Entre Magazine

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NUMÉRO 1 RÉSISTER AVEC AI WEIWEI, VALÈRE NOVARINA, EDGAR MORIN… SEPTEMBRE/OCTOBRE 2011 L’ŒUVRE EST OUVERTE

description

Cultural Magazine from Paris, France.

Transcript of Entre Magazine

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RÉSISTER A V E C A I W E I W E I ,

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NUMÉRO 1 RÉSISTER

E N T R E - T E M P S 4Le temps pour la création de s’installer. Sean Hart et ses matelas exquis.

E N T R E T I E N 6Une personnalité se dévoile. Edgar Morin prône la résistance au quotidien ainsi que par et à travers l’art.

E N T R A C T E 1 0Autour d’une citation choisie, carte blanche à un illustrateur. Pakito Bolino du Dernier Cri / Oscar Wilde.

E N T R E M E T S 1 1Une page à découper, c’est cadeau. A is a name et leur John Doe.

E N T R E V O I R 1 2Un cadrage au tiers nous fait voir les choses autrement. Les photographies de Véronique Pécheux.

E N T R E M Ê L E R 1 8Une création contemporaine rencontre une œuvre picturale classique. Ai Weiwei vs Jacques-Louis David.

E N T R E - D E U X 2 6Entre une image et une autre : une histoire se crée. Nigel Dickinson / Jean-Marc Kuntz.

E N T R E L A C E M E N T S 2 8La bande-film accompagnée d’une originale bande-son. Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein.

E N T R A I L L E S 3 2Une photo passée au crible. Le printemps arabe par Augustin Le Gall.

E N T R E M E T T E U S E S 3 3L’auto-promo des artistes ayant participé à ce numéro.

E N T R E C Ô T E S 3 4Nos coups de cœur.

« Jouir d'une œuvre d'art revient à en donner une interpréta-tion, à la faire revivre dans une perspective originale. »

Umberto Eco

Entre ! L’œuvre est ouverte.Approche-toi. L’incitation est réelle  : installe-toi et observe. Déleste-toi de ce qui te pèse ou t’avachit et pénètre avec dé-lectation le champ infini du beau. O tu gambades, cavales et t’ébroues, tu y prends goût. Les distances sont rompues. Va.

Le numéro 1 montre la face. L’un sort du néant pour être, en s’obstinant déjà pour continuer d’exister. ENTRE résiste avec Ai Weiwei, qui se joue des symboles traditionnels ou totalitaires pour se fondre entier dans un vent de liberté dénié. ENTRE admire Edgar Morin à l’heure où pour réveiller les conscience-sil porte La Voie. ENTRE suit aussi Sean Hart, lorsqu’il refuse de s’endormir sur des matelas trop confortables. Puis avec les marins du Cuirrassé Potemkine ENTRE crie son écœurement, fait remonter ses penchants inavouables avec Pakito Bolino du Dernier Cri et jaillir le Vrai sang de Valère Novarina, cette subs-tance faite de joie et de colère que l’élan absurde englobe.

Rendez-vous tous les 2 mois dans les lieux culturels parisiens (musées, galeries, cinémas, salles de spectacles…)

Anna Serwanska

B I M E S T R I E L G R A T U I T

S E P T E M B R E O C T O B R E 2 0 1 1

Directrice de publication

Anna Serwanska

Rédactrice en chef

Priscille de Lassus

Secrétaire de la rédaction 

Catherine Minot

Rédaction

Fitzgerald Berthon, bes-bes, Geoffroy

Caillet, Bastien Cheval, Camille de Forges,

Thomas Lapointe, Priscille de Lassus,

Aurélie Laurent, Catherine Minot, Anna Ska,

Céline Torrent

Électron libre invité 

Valère Novarina

Les extraits du « Vrai sang » jaillissent dans

nos pages comme des éclaboussures.

Rappelant la force de la langue et du mot

comme « outil / arme de résistance car

fixant la pensée ».

« Le Vrai sang » aux éd. P.O.L, janvier 2011,

320 pages, 18,50 €

Direction artistique et maquette

A is a name

Le texte est composé en National (Klim

Type Foundry) pour le texte courant et en

Primaire n°2 pour les titres (A is a name)

Impression

Stipa

Papier

Cyclus 90 gr (100% recyclé)

ENTRE

L’œuvre est ouverte

7-11 rue des Caillots

93100 Montreuil

06 06 63 63 33

[email protected]

www.revue-entre.fr

Dépôt légal à chaque impression

N° ISSN en cours d'obtention.

Attention,

lecteur, ouvre l’œil

car si la rédaction te parle,

l’artiste aussi.

Les indications dans les coins de page

t’aideront à mieux entrer dans les rubriques.

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POÉTIQUE DU QUELCONQUE

A U X S O U R C E S D ' U N A R T

P A R A U R É L I E L A U R E N T C R É A T I O N S , P H O T O G R A P H I E S E T T E X T E S E A N H A R T

SA « En août 2009, pris d’insomnies, je déambule dans les rues de Paris tard la nuit… Sur mon chemin je croise un, puis deux, puis plusieurs matelas. À partir de là, je décide d’uti-liser ce support bien spécifique pour écrire dessus à la bombe de courts “poèmes” qui fonctionnent en série comme un cadavre exquis. Une fois que j’ai écrit sur un matelas, je le prends en photo dans la perspective de réaliser plus tard un livre qui les regroupe-ra. Aujourd’hui, cette série est composée de plus de 100 photogra-phies. Je cherche en général par mon mode d’intervention à mettre en place la surprise, le dérangement, les perturbations, la poésie en milieu urbain. Construire des histoires à partir de ce que l’on consi-dère comme insignifiant et, du coup, animer l’inanimé. Donner à un espace quelconque et banal une dimension poétique. Travailler sur ces matelas est donc venu très naturellement. Le matelas, cet objet quotidien, totalement banal, est également très intime et porteur d’une forte symbolique car il nous rappelle toutes les actions que nous pouvons avoir faites ou avons faites dessus  : sommeil, rêve, amour, jeux, réveil… Tout comme les différentes étapes de notre vie passée : naissance, enfance, adolescence… Un matelas “usagé”

Dans les rues de Paris, la nuit, Sean Hart se promène. Passant devant des matelas inertes, il décide de les réanimer. Vieux porteurs de nos rêves, les matelas se font alors, entre ses mains, porteurs de pensées. Par les mots qu’il y inscrit, forts, sur-explicites, ce street-artiste vient réveiller nos fantômes.

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LE TEMPS POUR LA CRÉATION

DE PRENDRE PLACE.

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déposé à un coin de rue est déjà en soi un poème, une installation.  Le livre sera composé en majorité de matelas sur lesquels j’ai écrit mais aussi de matelas que j’ai juste pris en photo. Les “slogans” sur ces matelas sont des affirmations mais également des inter-rogations. Au départ, je les écrivais à main levée à la bombe, au fur et à mesure de mes rencontres avec les matelas. Aujourd’hui, je les réalise au pochoir. Les thèmes s’additionnent et se répondent les uns aux autres, cristallisant des histoires sans cesse en mou-vement, indépendantes les unes des autres et pourtant insépa-rables du canevas général dominé par des sentiments ambivalents : absence / présence ; amour / haine ; désespoir / espoir  ; enferme-ment / liberté ; vie / mort. »

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L'impact des matelas de Sean Hart prend une autre tournure dans la série. Les messages se suivent tels des cadavres exquis.

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Longtemps que l’on attendait ce rendez-vous. L’occasion de rencontrer ce grand monsieur de 90 ans, l’homme qui forgea sa pensée complexe et son esprit solide en prenant appui sur une existence engagée. Edgar Morin dénonce les barbaries modernes au regard des paranoïas d’antan. Et si « les formes de résistance ont évolué », opposition et protestation doivent se réaffirmer au sein même de la Cité. L’art participe de cette lutte accompagnant tant les tournants historiques que la vie au quotidien.

Voir l’intégralité de l’interview d’Edgar Morin en vidéo sur : www.entre-revue.fr.

‘‘ POUR MOI, RÉSISTER EST UN MOT

TRÈS ACTUEL’’P O R T E - V O I X

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ENTRE Qu’est-ce que résister au juste ? EM Résister, sur le plan mental, psychologique, c’est se re-fuser à accepter des choses que l’on pense mauvaises, viles, dégradantes. Lorsqu’en juin 1940, il y a un message prônant la collaboration, résister psychologiquement c’est se dire « non, voilà une situation que je ne peux pas accepter et voici une politique que je trouve très mauvaise ». Puis la résistance de-vient active par la protestation. Cela a commencé pour moi en faisant des inscriptions à la peinture sur les murs de la ville de Toulouse où j’étais à l’époque : « À bas Pétain », « À bas Laval »; c’était aussi de distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres… Seulement attention, si la résistance est un non à quelque chose qu’on veut vous imposer, ce non implique ainsi un oui, dans ce cas-là, un oui à la liberté ou à la libération.

ENTRE Sous l’occupation résister signifiait mettre sa vie en danger…

EM Et pire, car si on était pris et torturé on avait peur de dire des choses qui trahiraient le mouvement. C’était plus que la vie qui était en jeu, c’était l’honneur. Aujourd’hui si un risque vital se présente, peut-être que je ne l’affronterai pas de la même façon. Mais à l’époque j’avais 20 ans et j’avais très bien compris que pour vraiment vivre, il fallait risquer la mort et que sinon c’était survivre, c’était comme ramper.

ENTRE À la libération la résistance changeait de visage, deve-nait moins risquée…

AW Après j’ai pratiqué d’autres résistances qui ne présen-taient pas les mêmes dangers. Par exemple, la guerre d’Algé-rie, du reste où je n’étais impliqué dans aucun réseau, mais par mes textes, mes prises de position, les comités auxquels j’ai appartenu, c’était une résistance. Il y avait peut-être d’éventuels dangers si les généraux fascistes prenaient le pouvoir. Oui, il y a eu une tentative de mettre une bombe dans l’appartement où j’habitais à l’époque, qui a échoué. Mais di-sons que je n’ai plus eu à affronter de danger physique. Et puis j’ai résisté, après ma rupture avec le parti communiste et la

révolution hongroise, au communisme stalinien qui semblait de plus en plus fort, de plus en plus triomphant, mais là aussi c’était par mes textes, mes engagements…

ENTRE Bref, les formes de résistance ont évolué...AW Il faut dire qu’à l’époque il y avait une fraternité entre ceux qui résistaient, même  quand ils appartenaient à des mouvements différents et qu’il y avait des conflits d’idées. Actuellement même si l’on pense pareil, nous sommes très dispersés, il n’y a pas ce sentiment qui nous unit. Avec Hessel, on voudrait contribuer à une sorte de mouvement citoyen. D’ailleurs, c’est un petit peu ce qui se passe avec le mouve-ment des Indignés en Espagne.

ENTRE Si résister aujourd’hui semble moins dangereux, est-ce plus facile pour autant ?

AW En 2011 les choses sont plus diffuses, il est plus difficile de prendre conscience des différentes menaces, on est comme des somnambules. La jeunesse est en désarroi, les vieux sont désabusés, ils ont cru à la civilisation occidentale, à la démo-cratie, à toutes les promesses, à la croissance... Mais ce qui est positif, c’est qu’un tout petit cri comme Indignez-vous 1 ré-veille les jeunes, les sorte de la léthargie, c’est un premier pas.

ENTRE Vous citez le livre de Stéphane Hessel : quelle a été la place de votre livre par rapport au sien ? Sa sortie fut concertée ou n’était-ce qu’un hasard ?

AW Ce n’était pas concerté. Hessel a publié son livre et le mien est arrivé un peu après. Pour lui, les interviews se sont multipliées. Et lorsqu’on lui disait que ça ne suffisait pas de s’indigner, il répondait « lisez donc le livre d’Edgar Morin ». Autrement dit, il a été le grand supporter de La Voie 2. On a décidé d’écrire ensemble un petit livre, Les chemins de l’espérance, qu’on est en train de terminer, pour montrer que même en France où il y a une telle dépendance de la mon-dialisation, on peut conduire une politique intelligente et autonome.

ENTRE Notre époque est inquiétante, vous dites que deux formes de barbaries menacent…

AW La première forme de barbarie, c’est une barbarie qui vient du fond de l’histoire, qui est le mépris, qui est la haine, qui se manifeste par le racisme, la xénophobie. C’est cette barbarie qui déferle aujourd’hui sur la planète et qui menace

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Avec Hessel, on voudrait contribuer à une sorte de mouvement citoyen.

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8 l’Europe de l’intérieur. Vous savez, j’ai vécu l’impensable  : le pays le plus cultivé d’Europe, qui était l’Allemagne, qui a pro-duit les plus grands philosophes, les plus grands musiciens, où il y avait une culture formidable à l’époque de Weimar, ce pays a sombré dans la plus grande barbarie. À la suite d’une crise économique mondiale, c’est légalement qu’Hitler vint au pouvoir. Depuis ce temps-là, je n’exclus pas qu’ici en France dans des conditions de dégradation, il puisse y avoir, non pas un équivalent de l’hitlérisme, mais quelque chose qui soit très barbare, envers les immigrés, les gens d’origine étrangère… D’ailleurs, moi qui vais rarement manifester ( je ne suis plus tout jeune) la dernière fois où je suis descendu dans la rue c’est après que le président Sarkozy s’en soit directement pris aux Roms. Ça m’a tellement indigné qu’il désigne ce peuple martyr depuis des millénaires et qui encore aujourd’hui est victime du mépris que j’y suis allé.

ENTRE Si la première barbarie vient du fond de l’histoire, la deuxième elle, serait moderne ?

AW Oui, elle vient de notre civilisation actuelle, de la tech-nique, de la manipulation, du déferlement du capitalisme financier. Née en Occident elle déferle sur le monde, nous dégrade, nous menace et menace l’humanité. Ces deux bar-baries sont très unies. Vous comprendrez donc que pour moi, résister est un mot très actuel.

ENTRE Et l’art participe de cette résistance ?AW Si je reprends l’exemple de l’Occupation, l’art résistait par la poésie, partout dans les systèmes dictatoriaux ou tota-litaires… en Union soviétique notamment. La poésie peut plus facilement déjouer la censure et plus facilement circuler. Bien entendu il y a toujours un risque que l’art se transforme en propagande. Aragon a versé là-dedans, il a construit de ma-gnifiques poèmes sur la résistance puis écrit des poèmes sta-liniens absolument grotesques. La musique ou la peinture ont aussi un rôle à jouer. Prenez la « Symphonie de Leningrad » de Chostakovitch, jouée en Union Soviétique, mais aussi dans le monde entier, elle a retranscrit et répandu la représentation de la ville de Leningrad luttant durant le siège qui dura 3-4 ans en 1941. La peinture aussi peut exprimer des idées pro-fondes. Face à une peinture très banale qu’on appelait le réa-lisme-socialisme qui était nulle, d’autres peintures  ont fait front. Le Guernica de Picasso, c’était un acte de résistance au bombardement nazi sur la ville de Guernica.

ENTRE L’art résiste donc, car il fait passer des messages et a valeur de témoignage. L'art n’est pas seulement des grands com-bats il est aussi nécessaire au quotidien…

AW Ma conception est que la vie est une alternance de prose et de poésie. La prose renvoie aux choses obligatoires et emmerdantes, tandis que la poésie c’est ce qui nous exalte personnellement. On ne doit pas considérer l’esthétique comme un luxe, mais comme partie intégrante de la vie. L’art vous invite à mieux jouir de la beauté des montagnes, de la mer, des spectacles… il contribue à cette poésie de la vie dont je vous parle et c’est en ce sens qu’il est fondamental et pas secondaire. Le roman n’est pas du tout un divertissement ou un luxe, il a une fonction de connaissance. Là où les sciences objectives montrent des individus sans jamais connaitre leur subjectivité, le roman permet d'entrer dans la tête des per-sonnages, dans leur vie quotidienne, dans leurs passions.

ENTRE Quelque chose se joue donc entre l’homme et l’œuvre d’art…

AW Tout ce qui est esthétique peut à la fois nous faire goû-ter ce qu’il y a de merveilleux dans l’univers, dans la vie et en même temps nous faire affronter l’horreur, les tragédies. L’art rend à la fois horrible et beau, nous fait à la fois souffrir et jouir. Shakespeare offre la beauté du spectacle qu’il dépeint tout en nous confrontant aux problèmes les plus terribles. C’est dans Macbeth qu’il y a cette réplique absolument déses-pérée qui dit que la vie est une phrase racontée par un idiot qui ne signifie rien, qui est pleine de bruit et de fureur…

ENTRE Pensez-vous que cette capacité d’émerveillement dont vous parlez est toujours aussi intacte ou qu’elle est altérée ?

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On ne doit pas considérer l’esthétique comme un luxe, mais comme partie intégrante de la vie.

Il y a des révélations artistiques qui sont comme des coups de foudre.

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AW Elle est sous-développée, atrophiée, elle n’est pas assez stimulée. Il y a ceux qui la ressentent plus fortement que d’autres, cela dépend des individus… Reste qu’il faut soutenir, favoriser les autodidactismes. Prenez-moi, je ne me considère pas du tout comme un cas exceptionnel, ma famille n’avait pas de culture. Mon père adorait les chanson-nettes, ma mère aimait beaucoup les airs d’opéra, mais un jour j’ai eu un éblouissement : j’ai entendu la 6e symphonie de Beethoven. Quand j’étais môme, je passais mon temps au ci-néma, quelques films m’ont suffisamment marqué pour que je devienne cinéphile. Je lisais des romans d’aventures, de cape et d'épée, et je suis tombé sur Anatole France et Dostoïevski… Aujourd’hui je pense qu’Internet peut permettre ce genre de révélations… et d’autres encore.

ENTRE L’essentiel serait donc de se laisser guider par son ins-tinct, ses prédispositions artistiques ?

AW On peut aussi se faire indiquer la voie par un autre. Ça peut être un professeur, un ami, un cousin… Je crois à la contagion par l’exemple. Le changement ne doit pas seule-ment venir de tout à chacun, mais de l’ensemble de la société. Il faut des réformes dans tous les domaines, qu’on débureau-cratise, qu’on crée des maisons de la solidarité…

ENTRE Reste difficile de parler de nécessité esthétique, no-tamment dans les milieux défavorisés où seul ce qui se rattache la subsistance est perçu comme utile...

AW Mais parfois c’est plus fort que tout, il s’agit de coups de foudre. Ainsi de ce cousin éloigné qui vendait des bas et des chaussettes sous des portes cochères dans Paris, il lit les surréalistes et brusquement ça le transforme, change sa vie. Il travaillera aux Cahiers du sud  (une revue littéraire à Marseille), traduira Garcia Lorca en français, et deviendra attaché culturel à Buenos Aires... Ou de cet ami de mon père, commerçant, il découvre Rimbaud :  c’est le coup de foudre. Il deviendra libraire, ouvrira une librairie rue de Seine, et dé-couvrira même le manuscrit inédit d’Une Saison en enfer. Vous savez, je ne crois pas que le capital culturel se transmette comme le capital fric.

1 Indignez-vous, Stéphane Hessel, éditions Indigène.

2 La Voie, Edgar Morin, éditions Fayard.

Edgar Morin révèle ses émerveillements

U N L I E U« La Toscane est le lieu où il y a la plus grande concentration de beauté que je connaisse. »

U N E M U S I Q U E« Le début de la 9e symphonie de Beethoven, ma première découverte classique. »

U N E P E I N T U R E« Une danseuse de Degas au musée du Louvre, pour sa grâce. »

U N E L I T T É R A T U R E« Celle de Dostoïevski et de Montaigne. »

U N E P E R S O N N E« La femme que j’aime. »

U N P L A I S I R« Observer les oiseaux car à leur vue, même le plus rigoureux des philosophes en oublierait son système. »

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J - 1 Petits pois et boursouflures d’estomac. Ils partirent à l’aube, le vent soufflait. Les hommes, à constamment vouloir ouvrir la marche, pointaient l’avant de leur crosse, tel l’at-tribut d’une douteuse puissance mais peut-être n’était-ce que l’in-dice d’une crainte séculaire… Toujours est-il qu’ils tâtonnaient. Pèlerins d’un nouveau genre, ils agaçaient leurs suites. Les femmes ne les écoutaient pas, il fallait faire vite et tout le monde avait faim.

LA SOUPE COPIEUSE

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JOUR J V’là les bleus ! Bien équipés avec paquetage tassé aux fesses, précis dans leurs mouvements et gestes, ceux-là avaient mangé des steaks. Les autres, que le rouge avait rendus mauves, pataugeaient dans la mélasse. Violette et réglisse, les saveurs d’en-fance dansaient heureuses sur leurs papilles, mais la pupille figée dans la lorgnette, et malgré la confusion, ils se refusaient à fondre. Ils hurlaient. Qu’ils essayent un peu, ces gamins, de venir les siro-ter et ils en feraient des galettes.

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J + 1 Déconfiture. On trouva de la pâte à tartiner compacte et luisante plein les sols. Et tout en se roulant à terre, l’on se souvint de cet instinct premier : manger. Manger vite… avant que de n’être mangé. Se presser.

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J + 1… Fromage qui poisse  et rafales de sauce tomate ou éclaboussures de graisse sur coulée de sang ? Mort ou semence ? Que vois-je  ? Chacun cuisine à sa sauce. Les assaisonnements meurtriers font recette. Mais sans panique s’il vous plaît, car j’irai foutre gros jambon d’homme dans votre gueule que vous fermerez.

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J = J Je me gave, tu te gaves, nous nous vomissons.

VP « Pour répondre à cette commande, je n’avais qu’un mot : résister. Ce n’est pas un mot anodin, ses définitions sont multiples. J’ai choisi de travailler à la fois sur la notion d’in-surrection civile et celle, purement physique, de résistance des matériaux. Les petits soldats de plastique intègrent ces deux approches. Les couleurs employées font échos aux révolutions passées ou actuelles émanant à travers le monde (les « révolu-tions de couleur »). La photo ne retranscrit pas seulement une scénette de maquette, elle reflète les conflits humains. Les traces des combats, la rupture des corps déformés par l’affrontement y figurent comme des taches colorées. Au final, l’impression de dureté qu’aurait pu révéler ce sujet est contournée par cette matière molle aux couleurs vives. »

La photographie de Véronique Pêcheux est, pour finir, restituée dans son intégralité. Les cinq recadrages agrandis constituant une série équivalant au tiers de l'ensemble.

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Personnalité majeure de la scène artistique contemporaine chinoise, Ai Weiwei est aussi un provocateur de talent faisant de son art une forme de dissidence face aux autorités de son pays, qui l’ont emprisonné d’avril à juin 2011. Détournant les objets et les matières de l’art et de l’artisanat traditionnel chinois, il confronte, avec force et humour, la culture classique asiatique à la modernité occidentale. Un art engagé qui, confron-té au travail de Jacques-Louis David, y trouve d’étonnants échos. Pourtant le chef de file de l’école néo-classique, d’abord engagé dans la Révolution française, s’est rapidement pris d’admiration pour Napoléon Bonaparte, et, de portraits officiels en tableaux historiques, s’est mis à son service. Art résistant, art offi-ciel… de l’un à l’autre, les frontières ne sont peut-être pas aussi nettes qu’il y paraÎt.

Les œuvres d’Ai Weiwei sont actuellement présentées au musée d’Art de Lucerne dans le cadre de l’exposition « Shanshui – Poesie Ohne Worte ? » jusqu’au 2 octobre.

Du 28 mai au 21 août s’est tenue au Musée de la Photographie de Winterthur l’exposition Ai Weiwei – Interlacing (catalogue édité par Urs Stahel et Daniela Janser, Steidl Verlag Göttingen). L’exposition sera présentée au Jeu de Paume à Paris du 21 février au 29 avril 2012.

L´ENGAGEMENT À RISQUE DE DEUX ARTISTES

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A I W E I W E I V S J A C Q U E S - L O U I S D A V I D P A R T H O M A S L A P O I N T E , T E X T E C A M I L L E D E F O R G E S

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ŒUVRES CONTEMPORAINES

ET CLASSIQUES SE

RENCONTRENT.

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BRILLANTE IDÉE Fête de brocards, de soies et de chamarrures, le Sacre se déploie sur des mètres de toile et de peinture. Étrange phénomène lumineux abandonné dans un coin de hangar, la lanterne de braise ardente se contemple en son miroir. Se pourrait-il que la clarté leur soit un commun mystère ? Que l’éclat des lourds ornements soit le même que celui de la chenille légère  ? Point, il faut chercher dans la matière : au déploiement de feu aérien répond le défilé des pesants mannequins. En effet, la ribambelle et le fanal sont de papier, gloires bien éphémères que la précarité guette. Qui brillera le plus fort, du lampion chinois ou de l’impériale comète ?

AW Nous, les Chinois, vivons actuellement une époque de ténèbres.« Süddeutsche Zeitung », 29 mars 2011

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Courtesy Mary Boone Gallery, New York

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20 SACRILÈGE  ! Les défis, voilà ce qui enthousiasme les hommes :

les grands hommes de petite taille comme les artistes libres que l’on ose enfermer. Enveloppés d’un rouge d’alerte, sur les traces d’Hannibal ou sur le Champ-de-Mars, ces hommes-là se mesurent aux sommets. Leurs bras tendus de volonté n’essaient point d’ac-crocher des étoiles dans un ciel d’orage ou des guirlandes sur un sapin de fer. Non, propagande ou provocation, ils s’érigent en symboles sur la toile et le papier. Ils nous séduisent, fondent des mythes ou voilent nos icônes, en habiles intimes de l’art, qui sert indifféremment les maîtres les plus divers pourvu que nous y soyons sensibles. Mais dans cette apparente querelle d’anciens et de modernes, de crédules et de cyniques, chacun sait que la main de Bonaparte tenait alors les rênes d’une mule et que l’actuel problème de cet arrogant majeur est sa mise à l’index.

AW Que voulez-vous, quand un gouvernement n’est pas élu, il doit tout maîtriser par la force.Papiers de Chine, 27 septembre 2008

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CREUX DE LA VAGUE Une mort de céladon, voilà ce qui m’attendait. Jamais je ne l’aurais imaginé. Je menais deux combats, l’un pour ma patrie gangrenée de haines, l’autre pour une vie devenue fragile à travers une peau rongée. Je savais qu’il était dangereux de soulever les passions du peuple, c’était comme ordonner à la mer de monter à l’assaut des palais. Les vagues se sont retournées contre moi en mille langues incompréhensibles que je peinais à soumettre. L’une d’elles, d’acier brillant surgie de l’étendue glauque, m’a baigné de rouge. Une mort de céladon, voilà ce qui m’attendait. Hélas ! Ma vie fut un don à Charlotte Corday.

AW Suis-je déjà foutu ?Sur le compte Twitter de l’artiste

Ai Weiwei

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22 À LA GUERRE COMME À LA GUERRE

Enfuis, les rêves d’opulence et d’opaline, Anéantis, les délires chauds et carnés. Les arcs abattus ne sont plus que ruines, La poussière recouvre la terre malmenée.L’Olympe jaloux est descendu sur terrePunir les hommes de leurs vanités,Traduire son courroux par la guerreEt abolir fastes, orgueil et beautés.Repose-toi à présent, ô Mars intrépide.Le devoir accompli, abaisse tes armes,Laisse-toi régir par d’aimables guides,Choisis pour toi parmi tous les charmes.Te voilà pacha fêté en ton royaume,Mais faible et innocent comme un enfant,Car tu ignores que Vénus aime l’hommeEt qu’elle saura venger son amant.

AW Pour l’art, il faut savoir prendre des risques.Conférence d’ouverture de l’exposition

The Unilever Series : Ai Weiwei à la Tate Modern

Ai Weiwei

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L’HISTOIRE SANS FIN La roue de l’Histoire est la seule que rien ne peut arrêter.Secouée sur des ornières creusées à la pointe de l’épée,Elle tourne, elle tourne, sur une assise incertaine,Elle jette à bas des rois et assoit des reines.Sans pitié, elle traverse et divise des familles rouées,Fait le siège des sentiments et des honneurs bafoués.Les frères courent après comme dans un jeu innocent,Leurs sœurs effondrées l’implorent en gémissant.Que de serments sous ces arcades trinitaires, Que de fondements sur ces trônes vulgaires,Le monde en mouvement interdit tout répit,Sur deux ou quatre pieds, la roue tourne, on la suit.

AW La révolution ! J’aime faire changer les structures, casser les règles, les normes.« Le Figaro », 29 juin 2009

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JE NE TRAVAILLE JAMAIS,JE JOUE !

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Provocant, dérangeant, Ai Weiwei aime à se jouer des conventions, n’hésitant pas à questionner les tabous qui paralysent la société chinoise. Arrêté en avril der-nier pour ses prises de position contestataires puis relâché fin juin, il n’a évidemment pas pu se prêter à cette fausse interview mais vraie compilation.

ENTRE Votre travail trouve son origine dans la tradition de l’art et de l’artisanat chinois classique, mais, pour en briser les codes et pour la confronter à une modernité provocatrice, vous la détournez, voire vous la détruisez, ainsi de ces poteries ancestrales réduites en miettes par vos soins. Une forme d’art mixte…

AW L’art a toujours été très présent en Chine, nous avons l’habitude d’utiliser toutes sortes de matériaux, et ce n’est pas quelques dizaines d’années de communisme qui allaient tout faire disparaître ! (Papiers de Chine, 27 septembre 2008)

ENTRE Comment vous définiriez-vous ? Artiste, militant, rebelle ?AW Les artistes sont avant tout des hommes. Toutes mes œuvres veulent exprimer une valeur, une vérité, sinon, à quoi bon ? (…) Je ne sais pas jusqu’où je peux aller, chaque jour ré-serve des événements imprévisibles, mais je n’ai pas le choix, c’est ma raison de vivre. (« Le Figaro », 29 juin 2009)

ENTRE La contestation du régime chinois dans votre travail artistique vous est-elle apparue comme une évidence ?

AW C’est la manière la plus excitante pour moi de faire de l’art. Ça ne servait à rien de lancer en l’air de belles idées, c’est beaucoup plus efficace de s’attacher à des cas concrets, auxquels les gens réagissent. Nos actions font comprendre à tous ces jeunes gens dans quel système on vit.(« Le Monde », propos recueillis par Brice Pedroletti, 8 septembre 2009)

En général, les gens sont aveugles. Le gouvernement, et même les gens intelligents et créatifs, nous sommes tous aveugles.

Je vois mon œuvre comme une manière de ne pas avoir peur.(Slate.com, 8 avril 2011)

ENTRE Pensez-vous qu’un artiste ait encore dans la Chine ac-tuelle la possibilité de contribuer ouvertement à changer la société ?

AW Pas vraiment. Pour la Chine officielle, je n’existe déjà plus. Si vous cherchez mon nom sur Internet, vous aurez un message d’erreur. On m’a « harmonisé » [euphé-misme ironique désignant la censure]. Mais j’ai 70 000 fans sur Twitter, qui est encore accessible en Chine grâce à quelques astuces techniques. Je commente des problèmes de société, pour que les gens voient que le feu n’est pas complètement éteint, qu’il y a encore une étincelle. Si celle-ci devait s’éteindre aussi, ce serait tout simplement trop triste. (« Süddeutsche Zeitung », propos recueillis par Henrik Bork, 6 avril 2011)

ENTRE Internet a joué un rôle majeur dans la mobilisation pour votre libération, aussi bien dans votre pays que dans le monde entier…

AW Internet est l’une des choses les plus précieuses qui soit dans ce pays emmuré.(Papiers de Chine, 27 septembre 2008)

ENTRE Vous êtes l’un des rares Chinois qui osent encore parler ouvertement avec les journalistes étrangers. Est-ce que ça aussi, ça n’est pas dangereux à la longue ?

AW Oui, je demande souvent aux journalistes pourquoi ils ne vont pas poser leurs questions à quelqu’un d’autre. Ce serait beaucoup mieux pour moi. S’il y avait quelqu’un d’autre comme moi, mon fardeau serait de moitié moins lourd. S’il y en avait dix, mon fardeau serait dix fois moins lourd. Mais, en attendant, c’est mon boulot, à moi tout seul. C’est drôle. Et en même temps j’ai très peur.(« Süddeutsche Zeitung », propos recueillis par Henrik Bork, 6 avril 2011)

ENTRE Pour conclure, un mot qui définirait votre travail ?AW Je ne travaille jamais. Je joue ! (Papiers de Chine, 27 septembre 2008)

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Ai Weiwei

(A) « Descending Light », 2007

(B) « The Wave », 2006

(C) « 20 Chairs from the Qing Dinasty », 2009

(D) « Study of Perspective », 1997

(E) « Provisional Landscapes #17 », 2002-2005

Jacques-Louis David

(F) « Sacre de l’empereur Napoléon Ier

et couronnement de l’impératrice Joséphine

dans la cathédrale Notre-Dame de Paris,

le 2 décembre 1804 », 1805-1807

(G) « Le Premier Consul franchissant

les Alpes au col Saint-Bernard », 1800

(H) « Marat assassiné », 1793

(I) « Mars désarmé par Vénus », 1824

(J) « Le Serment des Horaces », 1784

(A)

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BB Mark Twain a écrit  : «  Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. » Je rejette le prédéfini, la sanction lais-sée par des générations d’égoïsme et de pensée à court terme, le poids de l’inné et la fausse liberté de l’acquis. Je crache sur la carte d’iden-tité génétique et sociale. Je veux que le chat de Schrödinger gouverne le monde. Chat antisocial. Je ne veux plus que mon vote blanc soit considéré comme une abstention. Je veux donner le pouvoir à celui qui ne le réclame pas. Je veux être jugé sur les moyens que je me donne et pas sur mes performances. Je veux offrir le prix Nobel de la paix à

LES VRAIS ROIS

1 + 1 = A U T R E C H O S E

P H O T O G R A P H I E S N I G E L D I C K I N S O N & J E A N - M A R C K U N T Z T E X T E B E S B E S

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D’UNE IMAGE

À UNE AUTRE.

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l’inventeur du courage. Les derniers seront les premiers et chaque homme sera son propre maître. Les fous sont les vrais rois et les rois sont définitivement fous de croire qu’ils le sont. Les hommes sont libres et égaux en droits mais pas en contraintes. La justice n’est pas un concept naturel. C’est une utopie qui mérite large-ment d’être malmenée. Nous avons besoin de celui qui consacre son énergie à mouler le monde sur son cœur plutôt qu’à travailler sa propre image. Nous avons besoin de celui qui donne beaucoup d’amour sans en recevoir autant, quelqu’un aimé par moins de nos semblables, mais mieux.

ND « Il s’agit d’une jeune femme militante écologiste, pieds nus, en débat avec un policier anglais. Le débat porte sur l’environnement. Une manifestation contre le programme du gouvernement britannique qui voudrait construire des auto-routes à travers le pays, rayer des cartes ces SSI (sites d’in-

térêt scientifique) ainsi que des communautés vivant sur les routes. Ce mouvement “écoguerrier”, qui date du début des années 90, fut un prédécesseur du mouvement antimondiali-sation. » Twyford Down, Angleterre, 1992.

JMK « Tout d’abord, je suis resté un moment sans voix devant la construction visuelle des deux photos et du texte qui l’accompagne. Je retiendrais un mot dans le texte : “ courage ”… Offrir le prix Nobel à l’inventeur du courage me semble être une très bonne chose. Je pense que tout homme doit trouver dans le courage, sans rien attendre de l’extérieur, la force d’accomplir son « métier » d’homme et de citoyen en accomplissant la fonction que la nature lui donne et en assu-mant le rang qui est le sien dans la communauté. »

N I G E L D I C K I N S O N

Photoreporter britannique, il s’intéresse aux questions de l’identité,

de l’environnement et à l’autodétermination des peuples marginaux.

Il a vécu avec les mineurs de charbon en grève contre Thatcher, avec

des indigènes de Bornéo en lutte contre la déforestation, dans les

décharges publiques de Phnom Penh et avec les Roms du monde entier.

J E A N - M A R C K U N T Z

Sa sensibilité s’exprime librement à travers les gens et embrasse

naturellement les paysages, parfois vus du ciel ou bien en pleine chute.

« Photographe autodidacte, j’aime particulièrement la photo de

reportage qui permet de retranscrire le ressenti lorsqu’on observe le

monde environnant. »

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BC Le mal était fait. Sans ménagement, nous fûmes livrés à la merci du bruit blanc de la mer, obsédant et rêche. Le climat délétère avait instauré sa loi. Cymbales crissantes, cordes grinçantes, percussions lourdes et mates… Une résistance face à cet écran âpre qui nous rongeait peu à peu ; une musique aussi sauvage que profondément humaine, irritante mais transpirant l’urgence comme jamais.À l’intérieur, l’atmosphère n’était guère plus rassurante. Alors qu’un semblant d’ordre se dessinait à l’apparition de l’officier, rutilant violoncelle parmi les percussions répétitives et froide-ment fonctionnelles de la masse, les motifs musicaux qui se firent entendre nous apparurent faussés. Ce qui autrefois était sans âme – mais néanmoins juste – avait revêtu des couleurs de désil-lusion. Face à l’étouffante discipline, notre refuge nous apparut dans l’atonalité. Dès notre départ, les cordes des tables suspen-dues se balançaient à vide en résonnant comme autant d’arpèges

désarticulés, tandis que les grincements de la carlingue ryth-maient notre révolte. Car dans les cuisines, l’humeur était à l’exal-tation. Les basses vibrionnaient, les cordes frottées déployaient leurs notes en douce dans un nuage de malice et d’espoir. Arriva le violoncelle. Suspension. Ne restait plus dans l’air que cette note ténue, hautaine, qui traversa les lieux de son attitude guin-dée. Nous reprîmes la danse alors que l’autre s’en alla rejoindre son chef d’orchestre. Il savait que le bruit blanc de la mer n’allait plus suffire pour nous faire taire.Ils ont fait de nous ce que nous sommes. Car ce jour-là, la viande pourrie avait contaminé nos sens, sans avoir été mangée.

LE BRUIT BLANC DE LA MER

S O N S E T I M A G E S

L E C U I R A S S É P O T E M K I N E ( 1 9 2 5 ) F I L M S E R G U E Ï E I S E N S T E I N

T E X T E B A S T I E N C H E V A L

UNE BANDE-FILM

ACCOMPAGNÉE

D’UNE ORIGINALE

BANDE-SON.

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EXPRESSIONS LIBRES

R E V U E E N D É T A I L S

P H O T O G R A P H I E A U G U S T I N L E G A L L T E X T E C A T H E R I N E M I N O T

(A) Résister, est-ce ouvrir les yeux ou les fermer  ? Pourquoi les yeux, d’ailleurs, pourquoi pas la bouche ? (B) La bouche, barrée d’une croix bleue, la bouche close fermée, la bouche qui ne dit pas ce que les yeux voient. Garder les yeux ou-verts, de biais, même de biais ou par en dessous, mais ouverts pour enregistrer mémoriser conserver, pour se faire archiviste documen-taliste chroniqueur en douce du dur malheur quotidien. (C) Et puis, avant d’arracher le bâillon, d’avancer les lèvres pour clamer murmurer scander : non oui je veux, de se contredire et de re-commencer. Avant tout cela qui fait bruit et nombre, sur les places de toutes les libérations. Avant cela – rêver, fermer les yeux, se rendre à l’enfance, éclairée de l’intérieur. Rêver d’un monde habitable. (D) Les yeux fermés, pincer un peu les lèvres, crainte et excitation mêlées. Sourire, sourire encore, avant d’ouvrir les yeux et d’exiger.

ALG « Ces deux portraits font partie d’une série réalisée pendant la révolution tunisienne. En février 2011, j’ai été frappé par la jeunesse des manifestants qui scandaient leur mécontentement contre les gouvernements de transition accusés de trahir la révolu-

tion populaire. À l’instar des slogans inscrits sur les murs de cette place désormais célèbre, j’ai demandé à ces jeunes qui portaient ces traces visuelles sur leurs visages de poser les yeux fermés puis les yeux ouverts, symbolisant cet éveil démocratique et cette vigilance mobilisée, marquant l’espoir d’une liberté d’expression durement conquise. »

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C

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UNE PHOTO PASSÉE

AU CRIBLE.

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& L E C O L L E C T I F

L E D E R N I E R C R I

Dans le cadre de la 17e édition

de l’Etrange Festival au Forum

des Images la galerie Le Cabinet

des Curieux présente :

Le Dernier Cri – 3D

Du 5 septembre au 8 octobre 2011.

www.cabinetcurieux.com

E D G A R M O R I N

La Voie aux éditions Fayard,

janvier 2011.

En attendant la sortie des

Chemins de l’espérance qu’il

prépare avec Stéphane Hessel…

S E A N H A R T

Né au printemps 1981.

www.seanhart.org

theseanhart.blogspot.com

V É R O N I Q U E

P Ê C H E U X

www.veroniquepecheux.com

V A L È R E N O V A R I N A

Le Vrai sang aux éditions P.O.L,

janvier 2011.

Véro

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A I S A N A M E

www.a-is-a.name

Retrouver les interviews des

artistes sur le site internet

d’ENTRE :

www.revue-entre.fr

A I W E I W E I

Ai Weiwei : New York Photogra-

phs 1983-1993, présentée à l’Asia

Society Museum, à New York,

expose pour la première en

dehors de la Chine la série de

photographie de l’artiste prise

lors de son escapade américaine.

Retrouvez le tout dans un cata-

logue passionnant.

asiastore.org/aww-newyork.html

A U G U S T I N L E G A L L

Son exposition

« Portrait d’une révolution

arabe » sera accueillie à

la médiathèque Max-Rouquette

à Bédarieux (34).

Du 1er au 19 octobre 2011.

www.algopix.net

N I G E L D I C K I N S O N

Vingt ans de photo-documentaire

sur les Roms au Biennale de Venise

2011. Le Pavillion des Roms : 

www.romamediaarchive.net/

roma-beyond-borders

www.nigeldickinson.com

J E A N - M A R C K U N T Z

ll prépare avec la mosaïste

Katleen un projet sur la mater-

nité : Rondeurs et Fées Mères.

www.jmk-photos.fr

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A N N A S K A , C É L I N E T O R R E N T

Exposition

E T L A L U M I È R E F U T « S’il y a des tableaux au ciel, ils ressemblent à ceux de Fra Angelico », s’extasiait Théophile Gautier. Le jugement du bouillonnant théoricien de l’art pour l’art dit autant la profondeur spirituelle de ce maître du Quattrocento que la fécondité de son pinceau. Entre ors gothiques et innovations Renaissance, une partie de son œuvre sur bois est présentée au musée Jacquemart-André avec celle de ses contemporains – Lorenzo Monaco, Paolo Uccello ou Filippo Lippi. « Fra Angelico et les Maîtres de la lumière », musée Jacquemart-André, Paris 8e. Du 23 septembre au 16 janvier.

Théâtre

I B S E N É B R A N L É P A R U N A R G E N T I N En voyant les versions de Maison de poupée et d’Hedda Gabler proposées par Daniel Veronese et sa troupe, on est immédiatement emporté par cette réexploration libre, décomplexée et pleine d’humour. D’autant plus qu’un jeu de contrastes inédits émerge dans la rencontre entre ces textes nordiques et des comédiens latino-américains à l’énergie débordante, n’hésitant pas à s’amuser, entre autres, avec les codes des telenovelas. S’ajoute cette fois une nouvelle création autour de La Mouette de Tchekhov.« Les enfants se sont endormis… » et « Le Développement de la civilisation à venir », Théâtre de la Bastille. Du 21 septembre au 2 octobre 2011.

Musique underground

G U É R I L L A A U D I T I V E Seul crew français de grime, musique née dans l’underground anglais au début du millénaire, Grime Sin impressionne par des performances vocales ultrarapides sur des beats sombres aux confluents de l’électro, du dancehall, du hip-hop et du dubstep. Un collectif de fous furieux à découvrir absolument avant ton voisin.« Peur sur la ville », La Crise Productions. www.grimesin.com

Théâtre

H A M L E T P R O F A N É Le programme n’est pas annoncé : il est hurlé dans un mégaphone. Vincent Macaigne et ses comédiens survoltés sont de retour. Après Idiot ! de Dostoievski, et Requiem III, qui laissèrent dans tous les esprits une traînée de poudre (d’or), de soufre et de laque noire dégoulinante, c’est à Hamlet, icône du théâtre occidental, d’être joyeusement profané, et sans doute ressuscité.

La révolte du jeune prince danois se révèle être l’outil parfait pour stimuler l’imagination insensée du jeune metteur en scène français. Après un passage fracassant au Festival d’Avignon cet été, la troupe revient sur Paris. Précipitez-vous et n’ayez crainte de trébucher...« Au moins j’aurai laissé un beau cadavre », Théâtre de Chaillot. Du 2 au 11 novembre.

C’EST TELLEMENT

MIEUX EN VRAI

Danse

T R I S H A B R O W N , 4 X 4 Chaillot célèbre la grande prêtresse de la post-modern dance qu’est Trisha Brown. Chantre

d’une danse « hors les murs », investissant dans les années 70 et 80 toits de buildings, galeries d’art et parcs new-yorkais, c’est entre les quatre murs du théâtre parisien que la chorégraphe nous offre aujourd’hui en une seule et même soirée une traversée de son œuvre en Quatre pièces : deux reprises et deux productions inédites. Un programme en forme d’art poétique, mettant à l’honneur l’atemporelle et intarissable fécondité d’une artiste visionnaire.« Quatre pièces » Théâtre de Chaillot, Paris 16e. Du 5 au 14 octobre.

NOS COUPS DE CŒUR EN

MATIÈRE D’ARTS,

CULTURES ET

AUTRES.

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Restaurant

B A R B È S S A U C E A M É R I C A I N E Installé dans une ancienne imprimerie construite dans les années 1930, le Floors est un lieu pour le moins atypique, qui déploie derrière son immense verrière arrondie, à l’angle de la rue Myrha et de la rue Poulet, un escalier en colimaçon et trois étages décorés

sobrement façon dîner américain rétro des fifties. Dans l’assiette, cette cantine new-yorkaise assure : de succulents hamburgers faits maison à dévorer à pleines mains, des milk-shakes, cheese-cakes et autres délicieux pancakes noyés sous le sirop d’érable… De quoi mettre vos papilles en quarantaine pour overdose de bonheur culinaire !Floors, 100 rue Myrha, Paris 18e, métro Château-Rouge.

Rencontre

M A R C E L I N O E L P A I L L A S S OGrosses bouclettes grises qui s’éparpillent de sous les deux bobs qu’il a vissés sur la tête. Le visage noir de suie et rouge aux joues avec, bien sûr, les grosses godasses. Il traverse le passage clouté un paquet de chips à la main esquissant des pas de danse sautillés, plein sourire. Il m’intrigue. Je m’arrête pour le prendre en photo. Il pose les jambes écartées, les bras grands ouverts, comme si « c’était cadeau ». Une Ferrari passe, il lui fait signe de la main, se marre puis m’explique son choix d’être dans la rue car être libre, ça le rend de belle humeur. Le genre de mec qui vous met une claque au cerveau.Près du quai de la Rapée, Marcelino y était mais il est reparti ailleurs…

Enseigne

U A H   ! Un sympathique concept store dédié à l’Asie contemporaine. On y trouve une sélection ludique d’objets improbables avec en prime tout un rayon culinaire. L’accueil est excellent et l’information pointue. À découvrir cette saison : les furoshiki, des carrés de tissu japonais très graphiques qui peuvent se plier à de multiples usages. Le sous-sol voûté abrite une

librairie d’art et un espace d’exposition.Uah, 62 rue de l’Arbre-Sec, Paris 1er. www.uah-paris.com

Festival

A M B I A N C E D E N U I TPoétique, artistique et numérique, la Nuit blanche consacre cette année « le temps qui passe ». À tester : Purple rain où la pluie mauve tombera dans la cour de l’hôtel Albret qui prendra alors des allures de plateau de tournage. Un parapluie sera remis au spectateur pour qu’il déambule à sa guise. Pierre Ardouvin, l’auteur de cette installation, avait créé la féérie lors de l’édition de 2004 avec son bal perdu au milieu des Halles, façon boule à neige.Nuit blanche. Paris et banlieues. 1er octobre.

Vu en passant

C E C I N ’ E S T P A S U N P A I N« Tous les matins il achetait son petit pain au chocolat lalalala…. » Mais ce jour-là, la boulangerie traditionnelle avec marbre et dorures était devenue boutique de fringues. Les grossistes en textile sont venus grignoter le quartier… sans rien toucher à l’enseigne, cette fois.45 rue Popincourt, Paris 11e.

J’EN PEUX PLUS, IL FAUT QUE JE SORTE !

En salle

G U S V A N S A N T , L ’ A M O U R À M O R T Elle, malade en phase terminale. Lui, squatteur d’enterrements. De la rencontre de ces deux adolescents obsédés par la mort naît un amour de jeunesse plein d’innocence et de fraîcheur. L’occasion pour Gus Van Sant, qui au passage refait un tour par les studios hollywoodiens, de retrouver ses thèmes favoris, la jeunesse et la mort. Car ce qui fonde toute l’originalité et la force de son cinéma, ce n’est pas de faire de l’adolescence un âge brutal et spontané, mais de la magnifier dans une atmosphère de mélancolie mortifère.« Restless », en salle le 21 septembre.

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Livre d’art

È R E S , F E U I L L E S , C I S E A U X Par pur plaisir de découvrir « un artiste inconnu dont on ne sait rien » comme ils disent. Du collage dada/constructiviste et une époque qui se dessine : des régimes totalitaires qui font bloc. Lui-même finira ces jours dans un goulag. « Les Collages de Karl Wald-mann », sous la direction de Jean-Philippe Cazier, éd. Jannink, 2010.

Nouvelles

C H R O N I Q U E S D E L ’A B S U R D E Quatre textes nus, incisifs, quatre monologues qui déroulent le fil d’une longue solitude dans une terre pétrie de violence infinie, absurde. Celui d’un chauffeur de taxi au volant de sa 504, qui invective Alger la prostituée. Ou encore celui d’un ingénieur qui a construit un avion dans une Algérie qui ignore sa découverte, « car il n’y a que deux sortes de peuples : ceux qui ont appris à marcher dans le ciel et ceux qui se font marcher dessus ». Un pays « libre et inutile » qui a bouffé ses enfants, une indépendance qui n’a pas porté ses fruits, c’est ce dont parle Kamel Daoud avec sa rage combative et sa langue directe. « Le Minotaure 504 », Kamel Daoud, éd. Sabine Wespieser.

Photographie

D E P È R E E N F I L S Avec la série de photographies très personnelles de son père, Days With My Father, Phillip Toledano rend hommage à un homme qui se fait vieux, mais qui garde toujours autant d’humour et d’élégance. Mais aussi un homme qui, après la mort de sa femme, se bat contre une mémoire défaillante.Le photographe sublime un corps abîmé dans des portraits intimes à fleur de peau, où la force côtoie l’amour, l’intensité la fragilité, et la vie la mort. www.dayswithmyfather.com

Livre photo

B R A S S A Ï N E W - Y O R K A I S C’est le grand photographe français connu pour ses clichés de la métropole et son usage constant du noir et blanc. On le découvre ici sous un nouvel œil : il rejoint le nouveau continent après des années de refus, fait usage du petit format parfois et surtout, il s’essaie au Kodachrome. Les États-Unis (la Louisiane et New York) sont faits de couleurs, partout. Brassaï s’adapte et fait, une fois de plus, preuve de génie.« Brassaï en Amérique, 1957 », Agnès de Gouvion Saint Cyr, éd. Flammarion.  

Ballades pop

M É L A N C O L I Q U E T E M P Ê T E S O N O R E Rien de mieux pour profiter des derniers rayons de soleil que les accords rêveurs du

groupe suédois The Radio Dept. Aux guitares saturées et aux voix étouffées qui ont fait leur succès s’ajoute cette fois-ci une bonne dose de pop étincelante et atmosphérique. Onirisme et nostalgie se mélangent dans un tourbillon sonore et sensuel à la puissante dimension cinématographique. Inspirées par la nature scandinave, ces dix ballades semblent accompagner les scintillements d’une lumière froide, les effleures d’un lac gelé ou la course lascive des nuages.« Clinging to a Scheme », Labrador Records.

Roman

L E N O U V E L O P U S D E R E I N H A R D TTombé parmi les préautomnales feuilles de la rentrée litté-raire, le très attendu dernier livre d’Éric Reinhardt, Le Système Victoria, promet quelques étincelants moments de lecture. Plongés dans les réminiscences labyrinthiques d’une rencontre qui aurait dû ne pas avoir lieu, nous suivons les péripéties de David Kloski à travers le fantasmatique prisme d’une reine de glace, Victoria de Winter. « Le Système Victoria », Éric Reinhardt, éd. Stock.

À FEUILLETER OU ÉCOUTER… TRANQUILLE

BD

V O X P O P U L I Howard Zinn était un intellectuel engagé, qui a dépeint avec force la face sombre de l’histoire des États-Unis. Paul Buhle et Mike Konopacki synthétisent ici en BD les best-sellers de l’historien. Les combats des Indiens, des femmes, des Noirs et des syndicalistes ainsi que les stratégies

d’expansion politico-économique américaines sont racontés au travers de petites histoires et de photos d’archives. Aussi instructif qu’un livre scolaire, mais politiquement dérangeant. Zinn donne la parole au peuple. Ça fait du bien et ça fait mal.« Une histoire populaire de l’empire américain », M. Konopacki, P. Buhle, H. Zinn, Coconino Press/Vertige Graphic.

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Film

F E U X R A V A G E U R S Adaptée d’une pièce du dramaturge contemporain Wajdi Mouawad, Incendies est une tragédie contemporaine aux résonnances mythologiques où deux enfants, à la mort de leur mère, partent à la recherche de leur père et de leur frère qu’ils n’ont jamais connus. Brillante réflexion sur le pardon et la réconciliation, le film sublime toute la puissance et la violence du secret familial grâce à une partition esthétique faite de lents travellings hypnotiques et de musiques lancinantes. Et Lubna Azabal d’enflammer l’écran de son interprétation viscérale d’une mère courage stupéfiante de pudeur, d’émotion et de souffrance.« Incendies », en DVD, CTV International.

Film

L A V O I X E S T L I B R E Une troupe de musiciens israéliens et palestiniens réunis par un Français part en tournée dans l’Hexagone… Inévitablement, des tensions troublent l’entente à laquelle tous aspirent. Magnifique documentaire qui traite avec justesse et sensibilité des rapports entre les deux communautés, D’une seule voix montre qu’un demi-siècle de guerre n’empêche pas des musiciens de se rencontrer. Parce que, comme le rappelle son réalisateur, Xavier de Lauzanne, l’art partagé « permet de renouer avec sa propre humanité ». Un exemple magistral et fragile comme la paix.« D’une seule voix », en DVD, Aloest Distribution.

Festival

D É J À C L A S S I Q U EQu’il est doux chaque année de se laisser porter par la musique classique lorsque la nature chante tout autour. L’esprit a alors tout loisir de vagabonder vers les feuillages, retrouver les oiseaux… s’envoler, prendre le vert. Chaque samedi et dimanche à 16 heures puis à l’issue du concert, les artistes sont au rendez-vous sur le patio 13. Cette année, les Amériques sont à l’honneur.« Classique au vert », Parc floral de Vincennes. Jusqu’au 25 septembre.

Cinéma

A C I D C O R R O S I F L’ACID, c’est l’association qui œuvre depuis dix-neuf ans à la diffusion en salles de films indépendants. Chaque année, à Cannes, elle présente sa sélection de pépites originales, merveilleuses et parfois osées. Ne pas louper la reprise de la programmation à la rentrée !Cinéma des cinéastes, Paris 17e. Les 24 et 25 septembre.

Exposition

M A C A B A N E A U C A N A D A« My Winnipeg » inaugure une série d’expositions originales à découvrir absolument. À l’honneur, les scènes artistiques, dynamiques, mais en marge des grands circuits de l’art. Premier arrêt dans cette ville du cœur du Canada, avec 70 artistes contemporains à l’imaginaire fécond.« My Winnipeg », La Maison rouge, Paris 12e. Jusqu’au 25 septembre.

OH LÀ LÀ, JE L’AI LOUPÉ !

NON PAS ENCORE

Exposition

B E S T I A I R E A U C H Â T E A ULes bêtes de grès ou de porcelaine investissent la salle de bains de Napoléon Ier autant que le boudoir de Marie-Antoinette. Le Renard de Cheshire de Françoise Petrovitch, le Dragon dans les nuages de Clémence Van Lunen ou la Sphinge de Louise Bourgeois : le château de Rambouillet accueille les créations de Sèvres. Que les retardataires se rassurent, une exposition à la Conciergerie regroupera quelques-unes de ces bestiales pièces. « Le Bestiaire national de Sèvres », château de Rambouillet, jusqu’au 16 octobre. Puis « Bêtes off » à la Conciergerie, jusqu’au 15 novembre.

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Samedi 22 octobre 

entrée gratuite

sur présentation de ce coupon

au Palais de Tokyo.

Une place achetée ↓

Une place offerte,

pour les 20 premiers lecteurs se

présentant à la caisse avec la revue,

à compter du 28 septembre à 14h.

Cinéma d’art et essai

Georges Méliès, avenue

de la résistance, Montreuil.

Le 28 septembre

à 20h30

L’Appolonide, souvenirs de la

maison close, de Bertrand Bonello,

en sa présence et celle de l'actrice

Adèle Haenel

Une place achetée ↓

Une place offerte,

pour les 20 premiers lecteurs se

présentant à la caisse avec la revue,

à compter du 28 septembre à 14h.

Cinéma d’art et essai

Georges Méliès, avenue

de la résistance, Montreuil.

Le 29 septembre

à 20h15 

Avant-première de

Il était une fois en Anatolie,

de Nuri Bilge Ceylan, Grand Prix

du jury au dernier festival de

Cannes, en présence exceptionnelle

du réalisateur.

30 entrées gratuites

à gagner

Sur la page Facebook revue ENTRE,

les 30 premières personnes

à se manifester sur notre mur

recevront une place.

Mot de passe : ROMA-KLEIN

à la MEP.

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3e arrondissement La Gaîté Lyrique (3 bis rue Papin)La galerie Yvon Lambert (108 rue Vieille-du-Temple) La galerie Gabriel & Gabriel (68 rue du Vertbois)La galerie Daniel Templon (30 rue Beaubourg)Le musée Carnavalet(23 Rue de Sévigné) OFR Librairie (20 rue Dupetit-Thouars)

4e arrondissement La Maison européenne de la photographie (5 rue de Fourcy)

6e arrondissementL’école et la galerie des Beaux-Arts (14 rue Bonaparte)Le musée Zadkine (100 bis rue Assas)

7e arrondissementLa médiathèque du musée du Quai-Branly (37 quai Branly)

8e arrondissementLe Jeu de Paume (1 place de la Concorde)

9e arrondissementLa galerie VU (58 rue Saint-Lazare) Musée Gustave Moreau (14 rue de La Rochefoucauld)

10e arrondissementLe Point éphémère (200 quai de Valmy)

La galerie Wallworks (4 rue Martel)

11e arrondissementLe Café de la danse (5 passage Louis-Philippe)La galerie Anatome (38 rue Sedaine)La Maison des métallos (34 rue Jean-Pierre- Timbaud)La galerie Voskel (141 rue Amelot)

12e arrondissementLes Ateliers de Paris (30 Fg-Saint-Antoine)La Cinémathèque (51 rue Bercy)La Maison Rouge(10 Boulevard de la Bastille)

13e arrondissementBétonsalon (Esplanade Pierre- Vidal-Naquet)La galerie Air de Paris (32 rue Louise-Weiss)

14e arrondissementLa Fondation Cartier pour l’art contemporain (261 boulevard Raspail)La Fondation Henri Cartier-Bresson (2 impasse Lebouis)La galerie Camera Obscura (268 boulevard Raspail)La Maison Revue Noire (8 rue Cels)

16e arrondissement La librairie du musée d’Art moderne (11 avenue du Président-

Wilson) Le Palais de Tokyo (13 avenue du Président-Wilson)

18e arrondissementLe BAL (6 impasse de la Défense)La Fémis (6 rue Francœur) Jeune Création(24, rue Berthe)La Machine du Moulin Rouge (90 boulevard de Clichy)

19e arrondissementLe Merle Moqueur au CENTQUATRE (104 rue d’Aubervilliers  5 rue Curial)Le Café Caché du CENTQUATRE (104 rue d’Aubervilliers 5 rue Curial)Le Glazart (7-15 avenue de la Porte- de-la-Villette)L’Atelier du Plateau (5 rue du Plateau)

20e arrondissement La Maroquinerie (23 rue Boyer)Le Merle moqueur (51 rue de Bagnolet)La Flèche d’or (102 bis rue Bagnolet)

M O N T R E U I LLe cinéma d’art et essai Georges-Méliès (avenue de la Résistance, centre commercial de la Croix-de-Chavaux)Les Instants Chavirés (7 rue Richard-Lenoir)

V I T R Y - S U R - S E I N E Le MAC/VAL (Place de la Libération)

P R O C H A I N R E N D E Z - V O U S

N U M É R O 2 : «   L E S G U E U L E S C A S S É E S   »

L E 2 2 N O V E M B R E

Avec, notamment, Berlinde de Bruyckere et les artistes de la Biennale d’art contempo-rain de Lyon 2011.

OÙ NOUS TROUVER ?

OBSERVER L’OFFENSIVE

VERBALE DES MOTS.

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