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Centre de Droit de la Santé UMR 7268 ADéS MEMOIRE ENCADREMENT JURIDIQUE DE LA PROFESSION D’OPTICIEN-LUNETIER Sous la direction du Pr Antoine LECA Année universitaire 2012 / 2013 Master II Recherche Droit Privé et Public de la Santé CHAUTARD Antonin

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Centre de Droit de la Santé

UMR 7268 ADéS

M E M O I R E

ENCADREMENT JURIDIQUE

DE LA PROFESSION

D’OPTICIEN-LUNETIER

Sous la direction du Pr Antoine LECA

Année universitaire 2012 / 2013

Master II Recherche Droit Privé et Public de la Santé

CHAUTARD Antonin

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REMERCIEMENTS

Je souhaite remercier le Professeur Antoine LECA, directeur du

Centre de Droit de la Santé de l’Université d’Aix-Marseille, pour avoir proposé

l’idée du sujet de ce mémoire et m’avoir accompagné dans sa réalisation.

Je souhaite aussi remercier l’ensemble des professionnels de santé

opticiens-lunetiers, optométristes, orthoptistes et ophtalmologues qui ont accepté

de répondre à mes questions. Je souhaite tout particulièrement remercier le Dr

Jean-Bernad ROTTIER, Président du syndicat national des Ophtalmologistes de

France, madame Christine DESCLAUX, orthoptiste du Syndicat National

Autonome des Orthoptistes français, Monsieur Jonathan DOUNAUD,

optométriste et enseignant à l’Institut Supérieur d’Optique, madame Caroline

HAZEAUX de l’Association des Optométristes de France et enfin monsieur Jean-

Pascal ISOARD, opticien lunetier à Aubagne.

Je souhaite enfin remercier Véronique Guichard et Ghislaine Aube-Martin

pour l’aide et le soutien moral qu’elles m’ont apportés.

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SOMMAIRE

PREMIÈRE PARTIE : LA PROFESSION D’OPTICIEN-

LUNETIER

CHAPITRE 1 : Conditions d’accès et formes d’exercice de la profession

d’opticien-lunetier

CHAPITRE 2 : Règles relatives à la vente des produits d’optique et à la

responsabilité de l’opticien

DEUXIÈME PARTIE : ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE LA

PROFESSION

CHAPITRE 1 : La nécessaire redéfinition du périmètre de compétences

entre les opticiens et les autres professionnels de la vision

CHAPITRE 2 : la pertinence de certains modèles comparés

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Liste des abréviations

Libellé Abréviation Alinéa al. Annexe Ann. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

ANSM (ex AFSSAPS)

Arrêté Arr. Article art. Agence Régionale de Santé ARS Assemblée ass. Association Française d’Ophtalmologie

AFO

Chambre ch. Chapitre chap. Circulaire Circ. Code civil C. civ. Couverture Maladie Universelle (Complémentaire)

CMU/CMUC

Code pénal C. pén. Code de la santé publique CSP Code de la sécurité sociale CSS Code du travail C. trav. Conclusion concl. Confer cf. Conseil constitutionnel Cons. const.

Conseil d’Etat CE

Constitution Const. Contre c/ Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

CESDH

Cour d’appel CA. Cour de Cassation C. Cass. Cour de Cassation (avis) Cass. avis, Cour de Cassation, chambres civiles Cass. 1re, ou 2e, ou 3e civ. Cour de Cassation, chambre commerciale

Cass. com.,

Cour de Cassation, chambre criminelle

Cass. crim.,

Dispositif Médical DM Direction Général de l'Organisation des soins

DGOS

Direction Hospitalière de L’Organisation des Soins

DHOS

Edition Ed. JOCE Journal Officiel des Communautés

Européennes HAS Haute Autorité de Santé

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Introduction

Nous nous proposons dans cette étude de faire un état des lieux de la

profession d’opticien-lunetier. De ce constat émerge la question d’une possible

évolution de l’exercice de la profession d’opticien-lunetier notamment dans

l’articulation de ses rapports avec les autres professions de la filière visuelle en

France.

L’opticien fut pour la première fois cité - et sous le nom de lunetier - dans une

ordonnance dite « des Bannières » en juin 1467. Le mot « opticien » n’a été admis

dans le dictionnaire de l’Académie Française qu’en 1762 ; l’opticien était défini

comme Celui qui sait, qui enseigne, qui est versé dans l’optique.1

Avant de développer le fond du sujet, sa problématique et ses aboutissants,

il est nécessaire de faire une présentation historique des lunettes et du métier

d’opticien

La notion des troubles de la vision remonte à Aristote qui dans son ouvrage

Problemata2 évoquait déjà la myopie et la presbytie. Par la suite, le philosophe

Sénèque constate au Ier siècle, qu'en observant un objet à travers un ballon de

verre rempli d'eau il apparait plus gros. A la même époque, l’écrivain et naturaliste

romain Pline l'Ancien décrit l'utilisation, par l'empereur Néron, d'une émeraude

pour suivre les combats de gladiateurs.3 Ce dernier étant certainement atteint de

myopie, l’utilisation de l’émeraude corrigeait en partie ce trouble.4

1 FRANKLIN A. , Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le 2 Aristote, Problèmes, trad. française de J. Barthélemy-Saint-Hilaire, Paris, 1891 3 BERARD (T.), Le Monde des objets étranges et ordinaires, Tome 1: les m’as-Tu-Vu, Edition du Sandre 4 Cuvillier (D.), À vue d'œil : une aventure des lunettes, Éditions du Chêne, 2007

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Ce n’est cependant qu’à la fin du XIIIe siècle que débute l’histoire des lunettes.

Certes, la loupe, destinée à grossir les objets, était déjà connue depuis l’XIe siècle,

mais c’est bel et bien la réunion par le biais d'un clou reliant les manches de loupe

qui a donné naissance aux lunettes. Le terme de «lunettes» n’est pas encore apparu

à cette période. En effet, à cette époque le terme utilisé était celui de bésicles

clouantes.Annexe1 Le but était de permettre une utilisation des loupes pour une

vision binoculaire.

À partir du XIVe siècle seul le verre convexe était connu, les bésicles clouantes ne

servaient qu’à la correction de la presbytie. Quant aux verres concaves ils ne

virent le jour qu’au XVIe siècle et permirent la correction de la myopie.

L’inventeur des lunettes reste à l’heure actuelle inconnu ; néanmoins Roger

Bacon, mort en 1294 et Salvi Darmato, mort en 1317 restent les deux candidats les

plus probables à l’invention des lunettes. L’inconvénient des bésicles était qu’elles

tenaient difficilement en équilibre sur l’arête nasale ; ainsi différents systèmes

furent imaginés pour essayer d’améliorer cet équilibre. Ce n’est qu’en 1752

qu’apparurent les premières lunettes avec branches articulées par une charnière.

Paradoxalement les lunettes sans branche sont restées à la mode jusqu’aux

environs de 1930, sous forme de pince-nez Annexe2, système plus ou moins

compliqué pour se maintenir en équilibre sur le nez sans trop le martyriser.

L’imagination des lunetiers fit apparaitre toute une série de systèmes les plus

insolites les uns que les autres, allant même jusqu’à imaginer l’utilisation d’une

poignée d’un tirebouchon pour y glisser une petite longue-vue.5

Concernant la commercialisation des verres correcteurs, l’une des premières

entreprises de fabrication sont les les verreries de Murano en Italie. La fabrication

de ces verres fut règlementée en 1300, créant ainsi les premiers critères de qualité

et les conditions de fabrication6.

5 GILSON Marcel, Histoire des lunettes : lunettes et lorgnettes insolites., Société française d’Histoire de la Médecine et la Société d’Histoire de la Pharmacie au Val-de-Grâce, novembre 1991, Paris, p.141 - 147

6 Du Beryll jusqu'aux lunettes: L'histoire des aides visuelles, Association Suisse d’Optique / www.sov.ch/

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Il est à noter que les produits d’optique lunetterie ne sont pas des biens de

consommation comme les autres. En effet, le verre de lunettes est un véritable

médicament oculaire ; l’opticien est le pharmacien de l’œil.7 Par comparaison, la

dispensation des médicaments est réservée aux pharmaciens en raison de la

dangerosité de ces produits. Cependant, la vente des produits d’optique lunetterie

n’a pas toujours fait l’objet d’une règlementation.

Au tout début du XXe, siècle les oculistes8 s’inquiétaient d’une part de la

multiplication de patients victimes ayant développé des lésions oculaires du fait

d’opticiens malveillants, et d’autre part l’augmentation des faits d’escroquerie de

la part de marchands de lunettes pratiquant le colportage.9

Ce n’est qu’en 1906 que le Congrès de l’exercice illégal de la médecine adopta le

vœu suivant : « Sera considérée comme exerçant illégalement la médecine, toute

personne qui, non munie du diplôme de docteur en médecine, conseillera ou

facilitera habituellement le choix de verres convexes, concaves ou cylindriques ou

sphéro-cylindriques par l’une des méthodes employées pour l’examen de la

réfraction » 10.

Enfin, en 1911 l’Union centrale des opticiens détaillants et le Syndicat des

oculistes français déposèrent conjointement un projet de règlementation. 11

L’objectif de ce projet de règlementation était d’intégrer à la récente réforme de la

loi de 1892 sur l’exercice de la médecine, des dispositions visant à règlementer

d’une part la vente des produits d’optique lunetterie, et d’autre part des

dispositions règlementant le métier d’opticien et définissant les conditions

d’obtention de ce titre.

7 Ginestous Etienne, Traité pratique d'hygiène oculaire,... Préface du professeur Badal ; Bibliothèque nationale de France, 1920, p.335

8 Le terme d’oculiste est de plus en plus supplanté par ses synonymes ophtalmologue et ophtalmologiste, et tend à tomber en désuétude

9 Revue française d’optique et de lunetterie, avril 1911, in Ginestous Etienne, Traité pratique d'hygiène oculaire,... Préface du professeur Badal ; Bibliothèque nationale de France, 1920, p.337

10 Ginestous Etienne, Traité pratique d'hygiène oculaire,... Préface du professeur Badal ; Bibliothèque nationale de France, 1920, p.339

11 Ginestous Etienne, Traité pratique d'hygiène oculaire,... Préface du professeur Badal ; Bibliothèque nationale de France, 1920, p.340

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La loi numéro 279 du 5 juin 1944 est venue officiellement règlementer la

profession d’opticien-lunetier.12

Actuellement la profession d’opticien-lunetier est règlementée par le Code de la

Santé Publique (CSP) ; cette règlementation encadre non seulement les conditions

d’accès à cette profession mais également tous les aspects relatifs à son exercice.

En effet l’opticien-lunetier est un professionnel de santé ayant à la fois le statut de

commerçant et d’acteur de santé publique.

L’objectif de ce mémoire étant de répondre à la problématique suivante :

Dans quelles mesures peut-on réformer le droit de la profession d’opticien-

lunetier ainsi que la législation régissant ses rapports avec les orthoptistes et

les ophtalmologues dans le but d’améliorer la prise en charge des patients

atteints de troubles de la vision ?

Nous aborderons dans une première partie la profession d’opticien-lunetier,

en développant dans un premier chapitre les conditions d’accès et les formes

d’exercice de cette profession, et dans un second chapitre les règles relatives à la

vente des produits d’optique lunetterie et celles relatives à la responsabilité de

l’opticien-lunetier.

Dans une seconde partie nous nous intéresserons aux enjeux et aux évolutions de

cette profession. Dans un premier chapitre nous étudierons la nécessaire

redéfinition du périmètre de compétences entre les opticiens et les autres

professionnels de la vision ; enfin dans un deuxième chapitre nous étudierons la

pertinence du modèle québécois.

12 Loi du 05-06-1944 reglementant la profession d'opticien-lunetier,JORF du 4 juillet 1944 page 1686. Il est à noté que les fac-similés antérieurs à 1947 n’étant pas disponible et malgré de nombreuses recherches nous ne sommes pas en mesure de certifier que la loi de juin 1944 est la première loi réglementant la profession d’opticien-lunetier, de ce fait les propositions émises par l’Union centrale des opticiens détaillants et le Syndicat des oculistes français en 1911 sont les seuls documents prouvant qu’il n’existait pas de réglementation de la profession d’opticien avant le XXème siècle.

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Première partie :

La profession d’opticien-

lunetier

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Chapitre 1 : Conditions d’accès et formes

d’exercice de la profession d’opticien-

lunetier

Ce chapitre développera dans un premier temps les différentes conditions d’accès

à la profession d’opticien-lunetier, notamment concernant l’exigence de titre, et

dans un second temps les différents modes d’exercice de la profession.

Section 1 : Conditions pour exercer la profession

d’opticien Le code de la santé publique conditionne l’accès de cette profession par

l’obtention d’un diplôme reconnu et par l’inscription de ce diplôme sur une liste

départementale.

Paragraphe 1 : Exigence d’un titre d’opticien-lunetier

A. Diplômes français d’optique lunetterie

L’exercice de la profession d’opticien-lunetier est soumis à une exigence de

diplôme ; ainsi les personnes exerçant doivent être titulaires du brevet de

technicien supérieur opticien-lunetier, ou du brevet professionnel d’opticien-

lunetier, ou de tout autre titre désigné par arrêté des ministres du commerce, de

l’économie et des finances, de l’enseignement supérieur et de la santé13.

13 C.S.P.., art. L 4362-2 (L. n°2005-102 du 11 février 2005, J.O., 12 février) A noter que le Brevet Professionnel n’existe actuellement plus.

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Titres exigés pour exercer la profession 1.

Depuis 1997, l’exercice de la profession d’opticien-lunetier est conditionné par

l’obtention du Brevet de Technicien Supérieur (BTS) Opticien-Lunetier. Ce

diplôme a été créé par l’arrêté du 3 septembre 1997 pris en application du décret

n°95-665 du 9 mai 1995, portant règlement général du brevet de technicien

supérieur. Ce diplôme est inscrit au Répertoire National des Certifications

Professionnelles (RNCP), et l’autorité responsable de la certification est le

ministère chargé de l’enseignement supérieur. 14

La formation comporte des enseignements théoriques, complétés par des travaux

pratiques et dirigés, et par un stage obligatoire de six mois en fin de première

année.

Les enseignements sont essentiellement scientifiques (optique physiologique,

géométrique et physique), mais comportent également une part d’enseignements

non scientifiques nécessaire à l’apprentissage de l’aspect commercial du métier.

La communication et la gestion permettent de former le futur opticien à l’accueil

des clients, aux relations avec les employés et fournisseurs, à la gestion du

personnel et des stocks. Enfin, les étudiants sont formés aux techniques de

montage, indispensables au contrôle et à la réalisation d’équipements très

complexes.

Le législateur prévoit la possibilité d’exercer la profession d’opticien-lunetier pour

les titulaires du diplôme d’élève breveté des écoles nationales professionnelles,

section d’optique lunetterie, et du certificat d’études de l’École des métiers

d’optique15. Cette disposition concerne en pratique les opticiens lunetiers ayant

obtenu leur diplôme antérieurement à la mise en place du BTS d’opticien-lunetier.

14 Répertoire National des Certifications Professionnelles (R.N.C.P.) , BTS : Brevet de technicien supérieur Opticien-Lunetier; http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=1084

15 C.S.P.., art. L. 4362-4 (L. n°2005-102 du 11 février 2005, J.O., 12 février)

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Diplômes et certificats permettant un perfectionnement 2.

professionnel

Bien que l’obtention du BTS d’opticien-lunetier d’un point de vue réglementaire,

soit suffisant pour exercer la profession d’opticien-lunetier, le Répertoire National

des Certifications Professionnelles (RNCP) comporte six certifications relatives à

l’optique lunetterie médicale, qui permettent une spécialisation professionnelle.

D’une part, trois certificats sont relatifs à la commercialisation, la gestion, la

distribution et la fabrication d’équipement d’optique, et ce sous la direction d’un

opticien-lunetier diplômé. Il s’agit du Brevet d’Études Professionnelles (BEP)

Optique lunetterie16, du Baccalauréat Professionnel (Bac Pro) optique lunetterie17

et du Titre Professionnel (TP) Monteur (se) vendeur (se) en optique lunetterie18.

L’accès à ces trois formations n’est pas conditionné à l’obtention préalable du

BTS opticien-lunetier ; par conséquent la direction d’un magasin d’optique

lunetterie n’est pas autorisée aux titulaires de ces trois diplômes.

D’autre part, les trois autres certificats ne sont accessibles qu’aux personnes au

moins titulaires du BTS d’optique lunetier et permettent l’acquisition d’une

spécialité en optique lunetterie. Ces trois formations sont la Licence

Professionnelle Santé spécialité Métiers de l’optique 19, la Licence Professionnelle

Santé option analyse et prise en charge du déficit visuel 20 et le diplôme de

Responsable en réfraction et équipement optique 21.

16 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=9811 17 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=9295 18 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=4518 19 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=6106 20 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=3213 21 http://www.rncp.cncp.gouv.fr/grand-public/visualisationFiche?format=fr&fiche=6963

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B. Conditions relatives aux diplômes étrangers

Ressortissant de l’Union Européenne ou d’un pays parti à 1.

l’accord sur l’Espace Économique Européen.

L’Espace Économique Européen (EEE) permet une coopération entre les État

signataires, notamment par une coordination des dispositions relatives à la

reconnaissance des diplômes.22

Le code de la santé publique précise les modalités d’équivalence des diplômes

d’opticien-lunetier obtenus dans un État membre de l’UE ou parti à l’EEE.

i. Liberté d’établissement des personnes

Règles relatives à l’installation des ressortissants étrangers ne possédant pas le

diplôme français pour exercer la profession d’opticien-lunetier. 23

Dans le cas où l’accès à la profession ou à son exercice est réglementé par l’État

d’origine, le ressortissant pourra exercer la profession d’opticien-lunetier en

France sous condition d’une décision favorable d’exercice délivrée par le préfet de

la région, dans le ressort de laquelle se situe le lieu d’établissement de l’intéressé,

sur proposition du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion

sociale. Cette autorisation est accordée après l’avis de la Commission des ?24 et

présente le caractère d’une décision administrative. 25 Si l’État d’origine ne

22 Décision 94/1/CE,CECA du Conseil et de la Commission du 13 décembre 1993 relative à la conclusion de l'accord sur l'Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la République d'Autriche, la République de Finlande, la République d'Islande, la principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège, le Royaume de Suède et la Confédération suisse

23 C.S.P., art. L 4362-3, R 4362-2 -3 et -4 24 Composition de la commission : 1° Le directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale

ou son représentant, président ; 2° Le directeur général de l’agence régionale de santé ou son représentant ;3° Le recteur de l’académie dans le ressort de laquelle se situe la préfecture de région ou son représentant ; 4° Un médecin ;5° Deux .

25 CE 25 janvier 1961, Gendre : Lebon 51

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réglemente pas l’accès à cette profession ou son exercice, le demandeur devra

justifier d’au moins deux ans d’exercice à temps plein de la profession dans cet

État au cours des dix dernières années. En cas de différences substantielles entre le

diplôme étranger et le diplôme exigé en France, une épreuve d’aptitude ou un

stage d’adaptation peuvent être exigés pour délivrer l’autorisation d’exercice.

ii. Libre prestation de services

La libre prestation de services permet à un ressortissant européen d’effectuer des

actes professionnels de manière temporaire et occasionnelle dans un autre état

membre (sans s’établir en France). Cependant, à la place d’une autorisation

administrative, le ressortissant doit adresser une déclaration préalable au ministère

de la santé ; ce dernier vérifie les qualifications professionnelles du prestataire de

service après avis de la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la

cohésion sociale.

En l’absence de réponse, ou dans le cas où l’État ne contrôle pas les qualifications

professionnelles dans les délais imposés, le ressortissant concerné pourra effectuer

sa prestation en utilisant son titre professionnel de l’État d’origine, afin d’éviter

tout confusion avec le titre professionnel français. 26

Ressortissant d’un État tiers 2.

Dans ses dispositions relatives aux titres formations délivrées dans un État tiers,

l’article L 4362-3 du C.S.P. conditionne l’équivalence de ces formations à leur

reconnaissance préalable par un État membre de l’UE ou partie à l’EEE.

En France, il n’existe pas de principe juridique d’équivalence entre un diplôme ou

un titre obtenu à l’étranger et un diplôme ou un titre délivré par le Ministère de l’

Éducation nationale ou le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la

26 Circulaire n° DGOS/RH2/2011/169 du 11 mai 2011 relative à la mise en œuvre de la déconcentration des procédures d'autorisation d'exercice et de libre prestation de services (professions paramédicales)

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Recherche. Cependant, les ressortissants étrangers ayant effectué leur formation

dans un pays tiers ont la possibilité de demander une attestation de reconnaissance

d’études ou de formation à l’étranger auprès du centre français ENIC-NARIC

(European Network of Information Centres – National Academic Recognition

Information). Le centre établit le niveau atteint dans le système éducatif étranger

auquel le diplôme appartient, au moyen d’une grille d’analyse appliquant des

textes internationaux qui guident la reconnaissance des diplômes en Europe27.

La condition de titre n’est pas suffisante pour exercer directement la profession

d’opticien ; en effet, un certain nombre de formalités et démarches administratives

doit être nécessairement effectué pour exercer légalement la profession d’opticien-

lunetier.

Paragraphe 2 : Formalités et démarches nécessaires à

l’installation A. Démarches relatives au statut de professionnel de santé

des opticiens-lunetiers

Enregistrement de leur diplôme ou de leur autorisation 1.

d’installation

En principe, l’exercice de la profession est conditionné à l’inscription sur une liste

dressée par le préfet du département qui enregistre le diplôme de l’opticien

désirant exercer.28 Les personnes disposant des qualifications professionnelles

requises ou les ressortissants européens autorisés à exercer en France cette

activité, doivent faire enregistrer leur diplôme ou leur autorisation au répertoire

27 Convention de Lisbonne sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la région européenne" du 11 avril 1997, ratifiée par la France le 4 octobre 1999, donnant le cadre général du fonctionnement de la reconnaissance des diplômes

28 C.S.P., Art. L4362-1, Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009, modifié par l’ordonnance n°2010-177 du 23 février 2010, art. 14.

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ADELI (Automatisation Des Listes) auprès de la délégation territoriale de

l’Agence régionale de santé (ARS) du lieu d’exercice de l’activité. Un numéro

ADELI est attribué à tous les praticiens salariés ou libéraux et leur sert de numéro

de référence. Le numéro ADELI figure sur la Carte de professionnel de santé

(CPS) pour des professionnels relevant du code de la santé publique. Ce répertoire

présente plusieurs objectifs.

Il s’agit d’une part de gérer les listes départementales de professions

réglementées par le code de la santé publique telle que celle d’opticien-lunetier,

d’autre part d’attribuer la CPS ou carte de professionnel de santé qui est une carte

d’identité professionnelle électronique. Elle contient les données d’identification

de son porteur (identité, profession, spécialité), ainsi que ses situations d’exercice

(cabinet ou établissement). Elle permet pour les praticiens libéraux du secteur de

la santé d’attester de leur identité et de leurs qualifications professionnelles ; enfin

elle permet la télétransmission des feuilles de soins via le système de lecture de

carte vitale des patients.29

Il permet encore d’élaborer des statistiques permettant la fixation des quotas

d’entrée dans les écoles de formation et une meilleure planification de l’évolution

démographique des professions. Enfin, il permet d’informer les professionnels :

pour la recherche d’un lieu d’implantation, sur les politiques de prévention à

mettre en œuvre ou sur de nouveaux traitements, sur des risques sanitaires, pour

les contacter en cas d’urgence.

En dernier lieu, ce répertoire facilite la mise en place des dispositifs de défense

civile et de protection sanitaire des populations civiles (plan ORSEC).

29 Décret no 2012-1117 du 2 octobre 2012 relatif à l’intégration de la carte de professionnel de santé dans le monopole de l’Imprimerie nationale

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Inscription au Fichier National des Professions de Santé 2.

(FNPS)

La caisse primaire d’Assurance Maladie délivre un numéro FNPS ; deux

procédures sont possibles pour l’opticien :

- Soit l’opticien désire adhérer à la convention nationale des opticiens

conclue le 14 octobre 2003 entre d’une part, les caisses nationales d’Assurance

Maladie et d’autre part, la Fédération nationale des opticiens de France et l’Union

nationale de l’optique mutualiste, 30 ceci afin de bénéficier du tiers payant. Dans

ce cas, l’opticien doit s’adresser à la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au

Travail (CARSAT) qui lui attribuera un numéro d’adhésion à la convention, qu’il

devra transmettre à la Caisse Primaire de l’Assurance Maladie (CPAM) du lieu

d’exercice.

- Soit l’opticien ne désire pas adhérer à la convention nationale des

opticiens ; dans ce cas il s’adressera directement à la CPAM en fournissant

notamment son attestation d’enregistrement au répertoire ADELI.

B. Autres obligations relevant du droit commun

En tant que commerçant, l’opticien-lunetier doit immatriculer son entreprise au

Registre du Commerce et des Sociétés auprès du tribunal de commerce

territorialement compétent. Enfin, l’opticien est tenu de contracter une assurance

civile professionnelle.31

30 Convention nationale des opticiens du 15 octobre 2003 disponible sur le site : http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Conv_opticiens.pdf

31 C.S.P., art. L1142-28

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Les opticiens sont des professionnels de santé ayant aussi le statut de commerçant.

Ainsi l’exercice de la profession d’opticien-lunetier est particulièrement encadrée,

mais bénéficie de conditions d’exercice plus libres que d’autres professions de

santé.

Section 2 : Les modes d’exercice de la profession

Les produits d’optique lunetterie sont vendus par les opticiens dits détaillants

salariés ou dirigeants des entreprises de distribution.

Paragraphe 1. Les exigences relatives aux entreprises de

distribution

A. Concernant la forme juridique de l’entreprise

« L’opticien-lunetier peut exercer de manière libérale, individuelle ou en tant que

gérant de société. »32. De ce fait, l’activité peut être exercée, soit sous forme

d’entreprise individuelle, soit sous forme de société à responsabilité limitée ou

d’entreprise unipersonnelle ou encore de société anonyme. 33

Dans le cas d’une Société en Nom Collectif (SNC) et Société à Responsabilité

Limitée (SARL), la qualification d’opticien-lunetier diplômé est exigée pour les

gérants associés ou non.

Cependant pour les Entreprises Unipersonnelles à Responsabilité Limitée

(EURL), la qualification est exigée du ou des gérant(s) ou de l’associé unique

lorsqu’il est gérant.

32 Rép. min. n° 31865, n° 42276, n° 48512 : JOAN n° 15, 16 avr. 1984) 33 Celui qui fait le commerce des articles d'optique-lunetterie doit être lui-même opticien-lunetier, compte

tenu de l'indivisibilité de la propriété et de la gérance d'un fonds d'optique-lunetterie. Paris, 20 oct. 1983: Inf. pharm. 1984. 113, obs. G. V

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Enfin concernant les Sociétés Anonymes (SA), lorsque celle-ci est administrée par

un conseil d’administration, la qualification est exigée du Président du conseil

d’administration ; dans le cas où il existe des directeurs généraux, il suffit que l’un

d’eux soit titulaire du diplôme d’opticien-lunetier.34

En revanche, il n’existe pas d’autorisation concernant l’installation des magasins

de distribution d’optique, à la différence des pharmacies d’officines dont les

conditions d’ouverture et d’implantations sont strictement encadrées35.

B. Types de réseaux de distribution

La distribution des produits d’optique lunetterie est assurée par plusieurs types de

réseaux :

Les enseignes indépendantes 1.

Il s’agit des opticiens-lunetiers indépendants ; ils représentent 56,9 % 36 du

nombre de magasins d’optique. Les opticiens indépendants bénéficient d’un

approvisionnement auprès des centrales d’achat.

Les groupements coopératifs ou coopératives 2.

Les sociétés coopératives de commerçants détaillants sont des sociétés anonymes

à capital variable, régies par les dispositions de la loi du 24 juillet 1867 relative

aux sociétés à capital variable, de la loi du 10 septembre 1947 relative au statut de

la coopération et de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 relative aux sociétés

commerciales, lois codifiées respectivement sous les articles L. 231-1 et suivants

34 Ordre des Experts-Comptables , Optique, Analyse sectorielle TPE, analyse a été réalisée en collaboration avec la FCGA et l’ANPRECEGA, dans le cadre de l’Union de la Profession Comptable et des OGA (UNPCOGA), une force au service des entreprisesn 2011, p. 8

35 C.S.P.., Art.L5125-11, modifié par la Loi n°2011-1906 du 21 décembre 2011, art. 74 36 Conseil de la Concurrence, Avis n°99-A-17 du 17 novembre 1999 relatif à la mise en oeuvre de

remboursement différenciés en matière d’optique et à la question de la communication des conventions signées entre mutuelles et opticiens

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et L. 210-1 et suivants du Code de commerce. Ils constituent des groupements

d’achat, de vente et de services, ce qui leur permet notamment de renforcer leur

pouvoir de négociation vis-à-vis des fabricants.37 Cela leur permet également

l’accès à des services tels que l’équipement pour le stockage des marchandises,

l’acquisition et la gestion d’entrepôts, l’accès à des moyens de financement et

comptabilité, de crédit, l’acquisition d’un fond de commerce, la promotion des

ventes à des associés.38

Chaque directeur est actionnaire du groupe et en contrôle la gérance et le

fonctionnement à hauteur de ses parts. Les principaux groupements sont :

ATOL®, KRYS®, OPTIC2000®, VISALIS®, VISION ORIGINALE®, et

VISION PLUS®

Les chaines de succursales 3.

Le succursalisme désigne une formule de distribution de produits ou services

permettant à une entreprise de servir des clients éloignés de son établissement

principal ; de manière plus précise, la formule consiste pour une entreprise dite

mère, à posséder plusieurs magasins de vente au détail (« succursales »), par

l’intermédiaire desquels elle distribue, sous une enseigne commune, des services

ou des produits. En pratique il s’agit d’espaces de ventes ou d’annexes de grands

magasins dédiées à l’optique lunetterie.

Les franchisés. 4.

La franchise est un contrat en vertu duquel une personne nommée franchiseur

s’engage à communiquer un savoir-faire à une autre personne nommée franchisé,

à le faire jouir de sa marque et éventuellement à le fournir. Le franchisé s’engage

37 Ordre des Experts-Comptables , Optique, Analyse sectorielle TPE, analyse a été réalisée en collaboration avec la FCGA et l’ANPRECEGA, dans le cadre de l’Union de la Profession Comptable et des OGA (UNPCOGA), une force au service des entreprisesn 2011, p. 9 à 11 disponible sur le site : www.bbmbti.com/upload/19/images/imagesbbm/Optique.pdf

38 Stéphane RETTERER Centrales et groupements d'achat et de référencement, RD com. Dalloz

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en retour à exploiter le savoir-faire, utiliser la marque et éventuellement

s’approvisionner auprès des franchiseurs (avec en général de sa part pour cet

approvisionnement un engagement d’exclusivité.)39 Les principaux réseaux de

franchise dans l’optique sont ALAIN AFFLELOU®, GENERALE D’OPTIQUE®,

LISSAC®, LYNX OPTIQUE® et OPTICAL CENTER®.40

Les centres d’optique mutualistes 5.

Les Opticiens Mutualistes sont des groupements ouverts à tous les assurés

sociaux. La dispense d’avance de frais se fait sur la part sécurité sociale et sur la

part de la complémentaire santé, lorsque des accords ont été signés avec les

organismes concernés. L’enseigne mutualiste propose un reste à charge maitrisé,

une offre labellisée, la pratique du tiers payant, un service après-vente et la

proximité. Tous les centres « Les Opticiens Mutualistes » sont engagés dans une

charte qualité. 41

Les entreprises de distribution doivent acheter les produits qu’elles vendent

auprès d’entreprises fabricantes ; par comparaison, les pharmaciens d’officines,

nonobstant les entreprises de grossistes, commandent leurs produits auprès

d’entreprises de fabrications soumises elles aussi à des règlementations strictes

définies par le code de la santé publique. Ainsi, il en est de même pour les

opticiens-lunetiers qui doivent se fournir auprès des fabricants (par exemple

Essilor®), mais à la différence du droit pharmaceutique, l’encadrement juridique

concernant les fabricants des produits d’optique lunetterie n’est pas comparable.

39 Franchisage, Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 8ème Ed., PUF, 2007, p. 429 40 Ordre des Experts-Comptables , Optique, Analyse sectorielle TPE, analyse a été réalisée en collaboration

avec la FCGA et l’ANPRECEGA, dans le cadre de l’Union de la Profession Comptable et des OGA (UNPCOGA), une force au service des entreprisesn 2011, p. 9 à 11 disponible sur le site : www.bbmbti.com/upload/19/images/imagesbbm/Optique.pd

41 Site de la mutualité française Publié le 27/03/2007, Dernière mise à jour le 18/05/2007 http://www.mutualite.fr

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Paragraphe 2 : Les exigences concernant les entreprises

fabricantes

A la différence du commerce au détail des produits d’optique lunetterie, la gérance

d’une entreprise de fabrication de verres correcteurs et de montures n’est pas

considérée comme une activité de santé règlementée. Par comparaison, les

établissements pharmaceutiques chargés de la fabrication des médicaments

doivent être la propriété d’un pharmacien ou sous la direction ou la gérance d’un

pharmacien responsable42.

Néanmoins, la question de savoir si les entreprises de fabrication des produits

d’optique lunetterie doivent être la propriété d’un opticien-lunetier ou sous sa

gérance semble légitime au regard des dispositions de l’article L 4362-9 du C.S.P.

précisant que « les établissements commerciaux dont l’objet principal est

l’optique-lunetterie43 (...) ne peuvent être dirigés ou gérés que par une personne

remplissant les conditions requises pour l’exercice de la profession d’opticien-

lunetier ». En effet, la notion d’établissements commerciaux dont l’objet principal

est l’optique lunetterie semblerait pouvoir s’appliquer aux entreprises de

fabrication. Bien que les dispositions législatives ne définissent pas la notion

«d’établissements commerciaux», les entreprises fabricantes pourraient relever de

ce texte.

De part la volonté du législateur de protéger la santé du patient en règlementant la

profession d’opticien, les entreprises de fabrication ne peuvent pas vendre

directement leurs produits aux consommateurs ; elles restent par conséquent

seulement soumises aux règlementations commerciales de droit, commun ainsi

qu’à celles relatives aux dispositifs médicaux prévues par le Code de la santé

42 C.S.P., art. R. 5124-2 43 Le terme « optique-lunetterie » est aussi orthographié sans le trait d’union

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publique. De plus, il n’existe pas de textes législatifs définissant la notion

d’entreprise de fabrication des produits d’optiques. Néanmoins, il est possible de

déduire leurs modalités d’activité au regard de plusieurs références.

Tout d’abord, selon la nomenclature des activités économiques «NAF rev.2» en

vigueur depuis le 1er janvier 2008, l’activité de fabrication de lunettes (Code NAF

sous classe 32.50B) est distincte de l’activité de commerce de détail d’optique

(Code NAF sous classe 47.78A), et comprend la fabrication d’articles

ophtalmologiques, lunettes correctrices, lunettes de soleil, lentilles sur

prescription, verres de contact, lunettes protectrices, fabrication de monture de

lunettes ; mais elle ne comprend pas les activités des opticiens.44

Ensuite, la jurisprudence est venue assez tôt établir la distinction entre l’activité de

vente au détail et l’activité de fabrication (illustrée par un arrêt de la Cour de Paris

du 4 mai 1983). En effet, statuant au visa de l’article L 508 devenu l’article

L4362-9 du CSP, les juges ont estimé qu’un laboratoire de contactologie dirigé

par une personne ne répondant pas aux exigences requises pour l’exercice de la

profession d’opticien-lunetier, ne peut pas commercialiser au détail (c’est-à-dire

directement aux patients) des lentilles de contacts et des verres scléro-cornéens, du

fait que ces produits relèvent du monopole de vente réservé aux opticiens-

lunetiers45.

Enfin, la vérification peut être faite directement auprès des professionnels

concernés ; à ce titre l’entreprise BBGR, dont l’activité est la fabrication des

verres optiques, a confirmé lors d’un entretien téléphonique, ne pas être soumise à

l’obligation d’être gérée ou dirigée par un opticien-lunetier diplômé, du fait

qu’elle ne propose ses produits qu’aux entreprises dont l’activité est la distribution

et le commerce au détail d’optique lunetterie.

44 INSEE NAF rév. 2, 2008 - Sous-classe 32.50B Fabrication de lunettes, disponible à l’adresse http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=nomenclatures/naf2008/n5_32.50b.htm

45 Paris, 1er Ch., sect. A, 4 mai 1983 ; Syndicat des opticiens français indépendants (S.O.F.I.) c. société Laboratoire de Contactologie appliqué et autre.; v., Jean PENNEAU, La Semaine Juridique Ed. Générale n° 12, 20 Mars 1985, II 2°366

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En conclusion, l’activité de fabrication de produits d’optique lunetterie n’est pas

soumise aux exigences du code de la santé publique concernant la profession

d’opticien-lunetier. A noter cependant qu’une proposition de loi « renforçant les

droits, la protection et l’information des consommateurs » vise à supprimer

l’exigence posée par l’article L.4362-9 concernant la direction ou la gérance de

magasin d’optique46.

En tant que professionnel de santé, l’opticien-lunetier est d’une part titulaire d’un

monopole de vente concernant les verres correcteurs d’amétropie, verres scléro-

cornéens et des lentilles de contact ; d’autre part, l’opticien est soumis à des

obligations liées à son statut de commerçant mais aussi à des obligations

particulières tenant à son statut de professionnel de santé.

46 Cette proposition de loi devait être déposée le deux mai 2013 devant le Sénat par le député Fasquelle, l’objectif de cette proposition est exactement similaire à cette qu’avait déposé le député Lefèvre , elle l’a été déposé le 24 avril 2013 puis retiré par son auteur le 26 avril 2013 ; (dossier législatif en ligne ) http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/renforcement_droits_protection_consommateurs.asp

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Chapitre 2 : Règles relatives à la vente

des produits d’optique et à la

responsabilité de l’opticien

Nous verrons dans ce chapitre d’une part, que la vente de ces produits fait l’objet

d’un monopole de vente et nous évoquerons à ce titre les aspects concernant la

vente en ligne. D’autre part nous aborderons les conditions concernant la mise en

jeu de la responsabilité civile de l’opticien.

Section 1 : Les règles régissant la vente des

produits d’optique lunetterie

L’opticien-lunetier bénéficie d’une protection légale de son commerce justifiée

par la protection de la santé publique.

Sous-Section 1 : Monopole de vente des opticiens

La Cour de cassation a estimé très tôt que le monopole de vente des opticiens ne

constitue pas une atteinte à la liberté du Commerce et de l’Industrie47 ; nous allons

constater que depuis 1988 certains produits ne sont plus protégés par ce monopole.

Le monopole de vente des opticiens lunetiers peut être abordé sous l’angle des

produits strictement réservés aux opticiens, et des produits relevant d’un

monopole partagé avec les pharmaciens48.

47 Cass. crim., 10 mai 1988, no 87-81.855, Bull. crim., no 203, D. 1989, som. p. 314, obs. Penneau J 48 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, 8ème Ed., PUF, 2007 « Le monopole est un régime de droit

(monopole de droit), ou une situation de fait (monopole de fait), ayant pour objet ou pour résultat de

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Paragraphe 1. La notion de produits d’optique entrant

dans le monopole des opticiens

A. Définition de ce monopole

A l’intérieur de son domaine de compétences, l’opticien-lunetier a le

monopole de la vente de lunettes destinées à corriger la vue49.

En l’absence d’une énumération précise des objets dont la vente est réservée aux

opticiens-lunetiers, il est admis que ce monopole porte sur tous les articles

destinés à corriger les défauts ou déficiences visuelles50, y compris les lentilles de

contact51.

La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt de 200152, a défini les produits dont la

vente est réservée aux opticiens comme l’ensemble des articles destinés à corriger

les défauts et déficiences de la vue. Elle ajoute « qu’il ne peut être déduit du

deuxième alinéa de l’article L 4362-9 (interdisant le colportage des verres

correcteurs d’amétropie), que le monopole de vente serait limité à ces seuls

produits. »

La chambre commerciale de la cour de cassation a par la suite estimé par deux

arrêts du 25 février 2003 que, dès lors qu’un texte instituant un monopole est

contraire au principe de la liberté du Commerce et de l’Industrie, il doit faire

l’objet d’une interprétation stricte53. De ce fait, n’entrent pas dans le monopole de

vente, les produits destinés à améliorer le confort visuel sans lien avec une

soustraire à toute concurrence sur un marché donné, une entreprise privée, un organe ou établissement public »

49 Lamy Droit de la santé 236-64 Les opticiens lunetiers 50 CA. Paris, 4 mai 1983, JCP éd. G 1985, no 14499, note Penneau J 51 Cass. com., 19 mai 1985, no 83-14.514, Bull. civ. IV, no 144, Inf. pharm. 1985, p. 1116, obs. G. V., D.

1987, som. p. 19, obs. Penneau J. ; Cass. crim., 26 avr. 1988, no 87-83.647, Bull. crim., no 177, Inf. pharm. 1988, p. 311, obs. G. V

52 CA Paris, 5eme ch. A, 7 mars 2001, rec. D. 2001 p.1363 53 Syndicat des opticiens français indépendants ; Cass.com., 25 février 2003, no 01-11 545. Et Chambre

syndicale des opticiens de la région Rhône-Alpes c/ Syndicat des pharmaciens de l’Isère et a. ; Cass. com., 25 février 2003, no 00-21 615 ; Bull., 2003, IV, février 2003.

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pathologie visuelle définie (ce qui est le cas des lunettes dites «loupes») ainsi que

les lentilles optiques telles que les jumelles, loupes grossissantes, longues vues

etc…

Les produits entrant dans le monopole de vente des opticiens sont des dispositifs

médicaux et répondent ainsi à des normes particulières.

B. Classification des produits d’optique dans les dispositifs

médicaux

Les dispositifs médicaux sont définis comme « tout instrument, appareil,

équipement, logiciel, matière ou autre article, utilisé seul ou en association, y

compris le logiciel destiné par le fabricant à être utilisé spécifiquement à des fins

diagnostique et/ou thérapeutique, et nécessaire au bon fonctionnement de celui-

ci.»54

Suivant la directive 93/42/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 14

juin 1993, relative aux dispositifs médicaux, les verres correcteurs et les montures

de lunettes sont des dispositifs médicaux de classe I (faible degré de risque) ; les

lentilles de contact correctrices appartiennent à la classe II.a (degré moyen de

risque), tandis que leurs produits d’entretien à la classe II.b (potentiel élevé de

risque) ; ces derniers font cependant l’objet d’un monopole partagé avec les

pharmaciens 55 . Ces produits répondent donc à des normes particulières de

fabrication et sont soumis à la matériovigilance ; ainsi des recommandations sont

54 Directive 93/42/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux JO n°L 169 du 12.7.1993, p. 1 Le dispositif médical est destiné par le fabricant à être utilisé chez l'homme à certaine fins De diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement ou d'atténuation d'une maladie, De diagnostic, de contrôle, de traitement, d'atténuation ou de compensation d'une blessure ou d'un handicap, D'étude ou de remplacement ou modification de l'anatomie ou d'un processus physiologique, De maîtrise de la conception, et dont l'action principale voulue dans ou sur le corps humain n'est pas obtenue par des moyens pharmacologiques ou immunologiques ni par métabolisme, mais dont la fonction peut être assistée par de tels moyens

55 Directive 93/42/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux JO n°L 169 du 12.7.1993, p. 1

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édictées par le ministère de la santé à l’attention des ophtalmologues ainsi que des

opticiens56 57.

La directive oblige le fabricant à se soumettre au contrôle d’un des organismes

certifiés (ces organismes sont répertoriés par le JOCE). Le fabricant du dispositif

choisit le mode de preuve la plus appropriée en fonction de la classe du dispositif

et de sa situation propre en matière d’organisation de la fabrication et de système

d’assurance de la qualité. Ces contrôles portent sur la fabrication mais aussi sur la

conception. Le fabricant doit procéder régulièrement à une réévaluation de la

procédure choisie.

Paragraphe 2. Les produits exclus ou faisant l’objet d’un

monopole partagé.

En dehors des produits dont la vente est strictement réservée aux opticiens, il

existe certains produits que l’opticien peut vendre, mais qui font, soit l’objet d’un

monopole partagé (en particulier avec les pharmaciens), soit qui ne font pas l’objet

d’un monopole de vente et qui peuvent donc être vendus par n’importe quel

commerçant.

56 Traitement des dispositifs médicaux en ophtalmologie et en contactologie, Ministère de la santé et des solidarités, DHOS/DGS, Comité Technique des Infections Nosocomiales et des Infections Liées aux Soins, novembre 2005

57 Le site du Ministère de la Santé peut vous fournir les lignes directrices concernant l'application du livre V bis du C.S.P. transposant la directive 90/385/CEE du conseil relative aux dispositifs médicaux implantables actifs, et la directive 93/42/CEE du conseil relative aux dispositifs médicaux.

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A. Les produits d’entretien et d’application des lentilles de

contact

En principe la « préparation » des produits destinés à l’entretien ou à l’application

des lentilles oculaires de contact est réservée aux pharmaciens58. Le législateur a

néanmoins posé une exception à ce principe, autorisant à vendre au public les

produits destinés à l’entretien des lentilles de contact59.

Un exemple d’application de la protection de ce monopole partagé des opticiens et

des pharmaciens fut la commercialisation par l’enseigne Monoprix de solutions

destinées à l’entretien des lentilles de contacts, qui a donné lieu à la condamnation

de l’enseigne par le Tribunal de Grande Instance de Paris en 200060.

En revanche, il est à noter que la législation établit une distinction entre les

produits destinés à l’application des lentilles et ceux destinés à leur entretien. En

effet, les dispositions l’article L4211-1 4e renvoient au 2° du même article

disposant que « la préparation des produits destinés à l’entretien ou l’application

des lentilles oculaires de contact » est réservée aux pharmaciens. Ainsi, l’article

L4211-4 ne mentionne seulement que les produits destinés à l’entretien des

lentilles et non ceux destinés à leur application.

Cependant, l’absence d’une définition précise des produits d’application et des

produits d’entretien soulève une véritable ambigüité, comme l’a révélé un arrêt de

la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 mai 1995.

En l’espèce, un opticien est poursuivi pour exercice illégal de la pharmacie du fait

qu’il commercialisait au public un produit destiné au rinçage des lentilles

oculaires de contact. Le Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens a invoqué le

fait qu’un « produit doit être considéré comme destiné à l’entretien ou à

58 C.S.P., art. L.4211-1 Loi 2002-303 2002-03-04 art. 92 JORF 5 mars 2002 59 C.S.P., art. L.4211-4 Loi 2002-303 2002-03-04 art. 92 JORF 5 mars 2002 60 A. LECA, « Droit pharmaceutique », Les Etudes Hospitalières, 6e éd., novembre 2012, p.297 ; v. aussi

Mon. Pharm., num.2377 du 9 décembre 2000 p. 18-20,

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l’application des lentilles de contact selon qu’il peut ou non être mis au contact de

l’œil ».

De ce fait, comme le produit destiné au rinçage doit être utilisé lors de la pose de

la lentille de contact, il s’apparente à un produit destiné à l’application des lentilles

de contact et, par conséquent, relève du monopole pharmaceutique. Les juges de

cassation ont estimé que, non seulement les produits de rinçage ne sont pas

destinés à l’application des lentilles et peuvent être ainsi vendus par les opticiens,

mais que de plus, les dispositions législatives autorisant les opticiens à vendre des

produits destinés à l’entretien des lentilles ne se réfèrent pas au critère invoqué par

l’Ordre des pharmaciens61.

Un second exemple révèle l’existence d’une confusion entre les produits

d’entretien et d’application assimilés à un monopole partagé entre pharmaciens et

opticiens. Ceci ressort de la lecture des moyens soulevés dans le cadre du pourvoi

en cassation. L’exemple de la première branche du moyen soulevé par une société

ayant mis en vente ce type de produit (Juva santé via Monoprix) est révélateur ;

«(...) que les dispositions des articles L. 512 et L. 512-1 anciens, qui figurent au

Livre V du code de la santé publique et qui réservent aux pharmaciens et à la

vente de produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles oculaires de

contact...»62.En définitive, le clivage entre produit d’entretien et d’application ne

peut qu’entretenir une confusion dans l’esprit des professionnels et des

consommateurs 63 , d’autant plus que la majorité des produits actuels dits

« multifonctions » ou « tout en un » destinés à l’entretien, à l’hydratation et à

l’application des lentilles de contact sont vendus par les opticiens64.

61 Cass., crim., 10 mai 1995, n° 94-84.873, v. note, Jean-Pierre Delmas Saint-Hilaire, « Exercice illégal de la pharmacie : il se confirme encore que la notion de médicament est, avant tout, de nature jurisprudentielle. Mais les signes d'une hostilité à l'égard de la conception impérialiste du monopole des pharmaciens se multiplient » Revue de science criminelle 1996 p. 133

62 Cass., civ. 1ère, 14 février 2006, n°01-02.462 63 Rapport du Conseil national de la consommation relatif a l'optique médicale, mars 1998, préjudiciable à la

bonne compréhension et utilisation des produits» (disponible en ligne) www.finances.gouv.fr/conseil nationalconsommation/avis/1998/cnc98optique_medicale.htm

64 FEYS (J.), « Lentilles de contact et risques infectieux, aspects réglementaires », Journal Français d’ophtalmologie, Ed. Masson, Paris, vol. 27, n° 4, 2004. p. 420-423

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31

B. Les lunettes pré-montées pour la vision de près

L’ANSM considère que les lunettes destinées à la vision de près ne sont pas des

dispositifs médicaux car elles ne sont pas destinées à être utilisées chez l’Homme

à des fins médicales au sens du Code de la santé publique65. « En revanche, si le

responsable de la mise sur le marché revendique une correction de la presbytie,

ces lunettes prémontées relèvent de la définition du dispositif médical et leur vente

réservée seulement aux opticiens.»66

Néanmoins la position de la jurisprudence sur la possibilité ou non d’autoriser

d’autres professions que celle des opticiens à vendre des lunettes prémontées n’a

pas toujours été constante. Dès 1996, la Cour de Cassation n’y était pas favorable

et exigeait que le pharmacien soit titulaire du diplôme d’opticien67. Mais en 2000,

la Haute Juridiction a accepté que les pharmaciens puissent les vendre au même

titre que les opticiens-lunetiers68.

La solution a été tranchée par un arrêt du 25 février 2003, dans lequel la Cour de

Cassation a jugé que la vente de lunettes-loupes, destinées à corriger le défaut

d’accommodation dû à la vieillesse et non à un défaut de l’œil, n’était pas réservée

aux seuls opticiens. La Haute Juridiction a justifié sa position par le fait que le

type de verres montés sur ces lunettes n’est pas destiné à corriger le défaut de

vision d’un patient en particulier, mais est destiné à l’amélioration du confort

visuel de n’importe quelle personne ayant une baisse physiologique et non

pathologique de la vision69.

65 C.S.P., art. L.5211-1 et R.5211-1 66 AFSSAPS, Liste des positionnements réglementaires et des qualifications des DM et DMDIV, Version du

1 janvier 2011 67 Cass. crim., 13 mai 1996, no 95-82.261, JCP 1996, IV, p. 2126 68 CA., Grenoble, 26 sept. 2000, Nouv. Pharm., no 203 69 DUBOUIS (L.), Le Monopole pharmaceutique. Produits concernés par un monopole concurrent, Etude

238-8, Rev Lamy Droit de la Santé, 2011

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32

A ce titre, la cour de cassation définit ce produit comme « deux verres loupes,

enchâssés dans une monture de lunettes, sans adaptation individuelle, ne sont pas

de véritables lunettes correctrices » 70 et qui est donc commercialisables comme

tout autre bien de consommation, et n’entre pas dans le monopole de vente des

opticiens71.

Sous-Section 2 : La vente en ligne des produits

d’optique lunetterie

Depuis plusieurs années, la vente en ligne des produits d’optique lunetterie s’est

développée. Elle représente 1 % du chiffre d’affaires de la profession, lequel était

estimé à 5,7 milliards d’euros pour 200872. Le développement de la vente par

correspondance via internet pose de nouvelles problématiques en matière de

produits de santé. Le législateur n’encadre pas la vente à distance des produits

d’optique lunetterie, ce commerce est soumis à la législation de droit commun en

la matière.

70 Cass. crim., 25 février. 2003, no 01-11.545 71 Motif de la décision de février 2003 v. note n°55 « Attendu que, pour décider que les lunettes pré-montées

ou lunettes loupes entraient dans le champ du monopole de vente réservé à la profession d’opticien-lunetier, l’arrêt retient que sont visés par l’article L. 508 l’ensemble des articles destinés à corriger les défauts et déficiences de la vue et que les lunettes prémontées, fussent-elles des produits standards, sont destinées à corriger la presbytie, qui ne consiste pas en un défaut de la réfraction, comme l’amétropie, mais un défaut d’accommodation dû au vieillissement ; attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’article L. 4362-9 prohibe le colportage des verres correcteurs d’amétropie, et que tout texte instituant un monopole contraire au principe de la liberté du commerce et de l’industrie doit être interprété strictement, la cour d’appel a violé les textes visés »

72 Annelot Huijgen, La vente d'optique en ligne suscite un vif débat, LeFigaro, 7 juillet 2011

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33

Paragraphe 1 : L’absence d’interdiction législative

La loi encadre la vente de produits d’optique lunetterie par un opticien-lunetier

diplômé en obligeant notamment ce dernier à enregistrer son diplôme73.

Les textes législatifs ne définissent, et par conséquent ne limitent pas les modes de

distributions. En effet la question est de savoir si un site en ligne peut-il ou non,

être dirigé ou géré par une personne au même titre qu’un établissement

commercial d’optique lunetterie au sens de l’article L. 4362-9 du CSP. Dans ce

cas, la règlementation devrait s’appliquer au même titre que les autres formes

d’exercice de la profession d’opticien-lunetier74. Une réponse a notamment été

apportée par un jugement du TGI de Paris du 24 novembre 1998, dans lequel les

juges étendent les obligations législatives à « la ou aux personnes chargées

d’administrer le site. »75

L’UFC-Que Choisir 76relève néanmoins que les syndicats d’opticiens ont, pendant

plusieurs années, estimé que la vente en ligne se heurtait à l’interdiction de

colportage des verres correcteurs d’amétropie prévue par le code de la Santé

publique77. Cette absence de clarté patente 78 de la loi française, eu égard aux

enjeux sanitaires et économiques que représente le commerce d’optique lunetterie

en ligne, a conduit la Commission Européenne à émettre un avis motivé à ce sujet.

73 C.S.P., Art. L4362-1, Loi n°2009-879 du 21 juillet 2009, Modifié par l’ Ordonnance n°2010-177 du 23 février 2010, art. 14.

74 Henri ALTERMAN et Frabrice PERBOST, Vers une réglementation de la vente de produits d’optique lunetterie sur internet; Chronique Droit des nouvelles technologies, RJ.Com, septembre/octobre 2011, n.5, p.466

75 Fiche pratique INC J. 170/09-07 , Les opticiens, p. IV (en ligne) <www.conso.net/infos-pratiques.htm> 76 HUMBERT (F.), « La vente en ligne de lunettes et de verres de contact » UFC Que Choisir Var Est, juin

2011, disponible sur www.ufc-quechoisir-var-est.org 77 C.S.P., Art. L 4362-9 78 ALTERMAN (H.), et PERBOST (F.), Vers une réglementation de la vente de produits d’optique lunetterie

sur internet; Chronique Droit des nouvelles technologies, RJ.Com, septembre/octobre 2011, n.5, p.466

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34

Paragraphe 2 : Intervention du droit européen.

A. La mise en garde de la France par la Commission

européenne

La Commission européenne, dans un avis motivé du 18 septembre 2008 estime

que la législation française « entrave la vente en ligne de produits d’optique

lunetterie. » 79

En effet, la Commission déduit de la législation sur le commerce des produits

d’optique lunetterie, une interdiction pour les opticiens de vendre en ligne les

produits dont ils ont le monopole de vente80. De ce fait, elle enjoint la France à

modifier sa règlementation nationale relative à la vente des produits d’optique

lunetterie.

B. La position de la Cour de Justice de l’Union

Européenne

Les juges européens se sont prononcés sur une affaire concernant une

règlementation nationale (en l’espèce hongroise) n’autorisant la vente de lentilles

de contact que dans des magasins spécialisés.

L’arrêt Ker-Optika rendu par la CJUE le 2 décembre 2010 précise que

l’interprétation des articles 3481 et 3682 du TFUE relatifs à l’interdiction des

79 Commission Européenne, « Libre circulation des services : procédure d’infraction à l’encontre de la France pour les entraves à la vente en ligne de produits d'optique lunetterie », Avis motivé, ref. IP/08/1354, Bruxelles 18 septembre 2008.

80 ref. au C.S.P.., Art. L 4211-4, L4362-1, L4362-9, L4363-1 et L4363-4 81 Article 34, TFUE, «Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet

équivalent, sont interdites entre les États membres» 82 Article 36 TFUE, «Les dispositions des articles 34 et 35 ne font pas obstacle aux interdictions ou

restrictions d'importation, d'exportation ou de transit, justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de

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restrictions quantitatives entre les États membres, ainsi que l’interprétation de la

directive n° 2000/3183 s’oppose à une règlementation nationale qui n’autorise la

commercialisation de lentilles de contact que dans des magasins spécialisés en

dispositifs médicaux.

Les juges européens considèrent qu’une telle règlementation nationale constitue

une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative interdite par l’article

34 TFUE, à partir du moment où cette règlementation s’applique également aux

lentilles de contact provenant d’autres États membres, car elle prive les

producteurs d’une modalité de distribution et par conséquent limite l’accès de ces

derniers au marché de l’État membre concerné.

Enfin l’arrêt Ker-optika confirme la solidité de la jurisprudence européenne Keck

et Mithouard84, qui précise qu’une règlementation nationale relative aux modalités

de vente d’un produit doit affecter de la même manière en droit, comme en fait la

commercialisation des produits nationaux et ceux en provenance d’autres États

membres85.

Venant renforcer l’avis de la commission européenne à ce sujet, cette

jurisprudence constitue un nouvel appel aux États membres concernés, à changer

leur règlementation. Ainsi un projet de loi a été déposé en 2011, afin notamment

de se conformer aux exigences du droit communautaire.

préservation des végétaux, de protection des trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique ou de protection de la propriété industrielle et commerciale. Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres»

83 Directive communautaire 2000/31/CE du Parlement européen et du conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur «directive sur le commerce électronique» (J.O.C.E. 17 juillet 2000), transposé par la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (J.O.R.F. n°143 du 22 juin 2004 p. 11168)

84 C.J.C.E., 24 novembre 1993, Keck et Mithouard, aff. C-267/91 et C-268/91 85 Ann Fromont, Christophe Verdure ; «La consécration du critère de l'« accès au marché » en matière de

libre circulation des marchandises : mythe ou réalité ?», RTDeur. D. , page 732

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La portée de cette jurisprudence n’est pas sans conséquence pour la France ; en

effet la législation française n’interdit pas explicitement la vente en ligne des

produits entrant dans le monopole des opticiens ; à contrario le législateur ne

prévoit pas la possibilité d’une telle modalité de vente86.

Paragraphe 3. Proposition de loi visant à clarifier la

législation actuelle

Le projet de loi Lefèvre visant à renforcer les droits, la protection et l’information

des consommateurs constitue la réponse du législateur français aux injonctions de

la Commission européenne, demandant à la France de modifier sa législation en

matière de vente de produits d’optique lunetterie87. Initialement déposée le 1er juin

2011 à l’Assemblée nationale, ce projet de loi n’a pas abouti en raison du

changement de législature.

Néanmoins, il semble intéressant d’étudier ce projet de loi car il sera

probablement repris en grande partie par la future loi en la matière.

86 C.S.P., art. L4362-9 et le Décret n° 2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d'adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d'un renouvellement et aux règles d'exercice de la profession d'opticien-lunetier (J.O.R.F. n°88 du 14 avril 2007 p. 685)

87 Projet de loi n° 4141 déposé le 23 décembre 2011 visant à « renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs »

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A. La suppression de la notion d’établissement d’optique

lunetterie

Tout d’abord, le texte supprime la notion « d’établissement commercial d’optique

lunetterie, leurs succursales et les rayons d’optique lunetterie »88. En effet, la

législation actuelle dresse une liste de points de ventes dont la direction ou la

gérance est réservée aux opticiens, créant ainsi un obstacle à des modalités de

ventes nouvelles. Partant de ce fait, le projet de loi fait référence à la notion plus

générale de délivrance des verres et lentilles correctrices. L’article L4362-9 alinéa

1 serait donc ainsi rédigé : « La délivrance de verres correcteurs et de lentilles

correctrices est réservée aux opticiens lunetiers remplissant les conditions prévues

aux articles L. 4362-1 et suivants.» De plus, le projet propose de créer un nouvel

article, dont les dispositions visent à encadrer la vente à distance des verres

correcteurs et des lentilles correctrices89

B. Les nouvelles exigences concernant la vente des verres

multifocaux et de forte puissance 90

Ensuite, le projet de loi fait référence aux verres « multifocaux » (dont font partie

les verres progressifs), ainsi que les verres dont la correction atteint une certaine

puissance, et prévoit que leur délivrance sera encadrée par une règlementation

88 C.S.P., art. L4362-9 al. 1 89 Projet de loi n° 4141 déposé le 23 décembre 2011 visant à « renforcer les droits, la protection et

l’information des consommateurs », art. 6, II. 90 Un verre progressif est un verre dont la puissance augmente de manière continue entre le haut et le bas du

verre, entre une zone supérieure destinée à la vision de loin et une zone inférieure destinée à la vision de près. Béatrice Cochener, Catherine Albou-Ganem, Gilles Renard, rapport 2012 Presbytie, Société Française d’Ophtalmologie,Chap.3, Elsevier Masson, Paris 2012, ISBN : 978-2-294-72375-9

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particulière définie par décret91. En effet la nouvelle rédaction de l’article L4362-1

disposerait que

« la délivrance de verres correcteurs multifocaux ou de verres correcteurs de

puissance significative est soumise à une prise de mesure réalisée dans des

conditions définies par décret. »

A ce titre Gérard Cornu estime qu’il « importe de cibler les verres multifocaux ou

à forte correction » et considère que l’article du projet de loi donne une marge de

manœuvre suffisante au pouvoir réglementaire pour définir les conditions dans

lesquelles la délivrance des verres correcteurs multifocaux ou de forte puissance

de correction se feront92.

Cet encadrement se justifie par le fait que l’opticien doit réaliser certaines mesures

techniques afin d’adapter le produit à son client, en particulier le centrage des

verres correcteurs. Le centrage des verres progressifs et des verres unifocaux de

fortes corrections doit être précis et rigoureux93. En effet, si le verre est trop haut,

le patient ne pourra pas voir dans la zone de vision de loin. Inversement, si le verre

est trop bas, le patient ne pourra pas voir dans la zone de vision de près.94 Une

erreur de centrage des verres peut entrainer des troubles importants de la vision ;

par exemple un syndrome d’asthénopie (fatigue oculaire) qui associe des

céphalées ainsi qu’une sensation de tension de l’œil ; ce type d’erreur peut aussi

provoquer une décompensation 95 des troubles de convergence (strabisme)

91 Projet de loi n° 4141 déposé le 23 décembre 2011 visant à « renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs » Art. 5 bis « La délivrance de verres correcteurs multifocaux ou de verres correcteurs de puissance significative est soumise à une prise de mesure réalisée dans des conditions définies par décret.»

92 Examen du rapport de la commission sur le projet de loi n° 12 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, Mercredi 7 décembre 2011, disponible sur le site du sénat http://www.senat.fr/rap/l11-175-2/l11-175-2.html

93Alain-Nicolas Gilg «Traiter la presbytie, coll. «Optique et vision» Ed. «Tec et Doc», Lavoisier 2009, ISBN., 978-2-7430-1159-8 ; p. 75

94 POLIER (J.) L’optique sur Internet, prochain scandale sanitaire ? , ITRnews, Janvier 2012, disponible sur le site : http://itrnews.com/articles/127807/optique-internet-prochain-scandale-sanitaire-jean-polier-opticien-lunettier.html

95 «En ophtalmologie la décompensation est un état pathologique où les processus sensoriels et/ou moteurs de suppléance qui compensaient, partiellement ou totalement, les effets nocifs d’une perturbation de l’oculomotricité ou de la vision binoculaire ne sont plus capables de le faire. Le plus souvent, la décompensation est à la fois motrice et sensorielle, comme p. ex. la décompensation d’une hétérophorie qui

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préexistants. Dans son rapport sur la presbytie de 2012, la Société Française

D’ophtalmologie se dit défavorable à la vente de lentilles de contact en ligne,

estimant qu’en tant que dispositif médical, ils ne doivent être pris en charge que

par les spécialistes96.

La vente de produit d’optique lunetterie expose l’opticien à la mise en jeu de sa

responsabilité civile, d’une par en tant que commerçant et d’autre part en tant que

professionnel de santé.

Section 2 : Responsabilité des opticiens-lunetiers

La profession d’opticien, à la différence d’autres professions

commerçantes, est une profession de santé dont l’accès et l’exercice sont

réglementés par le Code de santé publique. Comme toute profession de santé

réglementée mentionnée à la quatrième partie du Code de la santé publique, les

opticiens lunetiers ne sont responsables d’un dommage qu’en cas de faute, hors le

cas où leur responsabilité est engagée en raison d’un produit de santé.97

entraine à la fois une diplopie (décompensation sensorielle) et une déviation oculaire (décompensation motrice)» Dictionnaire de l'Académie de Médecine, disponible sur http://dictionnaire.academie-medecine.fr

96 Béatrice Cochener, Catherine Albou-Ganem, Gilles Renard, rapport 2012 Presbytie, Société Française d’Ophtalmologie,Chap.4, Elsevier Masson, Paris 2012, ISBN : 978-2-294-72375-9

97 Art. L 1442-1 et L 1442-2 du C.S.P.

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Paragraphe 1. Régime de droit commun sans spécificité

avec la profession.

A. Régime de la responsabilité délictuelle

Selon les dispositions du Code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause

à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »98.

Par ailleurs «chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par

son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence »99.

Au regard des dispositions du Code Civil, la mise en jeu de la responsabilité

nécessite l’existence d’un préjudice certain, d’une faute et d’un lien de causalité

dont le demandeur à la charge de la preuve. En matière de prescription des

poursuites, l’article L 1142-28 du Code de la santé publique dispose que « Les

actions tendant à mettre en cause la responsabilité des professionnels de santé (...)

se prescrivent par dix ans à compter de la consolidation du dommage. »

Par conséquent, il revient au patient de démontrer la réalité du dommage ainsi que

le lien de causalité entre la faute et le dommage. L’auteur doit prouver l’existence

de la force majeure (c’est-à-dire un évènement extérieur, imprévisible et

irrésistible), le fait d’un tiers ou la faute de la victime afin de s’exonérer de toute

responsabilité.100

L’opticien est soumis à un périmètre de compétence définit par le législateur, c’est

à dire qu’il engage sa responsabilité personnelle dès lors qu’il effectue des actes

ne relevant pas de sa compétence.

Ainsi la Cour d’Appel d’Orléans a jugé qu’un opticien engage sa responsabilité

civile au titre de l’article 1382 du code civil, en raison de la pose d’une lentille de

98 C. civ., art. 1382 99 C. civ., art. 1383. 100 A. LECA, « Droit pharmaceutique », Les Etudes Hospitalières, 5e éd., juin 2010, p.250

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contact sur un œil atteint de glaucome ayant causé la cécité de l’œil gauche du

patient déjà aveugle de l’œil droit. Les juges ont estimé d’une part, que la

réalisation d’un acte légalement réservé aux seuls médecins, et ce, sans l’accord de

ce dernier, était constitutif d’une faute de l’opticien.

D’autre part, que le lien de causalité entre la faute et le dommage étant établi,

l’opticien engageait sa responsabilité civile. En l’espèce, les juges précisent que la

nature isolée de l’acte n’est pas constitutive dudit exercice illégal de la médecine

qui est une infraction d’habitude. Enfin, l’opticien n’a pu en l’espèce bénéficier de

son assurance civile professionnelle du fait d’une exclusion de garantie figurant

sur son contrat d’assurance concernant les actes effectués en dehors du champ de

compétence juridique de son activité 101.

La loi n’interdit pas la délivrance de verres correcteurs à des patients de plus de 16

ans sans ordonnance médicale102. Néanmoins, cette absence d’avis médical engage

la pleine responsabilité de l’opticien. Tel est le cas d’un opticien ayant pratiqué

l’adaptation d’une lentille de contact.103

B. La responsabilité contractuelle de l’opticien

La responsabilité de l’opticien peut être de nature contractuelle. En effet, en tant

que commerçant, il est tenu à certaines obligations liées au contrat de vente qu’il

passe avec ses clients.

101 Cour d’Appel de d’Orleans, ch.,civ.,section 1,29 sep.,1993 Caisse mutuelle d’assurance et de prévoyance c./Durand, Juris-Data n° 1993-045292

102 C.S.P.., art. L.4362-9 al.3 : Aucun verre correcteur ne pourra être délivré à une personne âgée de moins de seize ans sans ordonnance médicale.

103 Cass. crim., 17 févr. 1981, in JurisClasseur Civil Code , Art. 1382 à 1386 , Fasc. 441: Santé, Cote : 05,2004

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Manquement à l’obligation d’information et de conseil 1.

Dans le cadre des relations entre l’opticien et son client, les règles concernant les

modalités de ventes ont pour objectif majeur de garantir l’effectivité de

l’information du patient / client. Cela se traduit par exemple par l’obligation

d’établir un devis détaillé avant la vente : l’opticien est tenu d'afficher de façon

parfaitement lisible de l'intérieur ou de l'extérieur du magasin la mention suivante

: Il est remis gratuitement un devis avant la conclusion de la vente. Enfin ce devis

doit comporter des mentions obligatoires dont la liste figure en annexe de l’arrêté

de juillet 1996. 104

Les opticiens sont soumis à une obligation de contrôle et d’adaptation des

équipements optiques (à l’exception des lentilles de contact dont l’adaptation

constitue un acte médical) et de conseil, ce qu’ont rappelé les juges du fond en

2001, ces derniers estimant que « les lentilles de contact destinées à corriger les

défauts ou déficiences de la vue sont assimilées aux verres correcteurs » entrent

dans le « monopole des opticiens lunetiers (...) ; lesquels ont, dans l’exercice de

leur profession, une obligation de contrôle et un devoir de conseil répondant aux

impératifs de santé publique »105. Néanmoins, le comportement du patient entre en

considération ; ainsi la responsabilité de l’opticien n’est pas retenue dès lors qu’il

a remis à une patiente des lentilles de contact provisoires identiques aux lentilles

définitives en attendant la livraison des lentilles prescrites, et qu’elle a gardé ces

lentilles provisoires un mois au lieu de les garder une semaine.106

Cette obligation d’information et de conseil revêt une importance majeure

notamment concernant l’utilisation par le client de certains produits particuliers.

Ainsi notons deux domaines où un manquement de l’opticien à ses obligations

d’information peut avoir des conséquences dommageables pour le patient.

104 Arrêté du 23 juillet 1996 relatif à l'information du consommateur sur les produits d'optique médicale 105 CA. Angers, ch. Com. 26 février 2001, n. 00/00271. Affaire : X... C/ S.A. Verchaly Optique; Publié sur

légifrance 106 CA. Paris, 16 juin 1998 : Juris-Data n° 1998-022516

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Tout d’abord, concernant les lentilles de contact : ces produits sont destinés à être

directement en contact avec l’œil du patient ; ainsi une mauvaise utilisation peut

entrainer des lésions importantes. Dans ce cas, l’opticien est tenu d’expliquer avec

quels produits et dans quelles modalités le patient devra entretenir ses lentilles de

contacts. Par conséquent, un manquement à cette obligation met en jeu la

responsabilité de l’opticien en cas de préjudice. Le patient peut alors poursuivre

l’opticien au visa de l’article 1147 en raison de la non - exécution d’une obligation

contractuelle par l’opticien. Cependant, il est à noter qu’en pratique, plusieurs

éléments permettent des règlements non contentieux. Tout d’abord l’opticien est

couvert par son assurance civile professionnelle qui est tenue d’établir une

proposition d’indemnisation au patient lésé. Ensuite, le montant du préjudice n’est

généralement pas assez important pour engager une procédure judiciaire.

Enfin, concernant certains types de verres correcteurs tels que les verres

multifocaux ou progressifs : ces verres nécessitent des précautions particulières ;

en effet, en raison de leurs caractéristiques, ils nécessitent d’être utilisés pour la

première fois dans un environnement adéquat. Ainsi, Mr Isoard, Opticien à

Aubagne chez l’enseigne Optique 2000, prend en exemple le cas d’un confrère qui

avait omis de conseiller à une personne à qui il venait de délivrer des verres

progressifs, de ne pas les porter en sortant du magasin, mais de s’y adapter en

rentrant à son domicile ; les conséquences furent pour le moins importantes ; en

effet, à peine sortie du magasin, la patiente a lourdement chuté et s’est fracturée le

genou. La cause de cette chute était due à une perte de repère géométrique causée

par les verres correcteurs. Par conséquent, la responsabilité de l’opticien pourrait

dans ce cas être engagée, en raison de son manquement à l’obligation

d’information et de conseil ayant eu pour conséquence de cause un dommage

certain à sa cliente.

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Paragraphe 2. Régimes spéciaux de mise en jeu de la

responsabilité civile de l’opticien

A. La responsabilité du fait des produits défectueux

Introduit dans les articles 1386-1 à 1386-18 du code civil par la loi 98-389 du 19

mai 1998 transposant la directive communautaire 85/374 du 25 juillet 1985, la

responsabilité du fait des produits défectueux est une responsabilité sans faute qui

pèse sur le producteur.

On entend par « produit défectueux », des produits qui n’offrent pas la «sécurité»

à laquelle on peut légitimement s’attendre et dont la mise sur le marché est

postérieure au 23 mai 1998.107

Le professionnel de santé qui fournit un produit à son patient peut voir sa

responsabilité engagée de plein droit en cas de dommages résultants de l’emploi

de ce produit en application de l’article 1386-7 du Code civil, issu de la loi du 19

mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.108 Il s’agit là

d’un régime particulier du fait de l’absence de nécessité d’une faute pour engager

la responsabilité du fabricant.

Un récent arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 12 juillet

2012 rendu au visa des article 1386-1 à 1386-18 et de l’article 1147 du code civil

considère que la responsabilité d’un professionnel de santé, en l’espèce un

chirurgien, ne peut être retenue qu’en cas de faute, tandis que la responsabilité du

fait des produits défectueux ne s’applique qu’aux seuls producteurs et fournisseurs

du produit litigieux et non à son utilisateur.

107 Santé et sécurité des consommateurs, Concurrence et consommation, Ed. Francis Lefebvre, 2010, p. 1110 108 Domitille Duval-Arnould, conseiller référendaire à la Cour de cassation, « La responsabilité civile des

professionnels de santé et des établissements de santé privés à la lumière de la loi du 4 mars 2002 », Rapport annuel de la Cour de cassation, 2002, partie II

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L’interprétation par analogie de cette jurisprudence permet de l’étendre aux

opticiens. En effet l’opticien, professionnel de santé, peut être considéré comme

un utilisateur du dispositif médical vendu par le fabricant. De ce fait, il ne peut

être responsable d’un dommage causé par un produit défectueux (exemple, un

produit d’entretien de lentilles de contact dont la composition contient par erreur

une substance dangereuse). Seul le producteur et le fournisseur pourront être

poursuivis sur ce fondement. Si l’opticien avait connaissance de la défectuosité du

produit lors de la vente, il pourra cependant être poursuivi sur le fondement de

l’article 1147 ou de l’article 1382 du code civil car, dans ce cas, il s’agit d’une

faute de sa part. Néanmoins la responsabilité de l’opticien peut être engagée sur le

fondement du régime des produits défectueux lorsque la défectuosité du produit

provient d’une erreur, comme une mauvaise manipulation du dispositif médical

par l’opticien. En effet, lorsque que l’opticien reçoit des verres correcteurs

commandés auprès d’un fournisseur, il va réaliser le montage, le contrôle, le

centrage, voire le polissage des verres avant de les délivrer à son client. Ainsi, il

engage sa responsabilité en cas d’erreur provoquant un dommage.

Enfin, concernant les lentilles de contact, l’opticien ne les manipule pas, son rôle

est de conseiller le client sur l’utilisation optimale du produit ; en revanche

l’ophtalmologue ayant prescrit les lentilles correctrices, peut déléguer l’adaptation

de la lentille à l’opticien par le biais d’un protocole de coopération préalablement

validé par l’ARS109.

Les contrôles ophtalmologiques doivent permettre de surveiller et de prévenir

l'apparition de complications liées au port des lentilles de contact. L'information

des porteurs sur les symptômes devant amener à enlever les lentilles

immédiatement et à consulter en l'absence d'une amélioration très rapide permet

de minimiser l'incidence et le pronostic de complications, peu fréquentes mais

109 Exemple d’un protocole de coopération entre une ophtalmologue et un opticien relatif à la délégation de l’adaptation de lentilles de contact et déposé auprès de l’ARS de Basse Normandie, DGOS- SDRH, Protocoles en cours d’étude, 1er octobre 2012, p.11

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graves. Les complications induites par le port de lentilles de contact sont de

différents ordres et de gravité extrêmement variable. Bien que peu fréquente, (2 à

20 cas/10 000 porteurs/an), elles représentent une véritable urgence thérapeutique

et sont graves de par les séquelles qu'elles peuvent entraîner.110

B. Faute de l’opticien dans la délivrance

Prenons le cas où un patient muni d’une prescription préalablement établie par un

médecin ophtalmologue, transmet l’ordonnance à l’opticien afin que ce dernier

puisse lui délivrer des verres ou lentilles adaptées à sa vue. L’opticien doit vérifier

la cohérence de la prescription du médecin et doit en cas de doute le contacter.

L’opticien ne doit pas rectifier de lui-même l’ordonnance initiale sans l’accord du

médecin prescripteur.111

Les similitudes avec le droit pharmaceutique sont relativement importantes car

l’opticien, tout comme le pharmacien, a pour rôle de délivrer aux patients des

produits définis par le code de la Santé publique sur prescription médicale. Il en

découle une obligation de conseil, d’information et de contrôle de la prescription.

L’erreur de délivrance met en jeu la responsabilité de l’opticien qui est en

principe tenu d’une obligation de moyens, ainsi engage-t-il sa responsabilité

contractuelle en cas de faute prouvée.112

La Cour d’appel de Paris a, au visa de l’article 1147 du code civil, jugé que la

pose défectueuse de verres correcteurs sur une nouvelle monture avec un

décentrement de 6 mm et une insuffisance de convergence ayant entrainé des

troubles visuels ainsi que des céphalées chez le patient, engage la responsabilité

110 Malet F et Peyre C, Correction des amétropies par lentilles de contact, Encycl. Méd., Chir., Ed., Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, 2002, Paris, p. 24

111 Décret n°2007-553 du 13 avril 2007 relatif aux conditions d’adaptation de la prescription médicale initiale de verres correcteurs dans le cadre d’un renouvellement et aux règles d’exercice de la profession d’opticien-lunetier, art. 1

112 CA. Paris, 5 févr. 1979, JurisClasseur Civil Code , Art. 1382 à 1386 , Fasc. 441: Santé.Cote : 05,2004

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contractuelle de l’opticien ; dès lors qu’est prouvée l’existence d’un lien de

causalité entre la pose défectueuse et les troubles dont souffre le patient.113

Concernant le renouvèlement de la prescription par l’opticien, le Code de la santé

publique 114 autorise les opticiens à adapter, dans le cadre d’un renouvèlement, les

prescriptions médicales initiales à condition qu’elles datent de moins de 3 ans, que

le patient soit âgé d’au moins 16 ans lors de la prescription initiale et que le

médecin prescripteur ne s’oppose pas au renouvèlement.

Le décret relatif à l’article L4362-10 oblige l’opticien à informer le médecin en

cas d’adaptation par rapport à la correction initiale. 115 Dès lors que l’opticien

respecte son obligation d’informer le médecin en cas de doute concernant la

prescription initiale, il ne peut pas être responsable des conséquences d’une

mauvaise prescription médicale.

113 Cour d’Appel de Paris, 31 mai 2001 : Juris-Data n° 2001-145597 114 C.S.P.., art. L.4362-10 115 Le décret n° 2007-553 fixant les conditions d’application des dispositions de l’art. L.4362-10 C.S.P..

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Après avoir défini dans une première partie tous les aspects juridiques de la

profession d’opticiens-lunetiers, nous aborderons dans la seconde partie, d’une

part le rôle des autres professionnels de santé intervenant dans la prise en charge

des troubles de la vision et d’autre part, les outils permettant à chacune de ces

professions d’exercer leurs compétences de manière complémentaire, par le biais

d’outils législatifs garantissant, une prise en charge optimale des patients.

Cependant chacune de ces professions se trouve cloisonnée dans un périmètre de

compétences précis. Ainsi, l’objectif de cette partie est d’apporter une réflexion

juridique facilitant l’amélioration des rapports entre ces professionnels de santé en

vue d’assurer une meilleure prise en charge des patients atteints de troubles de la

vision.

Enfin, cette partie étudiera certains modèles étrangers afin de comparer

l’organisation des rapports entre les professions de santé et de dégager quelques

pistes de réflexion quant à la possibilité d’adapter les solutions juridiques adoptées

dans ces pays.

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Deuxième partie

Enjeux et évolutions de la

profession

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L’ophtalmologie connait actuellement une des plus fortes diminutions de

densité de spécialistes. De ce fait, les délais d’attente de rendez-vous s’allongent et

deviennent problématiques, selon les régions françaises. Pour exemple, à ce jour le

délai afin d’obtenir un rendez-vous pour une consultation ophtalmologique au sein

du cabinet du Dr Rottier situé au Mans est d’un peu plus d’un an, tandis que dans

certaines régions ce délai n’est que de trois semaines (en région Provence Alpe

Cote d’Azur par exemple.)

L’augmentation de 15% d’ici à 2020 des troubles de la vue, conséquence du

vieillissement de la population, rend nécessaire la redéfinition des différents

niveaux d’intervention des professionnels de la vision pour une utilisation

optimale de leurs compétences.

S’agit-il de créer un nouveau métier ou de diversifier les niveaux de formation des

métiers existants par une nouvelle répartition de leurs actes ?

En plus des orthoptistes, ophtalmologues et opticiens-lunetiers, la possibilité d’une

quatrième profession, l’optométrie, est-elle envisageable et répond-t-elle à l’enjeu

d’optimiser la prise en charge des patients ?116

116 G. de Pouvourville (Cregas) et G . Chaine (Service d’Ophtalmologie de l’hôpital Avicennes), Rapport sur « La Démographie en Ophtalmologie 2000 – 2020 » remis au Conseil Scientifique de la CNAMTS le 24 septembre 2003

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Chapitre 1 : La nécessaire redéfinition du

périmètre de compétences entre les

opticiens et les autres professionnels de la

vision La prise en charge des troubles de la vision fait entre autres intervenir trois

acteurs principaux : Les ophtalmologues, les orthoptistes et les opticiens-lunetiers.

Chacune de ces professions possède un périmètre de compétences définies par le

législateur. La notion de « périmètre de compétences » regroupe tous les actes que

chaque profession a le droit de réaliser, et inversement ceux qu’elle ne peut

réaliser. Cependant, la législation prévoit dans certaines conditions, des

dérogations à ce principe notamment par le biais des protocoles de coopération.

Section 1 : Périmètre de compétences des

ophtalmologistes, des orthoptistes et des

opticiens-optométristes.

Afin d’étudier le périmètre de compétences des professionnels de santé, entrant

dans la prise en charge des troubles de la vision, c’est à dire les « trois O »

(opticiens-lunetiers, orthoptistes, ophtalmologues), il est nécessaire de définir la

profession d’optométriste qui regroupe les opticiens-lunetiers qualifiés en

optométrie.

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Paragraphe 1 : L’optométrie, une profession hybride.

A. Définition de l’optométrie

L’étymologie du terme optométrie est composée du préfixe « opto » - venant du

français « optique » - et du suffixe « métrie » - venant du grec ancien « métron ».

Ainsi, l’optométrie peut se définir littéralement comme l’ensemble des procédés

destinés à mesurer les propriétés optiques de l’œil. L’optométriste est un opticien-

lunetier sachant mesurer les défauts de l’œil et détermine seul la formule de verres

compensateurs »117.

La World Council of Optometry 118(WCO) définit de manière plus complète

l’optométrie : Il s’agit « d’une profession de santé autonome, formée et

réglementée, et les optométristes sont les professionnels de santé de l’œil et du

système visuel qui assurent un service oculaire et visuel complet, qui inclut la

réfraction et la fourniture des équipements optiques, la détection/diagnostic et le

suivi des maladies oculaires et la réhabilitation du système visuel ».119 Par ailleurs,

l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) reconnaît l’optométrie comme une

discipline de santé indépendante, plus particulièrement chargée des problèmes

réfractifs, puisqu’elle est en total accord avec la définition de la WCO

117 A. PERCEVAL, La Vision, Paris, P.U.F., 1980, p.31 118 Conseil Mondial de l’Optométrie 119 « Who is an optometrist ? », World Council of Optometry

[Enligne]http://www.worldoptometry.org/en/about-wco/who-is-an-optometrist/index.cfm consulté le 4 mai 2013

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B. La situation des optométristes en France

D’après l’Association des Optométristes de France, sur les 25.010 opticiens-

lunetiers recensés en France120, 3.000 seraient qualifiés en optométrie121.

En droit français, le diplôme d’optométriste permet uniquement l’exercice de

l’optique lunetterie au même titre que les opticiens-lunetiers titulaires du BTS

d’opticien-lunetier122. En pratique, les diplômes formant à l’optométrie qui sont

référencés au RNCP ne sont accessibles qu’aux titulaires du BTS d’opticien-

lunetier. L’objectif de ces formations est de compléter les connaissances des

opticiens vers l’acquisition de nouvelles compétences techniques.

Il est à noter qu’il existe un diplôme européen d’optométrie. Le concept du

diplôme européen a été créé par le Conseil européen d'optométrie et Optique

(ECOO) en 1988. L' ECOO reflète les ambitions de l'Union européenne

concernant l’harmonisation des différents diplômes d’optométriste, afin de

faciliter la libre circulation des praticiens. 123

En effet, un ressortissant français a la possibilité de suivre une formation en

France afin d’obtenir ce diplôme et d’exercer ensuite la profession d’optométriste

dans les pays membres de l’UE où la législation le permet. 124

Certains cabinets d’ophtalmologistes emploient des optométristes sous le

statut de salarié. Bien que la réalité de cette pratique soit négligeable, elle reste

révélatrice d’une certaine confusion : les opticiens optométristes y pratiquent la

réfraction, la tonométrie à air pulsé, topographie, biomicroscopie pour adaptation

120 Daniel SICART, 2012, « Les professions de santé au 1er janvier 2012 », Document de travail, série Statistiques, n° 168, mars.

121 AOF, Réglementer l’Optométrie pour une prise en charge plus efficace et plus économique des besoins oculo-visuels, 32èm congrès d’optométrie et de contactologie, janvier 2013, [En ligne] http://www.optometrie-aof.com/wa_files/ReglementerOptometrieFrance.pdf

122 Les optométristes québécois vont-ils venir exercer en France ?, droit-medical.com, consulté le 1er mai 2013

123 Le 19 décembre 2011, la Commission a adopté une proposition législative pour moderniser la Directive 2005/36/CE sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.

124 http://www.ecoo.info/european-diploma/

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lentille, fond d’œil sans dilatation... ils peuvent également endosser le rôle

d’assistant en bloc opératoire. Ils font des tests de dépistage, mais ne posent

jamais de traitement, de dilatation, de tonométrie avec contact. L’optométriste est

capable de dépister un état anormal de l’œil. En CHU de même, les réfractions,

des bilans pré et post opératoire, des adaptations des lentilles.125

Or, l’adaptation de lentille est un acte médical. De ce fait, outre les sanctions

disciplinaires que peuvent encourir les ophtalmologues n’exerçant pas

personnellement la médecine, les opticiens-optométristes exerçant dans ces

cabinets commettent l’infraction d’exercice illégal de la médecine126.

En réponse à ce fait, des projets de lois sont régulièrement déposés à

l’Assemblée Nationale ou au Sénat afin de reconnaitre la profession

d’optométriste. Ainsi quatre ans après la proposition de loi du député Elie

Aboud127, une nouvelle proposition de loi visant à reconnaitre l’optométrie sera

déposée par le député Gérard Bapt avant la fin de l’année 2013128 . Cette

proposition de loi viserait à règlementer la profession d’optométriste en France et

entendrait lui confier de larges prérogatives allant au-delà de la prescription de

lunettes. Elle inclurait le dépistage des pathologies, l’adaptation des lentilles,

l’autorisation à pratiquer un fond d’œil 129 et exclurait cependant les patients de

moins de 16 ans. Cependant, les optométristes ne pourraient pas réaliser une

première prescription optique. En effet la profession d’optométriste doit être

séparée de celle de l’ophtalmologue, étant donné que le droit de prescription est

réservé par principe aux médecins sauf exception.

Voir le tableau comparatif de l’exercice de l’optométrie dans certains pays

européens en Annexe 3

125 Interview de Jonathan DOUAUD Opticien-optométriste, Responsable d'Enseignement à l’Institut Supérieur D’optique

126 Infraction réprimée par l’article L4161-5 du C.S.P 127 Proposition de loi Elie Aboud visant à reconnaître la profession d’optométriste, déposé le 8 juillet 2009 128 « Nouveau projet de loi pour la reconnaissance de l’optométrie », [En ligne] www.infos-lentilles-de-

contact.com, consulté le 4 mai 2013. 129 Jean-Bernard Rottier, président du Snof (Syndicat national des ophtalmologistes de France)

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Paragraphe 2 : Champs de compétences des médecins

ophtalmologues et des orthoptistes.

A. Les médecins spécialistes en ophtalmologie

L’ophtalmologie est la branche de la médecine chargée du traitement des maladies

de l’œil et de ses annexes.

Les ophtalmologues sont avant tout des médecins et de ce fait ont un monopole de

compétences concernant l’exercice de la médecine.

Le code de la santé publique définit l’exercice de la médecine comme

l’établissement d’un diagnostic ou du traitement de maladies, congénitales ou

acquises, réelles ou supposées, par [des] actes personnels, consultations verbales

ou écrites ou par tous autres procédés quels qu’ils soient, ou [la] pratique l’un des

actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre

chargé de la santé .130

La mission de l’ophtalmologiste est de dépister, diagnostiquer et traiter les

maladies de l’œil et de ses annexes. Il s’agit de l’ensemble des affections de l’œil,

des paupières et des voies lacrymales (système de production et d’évacuation des

larmes). Son rôle est d’évaluer et d’explorer la fonction visuelle, d’assurer

la prévention de la santé de l’œil et de traiter toutes les pathologies oculaires.

L’ophtalmologiste peut effectuer tous les actes nécessaires à l’établissement d’un

diagnostic et au traitement d’une pathologie oculaire.

Le champ de compétences des ophtalmologistes est très large ; en effet, le

caractère médico-chirurgical de cette profession confère la possibilité à ces

130 C.S.P. art. L4161-1

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médecins spécialistes de pratiquer des actes de chirurgie en plus des actes de

diagnostics et de soins oculaires.

D’autre part, il est seul compétent pour effectuer des actes chirurgicaux dans son

domaine de spécialité ; il est enfin, par principe, seul titulaire du droit de

prescription.

Cependant en tant que profession médicale, les ophtalmologistes ne peuvent pas

vendre des produits d’optique lunetterie, tout comme ils ne peuvent pas vendre de

médicaments.

Cette interdiction découle du principe selon lequel la médecine ne doit pas être

pratiquée comme un commerce131. Rappelons ici que les opticiens-lunetiers ont le

statut de commerçant. Ainsi le statut de commerçant des opticiens lunetiers pose

un problème majeur quant à une possible évolution de leurs compétences vers des

compétences médicales.

B. La profession d’orthoptiste

L’orthoptie consiste en des actes d’exploration, de rééducation de réadaptation de

la vision utilisant éventuellement des appareils, et destinés à traiter les anomalies

fonctionnelles de la vision. Il s’agit une profession de santé paramédicale dont

l’exercice est règlementé par le code de la santé publique.132

La formation des orthoptistes est universitaire ; le programme des études

est défini par un décret de 1966.133 La durée des études est de trois ans et permet

l’obtention du diplôme « Certificat de capacité d’orthoptiste ». Cette formation est

effectuée au sein des facultés de médecine. Actuellement une réforme de leur

131 Code de déontologie médicale, art. 19 codifié par le décret n° 2004-07-29 à l’art. R4127-19 du C.S.P. 132 C.S.P. art. R4342-1 133 Arrêté du 16 décembre 1966 - Éducation nationale, Affaires sociales

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formation est en cours pour répondre à de nouveaux besoins formulés par le

monde médical dans le cadre de protocole de coopération.

Les modalités d’exercice de la profession d’orthoptiste sont variés : certains

occupent un poste dans un hôpital, d’autres exercent dans des établissements

d’accueil pour personnes en situation de handicap, des centres de soins, ou encore

en cabinet médical.134

Une majorité des orthoptistes (58%) travaillent en libéral exerçant dans leur

propre cabinet ou en collaboration avec un médecin ophtalmologiste dans une

Société Civile de Moyen(SCM)135.

La particularité de l’exercice de l’orthoptie réside dans le fait qu’un certain

nombre d’actes effectués le sont sous le regard du médecin prescripteur. Ceci

explique que certains orthoptistes exercent en tant que salariés au sein de cabinet

d’ophtalmologie.

La loi énumère une série d’actes que l’orthoptiste peut effectuer, soit sous son seul

contrôle, soit sous le contrôle et la responsabilité d’un médecin ophtalmologiste.

Ø Sous la responsabilité d’un médecin ophtalmologiste en mesure d’en

contrôler l’exécution et d’intervenir immédiatement : Les orthoptistes sont habilités à

réaliser les actes suivants : La pachymétrie sans contact ; la tonométrie sans contact ; la

tomographie par cohérence optique ; la topographie cornéenne ; l’angiographie

rétinienne, à l’exception de l’injection qui doit être effectuée par un professionnel de

santé habilité ; la biométrie oculaire préopératoire ; la pose de lentilles ; la rétinographie

mydriatique et l’électrophysiologie oculaire.136

134 http://suaio.univ-lille2.fr/fr/infos-metiers/zoom-metiers/devenir-orthoptiste.html 135 État des lieux de la profession d’orthoptiste en 2010, (en ligne)

http://orthoptie.net/statistiques/chiffres2.htm 136 C.S.P. art. R4342-6 et -8

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Ø Sur prescription médicale uniquement, mais sous leur propre

responsabilité : Les orthoptistes peuvent déterminer l’acuité visuelle, la réfraction ainsi

que les médicaments nécessaires à la réalisation des actes prescrits par le médecin.137 Ils

sont aussi autorisés à pratiquer des actes de rééducation orthoptique.138 Enfin, toujours

sous prescription médicale, les orthoptistes peuvent effectuer d’autres actes (par exemple

la périmétrie) dont l’interprétation des résultats reste toutefois de la compétence du

médecin prescripteur139.

Outre les actes énumérés par le code de la santé publique pouvant être réalisés par

les orthoptistes bien que relevant normalement du champ de compétence

médicale, le législateur, par la loi de 2009 « hôpital patients santé territoire » en

son article 51, prévoit la possibilité de mettre en place des protocoles de

coopération entre des professions médicales et paramédicales.

Ce qui se traduit pour un orthoptiste, par la possibilité de réaliser certains actes

sous le contrôle d’un médecin, à condition que celui-ci puisse intervenir à tout

moment.

Si le contrôle de l’exécution par un médecin peut être réalisé à distance de la

réalisation de l’acte, l’exigence d’une intervention immédiate suppose cependant

que le médecin soit physiquement présent à proximité du lieu où les soins sont

dispensés afin de pouvoir intervenir immédiatement (c'est-à-dire sans délai, situé à

portée de voix). En cas de complications pour un patient, c’est avant tout celui qui

aura réalisé l’acte, en l’occurrence l’orthoptiste, qui sera responsable. Mais cette

responsabilité principale n’exclut pas la responsabilité de l’ophtalmologiste qui

doit contrôler l’exécution des actes. S’il a manqué à cette obligation,

l’ophtalmologiste pourra être tenu conjointement responsable avec l’orthoptiste.140

137 C.S.P. art. R4342-7 138 C.S.P. art. R4342-3 139 C.S.P. art. R4342-5 140 Klinz Jean-PhilIppe, Choulet Philippe, « je délègue, tu délègues, il délègue, elle, on, nous déléguons

???? » Projet d’article, Choulet et Boulouys Klinz Avocat, juillet 2011

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59

Dans le cadre d’un exercice salarié en cabinet médical, l’ophtalmologiste-

employeur sera civilement responsable des fautes commises par son préposé (en

l’occurrence l’orthoptiste) dans l’exercice de sa mission.141

Section 2. Les protocoles de coopérations entre les

ophtalmologues, les orthoptistes et les opticiens

Chaque professionnel de santé peut s’il le désire, s’engager « dans une

démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts

d’activité ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès

du patient ». 142

En d’autres termes, ces protocoles permettent de déroger aux dispositions

législatives fixant les conditions d’exercices des différentes professions de santé,

afin d’améliorer la prise en charge des patients. Le législateur a dû mettre en place

des outils afin de permettre un décloisonnement des compétences des professions

de santé, et ce par le biais de protocoles de coopérations.

Paragraphe 1 : Cadre juridique et objectifs de ces

protocoles

A. Rapport Berland, initiateur de ces protocoles 143 Ce rapport avait pour objectif d’étudier les opportunités de coopérations pouvant

être développées entre les différentes professions de santé, tout en mettant en

place des expérimentations dans des domaines d’activités dissemblables144.

141 Cass. Civ. 1ère, 9 avril 2002, RTD Civ. 2002, p. 516 ; Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2002, D. 2003, Jur. p. 580 :

142 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires; art. 51

143 BERLAND Yvon, Rapport d’étape :« Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences », Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, octobre 2003

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60

Concernant la mise en place de protocoles dans le cadre de la prise en charge des

troubles de la vision, l’étude de 2003 estimait que la coopération entre les

professions paramédicales et les ophtalmologues nécessitait que les professions

paramédicales suivent une formation médicale afin d’acquérir, entre autres, des

compétences techniques en matière de diagnostic.145

Ces protocoles de coopération n’ont pas seulement vocation à lutter contre les

problèmes de démographie médicale ; elles ont aussi vocation de garantir aux

patients un accès aux soins sur tout le territoire national par le biais d’une

coordination performante entre tous les intervenants.

B. La loi HPST consacrant la coopération entre

professionnels de santé146

La loi HPST de juillet 2009 a permis la mise en place à titre dérogatoire de

transfert d’actes ou d’activités de soins sous la forme de protocoles de

coopération.

La mise en place des protocoles de coopération est cependant soumise à des

conditions de forme et de fond définies par le législateur147.

Ces protocoles précisent l’objet et la nature de la coopération, notamment les

disciplines ou les pathologies, le lieu et le champ d’intervention des professionnels

de santé concernés.

Le dossier transmis par l’équipe de soins à l’initiative du protocole est transmis à

l’ARS qui vérifie les besoins de santé et la complétude du protocole et le transmet

à la HAS. Cette dernière s’assure de la qualité et de la sécurité des soins et rend un

avis défavorable ou favorable. En cas d’avis favorable de la HAS, l’ARS prend un

144 Jean-François Mattei, Lettre de mission à l’attention du Pr Berland 145 BRESSAND Michelle, ABADIE Marie-Hélène, HUSSON Roger, « Réflexion autour des partages de

tâches et de compétences entre professionnels de santé », Rapport remis au Ministre de la Santé, novembre 2008, p.31

146 Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 - Article 51 147 C.S.P. art. L4011-2

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arrêté d’autorisation du protocole. Cet arrêté revêt un caractère dérogatoire à la

législation concernant les actes que peuvent effectuer les professionnels

délégataires. Les protocoles de coopérations validés et mis en pratique constituent

de véritables expérimentations. En effet, l’évaluation et le suivi de ces protocoles

permettent de savoir si un élargissement des compétences est envisageable, c’est-

à-dire que les tâches déléguées dans le cadre du protocole puissent être intégrées

par le législateur dans le champ de compétences du professionnel délégataire et

que la formation initiale soit ainsi modifiée afin d’y intégrer de nouvelles

compétences148.

Paragraphe 2 : Expérimentation et bilan actuel des

protocoles de coopération.

A. Protocoles entre ophtalmologues et orthoptistes :

expérimentations et bilan actuel

Dans le cadre du second rapport Berland, cinq expérimentations furent menées

entre 2003 et 2006 dont l’une est relative à la collaboration entre ophtalmologues

et orthoptistes dans le cadre d’un cabinet de ville. Un arrêté du Ministère de la

santé et des solidarités du 13 décembre 2004 relatif à la coopération entre

professions de santé a autorisé le transfert de tâches entre les ophtalmologistes et

les orthoptistes dans deux cabinets d’ophtalmologie situés dans la ville du Mans. Il

est à noter que cette expérimentation, ainsi que l’arrêté permettant de la réaliser est

antérieur au décret de 2007 élargissant le périmètre de compétences des

148 Jean-Luc Harousseau« Protocole de coopération, Position du problème Et état des lieux »HAS, Févr.2013 http://www.urpsorthoptistesidf.fr/app/download/7328262484/DiaporamaPrHarousseau19mars13.pdf?t=1363779590

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orthoptistes. En effet, cette expérimentation a mis en place une délégation de

tâches normalement réservées à cette époque aux ophtalmologues.149

En l’espèce, il s’agissait de permettre aux orthoptistes de réaliser des examens tels

que la mesure de la réfraction oculaire, la mesure de la tension oculaire sans

contact, la pose des lentilles choisies par le médecin ainsi que la réalisation d’un

bilan oculomoteur.

Concernant les examens réalisés par l’ophtalmologiste, il s’agissait notamment

d’effectuer le contrôle des actes réalisés par l’orthoptiste, c’est-à-dire la mesure de

la pression intraoculaire par contact si nécessaire, l’examen des structures

oculaires et des annexes ainsi que la réalisation d’une synthèse et de diagnostics.

Pour les besoins de l’expérimentation, les orthoptistes ont suivi une formation sur

l’accommodation, les amétropies, l’évolution de la vue au cours de la vie et le

déroulement d’un examen de la réfraction subjective. La durée de la formation

théorique fut de 50 heures, suivie de la réalisation de 2000 à 3000 réfractions

encadrées par un médecin.

Une partie de la formation a été réalisée par des médecins notamment concernant

la pose, le retrait et l’entretien des lentilles de contact, ainsi que la conduite à tenir

en cas de malaise vagal ou de réflexe oculo-cardiaque. Les laboratoires ont aussi

participé à cette formation des orthoptistes, en leur enseignant les caractéristiques

des lentilles, les principes de l’adaptation de ces dernières et leur entretien.

L’objectif de ces formations visait à garantir un niveau de sécurité optimal pour le

patient.150

L’objet de cette expérimentation fut d’optimiser les tâches des ophtalmologues en

organisant une délégation de tâches aux orthoptistes. En effet, rappelons que ces

aménagements s’inscrivent dans un contexte de diminution importante du nombre

149 BERLAND Yvon, Rapport d’étape :« Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences », Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, octobre 2003

150 HAS, « Recommandation de bonnes pratiques Troubles de la réfraction : délivrance des verres correcteurs par les opticiens dans le cadre d’un renouvellement »; Argumentaire Scientifique, Mars 2011, p.31

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de médecins ophtalmologistes, se traduisant par un allongement des délais de

consultation en cabinet d’ophtalmologie.

L’expérimentation a permis de mettre en évidence la faisabilité d’une telle

coopération du fait qu’il n’a pas été observé de perte de chance pour les patients.

Bien au contraire, cette enquête a permis de constater une amélioration de la prise

en charge des patients, ainsi qu’une diminution des délais d’attente des patients

pour avoir accès aux consultations d’ophtalmologie.

Certain protocoles de coopérations mis en place dans des zones géographiques où

la difficulté à obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste est particulièrement

longue utilise un outil bien particulier : la télémédecine. Cette dernière est une

forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et

de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou

plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un

professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs

soins au patient (Art. L.6316-1 CSP).

La télémédecine permet de réaliser un acte médical traditionnel dans des

conditions favorisant l’accès aux soins, leur qualité et leur sécurité. 151

C’est le cas d’un protocole de coopération qui concerne le dépistage itinérant de la

rétinopathie diabétique par un travail pluridisciplinaire qui améliore la prise en

charge du patient diabétique en zone sous-médicalisée. Ce protocole a pour objet

de déléguer des actes et activités de façon dérogatoire aux conditions légales

d’exercices de l’orthoptiste. Le principe de ce protocole est novateur ; l’orthoptiste

réalise des examens qui normalement devraient être effectués sous la

responsabilité physique d’un médecin, or dans le cadre de ce protocole le médecin

reste certes responsable, mais n’est pas physiquement présent. Ces dépistages de

déroulent au sein d’une structure mobile (véhicule aménagé et mis à disposition de

salles par les collectivités locales bourguignonnes). Les dépistages effectués par

l’orthoptiste sont ensuite transmis aux médecins participant aux protocoles par le

biais d’une plateforme informatique « retinolab-bourgogne.fr » pour être analysés

151 Rapport DGOS, « Télémédecine et responsabilités juridiques engagées » 18 mai 2012

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par ces derniers, afin d’établir un diagnostic. Ainsi la particularité de ce protocole

réside dans l’intégration d’outils de télémédecine afin de répondre aux enjeux de

santé publique liés à une démographie médicale faiblissante152.

Un protocole de coopération similaire vient d’être mis en place après que la HAS

ait rendu un avis positif concernant un protocole visant à déléguer par un

ophtalmologiste la réalisation de photographies du fond d’œil à un(e) orthoptiste

et/ou infirmier(e) dans le cadre du dépistage de la rétinopathie diabétique par

lecture différée de photographies du fond d’œil. Ce protocole de coopération est

très similaire à celui mis en place en Bourgogne153. En effet l’objectif de la Haute

autorité de santé est d’étendre ce type de protocole de coopération utilisant la

télémédecine à l’échelle nationale.

B. Protocole entre ophtalmologues et opticiens : les

réticences de la Haute Autorité de Santé

En 2013, aucun des protocoles de coopération déposés auprès des ARS ayant pour

objet la mise en place de délégations de tâches entre ophtalmologues et opticiens-

lunetiers n’a fait l’objet d’avis favorables par la HAS.

Pour exemple, un protocole de coopération portant sur l’allongement de trois à

cinq ans de la période de renouvellement de verres correcteurs par un opticien sur

la base d’une prescription initiale d’un ophtalmologue a fait l’objet d’un avis

défavorable par la HAS, au motif que cette extension de trois à cinq ans « ne

garantissait pas la sécurité de prise en charge, notamment en raison des risques de

152 H.A.S. avis relatif au protocole de coopération « Dépistage itinérant de la rétinopathies diabétique», 17 janvier 2012

153 HAS, Avis 2013.0032/AC/SEVAM relatif au protocole de coopération « Réalisation de photographies du fond d’œil dans le cadre du dépistage de la rétinopathie diabétique par un(e) orthoptiste et/ou infirmier(e) en lieu et place d’un ophtalmologiste », 6 mars 2013

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perte de chance pour le patient »154. Cependant un projet de loi déposé au sénat en

avril 2013 propose de modifier la législation en autorisant le renouvellement à

cinq ans. 155

Autre exemple, un protocole de coopération ayant pour objet de permettre la

réalisation d’une réfraction subjective par un opticien en Établissement

d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD), en lieu et place

d’un ophtalmologiste a aussi fait l’objet d’un avis défavorable par la HAS. Cette

dernière a estimé que « les pathologies oculaires, pouvant se traduire par une

baisse de l’acuité visuelle, sont fréquentes et nombreuses chez la personne âgée, et

que seul un examen ophtalmologique complet permet de les détecter, examen que

l’opticien n’est pas en mesure de faire ». De ce fait, un tel protocole présenterait

un risque pour le patient.156

L’absence d’expérimentation de protocole de coopération entre opticiens et

ophtalmologues fait qu’aucune conclusion n’a pu être apportée sur la nécessité ou

non de modifier la formation des opticiens en vue de la mise en place de

protocoles de coopération avec les ophtalmologistes.

Un rapport d’information fait état d’une réelle diminution de certaines spécialités

médicales et à l’inverse d’une augmentation importante du nombre de

professionnels paramédicaux en particulier des opticiens lunetiers157.

Le rapport recommande entre autres la révision des programmes de formations

jugés «obsolètes» de certaines professions et regrette que les « protocoles de

154 H.A.S., avis n° 2012.0040/AC/SEVAM relatif au protocole de coopération «Extension de la période de renouvellement de verres correcteurs par un opticien, après un premier équipement prescrit par un ophtalmologiste, de 3 ans à 5 ans», 8 novembre 2012

155 http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0999.asp 156 H.A.S. avis n° 2012.0042/AC/SEVAM relatif au protocole de coopération « Réalisation d’une réfraction

subjective par un opticien en EHPAD, en lieu et place d’un ophtalmologiste», 8 novembre 2012 157 A.F.O., Les besoins en Ophtalmologistes d’ici 2030, Rapporteur : Dr Thierry BOUR, Travail préparé par

la Commission Démographie et Santé Publique du SNOF, Mars 2011, p.52 disponible sur : www.ophtalmo.net/SNOF/temp/Rapport_Snof_2011_Final.pdf

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coopération » mis en place en 2009 par la loi HPTST ne puissent trouver leur

pleine efficacité à cause de ce manque de formation158.

Le statut de commerçant des opticiens-lunetiers pose cependant une

difficulté.

En effet à la différence des orthoptistes qui ne peuvent pas exercer dans des locaux

commerciaux, l’opticien-lunetier détaillant exerce son activité dans un local

commercial. Cette particularité pourrait expliquer l’opposition systématique de la

HAS à émettre un avis favorable aux protocoles de coopération entre opticiens et

ophtalmologues ; par conséquent les opticiens-lunetiers se retrouvent de ce fait

dans une véritable impasse concernant la mise en place de protocole de

coopération avec les ophtalmologues,( mais les avis de la Haute Autorité revêtent

un caractère technique auquel une analyse juridique ne peut donner une

interprétation pertinente.)

Section 3 : La portée juridique des protocoles de

coopération et les desideratas des professionnels

de la vision. Les protocoles de coopération entre professions médicales et paramédicales

ne soulèvent pas de problématiques particulières en matière de responsabilité. En

effet, le protocole définit, pour chaque situation, quel est le professionnel qui

endosse la responsabilité en cas de préjudice pour le patient.

Néanmoins, face à la complexité de ces protocoles il est nécessaire de définir les

termes employés.

158 A.F.O., Les besoins en Ophtalmologistes d’ici 2030, Rapporteur : Dr Thierry BOUR, Travail préparé par la Commission Démographie et Santé Publique du SNOF, Mars 2011, p.52 disponible sur : www.ophtalmo.net/SNOF/temp/Rapport_Snof_2011_Final.pdf

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67

D’autre part les professions de santé intervenant dans la prise en charge des

troubles de la vision font régulièrement part de leurs desideratas afin d’améliorer

le système de prise en charge des patients et par conséquent améliorer et garantir

la sécurité des patients.

Paragraphe 1 : Aspects juridiques de ces protocoles de

coopération.

Dans les protocoles de coopération, la responsabilité du délégant ainsi que du

délégataire ne s’apprécie pas de la même manière selon qu’il y ait délégation de

tâches ou bien le transfert de compétences ; la distinction entre ces deux termes est

en effet fondamentale.

A. La responsabilité des participants aux protocoles

En cas de transfert d’activités ou d’actes de soins entre médecins et un orthoptiste

ou un opticien, un protocole de coopération devra être conclu afin d’encadrer ce

transfert de compétences et les conséquences pouvant en résulter en termes de

responsabilité. 159

Répartition des responsabilités selon qu’il y est délégation 1.

ou transfert

Afin d’étudier la répartition des responsabilités dans les protocoles de

coopération il est nécessaire d’étudier la sémantique de certaines notions

fondamentales. Les différents travaux sur les protocoles de coopération utilisent

des termes particuliers dont la définition n’est pas toujours précise. En effet, les

159 Rapport DGOS, « Télémédecine et responsabilités juridiques engagées » 18 mai 2012, p.2

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notions telles que « transfert de tâches, d’activité ou d’acte de soins, » et « la

délégation de tâches ou d’activités » ne sont pas définies par le législateur.

Cependant la HAS, dans son rapport de janvier 2007 définit certaines notions de

façon précise. 160

• La délégation est l’action par laquelle le médecin confie à un autre

professionnel de santé la réalisation d’un acte de soin161 ou d’une tâche. Le

médecin délégateur conserve ici la direction et la responsabilité de la

supervision des actes du manipulateur délégataire.

• Dans le transfert d’activités d’actes de soins ou de tâches, les activités

transférées sont confiées dans leur totalité, y compris en terme de

responsabilité à un autre professionnel de santé, qui est donc autonome

dans la décision et la réalisation des actes que le législateur déciderait

d’écarter du monopole médical.162

Obligation en matières d’assurance en responsabilité civile 2.

professionnelle (RCP)

« Les professionnels de santé exerçant à titre libéral, (...) exerçant des

activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi que (...) les fournisseurs de

produits de santé, à l'état de produits finis, sont tenus de souscrire une assurance

destinée à les garantir pour leur responsabilité civile. »163

160 HAS Délégation, transfert, nouveaux métiers.... Conditions des nouvelles formes de coopération entre professionnels de santé. Rapport d’étape, janvier 2007, consultable en ligne http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/rapport_etape_cooperation.pdf

161 Un acte de soin est un ensemble cohérent d’actions et de pratiques mises en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d'une personne. Un acte de soin peut se décomposer en tâches, définies et limitées, qui peuvent être indépendantes dans leur réalisation. Dans un même acte de soin, certaines tâches peuvent donc être réalisées par des professionnels différents.

162 PAUL Christophe, thèse, La délégation de taches en médecine générale : enquête auprès des médecins généralistes installés en groupe en Normandie et Picardie, faculté de médecine de Rouen, 6 février 2006.

163 C.S.P., art. L 1142-2

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69

L’assurance en responsabilité civile professionnelle assure l’orthoptiste en

cas de dommages subis par des tiers survenant dans le cadre de son activité.

C’est-à-dire, que seuls sont pris en charge les actes entrant dans la compétence des

orthoptistes. Cependant, dans le cadre des protocoles de coopération entre

orthoptistes et ophtalmologues, les orthoptistes sont amenés à réaliser des actes

qui ne relèvent pas de leur compétence juridique ; de ce fait les orthoptistes ont

l’obligation de mettre en adéquation leur contrat d’assurance civile professionnelle

afin que les actes qui leur sont délégués ou transférés puissent être pris en charge

par leur assureur.

L’agence régionale de santé est tenue de vérifier les garanties d’assurance si elles

portent sur le champ défini par le protocole. 164

Précisons que sur le plan pénal, les protocoles de coopération sont validés de telle

sorte que les actes effectués par l’orthoptiste ne constituent pas d’infraction

d’exercice illégal de la médecine. En effet, l’agence régionale de santé prend un

arrêté permettant de déroger au décret de compétences des orthoptistes.

B. La qualification juridique des protocoles et ses

incidences

Elle suppose toutefois que l’on accepte de qualifier le protocole de cession

de contrat, et non de délégation, au sens des articles 1275 et suivants du code civil,

ou de cession de dette. L’intégration d’un malade à un protocole suppose qu’un

contrat de soins, objet de la cession, soit nécessairement conclu. Ensuite la

notification de l’opération au cédé, en l’occurrence le malade, résulte de

l’exigence du recueil de son consentement éclairé.

La qualification du protocole de cession de contrat implique que le cédant

transfère alors tant un passif - l’obligation de soins - qu’un actif - la rémunération

164 C.S.P., art. L 4011-3

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du cessionnaire - en même temps que le respect des règles déontologiques et

tarifaires applicables au professionnel cédant serait imposé.165

Face aux difficultés soulevées par la mise en place de protocoles de coopérations

ainsi qu’une législation complexe, les professionnels de la vision font

régulièrement part de leur avis afin de faire évoluer le droit en la matière.

.

Paragraphe 2 : Les desideratas des professionnels de la

vision.

A. Avis des ophtalmologues

Le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF) prend

régulièrement position en faveur du maintien des bases du système actuel, à savoir

consolider le rôle pivot de l’orthoptiste dans ses rapports avec les ophtalmologues

et les opticiens-lunetiers.

Le syndicat national des ophtalmologistes met en avant le risque d’un

chevauchement de compétences, dans le cas où le législateur déciderait de définir

un périmètre de compétences spécifiques aux optométristes, créant ainsi une

quatrième profession de santé spécialisée dans la prise en charge des troubles de la

vision.

Dans un avis du Syndicat, répondant aux intentions des parlementaires de créer

une profession d’optométriste règlementée, celui-ci estime que la présence

d’orthoptistes permet d’augmenter de 30 % le flux de traitement des patients, tout

en assurant une prise en charge complète et sécurisée de la santé oculaire.

165 Desmarais Pierre, Les protocoles de coopération entre professionnels de santé : un dispositif à peaufiner, RDSS, 2012, p.513

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Le rapport de la SNOF insiste sur l’importance de maintenir le système actuel, une

relation tripartite entre ophtalmologistes orthoptistes et opticiens-lunetiers. Le

Syndicat met cependant en avant le problème concernant la baisse d’effectifs

d’ophtalmologues au regard du vieillissement de la population, ce qui aurait

comme conséquence des diagnostics tardifs de certaines maladies.

Enfin, concernant la future proposition de loi (PPL) du député Bapt visant à

reconnaitre l’optométrie, le Docteur Jean-Bernard Rottier, ophtalmologue, estime

que cette PPL constituerait véritablement « un moment historique où on va

basculer d’un côté ou de l’autre {et} Mariol Touraine va devoir se prononcer.

Mais si on choisit la voie de la démédicalisation de la contactologie et

l’optométrie, nous (les ophtalmologistes) allons nous dégager du premier recours,

et nous courrons à la catastrophe sanitaire. »166

En résumé, le SNOF estime que les optométristes pourraient compromettre les

nouvelles collaborations avec les orthoptistes et menacer la cohérence de la filière

visuelle, au moment même où elle est en mesure de se fédérer, de se rénover et

d’assurer au mieux sa mission au service de la vue des français. À titre de

comparaison, le rapport fait état que le nombre de glaucomes dépistés et traités est

deux fois supérieures en France qu’au Royaume-Uni.

Le rapport propose de renforcer la formation des orthoptistes ainsi que des

opticiens en accélérant la validation des protocoles de coopération

interprofessionnels. Il conclut en reprenant une citation d’Annie Podeur « Nous

avons aujourd’hui les professionnels qui peuvent coopérer ensemble, sans qu’il

soit utile d’envisager encore de nouveaux métiers qu’on voit arriver comme celui

d’optométriste. Travaillons avec les professionnels qui sont identifiés, sur les

métiers qui le sont déjà. »167

166 «Une nouvelle proposition de loi visant à reconnaître l’optométrie bientôt déposée», L’opticien Lunetier, 30 avril 2013, [En ligne], http://opticien-presse.com/news/news_details_print.php?rubnewsid=3812; (Page consultée le 4 mai 2013)

167 Annie Podeur, DGOS, le 18 septembre 2010 (1re journée du SNOF)

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B. Les orthoptistes

Certaines organisations professionnelles telles que le Syndicat National Autonome

des Orthoptistes (SNAO) et le Syndicat des Orthoptistes de France (SOF) publient

régulièrement des avis concernant l’évolution de la profession d’orthoptiste. Il

ressort de ces prises de position plusieurs points notables.

D’une part, les desideratas des orthoptistes sont semblables à ceux des

ophtalmologistes. En effet, ces deux professions sont particulièrement opposées à

toutes réformes tendant à consacrer la profession d’optométriste en tant que

quatrième profession de santé intervenante dans la prise en charge des troubles de

la vision. Le SOF quant à lui, est favorable à un élargissement du champ de

compétences des orthoptistes notamment concernant le droit de renouveler des

corrections optiques entre deux consultations d’ophtalmologie168. Ce syndicat est

aussi favorable à la mise en place de protocoles de coopérations utilisant la

télémédecine.

D’autre part, les orthoptistes réclament une réorganisation de leur formation

initiale. Ils souhaitent en particulier que le cursus entrent dans le système Licence

Master Doctorat (LMD) tout en maintenant l’encadrement de cette formation par

les UFR de médecine. A l’heure actuelle, la formation des orthoptistes est en cours

de réforme. En effet, le programme actuel date de 1966. Cette réingénierie de la

formation a pour objectif de permettre une accélération dans la mise en œuvre des

protocoles de coopération entre orthoptistes et ophtalmologistes afin d’envisager

la création de certains modules d’enseignements destinés à former les orthoptistes

à réaliser des actes qui ne font en principe pas parti de leur champ de compétences

juridiques.

168 «La délégation de tâches en ophtalmologie», SOF, 18 septembre 2010, [En ligne], http://www.sof.com.free.fr/Downloads/SNOFSOF18sept.pdf; (Page consultée le 4 mai 2013)

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73

Enfin, concernant la future proposition de loi (PPL) du député Bapt visant à

reconnaitre l’optométrie, Laurent Mylstain, président du SNAO, rappelle « la

position récemment prise par Marisol Touraine en faveur de la complémentarité

entre ophtalmologistes et orthoptistes, ne jugeant pas nécessaire de reconnaitre

actuellement l’optométrie » 169.

C. Les opticiens-lunetiers et opticiens-optométristes

Les opticiens-lunetiers 1.

La profession d’opticien-lunetier est un maillon important de la chaîne de

santé visuelle. Elle doit, par une formation approfondie, acquérir une autonomie

raisonnable, respectueuse des conditions d’exercice des ophtalmologistes et des

orthoptistes.

Il est certain que le champ d’intervention des opticiens est suffisamment large

pour qu’ils n’aient pas de difficulté à s’adapter à ceux des professions les

entourant. De plus, par la formation et la reconnaissance de leur diplôme au

niveau européen, il existe une possibilité de mettre en pratique les principes de la

libre prestation de service et de la libre installation. De même, il est envisageable,

par exemple avec les orthoptistes, de coopérer à la mise en place de réseaux de

professionnels permettant la prise en charge ou le suivi de certaines déficiences.

Cela parait beaucoup plus complexe à réaliser avec les médecins ophtalmologistes

sans qu’il soit question d’acquérir des savoirs à caractère médicaux, notamment

des compétences en matière de diagnostic.

Il semble possible d’intégrer à la formation initiale, des connaissances en matière

de prise en charge et de suivi de certaines pathologies liées à l’âge. La répartition

géographique des opticiens et le maillage territorial favorisent leur intervention

169 «Une nouvelle proposition de loi visant à reconnaître l’optométrie bientôt déposée», L’opticien Lunetier, 30 avril 2013, [En ligne], http://opticien-presse.com/news/news_details_print.php?rubnewsid=3812; (Page consultée le 4 mai 2013)

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pour certaines pathologies comme par exemple la Dégénérescence Maculaire Liée

à l’Age (DMLA).170

Les opticiens-optométristes 2.

En France, les opticiens qualifiés en optométrie sont dans une situation

juridique problématique.

En effet, la mise en place de certifications référencées au RNCP avant même la

reconnaissance de la profession d’optométriste par le législateur est paradoxale et

met certains professionnels dans une situation délicate.

C’est ainsi qu’en France 3000 opticiens sont qualifiés en optométrie, c’est-à-dire

qu’ils sont titulaires d’un diplôme reconnu et référencé mais qui ne confère pas la

possibilité d’exercer juridiquement les compétences techniques acquises.

Cette situation pose des problèmes juridiques non négligeables ; en particulier

concernant les opticiens optométristes travaillant en cabinet d’ophtalmologie. En

effet, l’optométriste exerce une profession (pour laquelle il est techniquement

formé) de manière totalement illégale et s’expose à des poursuites pénales pour

exercice illégal de la médecine. De plus il n’est pas couvert par son assurance en

responsabilité professionnelle. Cette situation de fait doit, selon les professionnels

concernés, être légiférée par la reconnaissance officielle de l’optométrie comme

une quatrième profession de santé intervenant dans la prise en charge des patients

atteints de troubles de la vision.

Au regard de la situation des optométristes en France il est légitime de

s’intéresser à certains modèles étrangers ayant reconnu cette profession, afin d’en

tirer les avantages et les inconvénients dans le but d’évaluer la nécessité d’une

telle réforme

170 BRESSAND Michelle, ABADIE Marie-Hélène, HUSSON Roger, « Réflexion autour des partages de tâches et de compétences entre professionnels de santé », Rapport remis au Ministre de la Santé, novembre 2008, p.31

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Chapitre 2 : La pertinence de certains

modèles comparés

Section 1 : Le modèle québécois concernant la

profession d’opticien

Paragraphe 1 : La profession d’opticien d’ordonnance

La profession d‘opticien d’ordonnance est une profession ordinale régie par

un code de déontologie. Le législateur québécois en définit l’exercice dans ces

termes « tout acte qui a pour objet de poser, d’ajuster, de remplacer ou de vendre

une lentille ophtalmique »171. Ces actes ne peuvent être réalisés que s’ils sont

prescrits par un médecin ou par un optométriste.

En matière d’obligation d’assurance, un opticien d'ordonnance doit détenir un

contrat d'assurance établissant une garantie contre la responsabilité qu'il peut

encourir en raison des fautes ou négligences commises dans l'exercice de sa

profession.172

Les lois québécoises encadrant la profession d’opticien d’ordonnance, confèrent à

cette dernière des compétences similaires à celles des opticiens-lunetiers français.

Néanmoins, et nonobstant le périmètre de compétence de ces deux professions, les

lois et règlements du québec relatives aux opticiens d’ordonnance vont bien au

delà de la législation française ; en effet contrairement au droit français, l’opticien

d’ordonnance est une profession ordinale, régie par un code de déontologie qui est

171 Loi sur les opticiens d’ordonnance, L.R.Q., c. O-6, art. 8, Recueil des lois du Québec, 15 oct. 2008 172 Règlement sur l'assurance responsabilité professionnelle des opticiens d'ordonnances, RRQ, c O-6, r 2,

art 2.01

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propre à cette profession. Par conséquent l’opticien d’ordonnance est responsable

d’une part, vis-à-vis de sa clientèle (comme cela est le cas en France), et d’autre

part, il existe une responsabilité à l’égard de l’ordre (ce qui n’est pas le cas en

France car l’opticien-lunetier n’est pas une profession relevant d’un ordre

professionnel).

Paragraphe 2 : La profession d’optométriste

La législation québécoise définit l’exercice de l’optométrie comme « tout acte

autre que l’usage de médicaments qui a pour objet la vision et qui se rapporte à

l’examen des yeux, l’analyse de leur fonction et l’évaluation des problèmes

visuels, ainsi que l’orthoptique, la prescription, la pose, l’ajustement, la vente et le

remplacement de lentilles ophtalmiques» 173 . L’optométriste peut donner des

conseils permettant de prévenir des troubles visuels et promouvoir les moyens

favorisant une bonne vision ; 174 partant du postulat que 90% des consultations

d’urgence en optométrie peuvent se traiter sur place, sans nécessiter un retour vers

le médecin pour la simple ordonnance pharmaceutique. 175 Par exception

l’optométriste peut administrer et prescrire un médicament dans les conditions

prévues par les articles 19.1 et 19.1.1. La liste de ces médicaments est dressée

chaque année par décret ; on y retrouve principalement des anti-inflammatoires,

antiallergiques, anesthésiques locaux, des vasoconstricteurs, des lubrifiants...et

même un corticoïde (Solupred® (uniquement par voie oculaire uniquement et non

par voie orale). La législation québécoise en attribuant de larges compétences aux

optométristes, en fait une profession quasi-médicale. En comparaison avec le droit

français, la législation québécoise se singularise dans le fait qu’elle confère, d’une

part à l’ophtalmologue de par son titre de médecin, et d’autre part à l’optométriste,

le droit de prescription dans le cadre de leurs activités.

173 Loi sur l’optométrie, L.R.Q., c. O-7, art. 16, Recueil des lois du Québec, à jour au 19 janv. 2011 174 Loi sur l’optométrie, L.R.Q., c. O-7, art. 17, Recueil des lois du Québec, à jour au 19 janv. 2011 175 Mémoire de l’Association des Optométristes du Québec présenté à la Commission des affaires sociales

dans le cadre de la consultation générale sur la Politique du médicament – Février 2005

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En effet, le patient n’est plus dans l’obligation de consulter un médecin

ophtalmologue en cas de troubles de la vision, car si ces troubles sont de la

compétence de l’optométriste, le patient pourra être pris en charge totalement ou

redirigé si besoin vers l’opticien d’ordonnance qui délivrera les produits (lunettes,

lentilles de contact) conformément à la prescription de l’optométriste.

Le développement de la profession d’optométriste contribue à concrétiser le rôle

de professionnel de première ligne en terme de soins oculo-visuels du patient. En

partenariat avec le médecin de famille, l’optométriste est donc en mesure de

fournir des services diagnostiques thérapeutiques176.

Le droit québécois définit positivement l’exercice de la médecine ; par ailleurs,

une disposition essentielle y est prévue « Sous réserve des droits et privilèges

expressément accordés par la loi à d’autres professionnels, nul ne peut exercer

l’une des activités décrites (...) s’il n’est pas médecin »177. Ainsi, l’optométriste

pourra réaliser des actes en principe réservés aux médecins, le législateur

québécois prévoyant la possibilité d’autoriser par le biais d’une législation

dérogatoire des personnes n’ayant pas le titre de médecin à exercer des actes

médicaux.

176 http://www.aoqnet.qc.ca/public/public_autreDocumentation.php 177 Loi Médicale, L.R.Q., c. M-9, art. 31

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Section 2: la profession d’orthoptiste

Le droit québécois règlemente la profession d’orthoptiste par voie

réglementaire.

A la différence des professions d’opticien d’ordonnance et d’optométriste qui sont

régies par des disposition législatives et règlementaires, la profession d’orthoptiste

est régie par une réglementation issue de la législation médicale. 178

La réglementation sur les orthoptistes précise, parmi les activités professionnelles

que peuvent exercer les médecins celles qui peuvent l'être par un orthoptiste. 179

L’orthoptiste québécois ne peut exercer son activité qu’au sein d’un cabinet tenu

par un médecin ophtalmologiste ou pour le compte d'un établissement exploitant

un centre hospitalier. L’exercice de l’orthoptie au Québec ne peut donc se faire en

cabinet libéral, comme cela est possible en France. Enfin la formation des

orthoptistes est assurée au sein des universités de médecine comme c’est le cas en

France.

Il ressort de l’étude comparative de la législation québécoise avec la législation

française que d’une part, l’opticien d’odonnance québécois et l’opticien lunetier

français ont des compétences juridiques très proches. D’autre part l’optométrie au

Québec est très développée ; le périmètre de compétences de cette profession est

très large et la possibilité de vendre des produits d’optique lunetterie en fait une

profession sui generis. Enfin, la profession d’orthoptiste est quant à elle

comparable à l’orthoptie française, du fait des relations étroites et

complémentaires que cette profession entretient avec les ophtalmologues.180

178 Loi médicale, LRQ, c M-9 179 Règlement sur les activités professionnelles pouvant être exercées par un orthoptiste, RRQ, c M-9, r 8,

art 1 180 Il est à noter, qu’au Canada le nombres d’orthoptiste est particulière faible ( 143 orthoptistes au 4 aout

2012) d’après le Conseil Canadien d’Orthoptique

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CONCLUSION Ce mémoire a comme objectif de faire un état des lieux, de mesurer les enjeux et

les possibilités d’amélioration de la profession d’opticien-lunetier et ainsi de tenter

de répondre à la problématique « Dans quelles mesures peut-on réformer le droit

de la profession d’opticien-lunetier ainsi que la législation régissant ses rapports

avec les orthoptistes et les ophtalmologues dans le but d’améliorer la prise en

charge de patients atteints des troubles de la vision? ».

La principale difficulté dans l’élaboration de ce mémoire réside dans le fait que la

littérature juridique concernant le sujet est peu abondante.

L’étude de la législation encadrant la profession d’opticien lunetier a

permis de mettre en évidence que la règlementation encadrant l’exercice de cette

profession ne soulève pas de problématiques juridiques majeures. L’élargissement

de cette étude aux rapports entre les différentes professions de santé de la filière

visuelle a mis en évidence que la législation encadrant la prise en charge des

patients est confrontée au cloisonnement du périmètre de compétences respectifs

des professionnels de santé de la filière visuelle à savoir les opticiens-lunetiers, les

orthoptistes et les ophtalmologues.

Le développement des protocoles de coopération entre ces professions a permit de

constater l’efficacité d’une collaboration étroite entre les ophtalmologues et les

orthoptistes. Concernant la reconnaissance des opticiens-optométriste, elle se

heurtent à la séparation entre les professionnels de santé prescripteurs et effectuant

des actes de soins et les professionnels de santé ayant le statut de commerçant.

Les protocoles ont pour objectif premier de pallier les disparités

géographiques existantes entre les besoins de santé régionaux au regard du

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nombre de professionnels médicaux. Ce genre de coopérations a démontré toute

son efficacité ; ainsi ne serait-il pas pertinent d’élargir ces coopérations- qui par

définition ont pour objet de déroger aux périmètres de compétences- au plan

national et par conséquent de modifier les décrets de compétences des professions

paramédicales ? Concernant le modèle québécois, la profession d’orthoptiste

s’inscrit dans une logique très similaire au modèle français du fait de la

collaboration de cette profession avec les médecins ophtalmologues, qui est

inscrite dans la définition même de l’exercice de l’orthoptie.

Une consécration législative de la profession d’optométriste ne semblerait pas

pouvoir s’inspirer du modèle québécois où le statut de commerçant de

l’optométriste se trouverait limité par certains principes en droit de la santé. Il

n’est pas possible d’apporter un avis tranché sur le sujet. Mais des pistes de

réflexion permettant de réformer la profession d’opticien-lunetier tout en

préservant une cohérence juridique au regard de notre législation actuelle

peuvent être soulevées.

Le développement des protocoles de coopérations ne devrait-il pas s’accompagner

d’une clarification législative concernant la sémantique utilisée dans ces

protocoles? D’autre part ne serait-il pas concevable de définir de manière précise

les conditions communes en matière de responsabilité civile des professions

paramédicales engagées dans un protocole de coopération.

Ainsi serait-il pertinent de remplacer le terme d’opticien-lunetier par celui

d’opticiens-dispensateurs et définir l’exercice et le contrôle de cette profession à la

lumière de la législation encadrant l’exercice de la pharmacie.

La création d’un ordre professionnel des opticiens ne serait-elle pas envisageable.

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GLOSSAIRE

Adaptation de

lentille de contact

C’est le fait d’analyser les besoins du porteur, analyser les particularités anatomiques et fonctionnelles de celui-ci, choisir un modèle de lentille, le poser sur l'œil, analyser la tolérance du port, changer de type de lentilles en cas d'altération de la surface de l'œil,et régler les divers paramètres du dispositif médical jusqu'à obtenir une bonne tolérance.

Pose de lentille de

contact

C’est le fait pour de poser une lentille sur un œil en présence de l'ophtalmologiste. La pose n'est pas l'adaptation.

Myopie

Trouble de la réfraction caractérisé par la formation des images en avant de la rétine. Résulte de l'allongement de l'axe antéro-postérieur de l'œil. L'œil du myope est trop long

Acuité visuelle

Capacité de l'œil à distinguer les détails et contours d'un objet, mesurée en utilisant le plus petit objet identifiable qui peut être vu à une distance spécifiée (généralement 6 mètres pour la vision de loin et 40 cm pour la vision de près).

Acte de soins

Ensemble cohérent d’actions et de pratique mises en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d’une personne. Un acte de soins peut se décomposer en tâches définies et limitées, qui peuvent être indépendantes dans leur réalisation. Dans un même acte de soins, certaines tâches peuvent être réalisées par des professionnels différents.

Amblyopie Diminution de l'acuité visuelle sans lésion organique

apparente. Elle résulte d'une mauvaise transmission de la lumière entre les yeux et le cerveau.

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Amétropie Anomalie de la structure optique de l'œil ayant pour conséquence l'astigmatisme, la myopie ou l'hypermétropie. On parle aussi de défaut de la réfraction. La lumière qui pénètre l'œil ne se reflète pas correctement sur la rétine.

Contactologie Domaine de l'optique qui consiste à équiper un client en lentille de contact.

Lentille

intraoculaire

Lentille en matériau artificiel qui est implantée dans l'oeil lors d'une opération de chirurgie pour remplacer le cristallin altéré.

Fond d'oeil Lors d’un fond de l’œil, l’ophtalmologiste examine la rétine, les vaisseaux sanguins, et le début du nerf optique

Réfraction oculaire

Ensemble des déviations que subit un rayon lumineux incident lors de sa traversée du système dioptrique oculaire, constitué par la succession de milieux transparents d'indices différents, avant de parvenir sur la rétine.

Mesure de l’acuité

visuelle

C’est le pouvoir d'apprécier les formes, c'est-à-dire d'interpréter les détails spatiaux qui sont mesurés par l'angle sous lequel ils sont vus. et rétinien..

Réfraction objective

Elle a pour but de mesurer le pouvoir réfractif indépendamment de la perception du patient. Actuellement, elle est réalisée par les réfractomètres automatiques. Cependant, dans certains cas, notamment chez le jeune enfant, la coopération est parfois difficile à obtenir et le recours à la skiascopie peut se révéler utile.

Réfraction subjective

es méthodes subjectives sont utilisées à la suite de l'examen objectif de la réfraction. Faisant appel aux réponses du patient, elles permettent de préciser les données objectives et d'assurer un meilleur confort visuel

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II. REVUES ET PERIODIQUES ALTERMAN (H.) et PERBOST (F.), Vers une règlementation de la vente de produits d’optique lunetterie sur internet; Chronique Droit des nouvelles technologies, Revue Juridique Commercial, septembre/octobre 2011, num.5 ARHEL (P.), Application du droit de la concurrence dans le secteur de la santé publique, Petites affiches, 12 juin 2009 n° 117 DESMARAIS. P Les protocoles de coopération entre professionnels de santé : un dispositif à peaufiner. Dalloz, RDSS , 2012 p. 513. DUBOUIS (L.), Le Monopole pharmaceutique, Produits concernés par un monopole concurrent, Étude 238-8, Revue Lamy Droit de la Santé, 2011 FEYS (J), Lentilles de contact et risques infectieux, aspects règlementaires, Journal Français d’ophtalmologie, Ed. Masson, Paris, vol. 27, n° 4, 2004. HAROUSSEAU, P. J.-L. (2013). Quelle coopération interprofessionnelle pour demain ? Protocole de coopération article 51, Position du problème et état des lieux, Paris, p. 31 HUMBERT (F.), La vente en ligne de lunettes et de verres de contact UFC Que Choisir Var Est, juin 2011. MANUS (J-M.), Pourquoi inventer l’optométrie, l’orthoptie existe déjà en France, RFL, Revue francophone des laboratoires Vol. 42, N° 438, EM Premium, janvier 2012 Institut National de la Consommation (INC), Les opticiens, Fiche pratique, Hebdo n°1446, CONSO.net; septembre 2007

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III. TRAVAUX UNIVERSITAIRES DOMINIK THOMAS, (L.W.) Comparative Analysis of Delivery of Primary Eye Care in Three European Countries, Ministère des Affaires économiques et commerciales allemand, Université de Duisburg-Essen, Institut für Betriebswirtschaft und Volkswirtschaft (IBES), 2011 PAUL (C.) La délégation de taches en médecine générale : enquête auprès des médecins généralistes installés en groupe en Normandie et Picardie. Thèse de doctorat, Faculté de médecine, Rouen, 2006. PETROVA (E.), dir. VIENNOIS (J.P.) Médicaments génériques et droit de la concurrence, Thèse de doctorat en droit des affaires, Université Jean Moulin Lyon, 2009 QUENTON (H.) , Enquête à partir du réseau santé ATD quart-monde sur les dynamiques de soins des populations pauvres, Thèse de Doctorat en médecine, Faculté de Médecine de Nancy, Université Henri Poincaré, Nancy I, 2010 IV. DOCUMENTS ET RAPPORTS OFFICIELS

ABOUD (E.), Proposition de loi n° 1825 visant à reconnaitre la profession d’optométriste, AN, juillet 2009 AFSSAPS, Contrôles en laboratoire de produits d’entretien des lentilles oculaires de contact 2005-2006, Janvier 2008 AFO., Les besoins en Ophtalmologistes d’ici 2030, Rapporteur: Dr. BOUR, Commission Démographie et Santé Publique du SNOF, Mars 2011, p.48-49 BERLAND (Y.), Rapport d’étape : Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences, Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, octobre 2003 BERLAND Yvon, BOURGUEIL Yann, Cinq expérimentations de coopération et de délégation de tâches entre professionnels de santé, Observatoire national de la démographie des professions de santé, juin 2006

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Autorité de la concurrence : www.autoritedelaconcurrence.fr

Assurance Maladie : www.ameli.fr

Bibliothèque Nationale de France : www.bnf.fr

Haute Autorité de Santé : www.has-santé.fr

Ministère de la santé : www.sante.gouv.fr

Ministère de la justice canadienne : www.justice.gc.ca

Ordre National des Médecins : www.conseil-national.medecin.fr

Ordre National des Pharmaciens : www.ordre.pharmacien.fr

Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec : opticien.qc.ca

Ordre des optométristes du Québec : www.ooq.org

Site d’accès au droit de l’Union Européenne : europa.eu

Site d’accès au droit Français : www.legifrance.gouv.fr

Sites d’association et syndicats:

American Association of Certified Orthoptits : http://www.orthoptics.org

Association des Médecins Ophtalmologistes du Québec : http://www.amoq.org

Association des optométristes de France : http://www.optometrie-aof.com/

Académie Européenne d’optique et d’optométrie : http://www.eaoo.info

Canadian Orthoptic Council : http://www.orthopticscanada.org

Conseil Européen d’Optométrie et d’Optique : http://www.ecoo.info

General Optical Council : http://www.optical.org

International Orthoptic Association : http://www.internationalorthoptics.org

Société France d’Ophtalmologie : www.sfo.asso.fr

Société canadienne d'ophtalmologie : www.eyesite.ca

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Syndicat des Opticiens sous Enseigne : www.synope.org

Syndicat National des Ophtalmologistes de France : www.snof.org

Union Des Opticiens : www.udo.org

Autres sites consultés :

www.acuite.fr

www.droit-medical.net

www.essentiel-optique.com

www.lannuairedesopticiens.com

www.opticien-presse.com

www.persee.fr

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172

Table 31: Key facts of primary eye care in France, Germany and the UK (II/II)

Refractive errors

Other ophthalmic

troubles

Refraction Prescription of glasses

Fitting of contact lenses

Sales of CL&Glasses

Eye examinations

Use of diagnostic

agents

Use of therapeutic

agents

Ophthalmologist -

Optician ()1 - ()1 ()3 (-)4 (-)4 - -

Ophthalmologist -

Dispensing optician ()2 - - - - - - -

Optometrist - (-)5 - -

Ophthalmic medical

practitioner

Dispensing optician ()2 - - - - - - -

Optometrist

1 In case of a renewal of an inital ophthalmologists prescription according to article L.4362-10 CSP; 2 As dispensing opticians and optometrists usually work in the same setting the dispensing optician is a possible first contact as well. Refractive services are typically provided by optometrists. 3 For those aged 16 years or older; 4 See chapter 3.1.3.2; 5 Capability to examine the eye and its annexes, but without making medical diagnoses.

France

Germany

UK

Free and direct access

possible

Qualified servicesFirst point of careCountry Primary eye care provider

Source: Institute for Health Care Management and Research based on HAS [2011]

ANNEXES 1

2 2 3 3

PINCE-NEZ. G:i

elles conviennent aux personnes de tout à^e, et aux

nez de toutes formes.

Pince-nez.

Le pince-nez maintient les verres devant les yeux il

Via. I2. l'ince-in'z (lit japonais.

l'aide d'une pression sur les côtés du ne/. Les deux ycu-c

du pince-nez sont réunis par Ulve bande de métal faisant

l'V.. -a.

ressort. En général, ce ressort est placé sur le même

plan que les verres, de sorte qu'il louche le front quand

celui-ci est proéminent et fait incliner les verres en

Histoire des lunettes lunettes et lorgnettes insolites *

par Marcel GILSON **

L'histoire des lunettes commence à la fin du XHIe siècle. La loupe, destinée à grossir les objets, était déjà probablement connue depuis deux siècles, mais il fallait imaginer d'unir par un clou les manches de deux loupes pour permettre leur utilisation en vision binoculaire. C'est ainsi que furent créées les premières besicles clouantes (fig. 1).

L'identité de l'inventeur des lunettes reste imprécise et les deux candidats les plus pro-bables sont Roger Bacon, mort en 1294 et Salvino d'Armati, mort en 1317.

Le moine franciscain anglais Roger Bacon parle dans son Opus Majus de verres lenticu-laires permettant la lecture. Accusé de sorcel-lerie en raison de ses connaissances encyclo-pédiques pour l'époque, il passe la majeure partie de sa vie en prison. Son invention aurait été vulgarisée par des moines dominicains, les frères Spina et Giordano, qu'il avait rencon-trés lors de son séjour à Pise.

Le gentilhomme florentin Salvino d'Armati, dont l'épitaphe, peut-être apo-cryphe, est encore visible dans l'église Santa Maria Maggiore de Florence : Ci-gît Salvino d'Armato, des Armati de Florence, inventeur

des lunettes. Dieu lui pardonne ses péchés.

Année 1317.

Nous ne disposons pas malheureusement de ces premiers exemplaires. Leur configu-ration ne nous est connue que par des gravures ou des peintures.

Fig. 1 - Besicles clouantes

(reconstitution)

* Communication présentée à la séance commune de la Société française d'Histoire de la

Médecine et de la Société d'Histoire de la Pharmacie au Val-de-Grâce le 23 novembre 1991..

141

** rue du Palais, 66, B - 4800 Verviers (Belgique).

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TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE .................................................................................................. 3  

INTRODUCTION ......................................................................................... 5  

Première partie : La profession d’opticien-lunetier ...................... 9    Chapitre  1  :  Conditions  d’accès  et  formes  d’exercice  de  la  profession  d’opticien-­‐lunetier  ...............................................................  10    Section  1  :  Conditions  pour  exercer  la  profession  d’opticien  ........................  10    Paragraphe  1  :  Exigence  d’un  titre  d’opticien-­‐lunetier  ............................................  10  A.  Diplômes  français  d’optique  lunetterie  ................................................................  10  

  Titres  exigés  pour  exercer  la  profession  ......................................................  11  1.   Diplômes   et   certificats   permettant   un   perfectionnement  2.

professionnel  ....................................................................................................................  12  B.  Conditions  relatives  aux  diplômes  étrangers  .....................................................  13  

  Ressortissant   de   l’Union   Européenne   ou   d’un   pays   parti   à   l’accord  1.sur  l’Espace  Économique  Européen.  ......................................................................  13  i.  Liberté  d’établissement  des  personnes  ........................................................  13  ii.  Libre  prestation  de  services  .............................................................................  14     Ressortissant  d’un  État  tiers  ..............................................................................  14  2.

 Paragraphe  2  :  Formalités  et  démarches  nécessaires  à  l’installation  ................  15  A.  Démarches  relatives  au  statut  de  professionnel  de  santé  des  opticiens-­‐lunetiers  ...................................................................................................................................  15  

  Enregistrement   de   leur   diplôme   ou   de   leur   autorisation  1.d’installation  .....................................................................................................................  15     Inscription  au  Fichier  National  des  Professions  de  Santé  (FNPS)  .....  17  2.

B.  Autres  obligations  relevant  du  droit  commun  ..................................................  17  

Section  2  :  Les  modes  d’exercice  de  la  profession  .............................................  18    Paragraphe  1.  Les  exigences  relatives  aux  entreprises  de  distribution  ...........  18  A.  Concernant  la  forme  juridique  de  l’entreprise  ..................................................  18  B.  Types  de  réseaux  de  distribution  ............................................................................  19  

  Les  enseignes  indépendantes  ............................................................................  19  1.   Les  groupements  coopératifs  ou  coopératives  ..........................................  19  2.   Les  chaines  de  succursales  .................................................................................  20  3.   Les  franchisés.  ..........................................................................................................  20  4.   Les  centres  d’optique  mutualistes  ..................................................................  21  5.

Paragraphe  2  :  Les  exigences  concernant  les  entreprises  fabricantes  ..............  22  

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 Chapitre  2  :  Règles  relatives  à  la  vente  des  produits  d’optique            et    à  la  responsabilité  de  l’opticien  .......................................................  25    

Section  1  :  Les  règles  régissant  la  vente  des  produits  d’optique  lunetterie  .  25    Sous-­‐Section  1  :  Monopole  de  vente  des  opticiens  ............................................  25    Paragraphe  1.  La  notion  de  produits  d’optique  entrant  dans  le  monopole  des  opticiens  .......................................................................................................................................  26  A.  Définition  de  ce  monopole  .........................................................................................  26  B.  Classification  des  produits  d’optique  dans  les  dispositifs  médicaux  .......  27  

 Paragraphe  2.  Les  produits  exclus  ou  faisant  l’objet  d’un  monopole  partagé……………………………………………………………………………………………………28  A.  Les  produits  d’entretien  et  d’application  des  lentilles  de  contact  ............  29  B.  Les  lunettes  pré-­‐montées  pour  la  vision  de  près  .............................................  31  

 Sous-­‐Section  2  :  La  vente  en  ligne  des  produits  d’optique  lunetterie  .........  32    Paragraphe  1  :  L’absence  d’interdiction  législative  ...................................................  33    Paragraphe  2  :  Intervention  du  droit  européen.  .........................................................  34  A.  La  mise  en  garde  de  la  France  par  la  Commission  européenne  .................  34  B.  La  position  de  la  Cour  de  Justice  de  l’Union  Européenne  .............................  34  

 Paragraphe  3.  Proposition  de  loi  visant  à  clarifier  la  législation  actuelle  ........  36  A.  La  suppression  de  la  notion  d’établissement  d’optique  lunetterie  ..........  37  B.   Les  nouvelles   exigences   concernant   la   vente  des   verres  multifocaux  et  de  forte  puissance    ..............................................................................................................  37  

 Section  2  :  Responsabilité  des  opticiens-­‐lunetiers  ............................................  39    Paragraphe  1.  Régime  de  droit  commun  sans  spécificité  avec  la  profession.  40  A.  Régime  de  la  responsabilité  délictuelle  ................................................................  40  B.  La  responsabilité  contractuelle  de  l’opticien  .....................................................  41  

  Manquement  à  l’obligation  d’information  et  de  conseil  ........................  42  1.  Paragraphe  2.  Régimes  spéciaux  de  mise  en  jeu  de  la  responsabilité  civile  de  l’opticien  .......................................................................................................................................  44  A.  La  responsabilité  du  fait  des  produits  défectueux  ...........................................  44  B.  Faute  de  l’opticien  dans  la  délivrance  ...................................................................  46  

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Deuxième partie : Enjeux et évolutions de la profession ............ 49    Chapitre  1  :  La  nécessaire  redéfinition  du  périmètre  de  compétences  entre  les  opticiens  et  les  autres  professionnels              de    la  vision  ...................................................................................................  51    Section  1  :  Périmètre  de  compétences  des  ophtalmologistes,  des  orthoptistes  et  des  opticiens-­‐optométristes.  ......................................................  51    Paragraphe  1  :  L’optométrie,  une  profession  hybride.  ............................................  52  A.  Définition  de  l’optométrie  ..........................................................................................  52  B.  La  situation  des  optométristes  en  France  ............................................................  53  

 Paragraphe  2  :  Champs  de  compétences  des  médecins  ophtalmologues  et  des  orthoptistes.  ................................................................................................................................  55  A.  Les  médecins  spécialistes  en  ophtalmologie  ......................................................  55  B.  La  profession  d’orthoptiste  ........................................................................................  56  

 Section  2.  Les  protocoles  de  coopérations  entre  les  ophtalmologues,        les  orthoptistes  et  les  opticiens  .....................................................................................  59    Paragraphe  1  :  Cadre  juridique  et  objectifs  de  ces  protocoles  .............................  59  A.  Rapport  Berland,  initiateur  de  ces  protocoles    ..................................................  59  B.  La  loi  HPST  consacrant  la  coopération  entre  professionnels  de  santé  ...  60  

 Paragraphe  2  :  Expérimentation  et  bilan  actuel  des  protocoles  de  coopération.  ................................................................................................................................  61  A.  Protocoles  entre  ophtalmologues  et  orthoptistes  :  expérimentations  et  bilan  actuel  .............................................................................................................................  61  B.      Protocole  entre  ophtalmologues  et  opticiens  :  les  réticences  de  la      Haute  Autorité  de  Santé  ....................................................................................................  64  

 Section  3  :  La  portée  juridique  des  protocoles  de  coopération  et  les  desideratas  des  professionnels  de  la  vision.  .......................................................  66    Paragraphe  1  :  Aspects  juridiques  de  ces  protocoles  de  coopération.  ..............  67  A.      La  responsabilité  des  participants  aux  protocoles  ........................................  67  

  Répartition   des   responsabilités   selon   qu’il   y   est   délégation   ou  1.transfert  ..............................................................................................................................  67     Obligation  en  matières  d’assurance  en  responsabilité  civile  2.

professionnelle  (RCP)  ...................................................................................................  68  B.  La  qualification  juridique  des  protocoles  et  ses  incidences  ........................  69  

 Paragraphe  2  :  Les  desideratas  des  professionnels  de  la  vision.  .........................  70  A.  Avis  des  ophtalmologues  ............................................................................................  70  B.  Les  orthoptistes  ..............................................................................................................  72  C.  Les  opticiens-­‐lunetiers  et  opticiens-­‐optométristes  .........................................  73  

  Les  opticiens-­‐lunetiers  .........................................................................................  73  1.

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  Les  opticiens-­‐optométristes  ..............................................................................  74  2.  Chapitre  2  :  La  pertinence  de  certains  modèles  comparés  ...........  75    Section  1  :  Le  modèle  québécois  concernant  la  profession  d’opticien  .......  75    Paragraphe  1  :  La  profession  d’opticien  d’ordonnance  ...........................................  75  Paragraphe  2  :  La  profession  d’optométriste  ...............................................................  76  

 Section  2:  la  profession  d’orthoptiste  ....................................................................  78  

CONCLUSION ............................................................................................ 79  

GLOSSAIRE ............................................................................................... 81  

Bibliographie ............................................................................................... 83