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Le livre pour enfants dans le monde : en Catalogne aujourd'hui par Nuria Ventura, bibliothécaire pour enfants à la Biblioteca Infantil Lola Anglada, à Barcelone. De 1939 jusqu'à nos jours Après la coupure de l'après-guerre, c'est seule- ment dans les années cinquante qu'on commence à rééditer quelques oeuvres, spécialement des contes populaires et folkloriques, à l'intention des enfants. De toutes façons, jusqu'aux années soixante il est toujours interdit de publier des livres et des revues en catalan, d'où une rupture dans la tradition littéraire et linguistique de la Catalogne, en même temps que l'impossibilité de travailler pour beaucoup d'auteurs, qui ne peu- vent pas s'exprimer dans leur propre langue. Le problème se pose aussi dans les écoles : défense de l'enseignement en catalan et du cata- lan, pédagogie réactionnaire, contrôle idéologi- que, pas d'écoles mixtes... Ce qui entraîne une dégradation du niveau culturel et de lecture de toute la population, et, par voie de conséquence, entre autres, l'absence d'intérêt de l'école et de la société en général pour le livre comme élément décisif dans l'éducation des enfants. Pourtant on ne peut éliminer d'un coup une tradition culturelle, pédagogique et linguistique comme celle de la Catalogne avant la guerre civile. De petits groupes d'intellectuels, de péda- gogues et de citadins sensibilisés veillent pour que cette tradition ne soit pas brisée définitivement. Ils se rendent compte qu'il faut absolument inté- resser l'école et atteindre, au moyen du livre, le public le plus large possible. Grâce à l'effort des associations privées (notamment Omnium cultu- ral et Rosa sensat*) et de personnes très motivées, qui vont jusqu'à payer des amendes ou risquer la prison, il se crée dans les années soixante des écoles et des maisons d'édition qui apportent un renouvellement dans le long processus de récupé- ration culturelle de notre pays. Ces maisons d'édi- tion, qui dédient tout ou une grande partie de leur production au livre pour enfants, sont Estela (1961), Edicions 62 (1962), La Galera (1962). * Omnium cultural est une association culturelle pri- vée, qui a été un des pivots pour le renouveau de la lan- gue catalane. Rosa sensat est une association d'enseignants qui a, dès le départ, organisé des cours de recyclage; ses Écoles d'été pour enseignants sont très connues. 14 D'autres, plus anciennes, comme Juventud, continuent leur production pour enfants. Deux revues pour enfants : Cavall Fort et l'In- fantil, apparaissent alors. Elles se distinguent par leur qualité du reste des revues en vente dans tout l'État espagnol. Beaucoup de pédagogues, d'en- seignants, d'écrivains et d'illustrateurs ont colla- boré à ces revues ainsi que plusieurs artistes et intellectuels catalans. On a aussi tenté de lancer plusieurs revues de qualité pour les enfants (Tin- Tin, Strong, El Patufet) mais toutes ont échoué. On voit que la littérature enfantine en Catalogne est le reflet de conditions très précises ; elle pré- sente jusqu'à aujourd'hui, par rapport au reste de l'État espagnol, des caractères spécifiques que nous essaierons d'analyser brièvement. Traits spécifiques de la production En même temps que se développe la production des livres d'auteurs catalans et castillans, il paraît, comme dans tous les pays, beaucoup de traduc- tions de livres étrangers, de Babar ou des albums du Père Castor jusqu'aux derniers livres des fémi- nistes italiennes, en passant par de nombreuses versions de contes de Grimm, d'Andersen, de Per- rault. Cependant des ouvrages importants man- quent encore et d'autres sont épuisés (on a traduit récemment Maurice Sendak et Tomi Ungerer, les albums de Léo Lionni ne sont plus disponibles). Il faut remarquer la qualité de beaucoup de ces traductions. Plusieurs romanciers et poètes ont traduit des contes pour enfants, par exemple Josep Carner, et Maria Manent (traductions d'Andersen et Grimm), Ana Maria Matute, Maria Aurélia Capmany, etc. Quelques maisons d'édition se sont consacrées exclusivement à la traduction (Ed. Noguer, Molino), d'autres alternent les traductions avec la production originale (Juventud, Lumen, Laia, Labor) et d'autres enfin ne publient que des livres écrits et illustrés par des auteurs catalans (La Galera, Publicacions de l'Abadiade Montserrat). Les ouvrages originaux, en catalan ou en castil- lan, présentent des caractéristiques propres qui sont une conséquence des circonstances dans les- quelles s'est développée notre culture.

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  • Le livre pour enfants dans le monde :

    en Catalogne aujourd'huipar Nuria Ventura,

    bibliothécaire pour enfantsà la Biblioteca Infantil Lola Anglada,

    à Barcelone.

    De 1939 jusqu'à nos jours

    Après la coupure de l'après-guerre, c'est seule-ment dans les années cinquante qu'on commenceà rééditer quelques œuvres, spécialement descontes populaires et folkloriques, à l'intention desenfants. De toutes façons, jusqu'aux annéessoixante il est toujours interdit de publier deslivres et des revues en catalan, d'où une rupturedans la tradition littéraire et linguistique de laCatalogne, en même temps que l'impossibilité detravailler pour beaucoup d'auteurs, qui ne peu-vent pas s'exprimer dans leur propre langue.

    Le problème se pose aussi dans les écoles :défense de l'enseignement en catalan et du cata-lan, pédagogie réactionnaire, contrôle idéologi-que, pas d'écoles mixtes... Ce qui entraîne unedégradation du niveau culturel et de lecture detoute la population, et, par voie de conséquence,entre autres, l'absence d'intérêt de l'école et de lasociété en général pour le livre comme élémentdécisif dans l'éducation des enfants.

    Pourtant on ne peut éliminer d'un coup unetradition culturelle, pédagogique et linguistiquecomme celle de la Catalogne avant la guerrecivile. De petits groupes d'intellectuels, de péda-gogues et de citadins sensibilisés veillent pour quecette tradition ne soit pas brisée définitivement.Ils se rendent compte qu'il faut absolument inté-resser l'école et atteindre, au moyen du livre, lepublic le plus large possible. Grâce à l'effort desassociations privées (notamment Omnium cultu-ral et Rosa sensat*) et de personnes très motivées,qui vont jusqu'à payer des amendes ou risquer laprison, il se crée dans les années soixante desécoles et des maisons d'édition qui apportent unrenouvellement dans le long processus de récupé-ration culturelle de notre pays. Ces maisons d'édi-tion, qui dédient tout ou une grande partie de leurproduction au livre pour enfants, sont Estela(1961), Edicions 62 (1962), La Galera (1962).

    * Omnium cultural est une association culturelle pri-vée, qui a été un des pivots pour le renouveau de la lan-gue catalane. Rosa sensat est une associationd'enseignants qui a, dès le départ, organisé des cours derecyclage; ses Écoles d'été pour enseignants sont trèsconnues.

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    D'autres, plus anciennes, comme Juventud,continuent leur production pour enfants.

    Deux revues pour enfants : Cavall Fort et l'In-fantil, apparaissent alors. Elles se distinguent parleur qualité du reste des revues en vente dans toutl'État espagnol. Beaucoup de pédagogues, d'en-seignants, d'écrivains et d'illustrateurs ont colla-boré à ces revues ainsi que plusieurs artistes etintellectuels catalans. On a aussi tenté de lancerplusieurs revues de qualité pour les enfants (Tin-Tin, Strong, El Patufet) mais toutes ont échoué.On voit que la littérature enfantine en Catalogneest le reflet de conditions très précises ; elle pré-sente jusqu'à aujourd'hui, par rapport au reste del'État espagnol, des caractères spécifiques quenous essaierons d'analyser brièvement.

    Traits spécifiques de la production

    En même temps que se développe la productiondes livres d'auteurs catalans et castillans, il paraît,comme dans tous les pays, beaucoup de traduc-tions de livres étrangers, de Babar ou des albumsdu Père Castor jusqu'aux derniers livres des fémi-nistes italiennes, en passant par de nombreusesversions de contes de Grimm, d'Andersen, de Per-rault. Cependant des ouvrages importants man-quent encore et d'autres sont épuisés (on a traduitrécemment Maurice Sendak et Tomi Ungerer, lesalbums de Léo Lionni ne sont plus disponibles).

    Il faut remarquer la qualité de beaucoup de cestraductions. Plusieurs romanciers et poètes onttraduit des contes pour enfants, par exempleJosep Carner, et Maria Manent (traductionsd'Andersen et Grimm), Ana Maria Matute,Maria Aurélia Capmany, etc.

    Quelques maisons d'édition se sont consacréesexclusivement à la traduction (Ed. Noguer,Molino), d'autres alternent les traductions avec laproduction originale (Juventud, Lumen, Laia,Labor) et d'autres enfin ne publient que des livresécrits et illustrés par des auteurs catalans (LaGalera, Publicacions de l'Abadiade Montserrat).

    Les ouvrages originaux, en catalan ou en castil-lan, présentent des caractéristiques propres quisont une conséquence des circonstances dans les-quelles s'est développée notre culture.

  • 1. La plupart des livres pour enfants, spéciale-ment ceux des petits, témoignent d'attention par-ticulière au niveau du langage. C'est plus évidentdans les livres catalans parce que souvent le livre(ou la revue) sera le seul moyen pour l'enfantd'apprendre sa langue maternelle. Le texte a ététrès étudié, pour qu'il ne pose pas de grandes diffi-cultés aux enfants et en même temps pour enrichirleur vocabulaire et leur apprendre les formes cor-rectes de la langue. Dans ces livres on trouve unpetit vocabulaire en fin de volume.

    2. Beaucoup de livres, surtout des romans pourles plus de dix ans, évoquent une époque de notrehistoire ; il s'agit, tout en distrayant, de transmet-tre un peu de ce patrimoine culturel longtempsocculté par l'école et la société. Dans les livrescatalans on sent le désir de retrouver et de fairerevivre le passé, non seulement dans les récits his-toriques mais aussi dans les contes populaires, lesrecueils de chansons traditionnelles, etc. (LaGalera publie souvent ce genre d'ouvrages.)

    3. Les écrivains spécialisés en littérature enfan-tine apparaissent lentement. Tandis que dans lesannées soixante, on devait demander aux écri-vains et aux pédagogues d'écrire des livres pourenfants, maintenant beaucoup ont orienté leurtravail dans ce sens, par exemple Josep Vall-verdû, Joaquim Carbo, Ana Maria Matute,Robert Saladrigas, Josep Albanell, CarmenKurtz, Oriol Vergés, Sebastià Sorribas, AuroraDiaz-Plaja, etc. La plupart écrivent en catalan(sauf Ana Maria Matute et Carmen Kurtz) ; maispresque tous les livres sont traduits en castillan.Eulàlia Valeri et Assumpciô Lisson (Ed. LaGalera) on fait un remarquable travail de compi-lation et d'adaptation des contes populaires.

    A ce professionnalisme ont contribué sansdoute deux prix annuels de littérature enfantine :le prix Josep Maria Folch i Torres et le prix Joa-quim Ruyra qui donnent à beaucoup de jeunesécrivains la possibilité de publier leurs ouvrages.

    III. de L. Anglada pour Alice au pays des merveilles.

    Cavall Fort, revue catalane pour enfants.

    4. Conséquence de l'essai de rénovation pédago-gique en cours depuis longtemps dans les écoles,une série de livres ont surgi qui, sans être desmanuels scolaires, sont conçus en fonction del'enseignement, pour apprendre à "lire" l'image,élargir le vocabulaire, comprendre les idées, faireconnaître à l'enfant des aspects de la nature et dela science. On ne peut pas les considérer commedes livres de loisirs (collections : A poc a poc, Peuà peu, Mira, Mira, Mira bé, Regarde, regarde,regarde bien, Que cal saber, Que faut-il savoir ?).

    5. La Catalogne a une excellente tradition d'il-lustrateurs de livres pour enfants. L'école repré-sentée par Junceda, Torné Esquius, LolaAnglada, Obiols, etc. trouve une certaine conti-nuité dans les artistes d'aujourd'hui, qui sontnombreux et avec un style particulier. Bien queles styles et les techniques soient très différents ony décèle une légère influence des illustrateursd'hier sur ceux d'aujourd'hui, dont la sensibilitéartistique s'est éveillée à partir de leurs livres. Uncertain goût pour les paysages méditerranéens, lalumière, le détail, les caractéristiques physiquesdes personnages est évident dans beaucoup d'il-lustrations catalanes.

    D'autre part, on observe la recherche de nou-velles formes et techniques artistiques ainsiqu'une tendance à la spécialisation et au profes-sionnalisme chez ceux qui s'occupent de l'illustra-tion de livres pour enfants.

    Parmi les illustrateurs, de ces dernières annéeson peut citer notamment Carme Sole, GloriaCarasusan, Fina Rifà, Maria Rius, MontseGinesta, Mercè Llimona, Pilarïn Bayes, etc.

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  • Problèmes actuels

    La production de littérature enfantine s'estbeaucoup développée ces dernières années. Maisle livre pour enfants a encore de sérieux pro-blèmes de production et de vente. D'abord,parents et enseignants y sont, en général, peu sen-sibilisés. Le choix d'un livre se fait sans examencritique et on néglige la fonction éducative et desensibilisation de l'enfant.

    Ceci s'aggrave par l'influence des programmespour enfants à la télévision, qui non seulementabsorbent leurs heures de loisirs, mais ne serventsouvent qu'à déformer leurs opinions et à leurbourrer la tête d'images violentes.

    Le manque d'une critique spécialisée en littéra-ture enfantine, ainsi que le petit nombre de biblio-thèques scolaires, sont à considérer pourcomprendre la situation actuelle. D'autre part,bien qu'il existe une infrastructure de bibliothè-ques publiques ou populaires, ainsi que quelquesbibliothèques enfantines qui travaillent actuelle-ment à la production du livre pour enfants, ellesrestent insuffisantes pour un nombreux public. Ily a beaucoup de banlieues et de villes sans centresde lecture publique pour enfants et étudiants.

    Tout cela se répercute sur le livre pour enfantsde qualité qui, en général, n'a pas une grande dif-fusion ; aussi les éditions sont-elles plutôt chèreset n'ont pas toujours la qualité graphique qu'onpourrait souhaiter.

    Cette situation s'améliore actuellement avecl'édition de livres de poche, d'une présentationplus accessible à tous les niveaux sociaux : la col-lection Moby Dick (castillane) surtout avec plusde cent titres d'œuvres classiques et modernespour les enfants de plus de huit ans. Labor Juvenil(castillane) et Els Llibres amb Cua (catalane) (Leslivres à queue) sont d'autres éditions de livres depoche.

    Une question se pose: la littérature que l'onproduit aujourd'hui est-elle celle qui convient lemieux? Etant donné les conditions dans les-quelles s'est développée notre littérature enfan-tine, il est certain qu'on a eu tendance à privilégierle livre didactique sur l'histoire, la culture, ou sim-plement sur les problèmes de notre société. Aussimanquons-nous d'oeuvres d'imagination. Lescontes et les romans où domine la fiction sont lesmoins nombreux et on commence seulement,alors qu'on semble tendre vers une normalisationculturelle et linguistique, à publier les livres defantaisie. Malgré tout et lentement, la productiondu livre pour enfants en catalan et en castillans'accroît.

    Livres originaux et traductions sont d'une qua-lité remarquable quant à l'esthétique et au texte ;les écoles, les enseignants et les parents s'intéres-sent, semble-t-il, de plus en plus aux livres pourenfants. De même, les bibliothèques publiques etenfantines sont très fréquentées et il y a unegrande demande de création de nouvelles biblio-thèques de la part des parents, des associations devoisins, des associations culturelles...

    La formation d'un groupe de littérature enfan-tine au Congrès de Culture catalane (1977) a étéimportante. Il a pu réunir des écrivains, des illus-trateurs, des bibliothécaires, des critiques ettoutes les personnes concernées par la littératureenfantine, pour en étudier les problèmes spécifi-ques. On a organisé aussi des expositions itiné-rantes dans toute la Catalogne, des conférences,des colloques, etc.

    L'intérêt récent des enseignants, des psycholo-gues et des bibliothécaires pour la littératureenfantine devrait avoir une incidence sur la pro-duction de livres pour enfants : notre société, oudu moins un important secteur, prend peut-êtreenfin conscience du rôle du livre et de la lecturedans la formation et le loisir de tous, spécialementdes enfants.

    (suite après les fiches, p. 17)

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    Rita en la cocina de su Abuela, par Rit a Culla.

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