EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL...

21

Transcript of EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL...

Page 1: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien
Page 2: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

EDITORIAL

Jean-Louis BEAUDEUXDoyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022)

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 292 3

Ce N’est Pas Parce Que Les Choses Sont Difficiles Que Nous N’osons Pas, C’est Parce Que Nous N’osons Pas Qu’elles Sont Difficiles » Sénèque

Accompagner l’évolution des métiers et des pratiques pharmaceutiques Les métiers de la Pharmacie offrent un large choix d’exercices qui sont en continuelle évolution tels que :

� Les missions officinales se multiplient et inscrivent définitivement le pharmacien comme un acteur de proximité majeur auprès de la population et celui par lequel aujourd’hui, l’accès du patient au réseau sanitaire français est facilité.

� La biologie médicale est en perpétuelle reconfiguration entre une automatisation en plein essor, avec des progrès remarquables en génétique, tant somatique que constitutionnelle et une prestation de conseil aujourd’hui capitale et indispensable auprès de cliniciens submergés par la diversité des informations cliniques, radiologiques, biologiques… de plus en plus spécialisées.

� Le monde de l’industrie du médicament et des dispositifs médicaux, également en pleine expansion, devant intégrer les contraintes réglementaires, strictes mais nécessaires, de nouvelles formes d’exercices (en management, en production…) et des nouveaux métiers, par exemple liés à l’entrepreneuriat, l’innovation et la valorisation.

Le fondement du cursus académique des études de pharmacie est de proposer au monde professionnel de la Santé, des personnes compétentes de par leurs connaissances et leur formation à ces nouvelles pratiques professionnelles, pouvant répondre ainsi au meilleur service, en adéquation complète avec les attentes actuelles de la profession de Pharmacien.

C’est aussi de proposer aux étudiants en Pharmacie une formation de qualité qui leur permettra de répondre le plus justement aux pratiques et aux besoins d’aujourd’hui comme à ceux encore inconnus de demain.

Il est toutefois important de veiller aux sirènes qui voudraient une rentabilité à court terme en proposant une formation basique ne répondant qu’aux préoccupations du moment, en occultant les 40-45 ans de la vie professionnelle des futurs pharmaciens et la nécessaire évolution de l’exercice.

Dans ce contexte, la Faculté a enrichi son Corps professoral de Professeurs associés, qui allient un exercice professionnel au quotidien et une transmission de leur savoir et pratiques aux étudiants, en offrant des compétences qui sont alors les plus en phase avec la profession. La liaison entre la Faculté, les étudiants et les entreprises du médicament est un autre lien indispensable, permettant les échanges permanents et donc l’enrichissement mutuel pour une meilleure cohésion entre les différentes parties.

En ce sens, les associations étudiantes telles que l’ALEE constituent un chaînon essentiel, dont le dynamisme est reconnu de tous. Historiquement focalisé sur les relations avec l’industrie pharmaceutique, l’ALEE a récemment élargi son champ d’actions dans l’information des métiers du pharmacien à l’hôpital et en biologie médicale. En amont de l’orientation vers l’un des trois parcours d’orientation professionnelle (POP) que sont l’officine, l’industrie et la recherche, ainsi que les métiers de l’hôpital et de la biologie médicale, l’ALEE accompagne également les étudiants dans le choix de leur parcours universitaire, tels que les parcours d’initiation à la recherche et aux Masters.

Les échanges entre étudiants sont indispensables et complètent les informations et conseils dispensés par l’expérience des enseignants. La communication est au coeur de ces échanges : les étudiants eux-mêmes sont des contributeurs importants et le dynamisme de leurs associations participe d’une information la plus large possible pour le choix de l’exercice de nos futurs pharmaciens.

C’est avec un immense plaisir que je viens parrainer cette nouvelle édition de « pharmacien demain ». C’est également un honneur parce qu’aujourd’hui je viens avec émotion dans cette belle faculté de Paris V apporter quelques éclairages aux étudiants de 5ème année, qu’aujourd’hui le film « première année » émeut le public, parce que mes fils sont devenus étudiants… et que je revis grâce à vous ces moments de bonheur -eh oui  !!- et d’enthousiasme partagé avec d’autres camarades de la France entière d’ailleurs, tous férus de « demain » dans l’industrie : c’est cette magie du lien confraternel que vous contribuez à tisser avec l’ALEE.

Immense plaisir parce qu’à l’origine président de l’ALEE, j’ai voulu créer ce projet il y a quelques années, projet articulé entre cette brochure de qualité dont je conserve précieusement le 1er exemplaire et un forum, formant un ensemble orienté résolument vers un projet professionnel industriel. Ce projet a pu se concrétiser déjà grâce à une équipe étudiante dynamique et des professeurs favorables, et prendre de l’ampleur du fait de cette même implication de tous et de la volonté d’étudiants enthousiastes et dynamiques, pour perdurer encore longtemps.

Parce que le présent s’éclaire au travers du prisme de l’histoire, le nom que nous avions retenu était « pharmacien demain » : nous le voulions tourné vers le futur, la vision long terme et la promesse d’un avenir meilleur m’ayant toujours habité.

Futurs diplômés, après avoir franchi avec succès les étapes sélectives d’une formation centrée sur le médicament, vous allez demain servir la santé grâce à de nouvelles thérapies dont vous serez les acteurs et peut-être auteurs.

C’est ce demain prometteur qui se rapproche désormais pour vous futurs jeunes diplômés, enrichi d’une solide formation polyvalente qui va vous permettre de révéler tous vos talents accumulés et prêts à éclore.

Demain acteur de santé clé de la médecine du futur ? gageons que ce ne sera ni le transhumanisme, ni les robots ou les nouvelles technologies de « e-santé » qui éradiqueront la place de l’humain :

� Parce que l’humain restera l’irremplaçable grand manageur de cet équipement technique au service de la santé,

� Parce que derrière ces avancées demeure la caractéristique humaine, un besoin éthique et de loyauté sans faille au service des hommes et des femmes.

Du statut d’étudiant, vous allez passer à celui de cadre de l’industrie pharmaceutique, c’est exactement ce qu’avec une équipe d’autres jeunes talents des facultés de pharmacie de France nous avions voulu préparer : l’ALEE comme tremplin pour découvrir le monde professionnel  ; l’ALEE et ses actions de valorisation d’un diplôme -dont la polyvalence est une force- qui mérite tout à la fois des qualificatifs d’ingénieur du médicament et de celui d’expert en sciences économiques : le médicament n’est pas qu’une innovation scientifique, son financement implique la sphère publique dans sa prise en charge efficiente.

Vous avez le savoir-faire désormais, il vous reste à le faire savoir : c’est en cours avec l’ALEE, son journal, son forum et toutes vos initiatives  : pour tout cela merci, continuez avec persévérance et volonté : BRAVO à TOUTE L’ÉQUIPE au service de la SANTE et du PHARMACIEN DEMAIN.

Michel MAUVETUEx président de l’ALEE, fondateur Pharmacien demain, ForumEx cadre dirigeant de l’industrie pharmaceutique (Produits Roche, Fournier/Abbott, Servier, Takeda)Aujourd’hui Président de HELP-Pharma, conseil en « market-access », créateur d’une résidence dédiée aux entrepreneurs du monde de la santé. (site "help-pharma.com")

Page 3: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

SOMMAIREMicrobiologie Addictologie Industries en France

introductionintroduction IntroductionPage 8 Page 20 Page 29

Page 21

Page 23

Page 26

Page 10

Page 13

Page 15

Page 17

Page 30

Page 32

Page 35

Page 37

Association de Liaison Etudiants-EntreprisesFaculté de Pharmacie, 4, avenue de l'Observatoire | 75006 Paris

Tél. : 01 53 73 98 70 | Fax : 01 46 34 53 49 Site Web : alee-parisdescartes.frMail : [email protected]

a : @ALEE_Parisb : ALEE.Paris.Descartesv : @aleeparisdescartes

Rédacteur en chef : TIMOTHÉE LAVRY

Editeur et régie publicitaire Reseauprosante.fr / Macéo éditions6, avenue de Choisy | 75013 Paris |

Tél. : 01 53 09 90 05E-mail : [email protected]

M. TABTAB Kamel, Directeur

Imprimé à 1000 exemplaires. Fabrication et impression en UE. Toute reproduction, même partielle, est soumise à l’autorisation de l’éditeur et de la régie publicitaire.

Nos partenaires

interviewsBruno MILLETNouveaux thérapeutiques de l’addictologie

Joëlle MicallefL’addictovigilance en France

René MaarekLa résistance aux antibiotiques

interviews

Laurence Armand LefevreLa résistance aux antibiotiques

Dr LaunayLes vaccins et les populations à risque

Quentin AlbertL’antibiorésistance et son application dans les nouveaux traitements

Jean Hugues TrouvinAspects réglementaires des vaccins

interviews

Patrick ErrardPanorama de l’industrie pharmaceutique

Jean ZetlaouiAttractivité de la France pour la recherche clinique sur le territoire français

Florence OlléLe marché des Dispositifs Médicaux en France et dans le monde

Emmanuelle QuilesLes femmes de l’industrie pharmaceutique

LES ÉVÈNEMENTS DE L’ALEE

Page 7

Merci de ne pas jeter ce journal sur la voie publique après lecture !

Présentation de l'ALLE Page 6

Page 4: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 296 7

Présente depuis 1983, L’ALEE, Association de Liaison Étudiants-Entreprises a pour objectif d’aider les étudiants à mieux s’insérer dans leur future vie professionnelle. 

Pour répondre à cette ambition et aider les étudiants à trouver leur voie, nous organisons une dizaine d’évènements au fil de l’année. Ces moments privilégies permettent aux étudiants d’échanger avec des jeunes diplômés et des professionnels de l’Industrie Pharmaceutiques.

Si vous vous posez des questions sur votre parcours universitaire et/ou professionnel n’hésitez pas à nous rejoindre lors de nos événements

J’espère que cette 29ème édition de Pharmacien Demain vous plaira, et je tiens à remercier tous ceux qui ont rendu possible sa réalisation.

Je vous souhaite une très bonne lecture.

Présentation de l'ALLE

Margot LAMAIZIEREPrésidente de l’ALEE

Paris Descartes (2018-2019)

Forum des Professions Pharmaceutiques et Industries de SantéChaque année sont invités différents grands laboratoires pharmaceutiques, écoles, start-up, et acteurs de santé dans le but d’aider les étudiants et néo-diplômés dans leurs recherches de stages et emplois. Cette journée de rencontre permet aux étudiants de rencontrer des intervenants de différents milieux afin d’en connaître plus sur leur parcours universitaire et cursus professionnel. C’est un rendez-vous indispensable pour les étudiants en Pharmacie de Paris.

Conférences sur les débouchés de l’Industrie, masters 1 et table ronde sur les débouchés de l’internat

Semaine de l’orientation ProfessionnelleDifférents ateliers sont proposés aux étudiants : correction de CV, lettres de motivation, simulation d’entretiens d’embauche au de stage, pour permettre à ces derniers de se préparer aux mieux à leur insertion professionnelle. Sans oublier l’Afterwork qui permet un échange moins formel avec des néo-diplômés de la Faculté de Paris.

Tutorat CSP

et bien plus encore

LES ÉVÈNEMENTS DE L’ALEE

>

>

>

>

Page 5: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 298 9

INTRODUCTION

Microbiologie

Page 6: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2910 11

interview

Quel parcours avez-vous suivi ?«  J’ai fait des études de pharmacie à l’Universi-té Paris Descartes. J’ai très tôt souhaité faire de la Biologie Médicale et j’ai donc fait un certificat de Bactériologie et de Virologie en 3ème et 4ème année, l’équivalent pour vous d’un master 1. Pendant l’an-née Hospitalo-Universitaire précédant mon internat, j’ai eu la chance de faire mon externat dans les services cliniques et au laboratoire de biochimie de l’hôpital d’Argenteuil.

Durant mon internat j’ai réalisé plusieurs stages dans des laboratoires de bactériologie afin de me spécialiser dans cette discipline. J’ai ensuite fait un DEA (Master 2 actuel) au laboratoire de Recherche Moléculaire sur les Antibiotiques (LRMA, Uni-versité Paris 6) qui était à l’époque tenu par le Pr Laurent Gutmann. Après mon internat, j’ai pris un poste d’assistante Hospitalo-Universitaire (AHU) à Ambroise-Paris dans le laboratoire de microbiologie du Pr Marie Hélène Nicolas Chanoine avant d’arriver au laboratoire de bactériologie de l’hôpital Bichat dirigé par le Pr Antoine Andremont ou j’ai succes-sivement été AHU, Praticien Hospitalier Contractuel (PHC) puis PH pour ensuite avoir la responsabilité du laboratoire. ».

Introduction«  Aujourd’hui, avec la montée des résistances bactériennes aux antibiotiques, une double réflexion s’est mise en place. Dans une démarche individuelle, il y a le souhait de choisir l’antibiotique efficace pour traiter l’infection mais dans un intérêt collectif, il est nécessaire d’utiliser l’antibiotique optimal,  c’est-à-dire efficace mais ayant le spectre d’action le plus étroit afin de réduire la sélection des souches résistantes.

Il est très difficile de sensibiliser la population générale mais aussi le corps médical sur l’impact de l’utilisation des antibiotiques même si nous le faisons de façon régulière dans notre établissement. Il est difficile pour toutes les spécialités médicales d’avoir l’ensemble des connaissances nécessaires à la prescription des antibiotiques. De là est née l’idée de former des équipes mobiles d’antibiothérapie qui ont des connaissances très approfondies sur ces médicaments et qui vont pouvoir déterminer quel antibiotique prescrire pour avoir la meilleure balance entre intérêt individuel et collectif.

LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES

LAURENCE ARMAND LEFEVRE

En parallèle, l’une des règles importantes dans l’antibiothérapie est la règle des «  48h  ». Elle consiste en cas de suspicion d’infection, en la réalisation de prélèvements microbiologiques et la mise en route d’un traitement probabiliste à large spectre tant que l’agent pathogène n’a pas été déterminé. Cette antibiothérapie probabiliste est souvent large car on sait que toute heure de retard dans la mise en place d’une antibiothérapie fait diminuer la chance pour le patient d’être bien soigné. À 48h, les résul-tats microbiologiques (identification et sensibilité aux antibiotiques) sont disponibles et il doit y avoir une réévaluation du traitement pour s’assurer que l’antibiotique administré est efficace et qu’il possède le spectre le moins large possible pour diminuer la pression de sélection des antibiotiques. »  

En ce qui concerne l’utilisation des antibiotiques à large spectre, dans quelle situation ceux-ci peuvent-ils faire l’objet de restrictions ?« Il n’y a pas réellement de restrictions dans le sens où l’on « n’interdit pas les prescriptions », mais ce sont souvent des antibiotiques qui vont être choisis par l’équipe mobile d’antibiothérapie. Certaines nouvelles molécules peuvent faire l’objet de restriction dans le sens où le pharmacien peut demander la documentation bactériologique des prélèvements réalisés chez les patients avant de distribuer la molécule.

En fait, les prescriptions d’antibiotiques ont complè-tement changé ces dernières années avec l’arrivée de ces équipes mobiles d’antibiothérapie (qui s’ap-pellent aussi des «  équipes transversales d’infec-tiologie  ») et qui gèrent les antibiothérapies dans un nombre de plus en plus important de services cliniques.

Avant les EMA, il était nécessaire d’appliquer des restrictions. C’est-à-dire que le pharmacien deman-dait que pour la prescription de certaines molécules (ex : ceftazidime dans une infection à P. aeruginosa) celle-ci soit accompagnée de l’antibiogramme de la bactérie devant être traitée pour justifier l’antibio-tique. C’est beaucoup moins le cas maintenant car dès que des molécules à large spectre sont utilisées, en dehors des réanimations, l’antibiothérapie est souvent prise en charge par l’EMA. En parallèle, on se rend compte que les médecins, n’étant pas spé-cialisés, prescrivent de moins en moins d’antibiotiques et se reportent de plus en plus sur ces équipes. ».

En ce moment, dans le domaine hospitalier, y a-t-il des souches résistantes qui posent problème ? « C’est le moins que l’on puisse dire, oui. Les équipes mobiles d’antibiothérapie ont été mises en place du fait de l’augmentation des résistances et des difficul-tés croissantes à traiter les infections bactériennes.

Ce sont chez les Entérobactéries que l’on observe l’augmentation de résistance la plus inquiétante. Les entérobactéries sont des bactéries commen-sales, c’est-à-dire des habitants habituels, de notre tube digestif mais sont également de redoutables pathogènes. Le représentant le plus connu est Escherichia coli, présent dans le tube digestif de tous les êtres humains et premier responsable d’infections. Actuellement un certain nombre de ces Entérobactéries ont acquis une enzyme que l’on appelle la BLSE (béta-lactamase à spectre étendu) et qui va toucher toutes les béta-lactamines à l’exception des molécules à très large spectre que sont les carbapénèmes. Elle possède également des résistances associées à d’autres molécules comme les fluoroquinolones, certains aminosides ou le co-trimoxazole (Bactrim). Ce mécanisme de résistance est d’autant plus inquiétant qu’il ne cesse d’augmenter sans observation d’un quelconque plateau de stabilisation. Le traitement des infections sévères à Entérobactéries productrices de BLSE est donc l’utilisation d’un carbapénème. Mais l’utilisa-tion croissante de cette dernière classe d’antibiotique a induit l’apparition puis la dissémination de nou-velles enzymes capable de détruire ces molécules, les carbapénèmases. Ces souches productrices de carbapénémases sont alors résistantes à la quasi-to-talité des antibiotiques sauf certains de 2ème ligne. Les quelques antibiotiques restant encore efficaces sont en fait des molécules qui « reviennent » et que l’on n’utilisait plus du fait de leur toxicité comme la colistine ou des antibiotiques dont l’efficacité n’est pas optimale comme la tigécycline.

On est passé  en 10 ans de 3 % à 15 % de cas annuels d’infections par E. coli BLSE. De même, il y a 10 ans, les bactéries productrices de carbapé-némases étaient anecdotiques en France mais au-jourd’hui leur nombre devient alarmant, alors qu’au-cune souche de ce type n’était déclarée en France en 2008, on peut observer en ce moment une vingtaine voire une trentaine de cas dans certains hôpitaux. »

Pour ces antibiotiques à large spectre, y a-t-il des patients pour lesquels ils sont contre-indiqués ? « Les contre-indications ne sont pas dépendantes du spectre de l’antibiotique mais de leurs effets secon-daires. Je pense notamment à la vancomycine et aux

aminosides qui ont une vraie néphrotoxicité et que l’on va donc éviter de donner aux patients ayant une insuffisance rénale. ».

Comment émergent les résistances des bactéries aux antibiotiques ?«  Il y a deux grands mécanismes par lesquels les bactéries acquièrent des résistances.

Le 1er ce sont les mutations. Les bactéries mutent régulièrement de façon naturelle. Les antibiotiques ne font pas muter les bactéries mais vont sélection-ner celles ayant acquis une mutation favorisant les résistances. Ce mécanisme est par exemple valable pour la rifampicine ou les fluoroquinolones. Elles se transmettent d’une bactérie mère à une bactérie fille (transmission verticale).

Le 2ème est l’acquisition de gènes provenant d’autres bactéries (transmission horizontale). C’est par exemple le mécanisme le plus fréquent dans les cas de résistances aux béta-lactamines. Ces résistances sont souvent dues à des enzymes qui sont codées par des gènes (gène codant pour une béta-lacta-mase) se trouvant sur une partie mobile du génome (plasmide) et qui peut se transmettre d’une bactérie à une autre. Mais il y a toujours cette notion de sé-lection des souches résistantes par les antibiotiques.

Plus on augmente la pression de sélection par les antibiotiques et plus on augmente la fréquence des résistances. C’est en partie au sein du tube digestif où vivent des centaines d’espèces bactériennes que sont sélectionnées les bactéries résistantes ou où sont transférés des gènes de résistance, et ce, à chaque prise d’un traitement antibiotique. En éliminant les bactéries sensibles du tube digestif, les antibiotiques permettent l’émergence et la multiplication des souches résistantes. ».

Comment détermine-t-on la voie d’administration des antibiotiques à administrer ? «  Il y a différents types d’antibiotiques : Il y a des antibiotiques qui ont la même pharmacoci-nétique par voie orale que par voie parentérale. Je prends l’exemple des Fluoroquinolones qui globalement ont la même pharmacocinétique, qu’elles soient administrées par voie orale ou par voie intraveineuse ce qui induit qu’on les utilise majoritairement par voie orale sauf chez des patients qui sont dans l’incapacité d’avaler (Ex : pa-tients en réanimation).Cependant il y en a d’autres qui n’ont pas la même pharmacocinétique comme l’amoxicilline qui selon qu’elle est administrée per os ou en intraveineuse n’a pas la même biodisponibilité. En effet, il faudra monter à des doses monstrueuses par voie orale pour atteindre les doses thérapeutiques dans des in-fections sévères et c’est pour cela que l’on favorise l’IV.

Il y a encore d’autres molécules, comme la vancomycine, qui ne sont actives que par voie IV car par per os, elles ne diffusent pas au niveau des sites infectés. La vancomycine sera ainsi prescrite uniquement par voie IV à une exception près  : les infections à Clostridium difficile ou elle est donnée par voie orale pour n’atteindre que le tube digestif. ».

Comment détermine-t-on la posologie à administrer aux patients ?« Cela dépend de plusieurs paramètres :- Cela dépend de l’antibiotique, certains sont à élimination rénale d’autres à élimination hépatique, on adaptera les posologies à l’aide de référentiels à la fonction rénale ou hépatique en fonction de la molécule et du type d’infection.

Évolution de l’incidence des enterobacteries productrices de beta-lactamases a spectre elargi (blse) pour 100 admissions

Bichat - claude bernard 1991-2017

Page 7: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2912 13

interview

Quel a été votre parcours pour accéder à votre poste ?J’ai fait des études de médecine avec un internat en médecine interne et une spécialité complémentaire en maladies infectieuses. Puis j’ai été chef de clinique en médecine interne et maladies infectieuses à l’Hôpital Bichat et j’ai ensuite fait de la recherche clinique dans le domaine de l’infection par le VIH et enfin, depuis 2002, je me suis intéressée à la recherche en vaccinologie et je dirige le Centre d’Investigation Clinique Cochin Pasteur à l’Hôpital Cochin (labélisé depuis 2005). Par ailleurs j’ai un doctorat en pharmacologie expérimentale et clinique et une habilitation à diriger les recherches et je suis également professeur des universités depuis 2011 en maladies infectieuses et tropicales à l’Université Paris Descartes.

Comment se déroule la recherche des nouveaux vaccins, notamment au niveau de la recherche clinique ? Comme pour tous les médicaments, il y a un plan de développement des vaccins qui va de la phase I à la phase IV. La différence avec les médicaments classiques est que d’une part, le vaccin est un médicament biologique, les vaccins aujourd’hui

disponibles sont tous obtenus à partir de culture de virus ou de bactérie. Sont utilisés soit la bactérie, soit le virus en entier mais de plus en plus, des fragments, ou encore ses protéines qui sont produites par génie génétique comme pour le vaccin de l’hépatite B ou le papillomavirus. D’autre part, la deuxième particularité pour le développement clinique est que le plus souvent les vaccins sont utilisés en prévention d’une maladie infectieuse chez des personnes en bonne santé et souvent des petits nourrissons. De ce fait, tout au long du développement, il faut rester très vigilent au niveau de la sécurité, qui est l’objectif principal de la phase I, et même si en phase II et III ce n’est plus l’objectif principal, elle reste néanmoins un objectif très important. De plus, les études de phase IV sont très importantes avec des plans de gestion de risque qui sont mis en place et qui ont pour objectif principal de détecter des effets indésirables qui n’auraient pas été mis en évidence au cours du développement clinique. La sécurité est toujours la priorité principale lors du développement, mais le niveau d’exigence peut être variable : lorsque le vaccin a pour but de prévenir une maladie grave comme par exemple Ebola, on va rendre le vaccin plus rapidement disponible, le vaccin a été proposé alors qu’il n’avait pas encore d’AMM car c’est une maladie qui tue quasiment une personne sur deux infectée. Pour les maladies moins graves, on va être encore plus exigeant avant de pouvoir enregistrer le vaccin.

Au niveau du remboursement aussi, le vaccin possède une particularité, en effet, il ne sera remboursé que s’il est recommandé par les autorités de santé. Par exemple les vaccins contre la varicelle, le rotavirus ou les vaccins du voyageur possèdent une AMM mais ne vont pas être recommandés, ils ne vont être remboursés que dans des situations particulières (ex  : varicelle chez l’adolescent).

Quel modèle clinique utilisez-vous pour étudier les vaccins chez les nourrissons ? Il faut savoir que même si la population cible est le nourrisson, la première administration se fera toujours chez l’adulte, et ensuite si les données obtenues sont assez intéressantes à la fois en termes de sécurité d’immunogénicité, des essais chez les nourrissons, population cible, seront réalisés.

LES VACCINS ET LES POPULATIONS À RISQUEPour certaines infections sévères, on a besoin d’être à des concentrations 5 à 10 supérieures à la CMI (Concentration minimale inhibitrice) de l’antibio-tique. Dans ce type d’infection, au laboratoire, nous allons déterminer la CMI des bactéries vis-à-vis des antibiotiques et en parallèle, seront fait des dosages pour déterminer la concentration de l’antibiotique au niveau du sérum. C’est le service de pharma-cologie, associé à la pharmacie qui s’occupe du dosage des antibiotiques. On confrontera ensuite la CMI du germe et la concentration sanguine pour augmenter ou diminuer les doses de l’antibiotique. Cette démarche dépend aussi des antibiotiques. Par exemple, pour la vancomycine ou les aminosides, il y a systématiquement des dosages pour s’assurer de l’efficacité de la molécule mais surtout pour ne pas dépasser les concentrations qui peuvent être toxiques. Pour les béta-lactamines, les dosages sont plutôt réalisés en fonction de la pathologie (par exemple, une endocardite ou une infection très pro-fonde traitée par béta-lactamine nécessitera de faire des dosages). »

Interview réalisée parEsteban INGRAO

Y-a-t-il aujourd’hui des recherches sur de nouvelles thérapies ou démarches organisées pour pallier à l’augmentation des résistances bactériennes ?«  Depuis deux-trois ans, on a recommencé à faire des campagnes publiques pour sensibiliser la po-pulation à l’augmentation de la résistance bacté-rienne aux antibiotiques et aux effets néfastes de la surconsommation des antibiotiques. Il y a eu une réelle prise de conscience quand le gouvernement britannique a présenté un rapport sur le coût induit par l’augmentation de la résistance aux antibiotiques et qui a montré que, si rien n’était fait, le nombre de décès dus à la résistance aux antimicrobiens pourrait dépasser d’ici 2050 ceux dus au cancer. Il y a aussi une partie de la lutte contre les résistances qui se joue au niveau de l’innovation thérapeutiques. Ainsi, de nouvelles béta-lactamines commencent à être mises sur le marché mais il y a aussi la pha-gothérapie (traitement par les phages). Les phages

sont un peu comme les «  virus des bactéries  », ils viennent les détruire par lyse de la cellule. C’est-à-dire qu’ils viennent se poser sur la membrane de la bactérie et leur injectent leur ADN. Cet ADN va alors être pris en charge par la machinerie cellulaire bacté-rienne et va induire la création de nouveaux phages (on dit qu’il y a un détournement de la machinerie cellulaire) qui vont s’accumuler jusqu’à l’explosion de la bactérie. Il y a aussi d’autres types de phages qui se multiplient avec des mécanismes différents en in-tégrant, par exemple, leur ADN à celui des bactéries mais ce sont les phages dits lytiques qui sont utilisés en thérapeutique. ».

Y-a-t-il des moyens de prévention de certaines infections ? « Il y a les vaccins dits classiques que l’on a utilisés (et que l’on utilise toujours) pour éradiquer ou lut-ter contre certaines maladies bactériennes comme la diphtérie ou le tétanos. Après, pour les maladies infantiles bactériennes, il y a eu la mise en place de la vaccination contre l’Haemophilus influenzae cap-sulé (type b) qui a fait chuter de façon considérable le nombre de méningites à ce germe chez les nou-veau-nés et les très jeunes enfants et également la vaccination contre le pneumocoque. La vaccination contre le pneumocoque est un peu plus compliquée que celle contre l’Haemophilus influenzae car ce der-nier a moins de sérotypes virulents et le sérotype b est celui qui est responsable de 90 % des infections. Le pneumocoque quant à lui possède de nombreux sérotypes et le vaccin mis au point n’immunise que contre 23 d’entre eux, induisant une diminution moins drastique des infections à pneumocoque.

Un autre moyen de prévention, indirect, est aussi la vaccination contre le virus de la grippe. En effet, dans certains cas, ce n’est pas le virus qui est mortel mais les surinfections bactériennes que le virus induit. ».

Antibiogramme de deux entérobactéries, un Escherichia coli sauvage, ne présentant aucune résistance (A) et une Klebsiella pneumoniae productrice de carbapénémase de type NDM (B)

DR.LAUNAY

Concernant les modèles animaux, il n’y en a pas spécifiquement pour les vaccins du nourrisson, ce sont les mêmes modèles que chez l’adulte. Nous n’administrons jamais un vaccin chez le nourrisson s’il n’a pas fait au préalable l’objet d’évaluation chez l’adulte.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au cours de vos recherches ? Nous ne faisons pas de recherche au CIC chez l’enfant ou le nourrisson, tout d’abord parce nous ne sommes pas pédiatre, et de plus, il est difficile d’inclure des nourrissons en bonne santé voir même des enfants, pas tellement au niveau de l’administration du vaccin mais plutôt au niveau des prélèvements qui sont fréquents ce que nous considérons comme un frein important. De ce fait en France il y a très peu d’essais vaccinaux réalisés chez les nourrissons.

Chez l’adulte, il est aussi difficile d’inclure des personnes dans nos essais cliniques, et cela se complique encore plus lorsque l’on sait qu’en France il y a beaucoup de défiance vis-à-vis des vaccins. Tout dépend du type de vaccins que nous proposons, par exemple, nous avons travaillé avec GSK sur un vaccin pour prévenir les infections à VRS (virus respiratoire syncital), où nous avons rencontré peu de difficultés, alors que lors de nos études avec d’autres industriels sur les vaccins contre les infections liées aux soins, nous avons rencontré plus de difficultés. Il est plus compliqué d’expliquer aux patients qui viennent à l’hôpital pour une intervention chirurgicale qu’ils sont à risque et de leur proposer un essai vaccinal. Globalement nous ne rencontrons pas de difficultés majeures mais il est parfois difficile d’obtenir des personnes volontaires.

Comment travaillez-vous avec les industries pharmaceutiques ? Je pense qu’il est important pour connaître un médicament d’être impliqué assez tôt dans le développement du médicament. En France, on est confronté au fait que la prévention, la vaccination, sont trop peu enseignées, en tout cas il y a des efforts importants à faire en termes de connaissances du vaccin et je pense donc qu’il est important que la France puisse participer aux essais cliniques des vaccins. Aujourd’hui en dehors des phases I, le développement des

Page 8: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2914 15

interviewinterview

Bonjour Quentin, et merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Tout d'abord, parlez-nous de votre parcours et de ce qui vous a amené à faire de la recherche dans le domaine de la microbiologieJ’ai vraiment beaucoup apprécié le caractère scientifique et pluridisciplinaire du cursus de pharmacie, surtout les sciences de la vie, les sciences naturelles et particulièrement la microbiologie et l'infectiologie. Au cours de mon parcours j'ai donc essayé de trouver une voie me permettant d'exercer dans ces domaines. Lorsque j'ai passé l'internat, j'ai beaucoup réfléchi à la filière qui me correspondait le plus. Étant intéressé par presque tout, le choix n'était pas facile.

C'est finalement en choisissant la recherche que je me suis dit que je pourrais le mieux continuer à explorer des domaines scientifiques variés des sciences de la Vie. C'est pourquoi j'ai choisi cette filière. La microbiologie me permettait à la fois de faire cette recherche dans des domaines de la santé et de l'écologie. L'écologie et la préservation de l'environnement en général sont des intérêts plus personnels (et éthiques), mais il me semblait intéressant de pouvoir concilier l'ensemble.

En effet, nous reviendront sur la relation étonnante qui existe entre la microbiologie et la pollution. Vous avez ainsi travaillé dans des structures très variées à commencer par le Centre National de Référence d’antibiorésistance de Caen dans l'Unité de Recherche Risques Microbiens (U2RM) pendant un an (2014-2015) lors de votre internat : qu'en avez-vous appris sur l'état actuel du phénomène d’antibiorésistance en France ? Que ce phénomène prend une ampleur très importante et qu'il est difficile d'harmoniser les pratiques et de sensibiliser professionnels de santé et patients. Lors de mes différents stages de pharmacie (externat, internat), les BMR (bactéries multi-résistantes aux antibiotiques, NDLR) étaient quasiment quotidiennes. Je ne pense pas que les

internes des générations précédentes feraient ce même constat.

J'ai aussi appris que peu de recherche est faite dans ce domaine malheureusement. Il y a des équipes qui travaillent et cherchent de nouvelles alternatives bien sûr (nouvelles molécules, associations originales, substances naturelles…) mais je n'ai pas l'impression que beaucoup de moyens soient mis dans cette recherche au niveau global. Après je ne travaillais pas directement sur cette thématique donc mon point de vue n'est pas forcément à jour.

Néanmoins, certaines souches bactériennes peuvent-elles cette fois contribuer à l'efficacité de traitements médicamenteux ?Oui, c'est le cas pour certains traitements anticancéreux. Des équipes se sont rendues compte que certaines espèces du microbiote intestinal jouaient un rôle dans l'efficacité de certains traitements anticancéreux. Ces mécanismes sont encore à l'étude. D'autres bactéries, toujours intestinales, partagent des récepteurs adrénergiques sensibles à nos hormones de stress. En simplifiant beaucoup, on peut dire que ces bactéries sont sensibles à notre stress. Un lien avec le microbiote est aussi évoqué dans les maladies métaboliques notamment.

En ce qui concerne les traitements anticancéreux, une équipe de l'institut Gustave Roussy a montré que des bactéries du microbiote intestinal (Enterococcus hirae entre autres) migraient depuis l'intestin grêle vers les ganglions lymphatiques secondaires chez des souris atteintes de cancers gastro-intestinaux et traitées par cyclophosphamide. Vu la toxicité cellulaire de cette molécule, on pourrait penser que, suite au traitement, la barrière intestinale est plus perméable et permet ce transfert. Ce qui est plus surprenant, c'est que le transfert de cette bactérie semble améliorer de beaucoup l'efficacité du traitement (comparativement à des souris sans microbiote et donc sans bactéries qui migrent). On ne connait pas encore les subtilités de ce mécanisme. Il semble que les bactéries transloquées depuis l'intestin vers les ganglions lymphatiques secondaires y stimulent l'immunité qui va ensuite diriger son action contre les cellules cancéreuses.

L’ANTIBIORÉSISTANCE ET SON APPLICATION DANS LES NOUVEAUX TRAITEMENTS

nouveaux vaccins sont en grande majorité fait par des industriels, donc si on veut participer à la recherche vaccinale, cela se fait de façon quasi obligatoire avec les industries du médicament. Nous avons donc construit ici une structure qui permet l’évaluation des vaccins que ce soit avec des instituts de recherche académiques comme l’institut Pasteur, l’INSERN ou l’ANRS ou avec des industriels qui nous connaissent bien car nous existons depuis maintenant bientôt 15 ans. Lorsqu’ils ont la proposition d’un essai vaccinal, les industriels nous sollicitent régulièrement. De plus, le CIC coordonne également le réseau national d’investigation clinique en vaccinologie qui s’appelle I-REIVAC pour aider les industriels à trouver des centres qui pourront participer à leurs études.

Sur quels sujets travaillez-vous en ce moment ? Nous réalisons deux types de recherche  : premièrement, la recherche avec les industriels qui viennent à nous avec les vaccins qu’ils développent et ensuite il y a les recherches que nous développons nous-mêmes qui sont plutôt des recherches qui permettent de compléter ce qui est fait au cours du développement du vaccin. Avec les industriels nous travaillons sur des vaccins contre les infections associées aux soins come le staphylocoque doré, le clostridium difficile et régulièrement sur des projets sur les vaccins contre la grippe, les VRS ou également sur des études épidémiologiques. Nos propres recherches quant à elles ont pour objets la sécurité et l’immunogénicité, donc la réponse immunitaire des vaccins dans des populations qui souvent ne sont pas incluses dans les essais vaccinaux comme les maladies auto-immunes, les femmes enceintes ou les patients traités par des immunosuppresseurs, c’est à des populations qui répondent moins bien aux vaccins ou pour lesquelles on peut avoir un doute sur les risques liés à la vaccination. Et de manière plus récente nous travaillons sur des études en sciences humaines et sociales pour mieux comprendre pourquoi les Français sont plus réticents au sujet de la vaccination, et savoir comment faire pour améliorer cette situation.

Comment cela se fait-il que les Français soient méfiants vis-à-vis de la vaccination ?Leurs principales craintes sont la survenue d’effets indésirables, notamment à cause de la campagne contre l’hépatite B avec ce doute sur la sclérose en plaque, donc même si les études

montrent qu’il n’y a aucun lien, les gens restent persuadés que c’est le cas. Il y a eu également la mauvaise communication autour de H1N1 et aussi le Mediator qui ont rendu les Français et les professionnels pas tous confiants envers les autorités de santé. On espère qu’avec l’obligation vaccinale et une politique vaccinale plus claire, et plus affichée cela pourra changer les mentalités.

Concernant la loi de Janvier 2018 rendant obligatoires 11 vaccins (poliomyélite, coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, bactérie Haemophilius influenzae, pneumocoque, méningocoque C, diphtérie, tétanos), que pouvons-nous attendre des résultats ?

Nous en attendons tout d’abord qu’elle pourra donner une meilleure compréhension de la vaccination. Il y avait auparavant seulement 3 vaccins obligatoires  : poliomyélite, diphtérie, tétanos et 8 autres recommandés. Les médecins et les patients pouvaient se dire que les trois obligatoires étaient très importants et les 8 autres moins, ainsi la couverture vaccinale pour les 3 obligatoires étaient très importante, pas loin de 100 % et celle de 8 autres était dans certains cas pas assez suffisante comme par exemple pour la rougeole pour que le virus circule dans la population. Il y a eu toute une réflexion au moment de la concertation citoyenne, il y avait alors deux possibilités, soit supprimer les obligations soit rendre obligatoires au moins tous les vaccins recommandés chez les nourrissons et c’est ce qui a été adopté dans le but de vraiment augmenter la couverture vaccinale. C’est normalement une mesure qui doit être transitoire et qui doit s’accompagner d’une meilleure éducation de la population générale et des professionnels de santé à la fois chez les médecins et les pharmaciens qui sont de plus en plus impliqués dans le processus de vaccination. À terme, l’objectif est que grâce à une bonne communication, il sera possible de lever l’obligation sans trop baisser la couverture vaccinale.

Comment faîtes-vous pour vacciner les immunodéprimés ?Pour les immunodéprimés, il est impossible de leur injecter les vaccins vivants comme par exemple la rougeole, la rubéole, les oreillons, la varicelle. Pour les protéger on vaccine donc l’entourage, c’est un point extrêmement important. On peut leur faire les autres vaccins qui sont eux un peu moins immunogènes donc qui protègent un peu moins bien, de plus les immunodéprimés auront une réponse plus faible.

Dans certains cas on peut faire une double dose comme par exemple pour l’hépatite B pour essayer d’améliorer la réponse immunitaire.

Comment travaillez-vous avec les pharmaciens et comment arrivez-vous à coordonner vos différentes capacités afin de vous compléter ?A l’Hôpital, il existe une cellule de gestion des essais cliniques qui a la responsabilité des vaccins utilisés dans les essais cliniques. Vis-à-vis de la vaccination antigrippale, il y a eu une expérience qui a eu lieu avec un résultat plutôt positif dans les régions Nouvelle Aquitaine et Rhône-Alpes où la moitié des pharmaciens a accepté de se former à la vaccination. Mais l’idée est de se demander comment les pharmaciens pourraient être à l’avenir plus impliqués dans la vaccination, on peut s’imaginer que ce qui a été fait pour la grippe puisse être fait avec d’autres vaccinations et également d’étendre cette formation à d’autres professionnels de santé qui sont au contact des patients. De plus, il faudrait améliorer le parcours de soins car aujourd’hui il faut aller chez le médecin se faire prescrire le vaccin puis aller chez le pharmacien pour enfin retourner chez le médecin. Pour pallier à ce problème, nous avons mis en place, ici à la maternité, pour la vaccination grippale de la femme, la vaccination en consultation. Enfin si cela est possible j’apprécierais vraiment, ça serait d’avoir un interne en pharmacie ou bien un externe, ici au CIC de l’Hôpital Cochin.

Quel projet aimeriez-vous mettre en place pour pouvoir améliorer la couverture vaccinale ? Même si celui-ci pourrait paraitre impossible ou difficile à mettre en place aujourd’hui ?Ce que nous demandons à la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), c’est que les vaccins soient plus facilement accessibles, aussi bien dans les structures de soins, dans les centres de vaccinations internationaux, chez les médecins et que les autres professionnels puissent aussi vacciner. De plus, nous aimerions la mise en place d’un carnet de vaccination électronique pour que, d’une part les patients sachent où ils en sont car on sait tous que les carnets de santé tout le monde les perd et que d’autre part on puisse leur envoyer un message pour les rappels ou les vaccinations. Ce sont des choses assez simples et qui avec l’informatique devrait pouvoir se faire facilement. Par exemple, en envoyant un bon de vaccination contre la grippe chez les personnes âgées ou les personnes ayant des maladies chroniques, on augmente par trois les chances que ces personnes se fassent vacciner.

QUENTIN ALBERT

Pharmacien Demain a eu la chance d’échanger avec un interne en pharmacie, Quentin Albert. Interne en Pharmacie, il a choisi à l’issue du concours la filière IPR (Innovation Pharmaceutique et Recherche) et prépare actuellement sa Thèse de Science en microbiologie. Il nous explique en quoi ce domaine de la recherche est aussi prometteur, tant en thérapeutique que dans des enjeux plus globaux...

Page 9: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2916 17

Interview réalisée parArlane Zhao

Cela fait penser au traitement de certaines tumeurs vésicales qui utilisent le BCG (vaccin contre la tuberculose préparé à partir d'une souche atténuée de bacille tuberculeux bovin) pour stimuler l'immunité anti-cancéreuse. De nombreuses recherches ont lieu sur cette thématique de lutte anticancéreuse via les bactéries. Ces dernières peuvent devenir des vecteurs sensibles à leur environnement afin de cibler les tissus tumoraux et soit :

Délivrer des molécules antitumorales pour une action locale,

Stimuler le système immunitaire localement,

Avoir une action anticancéreuse directe.

Des résultats plutôt encourageants ont été obtenus chez les rongeurs, mais le passage chez l'Homme nécessite des doses qui font apparaitre un risque infectieux non négligeable.

NB : si ce sujet vous intéresse, sachez que la thèse d’exercice de Quentin porte sur celui-ci et peut être consulté librement sur internet à l’adresse suivante  : https://www.researchgate.net/publication/313058183_Bacteriology_and_cancers_towards_new_therapeutic_strategies

Vous exercez maintenant dans l'équipe TOXEmac (Toxicologie de l’Environnement, Milieux Aériens et Cancers) de l'Université de Caen-Normandie : quelles sont les applications possibles des micro-organismes dans la lutte contre la pollution environnementale ? (Voir la brève au sujet de l’enzyme bactérienne capable de dégrader le plastique, NDLR)Elles pourraient être relativement nombreuses en fait. De nombreux micro-organismes (bactéries et champignons) sont capables de biodégrader diverses molécules. On pourrait donc développer des méthodes de dégradation des résidus médicamenteux et de divers polluants pour traiter les rejets aqueux hospitaliers et industriels. Il y a beaucoup de recherches au niveau mondial dans ces domaines et certaines technologies sont appliquées sur le terrain.

Par exemple, dans les sols, les micro-organismes sont pour une grande partie responsable de l'activité "nettoyante" des sols. C’est-à-dire que c'est grâce, en partie, aux micro-organismes, que les sols "filtrent" et dégradent de nombreux polluants.

Ils jouent aussi un rôle important dans la fertilité agronomique des sols et donc dans la production de nourriture.

Les micro-organismes associés aux plantes représentent aussi un potentiel important dans ces domaines, mais cela demande de maîtriser des écosystèmes relativement complexes et ça n'est pas facile à standardiser.

Pour ma part, je travaille sur l'intérêt des champignons telluriques dans la stabilisation des métaux toxiques dans les sols. Les champignons étant des organismes plutôt résistants, on essaie de mettre au point une méthode de stabilisation des polluants métalliques pour en diminuer la biodisponibilité (les métaux n'étant pas, ou très peu pour certains, biodégradables).

Enfin, quels sont selon vous les avantages d'avoir suivi un cursus de pharmacie dans ce domaine de la recherche ?Le principal je pense est la bonne culture scientifique acquise grâce aux cours de pharmacie. Dans mon sujet de thèse de recherche, je touche à des domaines de la microbiologie fongique, de la biologie moléculaire, de la chimie pure et dure, de la chimie analytique, de la géochimie, des statistiques… Il aurait sûrement été beaucoup plus difficile d'appréhender ces différents domaines sans en avoir eu un aperçu en pharmacie.

interview

ASPECTS RÉGLEMENTAIRES DES VACCINS

Quel est votre parcours ?Je suis pharmacien, ancien interne des hôpitaux. Pendant mon internat, j'ai fait une thèse de sciences, puis j’ai occupé un poste de maître assistant à l’Université, en pharmacologie et pharmacocinétique (j’étais en charge de la pharmacocinétique clinique et de l’adaptation de posologies). Puis après mon agrégation, j'ai poursuivi ma carrière d'enseignant-chercheur en tant que Professeur de Pharmacologie et Pharmacocinétique. En parallèle de ces activités universitaires, j'ai travaillé en tant qu'expert auprès du Ministère de la santé afin d'évaluer les dossiers d’AMM. Avec les évolutions réglementaires, j'ai été amené à travailler au niveau européen en tant que représentant Français dans différents groupes et comités. J'ai également assuré à l’agence française du médicament, le poste de directeur de l’évaluation du médicament (incluant les vaccins). À l’agence européenne, j’ai en outre fait partie puis présidé le groupe de travail sur les médicaments biologiques. Depuis 2007, je suis revenu dans le corps des hospitalo-universitaire, et j'assure l'animation de l'équipe pédagogique "développement et innovations pharmaceutiques" à la faculté de pharmacie de Paris, et praticien hospitalier à la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris, au département développement et innovation des médicaments. 

Quelles sont les spécificités réglementaires de la mise sur le marché des vaccins ?Il faut rappeler que le vaccin est un médicament, au sens de la spécialité pharmaceutique et qu'il doit donc disposer d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) avant de pouvoir être prescrit et administré. C’est donc exactement la réglementation européenne qui s’applique (droit commun du médicament). Il s'agit de démontrer, dans le dossier d’AMM :  la qualité, la sécurité et l'efficacité. 

Il existe des spécificités de développement par rapport au médicament "classique". Ainsi au plan de l'efficacité clinique, démontrer l'efficacité d’un vaccin (en l'espèce son pouvoir "protecteur" contre une future infection possible) est par nature plus complexe que pour un médicament du traitement de l'hypertension artérielle, par exemple. 

En ce qui concerne la qualité, il s'agit dans le cas du vaccin, de définir ce qu’est la substance active (fragment de virus, de bactérie, bactérie entière, bactérie vivante, inactivée…). Il existe donc des infinités de structure moléculaires, toutes plus complexes les unes que les autres. De plus, la fabrication de la substance active est elle aussi très complexe avec des systèmes de culture, amplification puis purification de virus, bactéries, etc... 

Il est vrai que les études de pharmacie insistent plus sur les développements des médicaments chimiques que ceux des vaccins. Dans les années de spécialisation (6ème année et au-delà), si vous êtes intéressés par ce type de médicaments - ou par les médicaments de biotechnologies ou de thérapies innovantes - il faudra rentrer dans les détails des spécificités techniques de ces produits. 

Une autre des caractéristiques d'un produit biologique est que la partie qualité pharmaceutique est très liée à la partie efficacité. La question de la qualité de la production est centrale en ce qui concerne les vaccins (l’antigène n’a-t-il pas été inactivé ? …).

Exemple de lien typique entre qualité et efficacité  : le vaccin contre la coqueluche à germe entier présentait une réactogénicité importante. Le germe a été purifié (vaccin acellulaire), mais il a été cliniquement démontré que ce nouveau vaccin dit "coqueluche acellulaire" était moins efficace. 

Jean Hugues Trouvin

En Brève

Pharmacien Demain › n° 2916

Sida : une nouvelle solution face à l’infectionDes chercheurs canadiens de

l’Université de Waterloo, ont mis

au point une nouvelle stratégie

pour réduire l’infection par le VIH

en étudiant des travailleuses du

sexe kényanes. Ces dernières ont

eu des rapports sexuels avec des

clients séropositifs, mais n'avaient

pas contracté le virus, en raison

de l'absence de réaction de leurs

lymphocytes face au virus du VIH.

Les chercheurs ont donc eu

l’idée d’induire artificiellement,

plus précisément de manière

médicamenteuse, et sur le lieu

de l’infection, cette absence de

réaction face au virus. Ils ont donc

conçu un implant vaginal libérant

de l'hydroxychloroquine (HCQ),

un médicament anti-paludique

localement. La diffusion de cette

molécule entraine une diminution

de la sensibilité des lymphocytes T

vaginaux et donc leur immunisation

face au VIH. Cette nouvelle

technique pourrait donc être

nouvelle technique pour réduire les

nouvelles infections.

Yufei Chen, & all (2018)

En Brève

Pharmacien Demain › n° 28 17

Des chercheurs americains et britanniques ont conçu (par hasard) une enzyme capable de detruire du plastiqueAujourd’hui on estime à 300 millions de tonnes la quantité de plastique dans les océans, créant de gigantesques continents de déchets. Le plastique présente une toxicité certaine et a un impact sur la santé des êtres vivants, des générations futures et de l’environnement.

Le plastique peut perdurer des milliers d’annéesIl n’est pas facile de s’en débarrasser. Si on le brûle, le plastique dégage des gaz toxiques polluants et il reste de la matière non détruite. On peut le recycler, le broyer et en faire des granulats, cette méthode est cependant coûteuse.

La grande majorité du plastique peut perdurer pendant des centaines, voire des milliers d’années, les scientifiques cherchent donc un moyen de les éliminer.

Des scientifiques de l’université de Portsmouth et du laboratoire national des énergies renouvelables du ministère américain de l’Energie ont concentré leurs efforts sur une bactérie découverte au Japon il y a quelques années : l’Ideonella sakaiensis.

Évolution de la bactérie Ideonella sakaiensisCette bactérie se nourrit uniquement d’un type de plastique, le polytéréphtalate d’éthylène (PET), qui entre dans la composition de très nombreuses bouteilles en plastique. C’est l’enzyme PET hydrolase (PETase) qui est responsable de cette caractéristique.

L’objectif de l’équipe américano-britannique était de comprendre le fonctionnement de la PETase. Ils ont été un peu plus loin en concevant par accident une enzyme qui est encore plus efficace pour désagréger les plastiques PET.

La chance joue un rôle important dans la recherche Des scientifiques de l’université de South Florida et de l’université brésilienne Campinas ont également participé aux expérimentations qui ont débouché sur la mutation par hasard d’une enzyme beaucoup plus efficace que la PETase naturelle.

Les scientifiques s’activent désormais à en améliorer les performances dans l’espoir de pouvoir un jour l’utiliser dans un processus industriel de destruction des plastiques.

« Bien que l’avancée soit modeste, cette découverte inattendue suggère qu’il y a de la marge pour améliorer davantage ces enzymes, pour nous rapprocher encore d’une solution de recyclage pour la montagne en constante croissance de plastiques mis au rebut » affirme John McGeehan, professeur à l’école de sciences biologiques à Portsmouth.

Katell LEOSTIC

<

Page 10: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 19Pharmacien Demain › n° 2918

Comment se déroulent les essais cliniques et pré-cliniques dans le domaine des vaccins ?La cible du vaccin est le système immunitaire de l’humain. Or, il n'y a pas de bon modèle animal pour étudier de façon précise le fonctionnement et les réponses du système immunitaire de l’homme. Or, le but des études de "sécurité" est de tester la toxicité du candidat médicament avant son administration à l'Homme. De plus, certains germes sont pathogènes chez l’Homme mais pas chez l’animal (ex du VIH : non pathogène chez le singe). Il y a donc ici une vraie spécificité liée au vaccin (et par extension à beaucoup de molécules biologiques de spécificité humaine) : comment démontrer que le futur médicament est sûr et efficace s’il n'y a pas de modèle animal pertinent ? Les études pré-cliniques se font donc sur un nombre réduit de modèles animaux, et le passage à l’étude sur l’Homme est précoce dans le processus de développement des vaccins, avec des mesures de précaution supplémentaire pour pallier cette paucité de données animales.

De plus, le mode d’administration (d’une dose à quelques-unes au cours de la vie) diffère également du schéma posologique quasi-quotidien propre au médicament chimique. 

Comment juger de l’efficacité et la sécurité d’un vaccin ?Comme tout médicament, le vaccin, même s’il est utilisé à titre prophylactique, doit présenter un rapport bénéfice/risque positif. Deux autres spécificités du vaccin doivent être rappelées, d'une part c'est un médicament qui est administré majoritairement à des sujets sains (et surtout des enfants en bas âge) et qui doit présenter un bénéfice individuel (protection contre une possible infection à venir) et populationnel pour conférer à l'individu vacciné une capacité à faire "barrière" contre la diffusion du pathogène. On parle ici de l'immunité de masse (ou « heard immunity » pour les anglo-saxon).

En fonction des pathogènes et de leur capacité de dissémination, cette immunogénicité de masse est différente pour limiter la propagation et on peut calculer pour chaque pathogène un R0 qui est le pourcentage de la population qu’il faut vacciner si on veut avoir un effet barrière. Il est par exemple de 95 % dans la grippe. Ce R0 est très important à connaître pour déterminer la "couverture vaccinale" à prévoir pour protéger la population dans son ensemble et pas seulement le sujet vacciné.

Les recommandations vaccinales se fondent en partie sur ces ratios.

S'agissant du plan de développement proprement dit d'un vaccin les étapes suivantes sont indispensables à suivre :

Analyser la structure du pathogène contre lequel un vaccin doit être développer pour identifier la partie antigénique susceptible de déclencher une réponse immune. Ces études utilisent des modèles in silico ou animaux (selon la susceptibilité de l'animal, cf. supra). Une fois l'antigène identifié, il faut mettre au point un système de production et purification qui permettra d'obtenir la structure moléculaire cible (un fragment protéique le plus souvent, ou une forme particulaire d'un virus ou d'une bactérie, ou partie le germe entier).

Puis, les premières études de l'immunogé-nicité de cet antigène produit et purifié, sur l'animal avant de passer aux premiers essais cliniques chez l'Homme.

Pour la démonstration de l'efficacité clinique on peut décrire de façon schématique deux grandes étapes dans le développement  : i) la mesure de la réponse immunitaire (élévation des taux d'anticorps spécifiques contre l'antigène administré) et ii) le pouvoir protecteur que ces anticorps produits en réponse de l'injection vont conférer au sujet lorsqu'il sera exposé au pathogène.

• La mesure des anticorps circulant chez le sujet candidat à la vaccination (sérologie à T0) puis après mise en contact avec l’antigène (sérologie post injection).

• 2e étape de la démonstration de l’efficacité : déterminer le corrélat de protection. C'est pour cette seconde phase que différentes options existent. Soit on expose le sujet humain au pathogène, de façon naturelle (ceci impose de travailler en zone d'endémie ou circule le pathogène) et vérifier le nombre de sujets, vaccinés, qui vont développer la pathologie, par rapport aux sujets non vaccinés dans la population de la zone d'endémie. Soit on expose le sujet vacciné à un agent pathogène purifié et calibré, pour vérifier l'effet protecteur (on parle ici de "challenge test"). Aux États Unis, en octobre 2017 s’est tenu un congrès sur cette approche  : peut-elle être éthique et justifiée ? Est-elle éthique chez l’enfant  ?  La question se pose surtout pour le développement de candidats vaccins pour des pathogènes émergents.

Certains pathogènes existent sous plusieurs sous-types ou sérotypes (ex du vaccin HPV) qui peuvent évoluer au cours du temps. Lorsque l'on vaccine une population contre un ou plusieurs sérotypes, on peut constater une évolution de la ou des souches circulantes, par rapport à celle(s) bloquée(s) dans leur évolution par la vaccination. Il y a donc une activité permanente de surveillance pour étudier l'impact de la vaccination sur l'environnement microbien. Dans le cas de la poliomyélite, la vaccination a permis de faire disparaître deux sérotypes, mais le troisième reste encore pathogène et circulant, sans que l’on ait observé en revanche d’apparition de nouveaux sérotypes, ce qui se produit au contraire avec les infections à pneumocoques. 

Le suivi épidémiologique est donc primordial en ce qui concerne les vaccins (en raison notamment de la sélection de souches), il est parfois nécessaire de réajuster le vaccin.

Quelles sont les obligations réglementaires quand il s’agit de mettre sur le marché un vaccin qui mute régulièrement (exemple de la grippe) ?Dans le vaccin grippe, il y a quatre souches vaccinales différentes et chaque année, les sérotypes sont changés en fonction des mutations, très fréquentes pour le virus de la grippe qui se recombine très régulièrement. Il s’agit alors d’une variation de l’AMM initiale (octroyée sur la base d’un dossier «  princeps  »). Lorsque qu’il y a une modification des antigènes, on considère que c’est essentiellement la partie «  qualité  » du dossier d’AMM qui doit être changée afin de documenter les caractéristiques moléculaires, le procédé de production et purification spécifiques aux antigènes qui seront inclus dans le vaccin saisonnier. Il faudra ensuite montrer, par un test sérologique, que les nouveaux antigènes fabriqués permettent d’induire une réponse d’anticorps du même niveau que pour les vaccins précédents. Globalement, on suppose la pathogénicité du virus muté et le pouvoir immunogène du vaccin comme étant les mêmes, ce qui explique cette modalité de « variation annuelle » du dossier d’AMM princeps.

Quel est le rôle du CTV ? (Comité Technique de Vaccination)Pour qu’un vaccin soit disponible sur le marché, il lui faut tout d’abord une AMM (qui précise l’indication thérapeutique, la population concernée et le ou les schémas vaccinaux). Vient ensuite la négociation avec la HAS qui va évaluer non plus l’efficacité et

Interview réalisée par.........................

le bénéfice/risque du médicament lui-même mais plutôt le service médical rendu par ce médicament, par rapport aux thérapeutiques existantes... Aussi, il devient de plus en plus important, avec les exigences croissantes de la HAS, d’inclure de plus en plus tôt dans les essais cliniques, un certain nombre d’informations intéressant la HAS et notamment pour les vaccins, les effets de protection populationnel, l’amélioration de la protection apportée par le vaccin par rapport autres approches thérapeutiques. …

En fonction de l’évaluation comparative du SMR et/ou de l’ASMR, la HAS proposera de recommander d’inclure ou non le vaccin dans le calendrier vaccinal pour les populations concernées. 

Le CTV était auparavant placé auprès du Ministre de la Santé qui recevait les dossiers juste à leur sortie d’AMM, il est désormais sous le contrôle de la HAS. Le CTV est donc le comité spécialisé qui évalue les éléments présentés plus haut et notamment la taille de l’effet, le R0, les données épidémiologiques de la pathologie chez l’homme. Le CTV, sous contrôle de la HAS rend un avis sur l’utilité de recommander ce vaccin, voire de l’inclure dans le calendrier vaccinal. 

Le CTV a pour mission de mettre en adéquation l’offre thérapeutique par rapport à l’épidémiologie (ex des recommandations vaccinales chez le voyageur). Après recommandation du CTV, la HAS décide du remboursement.

Co-administration et calendrier vaccinal Lors du développement d’un nouveau vaccin, et connaissant son mécanisme d’action et donc la stratégie vaccinale à appliquer (chez le nourrisson, le bébé, l’enfant, l’adolescent ou l’adulte) et il est donc important de prévoir sa place dans le calendrier vaccinal. En fonction de la/les population(s) cible(s) pour laquelle/lesquelles ce nouveau vaccin est développé, le développeur devra vérifier si, dans le calendrier vaccinal existant, il y a d’autres vaccins dont l’administration est proche -voire en même temps-. Si tel est le cas, il faudra faire des études de co-administration pour vérifier que le nouveau vaccin n’interfère pas avec l’efficacité des vaccins déjà en place et qui seront administrés dans la même période. Il faut conduire un nouvel essai clinique avec un groupe recevant le vaccin en cours de développement seul (vaccin A), un autre groupe recevant le vaccin co-administré figurant dans le calendrier vaccinal (vaccin B) et un troisième recevant les deux vaccins. On évalue sur le troisième groupe par rapport au 1 et au 2, si le vaccin A a une interaction sur le vaccin B.

L’exemple du vaccin contre la dengue, qui contient 4 sérotypes, a révélé qu’un des sérotypes (probablement le 2) a un problème en présence du sérotype 4 dans le même vaccin. L’exemple de la dengue montre qu’il est possible d’éteindre une réponse à un antigène du fait de la co-administration.

Ce sont ces types d’études qui permettent de valider le développement de vaccins hexavalents (ex du vaccin coqueluche-rubéole) qui permettent de vacciner en une seule injection contre plusieurs pathogènes.

En cas de crise sanitaire, est-il possible d’abréger une procédure de mise sur le marché d’un vaccin ?Il y a actuellement beaucoup de groupes de travail autour de cette question. Il y a plusieurs éléments de réponse : 

En France, un article de loi autorise le Ministre de la Santé à utiliser un produit qui pourrait ne pas avoir encore reçu d’AMM, en cas de situation de quasi endémie/pandé-mie. Il y a quelques années, dans la région rouennaise, il y a eu une épidémie très lo-calisée de méningite de sérotype B. Aucun vaccin n’était disponible, donc les autorités compétentes ont saisi l’agence du médica-ment, qui a contacté les différentes agences européennes. Il s’est avéré qu’en Norvège, cette souche avait effectivement circulé et qu’un vaccin avait, à l’époque été développé

par l’institut de santé de Norvège. S’est alors posée la question du bénéfice-risque de redémarrer une production d’un vaccin fa-briqué à partir de ces souches norvégiennes. C’est ce qui a été décidé et le Ministère de la Santé en France a donné mandat à l’Agence du Médicament de piloter cette mission en dehors de tout mécanisme d’AMM mais avec les mêmes exigences de qualité, sécurité et efficacité.

En Europe -à cause du vaccin grippe- il a été mis en place un système (dit « mock-up ») en prévision de situations pandémiques. Il existe ainsi des dossiers « maquettes  » dé-crivant quelques données brutes de sécu-rité, basés sur une des souches ayant déjà circulée et servant de modèle, testée chez des animaux voire des volontaires sains. Si la pandémie grippe éclate, de nombreux mois seront économisés et la production du vaccin pandémique pourra démarrer rapidement puisqu’une grande partie du dossier est déjà connu et approuvé (sous la forme de ma-quette) par les autorités compétentes. Deux ou trois vaccins sont dans cette situation au-près de l’agence européenne.

Une troisième stratégie, révolutionnaire, fait l’objet d’un intense travail auprès de l’OMS et de la FDA. Cette approche dite « plateforme » est dédiée à répondre à l’émergence brutale de pathogènes, et consiste à passer en revue toutes les technologies «  antiinfectieuses  » dont nous disposons (fabriquer des anticorps neutralisants, animaux transgéniques ca-pables de fabriquer un sérum humanisé…) et valider ces « plateformes » de production sur des exemples ou maquettes et si un nou-veau pathogène émerge, il s’agira alors de sélectionner l’une de ces plateforme pour développer rapidement une stratégie antiin-fectieuse contre cet agent émergent.

Page 11: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2920 21

Addictologie interview

Quel a été votre parcours universitaire et professionnel ?Mon parcours universitaire a commencé à Toulouse où j’ai réalisé mes études de médecine. J’ai ensuite fait ma spécialité de psychiatrie à Paris pour enfin être chef de clinique à l’hôpital Saint-Anne pendant 4 ans. Je suis également parti travailler 8 mois à Londres où j’ai fait de la recherche et de la clinique en exerçant mon métier de psychiatre. Parallèlement, j’ai obtenu un doctorat en neurosciences et j’ai beaucoup étudié le trouble obsessionnel compulsif, ce qui m’a permis, grâce à mes travaux d’être nommé chef de service et professeur des universités en charge de la psychiatrie à Rennes en 2002 à 2014. Durant ce temps, j’ai développé des projets de stimulations cérébrales et eu une assez forte activité scientifique, et de ce fait, souhaitant retourner à Paris, je me suis vu proposé le poste de professeur des universités à la Pitié Salpêtrière et à l’Université Paris Sorbonne que j’assure depuis 2014. Dans le département de psychiatrie, j’ai souhaité développer un projet d’unité de thérapeutique par stimulation cérébrale, unité qui s’appelle le STOCAD (stimulation cérébrale dans les troubles obsessionnels compulsifs et addictions). De plus, j’ai écrit un ouvrage qui s’intitule Prescrire les psychotropes.

Comment vous est venu l’idée du STOCAD et comment cette unité a-t-elle été créée ? Aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique semble être « en panne » dans le développement des psychotropes, et je considère qu’il y a une étape importante qui manque qui est la connaissance des structures cérébrales qui régissent l’action des psychotropes. Je me suis donc lancé dans le développement des techniques de stimulation cérébrales. Ces techniques de stimulations cérébrales se résument globalement à deux pratiques  : la stimulation cérébrale profonde à hautes fréquences où on implante des électrodes avec les neurochirurgiens. Cette technique est réservée à un tout petit nombre de patients. Et il y a également, la technique que j’ai beaucoup développée, la résonnance magnétique transcrânienne répétée, RTMS (repetitive transcranial magnetic stimulation).

En 2014, je suis donc arrivé avec ce projet de pouvoir l’utiliser sur des patients atteints de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) et de dépression. La direction de l’hôpital a donc accepté de créer l’unité avec de nouveaux locaux, mais en contrepartie, l’unité devait fusionner avec l’addiction et traiter les problématiques addictives. C’est ainsi que l’unité de stimulation cérébrale été créée en ayant pour

mission supplémentaire le soin de personne en sevrage, que ce soit en alcool, en benzodiazépine, en cocaïne, en sevrage complexe, ou en antalgique (notamment morphinique).

Quels types de patients traitez-vous ?Nous recevons des patients ayant des addictions en tout genre, mais également ayant des addictions très sévères. Pour vous donner un ordre d’idée, la première cause de transplantation hépatique est l’alcoolisme, et qui auparavant était l’hépatite. Le fait est qu’aujourd’hui, il existe des traitements hautement efficaces contre l’hépatite si bien que l’alcoolisme est devenu la première cause de transplantation hépatique notamment à cause des cirrhoses. Ici, nous recevons des patients qui après avoir été sevré et été transplantés, rechutent dans l’alcool alors qu’ils ont le foie d’une autre personne. De plus, aux Etats-Unis, la première cause de transplantation hépatique est l’obésité  : c’est la stéatose hépatique qui conduit à la cirrhose. L’obésité est également une forme d’addiction, c’est une addiction « sans support » ; qui n’est pas lié à un produit classique. La transplantation hépatique étant un lourd investissement, aussi bien financier, logistique qu’humain, on transplante une personne souffrant d’addiction avec le risque que cette dernière rechute, ce qui rend la situation encore plus malheureuse. Dans l’unité, nous recevons une personne qui rechute environ une fois tous les quinze jours, ce qui fait entre 40 et 50 personnes par an.

Quelle est la place de l’addictologie au sein de notre société actuelle ?Aujourd’hui, l’addictologie est devenu un problème majeur et il faut en prendre conscience. A l’heure actuelle, les premières causes de mortalité sont dues à la consommation de substance. Il y a de toute évidence le tabac que nous ne présentons plus, mais il y a également l’alcool qui est un véritable fléau. L’alcool tue par le foie et par les troubles du comportement, par exemple, plus de la moitié des personnes qui se suicident l’ont fait sous l’emprise de l’alcool. Les troubles du comportement causés par l’alcool se traduisent également sous forme d’agressivité ou bien de conduite en état d’ébriété. C’est un problème que l’on doit mettre au premier rang et combattre l’addictologie est une problématique médicale essentielle.

Nouveaux thérapeutiques de L’ADDICTOLOGIE

Bruno MILLET

Monsieur Bruno MILLET est médecin à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière et dirige aujourd’hui l’unité du STOCAD spécialisé dans le traitement des troubles obsessionnels compulsifs et des addictions. Dans cet interview, il nous explique avec son collègue le Dr.Phillipe PODEVIN (qui nous rejoindra au cours de l’interview ) la création du STOCAD, leur nouvelle approche thérapeutique dans le traitements des addictions, ainsi que les problématiques et leurs importances engendrées par l’addiction.

Page 12: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2922 23

Interview réalisée parWilliam TRAN et Timothée LAVRY

Nous avons ensuite poursuivi l’interview avec le Dr. Philippe PODEVIN, hépatologue et addictologue qui nous a rejoint au cours de l’interview.

Travaillez-vous avec une équipe pluridisciplinaire et notamment avec des pharmaciens ? Oui, nous travaillons avec des pharmaciens, et notamment avec un pharmacien spécialiste des produits et de leurs effets secondaires en plus d’un autre qui est spécialiste en pharmacovigilance. L’équipe est également composée d’un hépatologue, d’un psychiatre, d’un neuropsychologue pour évaluer les conséquences sur le plan neuropsychologique, il y a également une neuromotricienne, une assistante sociale et des psychologues.

Nous sommes également très demandeurs d’articulations avec l’industrie pharmaceutique sur le développement de nouveaux projets. Il est vrai qu’aujourd’hui, nous nous focalisons sur la stimulation cérébrale car nous pensons que la meilleure compréhension des techniques de stimulations cérébrales et des structures sur lesquelles on agit pourrait nous permettre de progresser sur le traitement de l’addiction. Mais ensuite, nous aimerions étudier les aspects neurobiologiques ce qui nous permettrait d’ouvrir des portes pour le développement de nouveaux médicaments. Nous sommes très intéressés par les nouvelles AMM.

Quels sont les moyens de traiter l’addictions ?Ensemble, avec le Docteur PODEVIN qui s’occupe du coté clinique et sevrage, nous avons essayé de trouver des similitudes entre les pathologies auxquelles je m’intéresse et les addictions. Ces similitudes semblaient évidentes, même si elles ne sont pas scientifiquement prouvées, et résident dans le fait que dans les troubles obsessionnels compulsifs et les addictions il y a une obsession  : l’obsession et de se procurer le produit dans les addictions et dans le TOC, l’obsession parasite qui ne cesse d’envahir l’esprit du sujet, et il y a également des compulsions  : dans le TOC, la compulsion par exemple de lavage ou de vérification et dans l’addiction, la compulsion par exemple de boire, c’est-à-dire compulsion provoque un cercle vicieux, car une fois que le produit est consommé, il ne devient plus suffisant à cause du phénomène d’accoutumance et le désir n’en devient que plus grand.

Il existe plusieurs pistes pour traiter l’addiction comme par exemple la modulation du stress,

en effet nous serions très demandeurs d’un Anti-CRF (corticotropin-releasing factor) auprès des industries pharmaceutiques, qui agit sur l’axe du stress, qui est au centre de toutes les pathologies psychiatrique et addictives et qui consisterait, selon nous, le prix Nobel du siècle. Cet axe du stress agit sur l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui va sécréter de l’adrénaline sur le court terme et des corticostéroïdes sur le moyen et long terme jouant un rôle majeur dans l’addiction. Les substances addictives provoquent une modification de cet axe du stress qui a pour conséquence une augmentation de celui-ci. Pour preuve, la majorité des rechutes font suites à des évènements de vie stressant.

L’addiction n’est pas une maladie simple comme toutes les maladies psychiatriques, on essaye d’additionner tous les moyens que nous avons pour la traiter. Nous avons pu constater que les principaux médicaments qui traitent les addictions, comme l’acamprosate qui agit dans le cas de l’addiction à l’alcool sur les récepteurs NMDA glutamatergique ou comme le nalmefene qui agit sur les récepteurs opiacés, ne sont pas suffisamment puissants pour pouvoir contrecarrer ce lien très fort de la dépendance.

Quels sont les autres traitements pouvant palier l’efficacité limitée des médicaments ?Nous souhaiterions mettre en place un traitement innovant pour l’addiction. Tout d’abord parce que nous pensons que prévenir est devenu très difficile, notamment à cause de l’accessibilité relativement facile aux produits et que lorsque l’on a un petit fléchissement au niveau thymique ou de l’anxiété, on devient facilement addict. Nous pensons donc que les techniques stimulations sont de nature à pouvoir diminuer le craving ou à augmenter le contrôle que l’on peut avoir dessus et que cette voie peut être véritablement un objectif d’avenir.

Notre idée est que peut être en agissant sur une circuiterie un petit peu différente, qui regroupe  : le contrôle cognitif avec la RTMS, la diminution du craving en agissant sur les structures cérébrales du cortex préfrontal dorsolatéral, ou sur le système de récompense en agissant sur le cortex orbito-frontal, nous obtiendrons un effet synergique avec les médicaments que nous possédions déjà. De plus, il existe également des techniques psychothérapiques, qui commence par l’éducation,

avec un aspect de relaxation et un encouragement à prendre ses distances par rapport aux produits. Ce sont des projets que psychologues et psychothérapeutes essaient de mettre en place. Il existe même un traitement dérivant du Tai Chi pour augmenter la relaxation. Tous ces traitements ont pour idée d’éloigner le stress.

Nous nous intéressons aspects plus biologiques et cérébraux qui nous permettront d’avoir des outils définitivement plus efficaces. C’est ce qui nous frustre dans le traitement de l’addiction, nous accueillons des patients et nous ne cessons de les voir rechuter. C’est pourquoi nous souhaitons rentrer dans ces cercles vicieux de l’addictions grâce à nos techniques de stimulation pour pouvoir les court-circuiter.

Il faut savoir qu’environ 10 % de la population générale passe par une phase d’alcoolo-dépendance à un moment de leurs vies qui fait suite à un décès à tout autre moment difficile de la vie. Toutes ces personnes parviennent à s’en sortir seules. Ici nous ne traitons que les cas plus compliqués de personnes ne pouvant pas s’en sortir, du point de vue génétique parce qu’il y a une anomalie au niveau de l’axe du stress ou de la récompense, mais aussi du point de vue social et environnemental ce qui rend l’addiction encore plus complexe.

Traitez-vous des patients appartenant à une population jeune comme les étudiants ?Des étudiants nous en avons malheureusement à cause de la cocaïne, y compris en médecine. Il existe également l’équipe mobile en addictologie, avec laquelle travaille le Dr. PODEVIN  : l’Equipe de Liaison et Soins en Addictologie (ELSA). Cette structure possède un projet hospitalier de recherche clinique (PHRC) sur les produits présentes chez les adolescents, il y a donc une prise en charge pour dépister l’usage de produits  : alcool, cannabis, tabac, etc… C’est un enjeu important chez les adolescents et les jeunes adultes car plus l’usage de substance est précoce et plus il devient difficile d’arrêter la consommation. Au sein de l’équipe d’ELSA, il y a un pharmacien qui travaille sur l’éducation des produits et la réduction des risques. La réduction des risques comprend l’éducation pour les injections, l’hygiène et le circuit des produits.

interview

L’ADDICTOVIGILANCE EN FRANCE

Joëlle MICALLEF

Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?Médecin, ancien interne des Hôpitaux avec une spécialisation en Santé Publique réalisée pour les ¾ dans le Service hospitalo-Universitaire de Pharmacologie Médicale (Unité d’essais Cliniques, Centre de Pharmacovigilance, Centre d’Addictovigilance) complétée en parallèle par des formations théoriques en Pharmacologie (MSBM en Neuropharmacologie générale et spécialisée, DIU de Pharmacoépidémiologie). J’ai par la suite été nommée AHU en Pharmacologie, obtenu mon Doctorat d’Université en Neurosciences sur les effets psychocomportementaux de doses subanesthésiques de kétamine chez les sujets sains (études de Pharmacodynamie d’un PHRC National) puis obtenu un Poste de MCU-PH en Pharmacologie Clinique. En 2004, j’ai été nommée, par l’ANSM directrice du Centre Associé

d’Addictovigilance PACA Corse, en charge de la Coordination Nationale du programme OPPIDUM (Observation des Produits Psychotropes Illicites ou Détournés de leur Utilisation Médicamenteuse) du Réseau Français d’Addictovigilance dont j’assure depuis 2010 la Présidence de son Association. En 2011-2013, j’ai fait ma mobilité dans l’équipe INSERM de Pharmacoépidémiologie du Dr Maryse Lapeyre Mestre à Toulouse, une des rares équipes à spécifiquement développer des méthodes de pharmacoépidémiologie sur la détection et la caractérisation du risque en Addictovigilance. Je suis aujourd’hui Professeur des Universités en Pharmacologie Clinique et Praticien Hospitalier, et notamment directeur du Centre d’Addictovigilance PACA Corse, UF du Service Hospitalo-Universitaire de Pharmacologie Clinique au CHU de Marseille.

Selon vous, quelle est la définition de l’addictovigilance ?L’Addictovigilance est une vigilance sanitaire, qui a une définition réglementaire. Elle a pour objet la surveillance, l’évaluation et la gestion des cas d’abus, de dépendance et d’usage détourné lié à la consommation, qu’elle soit médicamenteuse ou non de tout produit, substance ou plante ayant un effet psychoactif, à l’exclusion de l’alcool éthylique et du tabac.

Elle a donc une double approche pharmacologique et médicale et comme finalité le patient.

Quel est le rôle de l’Association Française d’Addictovigilance ?La France a la chance d’avoir, depuis maintenant plus de 25 ans, le Réseau Français d’Addictovigi-lance, constitué de 13 Centres d’Addictovigilance (ou encore CEIP pour Centre d’Evaluation ou d’Information sur la Pharmacodépendance).

L’association a pour but :

De promouvoir, d’amplifier le développement et la complémentarité entre les différents Centres d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance,

Initier ou coordonner des recherches concernant la pharmacodépendance et l’abus des médicaments et autres substances, leurs mécanismes et leur prévention,

D'améliorer les informations fournies aux professionnels de santé,

Promouvoir et participer à toute forme d’enseignement et de formation concernant la pharmacodépendance et l’abus.

L’association organise régulièrement les Ateliers de Pharmacodépendance (les prochains qui seront les Dixièmes Ateliers de la pharmacodépendance et d’Addictovigilance auront lieu à Biarritz les 15 et 16 octobre 2018 ! Les thèmes abordés seront : la consommation et l’abus d’antalgiques opioïdes, avec la participation de la Food and Drug Administration (FDA) le « chemSex » ou consommation en contexte sexuel les actualités sur les complications cliniques des drogues et des médicaments). Elle diffuse également un Bulletin à diffusion nationale et régionale sur l’Addictovigilance.

L’ensemble de ces informations sont accessible sur le site : www.addictovigilance.fr

Quelles sont les missions phares des CEIP-A ?Les CEIP-A ont 3 grandes activités complémentaires et indissociables

1. UNE APPROCHE CLINIQUE INDIVIDUELLE ET PERSONNALISÉE

En proposant une aide au diagnostic et à la gestion de complications et pathologies médicales (notamment les syndromes de sevrage) induites par ces substances psychoactives par des propositions adaptées.

En répondant aux questions d’Addictovigi-lance (abus & risque addictif de la quétia-pine, détournement de la prégabaline, effets recherchés sur le tropicamide, effets phar-macologiques de la NMDA (ecstasy), effets psychostimulants du zolpidem...).

2. UNE ACTIVITÉ POPULATIONNELLE DE VEILLE SANITAIRE

Par la Surveillance et investigation de l’utilisation de substances psychoactives (médicamenteuses et non médicamenteuse, « les drogues ») et de leur risque d’abus, de détournement, de risque addictif et leurs conséquences clinique,

Par l’Évaluation des risques pour la santé publique liés à la consommation de ces substances psychoactives,  

Par une expertise et appui en matière d’Addictovigilance et d’information, de formation sur ces substances au niveau local, régional et national (auprès des établissements de santé et des établissements et services médicosociaux de son territoire, du DG de l’ARS, du DG de l’ANSM, de toute autre structure institutionnelle).

Page 13: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2924 25

3. UNE ACTIVITÉ DE FORMATION, D’INFORMATION ET DE RECHERCHE

Par une animation territoriale, accompagne-ment et formation et information au sein de son territoire en matière d’Addictovigilance, de risque addictif et ses complications, de sa prévention, et de la promotion du bon usage des médicaments psychoactif.

Quels sont les réseaux courants d’addictovigilance ? Médecins formés, hôpitaux, cliniques spécialisées, groupe de soutien pour les désintoxications ?Cette vigilance réglementaire s’appuie sur les professionnels de Santé qui ont une obligation de déclaration au CEIP, les cas d’abus et de pharmacodépendance graves. Cette activité, utile à la fois par son contenu clinique et par son rôle dans l’alerte régionale et nationale, a été complétée rapidement, compte tenu du champ exploré et des comportements (nomadisme, comportement de dissimulation…), par des programmes dédiés permettant de collecter des données sans équivalent en France, notamment :

Des données issues d’enquêtes menées auprès de personnes dépendantes des struc-tures sanitaires spécialisées (Programme OPPIDUM Observation des Produits Psy-chotropes Illicites ou Détournés de leur Uti-lisation Médicamenteuse). (http ://www.observation-pharmacodependance.org/), programme existant depuis 1990.

Des données issues d’enquêtes menées au-près de patients dépendants en médecine générale (Programme OPEMA Observation des Pharmacodépendances en Médecine Ambulatoire). (http  ://www.observation-pharmacodependance.org/),

programme existant depuis 2004. Des informations issues des ordonnances

falsifiées repérées par un réseau de pharma-cies (Programme OSIAP Ordonnances Sus-pectes indicateur d’Abus Possible, existant depuis 1997).

Des informations sur la prescription d’antalgiques stupéfiants (programme ASOS, lancé en 2001) via des pharmacies d’officines tirées au sort.

Des données analytiques toxicologiques, médico-légales et anatomo-pathologiques en cas de décès, en France, d’un patient pharmacodépendant (DRAMES  : Décès en Relation avec un Abus de Medicaments ou de Substances, existant depuis 1998) ou douloureux (DTA : Décès au cours du Traite-ment Antalgique, existant depuis 2013).

Des données cliniques, médico-légales et analytiques toxicologiques en cas de Sou-mission Chimique, existant depuis 1998.

Travaillez-vous en collaboration avec les industries pharmaceutiques pour la gestion des mésusages médicamenteux conduisant à des addictions ?Lors de l’ouverture d’une enquête nationale d’Addictovigilance, l’ANSM demande au laboratoire pharmaceutique de transmettre au Centre d’Addic-tovigilance en charge de cette enquête, l’ensemble des données d’Addictovigilance relatives sur ce produit.

Lors de la mise sur le marché d’un produit psychoactif à risque d’abus, un plan de gestion de risque est demandé au laboratoire et conduit ainsi le CEIP-Addictovigilance en charge de la surveillance de ce produit à être destinataire de ces données, tout comme l’ANSM.

Des points réguliers sont faits, par le Réseau Français d’Addictovigilance en s’appuyant sur ces données transmises, les données collectées par le Réseau via ses différents dispositifs (OPPIDUM, OPEMA, DRAMES, etc.), les données de la littérature scientifique.

Travaillez-vous avec des pharmaciens ? Quelle est la place du pharmacien dans l’addictovigilance ?Les pharmaciens ont un rôle important à jouer. Des liens très étroits se sont tissés au sein des Régions entre chaque CEIP et les pharmacies d’officine, grâce notamment au dispositif OSIAP (Ordonnances suspectes Indicateur d’Abus potentiel). Il fait appel à des pharmaciens volontaires, pour assurer ce rôle sentinelle, de repérer des ordonnances falsifiées, volées, et d’identifier ainsi le hit-parade des molécules. Il a lieu de façon plus intensive, mai et novembre, mais une surveillance au fil de l’eau se fait.

Il y a également des études ad-hoc qui ont eu lieu comme celle sur le méthylphénidate ou les médicaments en vente libre. Les CEIP-A ont été les premiers à signaler en France l’ampleur du phénomène du purple drank  : les signalements ou questions des pharmacies d’officine, la connaissance pharmacologique de ces produits et de leurs conséquences cliniques potentielles, les questions de plus en plus fréquentes sur ces produits de la part des professionnels de santé et des parents eux-mêmes, les hospitalisations d’enfants et d’adolescents… faisaient en plus écho à ce qui s'était passé ailleurs. C’est cette vision

globale, décloisonnée, en lien avec les acteurs de terrains, de proximité et associée à une expertise pharmacologique et médicale, qui est la force de ce réseau.

Quelle est la prise en charge des personnes souffrant d’addictions (traitements de substitution, nouveautés médicamenteuses, etc.) ?La prise en charge des patients présentant une addiction c’est avant tout une prise en charge sanitaire dans laquelle les médicaments ne sont qu’une aide partielle et non exclusive (comme pour toute pathologie chronique). La France a la chance d’avoir un dispositif sanitaire spécialisé en Addictologie avec une offre diversifiée de soins adaptés ainsi à la diversité des typologies d’usagers.

Quel type de prévention est mis en place ?La prévention repose avant tout sur l’information. Pour les abus et addictions aux produits, elle passe par des messages de prévention sur les produits (leur type, leurs effets, leur risque, méthodes/moyens pour minimiser ses risques comme celles axées sur les modalités d’injections pour minimiser les contaminations VIH/VHB/VHC).

Quelles évolutions observez-vous (nouvelles addictions, comportements différents, etc.) ?Si aucun produit de consommation n’est aus-si étudié que le médicament avant sa mise sur marché, il n’est pour autant pas possible d’anticiper tous ses effets indésirables. C’est encore plus vrai pour la problématique de l’abus et des addictions médicamenteuses et des usages récréatifs excep-tionnellement repérés durant les essais cliniques et pourtant bien réels. Le cadre drastique croissant de la réglementation des essais cliniques a encore plus qu’auparavant éloigné les conditions d’utilisa-tions dans ces essais thérapeutiques des conditions réelles futures. La stratégie du rien de plus, pour coller le plus à la réglementation, ne permet pas de « creuser » des potentialités pharmacologiques d’un produit pourtant à risque.

La problématique émergente également est cette des Nouveaux Produits de Synthèse (NPS). C’est un phénomène d’ampleur mondial qui date du début des années 2000, s’est intensifié depuis 2008 et se poursuit plus que jamais, notamment par une accessibilité à ces produits facilitée par Internet. Avec plus de 600 substances identifiées en Europe à ce jour, le panorama des consommations se renouvelle sans cesse, avec des substances particulièrement puissantes

exposant les usagers à une symptomatologie grave et potentiellement très grave à fortiori si elle est méconnue et le diagnostic étiologique non fait par manque de connaissances, de recherche d’éléments d’anamnèse et d’analyse toxicologique. Les populations se sont aussi diversifiées : le risque potentiel d’abus et de pharmacodépendance (ou d’addiction) concerne aussi bien le patient, à qui le médicament a été prescrit et délivré dans le cadre de la prise en charge de sa maladie et qui peut développer une dépendance primaire, que l’usager récréatif de substance psychoactive qui doit également être informé de ces risques potentiels, les jeunes, la ménagère de moins de 50 ans et de plus de 50 ans…L’accès facilité aux produits peut toucher tout le monde…on est loin du stéréotype du toxicomane à l’héroïne des années 50...

Que conseilleriez-vous à un étudiant en pharmacie qui souhaiterait travailler dans le domaine de l'addictovigilance ?

Qu’il vienne assister au Ateliers de Pharma-codépendance & Addictovigilance, qui ont lieu tous les 2 ans (à la mi-octobre à Biarritz).

Qu’il lise et parcourt avec intérêt le N° spécial Addictovigilance que la Revue Thérapie a consacré à cette vigilance.

Qu’il fasse des choix dans l’un des 13 CEIP-Addictovigilance, cette vigilance au service du patient, des usagers, des pro-fessionnels et de la santé Publique, ce qui permet de comprendre que dans ce domaine comme d’autres qui s’intéresse au médica-ment, seule une vision globale et intégrée de la pharmacologie dans toutes ces facettes (pharmacologie, fondamentale, clinique, pharmacoépidémiologie, pharmacologie so-ciale) est essentielle, au risque de passer à côté de l’essentiel.

On remarque que l’alcool et le tabac ne font pas partie des substances inclues dans le dispositif. Y-a-t-il des raisons particulières ?La France dès les années 1990 a eu la bonne idée de mettre en place un dispositif de surveillance des psychotropes sur les rails. C’est l’Agence du Médicament (nom d’époque) qui s’occupant déjà des stupéfiants, des psychotropes s’en est chargée et qui a décidé de déployer le dispositif. Et d’en assurer le pilotage.

Comme l’alcool ne sont pas des produits de santé, et qu’en France l’usage de l’alcool et du tabac était déjà par surveillé l’Agence de Sécurité Sanitaire quand a été lancé le dispositif, c’est

pourquoi l’alcool et le tabac sont donc exclus de ce dispositif.

Cependant, il est à noter que les usagers sont tout de même caractérisés sur leur consommation de tabac et alcool (association avec les médicaments ? y a t-t-il donc des facteurs de risques déjà présents en pratique addictive, sur le tabac et/ou alcool  ? sont donc étudiées l’existence d’addictions croisées qui peuvent caractériser la population, mais la consommation d’alcool/ tabac n’est pas précisément investiguée.

Par ailleurs, dans OPPIDUM et les autres dispositifs, des usagers sont dans les questionnaires interrogés sur leur prise d’alcool/tabac. L’alcool pouvant en effet potentialiser les effets ...

En résumé, l’étude des addictions et substances addictives, n’est pas cloisonnée, mais l’Association Française d’Addictovigilance a pour but de délivrer une expertise dans un domaine précis qui n’inclut pas l’alcool et le tabac. Au regard des connaissances pointues apportées à l’ANSM, cette dernière elle-même mettra en œuvre ou non des actions.

Que pourrait entraîner pour vous en termes de vigilance, l’augmentation du remboursement des substituts nicotiniques ? Comment peut-on anticiper une plus forte fréquentation des consultations d’addictologie ? Il est primordial de ne pas confondre addictologie et addictovigilance.

L’Addictologie fait référence à l’exercice des addictologues, et correspond à la prise en charge en consultation etc.

(Dr Joëlle MICALLEF exerce dans le domaine de l’addictovigilance, c’est-à-dire assure la vigilance des produits vis-à-vis des agences, ou informer un collègue praticien par rapport à un médicament.).

Actuellement d’un point de vue politique de santé publique, pour faire le parallèle avec la dépendance aux opiacés ; le Naloxone ou encore la Buprénorphine sont remboursés. Il était dommage ce que cela ne soit pas le cas pour te tabac. Il apparaît logique que d’autres médicaments contre la dépendance soient également pris en charge (pourquoi pas à l’avenir le Baclofène contre la dépendance à l’alcool ?).

Que pensez-vous de l’idée d’intégrer le cannabis dans la thérapeutique ? Le cannabis c’est un produite connu depuis longtemps mais dont on découvre tous les jours des potentialités. Il est surtout important de pas se tromper de débat, actuellement, c’est ce qui se passe…

Interview réalisée parHéloïse RUSSO

Il convient surtout de distinguer légalisation du cannabis et cannabis thérapeutique destiné à un usage exclusivement médical.  

Pourquoi pas ? On découvre tous les jours des choses sur le système endocannabinoide (alors que le système sympathique et parasympathique est connu depuis 30 ans).

Comme tout produit qui de destine à un usage humain et à la santé il faut qu’une évaluation se fasse. Les essais cliniques doivent être bien menée, la dose administrée standardisée. Dans l’absolu il y a un avenir mais il est indispensable que le cadre de l’évaluation soit respecté pour la mesure des bénéfices et risques.

Il ne faut donc pas confondre addictovigilance et addictologie. Ces deux domaines travaillent cependant en synergie et dans un but de complémentarité.

Page 14: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2926 27

interview

Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ? J’ai acheté ma 1ère pharmacie en 1995 à Montreuil (93). C’est une pharmacie ouverte 24h sur 24, ce qui n’était pas très courant à l’époque. J’étais donc finalement le seul à ouvrir la nuit dans ce secteur, qui est assez particulier.

La date de 1995 n’est pas anodine  : on assiste aux premiers traitements de substitution à la méthadone et à la buprénorphine (Subutex). J’ai donc été confronté à ces traitements, et surtout avant, on n’avait pas le droit de vendre des seringues. Les toxicomanes étaient une population condamnée, et les politiques ne s’en occupaient pas, on les abandonnait. A certains endroits de Paris, on avait laissé s’installer des hommes prenant leurs drogues, sans y prêter attention. Les politiques se disaient qu’ils mourraient bientôt. A la même époque, l’épidémie du VIH émerge, et l’on comprend que ses vecteurs sont ces mêmes toxicomanes qui s’injectaient des drogues. Les politiciens ont alors décidé d’agir, mais pas pour les toxicomanes, surtout pour protéger la société. Et ils ont mis en place de façon très urgente une politique de santé publique. C’est pour cela que nous sommes seuls au monde à pouvoir prescrire et délivrer en ville du Subutex. Dans tous les autres pays, c’est comme la méthadone : il faut avoir une première prescription par un addictologue.

En France, l’urgence était telle que n’importe quel médecin généraliste était habilité à prescrire et à initier ce traitement, tout comme le pharmacien voisin qui pouvait délivrer et initier aussi ces traitements. Le problème était que personne n’était réellement formé à cette démarche d’initiation, et moi non plus, et les premiers mois ont été conflictuels. Les patients nous prenaient pour des monstres, ce que nous étions quelque part, car nous ne savions pas comment les aider.

C’est ce manque total de communication qui m’a poussé à me rapprocher de psychiatres addictologues qui ont pu me former, m’expliquer, me parler de réduction des risques, de la pathologie. Ils m’ont appris à les considérer comme des patients, et non comme des délinquants. De ces formations sont née une amitié, notamment avec le Dr Guy Azoulay, qui avait importé des États-Unis une technique de communication appelée les entretiens motivationnels. Je suis devenu son stagiaire, tant j’étais passionné.

La résistance AUX ANTIBIOTIQUES

Deux ans plus tard, j’ai eu l’opportunité de fonder avec lui une école d’entretiens motivationnels. Dès 1997, j’ai commencé à former des médecins, et je continue toujours aujourd’hui. Hier, j’ai formé le service psychiatrie-addictologie de Nice. Ça leur a plu, j’y retournerai en septembre pour donner une formation continue. A l’origine, ces entretiens motivationnels étaient destinés aux alcooliques, ce qui est assez proche de la toxicomanie.

Au bout de 10 ans, le laboratoire GSK m’a demandé de former les médecins au « déni de l’asthmatique ». C’est lorsqu’un patient qui prend plusieurs fois de la Ventoline associe tout de même sa maladie à des causes extérieures comme la pollution. En effet, elle traite le symptôme et non l’inflammation, et elle peut aggraver l’état de ces patients. J’ai donc pu organiser plusieurs formations sur le territoire français. J’ai été passionné encore une fois, et j’ai compris l’importance que pourraient prendre les entretiens motivationnels, pas seulement pour les toxicomanes, mais dans pleins de domaines différents, et j’ai alors pu travailler sur le diabète, ou encore l’hypertension.

C’est une grande partie de ma vie, car je suis un pharmacien très impliqué, je suis président du syndicat des pharmaciens d’Ile-de-France, élu URPS. Et je consacre la moitié de mon temps à mon travail de formateur. Je suis sous contrat avec trois hôpitaux, dont un à Saint Martin dans les DOM-TOM où je vais 4 jours par mois depuis 5 ans. Dans le pôle addictologie de la Seine-Saint-Denis, j’ai eu l’occasion de former plusieurs fois toute l’équipe du Professeur d’addictologie Pierre Polomeni, et il m’a demandé d’être addictologue dans son service. J’ai donc un rôle d’addictologue, mais je ne prescris pas, je situe le niveau d’implication et de motivation des patients grâce aux entretiens motivationnels (EM). En fonction de l’issue de l’EM, les médecins adaptent leur stratégie.

Qu’est-ce que l’Entretien Motivationnel et quels sont les 5 stades de changement d’une addiction ? Je cherche à distinguer la motivation extrinsèque (l’influence de la société sur l’individu) de la motivation intrinsèque (le patient fait l’effort pour lui-même). Le but des EM est de transformer les motivations extrinsèques en motivations intrinsèques, dans un temps limité puisque l’individu fait un effort ponctuel, et il faut le transformer rapidement en volonté intrinsèque.

René MAAREK

On explore l’ambivalence de la personne, on capte sa personnalité, ses désirs, afin de repérer une alternative plaisante, capable de compenser la perte de la drogue, de cigarettes, … On cherche quelque chose qui l’intéresse assez pour lui suggérer qu’il pourrait échanger l’un avec l’autre. Ce sont ces techniques d’explorations que j’enseigne lors de mes formations.

Il existe 5 stades, et à chacun d’entre eux correspond une stratégie précise du soignant. La Précontemplation  : on est mû par une motivation externe, on fait l’effort de consulter, mais parce que des proches le demandent. On essaie alors de transformer sa motivation extrinsèque en motivation intrinsèque, afin que le patient soit volontaire dans sa guérison. On passe alors au stade de la Contemplation, puis de la Décision, de l’Action et du Maintien. Ces stades, définis par Prochaska, sont représentés sous la forme d’une ellipse. On y inclut comme 6ème stade, la Rechute, afin de ne pas stigmatiser l’échec. Le patient qui rechute reste dans le cycle du sevrage et garde toutes ses possibilités d’évolution. Le cercle n’est pas déterminé par rapport à une personne, mais par rapport à un comportement  : l’alcoolisme, la cigarette, …

Par exemple, au stade du maintien (après le sevrage), il faut éviter les situations à risque de rechute, explorer l’ambivalence. C’est ce que je fais en Seine-Saint-Denis et à St Martin. Je travaille aussi beaucoup pour l’Agence Régionale de Santé (ARS), dans le domaine de l’observance médicamenteuse, qui est liée aussi à la motivation du patient.

Quel est le 1er intermédiaire vers lequel se tourne le patient lorsqu’il rencontre des problèmes d’addictions ?À une époque, il se tournait vers le médecin ou certaines structures, mais aussi à la pharmacie. En 1995, 70 000 patients ont voulu s’auto-sevrer sans Subutex et ont trouvé une solution un peu brinquebalante qui était le Néocodion, ce qui les aidait à compenser leur manque. Il y avait trois catégories : ceux qui prenaient de la méthadone (les cas les plus lourds), puis ceux qui prenaient du Subutex, et ceux qui prenaient du Néocodion.

Le listage de la codéine était indispensable aujourd’hui, et je suis intervenu avec le Dr Lowenstein, grand addictologue, à une table ronde où était présent Nicolas Authier, (NDLR  : médecin psychiatre, spécialisé en pharmacologie et addictologie et président de la commission des

stupéfiants et des psychotropes). Il aurait fallu que les pharmaciens soient consultés et qu’il y ait des concertations comme dans d’autres pays où ils avaient été mis au courant du listage de la codéine 6 mois avant pour avoir le temps d’adresser les patients aux médecins correspondants et de prévenir les usagers. De plus, ce listage a été fait en plein mois de juillet et par conséquent les 70 000 personnes se sont retrouvées sans rien du jour au lendemain, avec des médecins en congés ou qui ne souhaitaient pas prendre de nouveaux patients. Certains sont retombés, d’autres ont fait de fausses ordonnances, ou encore ont repris des substances pour compenser dont majoritairement de l’alcool...

Ces populations consommatrices de substances sont très différentes. Les psychiatres aiment dire que c’est la drogue qui fait l’homme, et non l’inverse.

Quel parcours le patient va-t-il suivre pour sa prise en charge ?  En France, n’importe quel patient peut consulter n’importe quel médecin et avoir une prescription de Subutex et se sevrer immédiatement. Cependant, dans l’AMM de 1995 de la métha-done et du Subutex, il était prévu qu’il existe un accompagnement psychologique en parallèle du traitement. Mais dans l’urgence, ces recom-mandations ont été complètement négligées. Aujourd’hui, les professionnels d’addictologie disent qu’il est temps de suivre ces recomman-dations, maintenant que le problème de santé publique a disparu (les seringues des toxicomanes

sont responsables de 0,3 % des contaminations par le VIH). On peut donc s’occuper de l‘individu plutôt que de la société. C’est pourquoi j’interviens autant, car l’EM est centré sur la personne.

Dans quelle mesure le pharmacien d’officine peut-il prendre part à la prise en charge ?

Il est indispensable ! Il voit plus fréquemment le patient – tous les 7 jours ou 14 jours. Le rapport du patient avec son pharmacien est plus sain par rapport à celui avec son médecin, où il a tendance à séduire et à mentir pour avoir une prescription, tandis qu’avec le pharmacien, il est dans un réel échange. Si le pharmacien connaît bien son travail et n’est pas dans le jugement, il est plus facile pour eux de parler de la substance. On dit que la personne qui s’est droguée a vécu une histoire d’amour avec sa substance, l’héroïne, la cocaïne… Et donc qui mieux que le pharmacien pour lui parler de la chimie et d’effets de sa substance  ? Les patients adorent. C’est ce qui rend leur communication plus sincère. Et il ne faut pas oublier que le pharmacien est aussi acteur de la réduction du risque par la vente de seringues et Stéribox  : il a ainsi une relation très vaste avec le patient.

Je fais également partie d’une commission Santé Addiction, où l’on a fait une photographie aujourd’hui de l’état de la prescription et de la délivrance. Et pour 80 % des patients, les pharmaciens sont au courant de tous les autres traitements que prennent ces patients, tandis qu’il a un médecin de famille et un médecin pour son addiction, et les deux ne communiquent pas toujours. Le pharmacien occupe donc une place très importante dans le conseil, les interactions médicamenteuses, le suivi …

Travaillez-vous également en collaboration avec les hôpitaux et les médecins ?Oui, il y a 15 ans, on a fondé, avec un confrère de Strasbourg, Pharm’addict  : on travaille en micro-réseaux  : 1 pharmacien et 1 médecin qui veulent bien s’occuper des jeunes. J’ai, pour ma part, travaillé dans les banlieues lilloises très catholiques, où les médecins et pharmaciens ne voulaient pas entendre parler d’avortement, de pilule contraceptive, de drogue. On allait là-bas afin de trouver un médecin et un pharmacien volontaires pour pouvoir aider ces jeunes, et on a fait ça dans toute la France.

Page 15: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2928 29

Quelle est la différence entre une consultation avec vous et avec un addictologue ou un psychiatre ?

La seule différence c’est que je ne prescris pas. Et eux peuvent faire les EM, mais ils ne sont pas encore bien formés. C’est assez complémentaire, et ce qui est bien c’est qu’on observe une réelle amélioration de la prise en charge du patient. Faire peur au patient n’a jamais marché, c’est comme les photos sur les paquets de cigarettes, ce qui fonctionne c’est de trouver une « alternative sympa » pour que le patient puisse aussi y trouver son compte.

Il faut explorer l’ambivalence, c’est-à-dire que l’on décide quelque chose sans se donner les moyens de réussir. Elle est constante chez l’être humain. 80 % de la population arrive à avancer malgré son ambivalence, tandis que 20 % restent englués. On les aide en rentrant dans leur intimité, et leur fonctionnement. On peut alors les aider à résoudre l’ambivalence, on les guide pour qu’ils trouvent en eux la solution.  

En tant que président de l’Union des Pharmaciens de la Région Parisienne (UPRP), quelles actions menez-vous concernant l’addictologie ? L’UPRP c’est un syndicat de pharmaciens. Mon rôle est de défendre la profession, en général, et surtout sur la rémunération. Mon expertise en addictologie m’a servi à interpeller Agnès Buzyn, actuelle Ministre des Solidarités et de la Santé, pour la codéine et d’être audible. Je peux être confronté à Nicolas Authier sans être ridicule. Dans ce domaine-là et dans celui de l’observance, tout ce qui est lié aux entretiens motivationnels, ça me permet d’être crédible. Je suis plus connu en psychiatrie et addictologie, je publie. Et je rappelle à chaque fois que je suis avant tout pharmacien, qu’on est au centre du traitement, et qu’on peut aider : le pharmacien connaît le patient, son traitement, sa situation sociale (grâce à la carte vitale), sa famille, tout. En 20 ans, j’ai réussi à faire valoir la posture du pharmacien parmi les addictologues.

Nous parlons beaucoup en ce moment de la revalorisation du rôle du pharmacien d‘officine, avec notamment la possibilité de prescrire certains médicaments. Quelles évolutions pourraient avoir lieu au niveau de la prise en charge des addictions ? L’une des propositions que j’ai faite à Nicolas Authier est de créer une classe de médicaments avec de la codéine, dispensés à la pharmacie pour une courte période de 48h, avec une inscription au DP ou au DNP. Car il n’y a pas de raisons que le patient en manque de substance souffre, le temps d’aller voir son médecin. Cette proposition est à l’étude par le gouvernement, et c’est un rôle que le pharmacien d’officine pourrait jouer prochainement.

Installer des distributeurs-échangeurs de seringues, avec un kit (2 seringues, 2 préservatifs, 1 filtre) fut une autre proposition concrète que j’ai réalisée dans ma pharmacie, à l’époque où le maire de Montreuil ne voulait plus qu’il y ait de seringues usagées qui traînent dans les rues. Ça a coûté 10 000 euros, mais au bout de quelques années la ville a gagné économiquement et on ne trouvait plus aucune seringue par terre. Le pharmacien représente une interface entre la population et les autorités sanitaires et politiques. Il faut qu’on prenne à cœur ce rôle privilégié.

Selon vous, quelles sont les idées ou mesures à développer pour une meilleure prise en charge ?Je suis convaincu que tous les soignants doivent être formés à l’EM au milieu de leur cursus universitaire. Il a été prouvé que la meilleure posture pour un soignant est l’empathie : qui n’est pas évidente à déterminer. Il y a 4 postures : Sympathie (on compatit à la situation du patient et on agit pour lui, ce qui lui enlève son autonomie et aggrave l’observance), l’Empathie (on partage avec le patient mais chacun reste à sa place, et c’est au patient de travailler), l’Apathie et l’Antipathie.

J’ai formé individuellement des professionnels de santé à l’empathie, afin que chacun trouve une technique propre à sa personnalité. En 3 mois, on est passés de 43 à 85 % d’observance, et l’équipe a été formée en 3 jours.

Que conseilleriez-vous à un étudiant en pharmacie qui souhaiterait travailler dans le domaine de l’addictologie ? Travailler en officine en fait déjà partie, et sinon se former, assister à certains congrès et confé-rences, intégrer des réseaux. Se rapprocher de confrères pour être incorporé dans des forma-tions. La formation de l’étudiant en pharma-cie ne couvre pas ces notions, il faut apprendre soi-même, comprendre de quoi il s’agit.

Mais c’est un peu dénaturer notre fonction, le pharmacien d’officine est un généraliste. Ce qui est beau c’est qu’on est à la fois commerçant, chef d’entreprise, et professionnel de santé.

Interview réalisée parHéloïse RUSSO

INTRODUCTIONIndustries en France

Page 16: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2930 31

Interview réalisée par.....................

Panorama de L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

interview

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?Je suis gastro-entérologue de formation, ancien praticien hospitalier, j’ai exercé pendant 4 ans dans un hôpital en banlieue Nord de Paris. Je faisais de la réanimation endoscopique. Je suis venu à l’industrie par une succession de hasards : j’ai d’abord travaillé comme consultant auprès d’une firme qui a sollicité mes connaissances pour un dossier d’AMM, puis je suis devenu PDG de cette firme. Il était alors question que je quitte l’hôpital pour me consacrer à cette activité, ce que j’ai dans un premier temps refusé, pour continuer cette double activité – en étant hospitalier d’une part et formateur auprès de cette entreprise d’autre part. J’ai finalement découvert un monde qui m’a attiré, celui de l’entreprise, que j’ai décidé de rejoindre –après une formation à l’INSEAD.

Je suis devenu responsable du développement commercial, puis directeur marketing auprès d’un groupe qui a été ultérieurement racheté par Pfizer. J’ai par la suite souhaité créer mon entreprise (en 1995), Fujisawa, à capitaux japonais. Elle a fusionné avec une autre entreprise japonaise, pour créer Astellas, que je dirige aujourd’hui. Cette entreprise est spécialisée dans la transplantation, les immunosuppresseurs, la cancérologie (cancer de la prostate, de la vessie, de l’estomac, lymphome) et les antibiotiques hospitaliers.

J’ai candidaté à la présidence du Leem en 2012 et j’ai été élu en 2013, pour finir mon mandat au mois de septembre 2018.

Pouvez-vous nous parler de la manière dont les start-up et les laboratoires travaillent avec les industries ?Dans le monde des biotechnologies (mais également de la génomique), beaucoup d’entreprises sont -hélas- anglo-saxonnes. Celles-ci essayent de développer des modèles d’activité moléculaire, et de trouver le concept physiologique ou physiopathologique permettant de s’appuyer sur les connaissances actuelles de la science pour trouver une arme thérapeutique. Ces instituts et start-up travaillant dans le domaine dit de la recherche fondamentale font émerger une molécule ou une biotechnologie dont l’action est potentiellement efficace. Tant que les essais sont réalisés sur des modèles animaux ou sur des volontaires sains (essais de phase II), les coûts sont absorbables par une entreprise naissante.

Dès l’entrée dans la phase de développement clinique, les coûts et les besoins logistiques sont tels qu’il est rare qu’une start-up puisse y arriver seule. C’est à cette étape que l’on retrouve des alliances entre des industries dotées de ces moyens et des start-up, qui ont exploité leurs compétences au maximum, voire qui ont pu être cotées en Bourse.

Par une suite d’investissements et de capitalisation, certaines start-up s’offrent à des groupes disposant de moyens pour pouvoir finir le travail de développement de ces molécules. C’est la raison pour laquelle il y a une concentration des essais cliniques, de phase IIb et IIIa, sur des groupes plus puissants.

Ce processus existe également dans le cas des partenariats public-privé, où à la recherche publique s’associent à des capitaux privés.

Quelle est l’importance de maintenir les essais cliniques en France ? Cette importance est triple :

1. Préserver pour nos concitoyens la chance d’ac-céder à des molécules dès leur développement en phase III. Il existe donc un enjeu majeur de santé publique à faire en sorte que le dévelop-pement clinique s’opère en France. Cet aspect est particulièrement valable pour des patients en situation d’impasse thérapeutique, qui pour-raient avoir accès précocement à un traitement.

2. La recherche clinique fait partie du rayonnement scientifique de la France. Une baisse de celui-ci paraît difficilement acceptable quand on sait que la France a été pendant près de cinq siècles un territoire où la médecine a éclos et s’est développée. La perte de la compétitivité scientifique de la France est donc un vrai sujet, qui a d’autres conséquences, notamment celle de la fuite des talents.

3. La diminution des essais cliniques en France est souvent le témoin d’une complexité à accéder au marché sur le territoire. Le parallélisme est assez clair entre le niveau d’investissement des firmes et la vitesse d’accès au marché dans un pays (plus de 500 jours en France). Il y a un effet de réciprocité entre accès au marché et investissements, qui encourage au maintien des essais cliniques en France, notamment à travers la facilitation de l’accès au marché.

Patrick ERRARD

Ces délais sont liés principalement à une complexité de la procédure, et à l’illisibilité des règles. Ces différents aspects sont à l’ordre du jour du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS) du 9 juillet 2018.

L’investissement des essais cliniques en France est moins important qu’il ne l’était par le passé. Cette constatation est à nuancer, car les investissements sont très divers suivant les secteurs. L’investissement en cancérologie est constant, ce qui est dû notamment à la qualité de la recherche française dans le domaine. En revanche, dans des domaines plus fragiles comme la neurologie ou le cardiovasculaire, la France perd de la compétitivité par rapport aux autres pays européens.

Qu’en est-il des CRO dans l’écosystème et la dynamique actuelle du monde de la recherche clinique ?L’utilisation des CRO par les grands groupes est elle-même internationalisée, permet de simplifier la logistique des essais cliniques. Le choix de la sous-traitance est indispensable et permet de gagner en efficacité. Très peu d’entreprises internalisent encore cette activité.

Selon vous, la formation des étudiants en pharmacie est-elle adaptée aux besoins de l’industrie ?Selon moi, la formation des pharmaciens notamment ceux qui se destinent à une carrière industrielle, est probablement la meilleure qui soit en Europe. Le cursus a toujours été constitué de manière centrifuge, ouvrant à des voies multiples. L’enseignement y est de qualité, et les Doyens des Facultés de Pharmacie se posent régulièrement la question d’actualiser les programmes. En comparaison, la réforme des études médicales est à mon sens évidente. Il semble évident qu’il faille former davantage les futurs médecins à la psychologie, à la philosophie, et à l’enseignement sur le médicament (à l’inverse, il faudrait probablement renforcer l’enseignement médical en pharmacie, afin que les pharmaciens participent davantage au processus de délégation de tâches et de parcours de soins).

A mon sens, au sortir des études de pharmacie, il est souvent facile de s’insérer directement dans le monde de l’industrie. Les étudiants issus de ce cursus sont très adaptables, et on les retrouve aussi bien au marketing, qu’aux affaires réglementaires… Cela tient à leur formation, qui est elle-même flexible. La possibilité de réaliser des stages en fin de cursus et d’être immergé dans le monde de l’industrie est également très appréciable.

Il est vrai qu’une deuxième formation est extrêmement appréciée. Selon moi, les trois «  voies royales » sont les suivantes :

Compléter ses études de pharmacie par une école de commerce ou un MBA, si l’on souhaite exercer dans le marketing, le commercial etc. L’inconvénient selon moi est que les profils sortants de ce type de formation sont très formatés. Se former sur l’économie, la régulation est l’accès au marché est très recommandé pour un pharmacien.

Le domaine des affaires pharmaceutiques et en particulier celui de la qualité. Depuis 5-6 ans, le réglementaire a baissé en terme de potentiel d’attractivité (notamment car l’AMM est devenue principalement euro-péenne, et que les départements d’accès au marché sont devenus compétents en la matière). Dans un même temps, l’assurance qualité a pris une puissance extraordinaire –audit, réclamation …– Il existe donc une deuxième voie dans le domaine des affaires pharmaceutiques, qui touche à l’AQ, qui est à fortement considérer.

La troisième voie est le médical. En effet, la raréfaction des médecins à certains postes a fait que le secteur s’est considérablement ouvert aux pharmaciens. Ces derniers font d’excellents scientifiques aux affaires médi-cales, et leur mode de réflexion est bien plus adapté à l’industrie pharmaceutique que celui des médecins. Il existe de nombreux postes dans ce domaine  : référent médical et MSL (Medical Science Liaison), qui connaît une véritable explosion.

Une carrière dans l’industrie pharmaceutique suppose également d’avoir un anglais irréprochable, et le niveau d’exigence est extrêmement élevé.

Auriez-vous des conseils à donner à des étudiants souhaitant s’orienter vers la recherche clinique ?S’il souhaite faire du développement clinique (phase II-III), il est nécessaire de compléter son cursus de pharmacie par une formation complémentaire en statistiques, et en réglementaire (normes ICH et ce qui touche à la pharmacovigilance et aux bonnes pratiques). En France, ce type de postes s’exercera en tant que référent médical au sein d’une filiale française d’un grand groupe, et il s’agira de gérer l’implémentation des essais cliniques. Pour être à la source de l’élaboration et du suivi des essais, il est nécessaire de travailler à l’étranger, où sont domiciliés les grands groupes. La plupart des centres névralgiques de recherche ne sont pas en France. Il faut savoir qu’il y a peu de places dans ce domaine, et beaucoup de candidats.

Auriez-vous un message à adresser aux étudiants ?Je pense que vers la fin de vos études vous arriverez à des âges où vous devrez faire face à des choix, qui pourront être tiraillés entre votre vie personnelle et votre carrière. Les managers ont trop tendance à oublier cet aspect. De mon expérience, les deux ne sont pas compatibles dans le même temps. Personnellement, j’ai dû refuser certains postes à l’étranger à un certain moment de ma carrière, afin de me consacrer à ma vie de famille. Il est important de faire des choix clairs et de s’y tenir. Je pense que beaucoup de jeunes oublient de faire ce choix, ou réalise sa nécessité a postériori.

Par ailleurs, des entreprises –la mienne en fait partie– accueillent de nombreux stagiaires et se sentent investies d’une mission de formation.

Page 17: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2932 33

Attractivité de la France pour la RECHERCHE CLINIQUE SUR LE TERRITOIRE FRANÇAIS

interview

Quel est votre parcours professionnel ?

Je suis médecin spécialiste en anesthésie et réanimation. J’ai exercé comme praticien hospitalier au CHU de Bicêtre en réanimation chirurgicale. Ensuite j’ai décidé de rentrer dans l’industrie pharmaceutique pour voir autre chose parce que je pensais à juste titre pouvoir découvrir de nouveaux horizons. J’ai complété ma formation quelques temps plus tard avec un MBA (ndlr  : Master of Business Administration) à l’ESSEC pour avoir plus de compétences en management et en stratégie, bien que je n’aie jamais souhaité travailler dans le marketing.  Ce qui m’intéressait avant tout c’était la médecine et la science, c’est ce que j’ai toujours fait.

Ma carrière s’est faite dans 4 laboratoires. D’abord Roger-Bellon (groupe Rhône Poulenc), puis Sanofi pendant 20 ans où j’ai eu différentes fonctions scientifiques et médicales à la direction médicale du groupe au niveau mondial. J’ai ensuite pris le poste de Chief Medical Officer chez Nestlé Health Sciences en Suisse qui est une création du groupe Nestlé pour travailler sur la nutrition médicale, son rôle dans les maladies et comment les traiter avec des produits assez sophistiqués. Enfin Je suis revenu en France où j’ai pris le poste de Chief Scientific Officer chez Novartis France, fonction que j’ai quittée il y a très peu de temps pour prendre celle de conseiller scientifique auprès de la Direction Générale de Novartis France.

Pouvez vous nous expliquer ce qu’est le LEEM ?

Le LEEM (ndlr  : Les Entreprises du Médicaments) c’est le syndicat de l’industrie pharmaceutique. Pratiquement tous les laboratoires présents sur le territoire français sont adhérents au LEEM. C’est donc un syndicat relativement puissant puisque l’industrie pharmaceutique est un secteur qui représente en France un poids important en termes industriel et de balance commerciale.

Notre problème en France c’est qu’en même temps que l’on est considéré par les autorités comme le syndicat d’une industrie très importante, nous sommes aussi le syndicat d’une industrie qui coûte cher à la sécurité sociale. Donc nous sommes en fonction des interlocuteurs, soit tout à fait d’accord, soit plutôt opposés. Par exemple, quand on rencontre

la direction générale de la Sécurité Sociale, le discours est très tranché, c’est-à-dire qu’ils ne comprennent pas pourquoi un médicament est plus cher qu’un autre, ni pourquoi les médicaments sont aussi chers. Pour eux les médicaments devraient toujours avoir un coût moindre. C’est un jeu de dupe car les gens qui sont en face de nous dans les institutions de santé sont parfois des personnes issues de l’industrie pharmaceutique qui connaissent parfaitement les prix des médicaments et leurs justifications.

Selon vous pourquoi certains tiennent un tel discours ?

La France a depuis plusieurs années du mal à équilibrer le budget de la sécurité sociale qui est en déficit chronique. Elle met toute la responsabilité sur le médicament alors que le médicament représente à peu près 10 à 12 % de ses dépenses. Elle ne peut pas ou ne veut pas s'intéresser aux structures de soin qui sont le vrai problème. On note aussi un défaut de l’organisation du système de soin et son accès qui est très compliqué. Ces dépenses sont peu discutées car elles sont beaucoup plus politiques que le prix du médicament.

Pour vous qu’est-ce que le développement clinique et quelle est sa place en France ?

Le développement clinique c’est extrêmement important pour les filiales pharmaceutiques et notamment françaises au niveau des maisons-mère, mais aussi pour la France au niveau des hôpitaux, des centres de soin, etc...

C’est une grosse machine et la France est considérée comme l’un des pays les plus importants au monde en termes de capacité de développement clinique. Il permet de disposer des médicaments longtemps avant leur mise sur le marché pour en faire profiter des patients dont le traitement n’est pas optimal et qui en tireront le plus grand profit, pour traiter des maladies rares mais aussi toutes les maladies qui n’ont pas de solutions thérapeutiques pour certaines populations. Quand je dis ça je vous parle surtout de l’oncologie dont la recherche de produits innovants est quelque chose de majeur. Tout le monde (autorités, universitaires, et tous les acteurs impliqués) est d’accord avec cette idée, mais le souci c’est que la machine administrative va dans le sens inverse.

Elle est tellement compliquée et peu tournée vers une compétitivité internationale qu’au lieu de favoriser la recherche clinique, elle fait tout ce qui faut pour la rendre difficile voir décourageante par des contraintes légales et réglementaires.

Quels sont les différents aspects de ces contraintes qui freinent les essais cliniques ?

Il y a trois contraintes. Tout d’abord les autorisations de l’ANSM (ndlr  : Agence Nationale de Sécurité du Médicament) : quand on dépose un protocole pour réaliser une étude en France, il y a un délai maximum de 60 jours entre le dépôt du dossier et le moment où l'on reçoit l'autorisation de commencer l’étude. La médiane effective de ce délai était de 57 jours ce qui signifie que la moitié des protocoles déposés ont une réponse qui nous revient largement après ces 60 jours, parfois plus d’un an. Dans les autres grands pays européens ces délais sont beaucoup plus courts, en général de l’ordre de quelques semaines, et les délais sont quasiment toujours respectés. Si on a introduit cette notion de médiane en France c’est parce qu’il était important de chiffrer ce délai et les retards. L’ANSM est cependant en train de prendre le problème à bras le corps avec l’aide du LEEM. L’objectif pour 2018 est une autorisation pour la très grande majorité des protocoles en moins de 60 jours.

Ensuite il y a les comités d’étique qui sont des comités qui dépendent de la DGS (ndlr  : Direction Générale de la Santé). Il en existe 39 en France répartis sur l’ensemble du territoire mais avec des capacités et des compétences très variables. Certains sont de « vrais » comité d’éthique, c’est-à-dire avec des personnes qualifiées sur les sujets évoqués et une capacité à faire appel à une expertise via des médecins spécialisés pour comprendre un protocole. Dans ce cas il est tout à fait possible que le comité d’éthique rende son avis dans un délais légal de 60 jours maximum. A l’autre bout, nous avons des comités d'éthique peu reconnus et mal vus car quand les laboratoires avaient le choix de déposer leurs protocoles au comité qu’ils souhaitaient, ces comités ne voyaient pratiquement aucun protocole, car ils n’étaient pas jugés compétents et mettaient en plus des délais très longs avant de donner leur avis. Un changement important est arrivé avec le décret de la loi Jardé (loi publiée au Journal Officiel en 2012 et mais dont les décrets ont été publiés en 2016) qui est la loi qui régit les comités d’éthique en France. Cette dernière impose un tirage au sort par la DGS du comité d’éthique qui va évaluer un protocole. Il est donc possible de tomber sur des comités qui n’ont pas d’expertise sur le protocole ou qui ne connait pas réellement la pathologie dont il est question.

Ce problème est aujourd’hui au centre de la réflexion du LEEM, de la DGS, du CNRIPH (ndlr  : Comité National pour la Recherche Impliquant la Personne Humaine) et des comités qui travaillent beaucoup pour améliorer ce processus.

Enfin, il y a la convention unique, c’est-à-dire le contrat financier qui est signé entre un laboratoire pharmaceutique et les institutions. Jusqu’à il y a maintenant 1 an et demi un laboratoire faisait un contrat hôpital par hôpital ou avec chaque investigateur. Cela a posé un problème aux autorités car pour un même protocole on pouvait arriver à des prix totalement différents, ce qui est contraire à la législation française. D’où la mise en place de la convention unique qui permet aux laboratoires, une fois le protocole mis en place et validé, de choisir un centre hospitalier de référence (en pratique celui de l’investigateur principal) dont le directeur signera un contrat où sont répertoriées toutes les tâches, et combien coûte la mise en place et la réalisation du protocole. Une fois signé, cet hôpital principal va adresser ce contrat à tous les autres hôpitaux participant à l'étude. Ils auront le droit d’émettre des commentaires mais ne pourront réclamer de modifications. Par exemple, le prix d’une IRM (Imagerie par Résonnance Magnétique) coûtera le même prix chez tous les investigateurs.

Tous les acteurs s’aligneront sur la convention unique qui aura été établie. C’est un système qui fonctionne aujourd’hui relativement bien.

Nous sommes censés, dans les mois qui viennent, avoir optimisé ces 3 aspects afin de permettre le démarrage des protocoles en 60 jours maximum et le bon déroulement des essais. C'est un progrès considérable. Même si ces optimisations n’auraient pas lieu, nous resterions au-dessus de certains pays comme l’Espagne ou l’Angleterre.

Est-ce que la collaboration public-privé est indispensable ?

C’est absolument indispensable car la science ne peut pas avancer uniquement avec les laboratoires ou institutions publiques. Ils ont une compétence remarquable dans beaucoup de domaines scientifiques mais ne possèdent pas les moyens de développer des médicaments. Les laboratoires pharmaceutiques ont eux leurs propres centres de recherche et travaillent aussi avec des instituts comme l’INSERM (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) afin d’avancer sur certains concepts et certaines idées. Notre but commun est de faire en sorte de développer de nouveaux médicaments. Que le médicament vienne,

Pharmacien Demain › n° 28 33

Jean ZETLAOUI

Interview de Jean Zetlaoui, président du groupe attractivité de la France pour la recherche clinique du LEEM

ou ai été proposé par l’INSERM ou le laboratoire pharmaceutique n’est pas le problème. Ce produit va être développé par un laboratoire pharmaceutique qui a les moyens de le faire ce qu’aucun laboratoire public ne pourra faire. En France on dit que les gros laboratoires piquent les brevets des petites institutions, des petits laboratoires et des start-up, mais c’est un message faux et purement franco-français. Quand on regarde sereinement les chiffres de dépôt de brevet, les laboratoires pharmaceutiques sont ceux qui déposent, de très loin, le plus de brevets.

Vous avez dit plus tôt que l’oncologie était un des domaines thérapeutiques les plus investigués, quels sont les autres domaines où la France se distingue sur le plan international ?

Il y a la rhumatologie avec des experts français remarquables, toujours le cardiovasculaire où la France est un pays phare et aussi les maladies rares. Il y en a 6000 à 8000, et aujourd’hui, aucun labora-toire ne peut se vanter de travailler uniquement aux maladies rares. C’est très compliqué, ça demande beaucoup d’implication, de personnel, mais on essaie de le faire. On pense aussi que les maladies rares sont plus susceptibles d’être traitées par une approche génomique que médicamenteuse, même si ces deux approches ne sont pas incompatibles, car on sait que l’on peut impacter le génome avec un médicament. Il y a aussi les domaines de l’ophtal-mologie dont la France est un pays pionnier ainsi que la vaccination avec par exemple Sanofi Pasteur.

Page 18: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2934 35

Le sport est-il une drogue ?

Refuser une soirée pour aller courir

le lendemain matin ? Ne pas aller

en cours pour pouvoir faire sa

séance de musculation ? Tels sont

les signes d’une addiction au sport.

Et celle-ci est bien réelle. Comme

pour toutes les autres addictions,

le patient est dépendant d’une

substance, ici ce sont les hormones

et autres neuromédiateurs sécrétés

par son organisme.

On retrouve en particulier les

endorphines, hormones à la fois

du plaisir et de lutte contre la

douleur. Ces opiacés endogènes

vont être à l’origine d’une sorte de

dépendance due à l’accoutumance

du corps. Le sportif va donc

devoir aller toujours plus loin pour

ressentir les effets euphorisants.

C’est souvent suite à une blessure

que l’addiction à l’activité sportive

se fait ressentir. En effet, après une

journée ou deux de repos forcé, le

sportif se sent nerveux et ressent

un réel besoin physique d’aller

faire du sport. Certains sont même

amenés à continuer leur activité

malgré leur blessure.

Ce type d’addiction est encore

mal expliqué. De nombreux

autres facteurs entrent aussi en

jeu comme l’amélioration de la

silhouette, le besoin de se dépasser

ou encore combler un vide affectif.

Certains vont même jusqu’à la

dépression.

Le sport est bon pour la santé mais

à consommer avec modération !

Héloïse RUSSO

En Brève

Pharmacien Demain › n° 29 35

Parmi les nombreux domaines de la pharmacie de la santé, est-ce que les biomédicaments et les biotechnologies vous semblent être porteurs pour l’avenir ?

C'est un domaine extrêmement porteur. La façon dont on recherche un médicament aujourd’hui est beaucoup plus liée à des techniques qui permettent d’identifier et de mettre en place des outils, après avoir bien cerné la maladie et sa physiopathologie, pour comprendre ce qui se passe au niveau génomique pour commencer à adresser les problèmes à cette échelle. Il existe des cas où un simple médicament par voie orale sera suffisant, mais beaucoup d’autres ne seront pas résolus avec cette approche.

La proportion de médicaments biologiques en cours de développement ou de mise sur le marché par rapport aux médicaments chimiques est en accroissement permanent quelle que soit l’aire thérapeutique concernée.

Il y a par exemple aujourd’hui une famille de produits appelés les anti-PCSK9 qui sont des produits hypocholestérolémiants. Leur efficacité sur le cholestérol sérique et sur les plaques de cholestérol n’a absolument rien à voir avec celle des anti-cholestérolémiants que l’on connait jusqu’à présent. Ce sont de véritables «  karcher  » des artères. Au bout de quelques mois de traitement les plaques d'athérome peuvent régressés, ce qui n’avait jamais été observé avec les autres traitements qui permettaient seulement de limiter l’aggravation des plaques de cholestérol.

Pour vous donner un autre exemple, il existe un médicament biologique chez Novartis contre le psoriasis. C’est la première fois dans l’histoire du traitement de cette maladie totalement négligée qu’on peut redonner aux patients une peau quasi normale. Ça parait anodin mais c’est capital car même si ce n’est pas une maladie mortelle, le psoriasis entraine des troubles psychologiques importants.

Tous ces médicaments ont en général une efficacité qui n’a rien à voir avec ce qui existait auparavant. C’est pourquoi la plupart des grands laboratoires tournent aujourd’hui leur recherche et donc leurs essais cliniques vers des produits de biotechnologie.

Concernant ces produits spécifiques, est-ce que la réglementation en vigueur diffère ? Comment cela se passe-t-il au niveau des comités d’éthique ? Quels sont les différences législatives ?

L’encadrement est identique pour les médicaments biologiques et ceux de chimie classique mais il est différent pour les médicaments de thérapie innovante qui vont avoir un effet majeur au niveau du génome des patients, comme par exemple pour le traitement de certaines leucémies. Les processus réglementaires sont très complexes et n’ont rien à voir avec ceux en vigueur pour les autres médicaments. Ce sont aussi des produits très couteux, par exemple l’hôpital Necker a mis au point un traitement de l’anémie falciforme (ndlr  : Autre nom de la drépanocytose) avec une manipulation génétique publiée dans la revue "New England  Journal of Medicine" avec un coût de 500.000 dollars par patient.

Est-ce qu’il est intéressant selon vous qu’un étudiant français qui est intéressé par la recherche clinique ait une expérience à l’étranger étant donné que la France est très réputée dans ce domaine ?

Je pense qu’un étudiant n’a pas forcément besoin de voir ce qu’il se passe à l’étranger car comme je le disais la France est un pays reconnu pour ses compétences dans le domaine de la recherche clinique. Selon moi la bonne chose à faire est de trouver un centre de recherche d'excellence où il poursuivra ses études. Ce que je disais pour les comités d’éthique est aussi valable pour ces centres d’investigation et hôpitaux. Il y en a qui sont à la pointe pendant que d’autres sont plus en retard.

Il faut se renseigner, quel centre fait quoi, qu’est-ce que ce centre publie dans la littérature scientifique et quelles sont ses méthodes de travail.

Je pense en revanche qu’il est très intéressant pour les étudiants de savoir ce que font les CRO (Contract Research Organization). Ce sont des sociétés privées qui travaillent à la demande des laboratoires pour les aider à réaliser des protocoles. La recherche clinique est une activité variable pour un laboratoire, car on n’a pas toujours la même charge de travail au cours d’une année ou d’une année sur l’autre, donc on utilise le service de ces CRO quand on en a besoin pour mettre en place tout ou une partie d’un protocole. Il est important de le savoir car réaliser un stage ou travailler dans une CRO est une très bonne carte de visite.

Selon vous pour un étudiant en pharmacie, quels sont les parcours à privilégier ? A quoi faut-il s’intéresser pour faire de la recherche clinique ?

Avant tout poursuivre ses études, réaliser des stages en industrie pharmaceutique au sein des unités de développement clinique, et surtout bien apprendre et comprendre la réglementation car c’est quelque chose d’incontournable et la faute n’est pas acceptable. Les grands laboratoires ont fréquemment des inspections de l’ANSM et d’autres instances de santé et ils aussi réalisent des audits internes de la maison mère... C’est très important à considérer pour un étudiant qui veut se lancer dans ce domaine, sans oublier les aspects réglementaires.

Vous nous avez dit que votre MBA à l’ESSEC vous semblait nécessaire pour travailler dans l’industrie pharmaceutique au sein de domaines moins scientifiques, est-ce qu’il vous semble indispensable, pour travailler en recherche clinique, d’avoir des connaissances de marketing ?

Non car il y a un mur entre le marketing et la recherche clinique dans les grands laboratoires. Ces deux domaines communiquent peu. Les dé-partements médicaux, de développement clinique, d’affaires réglementaires, de Pharmacovigilance et tous les autres travaillant dans le domaine scienti-fique doivent collaborer avec les équipes marketing mais n’ont pas à travailler pour elles afin d'éviter tout risque réglementaire.

Interview réalisée par.....................

LE MARCHÉ DES DISPOSITIFS MÉDICAUX EN FRANCE ET DANS LE MONDE

interview

Pouvez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

J’ai fait des études de pharmacie à Toulouse, que j’ai complétées par un master 2 de droit de la santé. Si les pharmaciens sont plus nombreux à s’orienter vers l’industrie du médicament, mon choix s’est porté sur le secteur des dispositifs médicaux (DM). J’ai effectué mon premier stage d’externat au sein de la pharmacie des dispositifs médicaux au CHU de Toulouse, ce qui m’a permis de découvrir ce secteur. J’étais encadrée par un pharmacien hospitalier qui était lui-même extrêmement impliqué, car faisant partie d’une société savante sur les DM, et j’ai trouvé cela très intéressant, ce qui a orienté mon choix de stages industriels puis ma carrière.

En quoi consiste le poste de responsable d’affaires réglementaires spécialisé dans les DM ?

Je suis responsable d’affaires réglementaires au sein d’un syndicat professionnel, le travail est donc très différent de celui dans l’industrie. Le SNITEM représente les intérêts des industriels du DM. Nous n’avons, au sein du SNITEM, pas à faire à des dossiers de conformité de produits par exemple, ce qui représente une part importante de l’activité en entreprise.

Florence OLLÉ

Florence Ollé, responsable affaires réglementaires au SNITEM (Syndicat National de l’Industrie des Technologies Médicales)

Pouvez-vous nous présenter le secteur du DM ?

Il y a beaucoup d'opportunités pour les pharmaciens dans le secteur du dispositif médical, malheureusement assez peu connu. Il s’agit d’un secteur extrêmement dynamique et nous avons besoin de gens formés qui connaissent le monde de la santé capable de travailler sur les aspects réglementaires. Nous attachons beaucoup d'importance à développer la formation des professionnels de santé, pharmacien comme médecins, sur le dispositif médical, car nous constatons une méconnaissance très grande comparée aux médicaments. Pourtant, les dispositifs médicaux sont extrêmement présents dans la vie de ces professionnels (gamme de produits très large).

Quel est votre rôle au sein du SNITEM ?

Le SNITEM est une association professionnelle, donc nous représentons des fabricants de dispositifs médicaux. Pour ce qui concerne la partie réglementaire, mon activité principale consiste à faire l’interface entre les fabricants et les pouvoirs publics - notamment dans la négociation des réglementations. Par exemple, quand il y a des projets de nouvelles réglementations, le SNITEM donne son avis sur le sujet. Nous réalisons une analyse des impacts afin de voir comment cette réglementation joue sur l’activité des entreprises, et si elle est adaptée leur vie. Nous devons parfois apporter des modifications afin d'éclaircir les textes réglementaires.

Au SNITEM, nous représentons tous les fabricants de DM, de la classe I à la classe III, ainsi que les DM implantables actifs. En entreprise, les chargés d’affaires réglementaires ont des compétences et un champ d’activité liés au portefeuille produits de l’entreprise.

Qu’en est-il de la pression réglementaire sur les DM ?

La pression réglementaire dans le domaine du dispositif médical est extrêmement forte. Comme dans le secteur de médicament, mais de façon plus prégnante, nous avons une réglementation très européenne. Jusqu'à présent, nous avions des directives européennes qui devaient donc être

Page 19: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2936 37

En Brèvetransposées en droit français. Le problème de la transposition et qu’elle apporte parfois des petites modifications. Nous avions ainsi des difficultés assez importantes dans l'harmonisation entre les pays européens, sachant que les dispositifs médicaux bénéficient d'un marquage CE permettant une libre circulation des produits dans l’Union Européenne. Une fois le marquage CE obtenu en Europe, on peut normalement vendre le produit dans tous les pays. Cependant, ces problèmes de sur-réglementation constituaient une entrave à la libre circulation. Aujourd’hui, la difficulté à laquelle nous faisons face est que nous avons un changement de réglementation qui est en cours. Nous avons un nouveau règlement européen qui a été adopté et qui est entré en vigueur en 2017 et dont l'application est obligatoire en 2020. Ce règlement est extrêmement lourd à appliquer, et a des impacts très forts sur les entreprises. Elles vont ainsi devoir investir massivement aussi bien en ressources humaines que financières, ce qui fait qu’aujourd'hui il y a nettement plus d’offres d'emplois que de demandes dans le domaine réglementaire. Les entreprises font face à d’importantes difficultés pour recruter alors même qu’elles ont un besoin accru de compétences, en raison de cette nouvelle réglementation très complexe. Cette réglementation impose que tous les dispositifs médicaux, y compris ceux déjà commercialisés, sont dans l’obligation de repasser par une procédure de certification.

Quelles sont les procédures d’accréditation des DM ?

C’est une logique très différente de celles des médicaments, que les pharmaciens ne connaissent que très peu. C’est un secteur très dynamique avec beaucoup d’opportunités et de demandes, qui nécessite des gens formés sur le monde de la santé et l’aspect réglementaire. Au SNITEM, nous travaillons beaucoup à développer la formation des professionnels de santé, notamment pharmaciens et médecins, et de les sensibiliser aux DM. Comparé au médicament, nous constatons une très grande méconnaissance sur le dispositif médical, alors même que les DM sont omniprésents dans la vie de ces professionnels.

Comment se positionnent la France et l’Europe dans le marché du DM ?

Au niveau européen, le marché du DM est le premier marché mondial (devant les Etats-Unis). La France fait partie des grands marchés européens.

Il y a entre 500 000 et 2 millions de références produits sur le marché.

La classification du DM est plus complexe que celle du médicament, en raison de la multitude d’indications pour un produit donné. Néanmoins, nous distinguons les équipements (scanner, lits médicaux…) utilisés par plusieurs patients, des produits à usage individuel (implants, pansements…), des DM implantables.

Qu’en est-il de l’innovation dans le domaine du DM ?

Le secteur du DM est très riche en innovations, d’une part des innovations incrémentales, qui varient environ tous les 18 mois (les DM sont utilisateurs dépendants, donc de nombreuses améliorations sont apportées par le terrain) et d’autre part des innovations de rupture (délais très longs, liés à la complexité des techniques : chimiques, informatiques, biologiques …). À noter que les technologies connectées ainsi que l’intelligence artificielle sont très présentes dans le domaine des DM.

Quels conseils pourriez-vous donner aux étudiants intéressés par le secteur du DM ?

De ne surtout pas négliger le secteur du DM, qui a longtemps été le parent pauvre du médicament. À mon sens, le fort dynamisme de ce secteur est à prendre en compte. Travailler dans un secteur en croissance est très stimulant. La difficulté majeure aujourd’hui est qu’il existe encore assez peu de formations sur le DM. Il est également tout à fait possible de travailler au sein d’une entreprise ayant dans son portefeuille des médicaments et des DM. Mon conseil est donc de regarder des formations mixtes, prenant en compte également les DM. Au SNITEM, nous avons travaillé à développer de nouvelles formations, notamment des masters. Il est important de ne pas hésiter à se déplacer et à changer de ville pour accéder à une formation.

Acceptez-vous des stagiaires ?

Nous avons déjà eu des stagiaires, et nous avons une plateforme en ligne (e-CVthèque) où il est possible de déposer son CV. N’hésitez pas si vous êtes intéressés par le secteur !

Pharmacien Demain › n° 2936

Le système ABO et Escherichia Coli

Pardeep Kumar, & all (2018)

Escherichia Coli, une bactérie

pathogène pour l’homme, est plus

susceptible de provoquer une

diarrhée sévère chez les personnes

du groupe A par rapport aux

personnes du groupe B ou O.

En effet, les chercheurs ont

remarqué que la bactérie sécrète

une protéine qui se fixe de

manière préférentiellement sur les

molécules de sucre des hématies

de type A mais très peu sur celles

de type B et O. Ces molécules

de sucre étant aussi présentes

sur la paroi de nos intestins, elles

semblent augmenter la fixation et

donc la libération des toxines de

Escherichia Coli.

Les chercheurs par cette

découverte espèrent donc trouver

un vaccin ciblant la protéine

bactérienne pour aider les

voyageurs mais aussi les enfants

des pays en développement contre

les infections dûes à Escherichia

Coli, responsable de malnutrition

et de retard de croissance sur ces

derniers.

Timothée Lavry

Interview réalisée par.....................

LES FEMMES DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis dans l’industrie pharmaceutique depuis le début de ma carrière. Je suis diplômée de l’Ecole supérieure de biotechnologies de Strasbourg. J’ai commencé ma carrière en recherche clinique, dans des moyennes et grandes entreprises, françaises comme américaines. Après avoir été chef de produits marketing au sein d’un laboratoire américain, je suis devenue Présidente Directrice Générale de Pfizer à la suite d’un rachat. J’ai souhaité ensuite me lancer dans l’entreprenariat, et j’ai monté ma start-up spécialisée en diabétologie, ce fut une formidable aventure pendant 2 ans. Ensuite, en janvier 2015, j’ai décidé de revenir dans l’industrie pharmaceutique en tant que PDG de Janssen France.

Quelle a été votre expérience de l’entreprenariat ?

Au terme de mon expérience de PDG de Pfizer France, j’étais arrivée au bout d’un cycle dans mon évolution professionnelle.

J’ai souhaité me lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat afin de me sentir plus libre dans mes actions. Travailler dans un grand groupe implique un fonctionnement interne politique, pas toujours assez tourné vers les patients et les clients. Il y a beaucoup de règles et de process, il faut demander les avis d’un certain nombre de personnes avant de prendre une décision.

J’avais envie de me lancer dans un nouveau défi et d’avoir une plus grande liberté d’actions. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de m’associer à mon collègue Président de Pfizer Italie pour démarrer une aventure entrepreneuriale.

Notre start-up, spécialisée en diabétologie, mettait à disposition des patients des compléments alimentaires et des dispositifs médicaux. Il faut savoir que les patients suivis en diabétologie ont un vrai besoin d’accompagnement, qui va bien au-delà des médicaments. Ce besoin des patients a guidé notre stratégie tout au long de notre déploiement.

Avec mon associé, nous avons donc tiré parti de nos compétences  réciproques – finance et juridique de son côté, marketing et développement du business du mien. Mon périmètre s’est élargi rapidement et j’ai, très rapidement, su gérer des aspects très variés de l’activité allant du packaging, à la formulation en passant par la création d’un réseau de vente. Ces activités étaient nouvelles pour moi.

Quels sont les atouts à avoir pour se lancer dans l’entreprenariat ?

Pour se lancer dans l’entreprenariat, il faut être très pragmatique, et savoir être multi-tâches. Savoir être opérationnel(le) est également primordial. Je pense également qu’il est important de ne pas se lancer seul(e) dans cette aventure. L’idéal est d’être accompagné par une personne ayant un profil et des compétences complémentaires.

Ensuite, il faut être audacieuse. Il faut oser. Pour moi, il y a un élément essentiel pour réussir une telle aventure  : développer son réseau pour être soutenu(e), accompagné(e) et conseillé(e) dans ses initiatives. C’est aussi ça qui aide lorsque l’on se lance dans l’entrepreneuriat !

Le fait d’être une femme dans votre carrière a-t-il eu une influence ? Les femmes dans l’industrie pharmaceutique sont-elles soumises à un « plafond de verre » ?

Le fait que je sois une femme a surtout fait du bruit ces dernières années, lorsque je suis arrivée au poste de Présidente. En effet, dans l’industrie pharmaceutique, les femmes représentent 60 à 70 % des effectifs. Chez Jansen par exemple, elles occupent 50 % des postes de management.

Cependant, on constate une déperdition des effectifs féminins lorsque l’on monte dans les échelons. Être une femme à ce type de poste, notamment de direction, nous engage à être des role-model pour les autres femmes. J’apprécie beaucoup le principe du mentoring mais aussi du reverse mentoring.

Emmanuelle QUILES

Page 20: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Pharmacien Demain › n° 29 Pharmacien Demain › n° 2938 39

Interview réalisée parAnaëlle SCHEER

Il est important pour moi d’ouvrir la voie aux autres femmes et de jouer ce rôle pour les femmes dans le domaine de la santé au sens large (start-up, associations de patients ou hôpital). Janssen a d’ailleurs créé le «  Forum Femmes et Santé  » pour accompagner plus spécifiquement les professionnelles de santé. L’une des actions phares de ce forum est la création d’un réseau de femmes dans la santé sur LinkedIn pour créer un monde des possibles grâce à l’entraide.

C’est un paradoxe pour notre industrie  : il y a beaucoup plus de femmes que dans les autres industries (en proportion), mais malheureusement très peu aux postes au sommet de la hiérarchie. En conséquence, il me paraît indispensable d’ac-compagner les femmes dans leur développement.

Cette année nous avons formé tous les collaborateurs aux stéréotypes de genre qui freinent, entre autres, les femmes dans leur évolution professionnelle.

Chez Janssen, la parité est importante et l’accompagnement vaut dans les deux sens  : nous souhaitons offrir les mêmes possibilités aux hommes et aux femmes, c’est pourquoi nous rappelons aux hommes leurs droits en matière de paternité (congés de 8 semaines payés).

Vous avez été présidente de l’Agipharm (qui représente les filiales françaises des laboratoires pharmaceutiques américains), pouvez-vous nous donner un aperçu du monde de la recherche aux Etats-Unis ?

Les États-Unis sont pionniers en matière de traitements innovants, et sont en premier plan dans de nombreux domaines :

En moyenne, 18 % du budget des laboratoires est consacrée à la R&D.

2/3 des lauréats de Prix Nobel sont américains. 15 nouveaux médicaments récemment

commercialisés en Europe viennent d’un laboratoire américain.

5 laboratoires parmi les 10 premiers mondiaux sont américains.

À noter que les laboratoires américains sont parmi les groupes les plus performants, en ce qui concerne la recherche.

Dans une interview que vous avez accordé à La Tribune, vous parlez d’une « industrie pharmaceutique à la croisée des chemins », quelle est selon vous cette nouvelle voie qui s’ouvre pour l’industrie ?

Je suis convaincue que les industriels du médicament ont un vrai rôle à jouer en tant qu’acteur de santé publique. Nos médicaments et nos équipes sommes à l’interface entre patients (associations ou non) et professionnels de santé, avec lesquels nous entretenons des liens très importants et vertueux.

Chez Janssen par exemple, nous travaillons avec les acteurs de santé comme les associations de patients et les professionnels de santé. Nous menons une vaste réflexion sur la manière dont nous pouvons accompagner le patient sur l’ensemble de son parcours de soins. Nous apportons notre soutien aux projets locaux, et nous cherchons à sensibiliser les populations sur certaines pathologies méconnues (exemples : mise à disposition d’une prostate géante gonflable pour mieux connaitre cet organe et ses pathologies devant plusieurs hôpitaux, bus pour sensibiliser aux MICI –maladies inflammatoires chroniques de l’intestin).

Nous interagissons avec différents acteurs de santé afin de voir quels projets peuvent nous rassembler. Par exemple, nous pouvons contribuer à aider les pharmaciens à accompagner le patient au cours de son parcours de soins grâce à des services ou outils digitaux qui facilitent la vie des patients. Il y a de nombreux métiers dans le monde de l’industrie, et ces nouvelles problématiques intéressent de plus en plus de profils.

Cette diversité d’actions que nous mettons en œuvre nous pousse à rechercher, investir et échanger avec les professionnels et les patients afin d’arriver à optimiser le bon usage du médicament.

En Brève

Pharmacien Demain › n° 2938

Le transfert de mémoire, bientôt possible ?Alexis Bédécarrats & all (2018)

Des biologistes américains

affirment avoir transférés la

mémoire d’un escargot de mer à un

autre grâce aux ARNs.

L’escargot de mer, à la suite de

chocs électriques, contracte sa

queue d’une durée d’environ

1 seconde en guise de

réflexe défensif. Mais avec de

l’entraînement, ce temps de

contraction s’allonge pouvant

atteindre jusqu’à 50 secondes.

À la suite de cette « entraînement »,

les chercheurs ont donc extrait

du système nerveux des cobayes

de l’ARN et l’ont injecté a d’autres

escargots de mer. Résultat, ces

derniers avaient un réflexe d’une

durée de 30 secondes environ.

Ceci révolutionne l’idée de

stockage des souvenirs qui serait

donc stockés dans le noyau des

cellules au lieu des synapses

comme il est traditionnellement

admis en neurosciences. Ce

pourrait donc être une alternative

pour restaurer les souvenirs des

patients souffrant d’Alzheimer.

Timothée Lavry

Page 21: EDITORIALalee-parisdescartes.fr/wp-content/uploads/2019/08/pharm-demain29 … · EDITORIAL Jean-Louis BEAUDEUX Doyen de la Faculté de Pharmacie de Paris (2017- 2022) 2 Pharmacien

Un groupe pharmaceutique international indépendant

ouvert aux étudiants et jeunes diplômés ouvert aux étudiants et jeunes diplômés

PRÉSENT DANS

149 PAYS

21 700 COLLABORATEURS DONT 2 200 EN R&D

PLUS DE

250 PARTENAIRES DANS LE MONDE

DU CHIFFRE D’AFFAIRES (HORS GÉNÉRIQUES) INVESTIS CHAQUE ANNÉE EN RECHERCHE & DÉVELOPPEMENT

25 %

Tous les ans, de nombreux étudiants intègrent nos équipes dans des domaines aussi variés que la recherche et le développement, la production, la promotion et les fonctions transverses (juridique, fi nance, RH, systèmes d’information, etc.).

Tous les ans, de nombreux étudiants intègrent nos

Retrouvez toutes nos opportunités étudiantes surwww.servier-campus.fr

Stages, alternances, V.I.E., postes junior, etc.Découvrez les possibilités de carrières offertes par la diversité de nos métiers et notre présence à l’international.

Rejoignez un groupe engagé, innovant et reconnu comme l’une des meilleures écoles de formation de l’industrie pharmaceutique.

MILLIARDS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES EN 2016-2017

4,15

AIRES THÉRAPEUTIQUES :MALADIES CARDIOVASCULAIRES, DIABÈTE, CANCERS, MALADIES IMMUNO-INFLAMMATOIRES ET NEUROPSYCHIATRIQUES

5