Éditoria˜ - Mairie de Castellane · Mais peu d’entre elles rejoignent le village en empruntant...

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1 Des milliers de personnes empruntent chaque année le chemin d’accès à la chapelle Notre Dame du Roc. Mais peu d’entre elles rejoignent le village en empruntant le chemin du Serre. Le Serre, zone agricole jusqu’au milieu du siècle dernier, est aujourd’hui un territoire méconnu, même pour les habitants de Castellane. C’est pourquoi, la municipalité vous propose un nouveau parcours, qui complète agréablement le sentier déjà très fréquenté du Roc, et l’agrémente d’un livret pour offrir une interprétation de l’Environnement. En parallèle, elle a initié une action de mise en sécurité et de valorisation du sentier du Roc, menée dans le cadre du programme européen transfrontalier ALCOTRA. Ce livret donne donc à voir et à comprendre, aux visiteurs du Verdon comme aux anciens et nouveaux habitants de Castellane, ce qu’ont pu être les paysages entourant la ville. Nous espérons que vous aurez au terme de cette balade, appris et découvert un peu plus du patrimoine castellanais. Gilbert Sauvan Maire de Castellane Éditorial

Transcript of Éditoria˜ - Mairie de Castellane · Mais peu d’entre elles rejoignent le village en empruntant...

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Des milliers de personnes empruntent chaque année le chemin d’accès à la chapelle Notre Dame du Roc. Mais peu d’entre elles rejoignent le village en empruntant le chemin du Serre.Le Serre, zone agricole jusqu’au milieu du siècle dernier, est aujourd’hui un territoire méconnu, même pour les habitants de Castellane.C’est pourquoi, la municipalité vous propose un nouveau parcours, qui complète agréablement le sentier déjà très fréquenté du Roc, et l’agrémente d’un livret pour off rirune interprétation de l’Environnement.En parallèle, elle a initié une action de mise en sécurité et de valorisation du sentier du Roc, menée dans le cadre du programme européen transfrontalier ALCOTRA.Ce livret donne donc à voir et à comprendre, aux visiteurs du Verdon comme aux ancienset nouveaux habitants de Castellane, ce qu’ont pu être les paysages entourant la ville.Nous espérons que vous aurez au terme de cette balade, appris et découvertun peu plus du patrimoine castellanais.

Gilbert SauvanMaire de Castellane

Éditorial

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Avant-propos

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La photographie est au XIXe siècle un art nouveau. L’appareil est encombrant. Des plaques de verre servent de négatif. La photo est tirée sur papier.Son sujet est composé comme un tableau.

Ainsi Castellane vers 1900Le bourg est blotti dans ses remparts, toits fumants puisque l’hiver est là. La campagne est au repos, terrasses de culture échelonnées dans les pentes.Peu d’arbres. Les chemins vont partout où il y a à faire, celui-ci au quartier du Roc puis Derrière le Roc,celui-là au Serre pour en faire le tour.

La ville se détache désormais sur un fond de verdure.Le chemin du Roc ne mène plus qu’à la chapelle.Le Serre est en friche depuis cinquante ans.

La balade du Roc au Serre est une invitationà les découvrir ou les redécouvrir de l’intérieur,dans leur authenticité.L’Histoire les avait façonnés, la Vie y palpite encore…

Marchons.

> Longueur et duréeCe sentier forme une boucle d’environ 4 km(dénivelé 200 m). Prévoir entre 2 h 30 et 3 hpour profi ter pleinement des points de vues.

> Diffi cultéSentier assez facile, seule la descente du Serre(après la ferme Berrin) est raide et caillouteuse.Prévoir de bonnes chaussures et, l’été, un chapeauet de l’eau.

> BalisageSentier balisé en jaune.

> PériodeToute l’année. Éviter les grosses chaleurs d’été.

> Préservation du siteSoyez respectueux des lieux. Merci de préserver lanature. Pour éviter le ravinement, ne pas couper les virages des sentiers.

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Le chemin du Serre longe un mur, haut,bâti à chaux et à sable,ses couvertines masquées de lierre et de vigne.Les propriétés sont pourtant en Provence plutôt bornées qu’encloses. Elles ne sont entourées de murs que pour les soustraire au regard, ou à l’ennemi.

Le couvent des VisitandinesLes six religieuses qui fondent en 1644 le monastère de la Visitation de Castellane, occupent d’abord une grande maison qui donne sur la place des Augustins.Leur jardin, situé derrière, est coupé en deux par le chemin du Serre. Les sœurs obtiennent qu’il soit reculé, d’où son tracé actuel. Puis la communauté s’agrandit. Les religieuses achètent en 1734 la maison, bâtie par l’évêque Soanen, qui voisine leur couvent. Son jardin agrandit le leur. « On l’entoura comme l’ancien, de murailles fort élevées et on se procura, dans un même enclos, une vaste campagne qui renferme tout à la fois des vignes, des prés, des vergers, des terres labourables, des jardins… », ce qui permit aux sœurs de mieux vivre, mais retirées du monde selon leur règle.

I À l’abri des murs

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bornées qu’encloses. Elles ne sont entourées de murs

Les six religieuses qui fondent en 1644 le monastère de la Visitation de Castellane, occupent d’abord une grande

chemin du Serre. Les sœurs obtiennent qu’il soit reculé, d’où son tracé actuel. Puis la communauté s’agrandit. Les religieuses achètent en 1734 la maison, bâtie par l’évêque Soanen, qui voisine leur couvent. Son jardin

murailles fort élevées et on se procura, dans un même enclos, une vaste campagne qui renferme tout à la fois des vignes, des prés, des vergers, des terres labourables,

ce qui permit aux sœurs de mieux vivre,

À l’abri des murs À l’abri des murs À l’abri des murs

Porte du couvent des Visitandines

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Le bourg de CastellaneBien avant cela, Castellane est au début du XIVe siècle un bourg fl orissant dont les hautes maisons se pressent au quartier du Baous, autour de l’église paroissiale Saint Victor. Mais l’époque est peu sûreet le bourg à découvert.

Il peut être brûlé ou saccagé par le premier ennemi qui l’attaque.En 1359, « la communauté demande au roi la permission de fortifi er l’endroit, de l’entourer de remparts, et de lui donner la forme de ville ». Elle se charge de fi nancer l’ouvrage, obligeant la population

à des sacrifi ces importants.Ces remparts protégeront la ville attaquée par les bandes de Raymond de Turenne vers 1390, par les armées de Charles Quint en 1536, par les Protestants en 1586.

Les toits de la ville dans l’arc du rempart

Plumes gris-bleu, aile bordée de noir et pattes rouges,des pigeons Bizet tournoient dans l’azur,queue étalée et roucoulements doux. Ils sont élevés pour leurs fi entes, non pour leur chair. La colombine recueillie fournit un engrais excellent, qui favorise la croissance des légumes, ou du chanvre.

Un pigeonnier originalLa Tour Pentagonale, « la plus forte, la plus belle » des tours des remparts de Castellane, fut d’abord une tour à gorge, dépourvue de planchers intermédiaires pour d’ultimes combats au corps à corps à l’intérieur.Puis l’usage de la poudre et du canon fait évoluer l’art de se défendre et les rendent, toutes, inutiles.Elles sont vendues à des particuliers. La plupart, laissées en l’état, servent de grange ou d’écurie.La Tour Pentagonale, transformée, devient au XVIIIe siècle le plus vaste pigeonnier de la ville.Elle paraît, vue de loin, hermétiquement fermée sous son toit de tuiles. Mais une fois passée la porte basse, on

admire l’agencement des boulins qui tapissent ses murs. Plus de mille pigeons se pressent à ses planches d’envol, pour entrer ou sortir par les trous ronds du pigeonnier.

Un élevage raisonnéNulle contrainte n’a jamais pesé sur l’élevage du pigeon en Provence.Tout un chacun pouvait s’y consacrer sans avoir à produire un quelconque quartier de noblesse.Il était donc fréquent, à la campagne comme à ville,que lui soit consacré une petite part de l’habitation,au plus haut, sous la toiture, aménagée de quelques nids de plâtre, d’osier ou de terre cuite,où se succédaient plusieurs couvées par an.Des carreaux vernissés entouraient l’ouverture pour prémunir les pigeons contre leurs prédateurs.L’oiseau, laissé libre, recherchait seul sa nourriture à l’extérieur. Il devait cependant être enfermé à l’époque des semailles, en avril-mai, et des moissons, en juillet, que son appétit aurait compromis.

II Pigeons de Provence

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Ouverture et aménagementd’un pigeonnier(XIXe siècle - La Lagne)

Tour Pentagonale

Du XVIIe au XVIIIe siècle, la population augmente constamment. Les hommes, pour satisfaire à des besoins accrus, dépassent les contraintes naturelles. Ils façonnent la pente du Serre pour un fonctionnement agricole original.

Une terrasse de culture drainéeL’abondance de pierres gêne le travail du sol. Le ravin des Fontainelles, les petites sources, coule de façon intermittente.Un chenal recouvert d’une voûte est aménagé pour conduire l’eau du ravin jusqu’au chemin.Ce conduit ouvre toujours le mur de la terrasse bâtie en même temps.

III De la main de l’homme

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Toutes les pierres de l‘endroit y sont employées : les grosses comme moellons, les petites en blocage.De la terre agricole comble le vide créé. Une rampe donne accès au nouveau champ.

L’espace clos d’un jardinLa proximité de la ville donne une valeur particulière au moindre lopin de terre bien exposé.Un labeur acharné le transforme peu à peu en jardin. La moindre pierre est ramassée pour être portée aux limites. Des murets bâtis autour créent un climat favorable. Le sol, largement fumé, est ameubli avec soin. Le plus petit fi let d’eau trouve là son emploi.

Un trou maçonné d’argile fait alorsoffi ce de bassin.Une porte, enfi n, le ferme pour en réserverle produit à son seul propriétaire.

L’oratoire au bord du cheminLe chemin monte entre les murs.

Une calade le revêt pour éviter que l’eau ne l’emporte. Sa pente

régulière épargne la peine des hommes et des bêtes qui circulent lourdement chargés. L’ oratoire, près de l’entrée du jardin, est en pierre taillée. Élevé en signe

de foi, il étend la protection du saint aux passants qui

l’invoquent.

La proximité de la ville donne une valeur particulière au moindre lopin

favorable. Le sol, largement fumé, est ameubli avec soin. Le plus petit fi let d’eau trouve là son emploi.

Un trou maçonné d’argile fait alorsoffi ce de bassin.Une porte, enfi n, le ferme pour en réserverle produit à son seul propriétaire.

L’oratoire au bord du cheminLe chemin monte entre les murs.

Oratoire Saint Joseph

Stature de géant et silhouette familière,le Roc dresse contre le ciel 180 mètres de calcaire dur.Témoin de l’histoire de la terre, il en conservela mémoire.

Au commencement était la mer, peuplée d’être vivants. L’accumulation de leurs restes est à l’origine de la formation des roches sédimentaires.Des conditions de dépôt diff érentes, en milieu marin ou en lagunes sursalées, ont conduit pour la région de Castellane à la formation de roches très diff érentes, calcaires et marnes au Jurassique,gypses et argiles rouges ou vertes au Trias.

Puis l’eau se retire. Les roches dures, comme les calcaires, résistent mieux à l’érosion que les roches tendres, voire même solubles comme les gypses. Le paysage met en relief les plus solides qui forment des massifs.

Mais l’écorce terrestre est toujours en mouvement.La formation des Alpes soulève, plie et casse l’empilement des roches, modelant l’arc de Castellane.

Une énorme couche calcaire recouvre la montagnede Destourbes. Un jeu de failles verticales la décale,la mettant de niveau avec des terrains plus récentset plus tendres. Les failles, le contact anormal sont visibles à l’arrière du Roc.

Un décrochement est-ouest oblige le Verdon qui coulait nord-sud à changer de lit.La rivière déverse son eau vers l’ouest. Déblayant le calcaire broyé et façonnant les roches tendres,elle isole le Roc et dessine l’amphithéâtre du Serre.Puis se faufi le entre les montagnes, pressée d’entaillerles Grandes Gorges…

IV Solide comme le Roc

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Lecture géologique

Calcaire jurassique- 140 MA

Terrain du Trias- 220 MA

Contact anormal

déplacements verticaux

déplacements horizontaux

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La montagne n’est pas toujours facile à vivre. Le climat est rude. La pente s’oppose à vos pas. Le sol est ingrat. Les récoltes sont minces. Ses étendues, pourtant, favorisent l’élevage. Toute eau courante y transporte de l’énergie.Hommes et femmes du Verdon ont donc fi lé et tissé, chaque hiver, la laine de leurs moutons pour en faire du drap, et le vendre. L’artisanat est devenu industrie au XIXe siècle. Puis le monde moderne a tiré parti de la houille blanche.

Le moulin à foulonL’eau prise au ravin de Destourbes suit le petit canal du moulin. La roue tourne de façon régulière sous son poids. Elle entraîne directement les maillets du foulon qui s’abattent

l’un après l’autre sur le drap cru plié dans l’eau savonneuse. Le foulonnier suspend un temps son mouvement, rince la pièce d’étoff e, laisse à nouveau aller la roue. La laine feutre peu à peu. L’étoff e se resserre.

L’usine Giraud-MartelUne petite société se monte au début du XXe siècle qui produit et distribue, pour l’éclairage surtout, du courant continu aux habitants de Castellane.Le canal d’amenée dérive l’eau du Verdon, qu’une conduite forcéemet sous pression pour compenser une faible hauteur de chute. Entraînant deux turbines, elle met en mouvement des dynamos qui servent de générateur. L’eau usée retourneau Verdon.

Les barrages de Castillonet de ChaudanneLa demande en électricité suit le développement de l’industrie. Deux ouvrages de béton, hauts de 100 et 70 m, occultent depuis 1950 les verrous rocheux que franchissait hier le Verdon. Ils retiennent 166 millions de m3 d’eau et ont été conçus pour une production hydroélectrique annuelle de 140 M de kWh, que des câbles haute tension emmènentau loin.

V À force d’eau

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Barrages de Castillonet de Chaudanne

Moulinà foulon

UsineGiraud-Martel

La Lagne - Hiver 200913

1262. Boniface VI se prépare à combattre une dernière fois pourla liberté de Castellane.Il se remémore le passé de la baronnie qu’il va bientôtdevoir quitter…

L’état souverainPons-Arbaud, cadet du comte d’Apt, prend possession, une fois les Sarrasins chassés, de la majeure partie du Moyen Verdon.Il a déjà, en 977, établi son château de pierres sèches sur le Roc, près de la population qui s’y était installée.Aldebert, ensuite, surveille de là ses terres et ses gens, les paysans qui travaillent pour lui en échange de la protection de ses armes. Il a donné les hommes et les terroirs des alentours en fi efs à ses vassaux.Boniface I se fait appeler Castellane

et est reconnu comme baron.Il fortifi e Petra Castellana, défendant parmi les premiers, les habitants d’une agglomération par une enceinte urbaine.

L’indépendance menacée1126. Le comte de Barcelone reçoit par mariage le comté de Provence. Boniface II, farouchement indépendant, conteste sa tutelle.1183. Tours de défense contre château de guerre, Boniface III interdit aux armées d’Alphonse 1er d’entrer sur son sol. Mais ne peut supporter la pression du blocus imposé et se soumet en 1189.Boniface IV, plus diplomate, évite tout heurt.1227. C’est à nouveau la guerre. À cause de l’évêque de Riez, qui a envahi Rougon, appuyé par

Raimond-Béranger V. Boniface V les combat vaillamment, mais son armée est inférieure en nombre.Il rend, à son tour, hommage au comte.

Au vouloir du Roi1252. La fi lle de Raymond-Béranger épouse Charles d’Anjou, frère de Saint-Louis, lui apportant la Provence. Boniface VI proclame la charte « Lois et coutumes », qui accorde des droits essentiels de ses sujets, et fi xe leurs devoirs.1256. Il intrigue contre le comte« français ».1261. Et rejoint à Marseille les derniers tenants de l’indépendance, appelant à le combattre.Le comte enraye la révolte, puis passe à l’off ensive contre Castellane.

VI Tour d’horizon

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La Baronnie de Castellaneau début du XIIIe siècle

Chacun perçoit à sa façon l’espace qui l’entoure.Comment, alors, partager un environnement commun à tous ?En utilisant les mêmes repères :les noms de lieux.

Les habitants de Castellane sont venus s’installer au IXe siècle contre la seule montagne qui puisse leur assurer à la fois subsistance et sécurité. « De deux lieues de circuit … elle se divise en plusieurs parties qui ont chacune leur sommet diff érent », et porte diff érents noms.Ceux-ci, transmis par tradition orale, ont déjà été transcrits au XIVe siècle. Ils se transforment ensuite à mesure que la langue évolue, parlés d’abord en bas-latin, puis en provençal, enfi n en français. La déprise rurale les menace aujourd’hui.

Certains, devenus inutiles,ont déjà disparu. Bergers et chasseurs conservent encore les autres.Les Blaches, au plus haut, évoquent la forêt de chênes ancestrale.Balaud, Barcels, et Rus, situés en arrière, sont encore couverts de « buis, noisetiers et autres arbrisseaux » au XVIIIe siècle. Toute la montagne est nue cent ans plus tard. La forêt a repris ses droits depuis.L’Escoulaou, la Jabie et Sainte-Victoire se partagent la gouttière médiane. Ces quartiers off rent « une ressource aux paysans qui n’ont point de terres, d’où ils tirent d’excellent blé par des défrichements annuels nommés issards ».

Le Baux, en talus escarpé, domine Angles, au dessin proéminent.Il prolonge vers l’est le Serre,au relief allongé.Castellane, au nom de château,se niche au pied du Roc.Le Verdon, en fait presque le tour. Aurait-il pris le nom de la couleur… verte ?

VII Le Serre

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Carte de Cassini, XVIIIe siècle

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Le Serre vers 1850

Trop tard.Le bruit de nos pas, le son de nos voix les ont eff rayés.Ils se sont enfuis, sitôt l’alerte,et nous guettent, le cœur battant, dissimulés dans l’ombre.

Le lièvre, solitaire, se reposait à son gîte, oreilles aplaties sur le dos et yeux fermés. Il songeait aux jeunes pousses qu’il irait croquer ce soir,et humait l’air. Il s’est levé d’un bond,a décampé sans attendre.Puis s’est arrêté, oreilles dressées, pour identifi er le motif de sa crainte. Il attend, immobileet méfi ant…

VIII Hôtes des champs et des bois

Le chevreuil broutait paisiblement au bord du pré.Jeune brocard, il a relevé sa tête fi ne aux andouillers naissants.A tourné ses grands yeux bruns du côté des intrus, puis s’est élancé dans le sous-bois de toute la force de ses jarrets, où il a disparu silencieusement en quelques bonds puissants…

Hôtes des champs et des bois Hôtes des champs et des bois Hôtes des champs et des bois

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La renarde, en robe rousse, a tardé un instant, trop occupée à guetter un mulot aff airé. Effl anquée, elle ne chassait pas pour elle-même, mais pour nourrir ses petits qui l’attendent au fond de son terrier. Elle est partie, sa proie encore frémissante en travers de la gueule, suivie du panache de sa queue…

La perdrix, petite boule de plumes dorées, s’est tassée sur son nid, pour mieux se dissimuler sous la haie. Un autre jour, elle se serait mise à courir, la tête dressée, de toute la vitesse de ses courtes pattes avant de s’envoler lourdement… Mais voilà, elle couve depuis peu et ne peut quitterses œufs roux aujourd’hui.

Le blaireau, rayé de noir et de blanc, est parti bon dernier. Environné d’abeilles, il n’avait rien entendu. Ce lourdaud au poil dur avait entrepris d’éventrer de ses griff es une ruche isolée, pour y mettre le nez et se gaver de miel. Il s’est esquivé en trottinant sur la plante des pattes…

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Castellane est une villeà la campagne.2 000 personnes l’habitent en 1830, qui travaillent ou font travailler la terre pour se nourrir de pain et de soupe, manger des fruits et boire du vin. Tout le terroir est alors cultivé.

Le bléLa céréale se plaît dans les sols caillouteux. Presque toutes les terres labourables lui sont consacrées.

Le paysan prépare son champ, ses bœufs tirant l’araire. Pour ménager le sol, il ne l’ensemence qu’un automne sur deux. Le blé lève, monte au printemps. L’épi noue en mai, mûrit à l’été.Les moissonneurs le coupent à la faucille. Les gerbes sont déliées sur

l’aire de battage, puis piétinées au pas des bêtes. Le grain, séparé de la paille, est conservé dans la maison.

La vigneLa terre à raisin doit être bien égouttée et retenir la chaleur. Limite en altitude à Castellane, la vigne occupe les adrets de fond de vallée.

Les ceps sont alignés, à moins que la plante n’habille une façade, ne couvre une treille, ou ne s’élance dans les branches d’un arbre.Car chacun s’oblige à sa culture exigeante.Le sol est enrichi, l’herbe bannie d’entre les pieds. Du printemps à l’été, il faut pincer et tailler.Les grappes mûrissent.On vendange en riant.

La récolte est conduite au pressoir communal. Le vin repose dans la barrique du fond de la cave…

L’arbre fruitierL’ombre nuit aux cultures. Il n’y a donc pas d’arbres au milieu des blés.

Le paysan en plante pourtant, en bordure ou aux

mauvais endroits de son champ. Qui lui donneront des fruits : pommes, poires, amandes ou noix, quand ils auront grandi. Pêches, abricots et fi gues viennent de même dans les vignes. Ces fruits sont consommés frais, conservés au fruitier, ou séchés pour servir de dessert l’hiver.La prune perdigone,pelée, dénoyautée et séchée,procure les fameuses pistoles.

IX Cultures en sec

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Cultures vers 1830d’après le cadastre Napoléonien de Castellane

Terre labourable

Maison / Bâtiment rural

Aire de battage

Vigne

Terre vague

Arbres fruitiers

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X La Ferme Berrin

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Augustin Berrin, taillandier à Castellane à la fi n du XVIIIe siècle, fabrique des outils agricoles de métal :houes, faucilles, serpes…Les aff aires sont bonnes. Il possède près d’ici « une propriété de terre, vigne, culte et inculte » qu’il agrandit peu à peu, espérant vivre un jour en bourgeois.

Le projetLe XIXe siècle est propice à l’initiative.On construit d’ordinaire des bastides sur le Serre. Lui vient l’idée de bâtir une ferme, de louer ses terres à bail, de devenir rentier.La bâtisse sera dans le goût de l’époque : logement accoté à la remise, porte et fenêtres ouvertes au sud, sous-toiture garnie de foin pour l’isolation.

La constructionLe sol donne ses pierres, une source son eau.Plâtre, tuiles et pièces de bois sont amenés sur place, à dos de mules ou traînés au sol. Un maçon monte les quatre murs extérieurs. Il appuie le faîtage du toit sur le mur de refends.

Le plâtre lui sert aussi bien à liaisonner les pierres qu’à enduire les murs, dehors et dedans. Au plâtre, toujours, il monte les cloisons, façonne les marches de l’escalier intérieur, coule le plancher du grenier.

Plan vers 1830

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Les agrandissementsIl faut loger les moutons, l’ânesse et les bœufs de labour. Une bergerie est accotée au mur arrière de la maison en construisant trois murs.Il ne reste plus alors qu’à en prolonger deux. Ceux-ci se rejoignant, ferment l’écurie, aussitôt relevée d’un étage, séchoir à fruits ou fenil.Un cochonnier complète l’ensemble, au coin de l’aire de battage.

L’abandonLa ferme reste en activité tant que la culture du blé rapporte.Puis la famille Berrin se disperse. On démonte les toitures. Les murs s’écroulent depuis.

Les agrandissementsIl faut loger les moutons, l’ânesse et les bœufs de labour. Une bergerie est accotée au mur arrière de la maison en construisant trois murs.Il ne reste plus alors qu’à en prolonger deux. Ceux-ci se rejoignant, ferment l’écurie, aussitôt relevée d’un étage, séchoir à fruits ou fenil.

L’abandonLa ferme reste en activité tant que la culture du blé rapporte.

L’air chaud vibre au-dessus de la pente.Des plantes, avides de lumière et économes en eau,ont colonisé la terre accumulée entre les rochers.Chacune, à son tour, dispense ses senteurs.

XI Éloge de la simplicitéDes plantes, avides de lumière et économes en eau,ont colonisé la terre accumulée entre les rochers.Chacune, à son tour, dispense ses senteurs.

Le buis a perdu ses nuances orangées au sortir de l’hiver. Il fl eurit en feuillage vert sombre vers Pâques, embaumant alorsle caramel.

L’arbuste est régulièrement coupé jusque vers 1930. Les rameaux,

hachés, servent de litière aux animaux ou d’engrais végétal.La racine prend peu à peu la forme d’une boule. Son bois sans grain est tourné à Aiguines pour faire le jeu de pétanque.

Le thym, arbuste minusculetout en nuances de gris,s’éclaircit du rose pâle de sesfl eurs à partir d’avril.Il pousse seul ou forme des tapis odorants.Ce compagnon du bouquet garni est le condiment obligé de la cuisine mijotée provençale. Délicieux en infusion, il aide la digestion et soigne la grippe.

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Le genêt cendrén’a guère d’allure,ses touff es fl exibles seulement vertes du bout de leurs rameaux effi lés. Mais que

vienne mai, et la montagneest jaune de ses fl eurs.

Il était employé à chauff er les fours à pain, quand on manquait de bois, arraché avec ses racines,et lié en lourds fagots.

Seule la lavande fi ne pousse spontanément dans la colline.Elle y jette en juillet l’éclat bleu-violet de ses hampes

fl euries.La parfumerie a toujours estimé l’essence de lavande. Les terroirs de La Baume, Robion, étaient réputés pour leurs « crus ».

Couper, et surtout porter,la fl eur était un travail pénible,

mais qui rapportait bien.

La sarriette n’épanouit ses fl eurs qu’à la fi n de l’été, dernières grappes blanches que butinent les abeilles.Les feuilles du « poivre d’âne » ont une saveur piquante et servent d’aromate, assaisonnant le gibier aussi bien qu’elles relèvent le goût du fromage de chèvre.

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Fleuron agricole de Castellane au XVIIIe siècle, « la Plaine de la Palud est presque toute couverte de prairies, de jardins, de terres labourables d’un grand produit, …des arbres fruitiers donnent une si grande quantité de fruits que le sol en est jonché. »Une gestion raisonnée a transformé le bassin hostile en campagne opulente et fertile.

La mise en cultureIn Palude… L’endroit n’est en 1333 qu’une cuvette marécageuse bordée d’oseraies, in Amarinas.La relance économique du XVe siècle incite à la drainer. Des canaux sont creusés, qui débouchent dans le Pesquier, le vivier à poissons.La terre est travaillée à mesure que le sol sèche.

Les Paluards, qui distinguent toujours la petite de la grande Palud, bâtissent le hameau de la Palud hors l’ancien marais.

Le droit à l’eauL’eau coule au canal. Qui pour son pré, qui pour son jardin, tous en ont besoin. Chacun se l’approprie sans se soucier de ses voisins…L’eau des sources de la Palud est partagée en 1646, 1647 et 1653 par actes notariés.Les propriétaires riverains l’achètent à l’heure. Le droit acquis est lié à la propriété du sol. Des syndics gèrent les canaux. Un rôle d’arrosage est établi pour chaque source.Chacun prend l’eau à son tour, à jour et heure fi xés dans la semaine.D’une année sur l’autre, jour et nuit sont inversés par un souci d’équité.

Les plantes industriellesOn entreprend alors d’en cultiver davantage.Le chanvre pousse dans les chènevières. Roui à l’automne, il est cardé puis fi lé l’hiver. Le fi l obtenu sert à faire de la toile, des cordes.Les chardons cardaires sont semés après le blé. Le drapier monte les têtes sur une croix de bois. La passant sur le drap, il range le poil de laine. Le XXe siècle leur substitue la menthe.Des contrats lient industriels et cultivateurs. Les volumes requis sont produits sur commande.La terre de la Palud contribue à produire le célèbre alcool de menthe Ricqlès…

XII Évolution rurale

26Encart publicitaire paru dans L’illustrationdu 5 décembre 1931.

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Récolte de la menthe à la Palud de Castellane dans les années 1930

XIII Transhumances

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Lou jas désigne en provençal la bergerie.Mais Le Jas, aux vastes dimensions près de la route, c’est la halte-bergerie précieuse aux transhumants.Son troupeau à l’abri, le berger s’en va prendre un repas chaud à la ferme-auberge de la Cébière.

Un mode d’élevageLa Provence imbrique rivages marins et collines arrondies, moyenne montagne sèche et hauts reliefs alpins. Soleil ardent, mistral ou neige, son climat est moins doux qu’il le paraît. La végétation change avec l’altitude et le degré de sécheresse, si bien que l’herbe pousse ici en toutes saisons.Les bergers mènent leurs bêtes là où elle se trouve,l’été à la montagne, l’hiver dans le bas pays.

Le voyage à piedIl faut s’y préparer. Les moutons sont triés, tondus, marqués aux initiales de leur propriétaire, parés pour la Route la veille du départ. Le son grave des redons, le tintement des platelles rythmeront leur marche.

Le premier troupeau s’est ébranlé dans le petit jour. D’autres l’ont rejoint, pris au passage comme convenu pour être gardés ensemble.Le berger les précède, ses chiens à portée de voix.Il a tout prévu, loué l’alpage, choisi l’itinéraire, négocié les haltes, et règle leur pas du sien.Hommes et bêtes cheminent, suivant routes ou carraïres. Une dernière draille, les voilà rendus.Le berger donne le biais aux brebis, décharge l’âne, s’installe pour l’été.

Vive la tradition !Tendez l’oreille. La rumeur sourde qui mêle piétinement et sonnailles annonce un troupeau.Plus de mille brebis s’avancent comme l’eau coule, occupant toute la chaussée. Vous assistez en temps réel au départ d’un troupeau pour la montagne.Il y en a eu tant. Celui-ci est symbolique.Seule la fête encore motive l’usage séculaire, les brebis voyageant désormais en camion.Castellane célèbre la Transhumance en juin.

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Floucat

Troupeau transhumant

Fête de la transhumance

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RemerciementsUn grand merci à toute l’équipe de bénévoles qui a su donner vie à ce livret : Catherine Leroy pour l’ensemble des textes, Christian Peuget, Serge da Silva et le club de dessin de la MJC de Castellane, Éliane Coste, Claudine Tognini et Patrick Bastiani pour leurs magnifi ques illustrations.Merci aussi à Myette Guiomar de la Réserve Géologique de Haute-Provence, à Henri Giraud et à Lucien Leroy pour leur aide précieuse concernant les recherches documentaires.Sans oublier le service des Archives départementales des Alpes de Haute-Provence, EDF, le Musée du Moyen Verdon et l’association Petra Castellana.Merci enfi n au Conseil Général des Alpes de Haute-Provence pour son soutien fi nancier.

À voir aussi, en se baladant sur notre territoire• Le Parcours des silhouettes à Castellane• Les panneaux du petit patrimoine bâti, du Parc Naturel

Régional du Verdon à Castellane et ailleurs.• La route des cadrans solaires, réalisée par la

Communauté de Communes du Moyen Verdon.Bibliographie• BONIFACE (Maurice) « Les barrages sur le Verdon à

proximité de Castellane », dans Annales de Haute-Provence, n° 294 Castellane, Société Scientifi que et Littéraire, Digne.

• LAURENSI (le prieur), Histoire de Castellane, 1775 - Gauthier, Castellane, 1898

• CRU (Jacques) « Trois siècles de l’Histoire provençale : la Baronnie de Castellane » dans les actes du colloque le Pays de Castellane, Identité et Devenir, organisé par l’association Petra Castellana, 1996.

• CRU (Jacques) Histoire des Gorges du Verdon jusqu’à la Révolution, Parc Naturel Régional du Verdon - Édisud, 2001.

• ISNARD (M.Z.) Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790. Basses Alpes, tome 1er, Archives civiles, série B.

Remerciements et bibliographie

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Crédits photographiques

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• Patrick Bastiani : p. 24 b• Brigitte Blanc : p. 29b• Éliane Coste : p. 25 a, c• Amandine Delarbre : p. 12• Serge Da Silva :

p. 18 b ; p. 19 a, c ; p. 31• Catherine Leroy :

1re couverture a, c, d ; p. 5 ;p. 20 ; p. 22b ; p. 29a, c

• Lucien Leroy : p. 26• Mélanie Martineau : p. 11• Christian Peuget : p. 13 ;

p. 32-33• Claudine Tognini :

p. 4 ; p. 7-8-9 ; p. 18a ; p. 19b ; p. 22a ; p. 23 ; p. 25b

• Joël Valentin : p. 24a• Collection du Musée du

Moyen Verdon : p. 3 ;p.16-17 ; p. 27

Montagnede Destourbes

Montagnede Robion - 1660 m

Les Règlés - 1447 m

Taloire

Les Cadièresde Brandis - 1545 m

La ColleBrayal

Taloire

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Le Serre

Les Cadièresde Brandis - 1545 m

Sommet dela Fumée - 1483 m L’Aup - 1669 mLa Palud

Taulanne Sionne

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