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Annales des Sciences Naturelles 2 (1999) 53-66 0 Elsevier, Paris 53 Effets produits chez trois espkces de criquets par l’ingestion d’hydrocarbures polyaromatiques rkputks canc&og&nes Jacques Bouchard Laboratoire de biologie e’volutive et dynamique des populations, b&t. 332, universite’ Paris-XI-Orsay, 91405 Orsay cedex, France (Recu le 8 fevrier 1998, accept6 apres revision le 22 fevrier 1999) Abstract - Effects of well known carcinogenic polyaromatic hydrocarbons absorbed with diet on three species of locusts. In a first approach to studying the effects of air pollutants, we describe some experimental results obtained after inges- tion of polyaromatic hydrocarbons (HAP)* by three species of locusts (Gomphocerus sibiricus, Gomphocerus rufus and Euchorthippus p&in&us). We wanted to evaluate their toxicity, then to locate them in the organism. Two HAP, carcinogenic for mammals, were used. They are highly toxic for our locusts. Ingestion of 0.015 or 0.06 mg of 3 methylcholanthrene kills respectively 2.5 % and 50 % of them. Moreover, benzo-a-pyrene seems to have a greater toxicity, and E. pulvinatus is the most resistant species. Strongly fluorescent in UV light, 3 MC and BaP can be easily detected in the organism after dissection, and with more detail using frozen material. The microscope shows absorption activity of midgut; most of the organs are conse- quently invaded by intact hydrocarbon or its various derivatives. Muscles and reproductive organs show a bright fluorescence, which reaches its maximum in the nervous system. Tubes of Malpighi seem to be the principal route of elimination of these products. The remarkable susceptibility of some organs is encouraging for the progress of our study. 0 Elsevier, Paris locusts / polyaromatic hydrocarbons I absorption / accumulation excretion RCsumC - Dans la perspective d’un travail sur les polluants atmospheriques, nous decrivons ici des resultats experimentaux obtenus en faisant ingerer des hydrocarbures polyaromatiques (HAP)* a trois espbces de criquets. (Gomphocerus sibiricus, Gomphocerus rujiis et Euchorthippus pulvinatus). I1 s’agissait d’evaluer leur toxicite puis de rechercher leur repartition dans l’organisme. Deux HAP, cancerogenes chez les mammiferes, ont CtCemploy& 11s sont toxiques chez nos criquets. Au bout de 3 j, il en meurt le quart apres absorption de 0,015 mg, ou la moitie s’ils ingerent 0,06 mg de 3 methylcholanthrene. lequel est, par ailleurs, moins toxique que le benzo-a-pyrene. Entin, E. pulvinatus est l’espece la plus resistante. Tres fortement fluorescents en lumiere UV, ces deux hydrocarbures sont faciles a detecter dans la plupart des organes, aussi bien apres dissection que sur des coupes a congelation. L’observation microscopique montre que l’absorption s’effectue au niveau de l’intestin moyen ; t&s fluorescent, l’hydrocarbure diffuse ensuite dans la plupart des organes et s’accumule, ainsi que ses derives, dans les muscles, * Polyaromatic hydrocarbons, formerly known as PAH or HPA Hydrocarbures polyaromatiques, autrefois PAH ou HPA

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Annales des Sciences Naturelles 2 (1999) 53-66 0 Elsevier, Paris

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Effets produits chez trois espkces de criquets par l’ingestion d’hydrocarbures polyaromatiques

rkputks canc&og&nes

Jacques Bouchard

Laboratoire de biologie e’volutive et dynamique des populations, b&t. 332, universite’ Paris-XI-Orsay, 91405 Orsay cedex, France

(Recu le 8 fevrier 1998, accept6 apres revision le 22 fevrier 1999)

Abstract - Effects of well known carcinogenic polyaromatic hydrocarbons absorbed with diet on three species of locusts. In a first approach to studying the effects of air pollutants, we describe some experimental results obtained after inges- tion of polyaromatic hydrocarbons (HAP)* by three species of locusts (Gomphocerus sibiricus, Gomphocerus rufus and Euchorthippus p&in&us). We wanted to evaluate their toxicity, then to locate them in the organism. Two HAP, carcinogenic for mammals, were used. They are highly toxic for our locusts. Ingestion of 0.015 or 0.06 mg of 3 methylcholanthrene kills respectively 2.5 % and 50 % of them. Moreover, benzo-a-pyrene seems to have a greater toxicity, and E. pulvinatus is the most resistant species. Strongly fluorescent in UV light, 3 MC and BaP can be easily detected in the organism after dissection, and with more detail using frozen material. The microscope shows absorption activity of midgut; most of the organs are conse- quently invaded by intact hydrocarbon or its various derivatives. Muscles and reproductive organs show a bright fluorescence, which reaches its maximum in the nervous system. Tubes of Malpighi seem to be the principal route of elimination of these products. The remarkable susceptibility of some organs is encouraging for the progress of our study. 0 Elsevier, Paris

locusts / polyaromatic hydrocarbons I absorption / accumulation excretion

RCsumC - Dans la perspective d’un travail sur les polluants atmospheriques, nous decrivons ici des resultats experimentaux obtenus en faisant ingerer des hydrocarbures polyaromatiques (HAP)* a trois espbces de criquets. (Gomphocerus sibiricus, Gomphocerus rujiis et Euchorthippus pulvinatus). I1 s’agissait d’evaluer leur toxicite puis de rechercher leur repartition dans l’organisme. Deux HAP, cancerogenes chez les mammiferes, ont CtC employ& 11s sont toxiques chez nos criquets. Au bout de 3 j, il en meurt le quart apres absorption de 0,015 mg, ou la moitie s’ils ingerent 0,06 mg de 3 methylcholanthrene. lequel est, par ailleurs, moins toxique que le benzo-a-pyrene. Entin, E. pulvinatus est l’espece la plus resistante. Tres fortement fluorescents en lumiere UV, ces deux hydrocarbures sont faciles a detecter dans la plupart des organes, aussi bien apres dissection que sur des coupes a congelation. L’observation microscopique montre que l’absorption s’effectue au niveau de l’intestin moyen ; t&s fluorescent, l’hydrocarbure diffuse ensuite dans la plupart des organes et s’accumule, ainsi que ses derives, dans les muscles,

* Polyaromatic hydrocarbons, formerly known as PAH or HPA Hydrocarbures polyaromatiques, autrefois PAH ou HPA

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les gonades et surtout le systeme nerveux, oti la fluorescence est maximale. L’excretion d’un hydrocarbure intact ou de ses derives semble se faire essentiellement grace aux tubes de Malpighi. La remarquable susceptibilite de certains organes nous parait Ctre de bon augure pour la suite de ce travail. 0 Elsevier, Paris

criquets I hydrocarbures polyaromatiques / absorption I accumulation I excrktion

1. INTRODUCTION

La pollution atmospherique par les hydrocarbures polyaromatiques (HAP) est devenue un probleme de Sante majeur qui necessite que l’on utilise des syst2mes biologiques d’alarme ; certains de ces systirmes pouvant concemer d’autres animaux que les mammiferes dits de laboratoire ; diversifies, ils permettraient peut-Ctre, de devancer une degenerescence de certaines especes.

Comme toujours, quand il s’agit d’ecologie (sl.), les problemes apparaissent d’emblee considerables, consti- tuant une cascade assez peu encourageante mais bien analysee par les specialistes. Pour ces derniers, les dosages atmospheriques modernes (chromatographie en phase gazeuse, Lao et al. [37]) sont devenus essentiels parce que de plus en plus p&is. Pourtant, bien que mul- tiples, ils nous paraissent Ctre d’un emploi encore delicat : les dosages Cvoluent dans le temps et sont dis- perses geographiquement ; la repartition des polluants varie de man&e souvent complexe selon la latitude, I’altitude et la conformation des terrains. Mais on peut en effectuer d’autres, localement, dans les sols qui drai- nent les pluies polluees, et dans les divers milieux aqua- tiques (systeme Ohmicron), encore une fois, locale- ment ; ces valeurs sont a priori d’emploi plus pratique (en milieu marin on retrouve, par contre, une partie des difficult& notees pour l’atmosphere, mais les concentra- tions de polluants dissous permettent des dosages moins difficiles, surtout a faible profondeur). En demier lieu, il faut envisager de travailler sur les dosages que l’on peut effectuer dans certains organes des Ctres vivants qui subissent eux-m&mes les effets de ces produits.

11 convient done, si l’on entreprend un travail dans un domaine aussi vaste, de limiter trbs strictement la reflexion. Pour nous, il n’est nullement question d’atta- quer en toxicologue, de maniere exhaustive et statis- tique, le probleme que nous nous sommes post, mCme s’il a une base toxicologique. Notre but est seulement d’estimer, voire d’kaluer quelques effets de deux HAP ingeres par des criquets dans des conditions experimen-

tales. C’est ce que nous faisons, dans un premier temps, en cherchant a voir s’ils sont bien absorb&, voire uccu- mule’s dans leurs organes, et dans un deuxieme temps, s’ils provoquent des l&ions histologiques. Le present travail correspond a la premiere preoccupation ; il Porte sur trois especes de criquets preleves a des altitudes dif- ferentes. Nous pensons pouvoir decrire ulterieurement les lesions histologiques precises que nous avons d’ores et deja obtenues, puis des resultats correspondant B des lots de criquets preleves dans des sites plus ou moins p011ucs.

S’il est hors de propos de relater dans cette introduc- tion, ni m&me de rtsumer ce qui a CtC fait par d’autres, tant au sujet des dosages de HAP que de leurs effets, nous allons seulement Cvoquer quelques-uns de nos rep&es.

Rappelons que ce sont les Anglais, bien places pour s’inquieter des dangers des smokes et des fogs, qui se sont atteles a l’etude globale de la composition des killer smogs saris negliger celle des fumees du tabac qui com- pletent encore le tableau de leurs polluants atmospht- riques outdoor et indoor.

C’est en 1958 que Kennaway et Lindsey [34] parvin- rent a dresser une liste de 200 substances rep&es dans la fumee du tabac consideree comme cause principale de morbidite par polluants atmospherique, et la liste s’est allongee depuis (Annales SEITA, 1968-1975). 11s y notaient la presence d’une dizaine de carcinogenes, neuf d’entre eux Ctant des HAP, dont le 3:4 benzopyrene, BaP dose avec precision d&s 1956 par Latarjet et al. 1381.

Or, le BaP est bien connu comme composant de toutes les fumees dues a des combustions lentes, mais aussi comme composant des fumtes d’echappement d’automobiles a essence ou gas oil, et de bien des fumees industrielles. Ainsi, en 1960, apres avoir passe en revue les causes de formation des HAP, Badger et al. [2] sont parvenus a decrire le mode de synthese de cet hydrocarbure essentiel.

En 1977, aux l?tats-Unis, s’est tenu un congres sur les (X environmental pollutants )> dont les travaux publies

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par Toribara et al. [45] concement, cette fois, l’ensemble des polluants atmospheriques. Cet ouvrage volumineux ttait essentiellement consacre aux diverses methodes de detection des polluants. Dans un texte analytique d&a%, Sawicki repertoriait les << genotoxic pollutants >) ; les listes foumies concemaient un tres grand nombre de car- cinogenes et une multitude de co-carcinogenes Cprouves chez des mammiferes. Dans ce livre, la partie consacree a l’ensemble des HAP ne represente que quelques lignes. Sawicki [44] notait que, dans le New Jersey, en 1976, on trouvait entre 0,002 et 0,005 pg de BaP en phase vapeur par mbtre cube d’air, sans compter la phase particulaire. 11 soulignait le fait que ces chiffres << need much more thorough investigation >j.

Plus recemment, un ouvrage de Freedman [ 181 ne donnait pas plus de precisions sur des dosages d’hydro- carbures, en particulier de HAP. Mais les autres pol- luants et leur repartition dans les differents biotopes Ctaient minutieusement repertories (1 500 references). De mCme dans la synthese de Elsom, riche de 500 refe- rences [17] : les HAP (plus heureusement appeles PAH a cette Cpoque) Ctaient CvoquCs en une demi-page, et les dosages cites remontaient a la periode 1965-1975 ; le taux de BaP avait alors tendance a baisser aux Etats- Unis, tout comme a Londres entre 1935 et 1965. Qu’en est-il prtcisement depuis, compte tenu de la politique d’assainissement pratiquee, au moins pour reduire la consommation de charbon ou mieux la gerer ? La fiabi- lite des mesures est sans doute meilleure qu’en 1935 voire 1975. Mais le part automobile continue d’augmen- ter, et le chauffage au fuel est t&s polluant vu le mauvais rendement des chaudieres.

Les polluants atmospheriques sont t&s divers et tres diversement Ctudits. Et l’on sait que l’essentiel des don- trees Porte sur le fluor, le chlore, NO,, SO, et les metaux lourds ainsi que sur les poussieres. Et m&me en 1997, Hill [30] n’accordait guere de place aux HAP dans une mise au point sur la pollution environnementale aux Etats- Unis. On comprend que nombre d’auteurs soient plutot preoccupes par le rechauffement global de la planete, les changements climatiques et les perturbations courantolo- giques marines. Pourtant, la pollution par les HAP est un fait grave qu’il est imperatif d’etudier, par tous les moyens, et cela sans tarder. (F. Ramade, comm. pers.).

Les milieux marins font l’objet d’analyses de plus en plus nombreuses, effect&es avec de trbs gros moyens logistiques et analytiques. Par exemple, des chercheurs de Villefranche sont parvenus a des mesures tres pre- cises dans l’atmosphere et dans l’eau de plusieurs mers

du globe. Ainsi, Marty et al. [41, 421 ont-ils detect6 la presence de divers HAP dont deux benzopyrenes dans l’air de 1’Atlantique tropical et equatorial. Ceux qui sont contenus dans la phase gazeuse sont clairement d’ori- gine anthropique, dus a des combustions. Citant Gago- Sian [ 191, ils ont rappel6 que les HAP Ctaient indetec- tables dans l’atmosphere de I’atoll d’Enewetak. L’origine des hydrocarbures de la phase particulaire Ctait pour eux plus discutable, le milieu marin lui-m&me pouvant jouer un role supplementaire, mais pas dans la production des benzopyrenes.

D’autre part, cette m&me Cquipe a Ctudie en Mediter- ranee, la repartition des HAP dans les sediments, a 200 et 2 000 m [39]. Les HAP lourds, a plus de quatre cycles, sont surtout detectables dans les sediments recoltes vers 200 m.

Enfin, quelles sont les don&es actuellement acces- sibles pour la montagne franqaise ? Par exemple, en 1995, les informations recentes relatives a la qualite de l’air en Savoie n’etaient pas connues (E. Couvreur, comm. pers.) malgre une situation qui pouvait paraitre localement inquietante pour un observateur attentif de la nature. En fevrier 1997, M. Geffraye, ingenieur a la Drire (subdiv. de Chambery) et pilote de l’operation, constatait, mal- heureusement, qu’il n’etait c< pas trop riche en donnees >> concernant les hydrocarbures. En particulier, rien n’avait CtC note pour les HAP, ni a St-Jean-de-Maurienne, ni a Chamonix, au voisinage du tunnel du Mont Blanc, et la region de Val d’Isere Ctait hors programme. Pourtant M. Masclet, chimiste de I’universite de Savoie (Chambery) avait pu constater qu’un lac d’altitude sit& en Haute- Maurienne, a plus de 2 800 m, et que nous pensions &tre tres pur, contenait non seulement des poussieres dues a la pollution atmospherique, mais aussi des HAP (comm. pers.). La situation a-t-elle beaucoup varie ?

Quels sont les effets de ces diverses pollutions ? En 1959, Kotin et al. [36] ont montre que les HAP

atmosphtriques sont fondamentalement en cause dans la pathogen&se de cancers pulmonaires. Leurs resultats ont-ils CtC suffisamment pris en compte ?

Une &ape importante correspond a l’enorme travail qui fut entrepris d&s le premier quart du siecle, pour ten- ter de comprendre les divers effets de la pollution taba- gique sur les organismes les plus divers. Outre des ana- lyses Ctiologiques effectuees chez l’homme, on a cherche a percevoir les reactions d’especes que I’on qualifierait maintenant de << bioindicatrices >>.

Citons seulement un rapport inteme du Seita date de 1963 et qui faisait Ctat de recherches menees aux Etats-

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Unis ; elles concernaient la reponse ciliaire de l’oeso- phage de grenouille et de crapaud buffle aussi bien que celle de la trachee de lapin trait& par des condensats de fumee ; de plus, on esperait beaucoup de travaux sur la branchie de pelecypode (Unio). En France, d&s 1960 et 1961, Guillerm et al. [27, 281, specialistes de la ciliature de la trachee du rat et des sinus de l’homme, avaient attire l’attention sur la branchie de moule. J.-L. Cuzin pensait mCme que le << test ciliaire-moule >) pouvait s’averer particulierement utile (comm. pers.). On alla jusqu’a utiliser une algue unicellulaire flagellee, Duna- liella bioculata, pour Cvaluer, par ailleurs, les effets de la phase gazeuse de la fumee en fonction de la nature des nouveaux produits commercialisables [3 1, 361.

Dans le m&me esprit de recherche de nouveaux bio- indicateurs, nous avons decrit les troubles vasculaires et les effets tbatogenes de condensats lors du developpe- ment de l’embryon de poulet [ 131. En outre, nous avons pu voir de quelle faGon les condensats, denicotinises ou non, ainsi que des HAP (le BaP ou le BeP, isomere non carcinogene) perturbent le developpement embryonnaire puis la metamorphose des ceufs de deux especes d’asci- dies - prochordes - [3, 4, lo-131 ; ce materiel t&s favo- rable (et tres utilist par l’equipe de Reverberi a Naples pour des travaux moleculaires d’embryologie causale et experimentale) permet une analyse teratologique com- plete en 48 h et permet aussi de suivre par fluorescence la penetration de l’hydrocarbure. Ajoutons que l’ceuf d’Ascidie nous a montre qu’il est possible de compen- ser, souvent totalement, les effets toxiques et teratogenes du tabac, en ajoutant a l’eau de mer souillee certaines molecules naturelles, utilisees en testant toute une gamme de concentrations [6].

On ne peut disjoindre veritablement les problemes poses par les HAP du tabac et ceux qui concernent les pollutions industrielles (s.1.) en commen$ant par les hydrocarbures. Kotin et al. [35, 361 puis Goldsmith [22] ont largement montre les effets multiples des polluants industriels sur l’homme.

L’atmosphere est chargee en HAP d’origine indus- trielle ; puis ils se condensent et enfin s’accumulent dans l’ensemble de la biosphere. Ainsi, d&s 1964, Mallet et Sardou [40] ont mis en evidence l’existence du BaP dans le plancton marin de Mediterranee. Et, comme conse- quence, on retrouve divers HAP atmospheriques dans les pelotes f&ales de copepodes ou de salpes, mais il s’y ajoute des HAP d’origine directement petroliere [39].

On sait qu’en moyenne montagne, des lichens absor- bent diverses substances toxiques ; dans son laboratoire

grenoblois, J. Asta et ses Cl&es ont deja mis au point des techniques de recherche portant sur la toxicite d’hy- drocarbures - a vrai dire assez legers, aliphatiques - tels qu’on en trouve dans les fumees d’usines d’incineration [23, 241.

Et dans le m&me esprit, A. et L. Gomot, qui tra- vaillent particulierement sur des metaux lourds tels qu’il s’en accumule dans les sols et dont l’origine peut Ctre variee (fumees d’usines et de vehicules) utilisent-ils Helix aspersa comme autre bioindicateur [25]. Des etudes de m&me nature, citees par ces chercheurs, concernent aussi des arthropodes, plus precisement des collemboles. D’autres travaux sur des insectes pour- raient s’averer essentiels.

Nous pensons qu’il est encore raisonnable de cher- cher a exploiter ces tests monospecifiques.

Les resultats que nous presentons ici paraissent s’inscrire dans une reflexion actuelle. 11s concernent << l’ingestion >> experimentale de HAP, qui prefigure et, bien stir, caricature ce qui se produit dans la nature - mais n’est-ce pas le lot de tout travail experimental ? Remarquons que les criquets que nous employons nous interessent, tout d’abord comme consommateurs pri- maires, mais aussi, comme tous les insectes, parce que leur systeme respiratoire conduit directement les toxi- ques dans toutes les cellules du corps (cet avantage sera exploite ailleurs).

Dans ce texte, qui est la suite d’un travail oti nous avons test6 les reactions de G. sibiricus en employant des antimitotiques [9] nous cherchons seulement a esti- mer la toxicite de deux HAP et, d’autre part, a reperer leur repartition dans les organes des animaux qui les ont absorb& per OS.

2. MATkRIEL ET MIkTHODES

2.1. Les principes de travail

Nous utilisons des males de trois especes de criquets, a priori diversement exposes, dans la nature, a des polluants pouvant cornporter des HAP, mais ce point n’a aucune importance dans nos conditions experimentales actuelles.

Gomphocerus rufus (L.) est preleve a Orsay (91) ; il existe dans differentes regions de plaine ou de moyenne montagne, au milieu de la vCgCtation herbacee des talus ou des terre-pleins ensoleilk.

Euchorthippus pulrkztus (F.W.) est une espece qui, dans les Alpes de Haute-Provence, frequente les friches a Graminees messicoles entre 400 et 900 m, de la Durance au plateau de Riez-Valensole.

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Gomphocerus sibiricus (Finot, 1890 ; Chopard, 1922) encore nomme Aeropus sibiricus (Chopard, 1947). Les ani- maux sont recoltes en Haute-Maurienne, dans des prairies au-dessus de 2000 m.

2.1.1. Les hydrocarbures polyaromatiques (HAP) employ& ; leur utilisation

Un test preliminaire, non decrit dans ce texte, a conduit a ne travailler que sur les deux hydrocarbures suivants :

- 3,4 benzopyrene ou benzo-a-pyrene, ou BaP (Ser- labo) ;

- 3 methylcholanthrene ou 3 MC (Eastman) ; Nous les faisons ingerer aux criquets apres impregna-

tion de feuilles de papier a cigarettes (Job), bien acceptees par les animaux.

Pour cela, l’hydrocarbure doit Ctre mis en solution afin d’impregner chaque feuille de man&e homogene et en quantite connue. Ensuite on laisse le solvant s’evaporer. Les feuilles sont utilisees, au plus tot 15 j apres l’impregna- tion.

On utilise finalement des feuilles chargees : 1”) a 2 mg pour 100 mg de papier (2 %), 2”) a 05 mg pour 100 mg (05 %). L’impregnation va de pair avec la formation, apres evaporation du solvant, de microcristaux retenus entre les fibres ou sur les fibres.

IsolCs dans des recipients en plastique alimentaire, de 200 mL et per& de trous d’aeration, les criquets sont nourris pendant 3 j (72 h) avec une feuille de papier impre- gnee ou non par un HAP ; ils reGoivent durant les dernieres 24 heures, un complement vegetal : jonc de jacquin pour G. sibiricus, (une feuille) et trefle (7: pratense) pour les deux autres especes (une feuille). Ce systeme est destine a limiter Cventuellement la mortalite, sans supprimer comple- tement la consommation d’hydrocarbure. Durant l’expe- rience, l’humidite est maintenue a un niveau convenable en ajoutant 0,l mL d’eau dans chaque recipient 2 fois par jour et 0,2 mL vers 23 h TU.

2.1.2. Lu consommation de papier imprkgne’ d ‘hydrocarbure

Elle peut Ctre CvaluCe en mesurant la surface de papier consomme, mais aussi indirectement, en comptant les crottes blanchkres (cb.) Cmises en 72 h.

2.1.3. L’accumulation d’hydrocarbure dans le corps des animaux intoxiqub peut gtre analyske en 1umiBre ultra-violette

BaP et 3MC sont en effet fortement fluorescents. On peut utiliser deux methodes apres rapide fixation au form01 83%:

- l’observation a la loupe des organes en place apres ablation du tegument d’un flanc ;

- l’observation au microscope de coupes faites apres congelation de I’animal entier.

Dans le premier cas, la source d’ultra-violets Cmet a 365 nm (UV products, San-Gabriel, Calif.). L’observation implique l’utilisation de filtres d’arret places sur les ocu- laires de loupe ou sur I’objectif de l’appareil photogra- phique (Vissant-Cokin). Dans le deuxieme cas, les coupes a congelation sont faites a 10 mm et observees au micro- scope Olympus dont la source Cmet une lumiere incidente de 365 nm. Nous utilisons les filtres d’arret GG13. Des photographies sont faites sur pellicules diapositives Kodak ektachrome 400 ASA ou Fujii 400 ASA.

La nettete des photographies faites en UV est toujours bien inferieure a ce que l’on obtient en culture de tissus ou de cellules : le cryostat ne permet pas d’obtenir un materiel a la fois tres fin et depourvu d’artefacts de diffusion apres coupe.

3. EXPkRIMENTATION

3.1. Tests indicatifs de sensibilitk

3.1.1. Travailprkparatoire avec Gompbocerus rufus

C’est une des seules especes bien representee a Orsay. 11 a CtC possible d’evaluer avec elle la resistance des animaux avant les experiences prevues en mon- tagne.

L’appetit des sujets (20 individus) a CtC test6 en utili- sant plusieurs marques de papier a cigarettes, et leur resistance (50 individus), apres absorption de BaP ou de 3MCB2%.

3.1.2. Travail effect& en montagne

a) Deux s&ies d’essais avec BaP et 3MC a 2 % sur G. sibiricus (selon le principe largement utilise par Hie- ger [29] pour les mammiferes : chaque lot d’essai cor- respondant a dix animaux). 11s Ctaient destines B choisir le HAP permettant une ingestion notable mais mod&C- ment toxique ; par ailleurs, ils nous ont servi de materiel pour une analyse histologique (non publ.).

b) Test complkmentaire sur G. sibiricus (60 indivi- dus) en utilisant le 3MC en concentration plus faible, a 0,5 %. 11 Ctait destine a verifier s’il n’y avait pas avan- tage a reduire la charge du papier pour ameliorer l’in- gestion ou la survie.

c) Test comparatif sur Euchorthippus pulvinatus, (deux lots de 30 individus) nettement plus vorace que les especes precedentes, en utilisant les deux concentra- tions de 3MC.

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Les animaux ainsi trait& constituent le materiel dont nous nous servons pour une recherche histologique dont les resultats sont en tours d’exploitation.

3.2. Tests d’absorption et d’accumulation d’hydrocarbures dans l’organisme ; Ctude en UV au laboratoire

Nous avons utilise des animaux deja employ& pour les tests de sensibilite precedents. Pour les trois especes, l’observation des feces en UV permet de preciser les observations en lumiere blanche. L’observation des ani- maux disseques donne une idee gerkrale de la reparti- tion des hydrocarbures et conduit a reperer d’eventuels organes cibles. Les coupes au cryostat effect&es en uti- lisant G. rufus, conduisent a une observation plus pre- cise des organes. On sait que, dans le cas des mammi- f&es, la fluorescence depend de I’activite enzymatique detoxifiante des organes atteints ; celle-ci a Cte analysee par divers auteurs des annees 1970 et 1980 [20, 26, 32, 461. Ainsi, est-il possible de reperer la tres classique et trbs vive fluorescence jaune-vert des cristaux de BaP ou de 3MC qui peuvent demeurer a la surface d’un CpithC- lium, et la fluorescence violette, autour de 427 nm, cor- respondant a ces deux HAP en solution, hors ou dans les tissus. Enfin, leurs metabolites, lies au glutathion par exemple, ou plus ou moins oxydes, sont franchement bleus (pits autour de 450 nm, caracteristiques de chacun d’eux).

4. RBSULTATS

4.1. Tests indicatifs de sensibilitk

4.1.1. Travailprkparatoire h Orsay, avec G. rufus

Nous avons observe les reactions de 20 individus en presence de plusieurs marques de papier a cigarettes non fluorescents. Sur 3 j, la consommation du support choisi (Job) entraine l’elimination de cinq a six crottes blanches (c.b.) par animal. Par ailleurs, sur 50 criquets (2 x 25) consommant du BaP ou du 3 MC a 2 %, 20 (2 x IO) sur- vivaient au bout de 3 j. La survie peut done Ctre grossib- rement estimee a 40 %. La consommation Ctait pourtant faible, donnant lieu a l’elimination individuelle de 4-5 cb. En fait, chaque criquet ingere environ 0,05 mg de HAP (estimation basee sur la mesure de la surface de papier consomme). Et la concentration intracorporelle

totale est done infe’rieure a 0,16 mg en moyenne, puis- qu’il y a rejet de HAP plus ou moins degrades.

4.1.2. Sensibilite’ des espkes de montagne

a) Essais effect&s avec G. sibiricus (2 x 10 indivi- dus) et le papier charge en BaP ou 3MC a 2 %.

MalgrC l’impression de gloutonnerie qu’ils donnent dans la nature, les criquets de cette espece ne consom- ment guere plus de papier charge en hydrocarbures que G. rufis dans nos conditions de travail en milieu confine.

Avec l’un ou l’autre des HAP, la moitie des animaux etaient en vie au 3e jour. Chacun a elimine en moyenne 4 cb. apres absorption de BaP mais 5 a 6 apres absorp- tion de 3MC. C’est done le 3 MC qui nous a paru etre le plus interessant pour cette exploration. 11 convenait cependant de chercher ?I savoir si la survie pouvait &tre nettement meilleure en reduisant sa concentration.

b) Test effect& avec G. sibiricus et le papier charge h 0,5 % de 3MC.

Sur 60 individus, il y avait 45 survivants a 3 j, ce qui correspond a 75 %. Les animaux ne consommerent pas plus de papier que dans les cas precedents, avec une concentration pourtant 4 fois plus faible. On a trouve en moyenne 5 a 6 cb par individu. Compte tenu du papier consomme, l’ingestion peut &tre Cvaluee B environ a 0,015 mg de 3 MC.

c) Tests comparatifs effect&s avec E. pdvinatus et les papiers charges a 2 % et 0,5 % de 3MC.

Les criquets de cette espece, extremement mobiles et aussi tres voraces dans la nature, ont encore montre un appetit notable dans nos conditions d’experience. A priori, la toxicite comportementale pourrait paraitre faible. Ce point nous interesse, mais une etude particu- like de la question ne nous a pas paru immediatement utile compte tenu des buts recherches dans le domaine anatomo-histologique.

Notons cependant un detail important : nombre de criquets ont presente des troubles comportementaux locomoteurs. 11s se manifestent par un net desequilibre durant les deplacements, ce qui sous-entend des lesions graves au niveau musculaire ou nerveux (bon exemple de toxicite comportementale). Rien d’aussi net n’a CtC remarque avec les deux autres especes, moins mobiles et moins voraces surtout durant l’experimentation.

Les resultats obtenus sont les suivants :

charge nombre w-vie ingestion cb en 3MC d’animaux ii3j (may.) (nbre moy.)

2% 30 13 5% > OS6 mg 32,3 r 2,82 0,s 5% 30 69,5 % > 0,09 mg 18,5 r 2,28

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Ingestion d’hydrocarbures polyaromatiques chez trois especes de criquets 59

Ces chiffres montrent que l’espece est resistante et que, par ailleurs, l’hydrocarbure ne la rebute pas.

4.2. Tests d’absorption et d’accumulation d’hydrocarbures. lhude en UV

11s ont et6 realis& avec E. pulvinatus et G. rufus.

4.2.1. Lajluorescence des excre’tats solides (plancbe I, figure 1)

Nous avons vu, en lumiere naturelle, que la consom- mation de papier plus HAP se traduit essentiellement par I’emission de crottes blanches ou blanchatres.

Les estimations les plus precises correspondent a E. pulvinatus qui peut manger beaucoup et Climiner de nombreuses crottes t&s blanches, faciles a distinguer de celles que l’animal Cmet au debut de l’experience ou, au contraire, a la fin, lorsqu’il retrouve une alimentation partiellement naturelle.

Par ailleurs, ces cb sont t&s fortement fluorescentes, apparaissant plus ou moins bleutees voire presque blanches, la encore. Ce qui est la preuve d’une impor- tante transformation du HAP initialement ingCrC et secondairement absorb& puis degrade en abondance avant elimination. Les autres ont alors toutes les nuances de bleu ou bleu viola& quand on les Cclaire en UV, mais leur luminosite est beaucoup plus faible. Elles contien- nent vraisemblablement de petites quantites de HAP non absorb6 par les tissus, ainsi clue certains de ses metabo- lites. Elles ne ressortent bien a la photographie qu’en surexposant plus ou moins, done en exagerant l’aspect << blanc >> des autres.

4.2.2. lkjluorescence rep&able aprh dissection

Dans ce cas, l’equipement UV n’a Ctt utilise qu’a Orsay, avec E. pulvinatus et G. rufis. Mais cela pourrait se faire sur le terrain saris difficult& majeures.

11 y a toujours une fluorescence naturelle, visible mais faible, chez les temoins non trait&. L’ensemble est vaguement gris-jaunbtre @lanche I, figure 2) mais per- met de localiser facilement les differents organes. Seule la cuticule est plus ou moins bleutee, en particulier dans les zones les plus souples, voire elastiques, ?i resiline, proteine speciale mise en evidence au niveau de cer- taines articulations, et bien rep&able chez les ortho- ptkres [I].

Peut on reperer l’hydrocarbure ingCr6 ? a) Avec E. pulvinatus, dans tous les cas oti les ani-

maux ont ing&C du 3 MC ou du BaP, la fluorescence est

plus ou moins considerable, essentiellement bleue. Elle est t&s notable au bout de 3 j. Par ailleurs, elle aug- mente regulierement chez des criquets que l’on main- tient dans les recipients durant 7 j, alors qu’ils ont pour- tant le choix entre le papier-HAP et le trefle nature ; ce point meriterait une etude dynamique complementaire. Des le 3e j, l’hydrocarbure consomme provoque une fluorescence bleutee de l’intestin ; mais elle varie sui- vant le segment et suivant les individus. Elle parait Ctre particulierement importante pour l’intestin posterieur. La fluorescence des gonades est nette. Celle du systbme nerveux est remarquable, tant au niveau ganglionnaire qu’au niveau des fibres connectives.

b) Les resultats les plus interessants ont CtC obtenus avec des G. rufus males ou femelles, au bout de 3 j, 3 j et demi et 4 j. Le BaP nous a donnC des images tres contrastees.

Des le 3e j les animaux sont entibement bleus, mais pas de man&e uniforme. L’appareil genital des femelles apparait plus lumineux que celui des males. Outre l’appareil genital, I’ensemble de l’appareil musculaire est remarquable en UV et le systeme nerveux est extr& mement brillant (Blanche Z,figure 3).

Ensuite, la fluorescence de l’intestin moyen et de l’intestin posterieur, voire des caeca, augmente nette- ment et celle des ganglions nerveux devient tout a fait predominante au 4e j (planche I, figure 4). Par contre, les tubes de Malpighi ne sont guere reperables sur les photographies car ils ont une fluorescence bleue t&s sombre, essentiellement visible a la projection des dia- positives. Enfin, notons que chez les femelles, le corps gras n’est pas bien localisable, compte tenu semble-t-il, de son involution lors de la gamCtogCnese observee fin septembre.

4.2.3. Lafluorescence aprh coupe au cryostat

Son intensite est variable selon les organes, comme nous l’avons remarque plus haut. Nous soulignons les points importants constates au 3e j d’ingestion.

L’analyse concerne essentiellement des mtiles de G. rufus fixes au form01 a 3 % durant seulement 2 h, ce qui, comme nous l’avons constad, permet une analyse fine au niveau histologique, voire cellulaire, des organes impr6gnCs.

La fluorescence cuticulaire est forte, mais l’epi- derme (hypoderme) est presque negatif, a peine tachete (planche I,$gure 5).

Les tubes testiculaires et les glandes accessoires sont moins remarquables que ne le sont les organes genitaux des femelles.

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60 J. Bouchard

Planche I.

Figure 1. Fluorescence des feces Cmises par un criquet au bout de 4 j d’ingestion de 3 MC (Euchorrhippuspulvinntu~s). Les c.b., dont l’abondance depend de la quantite de papier- MC absorbee, donnent en UV une tres forte fluorescence blanc-bleute (il en est de m&me apt-es absorption de BaP). Les autres sont bleuatres, voire rougeltres en UV, alors qu’elles sont verdltres en lumiere blanche.

Figure 2. Dissection partielle d’un Gomphocerus rufus normal, mais observe en lumiere UV. La fluorescence, t&s faible, a CtC accen- tuee par une pause longue, de 30” ; elle est jaunatre, et bleutee en certains points de la t&te ou le tegument n’a pas CtC enleve. Sont distincts : un ovaire (g), et la spermatheque (s), les caeca digestifs (c), I’intestin moyen (i), et la chaine nerveuse.

Figure 3. Dissection partielle de Gomphocerus rgfus au 3e j d-action du BaP (pause 1.5”). Tout le corps montre une tluorescence bleue plus ou moins intense suivant les organes. La gonade gauche (gl) est soulevee ; l’autre (g2) est en place. Elles sont tres fluores- centes, comme la spermatheque (s). L’intestin (i) est moins lumineux, bien que I’on repere facilement deux des caeca sur cette photo- graphie. La chaine nerveuse est particulibrement remarquable.

Figure 4. G. rufus au 4e j d’action du BaP (pause 9”). M&mes remarques que precedemment. La gonade gauche a CtC enlevee et la droite basculee (g) pour bien observer l’intestin, fortement fluorescent d&s le niveau caecal jusqu’a son extremite : et les muscles thordciques locomoteurs ainsi que les abdominaux sont clairement localisables (m). La chai’ne nerveuse est devenue << Cblouissante )), en particulier au niveau thoracique.

Figure 5. Aspect du tegument de G. rufus dans la region thoracique (coupe a congelation), au 4’ j d’action du BaP. La cuticule (c), est t&s nettement fluorescente, contrairement a l’epiderme (e). La musculature (m), est Cgalement tluorescente. Figure 6. Aspect du corps gras de G. rufus (coupe a congelation) au 4e j d’action du BaP. Les cytoplasmes sont d’un bleu assez lumi- neux, alors que les noyaux, beaucoup plus discrets, sont viola&, ce qui est frappant a I’observation directe. Figure 7. Memes conditions. Coupe longitudinale d’une portion d’intestin moyen au 4e j de BaP. Franchement bleu, I’CpithClium (e) est t&s vivement fluorescent. La musculature intestinale (m), beaucoup moins lumineuse, est viola&e. II en est de m&me au bord de la lumiere intestinale (li), tout le long de la bordure en brosse (bb), a microvillosites.

Figure 8. Sections de tubes de Malpighi du m&me animal. Leur fluorescence est particulierement frappante. La basale est tres visible, plus brillante que les cellules elles-m&es, mais l’intensite de la fluorescence est maximale pour I’urine chargee d’excrttats.

Plate I.

Figure 1. Faeces of a locust, Euchorthippus pulvinatus, accumulated over 4 days of 3 MC ingestion. White faeces, the amount of which corresponds to the quantity of paper with 3 MC (or BaP) absorbed, give a very strong whitish-blue fluorescence. The others, normally greenish, are dark blue-grey or reddish in UV light.

Figure 2. Dissection of a normal Gomphocerus rufus observed with UV light. Fluorescence is very low but enhanced by a long pause (30”). It appears mainly brown-yellow; some points of the cuticle of the head and dimly blue. Ovary (g); spermatheca (s); caeca (c); midgut (im). Nervous cord is also observable. Figure 3. Partial dissection of Gomphocerus mfus 3 days after the beginning of the BaP treatment (pause 1.5”). The whole body shows a blue fluorescence, which varies in strength according to the different organs. Contrary to the right gonad (g2), the left gonad is turned upwards (gl). They show a strong fluorescence, just like that of the spermatheca (s). Midgut is more discreet, but two caeca (c), can be easily observed on this photograph. The nervous system is remarkable.

Figure 4. G. rufus after 4 days of treatment with BaP. It looks like the foregoing animal (pause 9”). The left gonad, has been cut and the right one (g) turned upwards in order to show the whole gut which is brightly fluorescent from the caecal level (c), up to its end; and abdominal-like thoracic locomotor muscles (m), are easy to observe.

Figure 5. Aspect of thoracic integument of G. rufus (frozen section) after 4 days of BaP. See the bright fluorescence of the cuticule (c), and muscle fibers (m), whereas epidermis (e), is negative.

Figure 6. Frozen section of fat body; G. vu&s after 4 days of BaP. The cytolasms are really blue, but the nuclei are violet and more discreet; this is clear during microscopical study.

Figure 7. Same conditions. Longitudinal section of midgut after 4 days of BaP The epithelium (e) shows a strong blue fluorescence. Intestinal muscles (m), relatively dull, are violet. Along the lumen (Ii), the striated border (bb) is also violet. This is quite evident dur- ing a short microscopical observation.

Figure 8. Malpighian tubes of the same animal. Their fluorescence is really striking from the 4th day. The basal sheat is clearly visi- ble, shinier than the cells of the tubes, but the transported material is especially bright.

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Ingestion d’hydrocarbures polyaromatiques chez trois espkces de criquets 61

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62 J. Bouchard

La fluorescence de l’intestin moyen et de l’intestin posterieur est beaucoup plus frappante qu’on ne pouvait le penser a la simple dissection. Les fibres vegetales du papier qui transite sont encore herissees de petits cris- taux jaune brillant de HAP intact, qui peuvent etre Cli- mines tels quels ; les fibres elles-memes ont une fluo- rescence d’un bleu-violace relativement sombre, corres- pondant classiquement au HAP en solution et qui, bien caracterisee a l’observation immediate, tend a s’estom- per rapidement en moins de 2 min ; elle est done diffi- tile a reperer sur photographies.

La paroi de l’intestin moyen est la plupart du temps assez mince, ce qui dans nos conditions d’observation, peut s’interpreter comme une atrophie vraisemblable de l’epithelium (sa structure normale apparait enfigure I). Cela va demander confirmation, d’autant que la muscu- lature intrinseque est vivement fluorescente (plan&e I, figure 7). Des coupes un peu tangentielles permettent cependant de mieux analyser la structure de I’CpithC- lium : les nids de cellules souches sont frequemment reperables et la fluorescence cytoplasmique bleue, t&s lumineuse, devient bien visible chez tous les animaux Ctudies. De plus, la bordure en brosse est toujours bleu-

violacee, comme la Ane musculature intestinale. Mais cette coloration est labile, virant au bleu en quelques minutes, a la faGon des solutions pures des deux HAP quand on les irradie avec des UV, ou m&me, mais plus lentement, en les abandonnant a la lumiere du jour @lanche I,figure 7).

Les resultats correspondent, dans leur ensemble, a une fluorescence essentiellement cytoplasmique, bien observable dans la plupart des organes ; mais on doit aussi noter que les noyaux (corps gras, intestin ou sys- t&me nerveux) ne sont pas << noirs >> mais d’un bleu tres sombre, plus ou moins violact, Cvoquant la fluorescence de solutions diluees de HAP. Cela n’apparait guere sur les photographies car il faudrait observer de longs temps de pause qui provoqueraient une surexposition excessive des cytoplasmes.

L’CpithClium des tubes de Malpighi, assez sombre sauf en peripherie, est nettement bleu B fort grossisse- ment. Mais on remarque particulierement le contenu de ces tubes, extremement lumineux, bleu-blanc, ce qui conduit a une leg&e surexposition, et cela de man&e tres frappante dans la portion distale, au voisinage du debou- the de ces Cmonctoires naturels @lanche I,figure 8).

Figure 1. Reperes en histologie normale. Section longitudinale de deux portions bien differentes de l’intestin du criquet (Gom- phocerus sibiricus) (Bouin ; trichrome de Masson modif.). - En bas, la lumiere (ia) de l’intestin ant& rieur est bordee d’un Cpithelium mince (e), tapisse de chitine (ch). La musculature est importante (ma). L’intestin anterieur ne joue guere de role dans l’absorption des HPA. - En haut, le fond d’un caecum (c). L’tpi- thClium est tpais (e) ; sa structure est celle de l’ensemble de l’intestin moyen : deux nids de cellules de remplacement (n) sont visibles ici, de m&me que la remarquable bordure strike h microvillosites (bmv). La musculature est tres fine autour des caeca, plus fine que pour la portion rectiligne de l’intestin moyen.

Figure 1. Norma1 histological markers. Longitudinal section of two different parts of the digestive canal of a locust (Gomphocerus sibiricus) (Bouin’s; Masson’s modif. trichrome). - Below. Bordering the lumen of the fore intestine (ia) the chitinized (ch) epithelium (e) is very thin here. The muscles are preeminent (ma). -Above. The bottom of a caecum (c) shows the thickness of the epithelium (e) the structure of which is that of the entire midgut. Two nests of renewing cells can be observed as well as the remarkable striated border of microvillosities (bmv). The surrounding muscle is very thin, thinner than that of the straight part of the midgut.

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5. CONCLUSIONS

Des travaux anterieurs nous ont conduit a Ctudier certains aspects de la tumorigenbse chimique experi- mentale chez les souris [5, 81, et a mesurer le degre de complexite des problemes d’tlevage et de contraintes legales lies a l’emploi de mammiferes.

11 s’est a&e beaucoup plus pratique, voire plus innovant, d’entreprendre un travail histologique sur des criquets sauvages. 11s ont des comportements variables, selon l’espece, le biotope et l’importance tventuelle de la pollution ; ainsi sont-ils susceptibles de reagir de maniere distincte.

A priori, l’impact de polluants atmospheriques, secondairement deposes, voire condenses sur les plantes et Iinalement absorb& par des consommateurs primaires tels que les criquets, merite attention, puisque les bio- topes de ces animaux sont, en principe, polluCs en fonc- tion inverse de l’altitude ; point d’ailleurs assez discu- table selon F. Ramade (comm. pers.). Dans un premier temps, on n’envisage, bien stir, que les effets a t&s court terme de deux HAP parmi les plus redoutables.

Des a present, le travail effect& dans des conditions experimentales, am&e quelques reflexions qui nous ser- viront de base pour les tests en milieux << naturels >> et pour les interpretations histocytologiques lines.

Dans nos experiences, et pour tenter d’obtenir des effets frappants, nous avons fait ingerer des doses non negligeables d’hydrocarbures. Ainsi, G. rufis et G. sibi- ricus avalent-ils au moins 0,015 mg de 3 MC. E. pulvi- natus, beaucoup plus vorace, ingere au moins 0,09 mg. Mais cela ne veut pas dire que tout ce qui est consomme passe dans les tissus avant d’&tre rejete. Certes, E. pulvi- natus ingere de grandes quantites de papier, mais l’abon- dance des crottes blanches et leur forte fluorescence pourraient suggerer une absorption intestinale trbs incomplete. Pourtant, 2 la dissection, la fluorescence des divers organes est t&s importante, ce qui montre bien l’efficacite de l’absorption au niveau du tube digestif.

L’activitC metabolique << detoxifiante >> des criquets parait s’exercer t&s rapidement sur les HAP, mais de faGon encore insuffisante puisque la mortalite est tou- jours considerable. Notre but n’ttait pas de determiner des D.L.50 incontestables, mais de disposer d’animaux en nombre suffisant pour un travail d’histologie metho- dique, et permettant une certaine precision dans l’ana- lyse des troubles ; nous verrons ulterieurement quelle est leur nature. Nous nous limitons ici au rep&age des HAP dans les divers organes et les tissus.

D’autres essais effect&s avec deux autres carcino- genes, le 2,7 diaminofluorene, et le 1,2-5,6 dibenz-ah- anthracbne, ainsi qu’avec son isombre 1,2-3,4, peu actif chez les mammiferes, ont montre que leur toxicite est Cgalement importante, saris rapport direct avec leur car- cinogenicite potentielle.

MalgrC la relative imprecision de la technique de congelation, l’etude des coupes effect&es avec G. rufis, apt& ingestion de 3 MC mais aussi de BaP, conduit a penser qu’une proportion importante du HAP solubilise dans l’intestin moyen et t&s clairement absorb6 par les microvillosites de la bordure Cpitheliale (coloration vio- la&e a 427 nm), est metabolisee par l’epithelium lui- m&me, donnant des derives bleus (pits autour de 450 nm) mais qui peuvent aussi foumir un spectre plus large. On observe alors des bleus qui tirent sur le blanc suivant l’abondance des derives divers. On retrouve la quelque chose qui Cvoque nos observations publikes en 1987 [8], au sujet de l’tpiderme de la souris badigeonne au BaP. Mais avec l’epithelium de l’intestin moyen des criquets, la localisation du BaP transport6 se trouve facilitee par la hauteur considerable des microvillosites de la bordure en brosse, laquelle contraste avec l’epithelium lui- mCme, qui, avec sa fluorescence bleue, parait Ctre seule- ment impregne par des metabolites. Notons, malgre tout, que dans I’CpithClium intestinal, la vive fluores- cence des derives de l’hydrocarbure pourrait masquer la fluorescence violette de ce demier.

Ce processus de detoxication a CtC meticuleusement CtudiC au niveau biochimique-biophysique chez les mammiferes de laboratoire [20, 321. Dans un travail remarquablement clair, l’induction, le dosage et les pro- priCtCs de la BaP hydroxylase ont CtC analyses en fluo- rescence par Van Cantfort et Rondia [46]. L’enzyme, inductible, est considtree comme universelle. La cas- cade des reactions de detoxication d&rite par Grover chez les mammiferes [26] conduit a la formation de toute une serie de diols et de dihydrodiolepoxydes agis- sant, par exemple, sur le foie [33]. Paradoxalement, ces produits de detoxication sont les veritables carcinogenes [ 15,481. Et ce qui a CtC compris pour le BaP ou le 3 MC s’est trouve confirm6 pour d’autres HAP [43]. Qu’en est-il chez les criquets ? Quoi qu’il en soit, m&me s’ils ne sont pas susceptibles de se can&riser durant leur courte existence, ils s’impregnent, metabolisent, accu-

mulent et Climinent, constituant un remarquable materiel experimental, bioindicateur.

11 semble que, dans les 3 j de l’experience, les cri- quets survivants soient loin de tout metaboliser. Ainsi,

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64 J. Bouchard

au-dela de 1’CpithClium intestinal, la musculature intrin- skque Cmet une fluorescence violette qui impliquerait que ce tissu soit pauvre en enzymes de dCtoxication ou bien qu’il concentre le BaP diffusant ; on peut aussi envisager que les muscles contiennent une substance g effet bathochrome comme on I’a constat parfois chez les mammifkres [ 141.

On doit aussi penser B la possibilitC d’un quenching de l’hydrocarbure au sein de certains tissus ; ainsi rappe- lons le cas extr&me de I’Cpiderme de G. rufus, dont la fluorescence est t&s faible, sous forme de petites taches disperskes, bien qu’il soit vraisemblablement imprtgnC, puisque la cuticule, elle, est fortement fluorescente.

De toute man&e il est pour nous t&s clair que ces travaux en UV ne permettent pas de traquer avec certi- tude un HAP ni, a fortiori, l’ensemble de ses mCtabo- lites. 11s donnent cependant des indications, des pistes B exploiter (texte en prkparation). Des HAP, intacts ou plus ou moins transform&, sont vChiculCs, via l’hCmo- lymphe, au point d’envahir la plupart des organes, mais de faGon diffkrentielle, qualitativement ou quantitative- ment. L’accumulation de d&iv& parait &tre plutat cyto- plasmique, mais rappelons, par exemple, que les grands noyaux, bien observables dans le corps gras, sont d’un bleu sombre, viola& ; ce qui n’a rien d’ktonnant, les HAP se liant 2 tous les acides nucl6iques [ 15,471.

Si le systkme nerveux est particulierement charge en hydrocarbures, on voit, sur les coupes, que le contenu des tubes de Malpighi est peut-&tre encore plus remar- quable, m&me si leur fluorescence est discrete quand on les observe ?I la dissection. La structure classique de leur paroi pourrait Cvoquer celle du tube proximal du nephron des mammifires. 11s extraient et Climinent puis- samment les d&iv& bleus des hydrocarbures. D&iv& qui sont peut-&tre bien diffkrents de ceux qu’kliminent les nCphrons [16, 361. Ces dCchets sont expulsCs dans la lumikre de l’intestin postCrieur, ce qui contribue g aug- menter et modifier la fluorescence des pellets excrCmen- tielles. Et cela durant toute la p&ode expkrimentale, ce qui explique la fluorescence, non seulement des crottes blanches, mais aussi des autres, plus ou moins bleutkes, voire rougestres en UV.

Nos expkriences, effect&es, pour une part, dans des conditions particulikres, en traitant des animaux sau- vages, prClev6s dans la nature, nous donnent des rCsul- tats expkrimentaux qui conduisent 2 des conclusions apparemment simples ; cela malgrC le manque de p&i- sion inherent B l’utilisation de la lumibre UV sur coupes B congklation. 11s paraissent constituer les premiers 616- ments d’un test.

Certes, il serait intkressant d’analyser, dans chaque biocCnose, les rCactions des composants, ou de certains (?) composants de la chaine, ou plut8t, du rCseau ali- mentaire plus ou moins perturb6 par un ou plusieurs HAP. Mais ce type de recherche, impliquant des tests multispCcifiques, parait &tre encore actuellement problt- matique et bien difficile g envisager saris une logistique extremement lourde. Aussi avons-nous la faiblesse de croire que les tests monospCcifiques ont toujours quelque utilitC, du moins en premikre approche.

Cette Cbauche de test permet d’estimer, et mCme d’6valuer la sensibilitk de trois espkces de criquets vis-B- vis de polluants de l’atmosphhre susceptibles de se deposer sur les plantes et d’imprkgner les ~01s. Qui plus est, on peut voir de quelle man&e les HAP employ& s’accumulent, transitent et sont dCgrad&s dans l’orga- nisme avant d’$tre Climids. Envahis, voire saturCs par ces substances, il semble bien que ces insectes, nCgligCs par les spCcialistes des carcinogknes, puissent &tre des bioindicateurs intkressants.

Trois lignes de recherche pourraient $tre suivies pour tenter d’Ctoffer notre Cbauche :

- 1’Ctude biochimique des HAP dans plusieurs organes (travail 2 entreprendre en collaboration) ;

- 1’6tude de la remarquable fluorescence du systkme nerveux qui peut &tre &al&e sur le terrain, avec un Cquipement UV minimum ;

- 1’Ctude fondamentale des troubles cellulaires qui peuvent apparaitre au sein du systgme nerveux, de l’in- testin, mais aussi des tubes de Malpighi.

Nous disposons d&s 2 p&sent du materiel et des rtsultats qui permettent d’aborder ce troisikme point.

RtiFkRENCES

[II

PI

[31

[41

[51

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Ingestion d’hydrocarbures polyaromatiques chez trois especes de criquets 65

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