Enseigner l évolution biologique dès l école primaire : du rêve à … · Enseigner...

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Enseigner lévolution biologique dès lécole primaire : du rêve à la réalité. Problématique développée : Comment passer de la transmission difficile et souvent bâclée d’une théorie complexe à la construction effective de quelques connaissances par les élèves grâce à une démarche d’investigation basée sur des arguments scientifiques observables et discutables. La classification moderne du vivant ou classification phylogénétique a pour principe de refléter le plus précisément possible l’évolution arborescente des organismes des biodiversités actuelles et passées. Les éléments matériels manipulés par les élèves qui classent des animaux 1 doivent permettre, grâce à une méthode identique à celle utilisée dans les laboratoires de systématique, d’arriver aux mêmes résultats. Le niveau de difficulté des observations restera la seule différence évidente entre ce que vont faire les élèves et les recherches actuelles en systématique. Alors que les scientifiques s’intéressent à des arguments anatomiques très fins et vont rechercher dans la structure des biomolécules des preuves concordantes sur les relations de parenté entre taxons, les élèves seront amenés à classer les animaux sur des caractères communs facilement observables tels que la présence de poils, plumes, squelette interne, coquille, sabots, cornes, crocs … Les activités de classe proposées privilégient avant tout la rigueur méthodologique de l’argumentation qui est l'essence même de la science. D’un point de vue didactique l'approche active du sujet par une démarche d’investigation est très différente du simple discours qu'on trouve dans tous les manuels. Un discours sans arguments scientifiques et dont la logique n’apparaît jamais est facilement démontable par tout un chacun. Cela peut être le citoyen lambda, éventuellement parent d’élève, s’appuyant sur une méconnaissance profonde du sujet et sur ses propres représentations ou une personne utilisant un discours d’autorité s’appuyant sur un dogme religieux traditionnel ou un discours plus pernicieux tel celui tenu par les nouveaux prophètes de l'Intelligent Design. 1 La classification des végétaux, trop complexe, n’est pas abordée à l’école primaire.

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Enseigner l’évolution biologique dès l’école primaire : du

rêve à la réalité.

Problématique développée : Comment passer de la transmission difficile et souvent bâclée d’une théorie complexe à la construction effective de quelques connaissances par les élèves grâce à une démarche d’investigation basée sur des arguments scientifiques observables et discutables. La classification moderne du vivant ou classification phylogénétique a pour principe de refléter le plus précisément possible l’évolution arborescente des organismes des biodiversités actuelles et passées. Les éléments matériels manipulés par les élèves qui classent des animaux1 doivent permettre, grâce à une méthode identique à celle utilisée dans les laboratoires de systématique, d’arriver aux mêmes résultats. Le niveau de difficulté des observations restera la seule différence évidente entre ce que vont faire les élèves et les recherches actuelles en systématique. Alors que les scientifiques s’intéressent à des arguments anatomiques très fins et vont rechercher dans la structure des biomolécules des preuves concordantes sur les relations de parenté entre taxons, les élèves seront amenés à classer les animaux sur des caractères communs facilement observables tels que la présence de poils, plumes, squelette interne, coquille, sabots, cornes, crocs … Les activités de classe proposées privilégient avant tout la rigueur méthodologique de l’argumentation qui est l'essence même de la science. D’un point de vue didactique l'approche active du sujet par une démarche d’investigation est très différente du simple discours qu'on trouve dans tous les manuels. Un discours sans arguments scientifiques et dont la logique n’apparaît jamais est facilement démontable par tout un chacun. Cela peut être le citoyen lambda, éventuellement parent d’élève, s’appuyant sur une méconnaissance profonde du sujet et sur ses propres représentations ou une personne utilisant un discours d’autorité s’appuyant sur un dogme religieux traditionnel ou un discours plus pernicieux tel celui tenu par les nouveaux prophètes de l'Intelligent Design.

1 La classification des végétaux, trop complexe, n’est pas abordée à l’école primaire.

Un enseignement trop ambitieux basé sur la transmission de connaissances complexes et très souvent dépassées. L’enseignement dispensé au primaire (ou dans les media de vulgarisation) ne peut induire au mieux que des représentations erronées et au pire un grand vide. Des schémas bien ancrés issus de simplifications malheureuses sont dans tous les esprits. L’un des plus solidement établi est celui d’une représentation linéaire de l’évolution menant à l’homme moderne et partant du singe.

Cette vision est bien entendue totalement fausse notamment parce

qu’une espèce actuelle, le chimpanzé, Pan troglodytes, ne peut pas être l’ancêtre d’espèces fossiles comme Homo erectus et Homo neanderthalensis. L’idée véhiculée par cette image - et ce n’est pas fortuit mais historiquement bien établi - est que l’homme est au « sommet » de l’évolution. Cette vision rectiligne de l’évolution biologique est l’héritage, la relique, d’une hiérarchie allant des roches aux nuages, avec le vivant au milieu. L’homme est au sommet ou presque car il est sous les anges et les nuages. Cette hiérarchie est présente chez Aristote et Platon. On la retrouve ensuite sous le nom d’Echelle des êtres chez Leibniz et sous une forme déguisée chez Teilhard de Chardin.

A défaut d’une formation scientifique efficace, le terreau culturel reste fertile pour que s’établisse solidement dans les esprits des représentations non scientifiques comme celles qu’on trouve dans les textes religieux traditionnels ou celle proposée par l’Intelligent Design. Ce dernier avatar s’adresse à des personnes ayant une certaine culture scientifique basée sur des connaissances transmises. Ces personnes n’ont pas ou peu été formées à la méthode scientifique s’appuyant sur des arguments qu’on peut discuter ou bien choisissent délibérément de s’affranchir des règles de la science. De même, dans l’esprit des élèves, ce qui tient lieu de connaissances scientifiques ne s’appuyant pas ou peu sur des preuves matérielles raisonnées prend le statut de croyances facilement remplaçables par d’autres.

Analyse de quelques documents tirés de livres de classe actuellement présents dans les écoles. Tous les documents présentés contiennent une grande quantité d’informations extrêmement denses, complexes et sans liens identifiables entre elles pour des élèves qui ont des connaissances très limitées en biologie, géologie, physique et chimie et qui de plus ont des possibilités d’abstraction très modestes dans les domaines de l’espace et du temps. Ces informations sont assénées sans aucune réflexion ni construction des bases nécessaires à leur compréhension. Quelques exemples : - Document 1 : Comment un élève de cycle 3 primaire pourrait-il faire le

lien entre l’apparition de l’oxygène et celle des végétaux chlorophylliens puisqu’il n’a aucune idée de ce qu’est la photosynthèse ?

- Document 2 : Quel est le lien qui unit dinosaures, ammonite, tortue,

homme et mammouth ? Si cette représentation - scientifiquement correcte au demeurant – n’est pas étayée au préalable par un travail à la portée des élèves sur ce qui relie les organismes, c’est à dire des caractères communs transmis d’ancêtres à descendants, on pourra penser que ces espèces sont apparues par magie à certains moments de l’histoire de la vie sur Terre … Même si ce n’est pas l’effet recherché.

- Document 3 : Outre que cette classification est fausse au vu des

connaissances actuelles, elle est donnée comme une information supplémentaire sans aucune justification sur les caractères choisis ce qui demanderait pour le moins un travail de recherche et d’analyse préalable basé sur l’observation et la comparaison en vue de procéder à des classements (IO cycle 2).

- Document 4 : Là encore, les connaissances transmises ne sont pas

conformes à la connaissance scientifique actuelle. C’est comme si par souci de simplification, on disait aux élèves que la Terre est plate pour leur expliquer quelques années plus tard qu’en fait, elle est ronde. Comme aucune construction logique ne vient justifier ce qui devra bien être admis comme une loi intangible, ce pseudo savoir, s’il est retenu par les élèves (mais heureusement il sera vite oublié) pourra facilement être balayé par un dogme de remplacement.

- Document 5 : La représentation omniprésente d’une évolution linéaire

allant d’espèces d’hominidés fossiles jusqu’à l’homme actuel conforte l’anthropocentrisme hérité de siècles où se sont mêlés sciences et préjugés culturels et religieux.

Document 1

Document 2

Document 3

Document 4

Document 5

Que peut-on faire pour enseigner l’évolution ? La théorie de l’évolution est un fondement essentiel des sciences du vivant et l’aborder dès l’école primaire est une double nécessité :

- Il n’est pas admissible d’un point de vue éthique que les élèves construisent au primaire des connaissances qui seraient invalidées plus tard dans leur scolarité, comme le classement dépassé vertébré-invertébré ;

- Une première approche de la classification du vivant est au programme du cycle 2 tandis que l’histoire de la vie sur Terre permettant un premier niveau d’explication est proposée au cycle 3 (BOEN du 14 février 2002).

Les textes officiels : B.O.E.N. du 14 février 2002

Cycle 2

L’objectif est de commencer à faire percevoir aux élèves la diversité du vivant grâce à l’observation et au classement de différents animaux, végétaux et milieux : - Observation et comparaison des êtres vivants en vue

d’établir des classements ; - Élaboration de quelques critères élémentaires de

classement, approche de la classification scientifique.

Cycle 3

L'unité du vivant est caractérisée par quelques grands traits communs, sa diversité est illustrée par la mise en évidence de différences conduisant à une première approche des notions de classification, d'espèce et d'évolution : - Des traces de l’évolution des êtres vivants (quelques

fossiles typiques) ; - Grandes étapes de l’histoire de la vie sur la Terre ; notion

d’évolution des êtres vivants.

Les textes officiels insistent à juste titre sur l’entrée par la classification ce qui ne semble pas être bien intégré par l’édition scolaire traditionnelle. Les exercices de classification, complétés au cycle 3 par l'étude des relations de parenté entre les êtres vivants, sont pourtant certainement la voie la plus appropriée pour construire un premier niveau de compréhension de l'évolution, adapté aux élèves du primaire et du collège.

Dans le cadre d’un enseignement rénové et réaliste de l’évolution biologique, l’objectif à viser sera donc dès le cycle 2 l’utilisation raisonnée de la méthode de classification basée sur l’observation de caractères qu’ont les organismes. Il s’y ajoutera au cycle 3 la compréhension des principes de base du concept d'évolution (espèce, parenté, transmission et brassage des caractères par reproduction sexuée, transformation des espèces ...) qui fondent la classification scientifique du vivant. L’utilisation de mots dont l'étymologie est souvent compliquée n’ayant pas d’intérêt, le vocabulaire lié à la classification à l'école primaire sera limité aux groupes les plus connus : mammifères, oiseaux, carnivores, ongulés, ruminants ... et aux caractères exclusifs qui les définissent : poils, plumes, crocs, sabots, cornes ....

Au cycle 2, on construira pas à pas les principes de la méthode et on réalisera des exercices choisis parmi les plus simples. Il est intéressant et très significatif de constater que quand on demande de classer un même échantillon à des enfants ou à des adultes, ils utilisent tous divers critères : écologiques, physiologiques, anatomiques ... en utilisant leurs connaissances et leur propre représentation du vivant. De plus, les enfants (et même parfois les grands !) utilisent généralement plusieurs de ces critères en même temps sans percevoir qu’ils n’ont pas de cohérence entre eux. Il est donc indispensable de passer par une étape où l'on va examiner diverses méthodes et critères de classement proposés par les élèves. Tous ont une logique propre, mais on devra notamment montrer qu'on ne peut pas utiliser deux systèmes en même temps. Il sera ensuite nécessaire de dire que la classification scientifique du vivant est celle qui utilise des caractères que les organismes possèdent, caractères transmis par leurs parents et avant eux par leurs ancêtres plus ou moins lointains. La classification des organismes dès l’école primaire se fera exclusivement avec des caractères simples et visibles sans prétendre à l’exhaustivité mais sans concession ou approximation vis-à-vis de la méthode et des connaissances. Ces caractères sont des arguments scientifiques permettant de construire peu à peu les notions d’espèce et de groupe d’espèces. Le concept d’évolution des êtres vivants qui intègre ces notions essentielles est difficile et long à appréhender ; il n’est d’ailleurs pas au programme du cycle 2. Cependant, l’intérêt de cette classification est de faire germer ce concept, qui sera développé tout au long de la scolarité (cycle 3 primaire, collège, lycée et enseignement supérieur). Une fois acquise, la méthode devra être réactivée plusieurs fois - idéalement une à deux fois par an - avec des exercices complémentaires à ceux de la séquence. Leur réalisation est rapide : cela ne doit pas prendre plus d’une bonne heure avec des élèves entraînés, dans le cadre des sciences ou d'autres contextes de travail (littérature, géographie, histoire, mathématiques ...). On se familiarise progressivement avec les groupes principaux : mammifères, oiseaux, carnivores, ongulés, ruminants ... grâce aux

caractères exclusifs qui les définissent : poils, plumes, crocs, sabots, cornes .... On remarque que des groupes peuvent s’emboîter selon leurs caractères communs ou exclusifs : les ruminants (cornes) font partie des ongulés (sabots) qui font eux-mêmes partie des mammifères (poils). L’utilisation du cahier d'expériences qui suit les élèves pendant toute leur scolarité primaire permet de regrouper toutes les activités de classification dans une même partie du cahier d'expériences et de relier les connaissances entre elles pour une première approche de la classification scientifique.

Au cycle 3, on s'appuie sur les groupes connus et on complexifie (nouveaux caractères, nouveaux groupes …). Si les élèves n’ont pas abordé la classification au cycle 2, ils doivent suivre la même démarche d’investigation permettant de construire les compétences méthodologiques, mais ils pourront avancer plus rapidement. La méthode reste la même qu’au cycle 2 mais la compréhension de ses fondements est plus aboutie : la classification est incluse dans le contexte de l'étude des fossiles et de l'évolution. Pour cela, on produit de manière systématique les groupes emboîtés déjà utilisés au cycle 2 et on les utilise pour construire les arbres de relation de parenté. Cette seconde représentation a l’avantage de contribuer à construire petit à petit en situation de recherche le concept d’évolution dont une première approche est au programme du cycle 3. En effet, dans la représentation par arbres de relations de parenté, les points de rencontre entre les branches représentent les ancêtres communs entre animaux ainsi que la présence de caractères transmis par ces ancêtres. C’est là un point essentiel de la reconstitution historique de l’évolution des espèces grâce à des arguments scientifiques accessibles dans les planches utilisées par les élèves. La répétition des exercices permet, comme au cycle 2, de conforter une méthode de travail et de capitaliser des connaissances. Les exercices faits au cycle 2 peuvent sans inconvénient être à nouveau proposés à la lumière des connaissances et méthodes d’investigation liées à l’évolution des espèces. On fait le point en fin de cycle 3 sur les groupes vus depuis la GS/CP et on construit une représentation simplifiée de l'arbre phylogénique qu’on peut comparer avec celle proposée dans la documentation scientifique. Les caractères permettant de classer les animaux et de reconstituer leurs relations de parenté sont des arguments scientifiques. À ce titre, ils font l'objet de débats entre élèves permettant d'en discuter la validité. Le cahier d'expériences reflète la richesse de l'argumentation qui permet de dégager des connaissances pour une première approche de l'évolution des êtres vivants.

Créationnisme et Intelligent Design : le retour du refoulé Malgré une approche pédagogique basée sur une méthodologie scientifique, tout enseignant peut se retrouver à un moment donné confronté à des élèves ou des parents d’élèves inquiets ou dubitatifs voire virulents ou hostiles après des séances où il a été question d’évolution des êtres vivants. Plutôt que de présenter des arguments scientifiques expliquant l’évolution, il s’agira de donner des arguments pour :

1. Montrer que la théorie de l’évolution est une théorie scientifique 2. Expliquer ce qu’est une théorie scientifique 3. Montrer en quoi la théorie de l’évolution se distingue des autres modes d’explication de la diversité des êtres vivants et de l’histoire de la vie sur Terre.

En évolution, il faut distinguer le « Quoi » du « Comment ».

« Quoi »: c'est-à-dire le déroulement de l’évolution, la reconstitution des évènements intervenus durant l’évolution des êtres vivants. C’est l’objet de la recherche des relations de parenté entre êtres vivants. « Comment », c'est-à-dire les mécanismes de l’évolution. Cet aspect n’est pas à traiter avec les élèves au primaire. Charles Darwin, en 1859, proposa un mécanisme, la sélection naturelle, qui explique que parmi une diversité d’êtres vivants, les organismes à la fois les plus chanceux et les plus adaptés à un moment donné survivent et transmettent leurs caractéristiques héréditaires à leur descendance, qui sera à son tour et ensuite soumise à une autre sélection. Il s’agit d’une course en avant perpétuelle pour la survie des organismes : la proie doit s’adapter à une toujours plus grande efficacité du prédateur, le prédateur doit s’adapter à des proies améliorant sans cesse leurs stratégies pour survivre. C’est l’escalade co-évolutive. Ce mécanisme a été confirmé à plusieurs reprises sur des exemples précis et trouve même aujourd’hui des applications à l’échelle cellulaire et moléculaire au sein des êtres vivants. Quant au « Pourquoi », il ne relève pas des sciences mais des convictions religieuses ou philosophiques. La théorie de l’évolution est une théorie scientifique Dans la langue française, le mot théorie a deux sens :

1. « Ensemble d'idées, de concepts abstraits, plus ou moins organisés, appliqué à un domaine particulier » 2. « Construction intellectuelle méthodique et organisée, de caractère hypothétique (au moins en certaines de ses parties) et synthétique. Éléments de connaissance organisés en système ».

Le premier sens appartient au langage courant et correspond souvent à des faits imparfaitement ou peu étayés, alors que le second appartient au langage des sciences. De ce décalage naissent beaucoup d’incompréhensions. La théorie de l’évolution est une théorie scientifique. Comme pour toute théorie scientifique, certains points font l’objet de discussions entre les chercheurs, mais cela n’implique pas que la théorie elle-même soit à rejeter. La théorie de l’évolution est une théorie scientifique … En évolution La théorie de l’évolution est la seule explication scientifique permettant de comprendre la diversité actuelle et passée des êtres vivants, mais aussi l’unité du monde vivant. Pourquoi ? L’analyse des faits, sans en occulter aucun, conduit à l’idée que les êtres vivants ont connu des transformations successives au fil du temps et sont tous apparentés à différents degrés. Elle permet d’expliquer les ressemblances et les différences entre les êtres vivants. Elle appartient au domaine scientifique et ne fait appel à aucun créateur ou force surnaturelle, une condition nécessaire pour qu'une théorie soit scientifique. La théorie de l’évolution n’est pas un discours figé. Les travaux se poursuivent et affinent, précisent les résultats antérieurs et en proposent de nouveaux. Près de 150 ans de travaux scientifiques n’ont pas invalidé l’idée d’évolution, mais ils en ont détaillé, confirmé et enrichi de nombreux aspects. S’agissant d’une théorie scientifique, il est possible qu’elle soit un jour invalidée, comme le furent d’autres théories scientifiques, mais ce ne peut être que par des découvertes susceptibles de la réfuter, c'est-à-dire par de nouvelles preuves scientifiques, qui devront être en mesure de balayer ou reconsidérer 150 années de découvertes convergeant toutes dans le même sens. La théorie de l’évolution permet de reconstituer le passé L’idée de fond de la théorie de l’évolution est que le monde vivant a eu une origine unique et très ancienne (3,5 milliards d’années environ) et que les êtres vivants ont subi des modifications et diversifications successives aboutissant à l’arbre du vivant.

Cet arbre est reconstitué à partir de la comparaison des caractéristiques des êtres vivants (structure des organes, mais aussi des chromosomes, des gènes, des molécules, etc …). Cet arbre est le résultat d’une reconstitution historique, comme nous pourrions le faire pour la bataille de Kadesh menée par Ramsès II, vers 1299 avant notre ère. Dans les deux cas, bataille de Kadesh et arbre du vivant, on se fonde sur les traces disponibles. Si ce n’est que dans un cas, les traces sont les hiéroglyphes, les stèles et monuments laissés par les vainqueurs ou les vaincus, et que dans l’autre, il s’agit des traces portées par les êtres vivants eux-mêmes et en eux-mêmes, héritées de leurs ancêtres communs. Un organe, un chromosome, un gène, particuliers et communs à deux organismes, sont interprétés dans ce cadre comme la preuve d'une ascendance commune. Ce résultat est d'autant plus corroboré qu’il est supporté par de nombreuses particularités communes anatomiques, chromosomiques ou moléculaires qui sont autant de preuves concordantes. Comme pour la reconstitution du déroulement de la bataille de Kadesh, il y a récolte des données puis mise en cohérence de celles-ci pour comprendre ce qui a pu se passer. La compréhension moderne de l’évolution des êtres vivants est construite ainsi. Les opposants à la théorie de l’évolution ne présentent pas des arguments scientifiques. La plupart des oppositions à la théorie de l’évolution ne s’inscrivent pas dans un cadre scientifique car elles ne respectent pas les principes sur

lesquels la science se fonde. En faisant appel à des causes surnaturelles ou à des croyances personnelles pour rendre compte de la diversité du monde vivant, elles s’excluent de fait, dès le départ, du discours scientifique. Seules des affirmations qui peuvent être soumises à la réfutation par des observations ou des expériences peuvent être considérées comme scientifiques. C’est pourquoi les discours qui s’opposent à la théorie de l’évolution, comme les thèses créationnistes ou celle du « dessein intelligent », ne sont pas des théories scientifiques. Voir à ce sujet la séance de classe : Science contre pseudoscience ou l’Intelligent Design expliqué à nos élèves2.

© Bruno Chanet et François Lusignan, novembre 2007.

2 http://www.perigord.tm.fr/~ecole-scienc/pages/activite/monde_vivant/Telechargements/Seance_ID.pdf