Economie Et Societé - Tome I - Max Weber

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Collection dirige par Franois Laurent

MAX WEBER

CONOMIE ET SOCIT1.

LES CATGORIES DE LA SOCIOLOGIE

Traduit de lallemand parJulien Freund, Pierre Kamnitzer, Pierre Bertrand,

ric de Dampierre, Jean Maillard et Jacques Chavysous la direction de :

Jacques Chavy et dric de Dampierre

PLON


Le prsent ouvrage est la traduction deMax Weber, Wirtschaft und Gesellschaft4

(Tbingen, Mohr, 1956)et de

Max Weber, Rechtssoziologie2(Neuwind am Rhein, Luchterhand, 1967)

pour les chapitres I et VII de la seconde partie.

La prsente dition reprend en deux volumes distinctsles deux parties composant le tome premier

dconomie et socit publi par la Librairie Pion en 1971.

Le Code de la proprit intellectuelle nautorisant, aux termes de larticle L. 122-5, (2o et 3oa), dune part, que les copies ou reproductions strictement rserves lusage priv ducopiste et non destines une utilisation collective et, dautre part, que les analyses et lescourtes citations dans un but dexemple et dillustration, toute reprsentation oureproduction intgrale ou partielle faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayantsdroit ou ayants cause est illicite (art. L. 122-4).Cette reprsentation ou reproduction, par quelque procd que ce soit, constituerait doncune contrefaon sanctionne par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propritintellectuelle.

1971, by Librairie Pion. 1995, Pocket pour la prsente dition.

ISBN : 978-2-266-13244-2


A la mmoire de ma mre HlneWeber, ne Fallenstein

1844-1919


AVANT-PROPOSde ldition franaise

La traduction de luvre clbre de Max Weber que nous proposonsici au public a t ralise partir de la quatrime dition allemande, dontla pagination figure ci-aprs entre crochets []. Nous faisons toutefoisexception pour les chapitres I et VII de la seconde partie (sociologie dudroit), dont le manuscrit a t retrouv et publi en 1960, nousfournissant ainsi un texte plus sr. On a donc tenu le plus grand comptedes additions, remaniements, claircissements suggrs par son diteur, leprofesseur Johannes Winckelmann, qui ne nous a pas mnag son aideen attendant la parution de la cinquime dition en prparation.

Toutefois, nous navons pas cru devoir reproduire dans cette ditionfranaise la dernire section du dernier chapitre de la seconde partie,intitule Sociologie de ltat . Cette section, en effet, que Max Webernavait pas rdige avant sa mort, consiste prsent en un assemblagejudicieux de textes emprunts dautres crits de lauteur ; les uns sontdj traduits en franais, les autres le seront dans leur contexte propre.

De mme nous navons pas reproduit lappendice consacr lasociologie de la musique que Marianne Weber avait incorpor ladeuxime dition allemande en 1925 et qui figure dans les ditionsultrieures. Ce texte, qui examine les conditions auxquelles apparat enOccident une musique rationnelle , avait t publi sous formedouvrage spar en 1921 et ne semble pas relever du plan de louvragetel quil a t arrt par Max Weber.

Enfin il convient de dire que cette traduction, laquelle bien des soinsont dj t apports, sera reprise et amliore avec laide de tous ceuxqui voudront bien laccueillir. Il faut savoir cependant que cette pense


forte mais compulsive, avide de qualifications, ne saccommodera jamaisdes rgles usuelles du discours bien tempr.

Bangassou, 14 octobre 1969

RIC DE DAMPIERRE


Extrait de la PRFACE

la quatrime dition allemande

[XI] Luvre capitale de Max Weber ouvrage posthume estpublie ici sous une forme modifie, en dehors du cadre du Grundrider Socialkonomik dont elle devait constituer la troisime section.Lditeur a ralis cette dition en sappuyant sur les principes quil aexposs dans la Zeitschrift fr die gesamte Staatswissenschaft1.Lide directrice en est simple. La premire partie de la grande Sociologie de Max Weber, celle qui expose les conceptsfondamentaux, a vu le jour aprs la Premire Guerre mondiale, de 1918 1920. En revanche, la seconde partie, sauf quelques adjonctionsultrieures, a t compose pour lessentiel avant la guerre, au cours desannes 1911-1913. Lauteur a rvl pour la premire fois lexistence dece premier manuscrit dans la note liminaire de son Essai sur quelquescatgories de la sociologie comprhensive qui date de 19132. Le plande la contribution que Max Weber destinait au Grundri derSozialkonomik, section III : conomie et socit , a t publi parlui le manuscrit, relativement ancien, existait dj dans le tableausynoptique intitul Sommaire de lensemble de louvrage quiaccompagnait les volumes spars de cette uvre collective ; cesvolumes ont commenc paratre partir de 19143. tant donn que lemanuscrit de la partie la plus ancienne na pas subi de remaniementsimportants, nous ne serons pas tonns de voir que ses lmentsconcordent avec le plan primitif. Lide qui a prsid la composition duprsent ouvrage est donc manifeste. Le manuscrit le plus rcentdveloppe la toute premire section du plan en un vaste expos,


inachev, des concepts fondamentaux de la sociologie. Ce plan tabli parMax Weber lui-mme pour son esquisse de sociologie comprhensivesert de base la prsente dition de son uvre ; nous le reproduisonsplus bas pour permettre la comparaison et la matrialiser.

Quelques mots dexplication sont indispensables pour nous justifierdavoir maintenu le titre : conomie et socit. Dans le Sommaire delouvrage , la section III portait le titre gnral d conomie etsocit4 ; elle tait divise en deux grandes sous-sections dont seule lapremire, intitule Lorganisation et les puissances de la socit dansleur rapport avec lconomie5 , devait tre rdige par Max Weber. Enfait, cest ainsi que devait sintituler la contribution de Max Weber auGrundri der Sozialkonomik, qui contient sa grande Sociologie .Malgr cela, la dernire uvre, et la plus tendue, de Max Weber estdevenue clbre dans le monde entier sous le titre dconomie etsocit. En effet, la page de titre dfinitive, modifie, de la premiredition montre quon avait renonc incorporer [XII] la secondecontribution la section III, intitule ds lors : IIIe section, conomie etsocit, par Max Weber . En consquence, depuis sa parution en1922, la contribution de Max Weber occupe toute la section III sous leseul titre : conomie et socit6. Deux raisons dcisives militent enfaveur du maintien de ce titre alors que luvre est publie isolment,indpendamment de louvrage collectif dont elle faisait partie. Dun pointde vue objectif, il est dterminant qu lavenir la masse la plusimportante de luvre, toute la seconde partie, pose le titre : Lorganisation et les puissances de la socit dans leur rapport aveclconomie ; on a fait prcder cette seconde partie dune premire,consacre aux concepts fondamentaux de la sociologie, rdige plus tardpar Max Weber, et laquelle il na pas donn de titre ; le titre conomie et socit se rvle objectivement comme des plusappropris pour runir ces deux parties. Dautre part, ds le dbut, cestce titre qui a t utilis pour la sociologie de Max Weber, cest sous cette


forme et non sous une autre quon a lhabitude de sy rfrer. Nousreproduisons ci-aprs, surmonte du titre de la section, la fraction du planprimitif qui concerne la contribution de Max Weber.

CONOMIE ET SOCITLorganisation et les puissances de la socit

dans leur rapport avec lconomie

1. Catgories de lorganisation socialeconomie et droit dans leurs rapports principauxRelations conomiques des groupements en gnral

2. Communaut domestique, oikos et entreprise3. Groupement de voisinage, tribu et commune4. Relations communautaires ethniques5. Communauts religieuses

Condition de classe des religions ; grandes religions et mentalitconomique

6. La communalisation du march7. Le groupement politique

Les conditions du dveloppement du droit. Ordres, classes, partisLa nation

8. La dominationa) Les trois types de domination lgitimeb) Domination politique et hirocratiquec) La domination non lgitime

Typologie des villesd) Le dveloppement de ltat modernee) Les partis politiques modernes


A maints gards, larticulation de la prsente dition scarteapparemment du plan primitif de Max Weber. Les deux liasses demanuscrits posent chacune un problme diffrent. Les manuscrits les plusrcents dveloppent une typologie des concepts, tandis que les plusanciens exposent les relations et les volutions sociologiques. La premirelivraison dconomie et socit, la seule publie par Max Weber lui-mme, donnait le dbut inachev de lexpos conceptuel ; celui-ci taitdfini comme constituant une premire partie, ce qui est soulign tant parde frquents renvois des exposs particuliers ultrieurs que par lesremarques de la seconde partie sur une sociologie gnrale7 ,diffrente des exposs particuliers. En consquence, la nouvelle dition at divise en deux parties : les Concepts fondamentaux de lasociologie , et les exposs descriptifs qui portent pour titre gnral : Lorganisation et les puissances de la socit dans leur rapport aveclconomie8 .

[XIII] La premire partie reproduit sans changement le texte de lapremire livraison procur par Max Weber. Les sous-titres de MaxWeber, qui sont les articulations du texte, ont t galement utilisscomme, sommaires des sections et les esquisses dune typologie desordres, retrouves dans les papiers de lauteur, ont t ajoutes enannexe, page 397. La seconde partie reproduit matriellement le textedes manuscrits les plus anciens dans lordre correspondant au plan initialde Max Weber ; toutefois elle en diffre sur quatre points.Conformment aux ditions prcdentes, les deux sous-sections dunumro 1 sont devenues chacune un chapitre indpendant, les numros 2et 3 ont t runis en un seul chapitre, de mme que la sociologie dudroit, qui existait sous une forme complte et indpendante, a t placeavant le reste du chapitre correspondant au numro 7 du plan. Nosditions prcdentes ne faisaient que traduire ltat du manuscrit.Dernire divergence avec le plan primitif de Max Weber : les sections det e du numro 8 prvoyaient dabord une tude spare de lvolution


de ltat et des partis modernes. Mais dautre part, dans la section surles Concepts fondamentaux , quil a publie en 1920, Max Weberrelgue dans la sociologie de ltat la description de la structure et desfonctions des partis9. De plus, tant donn que les parlementscaractrisent le type de l tat lgal moderne constitutionreprsentative et Max Weber les traite par consquent en organes deltat et que, cependant, les parlements ne peuvent tre expliqus sansfaire intervenir les partis10, il semble impossible dtudier sparment lesstructures modernes de ltat, des partis et des parlements. Les expossconcernant ltat rationnel, le parlement et les partis ont t, enconsquence, runis dans une section du chapitre consacr lasociologie de la domination. Au vu des propres explications de lauteur,on peut considrer que sur ces quatre points Max Weber avaitabandonn son plan primitif.

La distribution de la seconde partie a t remanie suivant lespropositions mries de lditeur. Les titres antrieurs et les sommairesdes chapitres et des sections ont subi un certain nombre de modificationsdans la mesure o une nouvelle disposition, en accord avec le planprimitif, tait ncessaire, et chaque fois que de toute vidence il convenaitde les adapter au rsum des matires ; dautre part, leur libell scarteparfois de celui du plan afin de les mettre en accord plus troit avec letexte. En outre, certains titres ont t rdigs de faon plus prcise quelauteur de ces lignes ne lavait propos auparavant. Ceci vaut pour la 8esection du chapitre IX dont le titre, dans sa concision bien wbrienne, at rtabli conformment au plan primitif, dautant plus que, suivant lesindications authentiques de Max Weber reprises dans la section IX,aucun doute ne peut subsister quand au sens quil donne la catgorie de domination non lgitime ; celle-ci est dabord apparue dans lacivilisation du Moyen ge occidental avec ltablissement politique desvilles en tant que chose publique libre non pas libre au sens delibration de la domination violente, mais au sens dabsence dun pouvoir


princier dcoulant dune tradition lgitime (consacre le plus souventreligieusement) comme source exclusive de lautorit.

Pour ce qui est de lblissement du texte, nous avons repris celui desditions prcdentes, abstraction faite des modifications que nous avonssignales plus haut, concernant larticulation, les titres et les sommaires. Ilnen a pas moins t soumis une rvision minutieuse. Toutes les fautesdimpression manifestes [XIV] et parfois les inadvertances du manuscritont t limines en recourant parfois aux sources. Les correctionsproposes par Otto Hintze11 ont t reprises, lexception de quelques-unes. Hormis corrections ncessaires, le texte na pas t modifi. Dansla 6e section (inacheve) du chapitre IX de la seconde partie, nous avonsprocd en trois endroits des interversions de texte afin den assurerune articulation plus concluante. []

Les nombreux termes trangers emprunts par Max Weber lindianisme, lorientalisme et lethnologie ont t vrifis, nous enremercions ceux qui ont bien voulu sen charger sans mnager leur peine :le pasteur Dr Ernst L. Dietrich (Wiesbaden), le professeur D. OttoEifeld (Halle), le professeur Dr Helmuth von Glasenapp (Tbingen), leprofesseur Dr Hellmut Ritter (Frankfurt am Main), ainsi que le professeurDr Franz Termer (Hamburg). Nous remercions galement le professeurDr Carl Schmitt (Plettenberg), le professeur Dr Rolf Stdter (Hamburg),et feu le professeur Dr Carl Brinkmann (Tbingen) pour leursclaircissements de certains termes particuliers. [] Seule laidedsintresse de tous ceux que nous venons de nommer a permisltablissement dun texte sr de luvre posthume de Max Weber. Mareconnaissance sadresse aussi, et non en dernier lieu, lditeur Hans G.Siebeck qui a accept les modifications fondamentales que je lui aiproposes et ma confi la ralisation de louvrage, ainsi qu lagnreuse collaboration de sa maison ddition au cours de lexcutionde notre tche commune.

On na pu recourir au manuscrit dconomie et socit ; il est


introuvable, et peut-tre faut-il le considrer comme perdu. Si on leretrouve un jour, une nouvelle rvision du texte montrera si les variantes,les conjectures diverses proposes ainsi que les titres des chapitres et dessections de la seconde partie doivent tre ou non conservs. Il se peutaussi que lon constate des lacunes dans le texte imprim jusquici. []

Tous les efforts que nous avons consacrs tablir le textedconomie et socit ne peuvent dissimuler le fait que Max Weber estmort sans avoir termin sa grande Sociologie . Ceci vaut pour le plangnral et pour les morceaux non excuts de la premire et de laseconde partie nous parlons en particulier, pour cette seconde partie,de la sociologie de ltat et de lexpos de la thorie des rvolutions12.Mais cela est tout aussi vrai si lon considre que Max Weber na puintroduire les concepts fondamentaux de la premire partie auxquels iltait parvenu en 1918 dans le reste du manuscrit qui reflte encore ltatde sa pense telle quelle est exprime dans l Essai sur quelquescatgories de la sociologie comprhensive , datant de 191313. Lesexposs de ce dernier essai sont donc toujours sous-entendus dans toutela seconde partie aux lieu et place de la typologie des concepts de lapremire partie. Seul donc peut tre donn ici le cadre de la conceptiongnrale, dans la mesure o il a t rempli. Dans les limites ainsi dfinies,nous esprons toutefois avoir russi donner un texte bien articulclairant comme un tout significatif la structure interne de luvre et sonordonnance conceptuelle. Nous aurons alors atteint notre but, qui tait deprocurer une dition nouvelle plus lisible, ouvrant un accs plus facile ladmarche de pense de lauteur, tout en permettant une comprhensionaccrue pour la plus grande utilit de la recherche, de lenseignement et dela culture.

Oberursel, t 1955

JOHANNES WINCKELMANN


PRFACE la premire dition allemande

[XVIII] Ldition de cette uvre capitale posthume de lauteur na past sans prsenter certaines difficults. Il nexistait aucun plan gnral. Leplan primitif esquiss aux pages X et XI du premier volume du Grundrider Sozialkonomik donnait certes des repres, mais il ne faisait pas tatde points essentiels. La squence des chapitres a donc d tre dcidepar lditrice et ses collaborateurs. Quelques paragraphes taientinachevs et ont d le rester. Le sommaire des chapitres ntait tabli quepour la Sociologie du droit . Certains exemples destins clairer desprocessus typiques importants, de mme que quelques thsesparticulirement significatives, sont rpts plusieurs reprises, mais bienentendu chaque fois sous un clairage diffrent. Il se peut que lauteur enaurait limin quelques-uns sil lui avait t donn de rviser lensemblede son uvre. Lditrice ne sy est crue autorise quen de raresendroits. Les typographes ont eu un grand mrite dchiffrer lemanuscrit ; en particulier, la lecture des nombreux termes techniquestrangers se rapportant des institutions, et autres, extrieures lEuropea fait lobjet de bien des doutes et de bien des enqutes, et il est fortpossible que, malgr laide amicale drudits appartenant diversesdisciplines, certaines improprits aient pu nous chapper.

Heidelberg, octobre 1921

MARIANNE WEBER


ABRVIATIONS

WG4 Wirtschaft und Gesellschaft, quatrime dition (1956).WL2 Gesammelte Aufstze zur Wissenschaftslehre, deuxime

dition (1951).RS Gesammelte Aufstze zur Religionssoziologie, I, quatrime

dition (1947) ; II et III, deuxime dition (1923).SWG Gesammelte Aufstze zur Sozial- und Wirtschaftsgeschichte

(1924).SSP Gesammelte Aufstze zur Soziologie und Sozialpolitik

(1924).PS2 Gesammelte politische Schriften, deuxime dition (1958).

A ces ouvrages de Max Weber, publis Tbingen chez J. C. B.Mohr (Paul Siebeck), il faut ajouter :

W2 Wirtschaftsgeschichte, deuxime dition (Berlin, Dunker &Humblot, 1924).

MS Die rationalen und soziologischen Grundlagen der Musik(Berlin, Drei Masken Verlag, 1921 ; deuxime dition, 1924).


LES CATGORIES DE LA SOCIOLOGIE


CHAPITRE PREMIER

Les concepts fondamentaux de la sociologie

[1] REMARQUE PRLIMINAIRE. La mthode de cette introduction,consacre la dfinition de concepts dont il est difficile de se passer, bienquelle soit invitablement abstraite et quelle fasse leffet dtre trangreau rel, ne prtend daucune manire la nouveaut. Elle na au contrairedautre ambition, nous lesprons, que de formuler en un langage plusappropri et un peu plus correct (pour cette raison elle fera peut-treleffet dtre pdante) ce que toute sociologie empirique entendeffectivement quand elle parle des mmes choses. Il en est galementainsi l o nous utilisons des expressions apparemment inhabituelles ounouvelles. Par rapport ltude publie dans Logos (IV, 1913, p. 253[WL2 427 sqq.] la terminologie a t simplifie autant que faire se pouvaitet modifie pour cette raison maintes reprises, afin dtre compriseaussi facilement que possible. Lexigence de la vulgarisation tout prix nesaurait, certes, se concilier toujours avec lexigence de la rigueurconceptuelle la plus grande possible et elle doit le cas chant sendispenser.

Pour la notion de comprendre , voir lAllgemeinePsychopathologie de K. Jaspers (certaines remarques de Rickert dansla deuxime dition des Grenzen der naturwissenschaftlichenBegriffsbildung [1913, 514-523] et surtout de Simmel dans Problemender Geschichtsphilosophie ont galement leur place ici). Pour lamthode, je renvoie galement ici, comme je lai dj souvent fait, lamanire dont Gottl procde dans Die Herrschaft des Worts , livreparfois rdig de manire difficilement intelligible et dont les ides ne sontsans doute pas toujours compltement labores. Pour des raisons


pratiques je renvoie avant tout au beau livre de F. Tnnies,Gemeinschaft und Gesellschaft. De plus, louvrage de R. Stammler,Wirtschaft und Recht nach der materialistischenGeschichtsauffassung, qui risque dgarer singulirement le lecteur, et la critique que jen ai faite dans lArchiv fr Sozialwissenschaft XXIV(1907) [WL2 291 sqq.], qui contient dj sous beaucoup de rapports lesfondements des dveloppements qui suivent. Je mloigne de la mthodede Simmel (expose dans sa Soziologie et sa Philosophie des Geldes)en sparant nettement sens vis et sens objectivement valable queSimmel non seulement ne distingue pas toujours mais confond souventintentionnellement.

1. Notion de la sociologie et du sens de lactivit sociale.

Nous appelons sociologie (au sens o nous entendons ici ce termeutilis avec beaucoup dquivoques) une science qui se propose decomprendre par interprtation [deutend verstehen] lactivit sociale etpar l dexpliquer causalement [urschlich erklren] son droulement etses effets. Nous entendons par activit [Handeln] un comportementhumain (peu importe quil sagisse dun acte extrieur ou intime, duneomission ou dune tolrance), quand et pour autant que lagent ou lesagents lui communiquent un sens subjectif. Et par activit sociale ,lactivit qui, daprs son sens vis [gemeinten Sinn] par lagent ou lesagents, se rapporte au comportement dautrui, par rapport auquelsoriente son droulement.

A. Fondements mthodologiques.


1. La notion de sens veut dire ici ou bien (a) le sens vissubjectivement en ralit, ) par un agent dans un cas historiquementdonn, ) en moyenne ou approximativement par des agents dans unemasse donne de cas, ou bien (b) ce mme sens vis subjectivementdans un pur type construit conceptuellement par lagent ou les agentsconus comme des types. Ce nest donc pas un sens quelconqueobjectivement juste ni un sens vrai labor mtaphysiquement.Cest en cela que consiste la diffrence entre les sciences empiriques [2]de lactivit, comme la sociologie et lhistoire, et toutes les sciencesdogmatiques, telles que la juristique, la logique, lthique et lesthtiquequi cherchent explorer le sens juste et valable de leurs objets.

2. La frontire entre une activit significative [sinnhaftes Handeln] etun comportement (que jappellerait ici) simplement ractionnel, parce quenon associ un sens vis subjectivement, est absolument flottante. Unepart trs considrable de lensemble des comportementssociologiquement importants, en particulier lactivit purementtraditionnelle (voir plus loin), se situe aux limites des deux. Dans denombreux cas de processus psycho-physiques on ne trouve mme jamaisdactivit significative, cest--dire comprhensible ; dans dautres, ellenapparat quaux spcialistes ; les phnomnes mystiques, qui de ce faitne sont pas adquatement communicables par les mots, ne sont pasentirement comprhensibles celui qui est rfractaire ce genredexprience. Par contre, la capacit de reproduire soi-mme une activitdautrui analogue ne constitue pas comme telle une condition de lacomprhensibilit [Verstehbarkeit] : Il nest pas besoin dtre Csarpour comprendre Csar. La possibilit de revivre entirement estimportante pour lvidence propre la comprhension, mais elle nestpas une condition absolue de linterprtation significative [Sinndeutung].Les lments comprhensibles et non comprhensibles dun processussont souvent emmls et lis.

3. Toute interprtation, comme en gnral toute science, tend vers


lvidence. Lvidence propre la comprhension peut avoir ou bien uncaractre rationnel (et dans ce cas elle peut tre logique oumathmatique) ou bien le caractre de ce que lon peut revivre parempathie, cest--dire tre de nature motionnelle ou esthtico-rceptive.Est rationnellement vident dans la sphre de lactivit, avant tout, ce quiest compris [das Verstandene ] de manire entirement et clairementintellectuelle quant ses relations significatives vises. Est vident parempathie dans une activit ce qui est revcu [das Nacherlebte]pleinement quant ses relations affectives vcues. Ce sont avant toutles relations significatives se rapportant les unes aux autres, comme lespropositions mathmatiques ou logiques, qui sont au plus haut degrrationnellement comprhensibles, ce qui veut dire ici apprhensiblesimmdiatement et de faon univoque dans leur signification intellectuelle.Nous comprenons de faon absolument univoque ce que veut diresignificativement lacte de celui qui, par la pense ou au cours dunedmonstration, utilise la proposition 2 2 = 4 ou bien le thorme dePythagore, ou encore qui effectue correctement daprs noshabitudes de penser un raisonnement logique. Il en est de mme quand,au cours de son activit, il tire partir de faits dexprience qui noussemblent connus et de fins donnes les consquences qui, eu gard la nature des moyens employs, en rsultent de faon univoque (daprsnotre exprience). Toute interprtation dune activit en finalit[Zweckhandeln], qui est oriente rationnellement en ce sens, possde en ce qui concerne la comprhension des moyens employs le plushaut degr dvidence. Nous comprenons galement, non avec la mmevidence, mais avec une vidence suffisante pour notre besoindexplication, ces sortes d erreurs (y compris la confusion desproblmes ) que nous sommes nous-mmes ports commettre, ou leserreurs dont la gense peut venir par empathie notre conscience claire.Par contre, trs souvent, nous ne sommes pas capables de comprendreavec une entire vidence maintes fins ultimes et valeurs daprs


lesquelles lactivit dun individu peut sorienter empiriquement, mais lecas chant nous pouvons les saisir intellectuellement, encore que nousayons alors dautant plus de mal les rendre comprhensibles parreviviscence, grce limagination empathique, quelles scarteront plusradicalement de nos propres valuations ultimes. Nous sommes alorsobligs, suivant les cas, de nous contenter de les interprterintellectuellement ou encore, le cas chant, si cette interprtation estelle aussi dfaillante, de les accepter tout simplement comme des donneset chercher ensuite rendre comprhensible, sur la base des indicationsquon aura autant que possible interprtes intellectuellement ou essayautant que possible de revivre approximativement par empathie, ledroulement de lactivit quelles ont motiv. De nombreusesmanifestations religieuses ou caritatives, de virtuoses par exemple,appartiennent cette catgorie pour celui qui est inaccessible cesexpriences. Il en est de mme des fanatismes du rationalisme extrme(par exemple celui des Droits de lhomme ) pour celui qui a en parfaitehorreur cette tendance. Nous sommes dautant plus capables derevivre avec une vidence motionnelle les affects [Affekte] actuels (telsla peur, la colre, lorgueil, lenvie, la jalousie, lamour, lenthousiasme, lafiert, la soif de vengeance, la pit, le dvouement, les dsirs de toutesorte) ainsi que les ractions irrationnelles (considres videmment dupoint de vue de lactivit rationnelle en finalit) qui en dcoulent, que nousy sommes nous-mmes davantage accessibles. Quoi quil en soitcependant, il nous est du moins possible de les comprendresignificativement par empathie et de peser intellectuellement leur influencesur la tendance et les moyens de lactivit, mme si par leur intensit ilsdpassent absolument nos propres possibilits.

Pour ltude scientifique qui construit des types [typenbildende], lafaon la plus pertinente danalyser et dexposer toutes les relationssignificatives irrationnelles du comportement, conditionnes parlaffectivit et exerant une influence sur lactivit, consiste les


considrer comme des dviations [Ablenkungen] dun droulementde lactivit en question, construit sur la base de la pure rationalit enfinalit. Pour expliquer une panique la Bourse par exemple, ontablira dabord de faon approprie comment lactivit se seraitdroule sans linfluence daffections irrationnelles et lon enregistreraensuite ces lments irrationnels comme des perturbations [Strungen]. De mme, propos dune entreprise militaire ou politique,on tablira dabord de faon approprie comment lactivit se seraitdroule si les acteurs avaient eu connaissance de toutes lescirconstances et de toutes les intentions des participants [3] et silsavaient choisi les moyens selon la stricte rationalit des fins en sorientantdaprs les rgles de lexprience qui nous apparaissent comme valables.Ce nest quainsi quil est possible ensuite dimputer causalement lesdviations aux lments irrationnels qui les ont conditionnes. Grce son vidente comprhensibilit et son univocit [Eindeutigkeit] corollaire de sa rationalit la construction dune activit strictementrationnelle en finalit sert, dans ces cas, de type [Idealtypus] lasociologie, afin de comprendre lactivit relle, influence par desirrationalits de toute sorte (affections, erreurs), comme une dviation par rapport au droulement quil aurait fallu attendre dans lhypothsedun comportement purement rationnel.

C est dans cette mesure et uniquement pour ces raisons deconvenance mthodologique que la mthode de la sociologie comprhensive est rationaliste . Il ne faut donc videmment pasentendre ce procd comme un prjug rationaliste quimpliquerait lasociologie, mais seulement comme un moyen mthodologique, et, parconsquent il ne faudrait pas linterprter inexactement au sens dunecroyance en la prdominance effective du rationnel dans la vie humaine.En effet, il ne saurait le moins du monde dire jusqu quel point dans laralit les valuations rationnelles en finalit dterminent ou non lactiviteffective (nous ne nierons cependant pas que le danger dinterprtations


rationalistes illgitimes continue subsister, ainsi que toute lexprience necesse malheureusement de le confirmer).

4. Pour toutes les sciences de lactivit les processus et les objetstrangers une signification [sinnfremd] entrent en ligne de comptecomme occasion, rsultat, lment qui favorise ou entrave lactivithumaine. Mais tranger une signification nest pas identique inanim ou non humain . Tout objet artificiel, une machine parexemple, est susceptible dtre interprt et compris partir du sens quelactivit humaine (dont il se peut que les directions soient trs diverses) aattribu (ou a voulu attribuer) la fabrication et lutilisation de cetobjet ; si lon ne se reporte pas ce sens, la machine reste totalementincomprhensible. Ce qui y est par consquent comprhensible, cest lefait dy rapporter lactivit humaine, soit comme moyen , soit comme fin que lagent ou les agents se sont reprsents et daprs lesquels ilsont orient leur activit. Cest uniquement dans ces catgories quunecomprhension de cette sorte dobjets a lieu. Par contre, restenttrangers une signification tous les processus ou tats quils soientinanims, anims, humains ou extra-humains qui nont aucun contenusignificatif vis, pour autant quils nentrent pas en rapport avec lactivitcomme moyen ou fin et jouent seulement le rle doccasion,dlment favorisant ou entravant cette activit. Leffondrement duDollart en 1277 a (peut-tre !) une importance historique , parce quila dclench des processus historiquement considrables detransplantation des populations. Le rythme de la mortalit et en gnral lecycle organique de la vie humaine, compris entre lincapacit de lenfantet limpotence du vieillard, ont naturellement une porte sociologique depremire importance, en raison des diverses manires dont lactivithumaine sest oriente et soriente daprs cet tat de choses. Parailleurs, il existe une autre catgorie de phnomnes de ce genre, ce sontles observations exprimentales non comprhensibles concernant ledveloppement de phnomnes psychiques ou psychophysiques (comme


la fatigue, lexercice, la mmoire, etc., ou encore les euphories typiquesque suscitent certaines formes de mortifications, ou enfin les variationstypiques de certaines ractions quant leur rythme, leur modalit, leurprcision, etc.). En fin de compte, il en est de ces faits comme des autresdonnes incomprhensibles : de mme que lindividu qui agitpratiquement, ltude comprhensive les considre comme de simples data avec lesquels il faut compter.

Si peu que ce soit le cas jusqu prsent, il est possible qu lavenir larecherche dcouvre aussi des rgularits incomprhensibles dans uncomportement significativement diffrenci [besondertes Verhalten]. Acondition et pour autant que lon apporte la preuve statistiquementconcluante de leur influence sur le mode de comportementsociologiquement important, en particulier sur la nature de leur rapportsignificatif pour lactivit sociale, la sociologie sera alors oblige deprendre en considration des faits tels que les diffrences provenant delhrdit biologique (la race par exemple) au titre de donnes, toutcomme elle tient dj compte de certains phnomnes physiologiques telsque la nature de lalimentation et linfluence de la snescence surlactivit. La reconnaissance de leur importance causale ne modifieraitvidemment en rien les tches de la sociologie (ni en gnral celle dessciences qui soccupent de lactivit humaine), savoir comprendre parinterprtation les actions orientes significativement. Elle intercaleraitseulement, en certains points, au sein de lensemble des motifs que lonpeut interprter de faon comprhensible, un certain nombre de faitsincomprhensibles (par exemple elle introduirait, dans lensemble desrelations typiques dues la frquence de certaines directions de lactivitou au degr de la rationalit typique de celle-ci, des lments commelindice cphalique, la couleur de la peau ou dautres sortes decaractristiques physiologiques hrditaires). Elle le fait dj, commenous lavons vu plus haut.

5. La comprhension peut signifier dune part la comprhension


actuelle [aktuelles Verstehen] du sens vis dans un acte (y compris uneexpression). Nous comprenons par exemple le sens de la proposition2 2 = 4 que nous entendons ou lisons (comprhension actuellerationnelle [4] dides) ou un clat de colre qui se manifeste par unemimique, des interjections et des mouvements irrationnels(comprhension actuelle irrationnelle daffections) ou le comportementdun bcheron ou dune personne qui saisit une clenche pour fermer uneporte ou dune personne qui met un animal en joue (comprhensionactuelle rationnelle dactes). Elle peut galement signifier dautre partune comprhension explicative [erklrendes Verstehen]. Nous comprenons , parce que nous saisissons la motivation[motivationsmssig], le sens quune personne a associ la proposition2 2 = 4 quelle prononce ou quelle a crite, cet instant prcis et dansce contexte, si nous la voyons plonge dans une comptabilitcommerciale, dans une dmonstration scientifique, dans un calcultechnique ou autre acte de ce genre, ensemble dans lequel, daprs sonsens qui nous est comprhensible, entre la proposition en question,cest--dire acquiert une relation significative qui nous est comprhensible(comprhension rationnelle par motivation). Nous comprenons lemouvement du bcheron ou lacte dpauler un fusil non seulementactuellement mais dans sa motivation, si nous savons que le bcheronaccomplit son acte soit pour gagner sa vie, soit pour ses besoinspersonnels, soit pour des raisons de sant (forme rationnelle), ou bien parexemple parce que, nerv, il abragit (forme irrationnelle) ; de mmenous comprenons le geste de la personne qui paule un fusil si noussavons quelle fait cet acte soit pour fusiller quelquun sur ordre, soit pourcombattre des ennemis (forme rationnelle) ou bien par vengeance (formeaffectuelle, et par consquent irrationnelle en ce sens). Nous comprenonsenfin dans sa motivation une colre si nous savons quelle a pour origineune jalousie, une vanit maladive, un honneur bless (donc si elle estconditionne affectuellement : forme irrationnelle par motivation). Dans


tous ces cas nous avons affaire des ensembles significatifs[Sinnzusammenhnge] comprhensibles, et nous considrons leurcomprhension comme une explication [Erklren] du droulementeffectif de lactivit. Pour une science qui soccupe du sens de lactivit, expliquer signifie par consquent la mme chose quapprhenderlensemble significatif auquel appartient, selon son sens vissubjectivement, une activit actuellement comprhensible (pour plus derenseignements sur la signification causale de cette explication , voirinfra 6). Dans tous ces cas, mme lorsquil sagit de processus affectifs,nous dsignons par sens vis le sens subjectif du devenir[Geschehen], y compris lensemble significatif (nous nous cartons doncde lusage usuel qui nemploie habituellement la notion de viser [Meinen] en ce sens que dans les cas dune activit rationnelle etintentionnellement oriente vers une fin).

6. Dans tous ces cas, comprendre signifie saisir par interprtationle sens ou lensemble significatif vis (a) rellement dans un cas particulier(dans une tude historique par exemple), (b) en moyenne ouapproximativement (dans ltude sociologique des masses par exemple),(c) construire scientifiquement (sens idaltypique ) pour dgager letype pur (idal-type) dun phnomne se manifestant avec une certainefrquence. Les concepts ou les lois qutablit la pure thorie delconomie politique constituent par exemple des constructionsidaltypiques de ce genre. Elles dcrivent comment une activit humaine,dune nature dtermine, se droulerait, si elle sorientait de faonrigoureusement rationnelle en finalit, en dehors de toute perturbationprovenant derreurs ou daffects, et si en outre elle sorientait de faonentirement univoque daprs une seule fin (lconomie). Ce nest quende trs rares cas (celui de la Bourse), et encore de faon approximative,que lactivit relle se droule telle quelle est construite dans lidaltype.Sur lutilit de telles constructions, voir lArchiv fr Sozialwissenschaft ,XIX, p. 64 sqq. [WL2 190] et infra 11.


Toute interprtation tend, certes, vers lvidence. Mais uneinterprtation significative, si vidente soit-elle, ne peut pas encorecomme telle et en vertu de ce caractre dvidence prtendre tre uneinterprtation valable du point de vue causal. Elle nest jamais en elle-mme quune hypothse causale particulirement vidente, a) Des motifsinvoqus et des refoulements (ce qui veut dire dabord des motifs nonavous) dissimulent trop souvent lagent mme lensemble rel danslequel saccomplit son activit, tel point que les tmoignages, mme lesplus sincres subjectivement, nont quune valeur relative. La tche quiincombe alors la sociologie est de dcouvrir cet ensemble et de ledterminer par interprtation, bien que lon nait pas pris conscience, oule plus souvent insuffisamment, du sens vis in concreto : cest l uncas limite de linterprtation significative, b) Certains processus externesde lactivit qui nous apparaissent comme semblables ou analogues peuvent avoir pour fondement, du ct de lagent ou desagents, des ensembles significatifs extrmement divers ; et nous comprenons aussi une activit qui dvie trs fortement et qui souventva significativement dans le sens oppos aux situations que nousregardons comme similaires (Simmel en donne des exemples dans sesProblemen der Geschichtsphilosophie) . c) Face des situationsdonnes, les agents sont trs souvent anims par des tendancesopposes, se combattant mutuellement, que nous comprenons toutes.Nous savons par exprience que dans de trs nombreux cas nous nesommes pas en mesure dapprcier, pas mme approximativement, avecune entire rgularit, mais sans certitude, la force relative avec laquellesexpriment dordinaire dans lactivit les diverses relations significativesqui saffrontent dans le conflit des motifs , bien quelles nous soient lesunes et les autres galement comprhensibles. Seule la tournure priseeffectivement par le conflit nous fournit des claircissements ce sujet.Tout comme pour toute autre hypothse, il est indispensable de contrlerlinterprtation significative comprhensible par le rsultat, cest--dire la


tournure prise par le droulement rel de lactivit. On ny parvient avecune relative exactitude que dans les cas, malheureusement trs rares, [5]qui sy prtent en raison de leur nature particulire, danslexprimentation psychologique. On y arrive aussi avec uneapproximation extrmement variable, grce la statistique, dans les cas(galement limits) de phnomnes collectifs dnombrables et univoquesdu point de vue de leur imputation. Pour le reste il nexiste dautrepossibilit que la comparaison de processus aussi nombreux que possiblede la vie historique et journalire qui sont semblables en tout, maisdiffrent sur un unique point, celui du motif ou facteur dontlimportance pratique fait chaque fois lobjet de la recherche : cest l unetche importante de la sociologie compare. Lorsque nous voulons faireune imputation causale il ne nous reste malheureusement souvent que lemoyen incertain de l exprience mentale , cest--dire imaginer lasuite possible dlments singuliers de la chane des motifs et construire lecours des choses probable en ce cas.

La prtendue loi de Gresham , par exemple, est une interprtationrationnellement vidente de lactivit humaine dans des conditionsdonnes et sous la prsupposition idaltypique dune activit purementrationnelle en finalit. Pour savoir dans quelle mesure on agit rellementen conformit avec cette loi, il ny a que lexprience (qui finalement doiten principe sexprimer dune manire ou dune autre sous une forme statistique ) qui puisse nous renseigner sur la disparition effective de lacirculation des espces de monnaie dont lvaluation est chaque fois tropinfrieure par rapport au systme montaire : de fait, elle confirme lavalidit considrable de cette loi. En vrit, le cheminement de laconnaissance a t le suivant : les observations dordre exprimental ontprcd linterprtation qui en a permis la formulation. Sans cetteinterprtation russie [gelungene], notre besoin causal seraitmanifestement insatisfait. Sans la confirmation par preuve, en outre, quele dveloppement de ce comportement infr admettons-le en pense


est effectivement intervenu, dans une mesure quelconque, une telle loi, sividente quelle puisse tre en soi, ne constituerait pour la connaissancede lactivit effective quune construction sans valeur. Dans cet exemple,la concordance entre ladquation significative et la vrification parlexprience est absolument concluante et les cas sont suffisammentnombreux pour quon admette que la preuve est suffisamment tablie.Lhypothse ingnieuse dEduard Meyer, significativement raisonne etappuye sur des vnements symptomatiques (comportement des oracleset prophties hellniques lgard des Perses), pour expliquercausalement limportance que les batailles de Marathon, Salamine etPlates ont eue pour le dveloppement singulier de la civilisation grecque(et par l de la civilisation occidentale), ne saurait tre corrobore quepar la preuve quon peut tirer de lexemple du comportement des Persesen cas de victoire (sur Jrusalem, en Egypte et en Asie Mineure) ; aussine peut-elle que rester ncessairement imparfaite beaucoup dgards.Lvidence rationnelle considrable de lhypothse doit ncessairementvenir ici en appui. Dans de trs nombreux cas o limputation causalehistorique parat trs vidente, toute possibilit dapporter une preuvetelle quon a pu le faire dans le cas prcdent fait dfaut ; aussilimputation garde-t-elle dfinitivement le caractre dune hypothse .

7. Nous appelons motif un ensemble significatif qui sembleconstituer aux yeux de lagent ou de lobservateur la raison significative dun comportement. Nous appellerons significativementadquat un comportement qui se dveloppe avec une telle cohrenceque la relation entre ses lments est reconnue par nous commeconstituant un ensemble significatif typique (nous disons dordinaire juste ), suivant nos habitudes moyennes de penser et de sentir. Parcontre nous appellerons causalement adquate une succession deprocessus dans la mesure o, suivant les rgles de lexprience, il existeune chance quelle se droule en ralit constamment de la mmemanire. Est par exemple significativement adquate, suivant notre


terminologie, la solution dune opration arithmtique qui est justedaprs les normes courantes du calcul et du raisonnement. Estcausalement adquate dans les limites de lvnement statistique laprobabilit queffectivement, suivant les rgles prouves de lexprience,on considrera une solution comme juste ou fausse sur la base desnormes qui nous sont aujourdhui familires ; il peut donc sagirgalement dune erreur de calcul typique et dune confusion deproblmes typique. Lexplication causale signifie donc quon tablitque, suivant une rgle de probabilit valuable dune manire ou duneautre ou bien, dans le cas idal plutt rare , exprimablenumriquement, un vnement dtermin (interne ou externe) quon aobserv succdera un autre vnement dtermin (ou quil apparatra enmme temps que lui).

Une interprtation causale juste dune activit concrte signifie quele droulement extrieur et le motif sont reconnus comme se rapportantlun lautre et comprhensibles significativement dans leur ensemble.Une interprtation causale juste dune activit typique (type dactecomprhensible) signifie que lon peut tablir que le droulement delactivit reconnue comme typique est aussi bien significativement adquat( un degr quelconque) que causalement adquat ( un degrquelconque). Ladquation significative fait-elle dfaut, nous ne sommesplus en prsence que dune simple probabilit statistique noncomprhensible (ou seulement imparfaitement comprhensible), mme sila rgularit du droulement (externe aussi bien que psychique) se laisseexprimer de faon prcise avec la plus grande probabilit numrique.Dun autre ct, ladquation significative, ft-elle la plus vidente, neconstitue pour la porte des recherches sociologiques un nonccausalement juste qu la condition quon puisse apporter la preuve quilexiste une chance quelconque [6] (plus ou moins dterminable) indiquantque lactivit adopte ordinairement de fait (en moyenne ou dans le cas pur ), avec une frquence ou une approximation dterminables, la


direction du droulement qui semble significativement adquat. Seules lesrgularits statistiques qui correspondent un sens vis comprhensibledune activit sociale constituent des types dactes comprhensibles (ausens de notre terminologie), cest--dire des rgles sociologiques .Seules les constructions rationnelles dune activit significativecomprhensible constituent des types sociologiques du devenir rel quelon peut observer dans la ralit au moins avec une certaineapproximation. Cela ne tient pas, tant sen faut, au fait que la chanceeffective de la frquence du droulement qui y correspond saccrotraittoujours paralllement ladquation significative quil est possibledinfrer. Seule lexprience externe peut montrer dans chaque casparticulier sil en est ainsi. Il existe des statistiques de phnomnestrangers une signification (par exemple celles qui portent sur lamortalit, la fatigue, le rendement dune machine ou sur les chutes depluie), exactement dans le mme sens quil en existe de phnomnessignificatifs. Des statistiques sociologiques, cependant, il ny en a quedans le dernier cas (telles celles qui portent sur la criminalit, laprofession, les prix ou les exploitations agricoles). Il va de soi que les casqui comportent les deux lments, significatif et non significatif, sontfrquents, par exemple celui qui porte sur les rcoltes.

8. Les processus et rgularits auxquels nous naccordons pas ici laqualit de faits ou de rgles sociologiques , parce quils ne sont pascomprhensibles (au sens de notre terminologie), nont videmment paspour cette raison une moindre importance. Ils ne lont mme pas pourla sociologie au sens o nous la concevons ici (qui se limite la sociologie comprhensive que lon ne peut ni ne doit imposer personne). Pour des raisons mthodologiques absolument invitables, ilsentrent dans une autre problmatique que celle de lactivitcomprhensible : celle des conditions , occasions , entraves et facteurs qui favorisent cette activit.

9. Il ne saurait exister, notre avis, dactivit au sens dune orientation


significativement comprhensible dun comportement propre que sous laforme dun comportement dun ou plusieurs personnes singulires.

Il peut tre utile, voire ncessaire pour dautres buts de laconnaissance, de considrer lindividu singulier comme une sociation[Vergesellschaftung] de cellules , comme un complexe de ractionsbiochimiques, ou encore de concevoir sa vie psychique comme uneorganisation dlments isols (peu importe comment on les qualifie). Parces voies on aboutit indubitablement des connaissances dun trs grandprix (des rgles causales). Nanmoins nous ne saurions comprendre lecomportement de ces lments exprims dans des rgles. Cela vautgalement pour les lments psychiques, car on les comprend dautantmoins quils sont saisis plus exactement par les procds des sciencesnaturelles ; ce nest jamais la voie de linterprtation dun comportement partir dun sens vis. Au contraire, pour la sociologie (au sens que nousemployons ici, ainsi que pour lhistoire), cest prcisment lensemblesignificatif de lactivit qui constitue lobjet de lapprhension. Nouspouvons (du moins en principe) chercher observer ou infrer la suitedobservations le comportement dunits physiologiques (par exemple lescellules), ou celui de nimporte quels autres lments psychologiques,dgager ensuite des rgles (ou lois ) et grce celles-ci essayerd expliquer causalement certains processus singuliers, ce qui veutdire les subsumer sous des rgles. Malgr tout, linterprtation delactivit ne prend en considration ces faits et rgles que dans la mesureet au sens o elle tient compte de nimporte quels autres faits (parexemple les faits physiques, astronomiques, gologiques,mtorologiques, gographiques, botaniques, zoologiques,physiologiques, anatomiques, psychopathologiques trangers unesignification ou des faits techniques conditionns par les sciences de lanature).

Il peut dautre part tre opportun et directement indispensable, pourune autre srie de fins de la connaissance (par exemple juridiques) ou


pour des buts pratiques, de traiter certaines structures sociales(l tat , les coopratives , les socits par actions ou les fondations ) exactement de la mme faon que les individus singuliers(par exemple comme sujets de droits et de devoirs ou comme desauteurs dactes juridiquement importants). Par contre, pourlinterprtation comprhensive de lactivit que pratique la sociologie, cesstructures ne sont que des dveloppements et des ensembles duneactivit spcifique de personnes singulires, puisque celles-ci constituentseules les agents comprhensibles dune activit orientesignificativement. Malgr tout, la sociologie ne peut pas, mme pour sespropres fins, ignorer les formes collectives de pense qui ressortissent dautres procds de recherche. En effet, linterprtation de lactivitentretient avec ces concepts collectifs trois sortes de rapports : a) Elle estsouvent elle-mme oblige doprer avec des concepts collectifs tout fait analogues (ou mme trs souvent dsigns de la mme faon) pourarriver en gnral une terminologie comprhensible. Le langage desjuristes, aussi bien que le langage courant, dsigne par exemple par tat aussi bien le concept juridique que le phnomne concret delactivit sociale pour lequel valent les rgles de droit. Pour la sociologiele phnomne appel tat ne consiste pas ncessairement,uniquement ou exactement dans les lments importants du point de vuejuridique. En tout cas, il nexiste pas pour elle de personnalit collective exerant une activit . Quand elle parle d tat , de nation , de socit par actions , de famille , de corps darme ou destructures analogues, elle vise au contraire purement et simplement undveloppement de nature dtermine dune activit sociale effective ouconstruite comme possible ; [7] par consquent elle glisse sous leconcept juridique quelle utilise, cause de sa prcision et de son usagecourant, un sens totalement diffrent. b) Linterprtation de lactivitdoit tenir compte dun fait dimportance fondamentale : ces structurescollectives qui font partie de la pense quotidienne ou de la pense


juridique (ou dune autre pense spcialise) sont des reprsentationsde quelque chose qui est, pour une part, de ltant [Seiendes], pour uneautre part, du devant-tre [Geltensollendes], qui flotte dans la tte deshommes rels (non seulement les juges et les fonctionnaires, mais aussi le public ), daprs quoi ils orientent leur activit ; et ces structurescomme telles ont une importance causale fort considrable, souventmme dominante, pour la nature du droulement de lactivit deshommes rels. Cette importance, elles lont avant tout commereprsentations de quelque chose qui doit tre (ou au contraire ne doitpas tre). L tat moderne consiste pour une part non ngligeable enune structure de ce genre en tant quil est un complexe dactivitsdtres solidaires parce que des hommes dtermins orientent leuractivit daprs la reprsentation quil existe et doit exister sous cetteforme, par consquent que des rglementations orientes juridiquementen ce sens font autorit. Nous en reparlerons plus loin. Pour possiblequil soit, bien que pdant et prolixe, pour la terminologie propre lasociologie (voir ce qui a t dit sous a), dexclure entirement lesconcepts du langage courant quon utilise non seulement pour dsigner ledevoir-tre dordre juridique, mais aussi le devenir rel, et de leursubstituer des termes totalement nouveaux, il est vident quil ne faudraitpas le faire du moins dans le cas du problme important que nous venonsde poser. c) La mthode de la sociologie organiciste (dont le typeclassique est louvrage ingnieux de Schffle, Bau und Leben dessozialen Krpers) cherche expliquer la coopration sociale partir dela notion du tout (par exemple celui de lconomie), au sein duquelelle interprte pareillement lindividu singulier et son comportement, peuprs la manire dont le physiologiste traite la fonction dun organe corporel dans l conomie gnrale de lorganisme (cest--dire dupoint de vue de sa conservation ). (A comparer avec la dclarationclbre quun physiologiste fit un jour dans lun de ses cours : x : Larate. Messieurs, nous ne savons rien de la rate. Cest tout pour la rate !


En fait, le professeur en question savait beaucoup de choses sur larate : sa position, sa taille, sa forme, etc., il ignorait seulement sa fonction,et cest cette dfaillance quil appelait un non-savoir .) Laissons dect la question de savoir dans quelle mesure cette sorte dtudefonctionnelle des parties dans le tout doit avoir un caractre(ncessairement) dfinitif dans dautres disciplines ; personne nignoreque la recherche en biochimie et biomcanique ne saurait en principe sencontenter. Pour une sociologie interprtative ce langage peut tre utilepour deux raisons : 1o aux fins dillustrer pratiquement et dorienterprovisoirement la recherche (en ce cas il peut tre extrmement utile etncessaire, mais galement trs dangereux, si lon surestime sa valeurpour la connaissance et son faux ralisme conceptuel) ; 2o seul il peut, lecas chant, nous aider dceler lactivit sociale dont la comprhensionpar interprtation est importante pour lexplication dun ensemble. Envrit, ce nest qu ce moment-l que commence le travail de lasociologie (telle que nous lentendons ici). En effet, dans le cas des structures sociales ( loppos des organismes ), nous sommes enmesure dapporter par-del la constatation de relations et rgles (les lois ) fonctionnelles quelque chose de plus qui reste ternellementinaccessible toute science de la nature (au sens o elle tablit lesrgles causales de processus et de structures et explique partir de lles phnomnes singuliers) : il sagit de la comprhension ducomportement des individus singuliers qui y participent, alors que nousne pouvons pas comprendre le comportement des cellules par exemple,mais lapprhender seulement fonctionnellement et le dterminer ensuitedaprs les rgles de son dveloppement. Cet acquis supplmentaire estcependant pay chrement, car il est obtenu au prix du caractreessentiellement hypothtique et fragmentaire des rsultats auxquels onparvient par linterprtation. Nanmoins, cest prcisment en cela queconsiste la spcificit de la connaissance sociologique.

Je laisserai ici entirement de ct la question de savoir dans quelle


mesure le comportement des animaux nous est significativement comprhensible et inversement le ntre aux animaux dans les deuxcas le sens en reste trs incertain et la porte extrmement problmatique et aussi dans quelle mesure il pourrait y avoir thoriquement de ce faitune sociologie des relations entre lhomme et les animaux (les animauxdomestiques ou de chasse). (Cest que de nombreux animaux comprennent un ordre, une colre, lamour, lintention agressive et ils yragissent manifestement non seulement dune faon mcanique etinstinctive, mais aussi avec plus ou moins de conscience significative etdorientation selon lexprience.) Le degr de notre capacit dempathiedans le cas du comportement des hommes de la nature nest en soigure suprieur. Quant aux moyens srs pour dterminer lecomportement subjectif de lanimal, ils font en partie dfaut, en partie ilssont trs insuffisants : tout le monde sait bien que les problmes de lapsychologie animale sont aussi intressants qupineux. Personnenignore non plus quon rencontre les formes de sociation animale les plusdiverses : familles monogamiques et polygamiques, troupeaux, bandeset enfin tats comportant une division du travail. (Le degr dediffrenciation des fonctions dans ces formes de sociation animale nestaucunement parallle au degr de diffrenciation du dveloppement desorganes [8] ou du dveloppement morphologique des espces animalesen question. Il en est ainsi de la diffrenciation des fonctions chez lestermites, dont les ouvrages sont en consquence plus diffrencis queceux des fourmis et des abeilles.) Il est vident que dans ces cas ltudepurement fonctionnelle pour dcouvrir les fonctions dterminantes queremplissent les divers types dindividus ( rois , reines , ouvrires , soldats , bourdons , talons de reproduction , reines derechange ) afin dassurer la conservation de lespce, cest--dire pourla nourriture, la dfense, la propagation ou la reproduction des socitsen question, constitue trs souvent, du moins pour linstant, le stadedfinitif, la recherche devant se contenter de cette constatation. Pendant


assez longtemps, les recherches qui dpassaient ces limites ntaient quede pures et simples spculations ou des tudes sur le degr de lacontribution possible soit de lhrdit, soit du milieu dans ledveloppement de ces aptitudes sociales . (Voir notamment cepropos la controverse entre Weismann dont la thorie de la toute-puissance de la slection naturelle se fondait en grande partie sur desdductions totalement extra-empiriques et Gtte.) La recherchesrieuse est videmment daccord pour considrer cette limitation auxtudes fonctionnelles comme une satisfaction force et, espre-t-elle,purement provisoire. (Sur ltat actuel des recherches sur les termites parexemple, voir louvrage dEscherich, 1909.)

Il ne sagit pas seulement de reconnatre l importance pour laconservation de lespce , assez facile saisir, des fonctions de cesdivers types diffrencis, ni non plus dadmettre comme claircie lamanire dont cette diffrenciation est explicable suivant que lonnaccepte pas lhrdit des caractres acquis ou, inversement, suivantquon laccepte (auquel cas il faut prciser comment on interprte lathorie), mais nous voulons galement savoir : 1o quel est le facteur quidcide de lapparition de la diffrenciation dans lindividualit originelleprimitivement neutre et indiffrencie ; 2o ce qui incite lindividudiffrenci se comporter (en moyenne) de la manire qui est utileeffectivement aux intrts de la conservation du groupe diffrenci.Chaque fois que le travail a progress en ce domaine, ce fut toujours parla voie exprimentale, grce des constatations (ou des suppositions)dexcitants chimiques ou de faits physiologiques (processus de nutrition,castration parasitaire, etc.) observs sur des individus singuliers. Quant lespoir problmatique dune probabilit quun jour on expliquera par lavoie exprimentale lexistence psychologique et lorientation significative , le spcialiste lui-mme aurait de la peine nous fourniractuellement des indications. Limage contrlable de la psych de cesindividualits animales vivant en socit, fonde sur une


comprhension significative, apparat elle-mme comme un but idalqui nest sans doute ralisable que dans dtroites limites. Quoi quil ensoit, ce nest certainement pas par ce moyen quon peut esprer arriver une comprhension de lactivit sociale de lhomme, car on yprocde plutt inversement, puisque lon travaille dans ce domaine et quelon est oblig dy travailler avec des analogies humaines. Ce que lonpeut esprer peut-tre, cest que ces analogies pourront un jour treutiles pour rsoudre le problme suivant : comment faut-il apprcierdurant les stades primitifs de la diffrenciation sociale humaine la sphrede la diffrenciation purement mcanique et instinctive relativement cequi est comprhensible significativement dans lindividu, et par la suite ce qui est cr rationnellement par une conscience ? Il est videmmentncessaire pour la sociologie comprhensive de savoir clairement qulpoque primitive de lhumanit la diffrenciation instinctive tait endfinitive prpondrante, de mme quelle doit rester consciente du faitquaux stades ultrieurs du dveloppement celle-ci na jamais cessdintervenir (cette intervention tant parfois dune importance dcisive).Toute lactivit traditionnelle (voir 2) et dimportantes stratifications[Schichten] du charisme (voir chap. III), en tant que germes dune contagion psychologique et par l en tant quagents dune excitationsociologique au dveloppement , sont trs proches, traversdimperceptibles transitions, des processus de ce genre que lon ne peutsaisir que biologiquement et que lon ne saurait (ou seulementpartiellement) interprter comprhensivement et expliquer par unemotivation. Mais tout cela ne dlie pas la sociologie comprhensive delobligation daccomplir, avec la claire conscience des limites troitesdans lesquelles elle est confine, ce quelle seule est vraiment en tatdaccomplir.

Les divers travaux dOthmar Spann, souvent riches en bonnes ides, ilest vrai ct de malentendus malencontreux, et avant tout dargumentsqui se fondent sur de purs jugements de valeur qui nont rien voir avec


une recherche empirique, ont indiscutablement raison de mettre laccent,pour toute sociologie, sur limportance, que personne na jamaissrieusement conteste, de la question pralable de la notion de fonction(quil baptise mthode universaliste ). Certes, il nous faut dabordsavoir quelle activit est fonctionnellement importante du point de vue dela conservation (mais en plus et mme avant tout du point de vue dela singularit culturelle !) et de lorientation dtermine du dveloppementultrieur du type dactivit sociale, pour pouvoir poser ensuite lesquestions : comment ce genre dactivit a-t-elle lieu ? quels sont lesmotifs qui la conditionnent ? Il faut donc savoir dabord quel servicerendent un roi , un fonctionnaire , un entrepreneur , un souteneur ou un magicien par consquent quelle activit typiqueest importante pour lanalyse et entre en ligne de compte (tant donnque cela seul permet de la classer dans une de ces catgories), avant desattaquer lanalyse elle-mme (il sagit du rapport aux valeurs ausens de Rickert). Ce nest cependant que cette analyse qui ralisevraiment ce quune comprhension sociologique de lactivit dtreshumains, [9] diffrencis typiquement (et uniquement dtres humains),peut et par consquent doit accomplir. Il faut en tout cas proscrire lemalentendu monstrueux suivant lequel la mthode individualisante (quel que soit le sens possible quon lui donne) signifierait la mme chosequune valuation individualiste, tout comme il faut rejeter lopinionsuivant laquelle le caractre invitablement (mais relativement) rationalistede llaboration de concepts signifierait une croyance en laprdominance des motifs rationnels ou mme une valuation positivedu rationalisme . Du point de vue sociologique, une conomiesocialiste devrait elle aussi tre comprise par interprtation de faon toutaussi individualiste , cest--dire partir de lactivit des individusparticuliers les types de fonctionnaires quelle produit, que parexemple les processus dchange dans la thorie du marginalisme (outoute autre mthode meilleure quon peut laborer, mais qui serait


analogue pour ce qui concerne ce point). En effet, dans ce cas aussi letravail empirico-sociologique dterminant commence invariablement parla question suivante : quels sont les motifs qui ont dtermin et quidterminent les divers fonctionnaires ou membres de la communaut adopter un comportement capable de la faire natre et durer ? Touteconstruction conceptuelle fonctionnelle (qui part du tout ) nest quuntravail prliminaire, dont lutilit et la ncessit sont videmmentindiscutables sil a t effectu correctement.

10. Les lois , terme par lequel on dsigne dordinaire maintespropositions gnrales de la sociologie comprhensive par exemple la loi de Gresham consistent en des chances typiques, confirmes parlobservation, dun droulement de lactivit sociale auquel on peutsattendre, au cas o certains faits sont donns, et qui sontcomprhensibles partir de motifs typiques et dun sens vis typiquedes agents. Elles sont comprhensibles et univoques au plus haut degrpour autant que des motifs purement rationnels en finalit sont la basedu droulement typique observ (ou constituent respectivement lassiettedu type construit mthodiquement pour des raisons appropries), et pourautant que, en mme temps, la relation de moyen fin est univoquesuivant les leons de lexprience (au cas o le moyen est invitable ).En ce cas il est permis de dire que si lon agissait dune faonstrictement rationnelle en finalit, il faudrait agir de telle manire et nondune autre (parce que, pour des raisons techniques , les participantsnauraient leur disposition que ce moyen-l et non un autre pour servirleurs fins dterminables de faon univoque). Ce cas montre prcismenten mme temps combien il est faux de considrer une psychologie, quellequelle soit, comme le fondement dernier de la sociologiecomprhensive. De nos jours, en effet, chacun entend autre chose par psychologie . Certaines raisons mthodologiques trs prcisesjustifient, du point de vue de ltude naturalistique de certainsphnomnes, une distinction entre le physique et le psychique qui,


ainsi comprise, est cependant trangre aux disciplines qui ont pourobjet lactivit. Les rsultats dune science psychologique, quelle que soitsa structure mthodologique, qui ntudierait le psychique que dans lesens de la mthode naturalistique avec les moyens des sciences de lanature et qui par consquent ce qui signifie tout fait autre chose ninterprterait pas de son ct le sens vis dun comportement humain,peuvent videmment tre tout aussi importants pour linvestigationsociologique, et souvent ils le sont considrablement, que ceux denimporte quelle autre science. Cependant, la sociologie nentretient pasavec la psychologie des rapports gnraux plus troits quavec nimportequelle autre discipline. Lerreur a sa source dans le concept de psychique : ce qui nest pas physique serait psychique . Lesens dune opration arithmtique nest pourtant pas psychique . Larflexion rationnelle dun homme qui se demande si une activitdtermine est, suivant les intrts donns avec prcision, profitable ounon aux consquences quil en attend et la dcision quil prend par lasuite en fonction du rsultat ne nous deviennent en rien pluscomprhensibles au moyen de considrations psychologiques . Orcest sur ce genre de prsuppositions rationnelles que la sociologie (ycompris lconomie politique) construit la plupart de ses lois . Parcontre, lorsquil sagit dexpliquer les irrationalits de lactivit, il estindiscutable que la psychologie comprhensive peut effectivement rendredes services dfinitivement importants. Mais cela ne modifie en rien leproblme fondamental de la mthodologie.

11. La sociologie ainsi que nous lavons maintes reprisesprsuppos comme vident labore des concepts de types et elle esten qute de rgles gnrales du devenir. Elle soppose lhistoire qui apour objet lanalyse et limputation causale dactes, de structures et depersonnalits individuelles, culturellement importants. Llaboration deconcepts propre la sociologie prend ses matriaux, sous la forme deparadigmes, dans les ralits de lactivit qui sont galement importantes


pour les points de vue de lhistoire. Elle labore ses concepts et enrecherche les rgles avant tout galement du point de vue de la possibilitde rendre service limputation causale historique des phnomnesimportants pour la culture. Comme pour toute science gnralisante lesabstractions qui lui sont propres font que ses concepts ne sauraient treque relativement vides en contenu par rapport la ralit concrtedordre historique. [10] En compensation elle fournit une univocitaccrue des concepts. Cette univocit accrue est obtenue par un optimumaussi lev que possible dadquation significative, ainsi que llaborationsociologique des concepts se le propose. Cette adquation et cestcela qui a t jusqu prsent pris en considration de faonprpondrante peut tre obtenue de faon particulirement complte propos des concepts et des rgles rationnels (rationnels en finalit ourationnels en valeur). Mais la sociologie cherche aussi saisir au moyende concepts thoriques et prcisment adquats significativement lesphnomnes irrationnels (mystiques, prophtiques, pneumatiques ouaffectuels). Que lobjet de son tude soit rationnel ou irrationnel, lasociologie sloigne de la ralit et rend service la connaissance en cesens que, en indiquant le degr de lapproximation dun vnementhistorique relativement un ou plusieurs concepts, elle permet dintgrercet vnement. Le mme vnement historique peut par exemple avoirpar un de ses aspects une structure fodale , par un autre patrimoniale , par dautres bureaucratique et par dautres encore charismatique . Si lon veut penser quelque chose dunivoque sousces termes, la sociologie est oblige dlaborer de son ct des types( idaux ) purs de chacune de ces sortes de structures qui rvlentalors chacune pour soi lunit cohrente dune adquation significativeaussi complte que possible, mais qui, pour cette raison, ne se prsententpeut-tre pas davantage dans la ralit sous cette forme pure,absolument idale, quune raction physique que lon considre souslhypothse dun espace absolument vide. Ce nest que sur la base de ce


pur type ( idal ) quune casuistique sociologique est possible. Il va desoi que la sociologie utilise galement, suivant les circonstances, leconcept de type moyen, du mme genre que les types empirico-statistiques, mais il sagit l de formations conceptuelles qui nappellentaucun commentaire mthodologique spcial. Chaque fois cependantquelle parle de cas typiques , elle dsigne toujours par ce terme, encas de doute, lidaltype qui peut de son ct avoir un caractrerationnel ou irrationnel. Le plus souvent il est rationnel (et dans la thorieconomique il lest par exemple toujours), mais invitablement il estconstruit dune manire significativement adquate.

Il est ncessaire de se rendre clairement compte que dans le domainede la sociologie on ne peut laborer de manire relativement univoquedes concepts de moyenne ou de type moyen que l o il sagit dediffrences de degr dans des comportements significatifs dtermins,qualitativement de mme nature. On en rencontre. Dans la plupart descas cependant lactivit sociologiquement ou historiquement importanteest influence par des motifs qualitativement htrognes, entre lesquelsil nest pas possible dtablir une moyenne au sens propre du terme.Les constructions idaltypiques de lactivit sociale qulabore parexemple la thorie conomique sont trangres la ralit [wirklichkeitsfremd] en ce sens quelles se demandent toujours dumoins dans le cas prsent comment lon agirait dans le cas dunerationalit en finalit idale et en mme temps oriente dans un senspurement conomique, pour pouvoir saisir de la sorte lactivit pure entant quelle a t coconditionne [mitbestimmt] pour le moins par desobstacles de caractre traditionnel, des affections, des erreurs, parlintervention de buts non conomiques et dautres prcautions, et ainsi1o la comprendre dans la mesure o elle a t effectivementcoconditionne de faon conomiquement rationnelle par finalit dans lecas concret ou quelle lest dordinaire dans le cas dune tude portantsur la moyenne, 2o discerner plus facilement, grce lcart entre le


dveloppement effectif et le dveloppement idaltypique quels en ont tle s vritables motifs. Une construction idaltypique dune attitudeacosmique cohrente, conditionne par la mystique, face la vie (parexemple face la politique ou lconomie) procderait dune maniretout fait analogue. Plus la construction des idaltypes est rigoureuse,cest--dire plus elle est trangre la ralit en ce sens, mieux elleremplit son rle du point de vue de la terminologie et de la classificationaussi bien que de celui de la recherche. Les imputations causalesconcrtes dvnements historiques qulabore lhistoire ne procdent ensubstance pas autrement. Par exemple, quand elles se proposentdexpliquer le droulement de la campagne de 1866, elles cherchentdabord laborer ( en pense ) aussi bien pour Moltke que pourBenedek (et finalement elle ne peut pas faire autrement) commentchacun deux aurait agi dans le cas dune rationalit idale en finalit, silavait eu une connaissance complte des situations respectives dans sonpropre camp et dans celui de ladversaire, pour comparer ensuite aveccette construction comment ils ont agi en ralit et expliquer enconsquence causalement lcart observ (en raison soit de mauvaisrenseignements, soit derreurs de fait ou de prvision, soit dutemprament personnel, soit de considrations trangres la stratgie).Ici aussi on utilise (de faon latente) une construction idaltypiquerationnelle en finalit.

Les constructions conceptuelles sont du point de vue idaltypique nonseulement usage externe, mais aussi interne. Dans la grande masse descas, lactivit relle se droule dans une obscure semi-conscience oudans la non-conscience [Unbewutheit] du sens vis . Lagent le sent imprcisment plus quil ne le connat ou ne le penseclairement ; il agit dans la plupart des cas en obissant une impulsionou la coutume. Ce nest quoccasionnellement quon prend consciencedu sens (quil soit rationnel ou irrationnel) de lactivit, et dans les cas delactivit similaire dune masse cest souvent le fait de quelques individus


seulement. Une activit effectivement significative, ce qui veut direpleinement consciente et claire, nest jamais en ralit quun cas limite.Toute recherche historique ou sociologique devra sans cesse en tenircompte quand elle analyse la ralit. [11] Mais cela ne doit pasempcher la sociologie dlaborer ses concepts par une classification du sens vis possible, cest--dire comme si lactivit se droulaiteffectivement avec la conscience de son orientation significative. Quand ilsagit dtudier ces concepts dans leurs lments concrets, elle doit entout temps prendre en considration leur cart par rapport la ralit eten dterminer le degr et le genre.

Mthodologiquement, on na trs souvent que le choix entre destermes confus et des termes clairs, ceux-ci tant alors irrels et idaltypiques . Dans ce cas il faut, du point de vue de la science,donner la prfrence ces derniers. (Sur toutes ces questions, voir monarticle dj cit de lArchiv fr Sozialwissenschaft, XIX, loc. cit.)

B. Le concept dactivit sociale.

1. Lactivit sociale (y compris lomission ou la tolrance) peutsorienter daprs le comportement pass, prsent ou attenduventuellement dautrui (vengeance pour rparer une agression passe,dfense contre une agression prsente, mesures de dfense prendrecontre une agression ventuelle). Par autrui il faut entendre ou biendes personnes singulires et connues, ou bien une multitude indtermineet totalement inconnue (l argent par exemple signifie un biendchange que lagent accepte au cours dun change parce quil orienteson activit daprs lexpectation [Erwartung] que de trs nombreusesautres personnes, inconnues et indtermines, sont prtes de leur ct faire un change ventuel).

2. Nimporte quelle espce dactivit y compris dactivit externe


nest pas une activit sociale dans le sens du terme auquel noustenons ici. Une activit externe ne lest pas si elle soriente purement etsimplement daprs les expectations du comportement dobjets matriels.Le comportement intime nest une activit sociale qu la condition desorienter daprs le comportement dautrui. Un comportement religieuxpar exemple ne lest pas sil nest que contemplation, prire solitaire, etc.Lactivit conomique (dun individu isol) ne lest que dans le cas etdans la mesure o elle fait intervenir le comportement de tiers. Elle lestde faon tout fait gnrale et formelle ds quelle spcule sur le fait quedes tiers respecteront le pouvoir personnel de disposer en fait de biensconomiques. Elle lest sous le rapport matriel quand elle prend parexemple en considration pour la consommation lventuel dsir de tierset quelle y oriente en partie la forme de sa propre pargne . Ouencore quand, dans la production, elle fait du dsir ventuel de tiers lefondement de son orientation, etc.

3. Nimporte quel contact entre les hommes nest pas de caractresocial, mais seul lest le comportement propre qui sorientesignificativement daprs le comportement dautrui. La collision entredeux cyclistes par exemple est un simple vnement au mme titre quunphnomne de la nature. Serait une activit sociale la tentativedviter lautre et les injures, la bagarre ou larrangement lamiable quisuivraient la collision.

4. Lactivit sociale nest identique ni (a) avec une activit uniforme[gleichmiges Handeln] de plusieurs personnes ni (b) avec nimportequelle activit influence [beeinflut] par le comportement dautrui.

a) Lorsque dans la rue de nombreux passants ouvrent en mme tempsleur parapluie, au moment o la pluie se met tomber, lactivit de lunnest pas oriente (normalement) daprs celle des autres, elle sorienteuniformment daprs la ncessit de se protger contre londe, b) Onsait que lactivit de lindividu isol est considrablement influence par lesimple fait quil se trouve, en un lieu donn, noy au milieu dune


masse (cest l lobjet des recherches sur la psychologie desfoules , par exemple les travaux de Le Bon) : il sagit de lactivitconditionne par la masse [massenbedingtes Handeln]. De mme desmasses disperses peuvent faire que, grce au comportement du grandnombre qui exerce un effet simultanment ou successivement surlindividu isol (par le canal de la presse par exemple) et qui le ressentcomme tel, le comportement de lindividu soit conditionn par la masse.Certaines espces de ractions deviennent possibles, dautres sontrendues plus difficiles, du simple fait que lindividu isol se sent comme unlment de la masse . Par consquent, une circonstance dtermine,ou un comportement humain, peut susciter les sentiments les plus divers,tels que la gaiet, la colre, lenthousiasme, le dsespoir ou des passionsde toute espce qui napparatraient pas (ou pas aussi facilement) dans lasolitude sans que pourtant il y ait (du moins dans de nombreux cas) unequelconque relation significative entre le comportement de lindividu etsa condition de membre dune masse . Une activit qui seraitpurement ractive dans son droulement, parce que provoque oucoconditionne par leffet de la simple situation de fait quil y a une masse purement comme telle, et qui ne sy rapporterait passignificativement, ne serait pas conceptuellement une activit sociale au sens que nous entendons ici. La diffrence est videmment trsflottante. En effet, on peut rencontrer par exemple non seulement chez ledmagogue, mais souvent aussi dans la masse mme du public, un degrplus ou moins lev et plus ou moins facile interprter de relationsignificative du fait mme de lexistence dune masse .

Une simple imitation de lactivit dautrui (sur limportance delaquelle G. Tarde a trs justement mis laccent) ne serait pasconceptuellement une activit sociale en un sens spcifique si elle seproduisait par simple raction, sans orientation significative de lactivitpropre daprs celle dautrui. La frontire est ce point flottante quil est peine possible de faire une distinction. Le simple fait [12] quun individu


adopte une disposition quil a remarque chez autrui et quelle lui sembleutile ne constitue pas encore une activit sociale en notre sens. En effet,cette activit ne soriente pas daprs le comportement dautrui, mais,ayant appris connatre par lobservation du comportement dautrui quilexiste certaines chances objectives, lagent soriente daprs celles-ci.Son activit est donc dtermine causalement et non significativementpar le comportement tranger. Au contraire, si lon imite lactivit dautruiparce que telle est la mode , quelle vaut par tradition, quelle estexemplaire, quelle passe pour distingue dans certains milieux ouautres raisons analogues, nous sommes en prsence dune relationsignificative, soit par rapport au comportement des imits, soit celui detiers, soit aux deux la fois. Il y a videmment entre tout cela destransitions. Les deux cas, celui de lactivit conditionne par la masse etcelui de limitation, sont flottants et constituent des cas limites de lactivitsociale, ainsi quon le constate par exemple encore trs souvent danslactivit traditionnelle (voir 2). La raison de cette indterminabilitrside dans ce cas, comme dans de nombreux autres, dans le fait quilnest pas toujours possible dtablir de faon univoque ou mme davoirseulement conscience, plus rarement encore totalement conscience, delorientation daprs le comportement dautrui et du sens de sa propreactivit. Cest pourquoi on ne peut pas toujours faire avec sret ladistinction entre la simple influence et l orientation significative.Du point de vue conceptuel il faut cependant les sparer, bien quil aillede soi que limitation qui nest que raction a pour le moins la mmeporte sociologique que celle qui produit une activit sociale au sensvritable du terme. La sociologie na pas uniquement affaire l activit sociale , car celle-ci ne constitue (dans une sociologie telleque nous la pratiquons ici) que le problme central, celui qui est pourainsi dire constitutif de la science quelle est. En disant cela nous neprtendons affirmer quoi que ce soit sur limportance de ce problmerelativement dautres.


2. Dterminants de lactivit sociale.

Comme toute autre activit, lactivit sociale peut tre dtermine : a)de faon rationnelle en finalit [zweckrational], par des expectationsdu comportement des objets du monde extrieur ou de celui dautreshommes, en exploitant ces expectations comme conditions ou comme moyens pour parvenir rationnellement aux fins propres, mrementrflchies, quon veut atteindre ; b) de faon rationnelle en valeur[wertrational], par la croyance en la valeur intrinsque inconditionn lie dordre thique, esthtique, religieux ou autre dun comportementdtermin qui vaut pour lui-mme et indpendamment de son rsultat ; c)de faon affectuelle [affektuel], et particulirement motionnelle, pardes passions et des sentiments actuels ; d) de faon traditionnelle[traditional], par coutume invtre.

1. Le comportement strictement traditionnel tout comme limitationpar simple raction (voir paragraphe prcdent) se situe absolument la limite, et souvent au-del, de ce quon peut appeler en gnral uneactivit oriente significativement . Il nest, en effet, trs souventquune manire morne de ragir des excitations habituelles, quisobstine dans la direction dune attitude acquise autrefois. La masse detoutes les activits quotidiennes familires se rapproche de ce type quientre dans la systmatique non seulement comme cas limite, mais aussiparce que (on le verra plus loin) lattachement aux coutumes peut tremaintenu consciemment en des proportions et en un sens variables : dansce cas, ce type se rapproche dj du type discut sous 2.

2. Le comportement strictement affectuel se situe galement la limiteet souvent au-del de ce qui est orient de manire significativementconsciente ; il peut ntre quune raction sans frein une excitationinsolite. Nous avons affaire une sublimation lorsque lactivit


conditionne par les affects apparat comme un effort conscient poursoulager un sentiment ; dans ce cas, elle se rapproche la plupart du temps(mais pas toujours) dune rationalisation en valeur , o dune activiten finalit, ou des deux la fois.

3. Lorientation affectuelle et lorientation rationnelle en valeur delactivit se diffrencient lune de lautre par le fait que la seconde laboreconsciemment les points de direction ultimes de lactivit et sorientedaprs ceux-ci dune manire mthodiquement consquente. Pour lereste elles ont en commun le fait que pour lune et lautre le sens delactivit ne se situe pas dans le rsultat, conu comme tant au-deldelle-mme, mais dans lactivit ayant comme telle une naturedtermine. Agit de manire affectuelle celui qui cherche satisfaire lebesoin dune vengeance actuelle, dune jouissance actuelle, dundvouement actuel, dune flicit contemplative actuelle, ou encore celuiqui cherche se dbarrasser dune excitation actuelle (peu importe sil lefait dune manire indigne ou sublime).

Agit dune manire purement rationnelle en valeur celui qui agit sanstenir compte des consquences prvisibles de ses actes, au service quilest de sa conviction portant sur ce qui lui apparat comme command parle devoir, la dignit, la beaut, les directives religieuses, la pit ou lagrandeur dune cause , quelle quen soit la nature. Lactivit rationnelleen valeur consiste toujours (au sens de notre terminologie) en une activitconforme des impratifs ou des exigences dont lagent croitquils lui sont imposs. Ce nest que dans la mesure o lactivit humainesoriente [13] daprs ce genre dexigences que nous parlerons dunerationalit en valeur ce qui narrive jamais que dans une proportion plusou moins grande et le plus souvent assez rduite. Comme on le verra, ellea cependant suffisamment dimportance pour que nous la mettions envidence comme type spcial, bien quau demeurant nous ne cherchionsnullement laborer une classification complte des types dactivits.

4. Agit de faon rationnelle en finalit celui qui oriente son activit


daprs les fins, moyens et consquences subsidiaires [Nebenfolge] etqui confronte en mme temps rationnellement les moyens et la fin, la finet les consquences subsidiaires et enfin les diverses fins possibles entreelles. En tout cas, celui-l nopre ni par expression des affects (e

Economie Et Societé - Tome I - Max Weber

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