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ÉDITORIAL Matériaux pour une sociologie de l'architecture Olivier Chadoin et Viviane Claude ERES | Espaces et sociétés 2010/2 - n° 142 pages 7 à 16 ISSN 0014-0481 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2010-2-page-7.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chadoin Olivier et Claude Viviane, « Éditorial » Matériaux pour une sociologie de l'architecture, Espaces et sociétés, 2010/2 n° 142, p. 7-16. DOI : 10.3917/esp.142.0007 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour ERES. © ERES. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h46. © ERES Document téléchargé depuis www.cairn.info - Dalhousie University - - 129.173.72.87 - 13/03/2013 16h46. © ERES

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ÉDITORIALMatériaux pour une sociologie de l'architectureOlivier Chadoin et Viviane Claude ERES | Espaces et sociétés 2010/2 - n° 142pages 7 à 16

ISSN 0014-0481

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2010-2-page-7.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Chadoin Olivier et Claude Viviane, « Éditorial » Matériaux pour une sociologie de l'architecture,

Espaces et sociétés, 2010/2 n° 142, p. 7-16. DOI : 10.3917/esp.142.0007

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1 . À cet égard, le cas français n’a rien d’exceptionnel ; mais les termes institutionnels etpolitico-scientifiques y sont singuliers. Cf. dans ce numéro, le compte-rendu de l’ouvragedirigé par J. Fischer et H. Delitz.

ÉditorialMatériaux pour une sociologie

de l’architectureOlivier ChadoinViviane Claude

Sociologie et architecture. Ces deux termes semblent pouvoir se conjuguer.En réalité, depuis des décennies, pour ne s’en tenir qu’à la France, une inter-rogation fait litanie1. Elle porte, dans ce pays, sur la performance attendue de« l’apport » pédagogique – sous-entendu « pratique » – des scienceshumaines et sociales vis-à-vis de la formation en architecture, avec une ques-tion rituelle : quels types de contenus « efficaces » donner à l’enseignementde l’architecture ? En parallèle, les connaissances en sciences sociales visantl’architecture, ou plus généralement l’espace construit, ont suivi leur proprechemin. Ce dossier vise, non pas tant à combler cet écart, depuis longtempsinstallé, qu’à en proposer d’autres interprétations ou d’autres sujets d’inves-tigations ; et, pour aller plus loin, à soumettre au lecteur des sources nou-velles. Cela s’avérant d’autant plus judicieux que l’appel à articles appelait àdes visions comparées ; il nous revenait donc de capter des regards et ana-lyses moins « hexagonaux ». Ce dossier propose quelques échappées.

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Il convient de rappeler qu’en France, des réflexions de l’Institut del’environnement dans les années 1970 jusqu’à celles qui semblent instal-lées aujourd’hui, il s’est toujours agi de construire une posture, desméthodes et des outils, en vue de soutenir l’enseignement de l’architecture,ou plus vaguement une « interdisciplinarité » à partir des dites scienceshumaines et sociales. Mais il a toujours été difficile de se dégager d’unedouble contrainte : adapter les modes pédagogiques et collaboratifs desdeux domaines et intégrer leurs évolutions (des expériences, des savoirs etenjeux de connaissances) pas toujours synchrones ? La réflexion a trop sou-vent pris le chemin des dites « bonnes pratiques » d’enseignement et de col-laboration. Ces relations entre architecture et sociologie ont donc souventconduit à des malentendus : les sociologues reprochant aux architectesl’instrumentalisation de leur discipline et les architectes reprochant auxsociologues un apport insuffisant, voire « trop distancié », à leurs pratiquesprofessionnelles.

Reste que des outils, des méthodes, des « opérateurs de passage du savoirà l’action » (Segaud, 2007), notions et approches « hybrides », tentatives decompromis « sans compromissions », se sont forgés. À la différence d’autresbranches de la sociologie, comme la sociologie de l’art, de l’urbain, ou destechniques, ces travaux ne semblent pas pour autant avoir essaimé au-delàdes écoles d’architecture et de la recherche architecturale et urbaine, commele montre en creux le travail de Pierre Lassave sur les sociologues et larecherche urbaine (1997) ou encore la trajectoire de François Lautier resti-tuée ici par Gérald Houdeville.

Entre ces options nous n’avons pas voulu choisir. Aussi, avons-nous pré-féré partir de l’idée que cette histoire des relations entre sociologie et archi-tecture pouvait être abordée et construite comme un objet scientifique. Plussimplement l’enjeu est ici celui de la « construction d’un objet », au sens oùl’histoire des rapports entre sociologie et architecture, à condition de ne pasla figer dans des oppositions préétablies (architecture/sociologie, archi-tecte/non-architecte, ENSA/université, etc.) est bien un « objet à construire ».Mieux encore, une des conditions de sa construction est sans aucun doute deneutraliser des oppositions historiquement construites avec lesquelles nouspensons aujourd’hui notre environnement intellectuel.

Particulièrement, il s’agit de dépasser la question contextuelle de « l’ap-port » de la sociologie à l’architecture pour interroger les rapports entre cesdeux sphères de savoir d’un point de vue socio-historique, sous l’angle dudéveloppement des « disciplines ». Ce faisant, et les contributions réunies icien attestent, c’est plus particulièrement la question d’une « sociologie de l’ar-chitecture » qui a été posée.

Trois axes qui peuvent être résumés par des questions traversent lescontributions ici réunies.

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– Un corpus de références communes, une animation du milieu, permettantde parler véritablement d’une « sociologie de l’architecture » se sont-ils affir-més dans le temps ? À quel type de sociologie, et de sociologues, a-t-onaffaire ? Comment caractériser aujourd’hui cet univers ?– Qu’en est-il aujourd’hui de la place de la sociologie dans l’enseignementde l’architecture compte tenu des volontés d’affirmation disciplinaire respec-tives de ces deux champs ?– Enfin, quelles différences de développement dans la collaboration sociolo-gie et architecture entre la France et d’autres contextes nationaux ?

D’abord l’histoire. L’analyse minutieuse des références et mobilisationsdes sciences humaines et sociales dans les CIAM entre 1928 et 1962, réaliséepar Claudio Secci, permet de nuancer l’idée d’une « rencontre » entresciences sociales et architecture trop souvent rapportée par facilité à la datede la réforme Malraux de 1967. Il faut rappeler que le côtoiement de ces deuxunivers renvoie à une histoire longue comme le montrent les travaux deCatherine Bruant (2001) à propos des références leplaysiennes d’un archi-tecte comme Donat-Alfred Agache. En bon historien, celui-ci invite à repen-ser nos périodisations usuelles et convie à la prudence dans l’usage de lanotion de discipline sur la longue durée. L’article de Claudio Secci met aujour un double mouvement : d’un côté il éclaire le processus par lequel lescongrès ont progressivement mobilisé les savoirs des sciences humaines etsociales à mesure qu’apparaissaient les nécessités d’adaptation de l’architec-ture à l’échelle du local, d’un autre il interroge la manière dont ce savoir vadéboucher vers un renouvellement problématique du fait des questions quepose la traduction spatiale des acquisitions et des savoirs issus des sciencessociales. C’est significativement que la coïncidence des questions et desenjeux des deux univers de savoir se matérialise dans la figure du « seuil »,espace intermédiaire ou opérateur de passage qui va devenir lieu de rencontreinterdisciplinaire. Surtout, en pointant que le travail de ces congrès a contri-bué à former un héritage de questions et de savoirs porté par des profession-nels, qui vont être amenés ensuite à transmettre ce dernier à la fin des années1960 dans les lieux d’enseignement européens de l’architecture, l’auteurinvite à un questionnement symétrique sur le développement des deux « dis-ciplines » – terme qu’il manipule avec prudence. Autrement dit, à penserensemble dans le temps les changements du champ de l’architecture et dessciences sociales. En creux, l’analyse historique des débats et documents pro-duits par les architectes dans le cadre de ces congrès suggère également lamanière dont les positions et prises de position des architectes, et par consé-quent la structuration de leur univers professionnel et intellectuel, ses jeux etenjeux, ont pu chercher une ressource du côté des sciences sociales. Il inviteainsi à une nouvelle interrogation socio-historique sur les sources et les res-sources qui ont permis d’élaborer les prises de position et les positions quiforment aujourd’hui le « champ » architectural.

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2 . CORDA : Comité d’orientation pour la recherche et le développement en architecture (pre-mier appel d’offres en 1974).

Ce qui est questionné dans une perspective historique chez ClaudioSecci l’est aussi dans la perspective sociologique proposée par GéraldHoudeville : l’usage du terme de « discipline ». Parler en termes de rencontreet de collaboration entre disciplines suppose en effet un état de structurationimportant de ces deux univers sociaux au moment de leur rencontre. Peut-onen effet véritablement raisonner pour le cas de la sociologie d’une part et l’ar-chitecture d’autre part en termes de discipline pour la fin des années 1960 ?

Ces interrogations sur la notion de discipline engagent à travailler surl’évolution des enseignements et l’usage pédagogique des sciences socialesdans la formation des architectes ; thème qui traverse largement la réflexionque nous livre Gérald Houdeville. Depuis l’interrogation de la trajectoire sin-gulière de François Lautier, l’auteur fait le pari de croiser le biographique etle structurel. De la sorte, c’est non seulement la construction d’une positiondans un espace professionnel et institutionnel qui est abordée, mais c’est éga-lement l’invention d’une position, celle de sociologue « en archi » qui estillustrée. Débutant en effet sa carrière dans le monde des études urbaines puisrecruté dans la foulée de la réforme Malraux, qui allait officialiser la présencedes sciences sociales dans l’enseignement de l’architecture, François Lautierest conduit, comme d’autres alors, à participer à l’élaboration d’un enseigne-ment de sciences sociales à destination des architectes. Une prise de positionet des pratiques d’import/export entre les sciences sociales et l’univers archi-tectural qui ne se réalisent pas exclusivement sur des scènes pédagogique etscientifique mais aussi sur des scènes de débats et de controverses publiqueset politiques à travers la mise en place d’actions liées aux « luttes urbaines »et de revues telles que Place ; comme c’est d’ailleurs aussi le cas dans leschamps médical et juridique à la même époque, remarque Gérald Houdeville.De ce point de vue cette contribution invite, comme le fait celle de ClaudioSecci pour une autre période, à s’interroger sur « ce que la sociologie fait, eta fait, à l’architecture et aux architectes ».

Cela dans un contexte où la discipline sociologique est elle-même enconstruction et que s’élabore le « métier de sociologue ». Ce qui se lit dansla restitution de ce parcours traversé par des éléments de structures (réformede l’enseignement, transition générationnelle, etc.) qui trouvent à s’actualiserdans la particularité d’un contexte (la future École nationale supérieure d’ar-chitecture de Paris-La Villette), c’est aussi l’ouverture d’un champ derecherche encore en chantier et toujours discuté : celui de la recherche archi-tecturale. Certes cet univers de travaux et de connaissances s’édifie sur desbases proches de celles du développement des sciences sociales à la fin desannées 1960, notamment avec la recherche contractuelle et le CORDA2

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(Violeau, 2007). Toutefois, comme l’indiquent l’auteur et son interviewé, ilsubsiste aujourd’hui encore une difficulté à identifier les objets de cetterecherche qui ne sont pas strictement disciplinaires mais partagés (la ville,l’espace, le logement…). D’où la construction d’une position d’enseignant-chercheur en porte-à-faux, bien mis en évidence dans cette trajectoire. Nisociologue « pour la sociologie » ni sociologue « pour l’architecture » maisentre-deux, tentant l’élaboration de nouveaux objets et de nouvelles collabo-rations interdisciplinaires pour établir une production de savoirs « intersti-tielle », ici celle sur les « espaces de travail ». L’affirmation d’une posture etd’un rôle de chercheur dans le monde de l’architecture toujours disputéepuisque encore aujourd’hui remise en chantier par les évolutions de la for-mation des architectes (notamment la mise en place de Doctorats d’architec-ture) et la faible reconnaissance et institutionnalisation de cette activité entermes statutaires puisque le statut d’enseignant-chercheur n’existe pasaujourd’hui encore dans les ENSA françaises.

Reste tout de même la question de la transmission pédagogique de cequi peut bien être qualifié comme un « capital de connaissances », né del’histoire de ces côtoiements disciplinaires. Quels modèles, quelles réfé-rences ? Sur ce registre l’article livré par Cyprien C. Aholou et MonicaCoralli apporte un éclairage singulier. L’attachement des auteurs à la sin-gularité des questions urbaines africaines permet de poser ces questions enles enrichissant du « détour » par le continent africain (Lomé, Togo). Lesauteurs éclairent ainsi l’ambiguïté première du contexte de naissance del’École africaine des métiers de l’architecture et de l’urbanisme (EAMAU),entre la volonté des architectes et urbanistes coloniaux de faire du territoireafricain un « laboratoire social d’embellissement » et la critique desmodèles portée par les tenants d’un enseignement des métiers de la villeenrichi de l’apport des sciences sociales. Focalisant ensuite le propos surles questions pédagogiques, ils posent la question de l’usage actuel dessciences sociales dans l’enseignement de l’EAMAU en comparant les pro-grammes de cette école à ceux de l’ENSA de Paris-La Villette, laquelleentretient des échanges réguliers avec l’EAMAU. Ce rapprochement conduitles auteurs à pointer l’évidente présence de fortes similarités des pro-grammes français et africains. Constat factuel certes mais qui engage unprogramme de questionnement plus large. D’abord sans aucun doute, uneanalyse des trajectoires des individus et des institutions porteurs de ces pra-tiques d’enseignement et de leur circulation internationale, ensuite commey invitent les auteurs une analyse critique de la réception de ces modèlesd’enseignement et de connaissance des faits urbains élaborés le plus sou-vent à partir d’investigations européennes et qui seraient inégalement atten-tifs à la ville comme phénomène économique ou comme phénomèneculturel. Par delà la partition entre approches économiciste et culturaliste,

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les auteurs pointent finalement un paradoxe : alors même que les sciencessociales semblent avoir permis la critique d’une vision « techniciste » etdésincarnée de la conception architecturale, elles buteraient encore sur lacontextualisation de leurs contributions pédagogiques, et en particulier surleur participation au renouveau des démarches de projet des professionnelsde la ville.

C’est aussi la question d’une sociologie de l’architecture, de sessources et références que pose Christophe Camus. Pour lui, la questionn’est pas tant celle de la posture et des modes pédagogiques qui permet-traient à la sociologie de participer à la formation au projet d’architecture.Il propose un état des lieux des travaux réalisés sur l’architecture et la pro-fession d’architecte et esquisse l’hypothèse d’une « nouvelle sociologie del’architecture » dite « constructiviste ». Il identifie d’abord dans l’histoiredes approches sociologiques de l’architecture deux directions : d’abord unesociologie des usages et de la ville, dont les auteurs ont aussi parfois été desacteurs de l’entrée de la sociologie dans les écoles d’architecture (HenriLefebvre, Henri Raymond), qui forme aujourd’hui un héritage partagé pourl’enseignement de la sociologie « en archi », ensuite une sociologie de laprofession d’architecte, embrayée entre autres par les travaux de l’équipede Raymonde Moulin (1973) et prolongée aujourd’hui par ceux de FlorentChampy (2001). Toutefois, en dépit d’un opuscule sans doute exagérémentéponyme, ces sociologies ne satisfont pas au projet d’une « sociologie del’architecture ». Discutant et confrontant les travaux de Véronique Biau(1999) sur les mécanismes de consécration et de Florent Champy sur l’hy-pothèse d’une déprofessionnalisation des architectes, Christophe Camuspropose une sociologie des médiations architecturales. À l’instar de l’évo-lution de la sociologie de l’art, vue par Nathalie Heinich (2004), il nouspropose de considérer sérieusement les phénomènes de médiatisationcomme « participant pleinement à la structuration des pratiques, du modede production et des produits » de l’univers architectural. Plus globalementla posture revendiquée est celle du constructivisme selon Bruno Latour,revendiquée par l’auteur qui évoque « l’architecture en train de se faire ».Attaché au rôle et à la force des récits circulant dans le monde de l’archi-tecture, il invite finalement la sociologie à se ressaisir de l’objet architec-tural lui-même, son « architecturalité » délaissée par une analyse despratiques professionnelles, elle-même isolée de ce qu’elle produit. Au-delàde la volonté de traiter ensemble « actants et non-actants », cette contribu-tion pointe finalement un fait majeur : la difficile édification d’une « socio-logie de l’architecture » capable d’un propos sur les productionsarchitecturales elles-mêmes. En cela, l’auteur rejoint dans son diagnostic laquestion du « chassé-croisé des œuvres et de la sociologie » posée par Jean-Claude Passeron (1999) pour les champs artistique et littéraire.

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3 . Il faut ici vivement remercier Maurice Blanc pour ses relectures attentives de ce texte tra-duit de l’allemand ainsi que pour ses précieuses suggestions et remarques qui nourrissentlargement la présentation de ce texte.

L’article ambitieux de Heike Delitz3 qui vient clore ce dossier ne secontente pas de proposer un tableau des travaux unifiés sous le vocable desociologie de l’architecture outre-Rhin, où existe un réseau de chercheurs trèsactifs sur ces thèmes. Il fait du constat de Christophe Camus d’une relativeabsence de considération de l’architecture par les sociologues les bases d’unprogramme : comment expliquer le peu d’intérêt de la part des sociologuespour la chose architecturale, alors même que l’architecture est une des mani-festations essentielles de la matérialité du social ? Cette question engage unvéritable travail de généalogie intellectuelle qui permet l’identification d’uncorpus plus ou moins partagé chez les intellectuels européens qui ont fait del’architecture un objet. Corpus par ailleurs tout à la fois sociologique etanthropologique. Dans le parcours intellectuel que propose Heike Delitz sedessine une hypothèse : les architectes seraient plus animés d’une volontéd’action sur le monde que les sociologues. Cette remarque en engage uneautre : que dire des sociologues qui considèrent que leur discipline peut parti-ciper au changement social, qu’ils appartiennent aux fractions révolution-naires ou réformistes ? Que faire des positions critiques de l’école deFrancfort, de la sociologie des mouvements sociaux ou de l’analyse institu-tionnelle qui en effet semblent avoir ignoré l’architecture ? Le fait qu’ils aientignoré l’architecture invalide-t-il la possibilité de mobiliser ces travaux pourédifier une sociologie de l’architecture ? De même pour les travaux d’optiqueplus « réformiste » (Paul-Henry Chombart de Lauwe, Michel Conan, BarbaraAllen, Michel Bonetti entres autres) qui ont engagé une « coopération conflic-tuelle » avec le monde de la construction dont le bilan reste à faire.

Ce détour par le monde des idées conduit l’auteure à constater une irré-ductible distinction entre la sociologie des architectes et la sociologie de l’ar-chitecture comme sociologie d’une production symbolique. Animée par lavolonté d’identifier les ressources intellectuelles permettant de dépasser lesapproches en termes de « substrats », jugées trop dualistes, Heike Delitzcherche finalement, comme Christophe Camus par d’autres moyens, à saisirensemble l’architecture et le social : ce que la société fait à l’architecture etce que l’architecture fait à la société. Reste évidemment comme l’indiquel’auteure à édifier les fondements empiriques d’une telle approche.

Au final les contributions de ce numéro pointent une évolution et unevolonté. D’abord, depuis l’institutionnalisation de l’enseignement de lasociologie dans les ENSA françaises, on note une évolution depuis une socio-logie centrée sur les biens (le bâti, la ville), puis sur la réception (les habi-tants), et enfin sur les producteurs et la production (les architectes, les

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métiers…). Ensuite, l’ensemble des contributions réunies porte la volontéd’un renouvellement problématique exprimé soit par la volonté d’un bilansocio-historique capable d’évaluer les produits intellectuels de la rencontreentre sciences sociales et architecture, soit par le nécessaire retour sur les« productions architecturales » elles-mêmes. De telles intentions sont à mêmede fournir les bases de nouveaux programmes de recherche à l’échelle euro-péenne. Ce n’est qu’un juste retour de l’histoire qu’elles ont pu exprimer dansla revue Espaces et sociétés, définie, à sa fondation en 1970, par une équipede sociologues, d’urbanistes et d’architectes, comme « revue critique inter-nationale de l’aménagement de l’architecture et de l’urbanisation », etanimée « d’un esprit d’ouverture et de confrontation entre disciplines diffé-rentes », contribuant « aux grands débats concernant ce champ ».

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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