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Edgar Rice Burroughs

LE RETOURDE TARZAN

traduction : Pierre Cobore

1938

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CHAPITRE I

À BORD DU TRANSATLANTIQUE

« Magnifique !… murmura la comtesse deCoude à mi-voix.

— Comment ? fit le comte en se tournantvers son épouse. Qu’est-ce qui est magni-fique ? »

Et le comte jeta les yeux sur l’horizon, sansapercevoir autre chose qu’une mer grise sousun ciel bas.

« Ah ! rien, répondit la jeune femme en rou-gissant légèrement. Je songeais seulement àces extraordinaires gratte-ciel de New York,que nous venons de quitter… »

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Et la blonde comtesse ramassa un coussinqui venait de glisser de son fauteuil de pont,s’installa plus confortablement et se remit àparcourir un magazine.

Sans autre commentaire, son mari se plon-gea de nouveau dans sa lecture, après s’êtredemandé, avec un peu de surprise, pourquoi,à trois jours de bateau de New York, la com-tesse s’avisait subitement de trouver magni-fiques des constructions qu’elle avait qualifiéesprécédemment d’horribles. Quelques instantsplus tard, le comte ferma son livre.

« Je vous avouerai que je m’ennuie un peu,chère amie, dit-il à sa femme. Je vais tâcher detrouver quelques autres âmes en peine pour or-ganiser une partie de cartes. Vous m’excusez,Olga ?

— Ce n’est pas très galant de votre part !répondit la jeune femme en souriant, maiscomme je m’ennuie aussi, je vous pardonne.Allez, et jouez si cela vous amuse. »

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Lorsque le comte eut disparu, les yeux d’Ol-ga se posèrent de nouveau sur la haute sil-houette athlétique accoudée au bastingage etqui avait été le véritable motif de son exclama-tion un peu inconsidérée.

La comtesse de Coude avait vingt ans etson mari quarante. Elle n’en faisait pas moinsexcellent ménage avec celui que son père luiavait désigné pour époux.

L’exclamation que lui avait arrachée la vuede l’étranger n’avait été que l’expression d’uneadmiration toute objective, comme elle auraitpu en éprouver devant une belle statue ou unmonument harmonieux.

Comme l’inconnu s’éloignait et s’apprêtait àquitter le pont, la comtesse fit un signe à unsteward qui passait.

« Qui est ce monsieur ? demanda-t-elle.

— Il est inscrit sur les registres du bordsous le nom de M. Tarzan, venant d’Afrique, ré-pondit le steward.

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— C’est un peu vaste comme lieu d’ori-gine ! » songea la jeune femme en reprenant,encore une fois, sa lecture.

Tarzan, sans se douter le moins du mondede l’intérêt flatteur qu’il avait inspiré à la com-tesse, s’était rendu nonchalamment au fumoir.

Il était perdu dans ses rêveries et celles-ciétaient d’une couleur plutôt sombre. Son cœurvaillant s’était voué, à jamais, à une jeune fille,Jane Porter, qui avait fait, de la bête sauvagedes forêts d’Afrique que Tarzan avait été pen-dant toute son adolescence, le gentleman qu’ilétait aujourd’hui.

La noble naissance de Tarzan avait été dé-couverte ; l’être inculte qui avait partagé la vieerrante des grands singes de la jungle équa-toriale avait droit au titre de John Clayton,lord Greystoke. Il aimait Jane, Jane l’aimait, etla vie semblait lui offrir toutes ses promesses,mais la jeune fille avait donné sa parole au cou-sin de Tarzan, William Cecil Clayton ; celui-

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ci avait réclamé l’accomplissement de sa pro-messe et Tarzan s’était retiré le cœur brisé, de-vant son rival, abandonnant son titre et sa for-tune à son heureux parent, et tous les biens quilui importaient peu si Jane ne pouvait les par-tager avec lui.

Tarzan remuait donc ces tristes pensées,assis dans un des profonds fauteuils de cuir dufumoir, lorsque, voulant chercher son porte-ci-garette dans sa poche, il leva machinalementles yeux sur une haute glace qui lui faisait vis-à-vis, et attacha son regard sur la scène singu-lière qu’il y voyait se refléter.

Quatre hommes jouaient aux cartes, autourd’une table couverte d’un tapis vert. Tarzanconnaissait vaguement trois d’entre eux, dontl’un, le comte de Coude, lui avait été désignéincidemment comme une haute personnalitéfrançaise, parente du ministre de la Guerre.

En revanche, l’individu qui faisait face aucomte était totalement inconnu à Tarzan, et lui

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produisait à première vue une impression peufavorable, à cause surtout du regard faux deses petits yeux enfoncés.

Or, derrière le comte se tenait, d’un air in-différent, un personnage qui paraissait suivrele jeu, et Tarzan venait d’assister à une singu-lière manœuvre de la part de ce dernier : tirantde sa poche, d’un mouvement insensible, unobjet dissimulé dans sa main, l’homme s’étaitlégèrement rapproché du comte, et avait trans-féré cet objet dans la poche du veston de celui-ci, qui, tout absorbé par le jeu, ne s’était aperçude rien.

Le jeu continua ensuite plus de dix mi-nutes : le comte avait gagné une somme consi-dérable sur son adversaire et, l’heure avan-çant, allait se lever, lorsque l’homme aux yeuxfaux se leva brusquement et pointa un indexaccusateur vers le comte :

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« Si j’avais su que monsieur était un tri-cheur professionnel, j’aurais refusé de fairecette partie », dit-il d’une voix stridente.

Le comte et les deux autres joueurs se le-vèrent d’un bond. Le visage de de Coude étaitlivide.

« Savez-vous à qui vous parlez ? dit-il.

— À un tricheur ! riposta l’autre, et c’estbien la première fois de ma vie ! »

Le comte, fou de rage, allait se précipitersur son accusateur, mais il fut séparé de lui parles autres joueurs.

« Vous faites une fâcheuse erreur, mon-sieur, dit l’un des partenaires à l’homme auxyeux faux. L’honorabilité du comte de Coudene peut être suspectée.

— Si je me trompe, fit l’autre, je suis prêtà en faire réparation, mais auparavant, je dé-sire que monsieur le comte tire de sa poche lescartes que je l’ai vu y cacher. »

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Cette altercation avait attiré un nombreuxpublic, qui se pressait maintenant autour desjoueurs.

« Cet homme est fou, dit le comte, maisje consens à ce que l’un de vous, messieurs,vienne me fouiller afin de prouver ma bonnefoi.

— Nous n’en ferons certainement rien !Cette accusation est ridicule ! firent les autres.

— C’est trop fort ! s’exclama l’accusateur.Je suis sûr de ce que j’avance, et je vais leprouver ! »

Il allait s’avancer vers le comte, qui l’écartaavec dédain :

« Je n’accepterai d’être fouillé que par ungentleman ! » dit-il.

Comme nul volontaire ne se présentait, lecomte retourna lui-même les poches de sonveston.

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Trois cartes en sortirent et tombèrent àterre.

Un silence de mort suivit, tandis que le vi-sage du comte, de pâle, devenait cramoisi dehonte et d’indignation.

Mais à ce moment, une voix s’éleva, celled’un étranger à la haute taille, aux yeux clairs,qui maintenait dans sa poigne puissante un in-dividu chétif qui se débattait.

« Ce monsieur est victime d’une conspira-tion montée contre lui ! J’ai assisté à toute lascène, et c’est cette personne, dit-il en mon-trant son prisonnier, qui a glissé les cartes dansla poche de celui qu’on accuse. »

Le comte dévisagea l’homme que tenaitTarzan :

« Mais c’est Rokoff ! » s’exclama-t-il.

Puis il se tourna vers son accusateur, quiavait vainement tenté de s’enfuir :

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« Et vous, je vous reconnais maintenant,bien que vous ayez coupé votre barbe : vousêtes Paulvitch. Je comprends tout, mainte-nant !

— Il faut appeler le commissaire du bord,dit quelqu’un.

— Non ! fit hâtivement le comte. J’ai seuleu à souffrir de ce pénible incident et je sou-haite, seulement qu’il n’en soit plus parlé. Cesdeux hommes auront peut-être le tact de s’en-fermer dans leurs cabines pendant le reste duvoyage…

« Quant à vous, monsieur, ajouta-t-il en setournant vers Tarzan, je ne sais comment vousremercier de m’avoir délivré de cette infa-mante accusation. Permettez-moi de me pré-senter. »

Et il tendit sa carte à Tarzan, qui avait laisséaller son prisonnier. Les deux complices, dontchacun s’écartait maintenant avec dégoût, sor-tirent en hâte du fumoir, après avoir lancé un

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regard de haine farouche sur le comte et surTarzan.

Ce dernier, à son tour, tendit sa carte, surlaquelle de Coude lut ces mots gravés :

Jean C. Tarzan.

« Mon seul regret, dit le comte, est d’avoirattiré sur vous l’inimitié d’un homme commeRokoff. Sa haine est redoutable, et vous venezd’en avoir la preuve.

— Peu m’importe, dit Tarzan. Je ne puiscraindre un homme qui use d’armes aussibasses ! »

Ce soir-là, dans leur cabine, la comtesse deCoude contemplait son mari avec surprise :

« Qu’avez-vous, Raoul, dit-elle enfin, vousparaissez soucieux ?

— Nicolas est à bord, répondit le comte. Lesaviez-vous ?

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— Nicolas ! s’exclama-t-elle. Mais je lecroyais en prison !

— Je le croyais aussi, mais il est pourtantici, avec Paulvitch, son âme damnée. Je nepuis subir plus longtemps leurs persécutions,Olga ! J’ai décidé d’en référer au capitaine…

— Non, Raoul, je vous en supplie, n’enfaites rien ! s’exclama la comtesse en se jetantà ses pieds. Rappelez-vous votre promesse ! Jevous en conjure, ne menacez pas Rokoff ! »

De Coude posa longtemps ses regards surceux de sa femme comme pour deviner la rai-son qui lui faisait protéger ce misérable.

« Qu’il en soit comme vous le voulez, Olga,dit-il enfin, mais vous le regretterez peut-être.Ils ont essayé de salir mon honneur ! »

Et le comte narra à sa femme les événe-ments qui s’étaient déroulés dans le fumoir.

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« Je n’aurais jamais pu établir mon inno-cence sans l’intervention d’un passager,M. Tarzan, qui avait assisté à la scène…

— Tarzan ! s’exclama involontairement lacomtesse.

— Oui. Le connaissez-vous ?

— … Non. J’ai entendu, je crois, prononcerson nom par un steward. »

Et la comtesse détourna les yeux, un peuembarrassée par ce demi-mensonge.

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CHAPITRE II

DÉCLARATION DE GUERRE

Ce n’est que le lendemain dans l’après-midi,que Tarzan se retrouva face à face avec lesdeux misérables dont il avait dévoilé les in-dignes manœuvres, et, certes, il les retrouva àun moment où ceux-ci étaient particulièrementpeu désireux de le voir intervenir.

Ils se trouvaient dans un coin désert dupont, et semblaient discuter âprement avecune femme élégante, à la fine silhouette, maisdont le visage était à moitié dissimulé par unhaut col de fourrure.

L’attitude de Rokoff était si menaçante queTarzan, instinctivement, se rapprocha de luisans être vu. Des bribes de phrases lui parve-

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naient, mais comme le groupe discutait en unelangue étrangère, il ne put comprendre ce quise disait.

Soudain, Rokoff, à qui la jeune femme ve-nait d’adresser une phrase véhémente, lui sai-sit le poignet avec brutalité et le tordit. Elle eutun léger cri de souffrance, mais déjà une lourdemain s’appesantissait sur l’épaule de l’hommequi se retourna brusquement pour rencontrerles yeux gris au regard froid de celui qui l’avaitdéjà bafoué la veille.

« Ah çà ! grinça Rokoff, de quoi vous mêlez-vous ?

— Je vous interdis de brutaliser cettedame ! dit froidement Tarzan qui, d’une pous-sée, fit tomber l’homme à genoux.

— Ah ! tu insultes Nicolas Rokoff ! C’en esttrop ! »

Et l’homme tira de sa poche un revolverqu’il braqua sur Tarzan.

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« Non, Nicolas ! ne faites pas cela ! » cria lafemme.

Mais déjà, d’une seule détente du bras, Tar-zan avait fait voler l’arme par-dessus bord.

« Vous voulez donc absolument vous ran-ger parmi mes ennemis ? fit Rokoff, dont lesyeux s’éclairèrent d’une lueur fauve. Je mevengerai de vous comme des autres ! »

Tarzan haussa les épaules, et se tourna versla jeune femme pour lui demander si l’hommene l’avait pas meurtrie, mais elle avait disparu.

Il reprit sa promenade sur le pont, sans unregard pour Rokoff et son compagnon, quimurmuraient des imprécations.

Il se demandait quelle était cette femme,dont les traits, vaguement entrevus, malgré lessoins qu’elle mettait à se dissimuler, ne luiétaient pas inconnus.

Cette scène l’avait légèrement déprimé, et,devant la haine et les bas sentiments qu’il ve-

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nait de voir se déchaîner, il se prenait à regret-ter sa jungle natale, où du moins la cruauté desêtres n’était que l’expression de la nécessité, oùl’on ne tuait que pour subsister.

Il rêvait ainsi, sur la passerelle, lorsque soninstinct l’avertit que des yeux étaient fixés surlui.

Il se retourna brusquement, et aperçut unejeune femme, debout à quelques pas de lui.Elle détourna aussitôt la tête et s’éloigna, maisTarzan l’avait reconnue : c’était la jeune femmequ’il avait délivrée des brutalités de Rokoff etde Paulvitch.

Il se demanda un instant quelles singulièrescirconstances avaient pu mettre une femmequi, manifestement, appartenait à la meilleuresociété, en relation avec un homme commeRokoff.

Après le dîner, Tarzan, désœuvré, entamaune conversation avec le second lieutenant,puis, quand les devoirs de l’officier l’appelèrent

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ailleurs, il reprit sa promenade sur le pont. Ils’était arrêté un moment, pour admirer le ma-gnifique clair de lune, lorsque deux hommespassèrent près de lui, lentement, sans le recon-naître.

Tarzan, lui, avait aussitôt deviné les sil-houettes de Rokoff et de Paulvitch.

Il perçut un lambeau de phrase : « Et si ellecrie, vous n’aurez qu’à la frapper… »

C’en était assez pour réveiller en Tarzanl’esprit d’aventure et le désir d’entraver, encoreune fois, les louches machinations des deuxhommes.

Il se mit donc en devoir de les suivre, sansfaire plus de bruit que naguère, lorsqu’il pour-chassait une gazelle.

Les deux hommes descendirent à l’étagedes cabines de première classe, et Tarzan réus-sit à les suivre et à se blottir dans l’embrasured’une porte, au moment où ils s’arrêtaient pour

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inspecter des yeux la coursive, avant de frap-per à une cabine.

« Qui est là ? fit, de l’intérieur, une voix fé-minine.

— C’est moi, Nicolas, répondit Rokoff d’unton assourdi. Puis-je entrer ?

— Ne pouvez-vous me laisser en paix ? re-prit la voix. Je ne vous ouvrirai pas !

— Allons, Olga, fit Rokoff avec impatience,je ne vous ferai aucun mal, et je ne désiremême pas entrer chez vous, mais j’ai quelquesmots à vous dire, et je ne puis vous les commu-niquer à travers cette porte… »

Tarzan entendit le bruit d’une clef tournantdans une serrure, et il risqua un coup d’œilpour voir la suite des événements. La porteétait maintenant entrouverte, et Rokoff se te-nait dans l’embrasure, masquant l’intérieur dela pièce.

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« Eh bien, qu’avez-vous à me dire ? » repritla voix féminine.

Rokoff se pencha en avant et sembla mur-murer quelque chose.

« Non, Nicolas ! fit la voix avec fermeté, ilest inutile d’insister. Menacez tant que vousvoudrez, je n’obéirai pas. Sortez maintenant, jevous prie, vous m’avez donné votre parole dene pas entrer ici.

— Je n’ai qu’une parole, fit orgueilleuse-ment Rokoff qui, probablement, se vantait.Mais réfléchissez bien avant de me donnervotre dernier mot car vous le regretterez avantqu’il soit longtemps.

— Jamais ! » reprit la femme.

Tarzan vit alors Rokoff s’effacer, mais avantque l’occupante de la cabine ait pu refermer laporte, Paulvitch, posté derrière son complice,s’élançait et entrait brusquement dans la pièce.Rokoff referma soigneusement la porte sur luiet, de l’extérieur, se mit à écouter.

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D’une voix éclatante, la jeune femme com-mandait à Paulvitch de sortir sans délai.

« Je dois exécuter ma mission, réponditl’autre. La volonté de Rokoff est, puisque vousavez refusé sa proposition, que je vous martèlele visage de coups de poing de façon à vous dé-figurer. »

Un silence mortel suivit cette affreuse dé-claration.

« Alexis Paulvitch, reprit enfin la voix de lafemme, vous êtes un lâche et un misérable. Sivous portez la main sur moi, je serai vengéepar mon mari d’une façon terrible.

— Nous saurons bien parer à cet inconvé-nient ! » prononça la voix railleuse de Paul-vitch.

Sans plus parlementer, la jeune femme lan-ça un long cri d’appel.

Comme pour y répondre, Tarzan bondit desa cachette et se rua sur Rokoff qui, surpris,

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n’eut pas le temps de s’enfuir. Sans tarder, Tar-zan tourna la clef, ouvrit la porte, et se trouvaface à Paulvitch, décontenancé. À ses côtés,la jeune femme semblait respirer avec peine.Comme Tarzan l’avait déjà pressenti, c’était lamême personne qu’il avait délivrée, la veille ausoir.

« Que signifie tout cela ? fit Tarzan en se-couant rudement Rokoff qui garda le silence.Sonnez madame, je vous prie, dit-il en s’adres-sant à la jeune femme, ces criminels doiventêtre remis sans délai à la garde du capitaine dece navire.

— Non, non, s’écria-t-elle en se levant dufauteuil où elle était prostrée. Je ne crois pasqu’ils m’aient réellement voulu du mal… je se-rais heureuse de ne pas être mêlée à un scan-dale !… acheva-t-elle avec une note de prièredans la voix, devant laquelle il ne restait à Tar-zan qu’à s’incliner.

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— Ne puis-je donc rien faire de plus ? fit-ilindécis.

— Rien, je vous en prie ! répéta la jeunefemme.

— Supporterez-vous donc d’être sans cessepersécutée par ces deux bandits ? »

Elle hésita et parut ne savoir que répondre.Tarzan devina qu’elle avait peur des deuxhommes et n’osait parler devant eux. « Ehbien, s’il en est ainsi, dit-il, partez tous deux ! »Et, d’une seule poussée, il jeta les deuxhommes sur le palier.

« Sachez bien, reprit-il, que j’aurai l’œil survous jusqu’au débarquement, et ne vous avisezplus de recommencer, car je pourrais manquerde patience, à la longue. »

Les deux hommes déguerpirent sans de-mander leur reste.

Tarzan se tourna vers la jeune femme :

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« Quant à vous, madame, vous m’honore-riez en me faisant confiance et en m’avertis-sant si vous avez de nouveau à vous plaindrede ces tristes individus.

— J’espère, répondit-elle en tremblant unpeu, que vous n’aurez pas à regretter d’avoirpris si courageusement ma défense. Méfiez-vous d’eux ! mais soyez assuré de mon infiniereconnaissance ! »

Avec un charmant sourire, qui révéla desdents étincelantes, elle tendit la main à Tarzan,qui s’inclina et prit congé.

Il était quelque peu intrigué de constaterque deux personnes à bord – la jeune femmeet le comte de Coude – étaient simultanémenten butte aux persécutions de Rokoff. Quelleétrange histoire était à l’origine de tous cesévénements ?

Les journées suivantes s’écoulèrent tran-quillement, et Tarzan n’aperçut plus aucun despersonnages de ce petit drame.

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Pourtant, la veille du dernier jour duvoyage, il se trouva face à face avec la jeunefemme sur le pont. Elle le salua gracieusementet engagea presque aussitôt la conversation :

« Je n’ai pas encore eu l’occasion de vousrenouveler mes remerciements pour le secoursque vous m’avez apporté l’autre soir, dit-elle. Àvrai dire, c’est la première fois, depuis ce jour-là, que je sors de ma cabine… j’avais peur.

— N’importe qui aurait agi comme moi àma place, murmura Tarzan.

— Vous semblez, en tout cas, voué à jouerle rôle d’ange gardien de mon ménage, reprit lajeune femme avec un léger sourire.

— Comment cela ? fit Tarzan, surpris. Je necomprends pas.

— Vous m’avez par deux fois sauvée, expli-qua-t-elle, et mon mari m’a conté les circons-tances où vous aviez pu prouver qu’on avaitcherché à le convaincre de tricherie au jeu.

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— Votre mari ?

— Oui, je suis la comtesse de Coude.

— Si j’ai pu vous être utile, madame, ditTarzan, j’en suis amplement récompensé enapprenant que j’ai pu rendre service à lafemme du comte de Coude. »

Une passagère de la connaissance de lacomtesse venait de s’approcher, et celle-cis’éloigna avec elle, après avoir adressé à Tar-zan un sourire si charmant que celui-ci sentitqu’un homme pouvait accomplir des exploitsincomparablement supérieurs au sien pourêtre récompensé par un tel sourire.

Il ne revit pas la jeune femme durant lajournée et, le lendemain, dans le tohu-bohudu débarquement, il la perdit complètement devue, mais il se rappela souvent son sourire, parla suite, en se demandant si le destin capri-cieux ne les remettrait pas, un beau jour, enprésence l’un de l’autre.

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CHAPITRE III

CE QUI SE PASSARUE DE VARIZE

À son arrivée à Paris, Tarzan descendit chezson vieil ami d’Arnot, un officier de marine qui avait conçu une sincère amitié pour l’homme étrange et à demi civilisé qu’il avait connu alors que celui-ci n’était encore qu’une véri-table bête sauvage, errant dans la brousse avec les grands anthropoïdes, ses frères.

Les deux premières semaines du séjour à Paris furent consacrées par lui à faire connais- sance avec la grande capitale. Tout l’émer- veillait, tout l’intimidait aussi dans cette ville,non pas uniquement matérialiste comme New York, mais qui, grande cité commerçante et in-

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dustrielle, est en même temps l’asile des pen-seurs et des savants.

Tarzan se mit à lire avec fièvre. Il passaitses journées à la Bibliothèque Nationale, et, lesoir, se rendait fréquemment au théâtre.

Une nuit, il revenait précisément du spec-tacle et avait décidé de rentrer à pied, son inac-tion relative lui faisant saisir avec plaisir toutesles occasions de prendre un peu d’exercice.

L’appartement de d’Arnot était situé à Au-teuil, boulevard Murat, et pour gagner la de-meure de son ami, Tarzan devait traverser denombreuses rues désertes de ce quartier, oùalternent les immeubles neufs et les terrainsvagues. Tarzan longeait la mélancolique etsombre rue de Varize lorsque, soudain, il tres-saillit et s’immobilisa.

Au troisième étage d’une maison à peineachevée, et qui semblait n’être pas encore ha-bitée, des ombres passaient devant une fenêtre

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faiblement éclairée, et une voix de femme ve-nait de lancer un appel désespéré.

Avant que l’écho de ce premier cri se fûtéteint, la voix poussait un nouvel appel plusdéchirant encore et Tarzan se précipitait dansl’escalier de l’immeuble, qui sentait le plâtrefrais.

L’instant d’après, il se trouvait dans unepièce presque dépourvue de meubles, où unedouzaine d’individus à la mine patibulairecherchaient à réduire à merci une femme d’unetrentaine d’années. Cette femme aurait pu pas-ser pour belle sans l’expression à la fois lasseet désabusée de ses traits, et sans la dureté deson regard.

L’irruption de Tarzan ne parut pas décon-certer les bandits, qui se retournèrent touscontre lui.

« Au secours ! murmura encore la femmed’une voix étranglée. Ils veulent me tuer ! »

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Tarzan, déjà, était aux prises avec les agres-seurs de l’inconnue, qui brandissaient des cou-teaux et des matraques d’un air menaçant. Àson indicible surprise, il reconnut l’un de ceshommes qui, se tenant prudemment hors deportée des coups, venait de se glisser par uneporte entrouverte : c’était Rokoff ! L’enivrantesensation du combat grisait Tarzan, et déjà lapanique se glissait parmi les assaillants. Ils’était défait, d’un coup de poing au menton,d’une espèce d’hercule qui le menaçait d’unemassue, et ceux qui restaient ne cherchaientplus qu’à fuir.

Au bout du corridor, Rokoff attendait pa-tiemment l’issue d’une bataille dont le résultat,pour lui, ne faisait pas de doute. Il préféraittoutefois se tenir à l’abri, n’intervenir quelorsque tout serait fini et que celui qui avait osése mettre en travers de ses projets serait horsde combat.

Pourtant, ayant risqué un coup d’œil dansl’entrebâillement de la porte, Rokoff, la rage

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au cœur, s’aperçut qu’il s’était trompé dans sesprévisions et, sans plus attendre, il se précipitadans la rue, en quête du plus proche avertis-seur de police.

Là, il téléphona au poste qu’un homme étaiten train de commettre un meurtre, au numéro27 de la rue de Varize.

Lorsque les agents arrivèrent, ils trouvèrenttrois hommes qui gémissaient sur le sol, unefemme épouvantée blottie dans un coin, et unjeune homme bien vêtu, mais au regard brillantencore d’une flamme sauvage, qui les défiaitdu regard.

« Que se passe-t-il ? » demanda l’un desagents.

Tarzan raconta brièvement les faits, maislorsqu’il se tourna vers la femme pour avoirconfirmation de ses paroles, il fut confondu parla déclaration que fit celle-ci. « Il ment ! cria-t-elle, en se tordant fébrilement les bras. Cethomme est entré chez moi, sans doute pour

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me dévaliser, et il s’est jeté férocement sur cesmessieurs qui, alertés par mes cris, étaient ve-nus à mon secours. »

Ce démenti impudent étourdit Tarzan, quidemeura un instant sans voix.

Les agents se consultaient du regard. Ilsétaient assez sceptiques quant à la déclarationde la jeune femme, récit qui leur semblait bieninvraisemblable, mais, dans le doute, ils déci-dèrent d’emmener avec eux tous les acteurs decette étrange scène.

« Allez, ouste, fit le brigadier. Suivez-noustous. Vous vous expliquerez au poste. »

Mais Tarzan n’était pas encore assez au faitdes coutumes des pays civilisés pour supporterd’être traité sur le même pied que ceux qui ve-naient, il s’en apercevait maintenant, de l’en-traîner dans un guet-apens.

« Je suis innocent, déclara-t-il avec calme,et j’ai seulement voulu défendre cette femme.J’ignore pourquoi elle a agi ainsi, mais je suis

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sûr maintenant qu’elle est la complice de cesindividus.

— C’est bon, c’est bon, fit l’agent avec im-patience. Vous raconterez tout cela au com-missaire. »

Il s’approchait déjà pour saisir Tarzan par lebras, mais rapide comme la foudre, un poingredoutable s’abattit sur lui, et il s’en alla roulerà l’autre bout de la pièce. Le geste avait été siinattendu qu’un bref instant de stupeur régnaparmi les collègues de l’infortuné agent avantque ceux-ci songeassent à saisir leurs revol-vers.

Pendant ce temps, Tarzan avait avisé la fe-nêtre ouverte, qui donnait sur un marronnieraux épais branchages. Au moment où lesagents, revenus de leur surprise, allaient seprécipiter sur lui, il ferma le commutateur del’électricité qui se trouvait près de lui, et selaissa couler, par la fenêtre, dans l’épaisse ra-mure de l’arbre. De là, il sauta, avec cette ex-

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traordinaire agilité qu’il devait à ses longuesannées passées dans la forêt équatoriale, surun arbre voisin, et bientôt il disparaissait encourant à l’autre extrémité de la sombre rue.

Après avoir fouillé tout l’immeuble dansl’espoir de retrouver l’être fantasmagorique quileur avait si inopinément échappé, les agents,vexés et humiliés, entraînèrent au poste, sanstrop de douceur et malgré leurs protestations,les autres protagonistes de la rixe. Quant à T

ar-

zan, il avait repris une démarche de flâneurdès qu’il s’était retrouvé dans des avenues pluspeuplées et mieux éclairées.

Il traversait la rue Michel-Ange, en réflé-chissant au curieux incident qui venait de seproduire, lorsque, levant les yeux, il rencontrale visage d’Olga de Coude, souriant derrière laglace d’une somptueuse voiture qui l’entraînaità toute vitesse.

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zan… Décidément, Paris n’est pas si grandqu’on le dit, après tout ! »

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« Rencontrer Rokoff et la comtesse deCoude dans la même soirée, monologua Tar-

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CHAPITRE IV

LA COMTESSE S’EXPLIQUE

« Votre Paris est plus dangereux que majungle natale, dit en souriant Tarzan qui venaitd’achever de conter les événements mouve-mentés de la veille au soir à son ami d’Arnot.

— Mais quel but poursuivaient ces gens enagissant ainsi ? dit d’Arnot préoccupé ; voilà ceque je n’arrive pas très bien à comprendre.

— C’est très simple, à mon avis. Je vousai dit que, durant mon voyage à New York auHavre, je m’étais fait un ennemi en la personned’un misérable du nom de Rokoff, et je vous airaconté en quelles circonstances. Cet hommea dû m’épier depuis le début de mon séjour àParis, constater que je rentrais souvent à pied

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tard le soir, et échafauder toute cette comédieafin de me tenir à sa merci et probablement deme supprimer…

— Ce n’était, somme toute, pas mal com-biné, fit d’Arnot en riant, mais il avait comptésans votre force prodigieuse, mon cher Tar-zan !

— J’espère que ceci sera un avertissementsuffisant, dit Tarzan à son tour. Mon seul re-gret, c’est d’avoir frappé cet agent qui, aprèstout, ne faisait que son devoir, mais sur le mo-ment, je me sentais encore un peu dans l’étatd’esprit d’une bête sauvage que l’on veut cap-turer, et je n’ai songé qu’au moyen de me sau-ver le plus rapidement possible. »

À ce moment, le valet de chambre de d’Ar-not entra, et, sur un plateau, tendit une lettre àson maître. D’Arnot, après s’être excusé auprèsde son hôte, prit connaissance de la missive etresta un instant silencieux.

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« C’est une lettre de lord Greystoke », dit-il enfin. Il se tut de nouveau, redoutant àl’avance de porter un coup douloureux à sonami.

« Ils doivent se marier à Londres dans deuxmois », ajouta-t-il enfin, à regret.

Tarzan savait à qui d’Arnot faisait allusion.Il ne répondit rien, mais resta triste et soucieuxpendant le restant de la journée.

Ce soir-là, les deux jeunes gens avaient dé-cidé de se rendre à l’Opéra. Pour échapper àses tristes pensées, Tarzan se rendit aux ami-cales instances de d’Arnot, bien qu’il eût toutd’abord refusé de l’accompagner, se sentantpeu d’humeur à aller dans le monde, après ladouloureuse nouvelle qu’il venait d’apprendre :Jane, cette jeune fille qu’il chérissait avec tantd’ardeur, allait s’unir à un autre…

Il écoutait distraitement la musique deWagner, lorsque son attention fut magnétique-

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ment attirée vers une loge d’où, il le sentait,des yeux étaient fixés sur lui.

Il reconnut le gracieux visage de la com-tesse Olga de Coude, qui lui fit un signe im-perceptible pour lui indiquer qu’elle désirait luiparler. Dès le premier entracte, Tarzan se pré-sentait à la loge de la comtesse qui l’accueillitchaleureusement.

« J’ai beaucoup de remords, dit-elle, d’avoirparu ingrate envers vous, et de vous avoir lais-sé sans nouvelles de moi après le grand serviceque vous m’avez rendu naguère.

— Je ne vous ai point suspectée d’ingrati-tude, répondit Tarzan, mais j’espère vivementque vous n’êtes plus victime des persécutionsdes deux misérables dont j’ai essayé de vousdébarrasser ?

— Hélas ! dit amèrement la comtesse, cettepersécution, comme vous le dites, ne finira, jele crains bien, qu’avec ma vie… Mais je vou-drais vous parler plus tranquillement que nous

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ne pouvons le faire ici. Je serai chez moi de-main à cinq heures.

— Je ne manquerai pas de me présenter àvotre porte à l’heure que vous m’indiquez », ditTarzan.

Le lendemain, Tarzan arrivait devant lagrille du luxueux hôtel particulier occupé par lecomte de Coude. À sa vue, un homme qui s’en-tretenait mystérieusement avec l’un des do-mestiques, devant une entrée de service, s’ef-faça précipitamment.

Tarzan avait été introduit auprès de la com-tesse. Ils parlèrent d’abord de choses indiffé-rentes, puis la comtesse, après avoir réfléchiun moment, se décida d’aborder un autre su-jet :

« Malgré la discrétion dont vous faitespreuve, dit-elle, je devine que vous vous êtesdemandé quel était le but que poursuivait Ro-koff en me tourmentant comme il le fait… »

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Elle poursuivit, malgré le vague geste de déné-gation de Tarzan :

« C’est très simple. Mon mari a toute laconfiance du ministre de la Guerre et il est enpossession de documents que bien des puis-sances étrangères paieraient cher. Rokoff estun espion international ; il ne reculerait devantrien pour mettre la main sur ces précieux pa-piers et, s’étant rendu compte qu’il ne pourraitles dérober aisément, il emploie diverses ma-nœuvres pour obtenir de les recopier, soit enusant de procédés d’intimidation à mon égard,soit en mettant mon mari dans une situationoù il serait à la merci du chantage qu’opéreraitalors sur lui ce misérable.

« Certes, si mon mari avait été convaincude tricher au jeu, lors de l’incident dont vousavez été témoin, il aurait préféré se tirer uneballe dans la tête plutôt que de prêter la mainaux projets de Rokoff, mais grâce à vous, cedrame a été évité, de même que votre inter-vention m’a permis d’échapper aux mauvais

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traitements qu’allait m’infliger Paulvitch, soncomplice, parce que je refusais de livrer cesdocuments…

— Les misérables ! murmura Tarzan.

— J’ai voulu vous avertir, reprit la com-tesse en souriant mélancoliquement, parce queje crains pour votre propre vie. Je sais que Ro-koff a juré votre perte autant que la nôtre.

— Mais pourquoi, dit Tarzan, n’avertissez-vous pas les autorités, afin de vous mettre ensûreté et de vous délivrer de ce cauchemar ? »

Elle hésita un moment avant de répondre.

« Écoutez, dit-elle enfin ; je vais vous don-ner une vraie preuve de confiance en vous ré-vélant ce que je n’ai jamais dit à personne :Rokoff, ce misérable, ce lâche, cet espion, estmon frère ! »

Elle soupira, puis reprit :

« Il appartient, comme moi, à une noble fa-mille russe apparentée aux Romanoff, mais il a

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été chassé de l’armée après s’être déshonoré ;notre famille l’a renié et, depuis, il vit d’expé-dients.

— Mais ses crimes ne vous autorisent-ilspas à considérer, vous aussi, qu’aucun lien deparenté ne vous unit plus à lui, puisqu’il n’hé-site pas à travailler au malheur de sa propresœur ? fit Tarzan.

— Peut-être, poussée à bout, agirais-je eneffet ainsi, dit la comtesse, mais il détient unsecret qu’il n’hésiterait pas à révéler, si je le fai-sais arrêter… »

Après une ultime hésitation, la comtesse re-prit : « Je ferais aussi bien de tout vous dire…Sachez donc que, dans mon pays natal, alorsque j’étais toute jeune encore, à peine âgée deseize ans, je m’étais enthousiasmée pour lesdoctrines professées par nos nihilistes. Je mefis affilier à l’une de ces organisations, maisj’y renonçai, effrayée, lorsqu’on m’ordonna defaciliter les agissements d’un homme qui de-

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vait jeter une bombe sur le cortège impérial.Je refusai donc d’appartenir plus longtemps àune telle association, mais je ne me sentis pasle droit de dénoncer ce complot… » Olga deCoude réprima l’émotion qui faisait trembler savoix.

« Et je me sens ainsi, aujourd’hui encore, unpeu complice de l’attentat qui faillit coûter lavie à bien des innocents. L’entreprise avorta,heureusement, mais Rokoff a des preuves demon passage parmi les nihilistes, et il m’a me-nacée de me dénoncer à mon mari si j’osaism’élever contre lui. »

Tarzan sourit : « Vous étiez si jeune alors !Comment votre mari pourrait-il vous en vou-loir d’avoir été séduite par des idées que vousavez en tout cas abandonnées depuis long-temps ?

— Vous ne connaissez pas le comtede Coude, fit vivement Olga. Il est beaucoup

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plus âgé que moi, et je n’espère aucune indul-gence de sa part… »

Lorsque Tarzan quitta la comtesse,quelques instants plus tard, elle lui fit pro-mettre de revenir bientôt, et il partit, charmépar sa grâce et sa franchise, conquis par sonregard mélancolique et son aimable sourire…Olga était restée seule, et réfléchissait à ceque lui avait dit Tarzan, lorsqu’elle fut tirée deses méditations par l’apparition d’un individuqu’elle n’apercevait jamais qu’avec appréhen-sion. C’était Rokoff !

« Que faites-vous ici ? dit-elle en sursau-tant.

— Ah ! cette chère petite sœur a peur demoi ! fit l’autre en ricanant. Vous trouviez plusd’agrément, paraît-il, à la compagnie de l’es-pèce de sauvage qui sort d’ici ?

— Que voulez-vous dire, balbutia Olga, etcomment êtes-vous entré chez moi ?

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— Je suis entré parce que cela me plaît, etque je suppose que vous ne refusez pas l’entréede votre maison à votre frère, Olga », dit froi-dement Rokoff. Olga serra convulsivement lespoings, mais Rokoff poursuivit, d’une voix dou-cereuse :

« J’ai écouté avec intérêt votre édifianteconversation avec cet individu. Vous imagine-rez-vous par hasard, ma pauvre enfant, quele comte de Coude accepterait l’idée que safemme a appartenu à une association de dyna-miteurs ? »

Il ricana :

« Pour ma part, j’en doute, et je vous répètece que je vous ai déjà dit : si, oubliant tout sen-timent fraternel, vous me dénoncez aux auto-rités françaises, je ferai part moi-même à votremari de cet épisode pittoresque de votre vie,ma chère Olga, et j’en informerai par la mêmeoccasion quelques journalistes qui ne manque-ront pas de faire des échos amusants à ce sujet.

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— Infortunée que je suis ! balbutia Olga, at-terrée.

— Enfin, ajouta Rokoff, qui s’apprêtait àpartir, mais ne résista pas au plaisir de lancercette dernière flèche, je vous conseillerais, machère sœur, de ne pas recevoir trop souventce Tarzan. Vous pourriez vous en repentir… etj’en serais sincèrement navré ! »

Et tandis qu’Olga froissait avec rage sonmouchoir de dentelle, Rokoff s’en fut en rianttoujours.

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CHAPITRE V

UN COMPLOT QUI ÉCHOUE

Pendant le mois qui suivit, Tarzan se renditassidûment chez la comtesse de Coude. Celle-ci, qui menait une vie assez retirée, auprèsd’un mari absorbé par ses fonctions, le recevaittoujours avec joie, et il oubliait auprès de cettecharmante femme le désespoir qui le saisissaitquand il était seul et qu’il songeait à Jane.

Olga avait d’abord été effrayée en songeantaux menaces voilées de Rokoff, puis elle s’étaitrassurée peu à peu.

Parfois, d’Arnot, qui connaissait depuislongtemps les de Coude, accompagnait sonami dans ses visites et il arrivait que le comtefît une brève apparition, toujours écourtée par

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les multiples affaires qui réclamaient sa pré-sence.

Rokoff était au courant de tout ce qui sepassait dans la demeure de sa sœur, grâce auxintelligences qu’il s’était ménagées, moyen-nant finances, auprès d’un des domestiques dela maison.

C’est ainsi qu’il apprit certain jour que lecomte devait se rendre à une importanteconférence qui le retiendrait fort tard dans lasoirée.

Il vit là l’occasion de mettre à exécution sesténébreux desseins et de se venger de sa sœuren ruinant l’estime que son mari avait pour ladroiture de son caractère.

Vers onze heures du soir, ce jour-là, Paul-vitch, suivant les instructions de Rokoff, de-manda au téléphone l’appartement de d’Arnot.

Quand il eut Tarzan au bout du fil, il luitransmit, en déguisant sa voix, « de la partdu valet de chambre, François », un soi-disant

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message de la comtesse qui désirait le voir im-médiatement.

Sans perdre un instant, Tarzan, dévoré d’in-quiétude, se rendit chez Olga.

Le valet de chambre qui lui ouvrit était celuiqu’avait acheté Rokoff. Dûment stylé àl’avance par le Russe, le domestique introduisitle visiteur chez la comtesse en même tempsqu’il l’annonçait.

Olga était dans le grand bureau du comte,occupée à écrire. En apercevant Tarzan, ellebondit sur ses pieds :

« Que se passe-t-il ? s’écria-t-elle. Commentse fait-il que vous veniez chez moi à cetteheure ?

— Mais… fit Tarzan, interdit, vous m’avezvous-même fait appeler par votre valet dechambre François !

— François ? fit Olga, de plus en plus sur-prise. Aucun de mes domestiques ne porte ce

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nom, et je n’ai chargé personne de vous fairevenir !

— Que signifie ceci ? fit Tarzan inquiet. Neserait-ce pas une nouvelle traîtrise de votre es-timable frère ?

— Ah ! fit Olga en réfléchissant. Vous devezavoir raison… Mon mari est sorti ce soir, pourune conférence importante, et il doit y avoirà ce faux message un motif qui ne peut êtrequ’un piège… Je suis inquiète… terriblement.Écoutez ! dit-elle en prenant brusquement unedécision, je vais immédiatement courir l’aver-tir. En mon absence, je vous confie la garde deces précieux dossiers… »

Et Olga appuya sur un bouton qui déclen-cha un mécanisme secret. Une partie de la bi-bliothèque s’ouvrit, démasquant la ported’acier d’un coffre-fort.

* * *

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Le comte avait reçu, au cours de la réunion,un pli qui lui était adressé personnellement etqui n’était autre qu’une lettre anonyme écriteen termes crus par Rokoff qui n’hésitait pas àaccuser la comtesse de vouloir livrer les do-cuments à une puissance étrangère dont Tar-zan serait l’agent et l’avertissait de la présenceinsolite du jeune homme à son domicile. Aus-sitôt, de Coude prit congé hâtivement de seshôtes et se jeta dans sa voiture, plein detrouble et de colère.

Il pénétra brusquement dans l’appartementd’Olga et vit sa femme occupée à manœuvrerle mécanisme secret en présence de celui qu’ilconsidérait maintenant comme un vulgaire es-pion.

Fou de rage et d’indignation, de Coude seprécipita sur Tarzan. Le géant, surpris à l’im-proviste, ne voulut d’abord prendre qu’une at-titude défensive, mais la fureur monta en luien entendant les injustes insultes et les impré-

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cations que le comte lançait à sa femme et,bientôt, sans s’en rendre compte, il rendit couppour coup.

Il ne s’arrêta qu’en voyant de Coudes’écrouler et Olga, avec un grand cri, se jeter ensanglotant sur le corps inanimé de son mari.

« Vous l’avez tué ! cria-t-elle, en se tordantles bras avec désespoir. Mon Dieu, vous aveztué mon mari ! »

Frémissant, hagard, Tarzan essuya la sueurqui ruisselait de son front.

Le sang-froid lui revenait graduellement etil se rendait compte maintenant de la terriblesituation dans laquelle ils se trouvaient tousdeux, Olga et lui, si, dans sa rage aveugle, ilavait tué le comte, coupable seulement, aprèstout, d’avoir trop vite cru à un rapport menson-ger.

Il se pencha sur le corps inerte, et, avecun soulagement indicible, constata que le cœurbattait encore faiblement. Il transporta de

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Coude sur un canapé et lui frotta les lèvresavec du cognac que la comtesse, tremblante,lui apporta. Le comte remua faiblement.

« Il ne mourra pas, Dieu soit loué ! dit Tar-zan.

— Ah ! qu’avez-vous fait, mon ami ! soupirala jeune femme.

— Pardonnez-moi, Olga, dit humblementTarzan. Je ne suis encore qu’un sauvage, je lesais… Je vous ai déjà conté ma vie dans la fo-rêt. Je n’ai pas encore appris à dompter mesinstincts brutaux, et je n’ai pu réprimer ma fu-reur en l’entendant vous insulter. Pardonnez-moi, je vous en supplie !

— Je n’ai pas à vous pardonner, mon ami,fit tristement la comtesse. La faute de tout ceciincombe à mon misérable frère et peut-êtreà mon imprudence… Partez, maintenant, j’es-père que Raoul va reprendre bientôt connais-sance, et il ne faut à aucun prix qu’il vous re-

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trouve ici quand il sortira de cet évanouisse-ment. »

Courbant la tête, Tarzan sortit du boudoir etreferma doucement la porte.

À ce moment, il aperçut une tenture quiremuait légèrement, et l’écartant d’un gestebrusque, il vit le valet de chambre qui l’avait in-troduit, avec si peu de cérémonie, chez sa maî-tresse.

« Ah ! fit Tarzan d’une voix sourde, c’estdonc toi qui sers d’espion et de complice à Ro-koff ! »

Puis, une idée lui venant subitement, il prità la gorge le domestique vert de peur.

« Écoute, misérable, je pourrais t’étranglersur place, mais je te fais grâce pour cette fois situ m’indiques immédiatement en quel endroitje puis trouver Rokoff ! »

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Sans se faire prier davantage, mais en bé-gayant d’effroi, le domestique donna uneadresse.

Pendant ce temps, Rokoff et Paulvitch fai-saient une partie de cartes dans la chambredu Russe, pour tuer le temps en attendant lesnouvelles que devait leur apporter le valet dechambre infidèle. Soudain, un pas rapide re-tentit dans l’escalier.

« Eh bien ! fit Rokoff avec un méchant sou-rire, voici Joseph qui va nous raconter la petitescène de famille qui vient de se dérouler chezmon misérable beau-frère ! »

Et, dans son impatience, il courut à la porte,pour ouvrir plus vite au visiteur. Mais il chan-gea de visage en apercevant la silhouette del’homme qui se dressait devant lui : c’était Tar-zan !

« Que me voulez-vous ? hurla-t-il en ten-tant vainement de refermer la porte.

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— Vous le savez parfaitement, dit Tarzan enle traînant dans la chambre où Paulvitch, in-quiet, attendait. Je devrais vous tuer et délivrerl’humanité d’un misérable tel que vous, mais jen’en ferai rien, puisque les lois de ce monde nesont pas celles de la jungle. Je consens doncà vous laisser la vie, mais vous allez immédia-tement faire une confession écrite de l’infâmecomplot que vous aviez forgé contre votresœur ! »

Rokoff, dont les dents claquaient, fit unsigne d’assentiment et, la rage au cœur, s’em-para d’une plume. Une heure plus tard, Tarzan,la confession de Rokoff signée et datée dans sapoche, quittait le Russe.

« Si j’étais à votre place, lui dit-il avec mé-pris en guise de congé, je quitterais la Franceou, mieux encore, j’aurais un sursaut de cou-rage pour me tirer une balle dans la tête ! »

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CHAPITRE VI

UN DUEL

D’Arnot dormait lorsque Tarzan revint deson expédition chez Rokoff. Il ne voulut pas ré-veiller son ami, mais le lendemain matin, il luiconta tous les événements qui s’étaient dérou-lés dans la soirée.

D’Arnot l’écouta soucieusement. Bien quele plan eût échoué, le misérable pouvait pour-tant, grâce à ses menées, réussir à se débar-rasser de ses deux ennemis, car, de toute évi-dence, dès que le comte serait rétabli, il nemanquerait pas d’envoyer ses témoins à Tar-zan, pour avoir « abusé de sa confiance ».

Le jeune lieutenant ne se trompait pas. Unedizaine de jours plus tard, deux personnages

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graves, compassés, se présentaient à lui, de lapart du comte de Coude, et lui demandaientles conditions de combat qu’acceptait Tarzan,le comte laissant généreusement à son adver-saire le choix des armes.

Quand d’Arnot fit part à Tarzan de cette vi-site, il fut surpris de l’indifférence avec laquelleil l’accueillit.

« N’oubliez pas, cher ami, que de Coude estune fine lame et que de plus, il est célèbrepour la justesse de son coup d’œil, au pistolet.Quelle arme choisissez-vous ?

— Avouez que le choix est difficile ! fit Tar-zan en souriant. Peu m’importe d’ailleurs…Décidez pour moi, d’Arnot.

— Eh bien, laissez-moi vous conseiller dechoisir l’épée. De Coude se contentera peut-être de vous transpercer le bras, tandis qu’aupistolet, il pourrait fort bien vous fracasser latête !

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— Bah ! fit Tarzan. Je vous remercie devotre conseil, mais tout compte fait, je vaisprécisément me décider pour le pistolet !

— Mais… s’exclama d’Arnot, vous êtes fou !Ou bien, c’est un suicide déguisé ? »

Tarzan haussa légèrement les épaules. Quelui importait en effet maintenant la vie, alorsque la date du mariage de Jane se rapprochaitinexorablement ? La mort pouvait venir, il l’ac-cueillerait avec joie ! Il remuait encore cestristes réflexions, tandis que la voiture de d’Ar-not l’entraînait à toute allure dans la directiond’Étampes où devait avoir lieu le duel.

D’Arnot et lui arrivèrent sur le terrain unpeu après de Coude et ses témoins, accompa-gnés d’un chirurgien. Après un bref concilia-bule entre les témoins, dix pas furent comptésentre les adversaires. Ils avaient trois coups àtirer.

D’Arnot, pâle et nerveux, donna le signal.Le comte, impassible, leva le bras et visa…

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D’Arnot retint difficilement un cri d’angoisse :Tarzan, un léger sourire sur les lèvres, s’offraitcomme une cible vivante aux balles de son ad-versaire, sans même le mettre en joue !

« Allons, monsieur, défendez-vous ! » fit lecomte en fronçant les sourcils. Tarzan ne ré-pondit rien et continua à attendre la balle dede Coude.

« Dans ces conditions, c’est presque unmeurtre… dit le comte avec colère, mais tantpis, vous l’aurez voulu ! »

Il appuya sur la gâchette…

Mais si bon tireur que fût le comte, il n’avaitpu viser sans un léger frémissement un hommequi semblait ainsi réclamer la mort. La balle nefit qu’effleurer les côtes de Tarzan. Sa chemisese teignit pourtant aussitôt de rouge et le chi-rurgien s’empressa.

« Ah çà, monsieur, dit de Coude, trèssombre, en s’approchant de son adversaire

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malgré les représentations de ses témoins.Vous jugez-vous donc vous-même coupable ?

— Je suis coupable, c’est vrai, dit vivementTarzan, mais c’est uniquement de n’avoir pascompris plus vite l’abominable piège qui nousétait tendu ! Ce papier, que je puis vous fairelire maintenant que vous ne pouvez croire queje veuille esquiver un duel, vous le prouvera ! »

Et il tendit à de Coude la confession de Ro-koff. Le comte s’en saisit et la lut attentive-ment. Lorsqu’il eut achevé sa lecture, il tombadans une courte rêverie, puis tendit franche-ment la main à Tarzan.

« Vous êtes un homme d’honneur, mon-sieur, dit-il gravement, et je bénis la balle quine vous a point traversé le cœur comme jel’avais souhaité dans mon aveuglement. »

Le chirurgien avait achevé son pansement.Ceux qui, l’instant auparavant, étaient des en-nemis mortels, revinrent à Paris dans la mêmevoiture, devisant amicalement.

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Bien que la blessure de Tarzan fût superfi-cielle, il avait perdu beaucoup de sang, et eutla fièvre pendant quelques jours. Chaque ma-tin, de Coude faisait prendre de ses nouvelles,et dès que Tarzan fut remis sur pied, il le priade passer à son bureau dans l’après-midi.

Le fils de la jungle fut accueilli chaleureu-sement par de Coude et, dès cet instant, il nefut plus jamais fait allusion entre eux au duelqui les avait opposés, ni aux circonstances quiavaient entraîné leur rencontre.

« J’ai pensé à vous, cher ami, pour un postequi m’a paru vous convenir parfaitement, dit lecomte. Il y faut de la décision, du courage, unmépris total de la mort, et c’est une missionqui, en cas de succès, peut vous mener auxplus hautes fonctions – probablement dans lesservices diplomatiques.

« D’abord, mais pour peu de temps, vousne serez qu’un agent spécial, attaché au minis-tère de la Guerre. Suivez-moi, je vais vous pré-

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senter à votre futur chef. Il vous expliquera latâche que l’on attend de vous, mieux que je nesaurais le faire, et vous pourrez ainsi juger toutde suite si vous pouvez accepter ou non cetteproposition. »

Une demi-heure plus tard, Tarzan avait ac-cepté la dangereuse mission qui lui était of-ferte. Le lendemain, il revint prendre de nou-velles instructions, car le général Rochère, sonchef, l’avait averti qu’il allait l’envoyer envoyage d’ici peu, probablement dès le lende-main.

Tarzan était profondément reconnaissant àde Coude de l’avoir aiguillé dans cette direc-tion. Enfin, il allait avoir un but dans la vie,s’arracher à des pensées trop lancinantes,voyager et agir…

Il avait eu peine à attendre le retour ded’Arnot pour lui annoncer la bonne nouvelle,et il fut un peu déçu de voir que son ami étaitmoins enthousiasmé que lui.

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« Somme toute, fit d’Arnot en souriant avecun peu d’amertume, vous êtes heureux de quit-ter Paris et de ne plus me voir pendant de longsmois, ou peut-être davantage encore. Tarzan,vous n’êtes qu’un ingrat !

— Non, Paul, je ne suis pas un ingrat, etje ne vous oublierai jamais, mais j’ai besoind’espace, de mouvement, d’action et je ne puisvivre davantage dans cette grande ville sansarbres et sans air ! »

Et, le lendemain, Tarzan quittait Paris, viaMarseille et Oran.

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CHAPITRE VII

LA DANSEUSE DE SIDI AÏSSA

La première mission dont était chargé Tar-zan était non seulement importante mais déli-cate.

Un certain lieutenant des spahis était soup-çonné d’entretenir des relations mystérieusesavec les agents d’une grande puissance euro-péenne. Le lieutenant Gernois, tel était le nomde l’officier, alors en garnison à Sidi-Bel-Abbès,avait été précédemment attaché à l’État-majoroù certaines informations de la plus haute im-portance lui étaient passées entre les mains.C’étaient ces documents qu’il était soupçonnéde chercher à négocier.

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Tarzan devait donc s’installer en Algérie,sous l’apparence d’un inoffensif sportsmanaméricain, et surveiller de près les agissementsdu lieutenant Gernois. C’est avec une joie pro-fonde que Tarzan avait vu se dessiner à l’ho-rizon les contours de sa bien-aimée terred’Afrique. Il lui semblait qu’il allait retrouver savéritable patrie en mettant le pied sur le sol al-gérien.

Mais l’aspect de cette contrée différait ab-solument de l’Afrique qu’il connaissait, et neressemblait pas plus que Paris à sa jungle na-tale.

À Oran, il passa une journée à errer dansles rues étroites du quartier arabe, émerveillécomme un enfant devant le monde nouveauqui s’offrait à ses yeux.

Le lendemain, il arriva à Sidi-Bel-Abbès, oùil présenta ses lettres d’introduction aux auto-rités civiles et militaires.

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Il se lia avec plusieurs officiers français, etdevint bientôt leur compagnon favori, tant sonaccent les amusait, et tant sa force prodigieuseles émerveillait. Il se fit présenter à Gernois, unhomme taciturne et renfermé, d’environ qua-rante ans, qui semblait n’entretenir que peu derelations avec ses camarades.

Pendant un mois, Tarzan ne put rien noterde suspect dans l’attitude de l’officier, et ilcommençait à espérer que les soupçonsconçus à son sujet étaient mal fondés, lorsquesoudain Gernois fut désigné pour se rendre àBou-Saada, dans le petit Sahara, loin dans leSud.

Une compagnie de spahis et trois officiersdevaient aller relever la compagnie qui occu-pait cette oasis. Fort heureusement, parmi lesofficiers qui accompagnaient Gernois, se trou-vait le capitaine Gérard, l’un des nouveauxamis que s’était fait Tarzan, et, quand celui-ci lança l’idée de suivre la colonne dans son

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voyage, on crut à la fantaisie d’un riche désœu-vré, et il n’éveilla aucun soupçon.

Le voyage s’était déroulé sans incident,lorsqu’un matin, alors que la colonne avait faithalte à Bouira et que Tarzan, qui s’était établidans le modeste hôtel de l’endroit, prenait ra-pidement son petit déjeuner, il aperçut par lafenêtre, dans la cour de l’auberge, Gernois quisemblait s’entretenir avec animation, à voixbasse, avec un indigène vêtu du costumearabe, mais dont la tournure et la silhouetteparurent vaguement familière à Tarzan.

Soudain, Gernois s’aperçut que Tarzan leregardait, et aussitôt il interrompit sa conver-sation en congédiant l’homme qui partit sansavoir tourné la tête dans la direction de l’obser-vateur.

C’était la première fois que Gernois laissaitprise à quelque soupçon, et Tarzan se promitde resserrer sa vigilance.

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Le lendemain, la colonne atteignait Sidi-Aïssa. Gernois avait rejoint son poste, etl’étranger avait disparu.

C’était jour de marché à Sidi-Aïssa, et lafoule présentait un aspect si pittoresque et simouvementé que Tarzan décida d’y passerl’après-midi et de rejoindre ensuite le détache-ment qui se dirigeait sur Bou-Saada.

Il se mit donc à flâner en compagnie d’unjeune Arabe du nom d’Abdul, qui lui avait étérecommandé comme un guide fidèle et un par-fait interprète. Il aurait passé une excellentejournée si, à une ou deux reprises, il n’avait crureconnaître, de loin, la silhouette de l’hommeavec qui Gernois s’était entretenu. En tout cas,si c’était bien l’homme, il s’éclipsait dès queTarzan tournait la tête dans sa direction.

Dans un café arabe, Tarzan lia connais-sance avec un personnage à l’allure pleine dedignité, qui se nommait Kadour ben Saden, etséduit par les graves sentences dont l’Arabe

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émaillait ses discours en mauvais français, il lepria de partager son dîner.

Kadour accepta, et comme le dîner étaitbon, il ne se sépara de son hôte qu’après luiavoir fait jurer de lui rendre un jour visite dansson douar, où il affirma qu’abondaient les an-tilopes, les panthères, les gazelles et tout le gi-bier qu’un chasseur pouvait souhaiter.

Après le départ du noble Arabe, Tarzan dé-cida d’achever la soirée, toujours avec le fidèleAbdul, dans un café chantant.

Il écouta longtemps, sans se lasser, la plain-tive et monotone mélopée des musiciensarabes, et lorsqu’une danseuse aux vêtementsbrodés passa devant lui en agitant une bourse,il lui tendit un billet de banque en la remerciantpour sa danse gracieuse.

La jeune femme jeta un bref coup d’œil sur-pris à cet étranger qui ne lui lançait pas des pa-roles brutales, ainsi que c’était généralement lecas parmi la clientèle peu choisie de ce café.

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Elle hésita, puis dit rapidement en un fran-çais hasardeux :

« Je veux te remercier : sache que deuxhommes te veulent du mal. Prends garde, ilsvont venir ! »

Tarzan eut un geste de remerciement, maisdéjà la danseuse était passée plus loin.

Une demi-heure s’écoula. Tarzan n’avait pasbougé, malgré les suppliantes prières d’Abdul,qui aurait voulu quitter l’endroit qui lui sem-blait dangereux.

Soudain, un Arabe entra dans la salle, seposta non loin de Tarzan et se mit à proférer unlong discours sur un ton de menace. Comme ils’exprimait en arabe, Tarzan l’écouta sans motdire.

« Que dit-il ? demanda-t-il enfin à Abdul.

— Il vous cherche une querelle, fit le jeuneguide en tremblant. Il dit qu’un chien de chré-

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tien s’est permis de parler à une danseuse de sareligion…

— Bah ! Il est fou !

— Il dit aussi que vous êtes un chien, un filsde chien, un menteur et que votre grand-mèreétait une hyène se nourrissant de viande pour-rie ! »

À ce moment, la gaieté qui secoua l’assis-tance prouva que les rieurs étaient du côté duchercheur de querelle.

Tarzan se leva en souriant, sans mêmeavoir l’air de regarder du côté de l’Arabe, maisd’un magistral coup de poing, il le coupa au mi-lieu d’une phrase et le jeta à terre.

Aussitôt, ce fut la mêlée. Les paisiblesconsommateurs du thé à la menthe, sentantse réveiller en eux les instincts belliqueux deleurs ancêtres, prenaient parti pour leur com-patriote. Des poignards étaient dégainés, desimprécations vociférées, et Tarzan, dans ledésordre général où les valeureux partisans de

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la même cause en arrivaient à se combattresans miséricorde, réussit à gagner la cour in-térieure, suivi du fidèle Abdul qui tremblait detous ses membres.

La situation était encore critique, car d’unmoment à l’autre, on allait s’apercevoir de ladisparition de Tarzan, et on ne manquerait pasde chercher dans la petite cour, qui ne semblaitprésenter aucune issue. Soudain, un faible tin-tement d’anneaux entrechoqués retentit et unemain s’empara de celle de Tarzan.

« Suivez-moi ! » fit une voix étouffée.

Tarzan eut l’intuition qu’il se trouvait prèsde la danseuse qui lui avait déjà donné un pré-cieux avis.

Il ordonna donc au tremblant Abdul demarcher derrière lui et se mit en devoir de selaisser docilement conduire par la femme quil’entraînait dans un escalier étroit dont toutesles marches craquaient.

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« Il faut nous hâter, dit la danseuse dans unmurmure, car ils vous cherchent. Nous allonsnous enfermer dans ma chambre et vous des-cendrez par la fenêtre avant qu’ils n’aient l’idéede chercher de ce côté. »

Mais ils atteignaient à peine le palier supé-rieur que des hurlements se faisaient entendrederrière eux.

Épouvantée, la danseuse regarda en arrièreet eut un cri : déjà les poursuivants s’enga-geaient dans l’escalier.

« Vite ! Vite ! » fit-elle en se précipitant versune porte basse à demi-dissimulée dans la mu-raille.

Les deux hommes se hâtèrent derrière lajeune femme et se trouvèrent dans un som-maire réduit qui constituait l’appartement pri-vé de la danseuse.

Tarzan se dirigeait vers la fenêtre grillée,afin de ne pas perdre un instant, mais à ce mo-

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ment un bruit de voix retentit dans le corridoret Abdul lui fit signe d’attendre.

« Ils se séparent et une partie d’entre euxva vous attendre sous la fenêtre pour le casoù vous vous enfuiriez par là ! » annonça-t-il àTarzan.

La femme arabe eut un geste de terreur :

« Alors, nous sommes perdus ! murmura-t-elle.

— Pas vous ! dit Tarzan, surpris.

— Ils me tueront aussi, dit-elle en frémis-sant. Ne vous ai-je pas aidé ? »

Tarzan comprit qu’elle avait raison etqu’elle ne pouvait espérer aucune pitié de latourbe qui hurlait déjà derrière la porte en as-senant des coups de poing sur le bois épais.

Il se pencha par la fenêtre : d’un moment àl’autre, une grappe d’Arabes hurlants allait sur-gir et barrer le chemin. Ils n’auraient jamais letemps de s’enfuir tous les trois par cette voie.

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Tarzan leva les yeux et aperçut le toit enterrasse qui surplombait de quelques pieds lafenêtre. Sa décision fut aussitôt prise.

« Passez les bras autour de mon cou et necraignez rien », dit-il à la danseuse qui, cou-rageuse mais résignée, s’était accroupie sur undivan.

Passivement, elle lui obéit et Tarzan ordon-na à Abdul, occupé à invoquer tous les pro-phètes de l’Islam :

« Attends-moi ici, je reviens te chercheraussitôt que possible. En attendant, poussetous les meubles qui se trouvent dans cettechambre contre la porte, afin d’arrêter lespoursuivants. »

Puis sans attendre la réponse d’Abdul, dontles lèvres blanches étaient d’ailleurs incapablesd’articuler un mot en ce moment, Tarzan posases pieds sur le rebord de la fenêtre, mit lesmains sur le bord de la terrasse et d’un pro-digieux rétablissement, malgré le poids de la

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danseuse, il se hissa sur le toit où il déposa lajeune femme.

Après quoi, sans perdre un instant, il sepencha au bord de la terrasse et héla Abdul.

Il lui prit la main, souleva le jeune Arabecomme une plume et le posa à côté de la dan-seuse.

Il était temps ! Avec un craquement, laporte venait de céder…

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CHAPITRE VIII

LE SERMENT DE KADOUR

Aplatis sur le toit, à l’abri des regards grâceau léger rebord de la terrasse, les fugitifs écou-taient les cris de déconvenue échangés parleurs poursuivants. « Ils sont furieux contreceux de la rue qui vous ont laissé échapper,traduisait Abdul, le visage fendu maintenantd’un large sourire, et ceux de la rue disent qu’iln’est pas possible que vous ayez pris ce che-min ! »

Après de longues palabres, désespérant deretrouver ceux qu’ils cherchaient, les poursui-vants étaient rentrés dans le café, et seul unpetit groupe continuait à monter la garde dansla rue.

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Tarzan et ses compagnons avaient rampéavec précaution un peu plus loin sur la ter-rasse, afin de se trouver à l’abri du soleil et desoreilles au guet.

Tarzan remercia la danseuse pour tous lesdangers qu’elle avait courus pour un simpleétranger.

« Tu n’es pas comme les autres ! Tu m’asparlé doucement et tu ne m’as pas insultée !

— Que feras-tu demain ? dit Tarzan. Veux-tu retourner dans ce café ou n’es-tu plus en sû-reté à Sidi-Aïssa ?

— Je n’étais pas ici volontairement, dit ladanseuse avec un soupir. J’étais une captive…

— Captive ! s’exclama Tarzan. Commentcela ?

— Esclave serait mieux dire… Je fus enle-vée, une nuit, du douar de mon père par unebande de malfaiteurs. Ils me menèrent ici etme vendirent au propriétaire de ce café. Il y a

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presque deux ans que je mène cette vie haïs-sable et je n’avais encore jamais eu une chanced’essayer de m’évader. Mais je ne sais si je re-trouverai jamais la tribu de mon père, qui estétablie bien loin d’ici, vers le Sud.

— Si tu souhaites retrouver les tiens, tupeux me suivre jusqu’à Bou-Saada, où je doisme rendre, et de là, je demanderai au comman-dant du poste de te faciliter le reste du voyage.

— Merci, ah ! merci ! cria-t-elle. Commentpourrai-je jamais m’acquitter envers toi, étran-ger ? Mon père te récompensera, car il estnoble et puissant : c’est le cheik Kadour benSaden !

— Kadour ben Saden ! s’exclama Tarzan.Mais il était à Sidi-Aïssa cette nuit même. Il adîné avec moi il y a quelques heures.

— Mon père est ici ? murmura la jeuneArabe sans oser en croire ses oreilles. Allahsoit loué, car alors je suis vraiment sauvée !

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— Psst ! chuchota Abdul qui, pendant cetemps s’était rapproché du bord du toit, venez,maître. »

Tarzan rampa à côté de lui, mais Abdul se-coua la tête :

« Ils viennent de partir, dit-il avec regret,mais j’ai vu deux hommes qui disaient quel’étranger qui avait payé pour vous provoquerdans le café chantant offrait une somme plusélevée encore si une embuscade était tenduesur notre route vers Bou-Saada et si vous ytrouviez la mort.

— Quel est donc cet homme qui est ton en-nemi ? demanda la jeune danseuse.

— Je ne le connais pas, dit Tarzan en réflé-chissant. À moins que… »

Mais l’hypothèse qui venait de lui passerpar l’esprit était si improbable qu’il la rejetaaussitôt.

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Quand le calme fut revenu définitivementdans les ruelles, les trois fugitifs, en passant deterrasse en terrasse, s’éloignèrent de l’endroitdangereux et, par des chemins détournés, re-joignirent enfin l’hôtel de Tarzan.

Le premier soin du jeune homme fut defaire venir Kadour ben Saden. L’aubergisteavait d’abord soulevé quelques difficultés pourenvoyer un commissionnaire à une heure aussitardive, mais la vue d’une pièce blanche le cal-ma, et au bout d’une heure environ, le messa-ger revint, suivi par le cheik. Celui-ci lança, enentrant, un regard interrogateur sur Tarzan.

« Le noble étranger m’a fait l’honneur… »commença-t-il.

Mais ses yeux tombèrent à ce moment sursa fille, et il eut un cri de joie.

« Allah est miséricordieux puisqu’il merend l’enfant que j’ai tant pleurée ! » dit-il enserrant sa fille avec transport dans ses bras.

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Lorsqu’il connut les détails des circons-tances auxquelles il devait de retrouver son en-fant, l’Arabe tendit gravement la main à Tar-zan.

« Quelque jour, dit-il d’un ton solennel, ilsera donné à Kadour ben Saden de te rendre lebien que tu viens de lui faire, étranger ! »

Et Tarzan comprit que ce n’étaient pas là devaines paroles…

Après une nuit presque sans sommeil, il futdécidé que, dès le lendemain, l’escorte com-posée du cheik, de sa fille, de quatre de seshommes, de Tarzan et d’Abdul, partirait pourBou-Saada. Il était bien probable que l’embus-cade préparée contre Tarzan n’était pas prévuepour une expédition aussi nombreuse et queles ennemis, intimidés, n’oseraient peut-êtrepas même faire usage de leurs armes.

C’est en effet ce qui se produisit. Le voyage,au galop rapide des petits chevaux arabes, s’ef-fectua sans incident. Toutefois, dans un défilé

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formé par les derniers contreforts de l’Atlas,les voyageurs aperçurent au loin deux burnousblancs qui s’enfuyaient, emportés par le galopde leurs chevaux.

« Voici nos amis, sans doute, dit Kadour cli-gnant de l’œil et montrant ses dents étince-lantes.

— Oui, mais ils ne semblent pas vouloir re-nouer connaissance avec nous ! » riposta Tar-zan en riant à son tour.

Enfin, ils arrivèrent à Bou-Saada. Tarzan sesépara du cheik et de sa fille à l’entrée de laville, mais il dut jurer solennellement de venirbientôt dans le douar de Kadour Ben Saden. Ilfit cette promesse de bon cœur, car il avait étéconquis par la noble simplicité de l’Arabe, etpar les yeux rieurs de sa fille, qui avait com-mencé, durant le voyage, à lui enseigner leséléments de l’arabe.

Lorsque Tarzan arriva à l’hôtel du Petit Sa-hara, où étaient descendus les officiers, l’un

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d’eux était encore dans la salle, devant son bolde café au lait. C’était Gernois, qui lui tournaitle dos.

Tarzan allait passer outre, lorsqu’il tres-saillit : la silhouette d’un Arabe venait de seprofiler dans l’encadrement de la fenêtre, etl’homme avait échangé quelques mots, à voixbasse et rapide, avec le lieutenant.

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CHAPITRE IX

LA LUTTE CONTRE« EL ADREA »

Le jour même où Kadour ben Saden re-prenait la route du Sud, Tarzan recevait unelettre de son ami d’Arnot, par laquelle il ap-prenait qu’au cours d’un voyage à Londres,il avait rencontré les Porter, séjournant danscette ville pour quelque temps. Jane semblaittriste, elle luttait pour retarder son mariagede semaine en semaine. Elle venait de déciderClayton à accepter l’invitation d’un de leursamis, lord Tennington, pour une croisière au-tour de l’Afrique.

Il lui écrivait aussi qu’il avait revu lesde Coude, et qu’Olga avait versé cinquante

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mille francs à son frère, en échange du sermentqu’il ne l’importunerait jamais plus, et quitte-rait l’Europe.

Cette lettre jeta Tarzan dans des rêveries àla fois douces et amères, car il comprenait bienque Jane ne l’avait pas oublié et que c’étaitmême la raison de la répugnance qu’elle éprou-vait à l’idée de son mariage avec Clayton.

Ces réflexions augmentant son humeur so-litaire, Tarzan faisait de longues randonnéesautour de Bou-Saada, sous prétexte de fairela chasse aux gazelles, mais en réalité pouréchapper aux conversations oiseuses.

Un jour, passant dans un ravin étroit, il en-tendit une balle siffler au-dessus de sa tête.Éperonnant son cheval, il gagna la crête, etn’aperçut pas âme qui vive. « Décidément,pensa-t-il, je vais enfin savoir où Rokoff est ve-nu continuer le cours de ses exploits. »

Ce soir-là, le capitaine Gérard proposa àTarzan de se joindre à une colonne de recon-

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naissance, dont il prendrait la tête avec le lieu-tenant Gernois. Aucune proposition ne pouvaitmieux convenir à Tarzan, qui voyait là unmoyen de surveiller le suspect. Il acceptadonc ; et dès le lendemain, la colonne quittaBou-Saada, avec Tarzan.

Les premières étapes se déroulèrent sansévénements, mais à Djelfa, Gérard appritqu’une horde de pillards désolait la région, seréfugiant dans les montagnes à la moindrealerte, et demeurant insaisissable. Après ré-flexion, le capitaine décida de séparer la co-lonne en deux groupes ; il donna le comman-dement du second à Gernois, afin d’encerclerla montagne.

À la grande surprise de Tarzan, Gernois luiproposa, avec un gracieux sourire, de sejoindre à lui, et ils partirent ensemble, botte àbotte, à la tête du petit détachement de spahis.

La cordialité de Gernois disparut dès qu’ilsfurent hors de vue du détachement Gérard, et,

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d’un ton rogue, il ordonna la halte de midi au-près d’un ruisseau.

Après l’étape, Tarzan s’apprêtant à partir,Gernois, en déclarant que ses hommes allaientsimplement battre les buissons aux alentours,lui ordonna, d’un ton sans réplique, de les at-tendre au camp. Tarzan, seul civil de la troupe,obéit, par courtoisie et par discipline, tout enpestant intérieurement.

Il s’étendit à terre, à l’ombre, pour attendrele retour du détachement, mais bientôt unsommeil invincible s’empara de lui et il ne seréveilla qu’à la nuit noire, tiré de sa léthargiepar les ruades désespérées de son cheval, qu’ilavait attaché à un arbre auprès de lui.

Il se dressa d’un bond et aperçut aussitôt,malgré les ténèbres, la cause de la terreur desa monture. Superbe, majestueux, redoutable,« El Adrea », le lion noir, s’apprêtait à bondir.Tarzan sentit son cœur battre de joie. Il levalentement sa carabine, visa posément entre les

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deux lueurs jaunes des prunelles du lion, et ti-ra.

Au bruit de la détonation, le cheval terrori-sé cassa sa bride en un dernier effort, et s’enfuitau triple galop. Mais Tarzan n’y prit pas garde,tout au triomphe de sa victoire. Un pied sur ladépouille de son ennemi, il lança une fois deplus aux échos le terrible cri de sa tribu !

Puis, comprenant que Gernois ne revien-drait pas le chercher, comme il l’avait promis,il chercha en vain dans sa tête quel complot lelieutenant avait bien pu échafauder, et il s’en-fonça, à pied, dans l’étroite vallée par laquellele détachement avait disparu, quelques heuresplus tôt.

Il venait à peine de s’éloigner, qu’une demi-douzaine de silhouettes blanches, pareilles àdes fantômes, dans la nuit, mais armées de fu-sils dont le canon luisait vaguement, faisait ir-ruption sur le lieu du campement sans émettreaucun bruit.

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Les hommes fouillèrent les buissons, tou-jours sans bruit, poussèrent quelques exclama-tions étouffées à la vue du cadavre du lion.Puis, d’un commun accord, s’enfoncèrent àleur tour dans l’étroite gorge où avait disparuTarzan.

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CHAPITRE X

DANS LA VALLÉE DESOMBRES

Le fils de la jungle marchait allègrementdans l’étroite vallée, baignée par les rayons dela lune. Une fois de plus, le souvenir tendreet amer de Jane l’obsédait, et c’est à peine s’ilmaintenait ses facultés en éveil. Que redoutait-il dans ce lieu désert ?

Soudain, il s’arrêta net. Un bruit trop signifi-catif venait de frapper ses oreilles : il était suividans le défilé par une petite troupe d’hommes.En un éclair, il comprit le plan du déloyal Ger-nois…

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Alors saisissant son fusil, il se retourna, etaperçut au loin la tache blanche des burnousde ses poursuivants.

« Qui est là ? » fit-il d’une voix claire.

Pour toute réponse, une détonation retentit,et Tarzan, frappé à la tête, chancela et s’écrou-la.

Prudemment, les Arabes attendirent un ins-tant pour s’assurer que ce n’était pas là uneruse de leur victime.

Ils s’approchèrent furtivement, à la façondes chacals, et avant que Tarzan eût reprisconnaissance, ils le ligotèrent et le transpor-tèrent là où les Arabes avaient dissimulé leursmontures.

Ils le jetèrent au travers de la croupe d’uncheval, et les cavaliers piquèrent, à francsétriers, à travers le désert que l’aurore coloraitdéjà d’une teinte indécise.

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Après six heures de cette course effrénée,ils parvinrent à un douar d’environ vingttentes. Les femmes et les enfants du village semassèrent autour du prisonnier et l’injurièrentcopieusement. Un vieux cheik apparut, et d’ungeste les chassa, comme des mouches impor-tunes.

« L’un de mes hommes m’a appris, dit-il àTarzan, encore tout étourdi, que tu as vaincu« El Adrea ». Un homme blanc nous a payéspour te capturer, mais tu seras traité avec lerespect dû à celui qui triomphe d’un seigneurdu désert. »

Et Tarzan fut conduit avec ménagements àune tente où il fut laissé seul.

Une légère blessure à la tempe laissait cou-ler son sang. La balle l’avait seulement effleuré,mais le choc avait été si violent qu’il avait per-du connaissance.

Tarzan gonfla tous ses muscles et essaya derompre ses liens. Hélas ! peine perdue, toutes

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les précautions avaient été prises, et sa prodi-gieuse force ne pouvait suffire à avoir raisondes épaisses cordes de chanvre. Quelques ali-ments lui furent apportés, et la journée s’écoulaainsi. Le crépuscule tombait lorsqu’un grouped’Arabes approcha de la tente du prisonnier.Un individu à la courte barbe noire, vêtu luiaussi du burnous, vint à Tarzan : c’était Rokoff.

« Quelle bonne surprise de retrouver iciM. Tarzan ! railla-t-il, ne dissimulant pas la joiede tenir enfin cet ennemi en son pouvoir. Jetiens à vous saluer selon vos mérites, nobleétranger ! »

Et sans attendre, il lança plusieurs coups depieds dans les côtes de Tarzan impuissant, quiavait détourné de lui ses regards avec dégoût.

Cette fois encore, le vieux cheik intervint :

« Arrête ! dit-il. Cet homme est à toi, et tupeux le tuer, mais je t’interdis de l’insulter ! »

Intimidé, Rokoff s’arrêta.

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« Soit, fit-il en grinçant des dents. Je m’envais le tuer tout de suite.

— Pas dans l’enceinte de mon douar, entout cas. Je te le livre, et tu feras de lui ce quetu voudras, à une journée de distance de cetteoasis. D’ici là, mes hommes t’escorteront, et situ me désobéis, les vautours auront le corps dedeux Blancs en pâture au lieu d’un seul !

— C’est bon, fit brusquement Rokoff. Nouspartirons demain à l’aube. »

Et jetant un dernier regard de haine sur Tar-zan, il sortit de la tente.

La nuit était tombée depuis longtemps,quelques lointains rugissements en troublaientle silence, peu à peu ils se rapprochaient. Gé-rard ne s’était pas trompé : le lion abonde danscette région !

Tarzan songea qu’il n’avait plus quequelques heures à vivre, lorsque subitementson attention fut attirée par un léger frôlementqui fit trembler l’étoffe de la tente.

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Soudain, une voix féminine murmura sonnom à ses côtés.

« Qui êtes-vous ? dit Tarzan à voix basse.

— La danseuse de Sidi-Aïssa ! » répondit lavoix tandis qu’un contact froid avertissait Tar-zan que la jeune fille, armée d’une lame, tran-chait ses liens.

L’instant d’après, il était libre.

« Viens ! » chuchota la danseuse.

En rampant, ils sortirent de la tente ets’éloignèrent du douar silencieux. Lorsqu’ilsfurent assez loin, Tarzan interrogea la jeunefille :

« Comment êtes-vous venue ? Commentsaviez-vous que j’étais prisonnier ici ?

— Courons, dit-elle. Je t’expliquerai tout àl’heure, mais il faut nous hâter, car « El Adrea »rôde dans ces parages. »

Ils reprirent leur chemin vers les mon-tagnes.

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« J’ai caché les chevaux là-bas, dit-elle endésignant un point à l’horizon.

— Vous avez bravé bien des dangers pourun étranger », dit Tarzan, ému.

La jeune fille se redressa fièrement.

« Je suis la fille du cheik Kadour ben Saden,dit-elle, et tu m’as rendue à mon père.

— Mais comment avez-vous su que j’étaiscaptif dans ce douar ? insista Tarzan.

— Un cousin de mon père rendait visite aucheik de la tribu qui te fit prisonnier, lorsqueles hommes t’ont apporté. Il a raconté cettehistoire à notre douar, et à la description qu’ilnous fit de toi, je t’ai tout de suite reconnu.Mon père étant en expédition, j’ai cherché àentraîner nos hommes pour te secourir, mais…ils n’ont pas voulu se battre contre un cheikvoisin pour un infidèle, je suis donc partieseule… »

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Sans mot dire, Tarzan lui serra la main avecgratitude, et ils continuèrent à marcher un mo-ment en silence.

Soudain la jeune fille s’arrêta :

« C’est étrange, dit-elle. Les chevauxdoivent être par ici, et je ne les entends pas… »

Elle pressa le pas, et l’instant d’après, Tar-zan l’entendit pousser un cri de désappointe-ment :

« Ils se sont sauvés ! balbutia-t-elle. C’est làque je les avais attachés. »

Tarzan se pencha sur le sol pour examinerles traces, et fronça les sourcils :

« Le lion est venu par ici, dit-il lentement,et c’est pourquoi les chevaux se sont sauvés.Peut-être ont-ils ainsi échappé à ses griffes… »

Ils n’avaient plus qu’à poursuivre leur routeà pied le plus rapidement possible afind’échapper à la poursuite qui serait engagéedès que la fuite de Tarzan serait constatée.

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Ils avançaient dans une étroite vallée,quand, tout à coup, ils s’arrêtèrent, figés.

À vingt mètres d’eux, « El Adrea » se dres-sait, battant de sa queue, avec rage, ses flancscreux, et dardant sur eux ses prunelles flam-boyantes. À leur vue, il lança le formidable ru-gissement du fauve affamé.

« Vite ! Votre couteau, fit Tarzan à la jeunefille, qui, d’une main tremblante, lui tendit unmince poignard.

— À quoi bon, dit-elle. C’est la fin…

— Non, dit Tarzan, qui se sentait plus àl’aise avec une simple lame qu’armé d’un fusilà répétition. Mais écartez-vous ! Il va char-ger. »

La jeune fille obéit, et le fils de la junglese rapprocha de la terrible bête qui, elle aussi,avançait lentement, cherchant à magnétiserl’homme de ses larges yeux phosphorescents.

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Tarzan s’était courbé, tenant soigneuse-ment le poignard dans sa main droite. Malgrésa mortelle épouvante, la danseuse ne pouvaits’empêcher d’admirer le géant, aussi résolu etmenaçant qu’« El Adrea » lui-même, alorsqu’un homme de sa race, devant le monstre,n’aurait songé qu’à se prosterner et à faire unedernière prière au Dieu des Croyants.

Le lion était tout près de lui, maintenant. Ilse ramassa, et bondit…

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CHAPITRE XI

JOHN CALDWELL, DELONDRES

Terrorisée, la jeune fille avait fermé lesyeux…

Elle les rouvrit en entendant un hurlementde triomphe, un cri effrayant, qui, pourtant,n’était pas poussé par le roi du désert.

Elle vit alors l’homme, un pied sur la dé-pouille inanimée d’« El Adrea », qui se frappaitla poitrine en poussant de nouveau ce cri inhu-main qui arrivait à elle, amplifié par l’écho.

Quand Tarzan aperçut le visage épouvantéde la jeune fille, il rougit et dit avec embarras :

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« Pardonnez-moi, dit-il doucement. J’oublieparfois que je suis maintenant un homme civi-lisé. Quand je tue, je me sens de nouveau unebête féroce des bois… »

Il ne donna pas d’autre explication, mais vitbien que la jeune fille le regardait avec crainte.

Les deux voyageurs reprirent leur route. Lesoleil était déjà haut lorsque, près d’un ruis-seau à demi desséché, ils retrouvèrent les che-vaux qui paissaient l’herbe rase. Ils s’en em-parèrent sans difficulté, et s’acheminèrent dèslors au galop dans la direction du douar de Ka-dour ben Saden.

Ils arrivèrent au but, harassés, vers neufheures du soir. Le vieux cheik reçut Tarzanavec de grandes démonstrations de sincèreamitié et insista pour qu’il restât son hôte indé-finiment.

D’autres tâches appelaient Tarzan, toutefoisil ne pouvait se dérober complètement aux ins-

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tances de Kadour et resta toute une semainedans son douar.

Enfin, il annonça fermement qu’il lui fallaitpartir. Le cheik et sa fille l’accompagnèrentjusqu’à Bou-Saada, et ne le quittèrent qu’enemportant l’assurance qu’il reviendrait un jourparmi eux.

Le soir tombait lorsque Tarzan entra dans laville. Il put gagner son hôtel sans avoir été vupar aucune personne de sa connaissance.

L’hôtelier l’accueillit en écarquillant lesyeux comme s’il voyait un revenant.

En souriant, mais sans donner d’explica-tion, Tarzan réclama son courrier, que l’auber-giste se hâta de lui apporter. Tarzan y trouvaune brève lettre de son supérieur, qui lui enjoi-gnait d’interrompre sa mission actuelle et de serendre au Cap par le plus prochain paquebot.D’autres instructions devaient lui être commu-niquées par un agent, lorsqu’il serait parvenu àdestination.

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C’était bref, mais explicite. Tarzan prit sesdispositions pour quitter Bou-Saada dès le len-demain matin, puis ayant recommandé à l’au-bergiste le silence au sujet de son retour, il allachez le capitaine Gérard qui, il le savait, étaitrevenu d’expédition la veille.

L’officier manifesta autant de joie que desurprise à la vue de Tarzan.

« Quand le lieutenant Gernois m’eut apprisqu’il ne vous avait pas retrouvé au lieu du ren-dez-vous, nous battîmes les montagnes pen-dant deux jours. À ce moment, on nous affirmaque vous aviez été victime d’une rencontreavec un lion. Votre fusil fut retrouvé, et votrecheval revint seul au camp. Tout espoir devous retrouver nous abandonna. Le lieutenantGernois manifesta beaucoup de douleur devotre perte et s’accusa lui-même de l’avoir pro-voquée involontairement… Comme il va êtreravi de vous retrouver sain et sauf !

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— Sans doute, dit Tarzan avec un léger sou-rire.

— Je lui apprendrai la bonne nouvelle dèsdemain, poursuivit l’officier. J’aurais aimél’avertir tout de suite, mais il est en ville, cesoir. »

Après avoir expliqué sa disparition, affir-mant qu’il s’était égaré, Tarzan fit de chaleu-reux adieux à l’officier, et le quitta. Il se doutaitde l’endroit où se trouvait Gernois. Pendantson séjour au douar, un émissaire de Kadours’était informé discrètement où se cachait Ro-koff. C’est là qu’il alla.

Après avoir longé des ruelles étroites etobscures, il se trouva devant une maisonbasse, de médiocre apparence, dont une fe-nêtre était éclairée.

Tarzan regarda à travers la vitre et sourit. Ilne s’était pas trompé. Devant, une table étaientassis Rokoff et Gernois, ce dernier parlait avecvéhémence :

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« Rokoff, vous êtes un démon ! grondait-il.C’est vous qui m’avez poussé au déshonneuren me promettant de l’argent, c’est vous quim’avez incité à faire supprimer cet étrangervenu, selon vous, pour me surveiller, et au-jourd’hui, vous me réclamez une somme su-périeure à celle que j’ai reçue, sous peine deme dénoncer ! Ah ! je vous abattrais comme unchien !

— Vous auriez tort, dit Rokoff avec noncha-lance. N’oubliez pas que Paulvitch, mon féalami, en sait autant que moi à votre sujet, etqu’il me vengerait… Allons, causons sérieuse-ment. Donnez-moi les papiers, versez-moi lasomme indiquée et nous serons quittes !

— Mais ces papiers sont d’une grande im-portance, dit le traître. Ce sont des informa-tions secrètes que j’ai recueillies à mon pas-sage à l’État-major, et…

— Eh bien, ne vouliez-vous pas les vendreaux ennemis de votre patrie ? fit Rokoff avec

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un gros rire. C’est donc ce que je compte fairemoi-même, avec la seule différence que vousn’en toucherez pas un sou… mais en revanche,vous pouvez être assuré de mon silence pourtoutes vos « erreurs » passées ! »

Gernois garda le silence un instant, puis, levisage contracté, sortit son portefeuille et ten-dit un pli et un chèque à Rokoff qui s’en empa-ra avidement.

« Prenez, fit-il d’un ton sombre, mais voustiendrez votre promesse, car un homme pous-sé à bout ne recule devant rien, et avant de dis-paraître, je rendrai à la société le service de ladébarrasser de vous ! »

Et l’officier renégat ouvrit brusquement laporte. Tarzan n’eut que le temps de s’effacerpour laisser passer Gernois qui s’éloigna, sansregarder derrière lui, d’un pas saccadé.

Lorsque Tarzan fut certain que l’officier nese raviserait pas et était définitivement éloi-gné, il poussa la porte et entra dans la pièce.

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Rokoff leva les yeux et devint livide enapercevant son ennemi.

« Vous ! gronda-t-il.

— Moi ! fit simplement Tarzan.

— Que me voulez-vous ?… murmura Ro-koff, me tuer, sans doute… vous n’oseriez pas !Vous seriez condamné…

— Si, j’oserais parfaitement, et je ne seraispas condamné, car tous les soupçons tombe-raient sur Gernois, quand Paulvitch parlerait,dit placidement Tarzan. Et d’ailleurs, je nem’arrête pas à ces considérations. Vous êtes unlâche, Rokoff, et je crois bien que je vais voustuer… »

Paralysé par l’épouvante, Rokoff sentit unemain puissante lui étreindre la gorge.

« Oui, poursuivit Tarzan, je vous tuerais vo-lontiers. Pourtant, je vous fais grâce, encorecette fois, non par pitié, mais en souvenir de lafemme charmante que le caprice de la nature

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vous a donnée pour sœur. Seulement, vous al-lez me jurer de quitter, dès demain, le territoirefrançais, et me donner immédiatement les pa-piers que vous cherchez à cacher… »

Et Tarzan arracha des mains de Rokoff lesdocuments que lui avait remis Gernois.

Puis il sortit, laissant Rokoff effondré et res-pirant à peine.

* * *

Le lendemain matin, Tarzan partit pourBouira et Alger. Comme il passait devant la vé-randa de l’hôtel, il aperçut le lieutenant Ger-nois, assis dans un fauteuil d’osier.

Le regard de l’officier traître croisa celui del’homme qu’il croyait mort, son visage devintaussi livide. Machinalement, il porta la mainà la visière de son casque, et Tarzan, sans ré-pondre, détourna les yeux avec mépris.

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Ce fut la dernière vision qu’il eut du traître.

À Sidi-Aïssa, Tarzan rencontra un officierfrançais dont il avait fait précédemment laconnaissance.

« Connaissez-vous la nouvelle, à propos dece pauvre Gernois ? lui dit le soldat.

— Que lui est-il arrivé ?

— Il s’est tué ce matin vers onze heures… »

* * *

Deux jours plus tard, Tarzan atteignit Alger.Le prochain bateau pour Le Cap ne partait quedans quarante-huit heures. Il rédigea, pendantce délai, un long rapport à son chef sur tous lesdétails de sa mission, négligeant d’y joindre lesdocuments qu’il avait pris à Rokoff, car, ayantconstaté leur réelle importance, il décida de lesconserver sur lui jusqu’au jour où il pourrait lesremettre entre les mains de l’agent du Cap.

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Suivant les instructions de son chef, Tarzanavait retenu sa place sous un nom supposé :John Caldwell, de Londres. Il s’était d’ailleursdemandé, sans trouver de réponse, quelle étaitla raison de cette précaution, et quelle missionallait lui être confiée au Cap.

À bord, le premier soir, Tarzan fut placé àtable près d’une jeune fille que le commissairedu bord lui présenta.

Hazel Strong ! C’était le nom de l’amie in-time de Jane Porter, dont la jeune fille lui avaitsouvent parlé, jadis, tandis qu’il ne supposaitpas qu’il serait séparé d’elle à jamais.

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CHAPITRE XII

DEUX NAVIRES, AU LARGE…

Deux navires venaient de passer le détroitde Gibraltar, et s’avançaient maintenant, à plu-sieurs dizaines de kilomètres de distance, aularge de l’immense Océan.

L’un d’eux, un petit yacht de plaisance, ap-partenait au richissime lord Tennington. Sur lepont, une jeune fille se tenait pensivement ac-coudée. C’était Jane Porter. Pour la centièmefois, elle revoyait en esprit la scène doulou-reuse au cours de laquelle Tarzan s’était che-valeresquement incliné devant son cousin Ce-cil, à qui elle avait promis sa main avant deconnaître le fils de la jungle… Elle soupira lon-guement. Elle avait épuisé tous les délais, tous

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les prétextes, et au retour de cette croisière surles côtes d’Afrique, il lui faudrait tenir sa paroleet devenir la femme de Cecil…

Sur la passerelle de l’autre paquebot, Tar-zan et Hazel Strong bavardaient, allongés surdes chaises longues.

« Oui, dit Tarzan, j’aime infiniment l’Amé-rique, j’y ai connu là-bas des gens charmants,en particulier une famille de Baltimore, – votreville, je crois ? – le professeur Porter et sa fille.

— Jane Porter ! s’exclama la jeune fille.Vous connaissez Jane ? Mais c’est mameilleure amie ! Nous nous aimons commedeux sœurs et je suis bien triste de penser queje vais la perdre…

— Comment cela ? dit Tarzan. Ah ! je com-prends, vous pensez que devant se marier etvivre en Angleterre, vous la verrez plus rare-ment ?

— Oui, et le plus triste pour moi, c’est desonger qu’elle ne sera pas heureuse… Il est af-

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freux de se marier par devoir ! Je le lui ai dit,mais elle a des principes et bien qu’elle en aimeun autre, elle s’est refusée à rendre sa parole àson fiancé. Rien ne l’empêchera d’accomplir cemariage insensé, sauf Cecil, lord Greystoke, s’illui rendait lui-même sa parole…

— Je suis navré pour elle, dit Tarzan d’unevoix à peine perceptible.

— Et je suis navrée aussi pour celui qu’elleaime, car il l’aime également. Je ne l’ai jamaisvu, mais Jane m’a parlé de lui pendant desjournées entières. C’est un homme étrange, quia passé toute sa jeunesse dans la jungle afri-caine, où il partageait la vie des singes… Iln’avait jamais vu un blanc avant de connaîtrele professeur Porter et Jane.

— Très étrange, en effet ! » murmura Tar-zan qui se creusait la cervelle pour changerle cours de la conversation. Heureusement, lamère de Hazel Strong vint rejoindre les jeunesgens, et l’on parla d’autres choses.

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Les journées s’écoulaient paresseusementà bord du navire. La mer était calme, le cielclair, et Tarzan passait la plus grande partiedes après-midi en compagnie de Mrs. Strong etde Hazel.

Un jour, il trouva la jeune fille en conver-sation avec un étranger au visage glabre, qu’iln’avait encore jamais aperçu à bord, mais dontpourtant la stature lui parut familière.

« Monsieur Caldwell, dit Hazel en se tour-nant vers Tarzan, je vous présente M. Thuran,qui était souffrant ces jours-ci, et dont je viensde faire la connaissance.

— J’ai l’impression d’avoir déjà eu l’hon-neur de vous rencontrer, monsieur, dit Tarzanen s’inclinant courtoisement.

— Je ne sais pas… non, je ne pense pas… »fit l’autre, manifestement mal à son aise.

Et Thuran se retournant vers la jeune fillereprit l’explication interrompue, sur certainsdétails techniques de la marche du navire.

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Tarzan l’écoutait distraitement, et cherchaità se rappeler où il avait bien pu voir déjà cethomme.

Soudain, il tressaillit. L’autre venait de luidécocher un regard inquiet et haineux, sous leslunettes d’écaille dont il s’était paré.

Ce regard avait suffi à Tarzan pour recon-naître Rokoff, bien que celui-ci eût rasé sabarbe, et modifié sa physionomie autant qu’illui avait été possible de le faire sans recourir àun maquillage apparent. Le pseudo-Thuran, deplus en plus incommodé, salua Hazel, et s’ap-prêta à s’éclipser.

« Un instant, intervint Tarzan. Si missStrong le permet, je désirerais vous direquelques mots, monsieur. »

Thuran marmotta un acquiescement et lesdeux hommes s’éloignèrent hors de la vue deHazel, surprise.

« Quel jeu jouez-vous, Rokoff ? fit brusque-ment Tarzan.

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— Je quitte la France, et les possessionsfrançaises, comme je vous l’ai promis, murmu-ra le Russe.

— Je vois cela, mais j’ai peine à croire quevotre présence à bord du même paquebot quemoi soit une pure coïncidence. D’ailleurs lecroirais-je, votre déguisement m’en dissuade-rait immédiatement !

— En tout cas, dit Rokoff, reprenantquelque assurance, ce navire bat pavillon bri-tannique ; vous ne pouvez donc rien élevercontre moi, et j’ai bien le droit de me déguiserpuisque, vous-même, vous avez cru bon devoyager sous un nom d’emprunt !

— Je n’ai pas l’intention de vous donnermes raisons, dit Tarzan avec calme. Mais jevous ordonne de ne plus approcher missStrong, qui est une jeune fille respectable, à la-quelle un individu de votre espèce ne devraitpas adresser la parole.

— Mais…

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— Suffit. Obéissez, ou je n’hésiterais pas àvous faire basculer par-dessus bord, fit sèche-ment Tarzan. N’oubliez pas qu’au moindre pré-texte, je tiendrai parole ! »

Sans répondre, suffocant de rage, Rokoffcourut s’enfermer dans sa cabine, où il retrou-va Paulvitch, son âme damnée.

« J’enverrais ce maudit Tarzan au fond de lamer, clama Rokoff, si seulement je savais où ila mis les documents !

— Nous n’avons qu’à aller faire un tourdans sa cabine quand l’occasion s’en présente-ra, fit placidement Paulvitch. Fiez-vous à moi,j’épierai le moment favorable. »

Deux heures plus tard, la chance souriaitaux deux aventuriers. Paulvitch avait vu Tar-zan sortir rapidement de sa cabine en oubliantd’en refermer la porte à clef. Il se mit aussitôt àla besogne, tandis que Rokoff, dans le couloir,faisait le guet.

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Malgré toute son expérience en la matière,Paulvitch, après avoir tout fouillé, s’apprêtaità abandonner la partie lorsque, au moment desortir de la cabine, il examina un imperméableque Tarzan avait négligemment jeté sur son lit.D’une poche, il en sortit un pli d’allure offi-cielle, dont l’examen rapide amena un sourirede satisfaction sur ses lèvres, puis, il s’en alla.

La perquisition à laquelle venait de se livrerPaulvitch n’avait laissé aucune trace. Tarzan,lui-même, aurait juré que nul n’était entré danssa cabine pendant son absence.

De nouveau ensemble, les deux hommes,jubilant, débouchèrent une bouteille de cham-pagne pour célébrer l’heureuse réussite de leurplan.

« N’oubliez pas, objecta Paulvitch, que dèsqu’il s’apercevra de la disparition de ce pli, ilvous soupçonnera !

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— J’espère bien que, dès cette nuit, nousnous débarrasserons définitivement de lui ! »fit Rokoff en ricanant.

Ce soir-là, après que Hazel, fatiguée, eut re-joint sa cabine, Tarzan, comme chaque soir,resta un long moment à l’arrière du navire, àcontempler la nuit paisible en fumant une der-nière cigarette.

Il était si absorbé dans ses pensées qu’ilne vit pas deux ombres s’avancer prudemmentvers lui sur le pont déjà désert.

Soudain, les deux silhouettes se concer-tèrent d’un signe, et bondirent ensemble surTarzan, accoudé au bastingage. Surpris à l’im-proviste, le géant ne put garder son équilibre,et tomba d’un bloc, au sein des eaux…

Hazel qui, étendue sur sa couchette, rêvaiten fixant le hublot de sa cabine, vit passerune masse sombre derrière la vitre épaisse.Elle n’eut pas le temps de voir exactement ceque c’était, et le cœur battant, elle attendait le

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cri solennel : « Un homme à la mer ! » Pas unbruit ! Tout resta silencieux à bord, et le navirepoursuivit sa course.

Hazel, rassurée, ferma les yeux et s’endor-mit.

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CHAPITRE XIII

LE NAUFRAGE DE L’« ALICE »

Le lendemain matin, la place de Tarzan futvide, à l’heure du déjeuner.

En revanche, Hazel trouva une compagnieagréable en la personne de M. Thuran, quisemblait d’excellente humeur et débordait degaieté.

Dans le courant de l’après-midi, elle s’in-quiéta sérieusement de l’absence de Caldwell,et finit, après quelques hésitations, à faire de-mander, par un steward, s’il n’était pas souf-frant.

Quelques instants après, le steward revintinformer miss Strong que M. Caldwell n’était

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pas rentré dans sa cabine la nuit dernière etque nul ne l’avait vu.

Suivie par l’honnête M. Thuran, qui sem-blait fort affecté par cet incident, la jeune fillese précipita chez le capitaine pour avoir deplus amples détails sur cette déconcertantedisparition.

Le capitaine était lui-même soucieux et em-barrassé. Le navire avait été fouillé, la cabinede Caldwell examinée, et il était impossibled’éclaircir ce mystère.

L’enquête à bord se termina, classiquement,par l’hypothèse d’un accident. Hazel, qui serappelait avec horreur l’objet qui était tombéà la mer, était sûre maintenant que c’était soncompagnon de voyage, et ne put croire à laversion officielle de l’accident. Mais quelleautre aurait-elle pu avancer ?

Quant à M. Thuran, il faut lui rendre cettejustice qu’il faisait de son mieux pour sortir lajeune fille de la mélancolie dans laquelle elle

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était tombée. L’idée lui était venue que la richehéritière constituait un parti digne de sa valeurpersonnelle et, en conséquence, il avait déci-dé de s’arrêter au Cap aussi longtemps qu’elley séjournerait.

En effet, dès le débarquement, il devint unvisiteur assidu chez l’oncle de Hazel, au Cap,où celle-ci résidait. Ses attentions étaient dé-licates, elles savaient rester discrètes et ne ja-mais importuner. La famille Strong accueillitavec plaisir cet étranger courtois et empressé,et considéra bientôt M. Thuran comme indis-pensable. Enfin, un jour que Rokoff estima l’oc-casion favorable, il fit sa demande à la jeunefille. Profondément surprise, celle-ci ne répon-dit qu’évasivement.

« Chère Hazel, dit le soi-disant Thuran, jevous aime depuis le premier jour où je vousai vue. J’attendrai autant qu’il le faudra, car jesuis sûr qu’un amour aussi sincère et aussi pro-fond que le mien sera un jour récompensé. Neme répondez donc pas maintenant, vous êtes

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encore indécise, mais dites-moi seulement unechose : n’aimez-vous encore personne ?

— Eh bien, non, dit Hazel. Je n’ai encore ja-mais considéré aucun jeune homme autrementque comme un camarade, et je ne puis encorevous dire si j’ai pour vous d’autres sentimentsque ceux que l’on éprouve envers un très bonami. »

Rokoff ne pouvait que s’estimer satisfait durésultat de sa démarche, et la nuit même, iléchafaudait de magnifiques projets, basés surla dot imposante de la jeune fille.

Une joyeuse surprise attendait Hazel le len-demain : Jane Porter se présenta à la maisonde son oncle. « Chère Hazel, lui dit-elle, en em-brassant tendrement son amie, je savais que tuétais en ce moment au Cap, et comme le yachtde Tennington fait une escale ici, je suis venuete trouver aussitôt. »

Des invitations furent échangées entre leshôtes du yacht et les parents de Hazel. M. Thu-

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ran y fut convié, reçut lui-même lord Tenning-ton à son hôtel, et sut se rendre agréable aunoble Anglais. Incidemment, il lui apprit,comme en confidence, que ses fiançailles of-ficielles avec Hazel n’étaient qu’une questiond’opportunité, et il reçut avec une feinte mo-destie les chaleureux compliments de Tenning-ton.

Le lendemain, une charmante réceptionréunissait tout le groupe à bord du yacht, etcomme Mrs. Strong et sa fille annonçaientqu’elles devaient repartir bientôt pour l’Amé-rique, Tennington leur offrit cordialementl’hospitalité à bord du yacht, ainsi qu’à Thuranjusqu’à Londres.

Thuran se confondit en remerciements :justement, il devait se rendre à Londres pouraffaires et sans doute ensuite en Amérique.Quant à Jane, elle était heureuse de se trouveravec Hazel sur ce chemin du retour vers l’An-gleterre, mais désespérée, en pensant à sonmariage qui aurait lieu là-bas ; aussi, c’est à

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peine si elle adressait la parole à Cecil, sonfiancé.

Deux jours plus tard, les jeunes filles se te-naient toutes deux dans la cabine de Hazel, quimontrait à Jane quelques photographies de sonvoyage.

« Tiens ! dit-elle soudain, voici une photoque j’ai prise d’un pauvre garçon que tuconnaissais, je crois, John Caldwell ! Te sou-viens-tu de lui ? Il m’a dit qu’il avait fait autre-fois ta connaissance.

— Je ne me souviens pas, dit distraitementJane. Montre-moi la photo ?

— Il est tombé à la mer pendant notrevoyage, continua Hazel en tendant l’épreuve àson amie.

— Que dis-tu ? cria Jane en jetant les yeuxsur l’image. Il s’est noyé ?... Il est mort ?… Cen’est pas vrai, n’est-ce pas ?… »

Et elle perdit connaissance.

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Quand les soins de Hazel l’eurent ranimée,Jane se mit à pleurer silencieusement.

« Je ne pouvais pas me douter, dit son amieconsternée, que la mort de Caldwell te feraittant de peine…

— Caldwell ? Il ne se nomme pas ainsi !

— Oh ! mais si : John Caldwell, de Londres.

— Je voudrais croire que je me trompe, ditJane d’une voix brisée, mais ses traits sont tropbien gravés dans ma mémoire pour que j’aiefait erreur…

— Que veux-tu dire ?

— Je ne sais pourquoi il a changé de nom…mais ce John Caldwell, qui est mort… était enréalité Tarzan !

— Jane !

— Je ne peux pas me tromper ! Ah ! Hazel,es-tu bien sûre qu’il soit mort ?

— Hélas !

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— C’est horrible ! Mort tout seul, dans lesabîmes de l’Océan ! Ce cœur vaillant, il a donccessé de battre… »

Jane ne put continuer, et chancela en proieà une véritable crise nerveuse.

Pendant plusieurs jours, elle fut malade, dé-fendant sa porte à tous, principalement à Clay-ton. Enfin, lorsqu’elle reparut sur le pont, sescompagnons de voyage ne purent retenir un cride compassion : ce n’était plus la fraîche jeunefille éclatante de beauté qu’ils avaient connue,mais un triste fantôme aux yeux désespérés…

Avec la maladie de Jane, la malchances’installa à bord du petit navire. L’une des ma-chines eut une grave avarie, puis le mécanicienen chef se fractura la jambe en essayant de laréparer.

Un pénible pressentiment oppressait lespassagers, et chacun d’eux, craignait que cesavertissements du sort ne fussent que les

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signes avant-coureurs d’une catastrophe plusterrible.

Hélas ! ils n’attendirent pas longtemps. Lepetit yacht se trouva pris dans une terribletempête et, à demi paralysé par l’arrêt de lamachine, il se mit à danser au gré des flots,dans lesquels il commença bientôt à s’enfon-cer.

L’équipage et les passagers étaient tousréunis sur le pont. Le capitaine avait avertiTennington que l’Alice ne pouvait plus tenir lamer que pendant vingt minutes environ.

Avec sang-froid Tennington ordonna demettre les canots à la mer, de les approvi-sionner rapidement, tandis que les passagersréunissaient en hâte leurs bagages les plus pré-cieux.

Quand les quatre canots de l’Alice furentparés, ils s’éloignèrent doucement de l’épave,emportant l’équipage et les amis de lord Ten-nington.

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Celui-ci, debout sur le dernier canot, regar-dait mélancoliquement la fin du yacht à bordduquel il avait fait tant de joyeuses croisières.

La nuit, épaisse et lourde, s’écoula. De nou-veau le soleil tropical brilla sur la mer apaisée.Jane sommeillait, à demi couchée au fond d’uncanot. Lorsque le premier rayon de soleil pa-rut, elle jeta les yeux autour d’elle. Elle se trou-vait dans le canot avec trois marins, Clayton etM. Thuran.

Elle contempla la mer, cherchant les autrescanots, mais aussi loin que sa vue put at-teindre, rien ne troublait plus l’aride monoto-nie de l’étendue des mers. Ils étaient seuls.

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CHAPITRE XIV

RETOUR À LA JUNGLE

Quand Tarzan tomba à la mer, sa premièreréaction fut de s’écarter autant que possible dudanger que pouvait constituer l’hélice du ba-teau.

Il n’avait pas le moindre doute sur l’identitédu personnage qui l’avait lancé par-dessusbord, et tandis qu’il se tenait à la surface del’eau, en faisant la planche, il regrettait amère-ment d’avoir été une proie si facile pour Rokoff.

Il avait une chance sur cent d’être aperçu etrecueilli par une barque, et une chance iden-tique d’atteindre la terre, mais il décida deconcilier les deux en se rapprochant le pluspossible de la côte.

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Il se mit donc à nager, à grandes brasséesrégulières, après s’être dépouillé de ses vête-ments qui constituaient un poids superflu etparalysaient ses mouvements.

Il put ainsi nager pendant des heures sanséprouver la moindre fatigue et, s’aidant de laposition des étoiles, il se dirigea vers la terre,sans toutefois se défendre d’un sentiment d’an-goisse à la pensée de la distance inconnue, etprobablement énorme, qui l’en séparait…

L’aube pointait, lorsque Tarzan arriva àproximité d’une masse rocheuse qui s’érigeaitau milieu des flots. Terriblement las, Tarzan sehissa sur la roche, et s’endormit comme unemasse.

Il ne se réveilla que sous les rayons brûlantsdu soleil de midi, contre lesquels il était ce-pendant protégé par l’ombre d’une roche. Sansbouger, Tarzan réfléchit à ce qu’il allait faire. Ilfallait quitter sans délai cette île rocheuse surlaquelle il souffrait déjà de la faim et de la soif

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et d’où il ne pourrait plus fuir quand ses forcesseraient épuisées par le jeûne. Il devait doncregagner la côte, malgré les requins et malgréla soif qui le tourmentait, dès que les rayons dusoleil obliqueraient.

Il se redressa avec un soupir, et, se frottantles yeux, n’osa croire aux deux agréables sur-prises qui s’offraient à lui.

La première, ce fut la coque retournée d’uncanot de sauvetage, qui flottait à côté du ro-cher, entourée d’épaves diverses ; la seconde,une ligne brunâtre, celle d’une terre qui se des-sinait, au bout de l’horizon, à l’est.

Sans perdre un instant, Tarzan se jeta àl’eau, et au prix d’efforts démesurés, parvint àretourner le canot. L’embarcation paraissait enparfait état, et il ne restait plus au naufragéqu’à choisir, parmi les épaves, deux plancheslongues et étroites qui pussent lui servir derames.

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Ce ne fut que fort tard dans l’après-midi dulendemain qu’il parvint, avec ses rames primi-tives, en vue de la terre.

Enfin, il atteignit une plage de sable fin,et, le cœur battant de joie, posa de nouveaule pied sur cette terre d’Afrique qui l’avait vunaître.

Cette fois, ce n’était plus l’Afrique sèche etsablonneuse du Nord, mais la sylve épaisseet profonde des étendues sans fin de l’Afriqueéquatoriale.

Avec ivresse, Tarzan contempla ce paysagefamilier : la mer battait une plage étroite aubord de laquelle s’amorçait déjà les premierstaillis de la jungle.

Sans hésiter, Tarzan s’engagea dans labroussaille, à la recherche d’une source, pourapaiser sa soif ardente.

Il marcha longtemps, avant de se désalté-rer, puis lorsqu’il eut trouvé de l’eau, un nou-veau problème se posa. Tarzan était nu, et se

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trouvait sans arme. Certes, il se fiait à la vi-gueur de ses bras, et à sa force irrésistible,mais il aurait souhaité une arme défensive etoffensive.

Par bonheur, il trouva bientôt des lianessèches et solides, avec lesquelles il confection-na rapidement une longue corde, selon l’usagedes noirs du Cameroun. Quand il eut achevésa tâche, il considéra son œuvre avec satisfac-tion : ce lasso allait lui permettre d’assouvir safaim.

Le crépuscule tombait, et Tarzan se blottitdans les branches basses d’un arbre qui s’éle-vait au bord de la source. Il attendit plus d’uneheure, patiemment, sa proie. À un moment,un bruissement d’herbes, imperceptible à toutautre, lui parvint, et il sut quel était le rival quivenait, lui aussi, guetter son repas du soir.

Un animal s’approcha craintivement de lasource, pour s’abreuver : c’était un daim, et

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Tarzan eut l’eau à la bouche en songeant àcette chair délicate et tendre.

Les hautes herbes dans lesquelles s’étaitblotti l’autre chasseur étaient parfaitement im-mobiles, mais Tarzan savait que les yeux duguetteur avaient aussi étincelé, à la vue decette pièce de choix, et qu’il n’attendait que lemoment propice pour se jeter sur son gibier.

Le lion – car c’était un lion – s’apprêtait àbondir, toutes griffes en avant, lorsqu’au mêmeinstant, un lasso décrivit une courbe dans lesairs, et vint enserrer le cou du daim. Un faiblecri, et le fauve vit sa proie s’élever dans les airs,hors d’atteinte, tandis qu’un visage moqueur, àtravers les branchages, lui faisait une grimacede dérision.

Furieusement, le lion rugit, puis menaçant,affamé, s’installa sous l’arbre qui servait d’abrià son ennemi, griffant avec rage le tronc dontil enlevait l’écorce.

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Pendant ce temps, sans se soucier de la dé-convenue de son rival, Tarzan s’était installécommodément dans les branchages pour yprendre son repas.

Avec délices, il déchiquetait les lambeauxde cette chair encore toute vivante, et but avi-dement un sang chaud qui lui rendait sesforces et son énergie.

Il faisait tout à fait nuit lorsqu’il se sentit re-pu.

Il laissa le reste de la carcasse entre deuxbranches, pour le lendemain, et passa d’arbreen arbre, à la recherche d’un gîte confortablepour la nuit. Le lion, à terre, le suivait en gron-dant sourdement.

Tarzan n’avait cure de sa poursuite, n’ayantpas la moindre intention de descendre des ra-mures, entre lesquelles il circulait avec l’ai-sance d’un singe. Le fauve s’aperçut que savengeance allait lui échapper, car, sur un der-

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nier grondement d’avertissement, il fit demi-tour et disparut, en quête d’une autre proie.

Bientôt, à la fourche d’un arbre gigan-tesque, Tarzan s’endormit paisiblement, souscette lune brillante qui tant de fois avait déjàbercé son sommeil.

Ainsi revint, sans effort, à la vie sauvage,celui qui pendant deux ans s’était efforcé dedevenir un civilisé…

Le lendemain, dès son réveil, Tarzan allaboire à la source. Puis se jetant dans la mer ilnagea quelques minutes. Enfin, il se nourrit dureste de sa chasse.

Il s’en fut à travers la jungle, son lasso surl’épaule, afin de se procurer les armes qui luimanquaient.

Il marcha longtemps, longtemps, sans sedécourager, car les villages sont rares dans labrousse. Il trouva une fois quelques huttes dé-sertes et croulantes, mais n’y découvrit pas lamoindre lame qui pût lui être utile.

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Il s’avança avec méthode, suivant autantque possible les cours d’eau, car c’est toujoursdans leurs parages que l’on trouve les habita-tions des hommes.

Pendant trois jours, il ne trouva rien, enfin,le quatrième, il arriva dans une sorte de junglequi lui était peu familière : taillis rares, forêtdénuée, et au loin, de hautes montagnes.

Tarzan, tenté, songea à s’engager dans cettedirection, mais une faible odeur vint frapperses narines : c’était la présence de l’homme.Tarzan, répétant sa tactique habituelle, se ca-cha dans un arbre, attendant le passant quibientôt apparut.

Ce fut un guerrier noir, armé de son arc etsa sagaie. Tarzan se félicita à la pensée quetoutes ces armes allaient bientôt être siennes.

Cependant, non loin de lui, le fourré avaittressailli. Tarzan regarda attentivement :c’était un lion qui s’apprêtait à attaquer lamême proie que lui.

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Cette vue suffit à modifier le dessein deTarzan. Il s’agissait maintenant de défendre ceguerrier sans défense.

Le fauve allait charger… En l’espace dequelques secondes, la bête s’élança. Tarzan luienserra le cou de son lasso et poussa son fa-meux cri d’avertissement. Le noir fit un bonden arrière, hors de l’attaque immédiate de labête.

Seulement, l’action de Tarzan avait été sirapide qu’il n’avait pu maintenir son équilibrepour résister à la poussée de la bête. Il chance-la, et tomba sur le sol, à moins de dix pas del’animal furieux et affolé.

Rapide comme l’éclair, la bête se retourna.Sans armes, à demi étendu à terre, Tarzan setrouvait plus près de la mort qu’il ne l’avait en-core jamais été.

Ce fut le noir qui le sauva. Le guerrier avaitcompris qu’il devait la vie à cet étrange homme

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blanc, et rapidement, il lança sa sagaie dans leflanc du lion.

Furieux, le fauve se retourna, laissant ainsià Tarzan le temps nécessaire pour se relever,saisir l’extrémité du lasso et l’enrouler par deuxfois autour d’un arbre. Le lion se débattit àl’autre bout, rugissant de rage et de douleur.

Le noir s’acharna alors sur la bête afin de lamettre hors de combat.

Il fallait éviter que le lion ne rompît lacorde, car les deux hommes ne réussiraient pasà se mettre à temps à l’abri de ses griffes.

Épiant l’instant favorable, Tarzan se jeta surla bête, et d’un coup l’acheva.

Quand le lion fut mort, le noir et le blanc secontemplèrent longuement. Ils échangèrent lesigne de paix et d’amitié.

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CHAPITRE XV

NOIR ET BLANC

La bataille avec le lion avait alerté touteune horde de sauvages habitant un proche vil-lage, dissimulé dans la dense végétation. Lefauve avait à peine rendu le dernier soupir, queles femmes et les enfants se précipitaient der-rière les guerriers d’ébène, en piaillant et enquestionnant.

Enfin, ils escortèrent Tarzan jusque dansleur village. Depuis que le noir avait montrél’arme avec laquelle Tarzan avait eu raison del’animal, et avait mimé la scène du combat,ses congénères entouraient Tarzan d’un res-pect qui paraissait presque superstitieux.

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Profitant de ces bonnes dispositions, Tar-zan désigna du doigt un arc, des flèches etun couteau, en indiquant qu’il désirait obtenirles mêmes, mais le chef lui-même donna sesarmes au triomphateur du lion.

Le soir même, il y eut un grand festin pourcélébrer la victoire de Tarzan. Le guerrier qu’ilavait sauvé, et qui n’était autre que le fils duchef, l’avait pris en affection, et lui tendait lesmeilleurs morceaux.

Après quoi, les guerriers se mirent à danser,mimant le combat contre le lion. En assistantà ce spectacle, Tarzan fut frappé par la beautérégulière des traits de ces hommes, qui, loind’offrir le profil obtus et la mâchoire bestialede la plupart des indigènes de l’Afrique équato-riale, montraient au contraire un visage fin etintelligent.

Il remarqua aussi que ces hommes por-taient de lourds ornements aux poignets et auxchevilles, et qu’ils étaient en or massif.

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Quand la danse fut finie, il manifesta l’in-tention de s’en aller, mais ses hôtes montrèrentun grand désespoir, et le supplièrent de resterparmi eux.

Tarzan essaya de leur faire comprendrequ’il reviendrait le lendemain, mais ils insis-taient toujours.

De guerre lasse, Tarzan, qui avait horreurde passer la nuit dans un enclos, bondit auxbranches d’un arbre qui étendait ses ramurespar-dessus la palissade, et disparut dans lefeuillage avant que ses nouveaux amis fussentrevenus de leur ébahissement.

Il s’enfonça dans la forêt jusqu’à un endroitqui lui parut confortable, pour y passer la nuit,et le lendemain, il revint au village, aussi inopi-nément qu’il en était parti.

Les noirs furent d’abord effrayés de cethomme blanc qui tombait d’un arbre commeil serait tombé du ciel, mais en reconnaissant

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leur hôte de la veille, ils manifestèrent bruyam-ment leur joie, et s’empressèrent autour de lui.

Pendant quelques semaines, Tarzan vécutainsi parmi ses nouveaux amis, chassant enleur compagnie le buffle, l’antilope et le zèbre.Bientôt, il connut leur langage, simple et di-rect, leurs coutumes, et leur religion.

Busuli, le guerrier qu’il avait sauvé, lui ra-conta quelques légendes de la tribu ; bien desannées auparavant, ce peuple avait été nom-breux et puissant, mais les marchands d’es-claves l’avaient décimé, et pour leur échapper,les rescapés s’étaient enfoncés dans la forêt.

« De temps en temps ils nous poursuivaientencore, et malgré la vaillance de nos guerriers,ils parvenaient à s’emparer de l’ivoire et à em-mener nos femmes et nos enfants.

« C’est pourquoi le Conseil des Anciens dé-cida que nous partirions vers le Sud, aussi loinqu’il le faudrait pour leur échapper définitive-ment. Nous avons beaucoup souffert en traver-

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sant la terrible jungle, mais après avoir fran-chi les montagnes, nous sommes arrivés ici, oùnous vivons en paix.

— Et les bandits ne vous ont pas retrou-vés ? demanda Tarzan.

— Une fois, l’année dernière, une petitetroupe d’Arabes et de Manyémas a essayé denous assaillir, mais nous les avons repoussés.

« Continuant notre poursuite pendant desjours, nous tenions à les mettre définitivementhors d’état de nuire, mais quelques-uns d’entreeux ont pourtant réussi à nous échapper. »

Tout en parlant, Busuli faisait machinale-ment tourner autour de son poignet le cercled’or qui l’enserrait. Les yeux de Tarzan sui-virent ce manège, puis désignant l’anneau :

« D’où vient ce métal jaune, Busuli ?

— Au temps de la jeunesse de mon père,notre tribu a pris cet or à des guerriers re-doutables qui vivaient dans un grand village

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construit en pierre, loin d’ici. Depuis cettegrande bataille d’où nous sommes sortis victo-rieux, nous ne les avons plus revus.

— Ton père pourrait-il me raconter ce qu’ila vu dans le pays de ces guerriers ?

— Non, il était trop jeune, mais Waziri, lui,se souviendra peut-être encore. »

Le vieux Waziri renseigna en effet Tarzan :le village des hommes d’où provenaient les or-nements d’or se trouvait à vingt jours de dis-tance, en remontant la rivière, dans une valléecreusée entre de hautes montagnes.

Il fut décidé que lorsque la saison des pluiesserait terminée, une expédition partirait,conduite par Tarzan et Waziri, vers l’étrange ci-té. Tarzan dut se contenter de cette promesse,bien qu’il se sentît impatient comme un enfantde partir, à l’aventure, dans cette région incon-nue.

Le lendemain, les chasseurs vinrent annon-cer au village qu’un troupeau d’éléphants était

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dans les parages. On consacra la journée en-tière à la préparation de la chasse : les épieuxfurent affûtés, les lances aiguisées, et le sorciers’affaira à composer des drogues et des amu-lettes bénéfiques.

Dès l’aurore, les hommes partirent pour lachasse. Ils étaient cinquante, y comprisl’homme bronzé, aux cheveux clairs, qu’ilsconsidéraient maintenant comme l’un desleurs.

Après trois heures de marche, ils arrivèrentsur le lieu de la chasse. À partir de ce moment,ils avancèrent plus lentement, avec d’infiniesprécautions, afin de suivre les traces des pa-chydermes sans que ceux-ci éventent leur pré-sence.

Tarzan, le premier, découvrit la bonnepiste. Son odorat merveilleux, qui tant de foisl’avait averti du danger, le prévint une fois deplus de la présence des éléphants.

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Les noirs se montrèrent sceptiques devantson assurance.

« Que l’un de vous me suive », dit Tarzan.

Et il bondit sur le plus grand arbre, s’élevantsi rapidement de branche en branche que lemeilleur grimpeur de la tribu avait peine à lesuivre. Une fois parvenu à la cime de l’arbre,un noir vit, en effet, plusieurs masses d’un grissombre qui se repaissaient de branchages.

Aussitôt, les chasseurs s’avancèrent à larencontre des grandes bêtes, tandis que Tarzanpoursuivait son chemin, en bondissant tou-jours d’arbre en arbre. Arrivés en vue des gi-gantesques animaux, les noirs se concertèrent,et d’un seul mouvement, lancèrent leurs sa-gaies.

Deux d’entre eux s’étaient écroulés, le cœurpercé de part en part, mais le troisième, traver-sé par les lances, restait debout, et de ses petitsyeux injectés de sang, cherchait d’où venaientces ennemis qui l’avaient frappé.

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Déjà les chasseurs s’étaient enfoncés dansla jungle, mais l’éléphant, surprenant le bruitde leur fuite, se rua dans cette direction enpoussant un formidable barrit.

L’arrière-garde des noirs était fermée parBusuli. Le monstre se précipitait derrière lui, àune vitesse encore accrue par la rage. Tarzan,qui avait assisté à toute la scène, du haut d’unarbre, descendit et courut vers la bête en pous-sant des cris perçants dans l’espoir de détour-ner son attention.

Mais rien n’y fit, seul un miracle pouvaitsauver Busuli. Alors Tarzan se dressa, au mi-lieu du chemin, entre la brute et le chasseur.

À la vue de cet obstacle, constitué par unhomme blanc qui brandissait une lance pareilleà celles qui l’avaient frappé si douloureuse-ment, l’éléphant barrit de nouveau et se jetasur le survenant pour le piétiner. Sa fureurl’aveugla si bien qu’il ne s’aperçut pas que sonennemi, courbé entre les hauts piliers de ses

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pattes, cherchait l’endroit vulnérable pour luidonner le coup de grâce.

Tarzan venait à peine de s’écarter du co-losse, que celui-ci chancela et s’écroula detoute sa lourde masse.

Busuli n’avait pas encore compris à quoi ildevait sa délivrance, mais Waziri avait tout vu,ainsi que plusieurs autres guerriers, et ils accla-mèrent l’extraordinaire exploit de Tarzan.

Quant au fils de la jungle, fier de sa chasse,il lança son terrible cri de guerre et de victoire.

Peu s’en fallut que les noirs, à cette voix,ne s’enfuient, pleins d’une épouvante supersti-tieuse et d’une terreur respectueuse devant cethomme, plus brave que les plus braves guer-riers, mais qui rugissait comme l’ancêtre desforêts, le grand gorille noir que nul homme nepouvait se vanter d’avoir approché.

Lorsque Tarzan revint vers eux en souriant,ils se rassurèrent un peu, mais ils ne com-prenaient toujours pas. Non, vraiment, il était

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trop difficile pour leurs cervelles obtuses d’ad-mettre que cette étrange créature, qui sautaitd’arbre en arbre comme un ouistiti, pût enmême temps être, à terre, un coureur infati-gable, avoir un odorat auprès duquel celui desmeilleurs chasseurs était médiocre, et que,malgré la couleur de sa peau, il vécût la mêmevie qu’eux.

En tout cas, cet homme extraordinaire ve-nait de leur permettre de réaliser une chassefructueuse sans perdre aucun chasseur, ce quiétait rare. L’escorte se remit en route vers levillage avec des cris joyeux, mais elle avait àpeine parcouru quelques centaines de mètres,qu’un bruit étrange se répercuta au loin.

« Des coups de fusil ! dit Tarzan. Ilsviennent de la direction du village !

— Vite, cria Waziri, les pillards sont reve-nus ! »

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CHAPITRE XVI

LES MARCHANDS D’IVOIRE

Les chasseurs se mirent à courir. Pendantquelques instants, la fusillade continua, puisle crépitement des balles se fit plus espacé.La résistance du village devait être terminée,et les assaillants ne pourchassaient plus quequelques fuyards.

Les guerriers avaient à peine couvert lamoitié du chemin qui les séparait du village,qu’ils rencontrèrent les premiers fugitifs.

C’étaient une douzaine de femmes et d’en-fants, si émus qu’ils avaient peine à raconter àWaziri les circonstances de la catastrophe quivenait de s’abattre sur leur tribu.

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« Ils sont aussi nombreux que les arbres dela forêt ! cria enfin l’une des femmes. Ce sontdes Arabes et des Manyémas, tous armés defusils ! Ils se sont jetés sur le village commeune armée de sauterelles, brûlant et pillanttout sur leur passage. »

Peu à peu, d’autres fugitifs arrivèrent parmilesquels se trouvaient quelques hommes, quivinrent grossir la troupe des cinquante chas-seurs de Waziri.

Le chef envoya des éclaireurs vers l’enne-mi. L’un d’eux revint au galop.

« Ils sont tous dans l’enceinte, dit-il, à boutde souffle.

— Bien, répondit Waziri. Nous allons lesencercler. »

Il donnait déjà des ordres, lorsque Tarzans’approcha de lui :

« S’ils ont des fusils, dit-il, nous seronsvaincus, et ce sont eux, au contraire, qui achè-

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veront de nous anéantir. Je vais, moi-même,aller en reconnaissance, et je vous dirai ensuitece que nous devons faire. J’ai l’impression quenous réussirons mieux par la ruse que par laforce. Veux-tu m’attendre, Waziri ?

— Oui, répondit gravement le vieux chef.Va ! »

D’arbre en arbre, Tarzan se dirigea vers levillage. Au bout de cinq minutes, il était par-venu dans le feuillage d’un chêne immense quidominait la palissade, et de là il pouvait voirtout ce qui se passait à l’intérieur de l’enceinte.Il compta cinquante Arabes et environ cinq foisplus de Manyémas. Ceux-ci étaient occupés àse repaître de toutes les provisions de la tri-bu. Dans un coin, ils avaient massé un certainnombre de prisonniers.

Tarzan vit bien qu’il serait vain d’essayerde charger cette horde bien armée, et il repritle chemin de la forêt, pour prier Waziri d’at-

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tendre, et lui soumettre le plan qu’il venaitd’échafauder.

Malheureusement, entre-temps, l’un des fu-gitifs avait informé le vieux chef que sonépouse venait d’être victime des pillards.Alors, plein de fureur, Waziri décida de se ruersans plus tarder contre eux.

Avec de grands cris, et en agitant leurslances, les guerriers de Waziri se jetèrent doncsur la palissade, mais avant même qu’ils aientpu l’atteindre, les Arabes avaient ouvert le feu.

Waziri tomba, ainsi qu’une douzaine de seshommes. Déconcertés et privés de leur chef,les autres refluèrent en hâte vers la forêt, sousle feu continu des ennemis.

Non contents de ce succès, les Arabes sor-tirent de l’enceinte, et se lancèrent à la pour-suite des guerriers, dans l’espoir d’en finir.

Alors Tarzan réunit autour de lui les plusbraves et les exhorta à s’égailler dans la jungleet à se tenir hors de portée, individuellement,

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de l’ennemi, mais de ne rien tenter avant lanuit.

« Suivez mon conseil, et nous vaincrons,dit-il. Cette nuit, revenez tous à l’endroit oùnous avons tué les éléphants, et je vous expli-querai mon plan. »

Pleins de confiance, les guerriers acquies-cèrent, et se dispersèrent. Quant à Tarzan, ilreprit une fois de plus le chemin du village, àtravers les arbres. Là il constata que les Arabeset les Manyémas étaient bien partis à la pour-suite des fugitifs, laissant le village désert, àl’exception des prisonniers enchaînés etconfiés à la garde d’une seule sentinelle.

Le soldat se tenait devant la porte ouverte,regardant vers la forêt, si bien qu’il n’aperçutpas l’agile géant qui, tombant d’une branched’arbre dans l’enceinte, s’approchait de lui.

Les prisonniers, eux, suivaient du regard,avec une crainte mélangée d’espoir, leur sau-veteur. Soudain, le guerrier, flairant un danger,

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voulut se retourner. Mais il n’en eut pas letemps, Tarzan l’envoya rouler à terre, d’un seulcoup de poing.

Le géant se tourna ensuite sur le groupehaletant des cinquante prisonniers, hommes,femmes et enfants, reliés par le cou à unelourde chaîne. Il n’avait pas le temps de brisermaintenant leurs fers. Il leur ordonna donc dele suivre dans l’état où ils étaient, et, s’empa-rant du fusil et des munitions de la sentinelle,ils prirent tous le chemin de la jungle.

La marche était lente et difficile, car leschaînes de l’esclavage, neuves pour ces gens,entravaient leurs mouvements. De plus, Tar-zan était obligé de faire un grand détour pouréviter toute rencontre possible avec les pillardsde retour au village.

Il ne put retenir un sourire de satisfactionen pensant à la fureur des Arabes devant leursentinelle inanimée et la disparition des pri-sonniers…

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Il était plus de minuit lorsque toute la lentecaravane approcha de l’endroit du lieu de ren-dez-vous.

De loin, Tarzan aperçut le feu que les noirsavaient allumé, moitié pour se réchauffer, moi-tié pour écarter les bêtes fauves. Il héla lesguerriers, et ceux-ci, venant à sa rencontre,eurent la joyeuse surprise de retrouver les unsleurs parents, les autres leur femme, parmi lesprisonniers délivrés.

Une grande partie de la nuit fut consacrée àfêter dignement le retour de ceux que l’on avaitcru perdus à jamais, puis, à l’aube, Tarzan ex-pliqua aux hommes son plan de bataille. Ceux-ci furent d’accord quant au moyen de se débar-rasser de leurs indésirables visiteurs.

D’abord, les femmes et les enfants, gardéspar vingt des plus vieux guerriers, furent ca-chés dans une retraite située au fond de lajungle.

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Tarzan leur prescrivit de construire deshuttes temporaires, car son plan de campagnepouvait prendre plusieurs jours, et même plu-sieurs semaines, avant d’être réalisé.

Deux heures après l’aube, un mince cerclede guerriers noirs entourait le village. À inter-valles réguliers, l’un d’eux se perchait dans lefeuillage d’un des hauts arbres qui bordaientl’enceinte.

Ils furent bientôt tous installés, silencieuse-ment, dans les branches, invisibles dans le vertsombre et épais de la forêt.

Soudain, un Manyéma, qui dans le villagevaquait à ses occupations, tomba, frappé d’uneflèche.

Pas un bruit de lutte, pas un cri de guerre,pas de menaces homériques proférées. Rienqu’un silencieux messager de mort, venu de laforêt profonde.

Les Arabes et leurs acolytes se sentirent fu-rieux de cette attaque sans précédent. Ils sor-

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tirent hors de l’enceinte, pour aller tirer ven-geance de cet outrage, mais ils s’aperçurentsoudain qu’ils ne savaient où aller.

Ils étaient encore occupés à discuter et àpalabrer, lorsque l’un d’eux vacilla et tomba :une flèche vibrait encore, plantée dans sa poi-trine.

Tarzan avait disposé les meilleurs archersde la tribu dans les arbres environnants, avecmission de ne jamais se montrer, et de ne frap-per qu’à coup sûr.

Par trois fois, les Arabes traversèrent laclairière dans la direction d’où semblaient ve-nir les flèches, mais à chaque fois, un dard, ve-nant de l’autre côté, frappait l’un des leurs. Fi-nalement, ils résolurent de battre les fourrésméthodiquement, mais les noirs restèrent in-trouvables.

Ces attaques sournoises mettaient les nerfsdes Arabes à une rude épreuve, quant aux Ma-nyémas, ils étaient véritablement pris de pa-

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nique. Si l’un s’avançait devant les autres, ilétait tué ; si celui-ci s’attardait à l’arrière, ilétait retrouvé percé d’une flèche. C’était dé-concertant.

Finalement les Arabes rentrèrent se barri-cader à l’intérieur du village, les choses n’en al-lèrent pas mieux. À intervalles variables, quenul ne pouvait prévoir, un homme tombaitpour ne plus se relever.

Bientôt les Manyémas excédés en eurentassez et demandèrent à leurs maîtres arabesde quitter la place, mais les chefs pillards crai-gnaient de s’enfoncer dans l’hostile forêt oùs’embusquaient des ennemis invisibles, etd’autre part, ils désiraient emporter le stockd’ivoire qu’ils avaient découvert dans le trésorde Waziri.

Complètement désemparée, l’expéditionchercha un refuge sous le toit de chaume deshuttes. Tarzan, du haut de l’arbre où il étaittapi, repéra la cabane dans laquelle les chefs

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arabes avaient pénétré, et descendant silen-cieusement de branche en branche, arrivapresque au-dessus du toit.

Alors, bandant tous ses muscles, il branditsa lourde sagaie, et l’envoya droit sur le toitqu’elle traversa. Un hurlement l’avertit aussitôtque l’arme avait frappé l’un des occupants dela cabane.

Cet avertissement devait donner auxArabes la certitude qu’ils ne seraient en sécuri-té nulle part dans ce village.

Tarzan reprit le chemin de la forêt, rassem-bla ses guerriers, et se dirigea avec eux vers leSud, afin d’y prendre du repos et de la nourri-ture.

Des sentinelles avaient été postées de placeen place, sur la route du village, au cas oùles Arabes, exaspérés, se lanceraient dans unenouvelle expédition, mais prudemment, ceux-ci restèrent à l’abri.

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En passant en revue les combattants, Tar-zan leur fit remarquer qu’aucun d’eux n’avaitreçu la moindre écorchure, alors que les forcesennemies avaient diminué d’au moins vingtunités.

Pleins d’ardeur et d’enthousiasme, et pourcouronner leurs hauts faits, les guerriers n’ima-ginèrent rien de mieux que de courir de nou-veau à l’assaut du village, afin d’anéantir le res-tant des Arabes. Ils se réjouissaient déjà deleur victoire sur les Manyémas qu’ils haïssaienttout particulièrement, quand Tarzan intervint :

« Vous êtes fous ! leur cria-t-il avec irrita-tion. Je vous ai montré la seule façon d’agirpour triompher de ces ennemis. Vous êtes toussains et saufs : tandis qu’avec vos méthodes,trente d’entre vous seraient tombés, sans avoirpu seulement blesser un Manyéma. Vous conti-nuerez à vous battre comme je vous l’ai ensei-gné, ou bien je vous abandonnerai et retourne-rai dans mon pays ! »

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Cette menace produisit son effet, et lesguerriers, assagis, promirent de lui obéir scru-puleusement, pourvu qu’il restât parmi eux.

« Très bien, dit alors Tarzan. Nous allonsretourner passer la nuit au campement des élé-phants. J’ai un plan qui donnera aux Arabesune idée de ce qu’ils risquent s’ils s’obstinent àrester dans ce pays, mais je n’ai besoin d’aucunde vous pour l’exécuter. Pour l’instant, par-tons !

— Ne continuerons-nous pas à tirer sur lesArabes cet après-midi ? dit timidement unguerrier.

— Non ! Si nous leur laissons un peu de ré-pit, ils reprendront confiance et seront d’autantplus terrifiés quand nous recommencerons. »

Ils revinrent donc au camp de la nuit précé-dente, et après avoir allumé de grands feux, ilsdiscutèrent des aventures de la journée jusquefort avant dans la nuit.

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Tarzan se réveilla, un peu après minuit, seleva, et silencieusement s’engouffra dans lesépaisses ténèbres de la forêt.

Une heure plus tard, il parvenait à l’orée dela clairière, devant le village. Un feu de campétait allumé derrière la palissade. Tarzan ram-pa à terre jusqu’à la barrière, et, à travers lesinterstices, aperçut une sentinelle qui somno-lait à côté du feu. Toujours sans bruit, Tarzangagna l’arbre qui lui permettrait de sauter aisé-ment à l’intérieur de l’enceinte. Il avait empor-té toutes ses armes, y compris le fusil arraché àl’autre sentinelle. Pourtant, il l’abandonna, ain-si que sa sagaie et son lasso, et il s’avança versle guerrier endormi.

Comme une panthère, il bondit surl’homme, et le réduisit à l’impuissance avantmême qu’il ait pu sortir de son hébétude.

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CHAPITRE XVII

LE CHEF BLANC DES WAZIRIS

Tarzan se saisit du corps inanimé del’homme et, s’emparant de son fusil, traversasilencieusement le village endormi, puis il ca-cha sa victime dans les branches de son arbre.

Là, il visa soigneusement l’une des huttesoù les chefs arabes avaient élu résidence, ettira. Un cri lui répondit : cette fois encore, ilavait visé juste.

Aussitôt après le coup de feu, il y eut un ins-tant de silence et de stupeur dans le camp, puisArabes et Manyémas sortirent de leurs huttescomme des fourmis enfumées, plus épouvan-tés encore que furieux.

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Lorsqu’ils eurent découvert la mystérieusedisparition de leur sentinelle, leur terreur fut àson comble, et ils se mirent à tirer à tort et àtravers.

Tarzan profita du bruit de cette fusilladepour abattre encore un nouveau guerrier.

Devant ce nouvel exploit les Arabes res-tèrent un instant figés, puis ils furent obligésd’user de toute leur autorité pour empêcher lesManyémas de s’enfuir et de gagner la jungle,qu’ils jugeaient, à cet instant, moins dange-reuse que ce terrible village.

Pourtant, nulle nouvelle attaque ne se pro-duisit. Alors les occupants du village déci-dèrent de regagner leurs huttes, lorsqu’ils le-vèrent la tête avec inquiétude : un formidablerugissement venait de se faire entendre dont ilsne pouvaient s’expliquer l’origine.

C’était Tarzan, qui, profitant de l’inattentiondes pillards, leur lança sur la tête, du haut deson arbre, le corps de la sentinelle.

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Sans même regarder ce qui venait de tom-ber, les Arabes et les Manyémas se mirent àfuir dans toutes les directions, persuadés qu’unnouvel ennemi leur arrivait par ce chemin ori-ginal.

Sans attendre un seul instant la suite del’événement, Tarzan reprit silencieusement laroute du camp de Waziri.

Pendant ce temps, l’un des Arabes, plushardi que les autres, s’approcha de l’objet tom-bé du ciel, qui, inerte, semblait inoffensif. Ar-rivé tout près, il constata que c’était le corpsd’un homme, et se penchant plus près, il recon-nut la sentinelle disparue !

Ses compagnons se rassemblèrent autourde lui, et après le premier moment de stupeur,lancèrent une volée de balles dans le feuillagede l’arbre du haut duquel était tombé le corps.Si Tarzan y était demeuré, il eût été immanqua-blement transpercé !

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Bien entendu, l’événement inexplicable quivenait de se produire avait mis le comble à lafrayeur des Manyémas dont une partie s’enfuitaussitôt dans la jungle, malgré les objurgationsdes Arabes.

Quant à ceux, moins prompts, que leursmaîtres réussirent à retenir, ils ne consentirentà rester au village que sur la promesse formellede partir le lendemain dès l’aube.

C’est ainsi que lorsque de bonne heure, lematin suivant, Tarzan et ses guerriers revinrentà l’attaque du village, les Manyémas étaientdéjà prêts à quitter le camp maudit, chargésde tout l’ivoire qu’ils avaient raflé dans les ca-chettes de Waziri.

Alors Tarzan grimpa dans un arbre proche,et faisant un porte-voix de ses deux mains ar-rondies autour de sa bouche, il proféra d’unevoix solennelle ces mots qui vinrent glacerd’épouvante les malheureux Manyémas :

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« Pourquoi emportez-vous l’ivoire ? Ceuxqui vont mourir n’ont pas besoin d’ivoire... Etvous allez mourir si vous emportez le trésor deWaziri ! »

Quelques-uns des noirs lâchèrent aussitôtleur charge du précieux butin, terrorisés par laphrase menaçante qu’ils venaient d’entendre.Mais les Arabes, furieux, brandirent leursfouets et les Manyémas, pour échapper à lamenace la plus immédiate, se résignèrent à re-prendre leurs fardeaux.

Ce fut ainsi que la horde des pillards aban-donna le village de Waziri, en emportant unbutin d’ivoire qui aurait pu suffire à la rançond’un roi.

Les Arabes partirent dans la direction duNord, pour retourner au camp qu’ils avaientétabli, au-delà du fleuve Congo, sans remar-quer qu’ils étaient suivis et entourés par desennemis silencieux et inlassables.

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En effet, sur les ordres de Tarzan, les guer-riers noirs avaient laissé les Arabes s’enfoncerdans la forêt, et, à chaque instant, un porteurou un guerrier s’effondrait, frappé par uneflèche qu’il n’avait même pas entendu siffler.

Les Arabes avaient fort à faire pour empê-cher leurs hommes d’abandonner leur charged’ivoire et de s’enfuir comme des lièvres danstous les sens.

Enfin, ce jour, qui pour les pillards n’avaitété qu’un long et terrible cauchemar, fit place àla nuit, et les Arabes établirent un camp, qu’ilsfortifièrent de leur mieux dans une petite clai-rière au bord d’une rivière.

Hélas ! la nuit ne devait leur apporter aucunrépit.

De temps à autre, une sentinelle tombait,et il fallait la remplacer aussitôt. Les Arabes,furieux et épouvantés, comprenaient que cettetactique diabolique allait avoir raison d’eux,avant qu’ils pussent même se venger sur un

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seul de leurs ennemis ; aussi, dès l’aube, re-prirent-ils leur route, maltraitant les Manyé-mas abrutis par la terreur.

Pendant trois jours, ils gravirent un véri-table calvaire. Au matin du quatrième jour, lesArabes durent sévir afin que les noirs consen-tissent à se remettre en marche.

Enfin, au moment où les Manyémas, parmilesquels grondait une sourde révolte, allaientse résigner à se recharger du butin volé, unevoix résonna, claire et vibrante dans les fron-daisons de la jungle :

« Aujourd’hui, vous mourrez tous, Manyé-mas, si vous n’abandonnez pas ce butin ! Ré-voltez-vous contre vos maîtres cruels ! Vousêtes armés, débarrassez-vous de ces Arabes etvous serez nos alliés. Nous vous laisserons enpaix regagner votre village. Luttez avec nouscontre vos tyrans, ou bien, Manyémas, tous,vous mourrez aujourd’hui ! »

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En entendant cette voix solennelle, quisemblait celle d’un dieu, hôte des forêts, lespillards étaient demeurés immobiles, commepétrifiés.

Quant aux Manyémas, ils avaient changéde rapides regards, tandis qu’un nouvel espoirnaissait dans leur âme.

Les Arabes n’étaient plus qu’une trentaine,contre cent cinquante noirs tous armés.

Comprenant le péril, les Arabes se ressai-sirent et leur scheik ordonna le départ d’unevoix brève, en brandissant un fouet. Au mêmeinstant, un noir laissa choir son fardeau, refusad’obéir, et saisissant son fusil, il tira sur sesmaîtres.

Le camp devint aussitôt le théâtre d’une vé-ritable bataille. Les Arabes, massés en carré, sedéfendirent vaillamment, mais, accablés par lenombre, et par une pluie incessante de flècheslancées des arbres avoisinants, ils succom-

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bèrent les uns après les autres jusqu’au der-nier.

Lorsque la lutte fut terminée, Tarzan parlade nouveau aux Manyémas :

« Rechargez-vous de l’ivoire que vous avezvolé, et rapportez-le au village de Waziri. Nousne vous ferons aucun mal. »

Tout d’abord, les Manyémas hésitèrent. Ilsne se sentaient pas le courage de revivre lestrois terribles journées qu’ils venaient de pas-ser. Ils pérorèrent tout bas, discutant avec ani-mation. Enfin, l’un d’eux se tourna dans la di-rection où avait retenti la voix :

« Qui nous dit que vous ne nous ferez aucunmal, une fois que nous serons de retour dansvotre village ! dit-il.

— Vous avez notre promesse, répondit Tar-zan, toujours invisible. Craignez d’éveillernotre colère en nous résistant, car alors, vousne sortirez pas vivants de cette forêt !

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— Qui es-tu, toi qui nous parles ? cria alorsle Manyéma, montre-toi, et après nous te ré-pondrons.

— Me voici ! » dit Tarzan.

Et il émergea des frondaisons, debout surune branche élevée.

À la vue de ce géant blanc et nu, les Manyé-mas restèrent pétrifiés de surprise.

« Vous pouvez avoir foi dans mes paroles,reprit Tarzan d’une voix lente. Obéissez à mesordres et aucun mal ne vous sera fait. Lorsquevous nous aurez rendu notre ivoire, vous serezlibres de rentrer dans votre village, et nousvous accompagnerons même jusqu’à la fron-tière de notre territoire, sinon, nous continue-rons ce que nous avons fait durant les troisjours qui viennent de s’écouler. »

Cette menace acheva de décider les Manyé-mas, et, après un ultime échange de paroles,ils reprirent leurs fardeaux, rebroussant che-min dans la direction du village de Waziri.

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Trois jours plus tard, ils étaient aux portesdu village. Là, Tarzan eut besoin de toute saforce de persuasion pour empêcher ses guer-riers de foncer sur les Manyémas qui étaientmaintenant à leur merci, et de venger ainsi lesvictimes du pillage.

Enfin, il réussit à les convaincre de laisserles Manyémas camper paisiblement de l’autrecôté de la palissade.

Cette nuit-là, une grande palabre devaitavoir lieu pour célébrer la victoire des Waziris,et élire un nouveau chef. Depuis la mort duvieux Waziri, Tarzan avait pris le commande-ment des opérations, qui lui avait été concédépar consentement unanime et tacite. Les guer-riers avaient été trop occupés pour trouver letemps de choisir un autre chef parmi eux, etavaient compris, étant assez intelligents, quec’était la tactique de Tarzan, uniquement, quiles avaient conduits à la victoire.

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Le Conseil des guerriers s’était donc ras-semblé autour du feu, pour discuter les méritesrespectifs des candidats à la succession duvieux chef. C’est Busuli qui parla le premier :

« Depuis la mort de notre roi, il n’est qu’unguerrier qui s’est montré digne d’être notrechef, et capable de lutter victorieusementcontre nos ennemis et de nous faire triompher,alors même que tout semblait perdu pour nous.C’est l’homme blanc qui nous a guidé pendantces derniers jours ! »

Alors Busuli se leva d’un bond, et agitantsa lance dans les airs, se mit à danser lente-ment autour de Tarzan en chantant, en me-sure : « Waziri, roi des Waziris ; Waziri, vain-queur des Arabes ; Waziri, roi des Waziris ! »

L’un après l’autre, les guerriers se joignirentà Busuli, pour marquer ainsi qu’ils se ralliaientà son opinion.

Pendant ce temps, les femmes s’étaientgroupées autour du cercle, en frappant dans

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leurs paumes au rythme de la danse et duchant des guerriers.

Au milieu du cercle, Tarzan était assis im-mobile.

Selon la coutume de la tribu, il devait adop-ter le nom de celle-ci, et s’appeler désormaiscomme son prédécesseur, Waziri, chef des Wa-ziris.

La danse se faisait de plus en plus rapide,les chants de plus en plus aigus. Les lancesétaient maintenant brandies frénétiquement, etle sol retentissait sourdement sous les piedsnus qui le foulaient : scène curieuse qui rappe-lait les premiers âges de l’humanité.

Cette frénésie gagnait peu à peu Tarzan,comme un alcool grisant, et se dressant à sontour, il se joignit à la danse. Au centre de l’an-neau des corps noirs qui se tordaient, il dansaitmaintenant, lui aussi, gesticulant et criant.

Il rejetait avec bonheur jusqu’au souvenirde cette civilisation qu’il avait été sur le point

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d’adopter, se replongeant avec délice dans lavie sauvage et libre pour laquelle il était fait, seréjouissant de son élection comme chef de sescompagnons noirs.

Ah ! si la frêle et délicate Olga de Coudel’avait vu en ce moment… aurait-elle reconnule jeune homme bien rasé, bien vêtu, aux ma-nières irréprochables, qui avait éveillé en elletant de sympathie quelques mois plus tôt ! EtJane Porter ? Qu’aurait-elle pensé de ce chefguerrier, dansant nu au milieu de son peuple ?Et d’Arnot ? d’Arnot qui s’était donné tant demal pour polir et civiliser Tarzan ! Aurait-il re-connu en ce sauvage hurlant l’élève docile qu’ilavait fait élire membre des clubs les plus aris-tocratiques de Paris ?

De tout ceci, Tarzan n’avait cure. Il étaitaussi fier et heureux d’avoir été pris pour chefpar ces sauvages incultes, que s’il avait éténommé empereur d’un grand pays.

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CHAPITRE XVIII

LA LOTERIE DE LA MORT

Après le naufrage de l’Alice, Jane Porteravait été la première à se réveiller, parmi sescompagnons d’infortune, qui sommeillaientencore, couchés dans le fond de l’embarcation.

Soudain, la jeune fille s’aperçut que l’esquifétait maintenant solitaire, sur l’étendue del’Océan, et son cœur se remplit d’appréhen-sion. Elle eut la sensation d’être abandonnéesans recours, avec ceux qui partageaient sonsort.

Clayton se réveilla à son tour. Il lui fallutquelques instants avant de reprendre contactavec la tragique réalité et de se rappeler les ter-ribles événements de la nuit précédente. Enfin,

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ses yeux tombèrent sur la jeune fille, prostréedans un coin de la barque.

« Jane ! s’écria-t-il. Dieu merci, au moinsnous restons ensemble !

— Regardez, dit la jeune fille d’un tongrave. Nous sommes séparés des autresbarques ! »

Clayton scruta l’horizon dans toutes les di-rections, sans rien apercevoir.

« Que peut-il être arrivé ? murmura-t-il enréfléchissant. Ils ne peuvent avoir sombré, lamer est absolument calme. »

Il réveilla ses compagnons et les mit aucourant.

« Il est préférable que les barques se soientdispersées, dit un marin. Elles sont toutes ap-provisionnées comme nous-mêmes, et en pre-nant une route différente, nous avons plus dechance qu’une des quatre barques soit aperçue

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par un navire qui, ensuite, cherchera les troisautres. »

Comme, de toutes façons, il était impos-sible d’y porter remède, on se résigna à par-tager l’optimisme du marin, mais bientôt unenouvelle déception vint jeter la discorde dansle petit groupe.

Il avait été décidé que l’on ramerait à tourde rôle, dans la direction de l’Est, vers le conti-nent, mais lorsque l’on chercha les rames, ons’aperçut que, pendant le sommeil écrasant quis’était emparé de chacun, elles étaient tombéesà l’eau.

D’aigres paroles furent échangées, les ma-rins, furieux les uns contre les autres, étaientsur le point d’en venir aux mains, lorsque Clay-ton s’interposa et ramena le calme.

Quelques instants plus tard, une nouvellequerelle éclata suscitée par M. Thuran qui don-nait des conseils de son cru à l’homme debarre.

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« Fichez-moi la paix ! répondit hargneuse-ment celui-ci. Vous n’êtes pas le capitaine decette barque, je pense, et un fichu pékincomme vous ferait mieux de se taire et d’éco-per l’eau qui alourdit le bateau.

— Ce n’est pas une mauvaise idée », répli-qua M. Thuran avec souplesse. Puis se tour-nant vers le troisième marin, Wilson, il lui lan-ça négligemment : « Passez-moi donc une deces boîtes de conserves, mon brave, je vais lavider et m’en servir pour écoper.

— Prenez-Ia vous-même », dit brusque-ment l’homme.

Une altercation s’ensuivit, et Clayton dutencore intervenir, mais lorsqu’il voulutprendre les conserves, des protestations véhé-mentes s’élevèrent, cette fois contre lui, l’ac-cusant de vouloir contrôler les provisions etmême de chercher à s’attribuer la part du lion.

Finalement, il fut décidé que les quatreboîtes de conserves et les deux bidons d’eau

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seraient divisés en deux lots égaux, l’un pourles trois matelots, l’autre pour les trois passa-gers.

Une fois le partage ainsi réglé, chacun desdeux groupes se mit en devoir d’ouvrir l’unedes précieuses boîtes, pour satisfaire la faimqui commençait à se manifester.

Tout à coup, une série d’imprécations, decris et de jurons s’éleva dans le camp des ma-rins. Clayton s’y précipita pour en connaître laraison.

« Nous sommes volés ! hurlait Wilson.Cette boîte de fer-blanc ne contient… que dusavon noir ! »

En pâlissant, Clayton ouvrit à son tour laboîte sur le contenu de laquelle il comptaitpour le repas de son groupe… celle-ci, aussi,ne contenait que du savon noir.

L’une après l’autre, toutes les boîtes furentouvertes, et la tragique réalité apparut : ils ne

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possédaient pas un gramme de nourriture surla barque !

« Enfin ! fit le vieux Tomkins, en reprenantle premier son sang-froid, il vaut mieux quecette mésaventure nous arrive avec la nourri-ture qu’avec l’eau. On peut subsister sans man-ger, mais pas sans boire. »

Il parlait encore que déjà Wilson s’appro-chait d’un des bidons, et l’ouvrait avec précau-tion. Le troisième marin, Spider, approcha unetasse pour ne pas perdre une goutte du pré-cieux liquide, mais dès qu’il en eut approchéles lèvres, il poussa un cri…

Les bidons contenaient du pétrole !

Bien entendu, se rendant à l’évidence, lasoif et la faim se firent plus âprement sentir.Bientôt, les jours suivants, la situation devintplus horrible. Les yeux las et rougis ne ces-saient de consulter l’horizon, de l’aube jusqu’àla nuit tombante, et les nuits s’écoulaient péni-blement.

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Les matelots mangèrent leurs ceintures decuir et la tige de leurs souliers, malgré les ob-jurgations de Clayton et de Thuran qui, à justetitre, leur firent observer que ces dérivatifs nefaisaient qu’augmenter leurs souffrances.

La faiblesse de ces pauvres gens était deve-nue telle qu’ils n’avaient plus la force de mâ-cher ce cuir avec lequel ils essayaient de trom-per leur faim.

Tomkins fut le premier qui succomba. Unesemaine après le jour du naufrage, le matelotpérit dans de grandes souffrances.

Pendant plusieurs heures, son corps restaau fond du bateau. Enfin, Jane, incapable desupporter plus longtemps cette vue, murmuraà Clayton :

« Ne pourriez-vous le jeter par-dessusbord ? »

Se levant péniblement, Clayton se rappro-cha du malheureux et essaya de le soulever,

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mais il était bien trop affaibli pour y parvenirtout seul.

« Aidez-moi ! dit-il à Wilson qui, à ses cô-tés, jetait un singulier regard sur les restes deson compagnon.

— Pourquoi voulez-vous le jeter ? dit le ma-telot.

— Il faut le faire maintenant, avant quenous soyons trop faibles pour fournir cet effort,répliqua Clayton. Songez que, sous ce soleil deplomb, le voisinage de ce corps sera intenable,demain.

— Gardons-le encore, murmura Wilson.Peut-être aurons-nous besoin de lui. »

Clayton comprit la mauvaise idée qui ve-nait de germer dans le cerveau du matelot.Alors se tournant vers Thuran :

« Venez vite m’aider, car nous allons assis-ter à de pénibles choses, si ce malheureux nedisparaît pas avant la tombée de la nuit. »

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Wilson tenta de s’opposer, mais lorsqu’ils’aperçut que son camarade Spider s’était ran-gé aux côtés de Clayton et de Thuran, il aban-donna la lutte, s’assit d’un air boudeur, et re-garda les trois hommes qui unissaient leursdernières forces pour mettre leur projet à exé-cution.

Vers le soir, Wilson commença à gromme-ler et à se parler à lui-même, sans quitter Clay-ton des yeux.

Le jeune homme, oppressé par le sentimentdu danger que pouvait faire courir aux nau-fragés cet homme que la raison abandonnait,n’osa pas s’endormir et lutta de toutes sesforces contre la fatigue. Pourtant, il céda ets’assoupit. Un léger bruit le réveilla quelquesheures plus tard. Il aperçut Wilson, qui rampaitvers lui.

Jane, réveillée au même instant, poussa uncri.

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Malgré leur faiblesse, Clayton, Thuran etSpider réussirent à maîtriser Wilson, qu’ils je-tèrent presque inanimé dans le fond de labarque.

Le malheureux semblait apaisé et s’étaitlancé dans un grand discours inintelligible, en-trecoupé de sanglots, puis, tout à coup, sansque rien ait pu laisser prévoir cet acte, il se re-leva et tomba à l’eau !

Cette scène avait frappé les nerfs maladesdes survivants. Spider pleurait, Jane priait,Clayton se cachait le visage entre les mains, etM. Thuran, assis à l’arrière, semblait réfléchirprofondément.

Il fit part du résultat de ses méditations, lelendemain matin, à ses compagnons, Spider etClayton.

« Vous savez, leur dit-il, le sort qui nous at-tend inéluctablement si nous ne sommes pasrecueillis, d’ici un jour ou deux jours au plustard. Or, cette partie de l’Océan est déserte,

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et nous n’avons pas encore vu la moindre fu-mée nous annonçant le passage d’un navire.Nous pourrions encore espérer si nous possé-dions quelque nourriture, mais nous n’en avonspas. Nous devons donc choisir dans l’alterna-tive suivante : ou bien mourir tous dansquelques heures, ou bien que l’un de nous sesacrifie pour sauver les autres. Comprenez-vous ce que je veux dire ? »

Jane Porter, en entendant ces mots, crutqu’à son tour la raison l’abandonnait. Qu’unetelle proposition fût émise, non par un barbare,mais par un homme civilisé et même cultivé, lachose lui semblait impossible !

« Eh bien, nous mourrons tous ensemble,dit Clayton, surpris et choqué.

— C’est la majorité qui décidera, répliquaM. Thuran, mais miss Porter n’a pas à donnersa voix, puisque ceci ne la concerne pas…

— Et comment déciderons-nous celui qui…demanda Spider.

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— Par le sort, dit Thuran. Il me restequelques pièces d’un franc dans ma poche,elles différencient les unes des autres par lemillésime : celui qui tirera la plus ancienne endate sera… le condamné.

— Je n’accepterai jamais une chose pa-reille, dit Clayton avec dégoût.

— Vous ferez ce que la majorité décidera,ou bien vous serez choisi d’office ! décrétaThuran. Allez au vote. Je suis pour l’adoptionde mon plan, et vous, Spider ?

— Moi aussi, dit le matelot en hésitant.

— La majorité s’est donc déclarée, mainte-nant tirons au sort. »

Il commença ses préparatifs pour l’infer-nale loterie qu’il venait de préconiser, tandisque Jane Porter, terrifiée, le contemplait, deses yeux grands ouverts.

M. Thuran choisit six pièces d’un franc par-mi la monnaie qui se trouvait dans sa poche, et

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tandis que ses deux compagnons suivaient sesgestes de près, il tendit les six pièces à Clay-ton.

« Regardez-les, dit-il. La plus ancienne estdatée de 1875, et la dernière frappée de cetteannée. »

Clayton et le matelot examinèrent lespièces. Elles paraissaient identiques, à l’excep-tion du millésime. Ils se déclarèrent donc satis-faits. Pourtant, s’ils avaient su que le toucherde M. Thuran était exercé par le maniementadroit des cartes, ils auraient été moins cer-tains de l’aveuglement du sort. La pièce de1875 était imperceptiblement plus mince queles autres, mais il était impossible de s’en aper-cevoir.

Ce fut sur celle-ci que Thuran comptaitpour faire tomber le choix fatal. Alors, il dispo-sa les pièces sous une couverture, et annonçale tirage.

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« Qui est-ce qui commence ? » demanda-t-il, sachant par expérience que la majorité desgens préfère inconsciemment jouer en dernierlorsqu’il s’agit d’une loterie où nul ne souhaitede gagner.

En effet, Spider déclara qu’il préférait tirerle dernier, tandis que Clayton haussait lesépaules en signe d’indifférence. Cela faisaitl’affaire de Thuran qui, lui, préférait aucontraire être le premier, pour des raisons qu’ilétait seul à connaître.

Il plongea donc la main sous la couverture,et ses doigts déliés palpèrent hâtivementchaque pièce, tâtant et repoussant aussitôt lapièce fatale. Une seconde après, il sortit samain, tenant une pièce datée de 1888. Le tourde Clayton arriva. Sa main émergea de dessousla couverture, une pièce d’un franc dans lapaume, mais le jeune homme n’osa pas tout desuite la regarder. Thuran se pencha et lut ladate à haute voix : 1901.

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À son tour, Spider s’avança. S’il ne tirait pasla pièce de 1875, il faudrait recommencer…

Le marin suait à grosses gouttes. Il s’aper-çut un peu tard qu’en choisissant de tirer ledernier, il n’avait plus que trois chances contreune de se tirer d’affaire, tandis que Claytonen avait eu quatre, et M. Thuran cinq. Enfin,après de longues hésitations, Spider plongea lamain sous la couverture et la sortit : alors, ileut un éblouissement, et faillit tomber. Claytonet Thuran se penchèrent sur lui et examinèrentla pièce qu’il tenait dans sa main crispée. Cen’était pas celle de 1875.

Il fallait donc recommencer. Cette fois en-core, le Russe sut choisir hâtivement une piècesans danger. Clayton s’avança et Jane fermales yeux, tandis que Spider fixait au contrairesur lui un regard avide, car si la chance favo-risait encore Clayton, elle se réduisait d’autantpour lui.

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Enfin, Clayton sortit sa main, il la tenaitserrée et ne l’ouvrait pas. Spider impatient luicria :

« Vite. Montrez-la-moi. »

Clayton ouvrit sa main, et le malheureuxmatelot jeta un cri. Ce n’était toujours pas lapièce fatale. Vert d’angoisse, Spider, qui se re-pentait amèrement maintenant d’avoir acceptéle diabolique marché, plongea la main sous lacouverture. Il regarda la pièce qu’il venait detirer, eut une horrible grimace et la jeta à terre.Elle portait la date de 1875...

Il regarda autour de lui et, avant que Clay-ton ait pu l’en empêcher, se précipita dansl’eau.

Cette scène rapide et inattendue avaitconsterné les naufragés qui restèrent incons-cients durant tout le restant de la journée. En-fin, le lendemain, Thuran se dirigea vers Clay-ton.

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« Nous devons décider celui qui doit se sa-crifier, avant d’être complètement épuisés »,murmura-t-il.

Clayton très affaibli ne se rendait pluscompte de l’affreuse proposition. Jane étaitmourante, et la pensée que son sacrifice ou ce-lui de Thuran lui rendrait au moins temporaire-ment des forces lui donna le courage d’accep-ter.

Mais cette fois, le sort, aidé par Thuran, nepouvait aboutir qu’à un seul résultat : Claytonfinit par saisir la pièce de 1875.

« Quand ? dit-il simplement à Thuran.

— Tout de suite, fit le Russe.

— Non, dit Clayton avec fermeté. Vous at-tendrez la nuit. Je ne veux pas que Jane voiecela. »

Et tandis que Thuran étouffait un juron dedésappointement, Clayton se traîna jusqu’àJane, contemplant sans se lasser ce visage

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émacié, ces paupières flétries, cette bouchedesséchée, cette loque humaine qui, jadis,avait été la plus jolie jeune fille de Baltimore.La nuit tomba sans qu’il s’en rendît compte. Ilétait toujours près de Jane quand la voix deThuran le rappela à la réalité.

« Je viens », dit Clayton, docilement, en je-tant un dernier regard sur Jane.

Il essaya d’avancer, mais ses dernièresforces avaient tellement diminué, qu’il fut inca-pable d’esquisser un geste.

« Venez, dit-il faiblement. Moi, je ne peuxplus bouger.

— Ahl murmura Thuran, vous voulez voussoustraire au sort qui vous est réservé. »

Le Russe, à son tour, essaya d’avancer,mais lui aussi fut paralysé par la faiblesse.

« Tu m’as trahi, chien maudit ! hurla-t-ild’une voix épuisée. C’est trop tard maintenant.

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— Non, dit Clayton. Puisque le sort m’a dé-signé, j’accepte ce sacrifice, mais qu’il vouspermette au moins de veiller un peu plus long-temps sur Jane ! » Alors réunissant toute sonénergie, il progressa d’un demi-mètre, maisl’effort avait été si grand qu’il perdit connais-sance. Alors une main débile l’attira faible-ment…

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CHAPITRE XIX

LA CITÉ DE L’OR

La nuit même où Tarzan devenait chef desWaziris, la femme qu’il aimait gisait, mourante,dans une barque, à la dérive sur l’Atlantique, àdeux cents milles à l’ouest du territoire des Wa-ziris.

Et pendant ce temps il dansait parmi sessauvages compagnons nus, et les lueurs dufoyer chatoyaient sur ses longs musclessouples. Cet homme, ce fils de la jungle, per-sonnifiait la force et la perfection physique.

La première semaine de son règne, Tarzanreconduisit les Manyémas à la frontière norddu domaine des Waziris, ainsi qu’il le leur avaitpromis au nom de ses guerriers. Les Manyé-

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mas furent extrêmement surpris de constaterqu’on leur tenait parole, et jurèrent en retourde ne plus jamais participer à une expéditioncontre les Waziris.

Dès qu’il fut de retour au village, Tarzan en-treprit des préparatifs pour conduire une expé-dition à la recherche de l’antique cité de l’ordont lui avait parlé le vieux Waziri, et il choisitcinquante de ses plus braves guerriers pourl’accompagner.

Tarzan avait assez vécu parmi les civiliséspour connaître la valeur de l’or, et pour que lemétal jaune eût sur lui un pouvoir magnétiquepresque aussi grand que celui de l’aventure.

C’est ainsi que, par un matin resplendis-sant, Waziri, chef des Waziris, quitta son vil-lage à la tête de cinquante guerriers d’ébène,armés de pied en cap. Ils suivirent la routeque le vieux Waziri avait décrite à Tarzan. Ilsmarchèrent pendant de longs jours, et à la finde la vingt-cinquième étape, se trouvèrent sur

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les flancs d’une montagne, du haut de laquelleils comptaient pouvoir déjà contempler la citémerveilleuse.

Ce fut Tarzan qui y parvint le premier, etil resta longtemps immobile, à contempler l’in-croyable spectacle qui s’offrait à sa vue.

Au bout d’une étroite vallée sauvage et dé-solée, une ville aux murs élevés, surmontésde tours et de minarets, semblait bâtie d’orpur, sous les rayons du soleil levant. L’éloigne-ment ne permettait pas à Tarzan de discernerles ruines et, en imagination, il voyait la villegrouillante d’animation, ses vastes templespleins d’une foule sans cesse renouvelée.

L’expédition resta environ une heure auhaut de la montagne, à contempler ce spec-tacle magnifique, puis Tarzan donna le signaldu départ, et toute la troupe descendit l’autreversant de la montagne pour gagner l’âpre val-lée.

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Les guerriers étaient pleins d’ardeur, et versle crépuscule du même jour, ils atteignirent lesremparts de la ville morte. Ceux-ci étaient en-core presque intacts, et s’élevaient à une hau-teur de cinquante pieds. Ils en firent le tour,dans l’espoir de trouver un endroit où les mu-railles seraient plus accessibles, et à plusieursreprises, Tarzan éprouva l’impression singu-lière que des yeux invisibles suivaient, del’autre côté des murs, les évolutions de sa pe-tite troupe… Cette nuit-là, les guerriers cam-pèrent sous les murs de la ville de l’or.

Vers minuit, ils furent réveillés en sursautpar un hurlement déchirant, qui semblait pro-venir de la cité morte. Ce cri faillit provoquer lapanique chez les guerriers de Tarzan, et il n’eutpas trop de toute son autorité pour les empê-cher de fuir.

Le lendemain, ils poursuivirent leurs re-cherches afin de pénétrer dans la ville. Ils dé-couvrirent, encastré dans les remparts, unétroit escalier aux marches usées par le temps,

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et qui constituait sans nul doute le seul moyend’accès dans cette singulière cité. Les noirs hé-sitèrent beaucoup à s’engager dans ce boyau.Tarzan leur montra l’exemple en s’avançantdevant eux, contraint presque à marcher decôté, car le couloir était trop étroit pour seslarges épaules.

Il arriva ainsi jusqu’à un étroit espace quis’étendait entre le mur qu’il venait de franchiret une seconde enceinte. Toujours suivi par sesguerriers noirs, Tarzan franchit la muraille in-térieure et se trouva alors dans une large ave-nue qui aboutissait à un immense édifice degranit noir, entouré de constructions en ruine.C’était une construction en parfait état, sur-montée d’un dôme majestueux dont l’entréeprincipale s’ouvrait entre deux énormes pilierssurmontés d’une sorte de grand oiseau sculptéà même la pierre.

Tandis que Tarzan et ses compagnonscontemplaient cette étrange bâtisse, ils eurent

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l’impression que des ombres s’agitaient à l’in-térieur.

Tarzan se souvint à ce moment d’une lec-ture qui l’avait vivement frappé, pendant sonséjour à Paris : c’était le récit d’une légendeafricaine qui voulait que des hommes blancseussent longtemps vécu, à l’écart de toute civi-lisation, au cœur de l’Afrique.

Se pouvait-il qu’il se trouvât devant les der-niers témoignages de l’existence de ceshommes, et que peut-être quelques survivantsvécussent encore dans les lieux qui avaient vula grandeur de leurs ancêtres ?

« Suivez-moi, dit-il aux Waziris. Allons voirce qu’il y à dans cette grande case de pierre. »

Non sans hésitation, ses hommes se déci-dèrent à le suivre. En franchissant le seuil dusinistre édifice, Tarzan eut de nouveau l’im-pression que dans l’ombre des yeux se fixaientsur lui.

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Il se trouva dans une sorte de rotonde, auxmurs de granit, sur lesquels étaient posées desplaques de métal jaune. Regardant de plusprès, Tarzan constata que ce métal n’était autreque de l’or, et que des inscriptions hiérogly-phiques s’y trouvaient gravées. Il passa, tou-jours suivi par ses guerriers tremblants, dansla salle suivante, ornée de sept piliers d’or pur,et pavée de dalles d’or. Mais partout, régnaitune demi-obscurité qui augmentait la craintedes noirs. Ceux-ci supplièrent Tarzan de sortirde ce singulier temple.

Tarzan se mit à rire et leur dit : « Partez,mes enfants, je vous rejoindrai de l’autre côtédes murailles dès que j’aurai visité tout entierce monument. Allez, vous respirerez mieux de-hors ! »

Un peu honteux, les noirs hésitèrent àobéir, bien qu’ils en eussent fort envie, quandun cri épouvantable, semblable à celui qu’ilsavaient déjà entendu la nuit précédente, vintmettre fin à leurs tergiversations. Terrorisés,

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les guerriers se ruèrent vers la porte du temple,et ne s’arrêtèrent, dans leur course éperdue,que lorsqu’ils eurent franchi les deux enceintesde la ville morte. Ils s’aperçurent avec conster-nation que leur chef ne les avait pas suivis.

Pendant ce temps, calme et sans peur, Tar-zan continua à avancer, de salle en salle, dansles ténèbres. Tout était silencieux autour delui, et pourtant de sourds piétinements parve-naient de temps à autre à ses oreilles exer-cées. Enfin, il arriva devant une lourde porte,et comme il s’apprêtait à l’enfoncer d’un coupde sa robuste épaule, un grondement de me-nace, pareil au roulement du tonnerre, se fitentendre dans l’obscurité.

Tarzan n’eut pas la moindre idée de ce quipouvait se trouver derrière cette porte close,mais puisque les étranges habitants du templesemblaient vouloir l’empêcher de la franchir,c’était une raison suffisante pour le décider à ypénétrer.

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Tarzan enfonça donc la porte et pénétradans une nouvelle salle qui était plongée dansune obscurité complète. Tandis qu’il avançaitd’un pas hésitant, un bruit sourd retentit der-rière lui et en même temps il se sentit agrippépar les bras et par les jambes. De toute saforce herculéenne, Tarzan chercha à se déli-vrer de ces multiples étreintes, mais les agres-seurs semblaient innombrables, et dès qu’ils’était dégagé d’une prise, d’autres mains s’ac-crochaient à lui. Peu à peu sa résistance faiblit,il fut renversé, et ses mystérieux ennemis luilièrent solidement les mains derrière le dos, etlui entravèrent les jambes.

Pendant toute cette lutte, Tarzan n’avait pasentendu un cri, seul le bruit haletant des res-pirations. Cependant, les vainqueurs traînaientleur prisonnier de salle en salle, jusqu’à unesorte de cour intérieure qui se trouvait aucentre du temple. Là, enfin, Tarzan put voirceux qui l’avaient ainsi attaqué. C’étaient desêtres singuliers, au nombre d’environ une cen-

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taine, trapus, robustes, avec de courtes jambestorses ; une barbe rousse et fournie s’étalaitsur leur poitrine. Ils étaient vêtus de pagnesen peau de léopard et portaient des braceletsd’or massif aux poignets et aux chevilles. Pourarmes, ils possédaient de solides matraques, etun poignard passé dans leur ceinture.

Mais ce qui était le plus surprenant dansleur apparence, c’était la couleur de leur peau.Ils étaient blancs, mais d’une blancheur ci-reuse qui faisait ressortir davantage leurs petitsyeux noirs et rapprochés, et leurs longuesdents jaunes.

Jetant Tarzan sans cérémonie sur le sol dela cour, ces singulières créatures l’abandon-nèrent.

Tarzan regarda autour de lui et constataque l’étroit enclos dans lequel il se trouvaitétait de forme circulaire ; c’était une sorte depuits, auquel aboutissaient diverses galeries

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percées dans les murs, et au sommet duquel ilapercevait un morceau du ciel crépusculaire.

Accablé de fatigue, Tarzan finit par s’endor-mir, et ne s’éveilla qu’à l’aube. Bientôt, le soleilse leva, et son premier rayon descendit dans lacour, enveloppant Tarzan de sa lumière dorée.Alors, presque simultanément, de toutes lesgaleries, accoururent des êtres pareils à ceuxqui l’avaient capturé, et qui, se prosternant àterre se mirent à chanter une lente mélopée so-lennelle et rythmée.

Puis quelques-uns des chanteurs se déta-chèrent des groupes, et s’approchèrent de Tar-zan, en dansant sur le rythme de la mélodie,sans même regarder le prisonnier, les yeuxfixés sur le soleil comme dans une sorte d’ex-tase. Pendant dix minutes environ, ils tour-nèrent autour du captif en continuant leurschants et leurs danses, puis, soudain, d’un seulmouvement, ils élevèrent leurs matraques enpoussant des rugissements.

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En même temps, la silhouette d’une femmese dressa et les écarta à grands coups d’unematraque pareille à la leur, mais faite d’or fin.

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CHAPITRE XX

LA PRÊTRESSE

Tarzan crut que cette femme venait le sau-ver, mais il s’aperçut vite qu’elle faisait seule-ment le simulacre d’abattre sa matraque, etque les hommes s’écartaient sans protester ;alors il comprit qu’il ne s’agissait que d’unenouvelle phase de la cérémonie.

La nouvelle venue s’inclina sur Tarzan, ettrancha d’un coup de poignard la corde qui luiliait les chevilles. Elle lui passa ensuite cettecorde autour du cou, et, lorsqu’il se fut levé, luifit signe de la suivre, ce que Tarzan fit sans ré-sistance, comprenant qu’il était inutile de lut-ter contre la horde qui l’entourait.

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Ils allèrent de salle en salle, jusqu’à unevaste pièce au centre de laquelle s’érigeait unautel. C’est alors que Tarzan comprit le sens dela cérémonie qui venait de se dérouler.

Il était tombé entre les mains des derniersdescendants des Adorateurs du Soleil. Lerayon de cet astre tombant sur lui était le signeque le Dieu acceptait le sacrifice, et l’inter-vention symbolique de la prêtresse signifiaitqu’elle venait arracher la victime aux humainspour l’offrir à la flamboyante divinité.

Les fidèles étaient disposés en une longuefile. Tandis que la prêtresse aidait Tarzan à gra-vir les marches de l’autel, de l’autre côté dela pièce une autre procession effectuait silen-cieusement son entrée. C’étaient des femmes,vêtues exactement comme les hommes, maismieux proportionnés, avec des traits plus finset des yeux qui semblaient annoncer une in-telligence plus éveillée que celle de leurs sei-gneurs et maîtres.

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Alors la mélopée reprit, sur un rythme plusrapide, et lentement une femme s’avança,émergeant de la galerie sombre qui faisait faceà l’autel.

C’était la grande prêtresse. Elle était cou-verte de joyaux qui étincelaient faiblementdans l’ombre, et portait un poignard constelléde diamants à la ceinture.

Lorsqu’elle pénétra dans la salle, le chants’interrompit net et les fidèles s’agenouillèrentà son passage, tandis qu’elle se dirigeait d’unpas solennel vers l’autel. À haute voix, elleentama une invocation interminable, en unelangue que Tarzan ignorait totalement.

Enfin, ses yeux se posèrent sur Tarzan, etsemblèrent exprimer un étonnement mêlé decuriosité. Elle lui adressa quelques mots et s’ar-rêta, comme pour attendre une réponse.

« J’ignore votre langage, dit Tarzan. Peut-être en connaissez-vous un autre ? »

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Mais il eut beau répéter cette phrase danstoutes les langues qu’il parlait, en français, enanglais, en arabe, en waziri, et dans le sabirde la côte occidentale d’Afrique, elle secoua latête avec impatience pour montrer qu’elle necomprenait pas.

La grande prêtresse se détourna alors, et lesfidèles reprirent leur danse et leur chant, puissur un ordre bref, ils se précipitèrent sur Tar-zan et le couchèrent sur l’autel.

Debout devant la victime, la grande prê-tresse éleva lentement son arme étincelante,en murmurant des invocations, d’une voixd’abord lente, puis de plus en plus rapide etsaccadée.

L’assistance était silencieuse quand, tout àcoup, le bruit d’une altercation monta du fondde la salle, et une voix glapissante et furieuselança des cris inarticulés.

Interdite, la prêtresse se tut. Tarzan tournala tête, et aperçut un être hirsute au regard

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étrange qui assenait des coups terribles de samatraque sur tous les fidèles qui l’empêchaientde passer.

L’homme poussait de tels cris qu’une pa-nique s’ensuivit. En peu de temps, la salle futvide, à l’exception des blessés qui jonchaient lesol, de Tarzan toujours ligoté, de la prêtresse etdu forcené.

Ce dernier prit la partie et adressa quelquesmots à la prêtresse tremblante.

Cette fois, à sa grande surprise, Tarzans’aperçut qu’il comprenait ce langage, le der-nier qu’il se serait attendu à voir employer pardes êtres humains : c’était le guttural idiomedes grands anthropoïdes, et la grande prê-tresse répondait à l’homme dans ce même lan-gage !

Ce fut une discussion au cours de laquelle ledément menaçait la femme qui peu à peu per-dait son assurance.

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Soudain, elle poussa un cri et s’enfuit dansla direction de la galerie par laquelle elle avaitfait son apparition dans la salle. L’homme lasuivit toujours en agitant sa matraque dans lesairs et en hurlant de colère.

Resté seul, Tarzan, qui s’était aperçu queles cordes s’étaient relâchées, gonfla tous sesmuscles, et d’un seul effort rompit ses liens. Ilse dressa sur ses pieds, et s’apprêtait à s’en-fuir par la première galerie qui s’offrait à luilorsqu’un cri strident vint lui rappeler qu’àquelques pas de lui, une femme était à la mercid’un méchant homme.

Sans même que sa raison intervînt, Tarzanse précipita dans la direction d’où venait le cri.

La galerie aboutissait à un étroit escalierqui s’enfonçait dans le sol et menait à une vastesalle souterraine. L’obscurité qui y régnaitn’était pas assez profonde et Tarzan put aper-cevoir la grande prêtresse qui se débattaitcontre la brute.

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À la vue de Tarzan, l’homme changea detactique et se rua sur ce nouvel ennemi. Ce futune lutte sans merci, tandis que la prêtresse,à demi morte d’épouvante, se recroquevillaitcontre le mur.

Enfin Tarzan triompha de son ennemi, mal-gré la force de celui-ci, décuplée encore par larage, et se dressant, un pied sur le corps de sonadversaire, il lança le fameux cri de victoire dela tribu de Kerchak. La prêtresse solaire fut ef-frayée, et se précipita dans l’escalier, espérantéchapper à Tarzan, mais déjà il la saisissait parle bras.

« Attendez ! » lui dit-il dans le langage desanthropoïdes.

La jeune femme le dévisagea avec stupeur.

« Qui êtes-vous, murmura-t-elle, vous quiparlez le langage du premier homme ?

— Je suis Tarzan, fils de Kala, répondit-il.

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— Que voulez-vous ? reprit-elle, et pour-quoi m’avez-vous sauvée des mains de Tha ?

— Parce que je ne puis supporter de voirune femme appeler au secours sans venir à sonaide.

— Et que voulez-vous faire de moi mainte-nant ?

— Rien, mais en revanche, vous pouvezfaire quelque chose pour moi.

— Quoi donc ?

— Me rendre la liberté. »

La jeune femme dévisagea longuement Tar-zan en silence.

« Vous êtes pareil à l’homme dont j’ai tou-jours rêvé, dit-elle enfin à voix basse, pareil àce qu’ont dût être jadis nos ancêtres lorsqu’ilsont construit cette ville aujourd’hui presquedéserte. Je comprends difficilement pourquoivous m’avez délivrée, et je ne comprends pasnon plus pourquoi, m’ayant en votre pouvoir,

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vous n’en tirez pas vengeance, moi qui voulaisvotre perte.

— Je suppose que vous suivez les enseigne-ments de votre religion, dit Tarzan en haussantles épaules, et je ne puis en concevoir de colèrecontre vous. Mais qui êtes-vous, et quel est cepeuple étrange dont vous êtes la prêtresse ?

— Je suis la gardienne du Temple du Soleilde la cité d’Opar. Nous sommes les descen-dants d’un peuple qui survint dans ce mondesauvage il y a plus de dix mille ans, à la re-cherche de l’or. Il construisit des cités s’éche-lonnant de la mer Orientale à la mer Occiden-tale et, devenu très riche et très puissant, il nevenait que rarement dans les villes de l’inté-rieur, préférant séjourner dans son pays d’ori-gine, loin vers le Nord. Pendant la saison despluies, ces villes n’étaient guère habitées quepar des vieillards, des marchands et des sol-dats qui gardaient les forteresses et les minesd’or d’où ce peuple tirait sa richesse.

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« C’est pendant une de ces périodes que lagrande catastrophe survint. Pendant de longsmois, les habitants du pays intérieur atten-dirent vainement le retour des caravanes ; unjour, ils envoyèrent une troupe de soldats enreconnaissance, mais jamais celle-ci ne parvintà la mère patrie. Ce magnifique pays qui fit ré-gner la civilisation sur la sauvage Afrique avaitété tout entier englouti dans les flots.

« C’est de cette époque que date la dé-chéance graduelle des représentants de cegrand peuple. Ils furent bientôt harcelés par lestribus noires du Nord et du Sud, et l’une aprèsl’autre, les villes de l’intérieur furent désertéeset abandonnées. À la fin, les survivants s’en-fermèrent dans la forteresse d’Opar, et descen-dant sans cesse dans l’échelle de la civilisationet de l’intelligence, nous ne sommes plus au-jourd’hui qu’une petite tribu d’êtres à peine dif-férents des singes…

« D’ailleurs, depuis des millénaires, nous vi-vons avec eux ; nous les appelons les premiers

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hommes, nous parlons leur langage. Nous nerevenons à notre langue maternelle que pourles cérémonies religieuses, mais nous y avonspresque entièrement renoncé dans la vie cou-rante, et d’ici peu de temps, rien sans doutene nous distinguera plus de ces premiershommes…

— Les femmes sont pourtant loin d’êtreaussi bestiales que les hommes de votre race,observa Tarzan.

— C’est que, lors de la grande catastrophe,seuls les hommes du commun étaient restésdans les villes, tandis qu’au contraire lestemples étaient gardés par les filles de la purerace ; il en resta quelque chose dans le coursdes générations, et le sang qui coule dans mesveines, par exemple, est le plus pur de la ville.En effet, toutes mes aïeules ont été grandesprêtresses du Soleil, et mes aïeux choisis parmiles plus braves et les plus sages de notrepeuple. Malheureusement, poursuivit La, avec

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un triste sourire, notre race s’éteint et finira pardisparaître. »

Elle garda un instant un silence que Tarzanrespecta, puis il reprit :

« Allez-vous me rendre la liberté ?

— Le Dieu du Soleil vous a accepté commevictime, dit-elle avec solennité ; il n’est plus enmon pouvoir de vous sauver si les hôtes de cetemple vous retrouvent, mais vous avez risquévotre vie pour moi, et je veux m’en acquitter.Suivez-moi. »

Et La, précédant Tarzan, le conduisit à tra-vers des galeries et des corridors sans fin, jus-qu’à une pièce étroite éclairée seulement parune fente entre les pierres, d’où tombait unrayon de soleil presque vertical.

« Cette chambre est sacrée, dit La. Nuln’osera vous chercher ici. Je reviendrai dansquelques heures et d’ici là, vais échafauder unplan pour vous faire sortir de la ville. »

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Elle disparut en prononçant ces mots etTarzan se retrouva seul dans cette pièce situéeau centre de la cité éteinte d’Opar.

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CHAPITRE XXI

LES RESCAPÉS

Clayton rêvait qu’il se désaltérait à longstraits d’une eau pure et fraîche et ce rêve étaitexquis. Mais il se réveilla et s’aperçut qu’il étaittrempé par les torrents de pluie qui s’abattaientsur la barque. Alors il ouvrit ses lèvres dessé-chées, et but avidement l’eau salvatrice. Il sesentit bientôt ranimé, si bien qu’il réussit à setraîner sur les mains dans le fond de la barque.À ses pieds gisait M. Thuran, tandis que, recro-quevillée sur elle-même, Jane gardait une im-mobilité totale. Le jeune Anglais la contemplalonguement, pensant qu’elle était déjà morte.

Au prix de longs efforts, il franchit lesquelques pas qui le séparaient de la jeune fille,

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et, soulevant sa tête entre ses mains, l’exposaà la pluie bienfaisante. Jane n’eut pas un tres-saillement, pas un geste, tandis que la pluietropicale inondait son visage. Clayton sedésespérait quand la jeune fille ouvrit les yeux.

« De l’eau ! balbutia-t-elle. Sommes-noussauvés ?

— Il pleut, expliqua Clayton, c’est ce quinous a ranimés.

— Et Thuran ? dit la jeune fille en tres-saillant, qu’est-il devenu ?

— Je n’en sais rien, dit Clayton, mais je vaisaller voir, peut-être devrais-je le ranimer.

— Non ! répondit Jane, en retenant le jeunehomme par le bras, cet homme n’a pas besoinde secours, il a été si odieux. »

Clayton hésita : il se souvenait de l’épou-vantable marché proposé par le Russe, maisil ne se sentait pas le droit d’abandonner unecréature humaine à la mort.

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Il s’approchait donc de Thuran lorsque,soudain, il aperçut au loin un spectacle ma-gique qui lui fit pousser un cri de joie :

« Terre, Jane ! souffla-t-il entre ses lèvrescrevassées. Dieu merci, voici la terre ! »

La jeune fille regarda à son tour, et vit avecravissement que la barque était poussée par lesflots vers un rivage qui s’étendait à quelquescentaines de mètres, couvert par la luxuriantevégétation tropicale.

Moins d’une demi-heure plus tard, labarque s’échouait mollement sur le sable de lagrève. Avec mille peines, Clayton, que l’espoirgalvanisait, réussit à sortir de la chaloupe età se diriger d’un pas chancelant vers les pre-miers bosquets, chargés de baies et de fruits.

Il revint bientôt à la barque, les bras char-gés de sa cueillette et, avec Jane, se rassasiaavec avidité. Ayant alors retrouvé une partiede ses forces, le jeune Anglais se mit en devoirde secourir Thuran qui, toujours immobile au

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fond de l’embarcation, ne donnait plus signe devie.

Après une heure d’efforts, le Russe fut rani-mé, il put à son tour se restaurer en exprimantsur ses lèvres le jus des fruits dont son état defaiblesse ne lui permettait pas de se nourrir.

Puis les naufragés s’endormirent d’un som-meil pesant, dans leur barque, abrités desrayons du soleil par de larges feuilles que Clay-ton était allé cueillir. Pendant un mois, ils vé-curent ainsi, dans une sécurité relative.

Une fois leurs forces revenues, les deuxhommes entreprirent la construction d’un abrirudimentaire dans les branches d’un arbre, as-sez loin du sol pour les protéger durant la nuitdes bêtes sauvages.

Le jour, les naufragés s’occupaient encueillant des baies et des herbes, et en captu-rant des oiseaux ou de menus animaux pourleur repas ; la nuit, ils se hissaient dans leurabri suspendu où ils trouvaient toute sécurité

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contre les redoutables hôtes de la forêt. Ilss’étaient confectionnés des litières d’herbessèches et Clayton avait, en outre, donné àJane, en guise de couverture, un vieil imper-méable qu’il portait au moment du naufrage.

Quant à Thuran, il n’avait pas tardé à mon-trer son caractère sous un vrai jour : égoïste,poltron, arrogant, et sans scrupules. Deux foisdéjà, Clayton avait dû intervenir à cause deson attitude insolente envers Jane. Celle-ci, ir-ritée, ne put s’empêcher un beau jour de direau Russe :

« Vous pouvez vous féliciter que M. Tarzanqui trouva la mort sur le bateau où vous vousétiez embarqué, ne soit pas ici pour vous corri-ger !

— Vous connaissez cet individu ? fit Thu-ran.

— Je connaissais cet homme, rectifia lajeune fille, le plus noble et le plus vaillant quej’aie jamais connu !

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— Ah ! par exemple ! rugit Thuran. Eh bien,sachez que votre valeureux M. Tarzan, aprèsavoir commis à Paris un acte insensé, s’enfuitdiscrètement, à bord d’un navire où je le re-joignis pour lui proposer réparation, car cettejeune femme n’était autre que ma sœur.Lorsque M. Tarzan s’aperçut qu’il était décou-vert, il eut une telle frayeur qu’il me suppliad’agréer ses excuses. Comme je restais inexo-rable et que j’avais décidé un duel le lendemainmatin dans une cabine, votre noble et vaillantTarzan fut si troublé qu’il se trompa de cheminet passa par-dessus bord en croyant rentrerchez lui ! »

Jane se mit à rire franchement.

« Vous n’espérez pas que je vais croire unehistoire aussi ridicule ! dit-elle.

— Eh bien, mais alors pourquoi voyageait-ilsous un faux nom ? cria Thuran.

— Je ne vous crois pas, entendez-vous ? »répondit Jane en lui tournant le dos, mais son

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cœur se serra, car elle se rappelait brusque-ment que Tarzan s’était présenté à HazelStrong sous le nom de John Caldwell.

Les jours s’écoulèrent, et les trois naufragésperdirent peu à peu toute apparence civilisée.Les vêtements de Clayton et de Thuran, déchi-rés aux ronces, n’étaient plus que des haillons,et bientôt il leur fallut songer à les remplacertant bien que mal. Heureusement, Claytonavait eu soin de conserver la peau de tous lesanimaux tués, et Jane, avec adresse, confec-tionna des sortes de pagnes de fourrure dontles trois naufragés se revêtirent.

Un jour, Thuran resté couché, en proie à unaccès de fièvre chaude, Clayton était parti à lacueillette des fruits dans la jungle, en compa-gnie de Jane. Le jeune Anglais s’avança un peuà l’écart, pour cueillir certaines exquises baiesrouges, puis sa collecte achevée, il se retournapour rejoindre la jeune fille.

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Celle-ci lui adressa un sourire qui soudainse figea sur ses lèvres, tandis qu’un cri jaillis-sait de ses lèvres. Clayton jeta un coup d’œilen arrière, et comprit : à trente pas derrière lui,un lion venait de surgir des herbes et s’apprê-tait à bondir.

Jane et Clayton envisagèrent tout de suiteleur dangereuse situation, ils ne possédaientpour toute arme qu’un gourdin noueux, dé-fense dérisoire contre un si redoutable animal.

Le lion, de son côté, certain de sa victoire,ouvrit sa large gueule et lança vers le ciel unesérie de rugissements triomphants.

« Courez ! Jane ! balbutia Clayton livide, enserrant les dents. Courez vite vous réfugierdans l’arbre ! » Mais Jane restait immobile, pa-ralysée par la peur.

Le lion, décontenancé par le bruit de lavoix, s’était arrêté un instant, puis il recom-mença à rugir et à se ramasser sur lui-mêmeavant de bondir. Clayton ne put supporter da-

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vantage cette terrible vision, et tournant le dosau fauve il s’enfuit son visage entre ses mains.

Jane lui lança un regard méprisant. Pour-quoi ne tentait-il rien ? Ah ! Tarzan, lui, aumoins, n’aurait jamais agi ainsi !

Et remettant alors son sort entre les mainsde Dieu, la jeune fille se laissa tomber sur lesgenoux et ferma les yeux, attendant l’inévi-table.

Les secondes s’écoulèrent, puis les minutes,et la bête ne bondissait pas. Clayton était à de-mi évanoui, mais Jane, dont le cœur battait àgrands coups, s’enhardit à ouvrir les yeux.

Rêvait-elle ?

« Clayton, murmura-t-elle, regardez ! »

Le jeune Anglais fit un effort pour tourner latête vers le lion. Un cri de surprise jaillit de seslèvres. À l’endroit même où le lion s’apprêtaità bondir, ils virent la bête étendue, immobile,une lance plantée dans son flanc.

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Jane se releva, mais chancelante. Claytonvoulut, tendrement, la réconforter ; alors lajeune fille, reprenant bientôt son sang-froid,l’écarta doucement.

« Non, Clayton, dit-elle, laissez-moi, désor-mais. Ces quelques instants que nous venonsde subir équivalent à bien des années et j’aicompris, face à la mort, comment je devais agirpendant la vie. Je ne veux pas vous faire depeine, mais je ne peux prolonger plus long-temps l’engagement dans lequel je me suisobstinée, par une fausse conception de laloyauté et de la fidélité à la parole donnée.

« Ces quelques instants m’ont permis devoir clair dans mes sentiments et de com-prendre que, si même nous rejoignons un jourle mondé civilisé, jamais je ne deviendrai votrefemme.

— Mais, Jane, murmura Clayton, que signi-fie ce revirement ? En quoi notre providentielsauvetage modifie-t-il vos sentiments ? Vous

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êtes sans doute énervée, mon amie ; demainvous vous sentirez mieux.

— J’ai tout mon bon sens, reprit doucementJane, mais, puisque vous voulez le savoir, cequi vient de se passer a fait revivre devant moil’homme qui m’a voué sa vie et son amour. Ilest mort maintenant, et je ne me marierai ja-mais. Je ne trouverai pas un époux aussi braveque lui, et je ne pourrais supporter de fairela comparaison, dans des occasions commecelle-ci. Me comprenez-vous ?

— Parfaitement », murmura Clayton, le vi-sage rouge de honte.

C’est le lendemain de ce jour que survint lacatastrophe.

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CHAPITRE XXII

LE TRÉSOR DE LA CITÉD’OPAR

La nuit était tombée lorsque La, grande prê-tresse du Soleil, revint dans la chambre sacréeavec quelques provisions. Elle avançait en tâ-tonnant le long des murailles, n’ayant pas oséallumer une lampe. La salle était d’ailleurs va-guement éclairée par un rayon de lune filtrantà travers le trou pratiqué dans le mur.

« Ils sont furieux, dit-elle à voix basse àTarzan. Jamais, jusqu’à présent, une victimen’avait échappé à l’autel, et ils redoutent lecourroux du dieu. Cinquante hommes arméssont partis à votre recherche, et ils ont fouillé

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le temple dans tous ses recoins – sauf cettepièce.

— Et pourquoi ? Ont-ils peur d’y entrer ?demanda Tarzan.

— C’est la chambre sacrée. C’est là que re-viennent les esprits et qu’ils se vengent, aussinul n’entre jamais dans cette salle.

— Et vous ?

— Je suis la grande prêtresse, et ils nepeuvent rien contre moi.

— Dans ce cas, pourquoi m’ont-ils épar-gné ? » fit Tarzan en souriant.

Elle lui lança un rapide regard et répondit :

« Nul ne vous oblige à partager les super-stitions de mon peuple. Pour ma part, je suisau-dessus de ces croyances grossières. Allons,restaurez-vous, et suivez-moi, car je ne pour-rais revenir ici sans éveiller les soupçons, et j’aitrouvé une autre cachette, où vous attendrez lemoment propice à votre fuite. »

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Sans bruit, ils s’engagèrent de nouveaudans d’interminables galeries qui sillonnaientle temple et aboutirent enfin à une chambreétroite, totalement obscure, dans laquelle laprêtresse laissa Tarzan seul. Le fils de la jungles’aperçut bientôt, dans cette pièce privée d’ou-verture, qu’un faible courant d’air pénétrait parune fente dans l’un des murs. Tarzan y appli-qua la main : il ne s’était pas trompé, la maçon-nerie disjointe livrait passage à l’air extérieur !

Désœuvré, Tarzan entreprit de desceller lemoellon et y parvint sans grande peine. À sagrande surprise, en passant le bras par le trouainsi pratiqué, il eut la sensation que cette mu-raille donnait directement sur le dehors.

Afin de s’en assurer, il descella encore deuxou trois pierres, pour pouvoir se glisser dans labrèche. Hélas ! ce n’était pas ce qu’il croyait. Ilse retrouva dans une étroite galerie analogueà celles par lesquelles il était passé avec lagrande prêtresse.

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Il avança avec précaution dans l’obscurité,pendant une quinzaine de mètres, et s’aperçutalors que la galerie s’arrêtait net, à pic sur levide. Tarzan examina longtemps le gouffre noirqui s’ouvrait devant lui et, levant les yeux, ilaperçut, tout en haut, la pâle lueur des étoiles :cette galerie aboutissait à un puits dont l’eaunoire miroitait, à une profondeur considérable.

Pourtant il constata que le chemin se pour-suivait de l’autre côté du puits, et une fois deplus, il espéra qu’il se trouvait sur la bonneroute. Il revint en arrière, jusqu’à sa cellule et,de la galerie, replaça les pierres qu’il avait des-cellées. L’épaisse couche de poussière sur la-quelle se posaient ses pieds nus l’avait en effetpersuadé que ce passage secret était inconnudes hôtes du temple, et il espéra qu’ainsi nul nepourrait se lancer sur ses traces.

Cette tâche accomplie, il revint au bord dupuits, d’un saut se retrouva à l’entrée de l’autregalerie.

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Il marcha longtemps dans les ténèbres, seheurta à une lourde porte vermoulue qui cédasous sa vigoureuse pression et se trouva dansune salle carrée, autour de laquelle étaient ran-gés des lingots de métal de taille régulière. Tar-zan pensa d’abord que c’était de l’or, mais leslingots étaient si nombreux qu’il repoussa cettehypothèse. Songez, quel trésor fabuleux !

À tout hasard, il prit un lingot qui, à la ri-gueur, lui servirait d’arme, puis s’arc-boutantà une porte qui faisait face à celle qu’il venaitd’enfoncer, l’enfonça comme la première.

L’air arrivait plus vif dans la galerie, et Tar-zan voyait se confirmer ses espoirs. Il courutet bientôt sentit que le sol remontait en pentedouce. Enfin, il se heurta à des marches de gra-nit, les gravit, et après s’être glissé, non sanseffort, dans une étroite fente pratiquée entredeux rochers, se retrouva en pleine campagne,sous le ciel étoilé, à plus d’un kilomètre de laville d’Opar baignée par les rayons de la luneéquatoriale.

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Tarzan reprit haleine et il examina attenti-vement le lingot qu’il tenait encore à la main.De là son regard se tourna vers la ville et ilmurmura :

« Opar, cité enchantée au passé presti-gieux ! Opar, ville étrange, tu es la gardiennedu trésor le plus fabuleux du monde ! »

Le lingot était d’or massif.

Tarzan s’orienta et retrouva sans peine lavallée par laquelle il était venu à la tête de sesguerriers. Le soleil se levait lorsqu’il y parvint.

Il vit au loin une légère fumée, prudemmentil se dirigea dans cette direction, car il pensaitaussi aux cinquante hommes lancés à sa re-cherche dont la grande prêtresse lui avait par-lé, mais quand il aperçut ses fidèles guerriersWaziris réunis en cercle autour de quelques ti-sons, il les interpella en leur langage :

« Debout, mes enfants, et saluez votrechef ! »

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Les noirs se levèrent d’un bond et, recon-naissant leur chef bien-aimé, l’entourèrent enpoussant de joyeuses exclamations.

Après s’être restauré et avoir pris un peu derepos, Tarzan conta brièvement à ses hommesles aventures qu’il venait de vivre, et leur mon-tra le lingot d’or. Cet objet laissa indifférentsles guerriers qui ignoraient la valeur de ce mé-tal, pourtant ils acceptèrent sans objection desuivre Tarzan dans le long et étroit boyau quiconduisait à la chambre au trésor.

Cette fois, Tarzan s’était muni de torches,et il eut presque le vertige en pensant aux ri-chesses qui étaient accumulées dans cettesalle. Il ordonna à ses guerriers de se chargerd’autant d’or qu’ils en pourraient porter, puis,ayant barricadé de son mieux la porte qu’ilavait défoncée, il rebroussa chemin, suivi deses hommes lourdement chargés.

Quatre jours plus tard, une fois la hautemontagne franchie, les noirs retrouvèrent les

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sites familiers à leurs yeux. Tarzan leur or-donna de déposer à terre le fardeau dont ilss’étaient chargés sans murmurer, bien que, se-lon le code des noirs, un guerrier ne doit porterque ses armes, et leur dit de regagner seuls leurvillage.

« Et toi, chef ? demandèrent-ils.

— Je vous rejoindrai dans quelques jours,dit Tarzan. Allez maintenant retrouver vosfemmes et vos enfants. »

Lorsqu’ils eurent disparu, Tarzan creusa untrou profond dans la clairière où il se trouvait,et y enterra le trésor qu’il avait arraché aux ré-serves oubliées de la cité d’Opar. Puis il repritson chemin, sans se hâter, heureux de se re-trouver seul.

Tandis qu’il voltigeait de branche enbranche, comme au temps insoucieux de sonadolescence, il flaira l’air avec attention ets’immobilisa. L’odeur caractéristique du lionvenait de frapper ses narines, mêlée à des ef-

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fluves humains – à des effluves de blancs ! Sansperdre un instant, Tarzan suivit cette traceodorante et, parvenu au bord de la jungle, ilaperçut une femme agenouillée et, devant elle,un homme vêtu de peaux de bête, le visage en-foui entre ses mains. Derrière l’homme, un lions’avançait sans hâte vers cette proie facile.

Le fauve était prêt à bondir, il n’y avait pasun instant à perdre. D’un dernier élan, Tarzanparvint à une branche qui s’étendait juste au-dessus de la bête et, de toutes ses forces, bran-dit sa lance acérée qui vint clouer le lion au sol.L’animal roula à terre sans émettre un son.

L’homme et la femme demeuraient immo-biles. Enfin, cette dernière ouvrit les yeux etleva la tête. À la vue de ce visage tant aimé,Tarzan faillit jeter un cri de surprise. Rêvait-il ?Comment Jane se trouvait-elle ici ? Pourtant,c’était bien elle.

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La jeune fille s’était relevée, elle chancelait,alors son compagnon se précipitait vers elle,pour la soutenir.

À cette vue, Tarzan sentit une fureuraveugle l’envahir. Il était sur le point de bondirsur son rival et de le réduire à néant, maisen un effort surhumain, il se dompta et, sansretourner la tête, s’enfonça tristement dans lajungle, dans la direction du village de Waziri.

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CHAPITRE XXIII

L’ÉPOUVANTABLE HORDE

Pendant de longues minutes, Jane et Clay-ton demeurèrent silencieux, à contempler ladépouille du fauve dont ils avaient failli être laproie.

« Qui donc a pu le tuer ? murmura finale-ment Jane.

— Dieu seul le sait ! répondit Clayton.

— Si c’est un allié, pourquoi ne se montre-t-il pas ? reprit la jeune fille. Ne pourriez-vousl’appeler et lui dire que nous voulons le remer-cier ? »

Encore étourdi par les dures paroles queJane avait prononcées quelques instants aupa-

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ravant, Clayton obéit, machinalement, sans re-cevoir la moindre réponse à ses appels. Janefrissonna :

« Jungle mystérieuse, murmura-t-elle. Toutest terrifiant en elle, même le secours le plusinespéré !

— Nous ferions mieux de regagner notreabri, dit Clayton. Vous y serez plus en sûreté,et je ne suis pas une protection suffisante,ajouta-t-il avec amertume.

— Ne parlez pas ainsi, Clayton, dit Janeavec douceur. Vous avez fait de votre mieux ;vous avez été noble et brave, et je n’ai connuqu’un seul homme qui vous fût supérieur. Jesens que je ne pourrai jamais vous épouser,mais je vous considère cependant comme monmeilleur ami.

— Je crois que je comprends, murmura-t-il.Vous avez sans doute raison, mais nous repar-lerons de cela plus tard. »

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Le lendemain, l’état de Thuran avait empi-ré. Il était plongé dans le délire et Jane, quiavait abjuré momentanément son aversionpour lui servir de garde-malade, devait restercontinuellement auprès de lui pour étancher sasoif inextinguible.

Clayton avait arraché la lance restée dansle corps du lion et, en possession de cettearme, il décida de s’aventurer plus loin, dans lajungle.

La journée s’écoula ainsi, exténuante pourJane qui, pour échapper aux gémissements deThuran, finit par descendre de l’abri aérien ets’installa sous un arbre, contemplant l’Océanavec le vague espoir qu’une voile se profileraità l’horizon.

Elle était si absorbée dans ses pensées,qu’elle ne s’aperçut pas que de massives et gro-tesques silhouettes venaient de surgir à l’oréede la forêt. Elle fut surprise par des créaturestrapues, velues, pareilles à des gorilles. Elle ne

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put leur échapper, déjà des bras la saisissaient,elle s’évanouit.

Lorsqu’elle reprit ses sens, elle s’aperçutque ses ravisseurs l’avaient entraînée dans lesprofondeurs de la forêt vierge. La nuit était ve-nue, un grand feu brillait, autour duquel unecinquantaine d’hommes plus laids les uns queles autres s’agitaient.

Lorsqu’ils virent que leur captive avait ou-vert les yeux, ils lui lancèrent un morceau deviande, comme à un chien.

Le voyage dura des jours et des jours. Jane,les pieds en sang, ne pouvait plus avancer,mais ses effrayants ravisseurs n’avaient aucunepitié pour elle.

Enfin, un soir, ils parvinrent sous les mursd’une grande ville. Jane, si faible, ne songeamême pas à s’étonner qu’une si vaste cité exis-tât au cœur de l’Afrique.

Des femmes, un peu moins affreuses queles hommes, entourèrent la jeune fille, et la

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conduisirent au fond d’un sinistre palais degranit, dans une petite pièce obscure où onl’enferma.

Pendant une semaine, Jane ne vit que lesfemmes qui lui apportèrent de l’eau et de lanourriture. Lentement, ses forces lui revinrent.Bientôt, elle serait digne d’être offerte en sacri-fice au dieu solaire…

* * *

La vision de Jane et de son compagnonavait meurtri profondément le cœur de Tarzan.Son humeur solitaire était devenue plus fa-rouche encore et il avait décidé de ne rejoindreson peuple Waziri que plus tard, lorsque sablessure serait cicatrisée.

Il passa donc plusieurs jours dans la soli-tude, à chasser, à flâner dans la forêt, à errerd’un point à l’autre. Un matin, alors qu’il se

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trouvait dans une clairière, il entendit un cra-quement de branchages familier. S’immobili-sant, Tarzan attendit de voir paraître les nou-veaux venus. Bientôt, une face poilue et bru-tale émergea des frondaisons, épia les envi-rons, puis, voyant que tout était calme, une tri-bu tout entière de grands anthropoïdes fit ir-ruption dans la clairière.

Tarzan reconnut quelques-uns des singesqui la composaient. C’était la même horde quecelle au sein de laquelle il avait été élevé, maiselle s’était considérablement agrandie depuislors, au cours des migrations. Il se demanda sises anciens compagnons le reconnaîtraient, ets’avança hardiment vers eux.

Avec un rugissement guttural, les anthro-poïdes examinèrent l’être étrange dont leurchétive mémoire n’avait gardé qu’un souvenirconfus.

« Karnath, je suis Tarzan, fils de Kala,s’écria le fils de la jungle au chef de la tribu.

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Te souviens-tu de moi ? Ensemble, nous avonssouvent joué lorsque nous étions enfants ! »

Une lueur de compréhension passa sur levisage de la brute qui émit un grognementd’approbation.

« Et toi, Magor, poursuivit Tarzan, te rap-pelles-tu ton chef d’autrefois, celui qui vainquitle puissant Kerchak ? Regarde-moi, ne suis-jepas toujours le même, l’invincible Tarzan ? »

Les anthropoïdes semblèrent se concerter.Enfin, Karnath s’adressa à Tarzan.

« Que veux-tu ?

— Rien, que la paix.

— Viens donc parmi nous en paix, Tar-zan », répondit le chef.

C’est ainsi que Tarzan reprit sa vie primitived’antan, mêlé à ses compagnons d’enfance,homme-singe parmi les singes. Écartant de sonesprit, par un héroïque effort, toute pensée re-lative à Jane, Tarzan se flattait déjà de rega-

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gner rapidement toute sa sérénité, lorsque desnouvelles bien imprévues vinrent bouleverserle calme si difficilement conquis.

Un soir, en effet, un jeune anthropoïdeaventureux, qui s’était éloigné de la horde pen-dant plusieurs lunes pour aller chercher épousechez une tribu voisine, revint parmi les sienset leur conta le récit de ses aventures. Entreautres choses, il leur dit avoir aperçu une tribud’étranges singes d’une espèce différente de laleur.

« Ils avaient la face couverte de longs poils,excepté l’un d’eux, une femelle, aussi blanchede peau que cet étranger, dit-il en désignantTarzan.

— Étaient-ils petits, avec les jambescourtes ? demanda Tarzan.

— Oui.

— Étaient-ils vêtus de peaux de bêtes et ar-més de matraques ?

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— Oui.

— Portaient-ils des anneaux dorés autourdes bras et des chevilles ?

— Oui.

— Et la femelle était-elle petite, mince,avec des cheveux dorés ? fit Tarzan haletant etsaisi d’un funeste pressentiment.

— Oui.

— Semblait-elle les suivre de bon gré ou deforce ?

— Ils l’obligeaient à les suivre, en la pous-sant ou en la traînant. C’était très amusant àvoir !

— Grand Dieu ! murmura Tarzan.

— Quand les as-tu vus ? demanda-t-il en-core, et dans quelle direction s’engageaient-ils ?

— Il y a la moitié d’une lune, et ils allaientvers le Sud. »

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Sans ajouter un mot, le fils de la jungle bon-dit dans les ramures, dans la direction de la ci-té d’Opar.

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CHAPITRE XXIV

LE RETOUR À OPAR

Quand Clayton, de retour de son expéditiondans la jungle, s’aperçut de l’enlèvement deJane, sa colère n’eut d’égal que son chagrin.Thuran reposait sur sa couche d’herbes sèches,très faible mais parfaitement lucide, car lafièvre l’avait quitté avec la brusquerie qui ca-ractérise ces sortes d’accès. Il n’avait rien en-tendu et ne pouvait fournir à Clayton aucun in-dice sur les circonstances de la disparition dela jeune fille.

Les jours qui suivirent furent bien tristespour le jeune Anglais. Il errait du matin jus-qu’au soir dans la jungle, à la poursuite de latrace de Jane, qu’il était bien incapable de lire

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sur le sol foulé, comme l’aurait fait Tarzan, etne revenait auprès de son compagnon, qui re-prenait rapidement des forces, que pour lui ap-porter quelque nourriture et prendre du repos.

Les deux hommes n’échangeaient que lesparoles strictement nécessaires, et quand Thu-ran, tout à fait rétabli, fut capable de cherchersa nourriture lui-même, c’est Clayton qui, à sontour, terrassé par le chagrin, fut attaqué par lesfièvres.

Pendant deux jours il resta inerte sur sacouche, grelottant, sans même que son compa-gnon se souciât de son état. Enfin Thuran s’ap-procha de lui :

« J’ai décidé de partir aujourd’hui le long dela côte, à la recherche d’une agglomération hu-maine quelconque, déclara-t-il sèchement. Ve-nez-vous avec moi ? »

La question était inutile, car Clayton, déli-rant, comprenait à peine ses paroles. L’Anglais

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fit pourtant un effort pour se redresser sur sacouche, mais retomba aussitôt avec un soupir.

« Adieu donc », dit Thuran d’un ton dégagé.

Et il partit, sans même offrir une goutted’eau à son compagnon mourant de soif et tropfaible pour se traîner à la source voisine.

* * *

Les trois chaloupes qui transportaient lordTennington, Hazel Strong et sa mère, Archi-mède Z. Porter, Esmeralda et le reste de l’équi-page avaient eu plus de chance que la barqueoù avaient pris place les autres naufragés. Ellesavaient dérivé pendant la nuit, et, dans le cou-rant du lendemain, étaient en vue de la côte.Les naufragés avaient fait force de rames, etavaient rapidement abordé sans avoir connules scènes lamentables qui s’étaient dérouléessur la barque de Clayton.

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Bien approvisionné, muni d’armes, le petitgroupe s’était installé sur la rive, en attendantle passage d’un bateau, et le moral n’aurait pasété trop bas si le professeur Porter n’avait euparfois des crises de désespoir lorsqu’il son-geait à sa fille chérie.

Lord Tennington projetait de partir en ex-pédition vers le nord de la côte, dans l’espoirde trouver du secours, car aucune fuméen’avait annoncé, jusqu’ici, le passage d’un ba-teau.

Assis sur la grève, auprès d’Hazel Strong, ilsongeait aussi avec tristesse au sort incertaindes occupants de la barque disparue.

« Je ne puis m’empêcher d’y penser sanscesse, disait la jeune fille, et, pourtant celam’est très pénible.

— Espérons qu’ils auront été recueillis, ditlord Tennington pour la rassurer. En tout cas,j’admire votre courage, car vous avez perduplus que nous.

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— Vous avez raison, dit-elle, en soupirant,j’aimais Jane comme ma propre sœur. »

L’Anglais resta un moment silencieux. Ilavait voulu faire allusion à Thuran, qui autre-fois lui avait parlé de ses fiançailles avec Hazel,mais celle-ci n’accordait aucune pensée parti-culière à son ex-prétendant.

Lord Tennington reprit :

« Je voulais parler de M. Thuran ! »

Hazel le regarda avec étonnement.

« M. Thuran, ah ! oui, c’était, certes, unhomme charmant, mais je le connaissais peu,dit-elle assez froidement.

— Vous n’étiez donc pas fiancés ?

— Jamais de la vie ! » s’écria Hazel.

Lord Tennington rougit intensément, tous-sa deux ou trois fois et commença une phraseinterminable qui ne voulait rien dire, mais quela jeune fille comprit parfaitement…

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Quelques instants plus tard, les deux jeunesgens se tenaient silencieusement par la mainet goûtaient la joie des premiers aveux, lors-qu’une apparition singulière vint troubler leurtête-à-tête.

Un être hagard, exténué, venait de surgirdes fourrés qui bordaient la grève et se diri-geait vers eux. Tennington, se dressant sur sespieds, chercha son revolver, quand il entenditl’homme prononcer son nom d’une voix faibleen agitant les bras dans les airs. Il se précipi-ta alors à sa rencontre, et reçut, presque dansses bras, l’homme hâve et émacié en qui il eutpeine à reconnaître l’élégant M. Thuran, sonhôte à bord de l’Alice.

En hâte, lord Tennington et Hazel l’interro-gèrent sur le sort des autres occupants de lachaloupe.

« Ils sont tous morts, dit Thuran. Les troismarins ont péri avant même que nous n’ayonsatteint la terre, miss Porter a été emportée

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dans la jungle par des animaux sauvages, etClayton est mort de la fièvre il y a quelquesjours. Et… nous n’étions qu’à quelques jours demarche de votre camp… c’est trop terrible ! »

* * *

Un jour vint où les geôlières de Jane Portertirèrent la jeune fille du cachot où elle lan-guissait, pour la conduire processionnellementdans une vaste salle où étaient réunis plusieursdizaines d’êtres semblables à ceux qui l’avaientenlevée.

Jane espérait déjà qu’elle allait pouvoirs’expliquer, implorer l’aide et le secours de ceshommes qui, après tout, semblaient connaîtreun rudiment de civilisation, mais elle fut pous-sée vers un autel qui s’érigeait au centre de lasalle, et ligotée sur la dalle, tandis que les as-sistants entamaient un chant liturgique et fu-nèbre.

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Une femme étincelante de joyaux s’appro-cha à pas lents de l’autel, et après une longueprière à haute voix, renouvela sur la poitrinede la jeune fille ce geste rituel qu’elle avait,quelque temps avant, fait sur la poitrine deTarzan.

Jane s’évanouit, abandonnée aux mains dela destinée.

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CHAPITRE XXV

À TRAVERSLA SILVE PRIMITIVE

Nuit et jour, sans repos, Tarzan avait pour-suivi son chemin vers la cité d’Opar, torturé par une pensée lancinante : arriverait-il à temps ?

Il était sûr que les hommes lancés à sa poursuite, n’ayant pu l’atteindre, avaient rap- porté Jane dans leur sinistre ville pour l’offrir en holocauste à leur dieu à la place de la proie qui leur avait échappé.

Il s’enfonça une fois de plus dans les pro- fondeurs souterraines des galeries qui condui- saient à la petite cellule où l’avait autrefois enfermé la grande prêtresse et fut soulagé en

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constatant que les moellons qu’il avait remisen place n’avaient pas été remués ; par consé-quent, sa disparition était demeurée inexpli-quée, même pour la grande prêtresse.

Il refit la brèche dans le mur, et la laissa ou-verte, puis poursuivit son chemin vers la salledu sacrifice, guidé par le bruit des chants et desdanses rituelles.

Il semblait avoir des ailes aux talons, tantil courait vite et silencieusement dans ces cou-loirs qu’il connaissait à peine, mais il était tel-lement angoissé ! Le sacrifice qui se célébraitétait certainement celui de Jane… Pourrait-ilintervenir avant le geste fatal ?

La chance le servit, et Tarzan surgit de lagalerie ténébreuse au moment où La élevait lebras. Pareil à un élément déchaîné, le fils de lajungle passa entre la rangée des fidèles inter-dits et bondit sur l’autel. À sa vue, le bras de Laretomba, sans force, tandis que la jeune femme

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le contemplait d’un œil plein de frayeur super-stitieuse.

Elle n’avait jamais pu deviner par quel sor-tilège Tarzan s’était enfui, mais depuis ce mo-ment, la pensée de l’étranger ne l’avait plusquittée et maintenant, oubliant sa victime, ellecontemplait le géant blanc qui venait de saisirentre ses bras Jane toujours évanouie.

« Écartez-vous, La ! lui cria-t-il. Je ne vousveux point de mal, mais n’essayez pas de vousinterposer, où vous êtes morte !

— Qui est cette femme ? balbutia la prê-tresse en désignant Jane.

— Elle est mienne ! » dit farouchement Tar-zan.

Pendant un moment, la prêtresse d’Oparresta immobile comme une statue, puis elles’effondra sur le sol avec un faible cri de déses-poir, tandis que la horde des fidèles, remise desa stupeur, se précipitait avec des hurlements

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de rage vers la galerie par laquelle s’était en-foncé Tarzan.

Les poursuivants croyaient déjà qu’ils al-laient atteindre sans coup férir le profanateurde leur cérémonie, car ils savaient que cettegalerie n’aboutissait qu’à une cellule sans is-sue. Aussi furent-ils épouvantés lorsque, ayantfait irruption dans la cellule, ils constatèrentqu’elle était vide !

Tarzan avait hâtivement remis les pierresen place et s’enfonçait dans la galerie souter-raine, portant sur son cœur son précieux far-deau.

Arrivé au bord du puits, il hésita un instantdevant l’abîme qu’il lui fallait franchir avec cepoids supplémentaire, puis, d’un seul élan, ilbondit et se retrouva sur l’extrême bord, del’autre côté de la galerie.

Enfin, il parvint à l’air libre, et gagna viteles bois, au cas où les habitants d’Opar seraientpartis à sa recherche hors de la ville.

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Il marcha longtemps, jusqu’au moment oùil se trouva au bord d’un ruisseau, dans uneclairière. Il déposa alors doucement Jane surle gazon et, puisant de l’eau entre ses mains,lui baigna les tempes. Cependant l’évanouisse-ment de la jeune fille persistait, et Tarzan, pourréchauffer le corps glacé de Jane, la prit entreses bras et la berça doucement comme un en-fant.

Finalement la jeune fille ouvrit les yeux.En un éclair, elle revit la terrible scène quiavait précédé son évanouissement. Elle se mità trembler de tous ses membres et pensaqu’elle était morte.

Puis elle regarda autour d’elle et voyantqu’elle était si près de celui qu’elle croyait dis-paru dans les eaux profondes de l’Océan, ellefut tout à fait persuadée d’être entrée dans leroyaume des ombres.

« Merci, mon Dieu, murmura-t-elle. Je suisheureuse d’être là !

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— Enfin ! s’écria Tarzan, vous voilà revenueà la vie. Il était temps que j’arrive, en tout cas !

— Que vous arriviez où ? dit faiblementJane.

— Dans le temple où vous alliez disparaîtreà jamais, dit Tarzan. Ne vous rappelez-vouspas ?

— Ne sommes-nous pas morts tous deux,Tarzan ? » fit la jeune fille encore plongée dansla torpeur.

Tarzan se mit à rire :

« Non, Jane, dit-il tendrement, noussommes tous deux bien vivants, heureuse-ment.

— Mais Hazel et M. Thuran m’ont affirméque vous étiez tombé à la mer à bord d’un na-vire où vous aviez pris place avec eux ?

— Je vous assure que je ne suis pas un fan-tôme, reprit Tarzan en souriant. Quant à ce

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charmant M. Thuran, c’est lui qui m’a poussépar-dessus bord, mais je ne me suis pas noyé. »

La jeune fille se dressa lentement, etcontempla longuement le visage souriant deTarzan. Puis, cachant son visage entre sesmains, elle éclata en sanglots ; ainsi s’expri-mait le trop-plein de sa joie.

Lorsqu’elle se fut un peu calmée, ils res-tèrent tous deux silencieux, plongés dans l’ex-tase du bonheur présent.

Soudain, une pensée sembla traverser l’es-prit de Tarzan qui s’assombrit brusquement.

« Et Clayton ? murmura-t-il d’une voixsombre. Qu’est devenu votre époux ?

— Je ne suis pas mariée, Tarzan ! cria Jane.J’ai voulu tenir ma parole, mais j’ai senti que jene le pourrais jamais et je lui ai dit, le jour oùnous avons été miraculeusement sauvés d’unlion furieux. »

Jane s’interrompit net, et s’écria :

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« Tarzan ! C’est vous, vous seul qui avez punous sauver ! »

Le fils de la jungle inclina la tête sans motdire.

« Ah ! comment avez-vous pu partir en-suite, et me laisser ? dit-elle d’un ton de re-proche.

« Ne me condamnez pas, Jane ! dit Tarzanavec vivacité. Vous ne pouvez savoir ce quej’ai souffert lorsque je vous ai vue auprès deClayton, et j’ai voulu, à ce moment, oublier quej’avais été un jour un homme civilisé, pour re-devenir un sauvage, afin de moins souffrir. »

Tarzan conta alors à Jane ce qu’avait étésa vie depuis le jour où il était revenu dans lajungle. Puis Jane l’interrogea sur son existenceà Paris, et il lui narra toutes ses aventures, enlui dévoilant le rôle du soi-disant Thuran, lemisérable frère d’Olga de Coude.

« Cet homme est un démon », murmuraJane.

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Puis, après un instant de silence, elle reprit,d’un air indifférent :

« Est-elle très jolie, Olga de Coude ? »

Tarzan se mit à rire et serra la jeune filledans ses bras.

« Dix fois moins jolie que vous, en tout cas,ma chérie », dit-il.

Alors Jane poussa un soupir de satisfaction,et, posant sa tête sur l’épaule de son ami, s’en-dormit, brisée de fatigue.

Ils poursuivirent leur route les jours sui-vants, se hâtant dans la direction de l’abri deClayton, où ils espéraient retrouver le jeunehomme, ainsi que l’infâme Thuran.

Enfin, ils atteignirent le rivage, et aper-çurent l’arbre dans lequel les naufragés avaientétabli leur précaire abri, mais ils n’obtinrentnulle réponse à leurs appels.

Tarzan bondit alors lestement dans l’arbre,et en redescendit, portant sur les épaules le

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maigre corps de Clayton, enveloppé dans levieil imperméable qui avait servi autrefois àJane.

Le fils de la jungle porta le moribond auprèsde la source, et humecta ses lèvres desséchées.Alors Clayton ouvrit les yeux, et il esquissa unsourire à la vue de Jane dont les pleurs cou-laient silencieusement. Puis son regard tombasur Tarzan, qu’il dévisagea avec étonnement.

« Tout va bien, mon cher Clayton, dit Tar-zan, plein de pitié pour l’infortuné. Noussommes arrivés à temps et vous serez bientôtde nouveau sur pied. »

L’Anglais secoua la tête avec effort :

« Non, murmura-t-il, il est trop tard, maiscela ne fait rien, je ne tiens plus à la vie.

— Qu’est devenu M. Thuran ? demandaJane.

— Il m’a abandonné sans pitié, pendant queje me débattais contre la fièvre. C’est un

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monstre ! Si je pouvais vivre encore, ce seraitpour le tuer ! »

Il avait articulé ces paroles avec force, maisl’effort avait été trop grand, il avait maintenantle front couvert de sueur.

« Vous serez vengé, dit Tarzan solennelle-ment. J’ai plus d’un compte à régler avec lui, etil ne m’échappera pas ! »

Pendant de longues heures, Clayton de-meura inerte. Enfin, vers le soir, il retrouva desforces pour quelques instants.

« Jane, murmura-t-il alors, je vous ai trom-pés, vous et Tarzan. Je vous aimais et c’est maseule excuse, mais je veux que vous sachiezmaintenant la vérité ! »

D’une main tremblante, il tira un papier dela poche de l’imperméable qui le couvrait, et letendit à Jane. Puis il se renversa en arrière etexpira.

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Après s’être recueillie un long moment de-vant le corps inerte, Jane essuya ses larmeset déplia le papier que lui avait remis Clayton.Elle lut plusieurs fois les mots qui y étaient ins-crits avant d’en comprendre le sens :

« Empreintes digitales prouvent que vousêtes lord Greystoke. Félicitations. D’Arnot. »

Enfin la lumière se fit dans son esprit.

« Il savait que vous étiez l’héritier du titrequi lui était échu, et ne vous en avait rien dit ?fit-elle à Tarzan en lui tendant le papier.

— Je connaissais ce message, répondit Tar-zan ; il m’était adressé, et j’ai dû l’oublier dansla salle d’attente où on me l’a remis. Claytons’en sera alors emparé.

— Pourtant, vous avez affirmé ensuite quevous ignoriez qui était votre père ? dit la jeunefille.

— Un titre et la fortune n’étaient rien pourmoi sans vous, Jane. Or si je les arrachais à

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Clayton, je vous en privais en même temps,puisque vous deviez l’épouser.

— Et j’ai méconnu un amour comme levôtre ! » murmura Jane.

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CHAPITRER XXVI

LA FIN DU FILS DE LA JUNGLE

Après avoir enseveli et rendu les derniersdevoirs à l’infortuné Clayton, les deux jeunesgens poursuivirent leur route le long de la mer.Tarzan avait hâte de ramener Jane vers unecontrée plus civilisée, et il s’était tenu le mêmeraisonnement que Thuran, en pensant que,plus au Nord, il aurait quelque chance de trou-ver un établissement colonial.

Deux jours plus tard, ils aperçurent, au loin,un vieillard solitaire qui, assis sur le sable,contemplait l’horizon.

« Père ! » s’écria Jane en s’élançant vers lui.

Ils étaient arrivés au camp de lord Tenning-ton.

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Après les folles exclamations, les questionssans fin, les réponses qui se succédaient pêle-mêle, chacun remit un peu d’ordre dans sesidées. Le professeur Archimède réussit à com-prendre par quel extraordinaire concours decirconstances, il retrouvait sa fille en compa-gnie de Tarzan ; il écouta leurs aventures avecattention, mais ne cacha pas sa surprise en ap-prenant la triste fin de Clayton.

« Je ne comprends plus, dit-il. Thuran nousavait dit que Clayton était mort avant son dé-part !

— Thuran est avec vous ? fit vivement Tar-zan.

— Oui, il nous a rejoints. Actuellement ilest parti à la chasse avec lord Tennington. Ilsera certainement ravi de vous revoir.

— Ravi et surpris », ajouta Tarzan.

Une heureuse nouvelle attendait encore lesdeux jeunes gens. La veille, précisément, unpatrouilleur avait aperçu les signaux désespé-

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rés des naufragés, et devait venir les recher-cher le surlendemain, après avoir achevé satournée d’inspection.

Les exclamations reprirent lorsque le pro-fesseur et sa fille entrèrent dans la clairière oùles naufragés avaient édifié des huttes primi-tives. Esméralda, Philander, Hazel et sa mèren’osaient en croire leurs yeux, Thuran, de sonvrai nom Rokoff, leur ayant apprit la mort deJane.

Une heure plus tard, Tennington et Rokofffirent leur apparition à l’orée de la clairière.Tennington, le premier, s’aperçut du remue-ménage qui régnait dans le camp.

« Que se passe-t-il ? dit l’Anglais avec éton-nement, en voyant que son compagnon verdis-sait soudain, les yeux fixés sur une haute sil-houette qui se découpait au milieu de la clai-rière.

— Malédiction ! » murmura le Russe.

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Et, prompt comme l’éclair, il épaula son fu-sil. Mais il avait compté sans Tennington quireleva brusquement l’arme au moment où lecoup partait. La balle destinée à Tarzan alla seperdre en sifflant dans les airs.

Déjà Tarzan s’était rué sur son ennemi,mais il avait donné sa parole à Jane de seconduire en homme civilisé et de remettre sonennemi entre les mains des tribunaux qui sta-tueraient sur ses forfaits.

Tarzan se contenta donc de le réduire àl’impuissance et le ligota solidement, en atten-dant le retour du patrouilleur. Il retrouva avecjoie les papiers que Rokoff lui avait dérobés, etque le Russe avait cachés dans une ceinture àmême la peau.

Le lendemain, Tarzan, laissant son prison-nier à la garde de Tennington, qui jura de nepas le quitter de l’œil, partit pour le village deWaziri.

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Son peuple, qui le croyait perdu, lui fit fête,mais lorsque Busuli et ses fidèles guerriers ap-prirent que leur chef allait les quitter, ils retom-bèrent dans la désolation. Pourtant, ils exécu-tèrent ponctuellement les ordres que leur don-na minutieusement Tarzan, avant de reprendrele chemin du camp.

Le lendemain, le patrouilleur accosta versle soir, et l’embarquement des passagers futdécidé pour le jour suivant, dans la matinée.Mais dès l’aube, les guerriers de Tarzan arri-vèrent, commandés par Busuli, et chargés deslingots qu’ils étaient allés déterrer selon lesinstructions de leur chef.

Tous les membres de la petite communautéfurent abasourdis devant cette prodigieusequantité d’or, mais Tarzan refusa obstinémenttoute explication sur l’origine de son trésor.Quant au commandant du patrouilleur, un peuinterloqué, lui aussi, il déclara avec bonne hu-meur qu’il avait l’impression d’être capitaine à

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bord d’un galion espagnol rapportant tous lestrésors du nouveau monde !

Tarzan avait appris qu’un ecclésiastique setrouvait à bord du navire. Il s’enhardit alors àparler à Jane d’un projet qui lui tenait au cœur.

« Je serais heureux, lui dit-il, que notreunion fût célébrée sur cette terre d’Afrique oùnous nous sommes connus, sous les ombragesde ces forêts qui furent témoins de mon en-fance… »

Sans répondre, Jane inclina la tête en rou-gissant. Le commandant du patrouilleur accep-ta de servir d’officier d’état civil, et le pasteurvint bénir le mariage du fils de la jungle dansla verte clairière au bord de la forêt bruissante.Tennington et Hazel Strong devaient être lestémoins, mais Tennington bouleversa cet ar-rangement par une idée qui lui vint au derniermoment.

« Si Mme Strong le veut bien, dit-il en saisis-sant la main de la jeune fille, Hazel et moi nous

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pourrions nous marier en même temps que nosamis ! »

Ce fut donc, ce matin-là, la célébration d’undouble mariage, tandis que les matelots em-portaient dans les cales le trésor de Tarzan, etque Rokoff était mis au fer par le commandant,instruit de son indignité.

Dans l’après-midi, le navire leva l’ancre ets’éloigna lentement vers la haute mer.

Debout sur le pont arrière, un grand jeunehomme, vêtu d’un complet de flanelle imma-culé, et une gracieuse jeune femme contem-plèrent longtemps le rivage, où vingt guerriersWaziris agitaient leurs lances dans les airs,pour faire leurs ultimes adieux à leur chefblanc.

« Je serais désespéré à l’idée de quitter lajungle pour jamais, dit pensivement le jeunehomme, si je ne savais pas que je vais com-

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Et Tarzan, fils de la jungle, désormais Johnlord Greystoke, serra sa femme entre ses bras.

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mencer une vie nouvelle auprès de vous, mabien-aimée ! »

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a été édité par la

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en février 2021.

— Élaboration :

Ont participé à l’élaboration de ce livre nu-mérique : Isabelle, Alain, Françoise.

— Sources :

Ce livre numérique est réalisé principale-ment d’après : Burroughs, Edgar-Rice, Le Re-

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tour de Tarzan, Paris, Hachette, 1938. D’autreséditions ont pu être consultées en vue de l’éta-blissement du présent texte. L’illustration depremière page, figure sur la couverture de Tar-zan and the Jewels of Opar. Elle a été réaliséepar Clinton Pettee (1832-1937) en 1918.

— Dispositions :

Ce livre numérique – basé sur un texte librede droit – est à votre disposition. Vous pouvezl’utiliser librement, sans le modifier, mais vousne pouvez en utiliser la partie d’édition spéci-fique (notes de la BNR, présentation éditeur,photos et maquettes, etc.) à des fins commer-ciales et professionnelles sans l’autorisation dela Bibliothèque numérique romande. Mercid’en indiquer la source en cas de reproduction.Tout lien vers notre site est bienvenu…

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Nous sommes des bénévoles, passionnésde littérature. Nous faisons de notre mieuxmais cette édition peut toutefois être entachée

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d’erreurs et l’intégrité parfaite du texte par rap-port à l’original n’est pas garantie. Nos moyenssont limités et votre aide nous est indispen-sable ! Aidez-nous à réaliser ces livres et àles faire connaître…

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Table des matières

CHAPITRE I À BORD DU TRANSAT-LANTIQUECHAPITRE II DÉCLARATION DEGUERRECHAPITRE III CE QUI SE PASSA RUEDE VARIZECHAPITRE IV LA COMTESSE S’EX-PLIQUECHAPITRE V UN COMPLOT QUIÉCHOUECHAPITRE VI UN DUELCHAPITRE VII LA DANSEUSE DE SI-DI AÏSSACHAPITRE VIII LE SERMENT DEKADOURCHAPITRE IX LA LUTTE CONTRE« EL ADREA »CHAPITRE X DANS LA VALLÉE DES

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OMBRESCHAPITRE XI JOHN CALDWELL, DELONDRESCHAPITRE XII DEUX NAVIRES, AULARGE…CHAPITRE XIII LE NAUFRAGE DEL’« ALICE »CHAPITRE XIV RETOUR À LAJUNGLECHAPITRE XV NOIR ET BLANCCHAPITRE XVI LES MARCHANDSD’IVOIRECHAPITRE XVII LE CHEF BLANCDES WAZIRISCHAPITRE XVIII LA LOTERIE DE LAMORTCHAPITRE XIX LA CITÉ DE L’ORCHAPITRE XX LA PRÊTRESSECHAPITRE XXI LES RESCAPÉSCHAPITRE XXII LE TRÉSOR DE LA

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CITÉ D’OPARCHAPITRE XXIII L’ÉPOUVANTABLEHORDECHAPITRE XXIV LE RETOUR ÀOPARCHAPITRE XXV À TRAVERS LASYLVE PRIMITIVECHAPITRER XXVI LA FIN DU FILSDE LA JUNGLECe livre numérique

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