Écoulement non permanent : l’essentiel - … · Figure 4 : Schématisation des ondes...
Transcript of Écoulement non permanent : l’essentiel - … · Figure 4 : Schématisation des ondes...
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP1
Écoulement non permanent : l’essentiel _____________________________________________________________________________
_
Ce chapitre est consacré à l’étude des écoulements non permanents, c.à.d. les écoulements qui
varient dans le temps et dans l’espace, comme schématiquement illustré dans la Figure 1. Le but
est de déterminer les caractéristiques de l’écoulement (débit Q, profondeur h, vitesse U) en
fonction des coordonnées spatiale (x) et temporelle (t).
On distingue les écoulements non permanents graduellement variés (ondes de crue) et les
écoulements non permanents rapidement variés (ondes de translation). La figure ci-dessous
illustre ces deux types d’ondes.
Figure 1 : (Gauche) Représentation de la profondeur d’eau dans le plan (x,t) lors du passage d’une onde de crue ; (Droite) Illustration des ondes de translation.
1 Les écoulements non permanents graduellement variés
Les écoulements non permanents graduellement variés sont décrits par les équations de Saint-
Venant, qui expriment :
- Équation de continuité :
!
"S
"t+"Q
"x= 0 conservation de la masse (5.1)
- Équation de l’énergie :
!
1
g
"U
"t+U
g
"U
"x+"h
"x= J f # Je bilan de l’énergie (5.3)
- Loi de frottement :
!
Je =8g
C2
1
4Rh
U2
2g (Chézy, mais similaire avec Manning-Strickler (3.10)
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP2
ou Weisbach-Darcy) modélisation semi empirique des pertes de charge. La détermination
de la rugosité (coefficient de frottement) est la difficulté principale en hydraulique fluviale,
notamment quand on étudie des rivières à fond mobile (transport des sédiments). Dans ce
chapitre, on assume que la rugosité est constante et connue, et on traitera ce problème dans le
chapitre « transport des sédiments ».
Ces équations sont limitées aux écoulements 1D graduellement variés. Elles enveloppent les
équations pour les écoulements permanents (∂/∂t=0) uniformes (chapitre 3) et non-uniformes
(chapitre 4). Une bonne connaissance de ces écoulements uniformes et non-uniformes est
nécessaire pour la compréhension des écoulements non permanents.
Une difficulté majeure de l’écoulement non permanent réside dans la relation non-univoque
entre le débit Q et la profondeur d’eau h (Figure 2), qui résulte de l’équation de l’énergie et
celle du frottement :
!
Q =US =C RhJe S =C Rh J f "#h
#x"U
g
#U
#x"1
g
#U
#t
$
% &
'
( ) S (5.4)
Pour le même débit Q, la profondeur d’eau sera inférieure lors de la montée de la crue à celle lors
de sa descente. Il en résulte un décalage temporel entre les courbes de h(t), Q(t) et U(t). Lors du
passage d’une crue, on observera d’abord la vitesse maximale, ensuite le débit maximal et
finalement la profondeur maximale.
Figure 2 : Représentation schématique des relations U(t), Q(t) et h(t) et de la relation non-univoque Q(h).
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP3
1.1 Les méthodes numériques
Les équations de Saint-Venant n’ont pas de solution analytique, mais doivent être résolues à
l’aide de méthodes numériques. Au lieu de chercher la solution (Q,h,u) dans tous les points du
plan (x,t), on la cherche sur le réseau de points discrets (xi, ti), obtenu en projetant un maillage sur
le plan (x,t). On distingue deux méthodes :
La discrétisation des équations sur un maillage rectangulaire dans le plan (x,t) : Fig. 3a
Le réseau de points discrets (xi, ti) est obtenu en projetant un maillage rectangulaire avec des
éléments de taille (∆x, ∆t) sur le plan (x,t). En approximant les dérivées partielles par des
quotients de différences finies, les équations de Saint-Venant sont réduites d’une forme aux
dérivées partielles à une forme algébrique.
Une multitude de schémas de discrétisation existe. On distingue notamment les schémas
explicites et implicites. Les schémas implicites sont plus compliqués mais plus stables que les
schémas explicites. La convergence de ces derniers nécessite un choix du maillage qui respecte la
condition de Courant : ∆t<<∆x(|U|+c) (condition nécessaire mais pas suffisante).
Il est important de comprendre le principe de la solution numérique des équations. La solution à
l’aide des ordinateurs (de quasiment tous les problèmes dans l’ingénierie) se base sur ces mêmes
principes.
Figure 3 : (Gauche, Fig. 3a) Discrétisation des équations sur un maillage rectangulaire dans le plan (x,t) ; (Droite, Fig. 3b) Discrétisation des équations sur un maillage défini par les
caractéristiques.
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP4
La méthode des caractéristiques : Fig. 3b
Au lieu de discrétiser les équations sur un maillage rectangulaire quelconque (∆x, ∆t), on peut
exprimer les équations le long des caractéristiques, qu’on peut interpréter comme des lignes dans
le plan (x,t) le long desquelles les informations se propagent. Le long de ces caractéristiques, les
équations aux dérivées partielles de Saint-Venant peuvent être réduites à une forme aux dérivées
totales, plus simple à résoudre. Cependant, la solution de ces équations aux dérivées totales passe
toujours par des méthodes numériques (discrétisation).
De plus, les caractéristiques indiquent clairement les types de conditions initiales et de
conditions aux bords qui doivent être imposés.
1.2 Les solutions simplifiées
Les solutions numériques des équations de Saint-Venant ne donnent guère d’informations sur les
processus physiques principaux. Après simplification, elles peuvent être réduites à des formes
plus transparentes. Ces solutions simplifiées des équations de Saint-Venant sont appelées
l’onde cinématique et l’onde diffusive. Sous certaines conditions, elles sont de bonnes
approximations de la solution des équations complètes.
L’onde cinématique
L’équation de l’onde cinématique est obtenue en simplifiant l’équation de l’énergie :
!
1
g
"U
"t+U
g
"U
"x+"h
"x= J f # Je
!
0 = J f " Je (5.5)
Notons qu’on fait l’hypothèse que les termes dans le membre gauche sont négligeables par
rapport à Jf et Je, ce qui est moins restrictif que l’hypothèse qu’ils valent zéro. Il en résulte une
relation univoque entre le débit Q et la profondeur h (voir Figure 2):
!
Q =US =C RhJe S =C Rh J f "#h
#x"U
g
#U
#x"1
g
#U
#t
$
% &
'
( ) S
!
Q =US =C RhJ f S (5.4)
Moyennant ces simplifications, les équations de Saint-Venant peuvent être ramenées à l’équation
de l’onde cinématique :
!
"Q
"t+ck
"Q
"x=0 ou
!
"h
"t+c
k
"h
"x=0 (5.30)
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP5
Les propriétés de l’onde cinématique sont schématiquement représentées à la figure 4. L’onde
cinématique est une onde qui migre vers l’aval avec une célérité ck, défini comme :
!
ck =dQ
dS=U +S
dU
dS>U (5.33a)
Pour les canaux rectangulaires larges, on trouve
!
ck = 3 2U = 3 2C hJ f , quantifiant clairement
les facteurs qui influencent la célérité.
L’amplitude de l’onde cinématique ne s’atténue pas. Cependant, comme ck=ck(h), l’onde
cinématique a tendance à raidir.
Notons que la solution simplifiée de l’onde cinématique est une bonne approximation de la
solution des équations complètes de Saint-Venant pour des canaux à forte pente et pour Fr<1.
Figure 4 : Schématisation des ondes cinématique (gauche) et diffusive (droite).
L’onde diffusive
L’équation de l’onde diffusive est obtenue en simplifiant l’équation de l’énergie :
!
1
g
"U
"t+U
g
"U
"x+"h
"x= J f # Je
!
"h
"x= J f # Je (5.6)
Il en résulte une relation non-univoque entre le débit Q et la profondeur h (voir Figure 2):
!
Q =US =C RhJe S =C Rh J f "#h
#x"U
g
#U
#x"1
g
#U
#t
$
% &
'
( ) S
!
Q = C Rh J f "#h
#x
$
% &
'
( ) S (5.4a)
Moyennant ces simplifications, les équations de Saint-Venant peuvent être ramenées à l’équation
de l’onde diffusive, qui s’écrit pour les canaux rectangulaires comme :
!
"Q
"t+ # c k
"Q
"x$ CD
"2Q
"x 2 =0 ou
!
"h
"t+ # c
k
"h
"x$ C
D
"2h
"x 2= 0 (5.38)
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP6
Les propriétés de l’onde diffusive sont schématiquement représentées à la figure 4. Comme
l’onde cinématique, l’onde diffusive migre vers l’aval avec une célérité c’k, défini de la même
manière comme
!
" c k =dQ
dS=U +S
dU
dS> U (5.39)
ce qui peut être développé comme
!
" c k = 3 2U = 3 2C h J f #$h $x( ) , quantifiant clairement les
facteurs qui influencent la célérité.
Contrairement à l’onde cinématique, l’amplitude de l’onde diffusive s’atténue, à cause du terme
supplémentaire –CD∂2h/∂x2 dans l’équation (5.30 vs. 5.38). Le coefficient d’atténuation ou de
dispersion, CD, est défini comme :
!
CD =Q
2BJ e
=" c kh
3 J f #$h $x( ) (5.40)
Notons que la solution simplifiée de l’onde diffusive est une bonne approximation de la solution
des équations complètes de Saint-Venant pour des canaux à faible pente et pour Fr<<1.
2 Les écoulements non permanents rapidement variés
Les équations de Saint-Venant ne sont plus valables pour les écoulements non permanents
rapidement variés. Due à la courbure des lignes de courants, la pression ne reste plus
hydrostatique, ce qui était une hypothèse clé pour la dérivation de l’équation de l’énergie.
Les ondes de translation sont dues aux variations brusques de débit, engendrant des variations
brusques de la profondeur d’eau. Des ondes de translation peuvent être provoquées par la
régulation du débit par une vanne, la manœuvre des écluses, l’exploitation des centrales
hydroélectriques, des tremblements de terre ou des glissements de terrain, la rupture des digues
ou barrages, etc.
On distingue quatre types d’onde de translation (voir Figure 5) : si l’intumescence est provoquée
à l’amont/aval, on parle d’une onde d’amont/aval ; s’il y a une augmentation/diminution du
débit, on parle d’une onde positive/négative.
K. Blanckaert Hydraulique fluviale et aménagement des cours d’eau – Ecoulement non permanent NP7
L’étude des ondes de translation exploite deux principes, qui s’écrivent pour les canaux
rectangulaires comme :
- La conservation de la masse
!
ct ="Q
"S="q
"h=q2 #q1h2 # h1
(5.46)
- Le théorème de quantité de mouvement
!
ct =U1 ± gh1h22h1
"
# $
%
& ' 1+
h2h1
"
# $
%
& ' (5.50)
Notons que la première équation pour la célérité est identique à celle pour les ondes cinématique
et diffusive. La deuxième peut être exprimée comme :
!
ct
=U1
±c h22h
1( ) 1+ h
2h1
( ) avec c la
célérité des ondes de gravité, montrant que la célérité des ondes de translation est supérieure à
celle des ondes de gravité. Comme attendu, pour h2/h11, l’onde de translation se réduit à une
onde de gravité.
Les résultats des équations (5.46) et (5.50) permettent de calculer (par tâtonnement, voir exemple
Ex. 5.D) ct et ∆h=(h2-h1) lorsque U1, h1 et ∆q sont connus.
Figure 5 : Ondes de translation dues à une variation brusque de débit, ∆Q.