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En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage

sans l'autorisation de l'éditeur.

© 1996 - ÉDITIONS FLORENT-MASSOT BP 438-07

75327 Paris Cedex 07

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ARTHUR

LA BALADE DU PERDU

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ARTHUR

LA BALADE DU PERDU

EMMANUEL FILLE

Éditions Florent-Massot

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Assez !

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INTRO

Liquide, chaud, orangé. Douleur ! Vagissements, froid, blanc.

Je crois que mes Man-Pa sont morts un jour que quand j'étais petit. Depuis je suis orphelin, mais mon père s'est remarié deux fois et ma mère une.

Fac et puis zéro, zéro, zéro, zéro, crions-nous avec Mars. Zéro dans le bourrin. Fini le RIMA, finie l'armée, deux médaillés du service national qui crient bourrés dans le métro, c'est nous.

Et puis deux ans à économiser ensemble, à vivre dans le même appartement, à entendre l'autre sauter sa meuf dans la chambre d'à côté et vice versa. Deux ans à travailler pour pouvoir se faire virer, allocations, dédommagements, voyage !

Visas pour les États-Unis, le Mexique, l'aventure. Dans l'avion une nana à côté de moi : « Bonjour, je m'appelle Cécile. » Mars nous regarde, elle me parle, je lui réponds. Kennedy Airport. On achète une super caisse d'occase, pas de carte de crédit, CASH !

Cécile nous amène chez une copine à elle, Géraldine. Là, on touche de l'herbe, un gros paquet. Cécile veut

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voyager, je couche avec elle, on part ensemble. On rejoindra Mars à Las Vegas, il veut rester à New York quelques jours.

Le rendez-vous est donné, maintenant je roule.

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CHAPITRE PREMIER

Quatre-vingts, quatre-vingt-dix, cent... Les phares ouvrent la nuit. Derrière, après nous, un long fil, rouge. Cécile me regarde, je le sens, mais je ne vois qu'une pointe, cigarette, rouge.

Cent dix... Les baffles balancent au son de la basse de Bauhaus, rythme lent, rond, qui contraste avec... Cent vingt... les lumières filantes qui nous entourent. Pour évacuer sa fumée Cécile ouvre la fenêtre d'une légère pression du doigt. L'air chaud du dehors vient turbuler dans l'environnement frais, intérieur. Un mur de bruit se forme tandis que j'efface un camion de la trajectoire, elle rit, inconsciente.

Cent quinze... Les camions me freinent mais j'accélère. Concentration pour ne pas voir ses genoux entrouverts, ses seins, sa bouche, ses... Autobus ! Sens inverse ! Coup de volant gauche ! Garde-fou droite ! Freins ! Quatre- vingt-dix !

Bela Lugosi is dead, pas nous ! Quatre-vingt-dix, cent, cent quinze, cent vingt... Cent vingt-cinq... Éclat de rire, elle éteint sa cigarette. Sueur, raie des fesses moite... cœur à quatre-vingt-dix, voiture à cent trente... heureusement la route est droite.

Un motel, le Big Circus, se pointe bientôt à l'horizon

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sous la forme d'un gros néon rose surmonté d'un élé- phant de la même couleur. Juste le temps de freiner. Le moteur se plaint, la voiture s'arrête. Coup d'oeil à droite, sourires...

- Alors... tu suces ? - Comme d'hab'.

Complicité moqueuse, fin de The spy in the cab, j'éteins le son. Ouverture des portes, où est passé l'air ? Soixante battements, cœur normal...

- On y va ? - Je t'attends... La chambre est lézardée, de bas en haut, de droite à

gauche, partout... une sorte de marbre du pauvre. Sept portraits de clown ornent les murs, complètement moisis. Le lit est grand et l'air conditionné. Cela va nous per- mettre de rester en vie même si le climatiseur plaqué imitation bois fait le bruit d'une horde de Hell's. Dans la salle de bains la douche et la baignoire sont spacieuses mais les serviettes rêches.

Pendant mon inspection Cécile a branché le circuit vidéo interne qui, au bruit, doit diffuser du porno. Je retourne dans la chambre, elle est assise sur le lit face à l'écran. Attentive elle tire de grandes lattes sur sa clope en observant, moue condescendante, les orifices écartés d'une héroïne luisante de vaseline. N'ayant pas le temps de disperser mes énergies j'ouvre mon sac et commence à rouler un petit joint pour nous mettre en appétit. Le film la captive de plus en plus : l'actrice implore mainte- nant la pitié d'un gros au sourire fermeture éclair collé sur visage cuir. Je lui demande si elle mouille.

- T'es con ou quoi ? - Quoi ?! Je sors. Décidément nous n'avons pas toujours le

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même humour. Je m'assieds dans la voiture en reculant le siège au maximum puis mets The man with X-ray eyes. Juste pour le titre. Allumons le pétard... Cécile me rejoint bientôt. Elle rit. Son héroïne jouait le chou pâtissier, pleine de crème, quand elle s'est rendu compte que je n'étais plus là et que, par conséquent, le joint non plus.

L'herbe me dessèche. J'ai les yeux qui tentent plusieurs sorties. Mon regard se fane, mes paupières se ferment... Encore une aspiration, mes poumons brûlent... de l'air... du frais... Après deux taffes Cécile tousse, je ris puis je tousse, nous rions, nous toussons, elle arrache !

Une voiture se gare, nous fermons les portes, aban- donnons le navire pour voguer vers le bâtiment principal. L'unique entrée est surmontée d'une tête de tigre géante qui nous regarde, bouche grande ouverte. La lumière blafarde rend les gens jaunes, voyage en Asie... Ils sont tout petits, je suis grand. Les clowns au mur me regar- dent tristement, ils savent que leur numéro n'est pour rien dans notre hilarité.

Cécile aussi me regarde, elle me fait penser à une girafe, grande, belle, majestueuse, mais ruminante tout de même... Le patron s'approche, il doit être l'homme- chien, le loup-garou des Carpates, l'ours savant des foires moyenâgeuses, beurk ! Une épaisse toison recouvre les parties visibles de son anatomie, je n'ose imaginer le reste. Mon estomac se fait rageur, l'herbe continue à faire effet. Nous commandons de quoi satisfaire trois camionneurs, chacun.

Le repas entamé j'essaye de ne penser qu'aux diffé- rents goûts qui habitent ma bouche tout en préservant un mince filet lumineux entre mes paupières, closes.

Cécile parle mais j 'ai du mal à suivre, c'est sa voix

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qui me plaît, petite ritournelle hypnotique... lalala... lala... Dans ma bouche j'ai fait une bouillie de pomme de terre pleine de bave qui passe rapidement entre mes dents, j'aime son goût salé.

- ... la voiture est super et même si à New York j 'y suis montée par hasard...

- C'est pas par accident que tu en redescendras... Je la gratifie au passage d'un sourire béat, dégoulinant

du magma jaune. Une hilarité commune se déclenche de nouveau, nos voix aiguës rebondissent dans le vide de la pièce du Big Circus Motel. Le son de la télévision nous rappelle que nous ne sommes pas seuls, le chien veille...

Après avoir trop mangé et fait le plein de bières nous sortons pour flâner un peu dans les champs alentour. Une centaine de mètres plus loin nous comprenons qu'on se fout pas mal de la nature, nous pissons donc là avant de revenir à la chambre.

La télé, toujours allumée, montre un grand Noir en train de se branler. Son œil est collé au trou d'une serrure derrière laquelle deux jeunes filles se lèchent goulûment. J'ouvre une bière. Cécile glose sur l'originalité des scénarios tandis que je commence à bander mollement.

Pour penser à autre chose je vais chier un bon coup. Là, je me rends compte qu'à travers la serrure, je peux voir Cécile en train de boire, tout en restant assis. J'essaye de me concentrer sur ce que je fais, rouler le joint et quelques autres opérations moins délicates, mais je suis fasciné par sa bouche collée aux bords de la boîte, j'observe le trajet hypothétique du liquide. Je le vois descendre, la peau de sa gorge bouge, elle avale. Je suis l'homme With X-ray eyes.

Lorsque je baisse mon regard un peu plus bas, vers sa poitrine, la vision cesse car le trou est trop petit, pas au

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point, mes superpouvoirs... je n'arrive pas aux endroits les plus profonds de son corps. Je place le filtre sur le papier avant d'être accroché de nouveau par les reflets bleutés qui hantent son visage. Chacun d'entre eux est le prolongement cathodique d'un corps en train de s'offrir, le film est sur elle, elle en est devenue le reflet vivant. Ses yeux qui suivent rapidement les petits gémis- sements de l'écran masquent difficilement leur excitation. Les ombres mouvantes glissent sur sa bouche, la mienne s'ouvre doucement...

J'ai complètement oublié ma merde qui tombe dans un éclaboussement retentissant, une large giclée d'eau m'asperge le cul. Contraction ! Mouvement intempestif qui expédie l'herbe et le papier en avant, juste dans la flaque d'eau au pied du bidet. Colère... impuissance... me lever pour ramasser l'herbe... fesses mouillées... papier trempé, anus dilaté.

Un cafard traverse la pièce et s'installe dans ma tête. Je me rassois, perplexe. Chienne de vie ! Une gorgée de bière et puis, cul sec ! La bière coule de chaque côté de mes lèvres, l'amertume gagne ma gorge, les gaz rem- plissent mon estomac. La bière finie j 'ai mal partout. Lair entre et sort de mes poumons, rapidement. Nausée. J'ai trop bu, trop vite.

Je vais prier, me confesser, promettre encore une fois de m'arrêter. À genoux, face à la cuvette, les bras sur la lunette et la tête sur les coudes, je prends la position gerbe. L'odeur de la merde me remonte dans les narines tandis que mon jean's éponge une partie de la flaque.

Premier jet... Pardon mon Dieu ! Mon ventre bouge, mes doigts cherchent le fond de la gorge... Deuxième jet... Délivrance ! Morceaux coincés dans les dents, plein la main... Ma gorge est en feu. Asphyxie ! Les

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yeux révulsés j 'en veux encore, encore et encore ! C'est décidé, j'arrête ! Encore ! Ça n'arrête plus de couler, des spaghettis filants passent au milieu de litres de bière. J'ai le visage moucheté, mon regard plonge et tente de suivre toute cette nourriture gaspillée. Encore ! Une pointe monte de mon sexe et bloque mes abdominaux, je tressaille - Pourquoi ? Aucune réponse à donner ! Vive la consommation débridée, l'autoconsommation.

Mes sens reprennent petit à petit leurs esprits et la béatitude de la gerbe accomplie cède rapidement au dégoût de la situation. A) Tirer la chasse, B) Enlever toutes mes fringues, C) Sous la douche. Cécile ouvre la porte, se bouche le nez, me regarde et rigole. Le film est fini. Elle ramasse l'herbe épargnée et tente de faire sécher l'autre partie dans la chambre. L'eau coule sur ma tête, la baignoire se remplit progressivement.

Cécile revient et se déshabille. Lorsqu'il passe à por- tée, j'enfonce mon doigt dans son cul, je bande. Après avoir tressailli, elle se baisse, offerte. En me relevant, je glisse. Coude droit fracassé ! L'eau gicle, le pommeau m'échappe.

Elle attend. Assoiffé, je passe une jambe, puis l'autre, hors de la baignoire, l'œil fixé sur son trou. J'écarte enfin ses fesses et pénètre sa chair. Je crois qu'elle se mord les lèvres, son souffle est court, le mien est rauque. Je pousse, elle résiste. Je pousse encore, tout cède ! Sensation sèche et vaine. Spasmodiquement je reste en elle en me tordant. Sa peau chaude rassure mon ventre... Je vais jouir, je veux jouir... Mes mains serrent ses fesses, mes bras la ramènent perpétuelle- ment contre mes hanches. Mes os s'enfoncent dans sa graisse. Je ne contrôle plus rien, mon corps s'agite, le sien se tétanise...

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C'est fini, ça n'a servi à rien. Nausée et sentiment rapide du bon qui s'efface devant l'impuissance de continuer. Je n'ai plus cette barre de l'envie qu'il faut satisfaire. Je n'ai plus qu'une chose molle collée dans un amas de merde. Ça n'a servi à rien. Il ne faudrait pas s'arrêter, pas commencer, rien. MERDE... Je nous en veux. Je l'embrasse, elle soupire.

La baignoire est pleine, je rentre dans l'eau, ça déborde. Quand elle me rejoint, il n'y a plus d'eau.

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C H A P I T R E I I

Onze heures vingt-trois minutes, j'ouvre un œil et le referme aussitôt, ma tête ne répond plus... Midi cinquante-sept, Cécile bouge à côté de moi. Elle s'al- lume une cigarette en se grattant. Je me retourne en grognant.

Pour rire, elle me pousse d'un grand coup de pied. Contact avec la réalité de la table de nuit. Le tiroir m'ouvre la lèvre, sang, envie de gerbe et mal de tête. Je me relève sous ses yeux amusés. Garce ! Je plonge et cherche à m'emparer de ses bras. En se défendant, elle lâche sa clope qui s'écrase sur son ventre, cri ! Je tape sur sa gueule, plein de l'envie de la tuer, de la déformer, de rentrer mes doigts dans ses yeux... trop mal à la tête, j'arrête vite...

Elle se tait, rouge et calcinée. Le sang coule douce- ment de ma bouche. Haine mutuelle des petits matins... Je me retourne lentement, ouvre le frigo et lui lance une canette glacée avant de m'en ouvrir une. Elle enchaîne :

- Tu roules ? - Tu suces ? -O.K. !

Le deal est conclu, je roule, elle me suce. Ma tête recommence à fonctionner malgré l'air conditionné qui

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continue son solo perpétuel. Lorsque j'ai fini le pétard Cécile a nettoyé mon torse de son sang. Nous sommes prêts. Elle introduit mon sexe dans le sien, lentement, en se frottant contre mes poils... Chaleur... C'est comme ça qu'elle préfère. Elle râpe, râpe, râpe tandis que nous nous passons le pétard et que nos bouches sèchent en s'échangeant la fumée. Je suis en sueur, elle aussi, nous glissons l'un sur l'autre, dessus, dessous, l'un dans l'autre, doucement... l'herbe ouate nos ardeurs. Plus que nos sexes, rien d'autre.

Après, progressivement, nous dormons de nouveau. Quatre heures quarante-quatre, je prends une douche,

Cécile chante, l'eau est fraîche, rien ne presse, le savon glisse, je l'emmerde. Je regarde l'eau ruisseler le long de mes jambes, les longs poils noirs du bas forment de petites vagues, je fais des dessins avec. J'adore l'eau qui coule, ça me repose. Elle coule sur ma nuque, sur mes bras, mon torse et mes fesses. Fait le tour de mon sexe, serpente entre mes jambes, avant de finir dans le trou et disparaître. J'aime l'eau qui coule.

Ensuite, je me rase avec application en m'envisa- geant longuement dans la glace. Cécile est derrière, sur les chiottes. Elle m'observe, amusée. Dans un reflet je la vois s'essuyer les fesses. Juste avant qu'elle n'entre dans la baignoire j'attrape son bras que je tords derrière son dos. Très vite je la bâillonne avec mon tee-shirt et l'entraîne dans la chambre. Sans lui laisser de répit je la jette au sol, m'empare des menottes qu'elle a achetées sur la route et l'attache au pied du lit. Une fois assuré qu'elle est bien immobilisée, je passe dans la salle de bains prendre mon rasoir, ma mousse, et mes lames.

Je lui écarte les jambes, passe de l'eau chaude sur son sexe encore velu et commence à tartiner. Lorsque

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tout est bien blanc et savonneux je me relève et prends une bière ainsi que deux photos d'elle.

N'ayant pas croisé son regard avant, c'est à travers le viseur de l'appareil que je me rends compte de son air attentif, pas particulièrement ému, juste patient. Pas la patience ! ! Je ne supporterai pas son indifférence, je veux qu'elle me supplie comme j'ai envie de le faire. Partir pour ne pas devenir fou. Je le lui annonce d'un coup :

- Je me casse, je ne suis pas barbier... Son inquiétude monte d'un cran, elle se débat avec

l'ardeur d'un ver de terre que l'on vient de couper en deux. Je suis en train d'enfiler mon jean's lorsqu'elle réussit à enlever une partie du bâillon, un flot de prières geignardes sort de sa bouche, enfin.

Méthodique, j'élimine tous les petits filaments qui protègent son sexe. Je dois bien la couper légèrement une ou deux fois mais aucune protestation ne s'élève. Elle semble paralysée et me regarde d'un air doux. Je suis content.

Après avoir soigneusement enlevé toute trace de savon, je prends quelques clichés. Elle, complice, écarte légère- ment les cuisses. Je ne vois bientôt plus que sa fente qui m'appelle, une odeur mêlée de savon, de chaleur et de sexe flotte dans la pièce, excitation.

Progressivement je me rapproche de son sexe, l'odeur et la chaleur s'intensifient : je n'ai plus qu'une envie, m'y perdre. Alors j'introduis ma langue rafraîchie par une dernière gorgée de bière entre les deux parois de chair, goût. Nous gémissons doucement. Sa peau lisse soulage ma lèvre gonflée, douceur. Le nez enfoncé, la langue agitée, j'imprègne ma gueule tandis que mes doigts fouissent sa texture.

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Au long de l'effort ma langue devient un gros pâté qui n'obéit qu'à ma nuque, des pointes me transpercent la gorge, je me gave. Yeux collés... Narines remplies... Ça coule de partout... Oublier, disparaître, continuer. D'un coup elle se tend en me demandant d'arrêter. Content, je suis content. C'est la façon de jouir de la femme qui se rapproche le plus de celle de l'homme, en surface, brusque, énervante, vaine... Je crois...

Je la détache, lui allume une cigarette puis l'embrasse dans le cou et derrière l'oreille. Six heures trente-cinq, elle prend sa douche pendant que je mate la télévision en soupirant. Est-ce que nous allons repartir ou rester encore ? J'aime conduire la nuit, le soleil va bientôt se coucher, il ne faut pas louper le cliché, c'est parce qu'on se casse que c'est beau... Bien en face, toutes vitres ouvertes et la sono à fond.

C'est ce que nous faisons, direction Salt Lake City puis Las Vegas. Là-bas, nous rejoindrons Mars. Au départ, avec Cécile, nous n'étions que deux têtes inconnues dans un 747 plein. Sans trop savoir comment nous nous sommes rapprochés jusqu'à finir dans le même lit. Pour l'instant je n'ai rien vu du pays mais c'est très bien comme ça. Ma seule vision est son corps et quel corps ! Le reste n'est que camionneurs gras, mecs mal rasés et bière.

J'accélère sans arrêt et les voitures que je dépasse me font des appels de phares pour protester contre ma vitesse excessive. In f ea r of f e a r commence juste lorsque des gyrophares s'allument derrière nous. Arrêt sur le côté, mains sur la tête, fouille au corps, amende. Je tremble à l'idée qu'ils trouvent l'herbe, ils ont la bonne idée de ne pas le faire. Cécile rigole en voyant ma tête. Elle en rajoute en disant aux flics qu'elle est contente parce qu'elle avait peur...

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- On allait si vite !

... que je n'écoutais jamais lorsqu'elle me demandait de ralentir. Les deux flics ravis de défendre l'orpheline me sermonent en m'expliquant la base des principes civiques du pays. Ils sont pleins d'eux, chewing-gum et lunettes de soleil, sous le couchant. Cécile dans leur dos acquiesce d'un air angélique. La haine monte, sou- rires forcés, mains crispées. Ils nous quittent en lançant de grands regards protecteurs à cette brave petite Française.

Elle les regarde s'éloigner et, dès qu'ils ont disparu, part d'un grand éclat de rire rapidement coupé par le bruit du moteur. Furieux, je me casse. Son air incrédule glace les rétros mais je sens qu'elle ne me croit pas, qu'elle fait cette tête pour me faire plaisir. Marche arrière. J'ouvre la porte, elle entre et s'assoit.

Qu'est-ce qu'on fout ici ? Malaise. Rien à dire. Waiting for the man s'arrête, il n'y a plus un son. Je commence à suer en essayant de ne penser qu'à sa fente lisse, courage. Je suis seul, la voiture se traîne, Cécile fume et refume. J'arrête la caisse, différentes envies se superposent en moi : pisser, gerber, chialer. Je pisse. Je ne supporte pas cette trahison qui n'en est pas une, putain d'orgueil ! Au moment où je me rassois, elle attaque :

- Si t'es énervé, aie au moins le courage de faire autre chose que de faire semblant de te casser, ça m'empêchera de me faire chier !

Je lui décolle la tête d'un revers de la main, son crâne heurte la vitre dans un choc sourd, elle crie. J'ouvre la porte et la pousse dehors en hurlant. Mon ventre, ma tête, mes poumons, mes couilles ont envie d'exploser, de sortir, il faut que j'aie mal, il faut que je fasse mal,

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Arthur

'Arthur,

Patrick Fort.

À cinq ans, ses parents lui offrent un canard qui meurt dans ses bras. De dépit, Emmanuel Fille part au Brésil puis travaille à la Bourse où il se démène avant de finir à la cor- beille. Après avoir hésité vingt-six ans, il écrit son premier roman. Couverture :

Mandy

5 9 , 0 0 F F

édit ions Florent-Massot

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