ème - s232d63b13001c8a2.jimcontent.com · Sujet léger qui se veut traité avec sérieux avec les...

10
1 Latin 3 ème – Séquence 1 lectio Siquis in hoc artem populo non nouit amandi, Hoc legat et lecto carmine doctus amet. Si parmi vous, Romains, quelqu'un ignore l'art d'aimer, qu'il lise mes vers ; qu'il s'instruise en les lisant, et qu'il aime. 1. Ovide s’adresse-t-il à quelqu’un en particulier ? Qu’est-ce que cela signifie sur le sens de son ouvrage ? 2. Cette « ouverture » est-elle habituelle dans la littérature latine ? A qui le poète s’adresse-t-il habituellement en début d’œuvre ? Pourquoi ? 3. Quel va a priori être le sujet de l’œuvre ? Arte regendus amor. L'art doit [aussi] guider l'amour. 4. En vous reportant à l’article du Gaffiot 1 fourni, l’ars romain classique et l’ars présenté par Ovide sont-ils de même nature ? Pourquoi ? 5. Dès lors, comment comprendriez-vous le titre de l’ouvrage : ars amatoria ? Este procul, uittae tenues, insigne pudoris, Quaeque tegis medios, instita longa, pedes. Nos uenerem tutam concessaque furta canemus, Inque meo nullum carmine crimen erit. Loin d'ici, bandelettes légères, insignes de la pudeur, et vous, robes traînantes, qui cachez à moitié les pieds de nos matrones ! Je chante des plaisirs sans danger et des larcins permis : mes vers seront exempts de toute coupable intention. Principio, quod amare uelis, reperire labora, Qui noua nunc primum miles in arma uenis. Proximus huic labor est placitam exorare puellam: Tertius, ut longo tempore duret amor. Principio Pour commencer <id> quod amare uelis, ce que tu veux aimer tâche à le trouver, reperire labora, soldat (apposition au sujet) miles qui t’engages maintenant Qui uenis nunc pour la première fois primum dans une guerre novice. noua in arma Proximus huic labor La tâche suivante est exorare c’est gagner placitam puellam ; la jolie fille qui t’a plu ; Tertius le troisième point ut longo tempore duret amor <faire> que l’amour dure longtemps. 1 Rappel : le Gaffiot entièrement numérisé est accessible sur Internet : http://www.prima-elementa.fr/Gaffiot/Gaffiot-dico.html

Transcript of ème - s232d63b13001c8a2.jimcontent.com · Sujet léger qui se veut traité avec sérieux avec les...

1

Latin 3ème

– Séquence 1

lectio

Siquis in hoc artem populo non nouit amandi, Hoc legat et lecto carmine doctus amet.

Si parmi vous, Romains, quelqu'un ignore l'art d'aimer, qu'il lise mes vers ; qu'il s'instruise en les lisant, et qu'il aime.

1. Ovide s’adresse-t-il à quelqu’un en particulier ? Qu’est-ce que cela signifie sur le sens de son

ouvrage ?

2. Cette « ouverture » est-elle habituelle dans la littérature latine ? A qui le poète s’adresse-t-il

habituellement en début d’œuvre ? Pourquoi ?

3. Quel va a priori être le sujet de l’œuvre ?

Arte regendus amor. L'art doit [aussi] guider l'amour.

4. En vous reportant à l’article du Gaffiot1 fourni, l’ars romain classique et l’ars présenté par Ovide

sont-ils de même nature ? Pourquoi ?

5. Dès lors, comment comprendriez-vous le titre de l’ouvrage : ars amatoria ?

Este procul, uittae tenues, insigne pudoris, Quaeque tegis medios, instita longa, pedes. Nos uenerem tutam concessaque furta canemus, Inque meo nullum carmine crimen erit.

Loin d'ici, bandelettes légères, insignes de la pudeur, et vous, robes traînantes, qui cachez à moitié les pieds de nos matrones ! Je chante des plaisirs sans danger et des larcins permis : mes vers seront exempts de toute coupable intention.

Principio, quod amare uelis, reperire labora, Qui noua nunc primum miles in arma uenis. Proximus huic labor est placitam exorare puellam: Tertius, ut longo tempore duret amor.

Principio Pour commencer <id> quod amare uelis, ce que tu veux aimer tâche à le trouver, reperire labora, soldat (apposition au sujet) miles qui t’engages maintenant Qui uenis nunc pour la première fois primum dans une guerre novice. noua in arma Proximus huic labor La tâche suivante est exorare c’est gagner placitam puellam ; la jolie fille qui t’a plu ; Tertius le troisième point ut longo tempore duret amor <faire> que l’amour dure longtemps.

1 Rappel : le Gaffiot entièrement numérisé est accessible sur Internet : http://www.prima-elementa.fr/Gaffiot/Gaffiot-dico.html

2

Soldat novice qui veux t'enrôler sous les drapeaux de Vénus, occupe-toi d'abord de chercher celle que tu dois aimer ; ton second soin est de fléchir la femme qui t'a plu ; et le troisième, de faire en sorte que cet amour soit durable.

Ovide, Ars amatoria, liber primus

6. Comment comprenez-vous la première phrase de ce passage ?

7. A quoi / qui Ovide compare-t-il son lecteur ?

8. Quels sont, présentées ici par Ovide, les 3 étapes de l’Art d’aimer ?

9. Plutôt qu’ « écrire », quel verbe est utilisé pour désigner le travail du poète ? Pourquoi selon vous ?

10. A quel genre littéraire avons-nous affaire ici ? Quelles principales différences pouvez-vous faire avec

le même genre en français ?

11. Un peu de vocabulaire – _____________________ des sentiments ; travail avec le logiciel gratuit

Eulatin

3

4

Latin 3ème

– Séquence 1

Notions de versification

Le vers latin

A la différence du vers français, le vers latin ne comporte ni ………………….. ni nombre fixe de ……………… . Il se

partage en …………………………, ou groupements de syllabes brèves ( ) ou longues ( ). Un pied ne

correspond pas forcément à un mot.

la prosodie enseigne à reconnaître la longueur des voyelles

le métrique à décomposer les vers en pieds (on dit scander).

Notions élémentaires de prosodie

Quantité des syllabes

- une diphtongue (ae, oe, au, eu) est longue : rosae, moenia.

- une voyelle suivie d’une autre voyelle ou d’un h est brève : beatus, mihi.

- une voyelle suivie de x, de j, ou de deux consonnes est longue : esse, arma, Jovis filius.

Toutefois une voyelle suivie du groupe consonne + r ou l (groupes bl, br, cl, cr, dr, fl, fr, gl, gr, pl, pr, tr)

peut être longue ou brève : agri, patres, tenebrae.

Elision

Quand un mot se termine par une voyelle ou par une voyelle suivie d’un m, cette voyelle ne compte pas

si le mot suivant commence par une voyelle ou par un h : mult[i] eunt, mult[ae] erant.

Métrique

Les pieds latins sont :

Le trochée Le dactyle

L’ïambe Le spondée

Le tribraque L’anapeste

L’hexamètre dactylique

Six pieds dont le 5ème est forcément un dactyle, le 6ème un spondée ou un trochée et les 4 autres des

dactyles ou des spondées.

Ex : Nasce/tur pul/chra Tro/janus o/rigine /Caesar

Méthode pratique pour scander :

- noter les élisions

- isoler le 5ème et le 6ème pied

- indiquer les quantités connues

5

Ex : nulla etenim mihi te fors obtulit : optimus olim

Ovide utilise des distiques élégiaques: le distique élégiaque est un ensemble de deux vers (un

distique) composé pour le premier d'un hexamètre dactylique et pour le second d'un pentamètre

dactylique. C'est par excellence le vers de l'élégie grecque et latine de l'Antiquité.

Schéma:

– uu | – uu | – uu | – uu | – uu | – u

– uu | – uu | – | – uu | _ uu | u

Si -quis in hoc ar-tem po-pu-lo non no-uit a-man-di,

Hoc le-gat et lec-to car-mi-ne doc-tus a-met.

Fresque de la maison de Vénus, Herculanum

6

Un genre novateur mais un style dans la tradition des élégiaques

Adresse générale, siquis, homme ou femme (cf 3 livres, 2 pour les hommes, déséquilibre

homme/femme), comme un traité scientifique, vulgarisateur. Les oeuvres poétiques grecques

et latines s'ouvrent souvent sur une apostrophe, mais elle est généralement adressée à la Muse

ou à un ou des dieux (Homère, Iliade, « Ô Muse », Virgile, Géorgiques, « Liber et Cérès » ).

Volonté de généralisation, novateur par rapport aux Amours, mais aussi par rapport à Catulle,

Tibulle, Properce. Ovide livre ses techniques amoureuses, alors que les poètes élégiaques

rapportent simplement leurs propres malheurs amoureux. Il utilise des subjonctifs

d'exhortation, legat….amet…, des impératifs, parete, et l'adjectif verbal, regendus.

Beaucoup d'ars dans certains domaines à Rome, notamment celui de l'agriculture ou de l'art

militaire, (cf Virgile, Géorgiques, Columelle ou Varron, chacun un traité intitulé De l'Agriculture,

Végèce, De L'art militaire), donc dans des domaines privilégiés par le mos majorum (vertus de

la rigueur, du travail, de la dévotion à la patrie romaine). L'amour, surtout celui prôné par

Ovide apparaît donc comme un sujet superficiel, décadent. C'est donc d'une parodie d'ars dont

il s'agit ici.

Sujet léger qui se veut traité avec sérieux avec les références à des héros ou à des dieux comme

Chiron, Clio et ses soeurs (9 Muses) mais aussi humour qui transparait par le caractère

emphatique du langage, utilisant pour un sujet si léger des comparaisons à valeur exemplaire

(Achille, les Argonautes, héros d'épopées, donc combat guerrier, valeur importante pour les

Romains / les Muses, esthétique artistique). La coexistence, les glissements continuels du ton

didactique au ton épique par exemple font surgir l’humour dans ce préambule, une tonalité

originale qui est la marque de fabrique d’Ovide (cf. texte liminaire des Amours en texte

complémentaire).

Le style est travaillé. La poésie est le genre noble par excellence et il demande un travail de

métrique important: utilisation de certains mots à la place de ceux attendus, pour allonger ou

réduire les pieds, comme non novit (cf traduction), utilisation de distiques élégiaques: le

distique élégiaque est un ensemble de deux vers (un distique) composé pour le premier d'un

hexamètre dactylique et pour le second d'un pentamètre dactylique. C'est par excellence le

vers de l'élégie grecque et latine de l'Antiquité. Schéma:

– UU | – UU | – UU | – UU | – UU | – U

7

– UU | – UU | – | – UU | _ UU | U

Nom des pieds: _UU dactyle / _ _ spondée / _ U trochée

césures: trochaïque, dans le troisième pied, qui doit être un dactyle, après la première brève;

penthémimère : après le cinquième demi-pied (un demi-pied est une longue, donc – ou UU);

hepthémimère : après le septième demi-pied; trihémimère, après le troisième demi-pied, la plus

courante). Plusieurs césures peuvent être présentes dans un même vers. Dans le pentamètre, la

césure est après le premier pied cataleptique (incomplet, 1 longue).

Exemples: v1: Si -quis in hoc ar-tem po-pu-lo non no-uit a-man-di, (hexamètre)

_ U U _ _ _ U U _ _ _ U U _ _ (D-S-D-S-D-S)

césures: trihémimère-penthémimère-hepthémimère (principale)

v.2: Hoc le-gat et lec-to car-mi-ne doc-tus a-met. (pentamètre)

_ U U _ _ _ _ U U _ U U U

Donc, mélange de simplicité (simple et direct , les idées des distiques sont simples, le

vocabulaire n’est pas particulièrement recherché), d’érudition (références mythologiques,

mais surtout les substituts, plaisir intellectuel, clin d’œil au public cultivé car il faut connaître

les noms des personnages, mais aussi leur origine (Haemonia), savoir qu’Ascra est la patrie

d’Hésiode), d’éloquence (raisonnements), de jeu (vers 1 et 2, faut il entendre doctus carmine ou

doctus amet, savant en poésie ou savant en amour), et d’humour (Si quis in hoc populo non

novit : figure d’ironie car tout le monde pense probablement le contraire, arte…arte…arte…. :

parodie de raisonnement par analogie, dicar : on dira de moi : il y a certainement une dérision

dans le choix des héros pas si célèbres que cela).

II – La place du poète et son enseignement

Ovide se place en position de détenteur d'un savoir, ou plutôt de techniques dans le domaine

amoureux, vati, qui connote la maîtrise dans un domaine et perito, posant comme valeur sûre

son expérience personnelle que l'on peut retrouver dans les Amours.

8

Il s'érige en personnage de mythologie, n'allant pas jusqu'à pratiquer l'ubris en se plaçant au

rang d'un dieu comme Apollon, mais il se présente comme un homme, peut-être un peu au-

dessus des autres dans le domaine des techniques amoureuses, mais faillible aussi puisqu'il

reconnaît ne pas toujours arriver à parvenir à ses fins dans le domaine amoureux (saepe,

souvent).

Se considère tout de même comme maître de Cupidon, Amour, fils de Vénus. Les références à

Apollon et à Hésiode montrent l'ambition du poète.

Ovide se pose en professeur héroïque: registre épique et la violence du combat que fait du

poète un héros digne de l’épopée (v.9 ferus, repugnet, v.13 exterruit, à propos d’Achille comparé

à l’Amour, v.12 animos feros, v.18 saevus, v.21 vulneret…arcu….jactatas excutiat faces, v.23 : fixit,

violentius …ussit…., v.24 facti vulneris ultor ego). Les exemples nobles font référence à

l’épopée grecque: Phyllirides…..Achillem (encadrent le vers), et on remarque aussi la structure

en chiasme du vers : Aecidae Chiron…..praeceptor Amoris. Si Chiron est le modèle du précepteur,

Achille est le modèle du héros, ce qui n’en exhausse que davantage la gageure du poète. Même

s’il ne s’agit pas d’une idée proprement originale (le combat amoureux), elle confère ici une

certaine grandeur à ce début . De plus le sujet lui-même nous rapproche directement du divin,

mais d’un divin romanisé, Amor et Venus: la dynastie julio-claudienne (de César à Néron) se

disait en effet issue de Vénus elle-même.

Métaphores omniprésentes chez Ovide, ici l'art de l'amour est comparé à l'art de la navigation

et à celui de la course de char (un premier art noble, la navigation étant très importante chez

les Grecs et les Romains, l'autre ludique mais bien considérée), puis plus concrètement à des

animaux. Les comparaisons érudites et poétiques sont les suivantes: Tiphys : « célèbre » pilote

de l’épopée des Argonautes (Jason en quête de la toison d’or), Automedon : cocher d’Achille, et

Chiron, maître d’Achille, qui a su le conduire à la perfection, perfecit (11).

L'amour est considéré comme une bête sauvage « ferus » donc si ce n'est indomptable, en tout

cas difficile à dompter et imprévisible. En gros, Ovide propose de donner des techniques qui

marchent dans la plupart des cas, mais se prémunit d'échecs possibles en insistant sur

l'inconstance des sentiments amoureux et leur côté imprévisible. Il est également comparé à

une bête de somme, tauri (symbolique masculine et virile très forte , ce qui donne encore une

image parodique car contrastée ) asservie par l'homme et un cheval sauvage, equi, dompté lui

aussi et dont la docilité n'est rendue possible que par l'entrave du mors.

9

L'amour est personnifié, avec la majuscule au début, élevé allégoriquement, mais c'est aussi le

nom de Cupidon, fils de Vénus, et donc une personnalité. La difficulté réside donc dans le fait

que Vénus n'a pas fait du poète un enseignant de l'amour, mais le précepteur d'Amour, fils de

Vénus, et donc possédant son propre caractère et capable de se montrer imprévisible, d'où les

comparaisons ensuite aux différents animaux.

allusion pastorale avec l'image du berger, servanti pecudes, et l'allusion au poète grec Hésiode

et à ses Travaux et les jours. La poésie pastorale est très en vogue dans L'Antiquité (cf.

Bucoliques, Virgile).

Ovide formule un art poétique explicite et pas seulement implicite: dès le début, la poésie est

présente en tant que thème, lecto carmine doctus, comme enseignement (cithara : c’est

l’instrument de Chiron, mais aussi l’instrument d’Apollon qu’on représente avec une lyre ou

une cithare; la soumission d’Achille à Chiron est aussi la soumission au pouvoir de la musique

et de la poésie.

Cette poésie a ceci de particulier que comme l’amour, elle s’enseigne par l’expérience, Ovide ne

tire pas son savoir d’Apollon, ni des Muses, ni de la nature, les vallons d’Ascra (inpiration du

poète lyrique), mais l’usus, l'expérience, inspire (movet) cet ouvrage (opus).

Ovide compare son travail à un traité sur un autre art, comme la navigation ou la conduite des

chars. Le champ lexical de l’enseignement est très présent (v.1 artem, v.2 doctus, v.3

arte….arte….arte….magistro poscente, praeceptor), les comparaisons mettent en valeur les idées

de don et de savoir-faire : aptus, magister, artifex, dans tous les domaines, tous les éléments,

eau, terre, air (pour faire plaisir à Corentin...).

Conclusion

Ce préambule annonce donc la volonté de son auteur, qui choisit de traiter sur un mode classique un sujet

original et léger, non pas parce qu'il s'agit d'amour, mais parce qu'il s'agit de séduction adultérine. Ovide se

place en position de pédagogue éclairé par son expérience personnelle, dont il a fait montre dans son recueil

des Amours, mais révèle qu'il ne va pas donner une liste de « recettes » prêtes à l'emploi, contrairement aux

ars traditionnels qui traitent de réalités plus concrètes: puisqu'il s'agit ici d'une notion abstraite assimilée à

Cupidon, il se contentera de conseils avisés dont il ne promet pas l'efficacité. Néanmoins, ce traité de

techniques amoureuses rencontrera un grand succès auprès des contemporains d'Ovide, comme en

témoignent les graffitis retrouvés à Rome et vantant l'Art d'aimer.

10