrol qui est nomm en franais dans la traduction franaise cest La Cocadrille et . - Pierre Notte -Cest la premire offre quon voit de vous en France en 1994 ? - Simon McBurney -Oui, oui, ctait travers le, ctait une invitation de Peter Brook aux Bouffes du Nord. Alors, a, ctait un peu de l'Anglais l'Anglais. Mon introduction en France, de lexil lexil. Et oui, a ctait une grande ouverture parce quavant a, mme que je me suis form en France, je me sentais toujours trs chez moi en France... On jouait trs peu. Mais depuis ce moment, on a jou beaucoup et, bien sr, jaime beaucoup jouer en France. - Pierre Notte -Et lui, John, vous le considrez comme ? - Simon McBurney -Et cest quelque chose dintressant cette relation entre les Franais et les Anglais, entre la langue franaise et la langue anglaise . Entre les Franais et les Anglais, comment on voit des choses, comment on comprend des choses, la faon dans laquelle on travaille, on aboutit, on cherche et de ; parce que John, il habite en France, cest--dire je suis souvent de passage en France, et son fils est franais. Alors, je suis trs proche de lui aussi. Et cest--dire , lui aussi dans un sens cest un philosophe. Et nous, il est toujours , il est trs politiquement engag, disons, des gens ils lappellent marxiste. Mais quest ce que a veut dire exactement ? Peut-tre cest de comprendre que Marx, lui-mme, est un , on voit maintenant en particulier que cest un prophte ; parce quil a dj vu ce qui va se passer au point de vue du capital. Quest ce que a fait leffet que a a sur une socit qui dsagrge des gens un lautre et qui commence rendre en conflit des gens et la faon dans laquelle et cetera. Disons, a ctait trs important dans la vie de John. Mais nous, ce nest pas que la politique quon discute mais plutt quand jai des ides, on trouve toujours un moment dans laquelle on va parler de a et on va tourner a autour des repas surtout. Pour moi, les repas, cest quelque chose de trs important. Je ne suis pas trs prcis sur ma relation avec John parce que cest toujours un il dcrivain sur un travail qui est un travail de cration. Mais, cest trs important, cet change des mots, cet change de bouquins, de mots, de livres, dides ; il me lance des provocations comme a comme des livres, comme des ides, comme des images, comme des choses philosophiques, ou simplement des changes trs trs trs personnels. Et, il me nourrit des ides ou des provocations sur ce que je vais faire et cest une activit extrmement important que je cherche dailleurs avec tous mes acteurs dans ma troupe ; et jessaie de faire les mmes choses, jessaie de les provoquer, je leur demande de lire des choses, de voir des choses, de remplir ce que jappelle le rservoir. On a un rservoir bien rempli mais peut-tre quon ne touche plus dans la crature elle-mme. Mais cest l, cest derrire tout ce quon fait. Chap. 20 : La fcondit du chaos- Pierre Notte -Aprs vous procdez comment? Vous dessinez? Parce que a cest un travail dramaturgique. - Simon McBurney -Oui oui. - Pierre Notte -Aprs vous procdez des, vous dessinez lespace, vous organisez lespace comment ? - Simon McBurney -Jorganise lespace mais je prends des morceaux et on travaille des morceaux comme a. On travaille des morceaux et - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney - Et on travaille beaucoup dans le chaos quoi. - Pierre Notte -Parce quarrive ensuite la vido souvent le - Simon McBurney -Oui cest la vido, le son et tout est l depuis le dbut quoi. Rien narrive pas au dernier moment. Et daborder un texte, mme un texte comme Mesure pour mesure, jessaie des choses compltement a part. Je demande aux acteurs de former des choses qui ne sont pas les mmes choses et qui ne sont pas bases forcment sur le texte en main mais qui arrive, si on a si le centre, cest le texte comme a, on essaie daborder par plusieurs, par plusieurs directions. Non pas seulement, on essaie denlever lintrieur, douvrir lintrieur de texte mais en mme temps on essaie de faire quelque chose qui peut-tre na rien faire avec a parce que. Ecoute, cest clair pour moi que la connaissance ou la conscience, je veux dire, la conscience humaine est le plus, dailleurs cest peut-tre une illusion mais cest la plus petite des choses dans la logique de monter quelque chose, ce qui est plus grand cest linconscience. Et cest daborder linconscience des acteurs ou des artistes, il faut peut-tre faire des choses qui nont rien faire avec ce qui est en main. Si on reste devant quelque chose, a fait une espce de mouvement qui fait comme a et a chauffe, a ne va nulle part. Je me rappelle Jacques Lecoq qui disait, deux personnes ce nest pas intressant, a va nulle part. Mais si deux personnes regardent la lune, tout coup on a un triangle et cest beaucoup plus fort, un triangle, que quelque chose entre deux. Et cest une base gomtrique, cest un fond gomtrique sur laquelle dj on peut construire quelque chose. Et alors, linconscience cest nous. Et cest de l, on essaie de trouver des choses et cest de l, o je madresse dans le public. Chap. 21 : La tension entre posie et narration- Pierre Notte -Et pourtant vos spectacles sont extrmement dessins, sophistiqus, trs prcis, trs trs millimtr, cest chirurgical ? - Simon McBurney -Oui, oui mais en mme temps pour moi, a adresse toujours linconscient aussi. Cest--dire il y a un. On revient en mme temps cette ide de raconter des histoires. Et pourquoi on raconte une histoire, cest on essaie de comprendre le monde autour... Mais en mme temps, lart du thtre, cest un art potique. Et quest-ce que a veut dire, cest quoi la relation entre la narration et la posie? Quest-ce qui existe entre les deux choses, cest quoi la tension entre les deux choses? Ils font des choses compltement diffrentes lun et lautre. Les mots, ils ont une fonction compltement diffrente et pourtant cest les mmes mots. Et cest les mmes mots. Et peut-tre, jai quelque chose en franais, je sais que cest une interview mais vous mavez dit que je pourrais aller dans nimporte quelle direction. Alors, puisque jai parl depuis un moment des, chaotiquement, des formes un peu dlirantes et en mme temps banales peut-tre, et cest un moment parce que jai parl de cette relation avec John Berger et, peut-tre, cest intressant de lire quelque chose, au lieu de parler, parce que vous mavez dit que je peux faire ce que je veux. - Pierre Notte -Tout ce que vous voulez oui. - Simon McBurney -Peut-tre pas tout le monde, si quelquun , je ne sais pas si quelquun va regarder cette interview. - Pierre Notte -Non personne ! - Simon McBurney -Personne? - Pierre Notte -Non justement cest pour a quon le fait ! - Simon McBurney -Mais cest possible que si quelquun la regarde ils ne vont pas connatre ce mot-l. - Pierre Notte -On va on traduira, on fera, on sous-titrera videmment. - Simon McBurney -Mais non parce que je vais le lire en franais. - Pierre Notte -Trs bien, parfait. - Simon McBurney -Cest peut-tre parce que cest justement ici peut-tre il y a quelque chose dans le, il essaie de "dligner" un peu cette relation entre la posie et la narration. Et mme avec mon accent anglais, jespre que vous allez comprendre. Voil: a sappelle Une fois dans un pome . "Mme narratives les pomes ne ressemblent pas aux histoires. Toutes les histoires racontent des batailles dun genre ou dun autre, qui se concluent par une victoire ou une dfaite. Toutes sy orientent vers une fin o lissue sera rvle. Les pomes dtachs de tout dnouement traversent les champs de bataille, soignent les blesss, coutent les dlirants monologues ici triomphants, l pouvants. Ils apportent une sorte de paix. Non pas grce une quelconque vertu anesthsiante ou un rconfort facile ; mais travers la reconnaissance et la promesse apportes que toute exprience vcue ne peut se gommer comme si elle navait jamais eu lieu. Cette promesse, pourtant, nest pas celle dun monument qui, donc, tant quil na pas quitt le champ de bataille peut vouloir un monument. Que le langage reconnaisse, abrite lexprience qui demande ltre et lance pour cela son appel; voil la nature de cette promesse. Les pomes se rapprochent davantage des prires que des rcits sauf quen posie il ny a personnes derrire les paroles qui lon adresse la prire. Cest au langage lui-mme dentendre et de reconnatre. Pour le pote religieux, le Verbe et le premier attribut de Dieu. Pour la posie toute entire les mots constituent une prsence avant de servir de moyen de communication. Pourtant, la posie utilise les mmes termes et les plus ou moins les mmes syntaxes que, disons, les rapports annuels dune entreprise multinationale. Cette entreprise qui au nom de leur bnfice dresse certains des plus terribles plans de bataille du monde moderne. Comment se fait alors que la posie russisse transformer le langage de telle sorte quil coute, promette et remplisse la fonction dun dieu au lieu de simplement transmettre de linformation. Si un pome emploie le mme lexique quun rapport de gestion, cest un peu comme si un phare et une cellule de prison taient construits avec les pierres dune mme carrire. Tout dpend de la relation entre les mots. Et la nature des relations possibles dpend du rapport quentretient lcrivain avec le langage ; non pas en tant que rservoir terminologique, syntaxe ou mme structure mais en tant que principe, en tant que prsence. Le pote place le langage hors de la porte du temps, ou, plus prcisment, le pote aborde le langage comme si il avanait vers un lieu, un point de rassemblement o le temps serait priv de finalit, o le temps se verrait lui-mme contenu et circonscrit. Si la posie invoque parfois sa propre immortalit, son droit le faire transcende le gnie de tel pote donn au sein de telle histoire culturelle donne. Il faut ici distinguer immortalit de la gloire posthume. La posie invoque les [Inaudible] sans limmortalit dans la mesure o elle sabandonne au langage, croyant quil embrasse toutes les expriences passes, prsentes et futures. Affirmer que la posie renferme une promesse peut introduire en erreur car une promesse se projette dans lavenir. Alors que cest prcisment la coexistence du futur, du prsent et du pass qui promet la posie. Et cette promesse qui sapplique au prsent et au pass ainsi quau futur porterait mieux le nom de confiance." Et voil, cette dfinition quelque part de comment le, comment le langage dans la posie fonctionne quelque part pour moi, cest une ambition, pour moi ; une ambition, jai dit que cest une ambition, ce nest pas un achvement, mais cest une ambition pour moi dans le thtre. Chap. 22 : Comment le thtre est politique- Simon McBurney -Jessaie dachever si vous voulez des moments o le pass, le prsent et le futur sont contenus dans le mme endroit. Et dailleurs, pour moi, cest pour a que le thtre est par dfinition politique. Et la raison pour laquelle je dis a, cest quon vit dans une situation qui est dun, moi je dirais que fascisme, ce nest pas un mot trop fort mais peut-tre fanatissisme, cest peut-tre plus juste. Un fanatissisme de consumation.. Capitalism A consumer capitalism, a sort of fanatical consumer capitalism. Et pourquoi le thtre est toujours en opposition de a ? Cest pour cette raison : dans la socit dans laquelle on vit maintenant pour moi, il y a une question sur le temps. Cest une question sur la vision du temps ; cest--dire que dans le pass plus lointain, on tait toujours li au pass et on est dans une certaine continuit avec le futur et on est aussi en mme temps li aux morts. Et que, maintenant, notre relation avec le temps, cest trs trs diffrent. Dans leffet de vouloir consommer, il faut que les gens veuillent toujours consommer, il faut quils ont toujours faim, toujours, des objets quoi, des choses matrielles, matriaux. - Pierre Notte -Non non, des choses matrielles. - Simon McBurney -Des choses matrielles. Et alors, lide du temps, cest toujours li un pass trs rcent et un futur qui est juste devant nous. Cest--dire la fentre du temps, cest trs petit. Ce nest pas au pass profond et au futur infini mais cest immdiat comme a. Cest--dire quand je veux quelque chose, je le vois, cest dans le futur, je vais lavoir, je lai achet, cest dj au pass et je dois, selon cette socit, je dois vouloir la prochaine chose. Et, cest--dire, on nest jamais au prsent, on a lillusion dtre dans un norme prsent maintenant parce quon nest plus sexualis, on na jamais t ; on nest plus libre, on na jamais la possibilit de toutes les choses, mais en effet on nest jamais dans le prsent. Et tandis que le thtre, cest lart du prsent ; cest--dire a essaie douvrir une fissure dans le prsent. Et en faisant a, il est par dfinition, en opposition politiquement avec la socit quon est. Et, cest--dire, ce prsent, si cest vraiment un prsent profond, a contient le pass lointain et le futur infini dans ce prsent, ils sont tous l en mme temps. Et en mme temps, a casse lillusion de lindividu en mme temps. Cest--dire cest la plus grande illusion avec notre socit, cest que, toujours, on doit avoir limpression dtre un individu avec une immense libre volont. Cest nous qui avons choisi dacheter telle ou telle chose. Non, on na pas choisi du tout! Cest les consquences des pression des autres, des publicits, de nimporte quoi, mais ce nest pas notre choix, cest compltement faux. Et cest lillusion totale. Et dans le thtre, dans le meilleur moment du thtre, et je dis thtre dans le sens le plus large possible. Quand je parle du thtre, je ne parle pas de [avec un ton emphatique] "thtre", je parle dautre chose, je parle de. Si tu veux, le thtre, cest dans toutes les rencontres de la vie thtrale. Et a peut tre aussi dans les choses les plus petites dans la vie dans laquelle on ne pense pas quil y a vraiment du thtre. a peut tre dans le rituel, a peut tre mme autour dune table o on se ritualise un repas, ou mme on fait une fte, un mchoui, une danse, des gestes ensemble, des funrailles, des mariages, plein de moments dans nos vies et aussi au thtre. Et ce moment de prsent, o on touche en mme temps nos anctres et on sadresse aux enfants qui sont quand mme rassembls sur cet endroit, rassembls dans le sens quils sont tous en mme temps des gens qui passent travers ces moments de vie, de conscience quoi. Parce que comme les morts, par exemple, ils nous regardent de la mme faon que nous on se regarde nous-mmes. Et nous on est tous des gens conscient. Mais les morts disent, nous aussi, on est pass par les moments conscients. Alors vous, vous tes dans les mmes lieux que nous parce que nous on est li par lide quon tait tous conscient une fois ou un autre. Alors, on est tous dans la mme collectif si vous voulez. Et, cest justement pour a que les Grecs ils ont reconnu tout de suite que la forme thtrale cest une forme politique. Cest une forme dans laquelle si on voit 13 000 personnes Epidavros, cest le plus, une immense quantit dAthnes cest--dire ils ont discut des choses politiquement ; cest--dire ils se voyaient, ctait une espce de miroir, cest pour a dailleurs le mot "thtre", le mot thtre en anglais, si on le traduit "theatros" du grec, en anglais a se traduit comme "The seeing place", lendroit voyant. Et dans un sens, moi je trouve a trs juste au fond du thtre parce que cest voyant comme , non pas au sens de visuel mais de comprhension quoi. - Pierre Notte -Et visionnaire. - Simon McBurney -Visionnaire, voil. Cest peut-tre a. - Pierre Notte -Est-ce que cest ? - Simon McBurney -Cest curieux non que les Franais et les Anglais, ils aient des mots diffrents pour le public non ? Parce quen anglais, en Angleterre cest le mot pour le public, cest "audience", les gens qui coutent, et pour les franais, ce sont les "spectateurs", les gens qui regardent. Je trouve a toujours. - Pierre Notte -Et curieusement en Italie, on dit que le public franais coute et que le public italien regarde. Cest la devise un peu du Italienne. a se transforme. - Simon McBurney -Oui. Chap. 23 : Le Matre et Marguerite - Pierre Notte -Et je voudrais savoir si cest a qui vous a conduit ce choix, Le Matre et Marguerite parce que cest une fable sur le temps videmment. - Simon McBurney -Oui - Pierre Notte -Cest une fable - Simon McBurney -Oui, cest une fable o les temps diffrents existent au mme moment. Le temps du pass, il y a 2000 ans, cest le temps des Judens, le temps de Jrusalem, et de Pilate et de [incompris], disons : Jsus Christ ; et le moment du prsent dans les annes 1930 de Boulgakov Moscou. Il y a ce, ces deux temps-l mais il y a un troisime temps qui est le temps de, hors du temps dans laquelle existent Woland, les diables et Jsus et les mythes, le temps mythique ou le temps imaginaire ou le temps des morts. Et tous les temps-l, ils existent au mme moment. Oui, dans un sens, cest un roman qui est sur la - DIDASCALIE -(Silence) - Simon McBurney - conscience aussi peut-tre. Comme plein plein plein de livres qui ont t crits pendant les annes 1930 dailleurs, ce qui est fascinant, si on pense James Joyce, Ulysses, Finnegans Wake, ou Virginia Woolf, The Waves ou mme bien sr, derrire il y a aussi une question de Tanizaki quelque part. - Pierre Notte -Que vous avez mont aussi. - Simon McBurney -Oui. Cest intressant parce que cest un moment o, tu vois, cest le moment, les annes 1930 cest aussi le moment quil est sorti peut-tre ; mme quil est vivant aprs mais cest aussi un moment de [Sartre] peut-tre. Cest--dire cest un moment trs important ; mais o des gens ils cherchent, ils se demandent sur les sens des mots alors ils cherchent cette relation entre les mots et le conscient. Conscience, ils essaient de commencer aborder cette mouvance, ce voyage intrieur et trouvent comme Ezra Pound trouve que les mots narrivent pas saisir cette exprience intrieure. Ils arrivent plus facilement saisir ou dcrire le monde extrieur que le monde intrieur. Ezra Pound dit si je peux traduire en franais : "Et les mots devient de la monnaie dans les mains des, [contre-mots, les contre-mots] vendeurs." Non a nexiste pas en franais. "Words become coins in hands of counterwords mongers." Cest des marchands des mots au lieu de pouvoir vraiment saisir. Il y a quelque chose qui arrive, cest--dire il y a quelque chose, il y a un intrt, il y a un moment de changement de langage ou de se rendre compte que le langage commence [disacrifier], que vraiment a n'a pas la mme lieu sacr quavait avant, que le mot, ce nest pas la prsence de Dieu mais cest peut-tre la prsence dautre chose. Cest la prsence pour la premire fois, les mots a commence , cest comme du sable dans les mains, peut-tre a ne contient rien. Pour la premire fois peut-tre a ne veut rien dire les mots. Cest un moment terrible. Maintenant, on est laise avec lide que les mots a ne veulent rien dire. - Pierre Notte -Oui. - Simon McBurney -Parce quon est dans ce moment o a ne veut rien dire les mots. Cest pour a que a devient tellement un champ de bataille, tu vois, le mot de Dieu. Pour les licornes, cest terrible maintenant ; parce quen effet il faut que les mots quelque part soient sacrs. Cest quelque chose de trs profond dans notre conscience a, je crois. Lide de besoin, le besoin . Quand on est revenu au besoin de chez nous que les mots, comme il dit Berger, les mots abritent quelque part, on cherche a. - Pierre Notte -Est-ce que tout cela vous avez le souci de le transmettre, travers ? - Simon McBurney -Aucun souci mais limpossibilit. Je suis dj... dfait avant de commencer quoi. Mais quand mme on doit continuer parce quil y a quoi dautre faire. Voil, je suis certain que cest assez maintenant. Si les gens regardent a jusqu maintenant, vous avez quand mme une certaine rsistance. N en 1957, Simon McBurney, aprs des tudes l'universit, quitte l'Angleterre l'arrive au pouvoir de Margaret Thatcher en 1981. Tout en se formant l'cole Jacques Lecoq, il se nourrit de la vie thtrale parisienne, de Peter Brook Ariane Mnouchkine. En 1983, il fonde sa premire compagnie, Complicite. Les premires annes, la troupe vit d'expdients et voyage entre la France, l'Angleterre, mais aussi l'Amrique latine. La reconnaissance vient partir des annes 1990. Simon McBurney s'empare des critures contemporaines, de John Berger Haruki Murakami, autant que des classiques: Ionesco, Brecht, ou bien encore Shakespeare, dont il monte Mesure pour mesure avec Al Pacino en 2004. Sans esprit de systme, Simon McBurney parvient faire thtre de tout, qu'il s'agisse des textes en portant sur scne un roman aussi ambitieux que Le Matre et Marguerite de Boulgakov ou de la matire dramatique. Conjuguant un apparent bricolage avec une grande sophistication dans l'utilisation des images, il cherche faire un thtre rsolument politique.

En plus de son activit de metteur en scne, Simon McBurney mne aussi une carrire de scnariste et d'acteur, apparaissant rgulirement dans des productions hollywoodiennes.Metteur en scne

1983: Put it On Your Head, cration collective de la compagnie Complicite

1984: A Minute Too Late

1985: More Bigger Snacks now

1987: Anything for A Quiet Life

1989: The Visit, d'aprs La Visite de la vieille dame d'Alfred Drrenmatt

1992: The Winter's Tale de William Shakespeare

1992: The Street of Crocodiles, d'aprs des textes de Bruno Schulz

1994: Out of a house walked a man

1994: The Three Lives of Lucie Cabrol, d'aprs un roman de John Berger

1997: The Caucasian Chalk Circle de Bertolt Brecht

1997: The Chairs d'Eugne Ionesco

1999: Mnemonic

2000: The Noise of Time

2002: Light, d'aprs un roman de Torgny Lindgren

2003: The Elephant Vanishes d'aprs des nouvelles de Haruki Murakami

2004: Strange Poetry

2004: Pet Shop Boy meet Eisenstein, partir d'un film de Sergue Eisenstein

2004: Measure for Measure de William Shakespeare

2005: Vanishing Points

2007: A Disappearing Number

2008: Shun-ki d'aprs de textes de Jun'ichiro Tanizaki

2009: Endgame de Samuel Beckett

2010: A Dog's Heart d'aprs un roman de Mikhail Boulgakov

2012: The Master and Margarita d'aprs un roman de Mikhail Boulgakov

Comdien

Cinma

1991 : Kafka de Steven Soderbergh

1994 : D'une femme l'autre de Charlotte Brandstrm

1994 : Tom & Viv de Brian Gilbert

1994 : Les Mille et une vies d'Hector de Bill Forsyth

1994 : Mesmer de Roger Spottiswoode

1996 : Le Roi des aulnes de Volker Schlndorff

1997 : Bicycle Thieves de Susanna White

1998 : La Cousine Bette de Des McAnuff

1999 : Onegin de Martha Fiennes

1999 : Inside-Out de Charles Guard et Thomas Guard

2000 : Eisenstein de Renny Bartlett

2003 : The Reckoning de Paul McGuigan

2003 : Skagerrak de Sren Kragh-Jacobsen

2003 : Bright Young Things de Stephen Fry

2004 : Human Touch de Paul Cox

2004 : Un crime dans la tte de Jonathan