Entretien avec Alain Hyardet dans Midi-Olympique
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ALAIN HYARDET - CONSEILLER DU PRÉSIDENT DE L’USAP EN CHARGE DUSPORTIF TROIS ANS APRÈS AVOIR QUITTÉ LE MILIEU, L’ANCIEN CENTREEST REVENU AUX AFFAIRES EN CATALOGNE. SA « TRAVERSÉE DU DÉSERT», SA RÉFLEXION, SON PLAN ET SES AMBITIONS POUR L’USAP : LETECHNICIEN ÉVOQUE SON RETOUR SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE ETLIVRE SES PREMIÈRES IMPRESSIONS.
« Je n’ai jamais pu couper lecordon »Propos recueillis à Perpignan par VincentBISSONNET [email protected]
Quinze ans après, vous voilà revenu à vos
premières amours d’entraîneurs, à Perpignan…
Je me souviens bien de mes trois saisons passées sur ce
banc. Nous avions commencé avec une structure
totalement amateur : il y avait trois entraînements par
semaine et, le soir venu, nous allions manger les boles de
picoulat (une spécialité culinaire catalane, N.D.L.R.) chez
le deuxième ligne Barend Britz, place de la République…
Au cours de ces trois ans, nous étions passés à un
rythme professionnel, plus exigeant et cadré, même si les
joueurs restaient pluriactifs. Cette aventure avait été un
grand moment de plaisir et de partage. Nous avions
changé de dimension.
Qu’est-ce qui vous a convaincu de revenir à l’Usap ?
Le fait que ce soit Perpignan a énormément pesé dans mon choix. Je pense que je ne serais pas
revenu ailleurs, je n’aurais pas accepté un autre défi. Le fait que le challenge à relever soit grand a
aussi été une source de motivation vraiment très forte. Quinze ans après, je me retrouve dans la
même situation avec encore un rôle de bâtisseur : ce n’est certes pas un groupe amateur mais
c’est tout de même un groupe en difficulté qui doit être reconstruit pour partir de l’avant. C’est un
vrai défi afin de retrouver des jours meilleurs.
Quelles interrogations vous ont traversé l’esprit au moment d’accepter de reprendre du
service ?
Je ne me suis pas dit grand-chose. Je me suis posé une seule et grande question : « Est-ce que tu
sais, est-ce que tu es arrivé au bout ou est-ce que tu as encore à apprendre, à donner, à partager
? » La réponse a été : « Oui, j’ai toujours envie. » Envie de faire partager mon expérience, de
m’enrichir au contact des autres et de continuer à avancer. J’ai passé énormément de temps dans
l’hémisphère Sud avec de nombreux échanges auprès des treizistes et des quinzistes. Et j’ai
l’expérience d’un homme de 50 ans. Je voulais encore faire profiter les autres de tout ça.
On vous avait perdu de vue depuis trois saisons et la fin de votre aventure marseillaise.
Le rugby vous a-t-il manqué ?
Le sport génère un stress et une passion excessifs, parfois hors normes. Je ne crois pas que le
monde de l’entreprise soit en mesure de générer des instants aussi forts. Mais c’était bien aussi de
couper. J’avais passé une vingtaine d’années à être entièrement plongé dans le sport, étant passé
directement entraîneur, avec des succès et des échecs. J’ai grandi à travers toutes ces épreuves.
Mais je pense que passer quelques années par le monde de l’entreprise a constitué un arrêt
obligatoire.
Avez-vous ressenti de l’amertume vis-à-v is de ce milieu où tout va très vite, dans les
deux sens ?
Le sport est versatile par définition. Nous vivons entre deux crises, celle qui nous installe et celle
qui nous fait partir. Tout va très vite : un jour, tu es en haut de l’affiche et, le lendemain, tu
disparais, tu n’es plus rien. Ce n’est pas linéaire. Tu apprends à vivre avec ces pics
d’enthousiasme et ces moments de solitude. C’est la loi de ce milieu. On l’accepte ou on ne
l’accepte pas. Je l’ai accepté. Au bout d’un moment, j’étais devenu plus réticent à cette idée. C’est
pour ça qu’il était important que je prenne mes distances. Le défi perpignanais était une
opportunité idéale à saisir. Je me retrouve complètement dans cette thématique de la reconquête.
Aviez-vous la crainte d’avoir perdu la main ?
Il vaut mieux demander aux joueurs ce qu’ils en pensent. A mes yeux, c’est comme le vélo, tu ne
peux pas oublier. Même si j’ai passé trois ans sans fonction, je n’ai jamais arrêté de penser rugby.
Quand je regarde ma vie, je vois que je n’ai fait que du rugby. Au-delà de l’addiction très forte,
même sans être impliqué directement, j’ai continué à travailler, à échanger, à collaborer avec des
gens de cet univers.
Vous n’avez jamais dit adieu à ce monde ?
Je suis resté au goût du jour. Il faut dire que mes amis sont pour la plupart issus de ce milieu.
Comme j’ai continué à les côtoyer, je n’ai jamais pu couper le cordon. Je n’en ai pas non plus eu
l’envie.
Pour votre retour aux affaires, vous vous retrouvez face à un grand défi. Ressentez-
vous déjà la pression sur vos épaules ?
À Perpignan, les gens ne viennent pas voir du rugby. Ils viennent voir l’Usap. Cela résume toute
l’attente qu’il y a autour de ce club. Tout le monde ne nous parle que d’une chose actuellement : «
Il faut remonter le plus vite possible en Top 14. » Mais à Agen, à Biarritz ou encore à Pau, ils en
ont autant envie. Le résultat n’est que la conséquence de ce que tu mets en place. Aujourd’hui,
l’essentiel est de se poser les bonnes questions : comment va-t-on habiller la mariée pour qu’elle
soit la plus belle et la plus fraîche possible ? Le Pro D2 est un championnat long, exigeant, plein
d’écueils. Mon travail n’est pas de dire : « Oui, nous allons revenir dans l’élite. » Il est de tout mettre
en œuvre pour se donner les moyens d’être des postulants à la montée du premier au dernier jour.
Le fait que l’Usap ait vu son sort scellé dans les dernières minutes de la 26e journée
rend votre tâche encore plus complexe…
Cela ne sert à rien de vouloir réécrire l’histoire et de repenser à toutes les choses que tu ne peux
pas maîtriser. Jusqu’à dix minutes de la fin, oui, l’Usap était en Top 14. Mais maintenant, nous
sommes en Pro D2. Je ne vais pas commencer à dire : « Je n’ai pas eu le temps de préparer cette
équipe car elle n’aurait pas dû descendre… » J’y perdrais une énergie pas possible. Cela
n’apporterait rien et ne changerait rien à l’histoire.
Le groupe à votre disposition vous paraît-il suffisamment armé ?
Il nous faut encore un joueur supplémentaire devant (un pilier gauche) pour se lancer dans la
compétition. L’équipe est structurée autour de trois groupes : le premier avec des joueurs qui ont
clairement et rapidement annoncé vouloir rester et participer à l’opération reconquête ; le
deuxième avec des jeunes formés au club désireux de s’impliquer dans l’aventure et qui se sont
positionnés naturellement ; le troisième avec des gars revanchards par rapport à eux-mêmes et à
leur histoire et qui ont quelque chose à prouver ou à se prouver. Ces trois entités doivent
rapidement n’en faire plus qu’une.
L’état d’esprit revanchard est à cet égard censé rassembler tous ces groupes…
La reconquête doit être à tous les niveaux : nous avons à reconquérir une division, de la légitimité,
de la reconnaissance… Chacun trouve, à travers ce terme, une motivation et une raison d’être
venu à l’Usap. Moi le premier.
Les deux mois d’intersaison sont charnières pour la construction de votre groupe.
Comment les avez-vous appréhendés ?
C’est un moment passionnant, charnière. Il y a une alchimie à créer. Il faut tout mettre en ordre
pour que ça fonctionne. Ce qui est important à mes yeux, c’est que tout le monde soit acteur du
projet et non consommateur. Les objectifs seront définis ensemble lors du stage de Font-Romeu. Il
y a déjà eu des entretiens avec les joueurs pour évoquer leurs attentes, leur volonté, leur état
d’esprit… Le deuxième stage servira à faire prendre conscience de l’ancrage et de l’importance du
club dans la région. Les valeurs de l’Usap rentrent inévitablement en compte dans notre projet.
Avez-vous déjà l’identité du capitaine en tête ?
Je n’ai pas d’a priori ni d’idées préconçues. Les leaders vont s’imposer naturellement au cours de
l’été. Nos stages de présaison seront importants à cet égard. Il va permettre de voir les gens qui
prennent naturellement le leadership et des responsabilités.
« Un jour, tu es en haut de l’affiche, le lendemain, tu disparais et tu n’es plus rien.
C’est la loi de ce milieu, il faut l’accepter. Je me retrouve complètement dans lathématique nouvelle de l’Usap : la reconquête. »
Alain HYARDET
Conseiller du président de l’Usap en charge du sportif
« Je ne serais pas revenu ailleurs qu’à Perpignan. Je n’aurais pas accepté un autredéfi. »
Alain HYARDET
Conseiller du président de l’Usap en charge du sportif